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Nana - Lecteurs.com

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de rance ; il supportait M me Lerat et ses ragots, le petit Louis et sesplaintes tristes d’enfant rongé de mal, quelque pourriture léguée par unpère inconnu. Mais il passait des heures plus mauvaises. Un soir, derrièreune porte, il avait entendu <strong>Nana</strong> raconter furieusement à sa femmede chambre qu’un prétendu riche venait de la flouer ; oui, un belhomme, qui se disait américain, avec des mines d’or dans son pays, unsalaud qui s’en était allé pendant son sommeil, sans laisser un sou, enemportant même un cahier de papier à cigarettes ; et le <strong>com</strong>te, très pâle,avait redescendu l’escalier sur la pointe des pieds, pour ne pas savoir.Une autre fois, il fut forcé de tout connaître. <strong>Nana</strong>, toquée d’un barytonde café-concert et quittée par lui, rêva de suicide, dans une crise de sentimentaliténoire ; elle avala un verre d’eau où elle avait fait tremper unepoignée d’allumettes, ce qui la rendit horriblement malade, sans la tuer.Le <strong>com</strong>te dut la soigner et subir l’histoire de sa passion, avec des larmes,des serments de ne plus jamais s’attacher aux hommes. Dans son méprisde ces cochons, <strong>com</strong>me elle les nommait, elle ne pouvait pourtant resterle cœur libre, ayant toujours quelque amant de cœur sous ses jupes, roulantaux béguins inexplicables, aux goûts pervers des lassitudes de soncorps. Depuis que Zoé se relâchait par calcul, la bonne administration del’hôtel était détraquée, au point que Muffat n’osait pousser une porte, tirerun rideau, ouvrir une armoire ; les trucs ne fonctionnaient plus, desmessieurs traînaient partout, on se cognait à chaque instant les uns dansles autres. Maintenant, il toussait avant d’entrer, ayant failli trouver lajeune femme au cou de Francis, un soir qu’il venait de s’absenter deuxminutes du cabinet de toilette pour dire d’atteler, pendant que le coiffeurdonnait à Madame un dernier coup de peigne. C’étaient des abandonsbrusques derrière son dos, du plaisir pris dans tous les coins, vivement,en chemise ou en grande toilette, avec le premier venu. Elle le rejoignaittoute rouge, heureuse de ce vol. Avec lui, ça l’assommait, une corvéeabominable !Dans l’angoisse de sa jalousie, le malheureux en arrivait à être tranquille,lorsqu’il laissait <strong>Nana</strong> et Satin ensemble. Il l’aurait poussée à cevice, pour écarter les hommes. Mais, de ce côté encore, tout se gâtait. <strong>Nana</strong>trompait Satin <strong>com</strong>me elle trompait le <strong>com</strong>te, s’enrageant dans des toquadesmonstrueuses, ramassant des filles au coin des bornes. Quandelle rentrait en voiture, elle s’amourachait parfois d’un souillon aperçusur le pavé, les sens pris, l’imagination lâchée ; et elle faisait monter lesouillon, le payait et le renvoyait. Puis, sous un déguisement d’homme,c’étaient des parties dans des maisons infâmes, des spectacles de débauchedont elle amusait son ennui. Et Satin, irritée d’être lâchée314

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