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Nana - Lecteurs.com

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elle y prenait une place considérable, connue de toutes les capitales, demandéepar tous les étrangers, ajoutant aux splendeurs de cette foule lecoup de folie de sa débauche, <strong>com</strong>me la gloire même et la jouissance aiguëd’une nation. Puis, les liaisons d’une nuit, des passades continuellesdont elle-même chaque matin perdait le souvenir, la promenaient dansles grands restaurants, souvent à Madrid, par les beaux jours. Le personneldes ambassades défilait, elle dînait avec Lucy Stewart, Caroline Héquet,Maria Blond, en <strong>com</strong>pagnie de messieurs écorchant le français,payant pour être amusés, les prenant à la soirée avec ordre d’être drôles,si blasés et si vides, qu’ils ne les touchaient même pas. Et elles appelaientça « aller à la rigolade », elles rentraient, heureuses de leurs dédains, finirla nuit aux bras de quelque amant de cœur.Le <strong>com</strong>te Muffat feignait d’ignorer, lorsqu’elle ne lui jetait pas leshommes à la tête. Il souffrait d’ailleurs beaucoup des petites hontes del’existence quotidienne. L’hôtel de l’avenue de Villiers devenait un enfer,une maison de fous, où des détraquements, à toute heure, amenaient descrises odieuses. <strong>Nana</strong> en arrivait à se battre avec ses domestiques. Uninstant, elle se montra très bonne pour Charles, le cocher ; lorsqu’elles’arrêtait dans un restaurant, elle lui envoyait des bocks par un garçon ;elle causait de l’intérieur de son landau, égayée, le trouvant cocasse, aumilieu des embarras de voitures, quand « il s’engueulait avec les sapins». Puis, sans raison, elle le traita d’idiot. Toujours elle se chamaillaitpour la paille, pour le son, pour l’avoine ; malgré son amour des bêtes,elle trouvait que ses chevaux mangeaient trop. Alors, un jour de règlement,<strong>com</strong>me elle l’accusait de la voler, Charles s’emporta et l’appela salope,crûment ; bien sûr, ses chevaux valaient mieux qu’elle, ils ne couchaientpas avec tout le monde. Elle répondit sur le même ton, le <strong>com</strong>tedut les séparer et mettre le cocher à la porte. Mais ce fut le <strong>com</strong>mencementd’une débâcle parmi les domestiques. Victorine et François partirent,à la suite d’un vol de diamants. Julien lui-même disparut ; et unehistoire courait, c’était monsieur qui l’avait supplié de s’en aller, en luidonnant une grosse somme, parce qu’il couchait avec Madame. Tous leshuit jours, on voyait à l’office des figures nouvelles. Jamais on n’avaittant gâché ; la maison était <strong>com</strong>me un passage où le rebut des bureauxde placement défilait dans un galop de massacre. Zoé seule restait, avecson air propre et son unique souci d’organiser ce désordre, tant qu’ellen’aurait pas de quoi s’établir pour son <strong>com</strong>pte, un plan dont elle mûrissaitl’idée depuis longtemps.Et ce n’était là encore que les soucis avouables. Le <strong>com</strong>te supportait lastupidité de M me Maloir, jouant au bézigue avec elle, malgré son odeur313

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