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Nana - Lecteurs.com

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maquette de la Nuit. Comme elle le reconduisait, <strong>Nana</strong> se rappela le boulanger.Et brusquement :– À propos, tu n’aurais pas dix louis sur toi ?Un principe de Labordette, dont il se trouvait bien, était de ne jamaisprêter d’argent aux femmes. Il faisait toujours la même réponse.– Non, ma fille, je suis à sec… Mais veux-tu que j’aille chez ton petitmufe ?Elle refusa, c’était inutile. Deux jours auparavant, elle avait tiré cinqmille francs du <strong>com</strong>te. Cependant, elle regretta sa discrétion. Derrière Labordette,bien qu’il fût à peine deux heures et demie, le boulanger reparut; et il s’installa sur une banquette du vestibule, brutalement, en juranttrès haut. La jeune femme l’écoutait du premier étage. Elle pâlissait, ellesouffrait surtout d’entendre grandir jusqu’à elle la joie sourde des domestiques.On crevait de rire dans la cuisine ; le cocher regardait du fondde la cour, François traversait sans raison le vestibule, puis se hâtaitd’aller donner des nouvelles, après avoir jeté au boulanger un ricanementd’intelligence. On se fichait de Madame, les murs éclataient, elle sesentait toute seule dans le mépris de l’office, qui la guettait etl’éclaboussait d’une blague ordurière. Alors, <strong>com</strong>me elle avait eu l’idéed’emprunter les cent trente-trois francs à Zoé, elle l’abandonna ; elle luidevait déjà de l’argent, elle était trop fière pour risquer un refus. Unetelle émotion la soulevait, qu’elle rentra dans sa chambre, en parlant touthaut.– Va, va, ma fille, ne <strong>com</strong>pte que sur toi… Ton corps t’appartient, et ilvaut mieux t’en servir que de subir un affront.Et, sans même appeler Zoé, elle s’habillait fiévreusement pour courirchez la Tricon. C’était sa suprême ressource, aux heures de gros embarras.Très demandée, toujours sollicitée par la vieille dame, elle refusait ouse résignait, selon ses besoins ; et les jours, de plus en plus fréquents, oùdes trous se faisaient dans son train royal, elle était sûre de trouver làvingt-cinq louis qui l’attendaient. Elle se rendait chez la Tricon, avecl’aisance de l’habitude, <strong>com</strong>me les pauvres gens vont au mont-de-piété.Mais, en quittant sa chambre, elle se heurta dans Georges, debout aumilieu du salon. Elle ne vit pas sa pâleur de cire, le feu sombre de sesyeux grandis. Elle eut un soupir de soulagement.– Ah ! tu viens de la part de ton frère !– Non, dit le petit en blêmissant davantage.Alors, elle fit un geste désespéré. Que voulait-il ? Pourquoi lui barraitille chemin ? Voyons, elle était pressée. Puis, revenant :– Tu n’as pas d’argent, toi ?304

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