Nana - Lecteurs.com
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quadrille déroulait la symétrie cadencée de ses figures, au milieu des salonstrop pleins.– Très chic, la comtesse ! reprit La Faloise à la porte du jardin, elle a dixans de moins que sa fille… À propos, Foucarmont, vous allez nous direça : Vandeuvres pariait qu’elle n’avait pas de cuisses.Cette pose au cynisme ennuyait ces messieurs. Foucarmont se contentade répondre :– Interrogez votre cousin, mon cher. Justement le voilà.– Tiens ! c’est une idée, cria La Faloise. Je parie dix louis qu’elle a descuisses.Fauchery arrivait, en effet. En habitué de la maison, il avait fait le tourpar la salle à manger, pour éviter l’encombrement des portes. Repris parRose, au commencement de l’hiver, il se partageait entre la chanteuse etla comtesse, très las, ne sachant comme lâcher l’une des deux. Sabineflattait sa vanité, mais Rose l’amusait davantage. C’était, d’ailleurs, de lapart de cette dernière une passion vraie, une tendresse d’une fidélitéconjugale, qui désolait Mignon.– Écoute, un renseignement, répétait La Faloise, en serrant le bras deson cousin. Tu vois cette dame en soie blanche ?Depuis que son héritage lui donnait un aplomb insolent, il affectait deblaguer Fauchery, ayant une ancienne rancune à satisfaire, voulant sevenger des railleries d’autrefois, lorsqu’il débarquait de sa province.– Oui, cette dame qui a des dentelles.Le journaliste se haussait, ne comprenant pas encore.– La comtesse ? finit-il par dire.– Juste, mon bon… J’ai parié dix louis. A-t-elle des cuisses ?Et il se mit à rire, enchanté d’avoir mouché tout de même ce gaillard,qui l’épatait si fort jadis, quand il lui demandait si la comtesse ne couchaitavec personne. Mais Fauchery, sans s’étonner le moins du monde,le regardait fixement.– Idiot, va ! lâcha-t-il enfin, en haussant les épaules.Puis, il distribua des poignées de main à ces messieurs, pendant queLa Faloise, décontenancé, n’était plus bien sûr d’avoir dit quelque chosede drôle. On causa. Depuis les courses, le banquier et Foucarmont faisaientpartie de la bande, avenue de Villiers. Nana allait beaucoupmieux, le comte chaque soir venait prendre de ses nouvelles. Cependant,Fauchery, qui écoutait, semblait préoccupé. Le matin, dans une querelle,Rose lui avait carrément avoué l’envoi de la lettre ; oui, il pouvait se présenterchez sa dame du monde, il serait bien reçu. Après de longues292
hésitations, il était venu quand même, par courage. Mais l’imbécile plaisanteriede La Faloise le bouleversait, sous son apparente tranquillité.– Qu’avez-vous ? lui demanda Philippe. Vous paraissez souffrant.– Moi, pas du tout… J’ai travaillé, c’est pourquoi j’arrive si tard.Puis, froidement, avec un de ces héroïsmes ignorés, qui dénouent lesvulgaires tragédies de l’existence :– Je n’ai pourtant pas salué les maîtres de la maison… Il faut être poli.Même, il osa plaisanter, en se tournant vers La Faloise.– N’est-ce pas, idiot ?Et il s’ouvrit un passage au milieu de la foule. La voix pleine du valetne jetait plus des noms à la volée. Pourtant, près de la porte, le comte etla comtesse causaient encore, retenus par des dames qui entraient. Enfin,il les rejoignit, pendant que ces messieurs, restés sur le perron du jardin,se haussaient, pour voir la scène. Nana devait avoir bavardé.– Le comte ne l’a pas aperçu, murmura Georges. Attention ! il se retourne…Là, ça y est.L’orchestre venait de reprendre la valse de La Blonde Vénus. D’abord,Fauchery avait salué la comtesse, qui souriait toujours, dans une sérénitéravie. Puis, il était resté un instant immobile, derrière le dos du comte, àattendre, très calme. Le comte, cette nuit-là, gardait sa hautaine gravité,le port de tête officiel du grand dignitaire. Lorsqu’il abaissa enfin lesyeux sur le journaliste, il exagéra encore son attitude majestueuse. Pendantquelques secondes, les deux hommes se regardèrent. Et ce fut Faucheryqui, le premier, tendit la main. Muffat donna la sienne. Leursmains étaient l’une dans l’autre, la comtesse Sabine souriait devant eux,les cils baissés, tandis que la valse, continuellement, déroulait sonrythme de polissonnerie railleuse.– Mais ça va tout seul ! dit Steiner.– Est-ce que leurs mains sont collées ? demanda Foucarmont, surprisde la longueur de l’étreinte.Un invincible souvenir amenait une lueur rose aux joues pâles de Fauchery.Il revoyait le magasin des accessoires, avec son jour verdâtre, sonbric-à-brac couvert de poussière ; et Muffat s’y trouvait, tenant le coquetier,abusant de ses doutes. À cette heure, Muffat ne doutait plus, c’étaitun dernier coin de dignité qui croulait. Fauchery, soulagé dans sa peur,voyant la gaieté claire de la comtesse, fut pris d’une envie de rire. Ça luisemblait comique.– Ah ! cette fois, c’est elle ! cria La Faloise, qui ne lâchait pas une plaisanterie,lorsqu’il la croyait bonne. Nana, là-bas, vous la voyez quientre ?293
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quadrille déroulait la symétrie cadencée de ses figures, au milieu des salonstrop pleins.– Très chic, la <strong>com</strong>tesse ! reprit La Faloise à la porte du jardin, elle a dixans de moins que sa fille… À propos, Foucarmont, vous allez nous direça : Vandeuvres pariait qu’elle n’avait pas de cuisses.Cette pose au cynisme ennuyait ces messieurs. Foucarmont se contentade répondre :– Interrogez votre cousin, mon cher. Justement le voilà.– Tiens ! c’est une idée, cria La Faloise. Je parie dix louis qu’elle a descuisses.Fauchery arrivait, en effet. En habitué de la maison, il avait fait le tourpar la salle à manger, pour éviter l’en<strong>com</strong>brement des portes. Repris parRose, au <strong>com</strong>mencement de l’hiver, il se partageait entre la chanteuse etla <strong>com</strong>tesse, très las, ne sachant <strong>com</strong>me lâcher l’une des deux. Sabineflattait sa vanité, mais Rose l’amusait davantage. C’était, d’ailleurs, de lapart de cette dernière une passion vraie, une tendresse d’une fidélitéconjugale, qui désolait Mignon.– Écoute, un renseignement, répétait La Faloise, en serrant le bras deson cousin. Tu vois cette dame en soie blanche ?Depuis que son héritage lui donnait un aplomb insolent, il affectait deblaguer Fauchery, ayant une ancienne rancune à satisfaire, voulant sevenger des railleries d’autrefois, lorsqu’il débarquait de sa province.– Oui, cette dame qui a des dentelles.Le journaliste se haussait, ne <strong>com</strong>prenant pas encore.– La <strong>com</strong>tesse ? finit-il par dire.– Juste, mon bon… J’ai parié dix louis. A-t-elle des cuisses ?Et il se mit à rire, enchanté d’avoir mouché tout de même ce gaillard,qui l’épatait si fort jadis, quand il lui demandait si la <strong>com</strong>tesse ne couchaitavec personne. Mais Fauchery, sans s’étonner le moins du monde,le regardait fixement.– Idiot, va ! lâcha-t-il enfin, en haussant les épaules.Puis, il distribua des poignées de main à ces messieurs, pendant queLa Faloise, décontenancé, n’était plus bien sûr d’avoir dit quelque chosede drôle. On causa. Depuis les courses, le banquier et Foucarmont faisaientpartie de la bande, avenue de Villiers. <strong>Nana</strong> allait beaucoupmieux, le <strong>com</strong>te chaque soir venait prendre de ses nouvelles. Cependant,Fauchery, qui écoutait, semblait préoccupé. Le matin, dans une querelle,Rose lui avait carrément avoué l’envoi de la lettre ; oui, il pouvait se présenterchez sa dame du monde, il serait bien reçu. Après de longues292