Nana - Lecteurs.com
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Et puis, est-ce qu’il ne devait pas me prévenir pour son cheval ? J’auraisfait ma fortune, au moins !… Il a dit à Labordette que, si je savaisl’affaire, je renseignerais tout de suite mon coiffeur et un tas d’hommes.Comme c’est poli !… Ah ! non, vrai, je ne peux pas le regretter beaucoup.Après réflexion, elle était devenue furieuse. Justement, Labordette entra; il avait réglé ses paris, il lui apportait une quarantaine de millefrancs. Cela ne fit qu’augmenter sa mauvaise humeur, car elle aurait dûgagner un million. Labordette, qui faisait l’innocent dans toute cetteaventure, abandonnait carrément Vandeuvres. Ces anciennes famillesétaient vidées, elles finissaient d’une façon bête.– Eh ! non, dit Nana, ce n’est pas bête, de s’allumer comme ça, dansune écurie. Moi je trouve qu’il a fini crânement… Oh ! tu sais, je ne défendspas son histoire avec Maréchal. C’est imbécile. Quand je pense queBlanche a eu le toupet de vouloir me mettre ça sur le dos ! J’ai répondu :« Est-ce que je lui ai dit de voler ! » N’est-ce pas ? On peut demander del’argent à un homme, sans le pousser au crime… S’il m’avait dit : « Jen’ai plus rien », je lui aurais dit : « C’est bon, quittons-nous. » Et ça ne seraitpas allé plus loin.– Sans doute, dit la tante gravement. Lorsque les hommes s’obstinent,tant pis pour eux !– Mais quant à la petite fête de la fin, oh ! très chic ! reprit Nana. Il paraîtque ç’a été terrible, à vous donner la chair de poule. Il avait écartétout le monde, il s’était enfermé là-dedans, avec du pétrole… Et ça brûlait,fallait voir ! Pensez donc, une grande machine presque toute en bois,pleine de paille et de foin !… Les flammes montaient comme des tours…Le plus beau, c’étaient les chevaux qui ne voulaient pas rôtir. On les entendaitqui ruaient, qui se jetaient dans les portes, qui poussaient de vraiscris de personne… Oui, des gens en ont gardé la petite mort sur la peau.Labordette laissa échapper un léger souffle d’incrédulité. Lui, necroyait pas à la mort de Vandeuvres. Quelqu’un jurait l’avoir vu se sauverpar une fenêtre. Il avait allumé son écurie, dans un détraquement decervelle. Seulement, dès que ça s’était mis à chauffer trop fort, ça devaitl’avoir dégrisé. Un homme si bête avec les femmes, si vidé, ne pouvaitpas mourir avec cette crânerie.Nana l’écoutait, désillusionnée. Et elle ne trouva que cette phrase :– Oh ! le malheureux ! c’était si beau !276
Chapitre 12Vers une heure du matin, dans le grand lit drapé de point de Venise, Nanaet le comte ne dormaient pas encore. Il était revenu le soir, après unebouderie de trois jours. La chambre, faiblement éclairée par une lampe,sommeillait, chaude et toute moite d’une odeur d’amour, avec les pâleursvagues de ses meubles de laque blanche, incrustée d’argent. Un rideaurabattu noyait le lit d’un flot d’ombre. Il y eut un soupir, puis unbaiser coupa le silence, et Nana, glissant des couvertures, resta un instantassise au bord des draps, les jambes nues. Le comte, la tête retombée surl’oreiller, demeurait dans le noir.– Chéri, tu crois au bon Dieu ? demanda-t-elle après un moment de réflexion,la face grave, envahie d’une épouvante religieuse, au sortir desbras de son amant.Depuis le matin, elle se plaignait d’un malaise, et toutes ses idéesbêtes, comme elle disait, des idées de mort et d’enfer, la travaillaientsourdement. C’était parfois, chez elle, des nuits où des peurs d’enfant,des imaginations atroces la secouaient de cauchemars, les yeux ouverts.Elle reprit :– Hein ? penses-tu que j’irai au ciel ?Et elle avait un frisson, tandis que le comte, surpris de ces questionssingulières en un pareil moment, sentait s’éveiller ses remords de catholique.Mais, la chemise glissée des épaules, les cheveux dénoués, elle serabattit sur sa poitrine, en sanglotant, en se cramponnant.– J’ai peur de mourir… J’ai peur de mourir…Il eut toutes les peines du monde à se dégager. Lui-même craignait decéder au coup de folie de cette femme, collée contre son corps, dansl’effroi contagieux de l’invisible ; et il la raisonnait, elle se portait parfaitement,elle devait simplement se bien conduire pour mériter un jour lepardon. Mais elle hochait la tête ; sans doute elle ne faisait de mal à personne; même elle portait toujours une médaille de la Vierge, qu’elle luimontra, pendue à un fil rouge, entre les seins ; seulement, c’était régléd’avance, toutes les femmes qui n’étaient pas mariées et qui voyaient deshommes allaient en enfer. Des lambeaux de son catéchisme lui277
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Chapitre 12Vers une heure du matin, dans le grand lit drapé de point de Venise, <strong>Nana</strong>et le <strong>com</strong>te ne dormaient pas encore. Il était revenu le soir, après unebouderie de trois jours. La chambre, faiblement éclairée par une lampe,sommeillait, chaude et toute moite d’une odeur d’amour, avec les pâleursvagues de ses meubles de laque blanche, incrustée d’argent. Un rideaurabattu noyait le lit d’un flot d’ombre. Il y eut un soupir, puis unbaiser coupa le silence, et <strong>Nana</strong>, glissant des couvertures, resta un instantassise au bord des draps, les jambes nues. Le <strong>com</strong>te, la tête retombée surl’oreiller, demeurait dans le noir.– Chéri, tu crois au bon Dieu ? demanda-t-elle après un moment de réflexion,la face grave, envahie d’une épouvante religieuse, au sortir desbras de son amant.Depuis le matin, elle se plaignait d’un malaise, et toutes ses idéesbêtes, <strong>com</strong>me elle disait, des idées de mort et d’enfer, la travaillaientsourdement. C’était parfois, chez elle, des nuits où des peurs d’enfant,des imaginations atroces la secouaient de cauchemars, les yeux ouverts.Elle reprit :– Hein ? penses-tu que j’irai au ciel ?Et elle avait un frisson, tandis que le <strong>com</strong>te, surpris de ces questionssingulières en un pareil moment, sentait s’éveiller ses remords de catholique.Mais, la chemise glissée des épaules, les cheveux dénoués, elle serabattit sur sa poitrine, en sanglotant, en se cramponnant.– J’ai peur de mourir… J’ai peur de mourir…Il eut toutes les peines du monde à se dégager. Lui-même craignait decéder au coup de folie de cette femme, collée contre son corps, dansl’effroi contagieux de l’invisible ; et il la raisonnait, elle se portait parfaitement,elle devait simplement se bien conduire pour mériter un jour lepardon. Mais elle hochait la tête ; sans doute elle ne faisait de mal à personne; même elle portait toujours une médaille de la Vierge, qu’elle luimontra, pendue à un fil rouge, entre les seins ; seulement, c’était régléd’avance, toutes les femmes qui n’étaient pas mariées et qui voyaient deshommes allaient en enfer. Des lambeaux de son catéchisme lui277