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Nana - Lecteurs.com

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– Pourquoi dire qu’il lâche son cheval ? criait le jeune homme. Hier, ausalon des courses, il a pris Lusignan pour mille louis.– Oui, j’étais là, affirma Philippe. Et il n’a pas mis un seul louis sur <strong>Nana</strong>…Si <strong>Nana</strong> est à dix, il n’y est pour rien. C’est ridicule de prêter auxgens tant de calculs. Où serait son intérêt ?Labordette écoutait d’un air tranquille ; et, haussant les épaules :– Laissez donc, il faut bien qu’on parle… Le <strong>com</strong>te vient encore de pariercinq cents louis au moins sur Lusignan, et s’il a demandé une centainede louis de <strong>Nana</strong>, c’est parce qu’un propriétaire doit toujours avoirl’air de croire à ses chevaux.– Et zut ! qu’est-ce que ça nous fiche ! clama La Faloise en agitant lesbras. C’est Spirit qui va gagner… Enfoncée la France ! bravol’Angleterre !Un long frémissement secouait la foule, pendant qu’une nouvelle voléede la cloche annonçait l’arrivée des chevaux dans la piste. Alors, <strong>Nana</strong>,pour bien voir, monta debout sur une banquette de son landau, foulantaux pieds les bouquets, les myosotis et les roses. D’un regard circulaire,elle embrassait l’horizon immense. À cette heure dernière de fièvre,c’était d’abord la piste vide, fermée de ses barrières grises, oùs’alignaient des sergents de ville, de deux en deux poteaux ; et la banded’herbe, boueuse devant elle, s’en allait reverdie, tournait au loin en untapis de velours tendre. Puis, au centre, en baissant les yeux, elle voyaitla pelouse, toute grouillante d’une foule haussée sur les pieds, accrochéeaux voitures, soulevée et heurtée dans un coup de passion, avec les chevauxqui hennissaient, les toiles des tentes qui claquaient, les cavaliersqui lançaient leurs bêtes, parmi les piétons courant s’accouder aux barrières; tandis que, de l’autre côté, quand elle se tournait vers les tribunes,les figures se rapetissaient, les masses profondes de têtes n’étaientplus qu’un bariolage emplissant les allées, les gradins, les terrasses, oùun entassement de profils noirs se détachait dans le ciel. Et, au-delà encore,autour de l’hippodrome, elle dominait la plaine. Derrière le moulincouvert de lierre, à droite, il y avait un enfoncement de prairies, coupéesde grands ombrages ; en face, jusqu’à la Seine, coulant au bas du coteau,se croisaient des avenues de parc, où attendaient des files immobilesd’équipages ; puis, vers Boulogne, à gauche, le pays, élargi de nouveau,ouvrait une trouée sur les lointains bleuâtres de Meudon, que barrait uneallée de paulownias, dont les têtes roses, sans une feuille, faisaient unenappe de laque vive. Du monde arrivait toujours, une traînée de fourmilièrevenait de là-bas, par le mince ruban d’un chemin, à travers lesterres ; pendant que, très loin, du côté de Paris, le public qui ne payait267

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