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Nana - Lecteurs.com

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etraite. Il s’avança avec un sourire. Il demanda si Madame voulait bienlui permettre de dîner à sa table. En le voyant plaisanter, <strong>Nana</strong> prit songrand air froid, et répondit sèchement :– Placez-vous où il vous plaira, monsieur. Nous sommes dans un lieupublic.Commencée sur ce ton, la conversation fut drôle. Mais, au dessert, <strong>Nana</strong>,ennuyée, brûlant de triompher, mit les coudes sur la table ; puis, reprenantle tutoiement :– Eh bien ! et ton mariage, mon petit, ça marche ?– Pas fort, avoua Daguenet.En effet, au moment de risquer sa demande chez les Muffat, il avaitsenti une telle froideur de la part du <strong>com</strong>te, qu’il s’était prudemmentabstenu. Ça lui semblait une affaire manquée. <strong>Nana</strong> le regardait fixementde ses yeux clairs, le menton dans la main, un pli ironique aux lèvres.– Ah ! je suis une coquine, reprit-elle avec lenteur ; ah ! il faudra arracherle futur beau-père de mes griffes… Eh bien ! vrai, pour un garçonintelligent, tu es joliment bête ! Comment ! tu vas faire des cancans à unhomme qui m’adore et qui me répète tout !… Écoute, tu te marieras si jeveux, mon petit.Depuis un instant, il le sentait bien, tout un projet de soumission poussaiten lui. Cependant, il plaisantait toujours, ne voulant pas laisser tomberl’affaire dans le sérieux ; et, après avoir mis ses gants, il lui demanda,avec les formes strictes, la main de M lle Estelle de Beuville. Elle finit parrire, <strong>com</strong>me chatouillée. Oh ! ce Mimi ! il n’y avait pas moyen de lui garderrancune. Les grands succès de Daguenet auprès de ces dames étaientdus à la douceur de sa voix, une voix d’une pureté et d’une souplessemusicales, qui l’avait fait surnommer chez les filles Bouche-de-Velours.Toutes cédaient, dans la caresse sonore dont il les enveloppait. Ilconnaissait cette force, il l’endormit d’un bercement sans fin de paroles,lui contant des histoires imbéciles. Quand ils quittèrent la table d’hôte,elle était toute rose, vibrante à son bras, reconquise. Comme il faisait trèsbeau, elle renvoya sa voiture, l’ac<strong>com</strong>pagna à pied jusque chez lui, puismonta, naturellement. Deux heures plus tard, elle dit, en se rhabillant :– Alors, Mimi, tu y tiens, à ce mariage ?– Dame ! murmura-t-il, c’est encore ce que je ferais de mieux… Tu saisque je n’ai plus le sac.Elle l’appela pour boutonner ses bottines. Et, au bout d’un silence :– Mon Dieu ! moi, je veux bien… Je te pistonnerai… Elle est sèche<strong>com</strong>me un échalas, cette petite. Mais puisque ça fait votre affaire à tous…Oh ! je suis <strong>com</strong>plaisante, je vais te bâcler ça.237

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