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Nana - Lecteurs.com

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Depuis quelque temps, le <strong>com</strong>te Muffat paraissait soucieux. Un matin,très ému, il mit sous les yeux de <strong>Nana</strong> une lettre anonyme, où celle-ci,dès les premières lignes, lut qu’on l’accusait de tromper le <strong>com</strong>te avecVandeuvres et les fils Hugon.– C’est faux ! c’est faux ! cria-t-elle énergiquement, d’un accent de franchiseextraordinaire.– Tu le jures ? demanda Muffat, déjà soulagé.– Oh ! sur ce que tu voudras… Tiens ! sur la tête de mon enfant !Mais la lettre était longue. Ensuite, ses rapports avec Satin s’y trouvaientracontés en termes d’une crudité ignoble. Quand elle eut fini, elleeut un sourire.– Maintenant, je sais d’où ça vient, dit-elle simplement.Et, <strong>com</strong>me Muffat voulait un démenti, elle reprit avec tranquillité :– Ça, mon loup, c’est une chose qui ne te regarde pas… Qu’est-ce queça peut te faire ?Elle ne niait point. Il eut des paroles révoltées. Alors, elle haussa lesépaules. D’où sortait-il ? Ça se faisait partout, et elle nomma ses amies,elle jura que les dames du monde en étaient. Enfin, à l’entendre, il n’yavait rien de plus <strong>com</strong>mun ni de plus naturel. Ce qui n’était pas vrai,n’était pas vrai ; ainsi, tout à l’heure, il avait vu <strong>com</strong>me elle s’indignait,au sujet de Vandeuvres et des fils Hugon. Ah ! pour ça, il aurait eu raisonde l’étrangler. Mais à quoi bon lui mentir sur une chose sans conséquence? Et elle répétait sa phrase :– Qu’est-ce que ça peut te faire, voyons ?Puis, la scène continuant, elle coupa court d’une voix rude.– D’ailleurs, mon cher, si ça ne te convient pas, c’est bien simple… Lesportes sont ouvertes… Voilà ! il faut me prendre <strong>com</strong>me je suis.Il baissa la tête. Au fond, il restait heureux des serments de la jeunefemme. Elle, voyant sa puissance, <strong>com</strong>mença à ne plus le ménager. Et,dès lors, Satin fut installée dans la maison, ouvertement, sur le mêmepied que ces messieurs. Vandeuvres n’avait pas eu besoin des lettresanonymes pour <strong>com</strong>prendre ; il plaisantait, il cherchait des querelles dejalousie à Satin ; tandis que Philippe et Georges la traitaient en camarade,avec des poignées de main et des plaisanteries très raides.<strong>Nana</strong> eut une aventure, un soir que, lâchée par cette gueuse, elle étaitallée dîner rue des Martyrs, sans pouvoir mettre la main sur elle. Commeelle mangeait seule, Daguenet avait paru ; bien qu’il se fût rangé, il venaitparfois, repris d’un besoin de vice, espérant n’être pas rencontrédans ces coins noirs des ordures de Paris. Aussi la présence de <strong>Nana</strong>sembla-t-elle le gêner d’abord. Mais il n’était pas homme à battre en236

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