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Nana - Lecteurs.com

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lits, et des canapés profonds <strong>com</strong>me des alcôves, mettaient là une paressemolle, une vie somnolente de sérail. La pièce gardait le ton du vieilor, fondu de vert et de rouge, sans que rien marquât trop la fille, en dehorsde la volupté des sièges ; seules, deux statuettes de biscuit, unefemme en chemise cherchant ses puces, et une autre absolument nue,marchant sur les mains, les jambes en l’air, suffisaient à salir le salond’une tache de bêtise originelle. Et, par une porte presque toujours ouverte,on apercevait le cabinet de toilette, tout en marbre et en glace, avecla vasque blanche de sa baignoire, ses pots et ses cuvettes d’argent, sesgarnitures de cristal et d’ivoire. Un rideau fermé y faisait un petit jourblanc, qui semblait dormir, <strong>com</strong>me chauffé d’un parfum de violette, ceparfum troublant de <strong>Nana</strong> dont l’hôtel entier, jusqu’à la cour, étaitpénétré.La grosse affaire fut de monter la maison. <strong>Nana</strong> avait bien Zoé, cettefille dévouée à sa fortune, qui depuis des mois attendait tranquillementce brusque lançage, certaine de son flair. Maintenant, Zoé triomphait,maîtresse de l’hôtel, faisant sa pelote, tout en servant Madame le plushonnêtement possible. Mais une femme de chambre ne suffisait plus. Ilfallait un maître d’hôtel, un cocher, un concierge, une cuisinière. D’autrepart il s’agissait d’installer les écuries. Alors, Labordette se rendit fortutile, en se chargeant des courses qui ennuyaient le <strong>com</strong>te. Il maquignonnal’achat des chevaux, il courut les carrossiers, guida les choix de lajeune femme, qu’on rencontrait à son bras chez les fournisseurs. MêmeLabordette amena les domestiques : Charles, un grand gaillard de cocher,qui sortait de chez le duc de Corbreuse ; Julien, un petit maîtred’hôtel tout frisé, l’air souriant ; et un ménage, dont la femme, Victorine,était cuisinière, et dont l’homme, François, fut pris <strong>com</strong>me concierge etvalet de pied. Ce dernier, en culotte courte, poudré, portant la livrée de<strong>Nana</strong>, bleu clair et galon d’argent, recevait les visiteurs dans le vestibule.C’était d’une tenue et d’une correction princières.Dès le second mois, la maison fut montée. Le train dépassait trois centmille francs. Il y avait huit chevaux dans les écuries, et cinq voitures dansles remises, dont un landau garni d’argent, qui occupa un instant toutParis. Et <strong>Nana</strong>, au milieu de cette fortune, se casait, faisait son trou. Elleavait quitté le théâtre, dès la troisième représentation de La Petite Duchesse,laissant Bordenave se débattre sous une menace de faillite, malgrél’argent du <strong>com</strong>te. Pourtant, elle gardait une amertume de son insuccès.Cela s’ajoutait à la leçon de Fontan, une saleté dont elle rendait tous leshommes responsables. Aussi, maintenant, se disait-elle très forte, àl’épreuve des toquades. Mais les idées de vengeance ne tenaient guère,225

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