Nana - Lecteurs.com
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– Entrez, répétait Bordenave. Nous serons seuls au moins.Le comte, très gêné, fit quelques pas pour laisser le directeur risquerseul la proposition. Fauchery s’étonnait.– Quoi donc ? demanda-t-il.– Voilà, dit enfin Bordenave. Une idée nous est venue… Surtout, nesautez pas. C’est très sérieux… Qu’est-ce que vous pensez de Nana dansle rôle de la duchesse ?L’auteur resta effaré. Puis il éclata.– Ah ! non, n’est-ce pas ? c’est une plaisanterie… On rirait trop.– Eh bien ! ce n’est déjà pas si mauvais, quand on rit !… Réfléchissez,mon cher… L’idée plaît beaucoup à monsieur le comte.Muffat, par contenance, venait de prendre sur une planche, dans lapoussière, un objet qu’il ne semblait pas reconnaître. C’était un coquetierdont on avait refait le pied en plâtre. Il le garda, sans en avoir conscience,et s’avança pour murmurer :– Oui, oui, ce serait très bien.Fauchery se tourna vers lui, avec un geste de brusque impatience. Lecomte n’avait rien à voir dans sa pièce. Et il dit nettement :– Jamais !… Nana en cocotte, tant qu’on voudra, mais en femme dumonde, non, par exemple !– Vous vous trompez, je vous assure, reprit Muffat qui s’enhardissait.Justement, elle vient de me faire la femme honnête…– Où donc ? demanda Fauchey, dont la surprise augmentait.– Là-haut, dans une loge… Eh bien ! c’était ça. Oh ! une distinction !Elle a surtout un coup d’œil… Vous savez, en passant, dans ce genre…Et, son coquetier à la main, il voulut imiter Nana, s’oubliant dans unbesoin passionné de convaincre ces messieurs. Fauchery le regardait, stupéfait.Il avait compris, il ne se fâchait plus. Le comte, qui sentit son regard,où il y avait de la moquerie et de la pitié, s’arrêta, pris d’une faiblerougeur.– Mon Dieu ! c’est possible, murmura l’auteur par complaisance. Elleserait peut-être très bien… Seulement, le rôle est donné. Nous ne pouvonsle reprendre à Rose.– Oh ! s’il n’y a que ça, dit Bordenave, je me charge d’arranger l’affaire.Mais alors, les voyant tous les deux contre lui, comprenant que Bordenaveavait un intérêt caché, le jeune homme, pour ne pas faiblir, se révoltaavec un redoublement de violence, de façon à rompre l’entretien.– Eh ! non, eh ! non ! Quand même le rôle serait libre, jamais je ne le luidonnerais… Là, est-ce clair ? Laissez-moi tranquille… Je n’ai pas enviede tuer ma pièce.218
Il se fit un silence embarrassé. Bordenave, jugeant qu’il était de trop,s’éloigna. Le comte restait la tête basse. Il la releva avec effort, il dit d’unevoix qui s’altérait :– Mon cher, si je vous demandais cela comme un service ?– Je ne puis pas, je ne puis pas, répétait Fauchery en se débattant.La voix de Muffat devint plus dure.– Je vous en prie… Je le veux !Et il le regardait fixement. Devant ce regard noir, où il lut une menace,le jeune homme céda tout d’un coup, balbutiant des paroles confuses :– Faites, après tout, je m’en moque… Ah ! vous abusez. Vous verrez,vous verrez…L’embarras fut alors plus grand. Fauchery s’était adossé à un casier, tapantnerveusement du pied. Muffat paraissait examiner avec attention lecoquetier, qu’il tournait toujours.– C’est un coquetier, vint dire Bordenave obligeamment.– Tiens ! oui, c’est un coquetier, répéta le comte.– Excusez, vous vous êtes empli de poussière, continua le directeur enreplaçant l’objet sur une planche. Vous comprenez, s’il fallait époussetertous les jours, on n’en finirait plus… Aussi n’est-ce guère propre. Hein ?quel fouillis !… Eh bien ! vous me croirez si vous voulez, il y en a encorepour de l’argent. Regardez, regardez tout ça.Il promena Muffat devant les casiers, dans le jour verdâtre qui venaitde la cour, lui nommant des ustensiles, voulant l’intéresser à son inventairede chiffonnier, comme il disait en riant. Puis, d’un ton léger, quandils furent revenus près de Fauchery :– Écoutez, puisque nous sommes tous d’accord, nous allons terminercette affaire… Justement, voilà Mignon.Depuis un instant, Mignon rôdait dans le couloir. Aux premiers motsde Bordenave, parlant de modifier leur traité, il s’emporta ; c’était une infamie,on voulait briser l’avenir de sa femme, il plaiderait. Cependant,Bordenave, très calme, donnait des raisons : le rôle ne lui semblait pasdigne de Rose, il préférait la garder pour une opérette qui passerait aprèsLa Petite Duchesse. Mais, comme le mari criait toujours, il offrit brusquementde résilier, parlant des offres faites à la chanteuse par les Folies-Dramatiques. Alors, Mignon, un moment démonté, sans nier ces offres,afficha un grand dédain de l’argent ; on avait engagé sa femme pourjouer la duchesse Hélène, elle la jouerait, quand il devrait, lui, Mignon, yperdre sa fortune ; c’était affaire de dignité, d’honneur. Engagée sur ceterrain, la discussion fut interminable. Le directeur en revenait toujours àce raisonnement : puisque les Folies offraient trois cents francs par soirée219
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Il se fit un silence embarrassé. Bordenave, jugeant qu’il était de trop,s’éloigna. Le <strong>com</strong>te restait la tête basse. Il la releva avec effort, il dit d’unevoix qui s’altérait :– Mon cher, si je vous demandais cela <strong>com</strong>me un service ?– Je ne puis pas, je ne puis pas, répétait Fauchery en se débattant.La voix de Muffat devint plus dure.– Je vous en prie… Je le veux !Et il le regardait fixement. Devant ce regard noir, où il lut une menace,le jeune homme céda tout d’un coup, balbutiant des paroles confuses :– Faites, après tout, je m’en moque… Ah ! vous abusez. Vous verrez,vous verrez…L’embarras fut alors plus grand. Fauchery s’était adossé à un casier, tapantnerveusement du pied. Muffat paraissait examiner avec attention lecoquetier, qu’il tournait toujours.– C’est un coquetier, vint dire Bordenave obligeamment.– Tiens ! oui, c’est un coquetier, répéta le <strong>com</strong>te.– Excusez, vous vous êtes empli de poussière, continua le directeur enreplaçant l’objet sur une planche. Vous <strong>com</strong>prenez, s’il fallait époussetertous les jours, on n’en finirait plus… Aussi n’est-ce guère propre. Hein ?quel fouillis !… Eh bien ! vous me croirez si vous voulez, il y en a encorepour de l’argent. Regardez, regardez tout ça.Il promena Muffat devant les casiers, dans le jour verdâtre qui venaitde la cour, lui nommant des ustensiles, voulant l’intéresser à son inventairede chiffonnier, <strong>com</strong>me il disait en riant. Puis, d’un ton léger, quandils furent revenus près de Fauchery :– Écoutez, puisque nous sommes tous d’accord, nous allons terminercette affaire… Justement, voilà Mignon.Depuis un instant, Mignon rôdait dans le couloir. Aux premiers motsde Bordenave, parlant de modifier leur traité, il s’emporta ; c’était une infamie,on voulait briser l’avenir de sa femme, il plaiderait. Cependant,Bordenave, très calme, donnait des raisons : le rôle ne lui semblait pasdigne de Rose, il préférait la garder pour une opérette qui passerait aprèsLa Petite Duchesse. Mais, <strong>com</strong>me le mari criait toujours, il offrit brusquementde résilier, parlant des offres faites à la chanteuse par les Folies-Dramatiques. Alors, Mignon, un moment démonté, sans nier ces offres,afficha un grand dédain de l’argent ; on avait engagé sa femme pourjouer la duchesse Hélène, elle la jouerait, quand il devrait, lui, Mignon, yperdre sa fortune ; c’était affaire de dignité, d’honneur. Engagée sur ceterrain, la discussion fut interminable. Le directeur en revenait toujours àce raisonnement : puisque les Folies offraient trois cents francs par soirée219