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Nana - Lecteurs.com

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Il se tut, un silence régna. Muffat cherchait une transition. Mais il netrouva rien, il finit par dire carrément, pour en sortir plus vite :– <strong>Nana</strong> veut le rôle de la duchesse.Bordenave eut un soubresaut, en criant :– Allons donc ! c’est fou !Puis, <strong>com</strong>me il regardait le <strong>com</strong>te, il le trouva si pâle, si bouleversé,qu’il se calma aussitôt.– Diable ! dit-il simplement.Et le silence re<strong>com</strong>mença. Au fond, lui, s’en moquait. Ce serait peutêtredrôle, cette grosse <strong>Nana</strong> dans le rôle de la duchesse. D’ailleurs, aveccette histoire, il tenait Muffat solidement. Aussi sa décision fut-elle bientôtprise. Il se tourna et appela :– Fauchery !Le <strong>com</strong>te avait eu un geste pour l’arrêter. Fauchery n’entendait pas.Poussé contre le manteau d’Arlequin par Fontan, il devait subir des explicationssur la façon dont le <strong>com</strong>édien <strong>com</strong>prenait Tardiveau. Fontanvoyait Tardiveau en Marseillais, avec de l’accent ; et il imitait l’accent.Des répliques entières y passaient ; était-ce bien ainsi ? Il ne semblait quesoumettre des idées, dont il doutait lui-même. Mais Fauchery se montrantfroid et faisant des objections, il se vexa tout de suite. Très bien ! Dumoment où l’esprit du rôle lui échappait, il vaudrait mieux pour tout lemonde qu’il ne le jouât pas.– Fauchery ! cria de nouveau Bordenave.Alors, le jeune homme se sauva, heureux d’échapper à l’acteur, qui demeurablessé d’une retraite si prompte.– Ne restons pas là, reprit Bordenave. Venez, messieurs.Pour se garer des oreilles curieuses, il les mena dans le magasin des accessoires,derrière la scène. Mignon, surpris, les regarda disparaître. Ondescendait quelques marches. C’était une pièce carrée, dont les deux fenêtresdonnaient sur la cour. Un jour de cave entrait par les vitres sales,blafard sous le plafond bas. Là, dans des casiers, qui en<strong>com</strong>braient lapièce, traînait un bric-à-brac d’objets de toutes sortes, le déballage d’unrevendeur de la rue de Lappe qui liquide, un pêle-mêle sans nomd’assiettes, de coupes en carton doré, de vieux parapluies rouges, decruches italiennes, de pendules de tous les styles, de plateaux etd’encriers, d’armes à feu et de seringues ; le tout sous une couche depoussière d’un pouce, méconnaissable, ébréché, cassé, entassé. Et une insupportableodeur de ferraille, de chiffons, de cartonnages humidesmontait de ces tas, où les débris des pièces jouées s’amoncelaient depuiscinquante ans.217

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