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Nana - Lecteurs.com

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Puis, la voix changée, elle accueillit Bosc d’un léger cri :– « Tiens ! c’est M. le <strong>com</strong>te. Vous êtes le premier, monsieur le <strong>com</strong>te,et Madame va être bien contente. »Bosc avait un pantalon boueux, un grand pardessus jaune, avec unimmense cache-nez roulé autour du collet. Les mains dans les poches, unvieux chapeau sur la tête, il dit d’une voix sourde, ne jouant pas, setraînant :– « Ne dérangez pas votre maîtresse, Isabelle ; je veux la surprendre. »La répétition continua. Bordenave, renfrogné, glissé au fond de sonfauteuil, écoutait d’un air de lassitude. Fauchery, nerveux, changeait deposition, avait à chaque minute des démangeaisons d’interrompre, qu’ilréprimait. Mais, derrière lui, dans la salle noire et vide, il entendit unchuchotement.– Est-ce qu’elle est là ? demanda-t-il en se penchant vers Bordenave.Celui-ci répondit affirmativement, d’un signe de tête. Avant d’accepterle rôle de Géraldine qu’il lui offrait, <strong>Nana</strong> avait voulu voir la pièce, carelle hésitait à jouer encore un rôle de cocotte. C’était un rôle d’honnêtefemme qu’elle rêvait. Elle se cachait dans l’ombre d’une baignoire avecLabordette, qui s’employait pour elle auprès de Bordenave. Fauchery lachercha d’un coup d’œil, et se remit à suivre la répétition.Seule, l’avant-scène était éclairée. Une servante, une flamme de gazprise à l’embranchement de la rampe, et dont un réflecteur jetait toute laclarté sur les premiers plans, semblait un grand œil jaune ouvert dans lademi-obscurité, où il flambait avec une tristesse louche. Contre la mincetige de la servante, Cossard levait le manuscrit, pour voir clair, en pleinsous le coup de lumière qui accusait le relief de sa bosse. Puis, Bordenaveet Fauchey déjà se noyaient. C’était, au milieu de l’énorme vaisseau, etsur quelques mètres seulement, une lueur de falot, cloué au poteaud’une gare, dans laquelle les acteurs prenaient des airs de visions baroques,avec leurs ombres dansant derrière eux. Le reste de la scènes’emplissait d’une fumée, pareil à un chantier de démolitions, à une neféventrée, en<strong>com</strong>brée d’échelles, de châssis, de décors, dont les peinturesdéteintes faisaient <strong>com</strong>me des entassements de dé<strong>com</strong>bres ; et, en l’air,les toiles de fond qui pendaient avaient une apparence de guenilles accrochéesaux poutres de quelque vaste magasin de chiffons. Tout enhaut, un rayon de clair soleil, tombé d’une fenêtre, coupait d’une barred’or la nuit du cintre.Cependant, au fond de la scène, des acteurs causaient en attendantleurs répliques. Peu à peu, ils avaient élevé la voix.202

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