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Nana - Lecteurs.com

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tout le monde était encore stupéfait de l’éclipse totale de <strong>Nana</strong>. On la réclamait,les anciens amis séchaient sur pied. Et, se faisant paternel, il finitpar la sermonner.– Entre nous, ma chère, franchement, ça devient bête… On <strong>com</strong>prendune toquade. Seulement, en venir là, être grugée à ce point etn’empocher que des gifles !… Tu poses donc pour les prix de vertu ?Elle l’écoutait d’un air embarrassé. Cependant, lorsqu’il lui parla deRose, qui triomphait avec sa conquête du <strong>com</strong>te Muffat, une flamme passadans ses yeux. Elle murmura :– Oh ! si je voulais…Il proposa tout de suite son entremise, en ami obligeant. Mais elle refusa.Alors, il l’attaqua par un autre point. Il lui apprit que Bordenavemontait une pièce de Fauchery, où il y avait un rôle superbe pour elle.– Comment ! une pièce où il y a un rôle ! s’écria-t-elle, stupéfaite, maisil en est et il ne m’a rien dit !Elle ne nommait pas Fontan. D’ailleurs, elle se calma tout de suite. Jamaiselle ne rentrerait au théâtre. Sans doute Labordette n’était pasconvaincu, car il insistait avec un sourire.– Tu sais qu’on n’a rien à craindre avec moi. Je prépare ton Muffat, turentres au théâtre, et je te l’amène par la patte.– Non ! dit-elle énergiquement.Et elle le quitta. Son héroïsme l’attendrissait sur elle-même. Ce n’étaitpas un mufe d’homme qui se serait sacrifié <strong>com</strong>me ça, sans le trompeter.Pourtant, une chose la frappait : Labordette venait de lui donner exactementles mêmes conseils que Francis. Le soir, lorsque Fontan rentra, ellele questionna sur la pièce de Fauchery. Lui, depuis deux mois, avait faitsa rentrée aux Variétés. Pourquoi ne lui avait-il pas parlé du rôle ?– Quel rôle ? dit-il de sa voix mauvaise. Ce n’est pas le rôle de lagrande dame peut-être ?… Ah çà, tu te crois donc du talent ! Mais cerôle-là, ma fille, t’écraserait… Vrai, tu es <strong>com</strong>ique !Elle fut horriblement blessée. Toute la soirée, il la blagua, en l’appelantM lle Mars. Et plus il tapait sur elle, plus elle tenait bon, goûtant unejouissance amère dans cet héroïsme de sa toquade, qui la rendait trèsgrande et très amoureuse à ses propres yeux. Depuis qu’elle allait avecd’autres pour le nourrir, elle l’aimait davantage, de toute la fatigue et detous les dégoûts qu’elle rapportait. Il devenait son vice, qu’elle payait,son besoin, dont elle ne pouvait se passer, sous l’aiguillon des gifles. Lui,en voyant la bonne bête, finissait par abuser. Elle lui donnait sur lesnerfs, il se prenait d’une haine féroce, au point de ne plus tenir <strong>com</strong>ptede ses intérêts. Lorsque Bosc lui adressait des observations, il criait,197

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