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Nana - Lecteurs.com

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Rue de la Chaussée-d’Antin, ils avaient acheté un gâteau, un moka ; et ilsle mangèrent dans le lit, parce qu’il ne faisait pas chaud et que ça ne valaitpas la peine d’allumer du feu. Assis sur leur séant, côte à côte, la couvertureau ventre, les oreillers tassés derrière le dos, ils soupaient, encausant de la petite femme. <strong>Nana</strong> la trouvait laide et sans chic. Fontan,couché sur le devant, passait les parts de gâteau, posées au bord de latable de nuit, entre la bougie et les allumettes. Mais ils finirent par sequereller.– Oh ! si on peut dire ! criait <strong>Nana</strong>. Elle a des yeux <strong>com</strong>me des trous devrille et des cheveux couleur filasse.– Tais-toi donc ! répétait Fontan. Une chevelure superbe, des regardspleins de feu… Est-ce drôle que vous vous mangiez toujours entrefemmes !Il avait l’air vexé.– Allons, en voilà de trop ! dit-il enfin d’une voix brutale. Tu sais, jen’aime pas qu’on m’embête… Dormons, ou ça va mal tourner.Et il souffla la bougie. <strong>Nana</strong>, furieuse, continuait : elle ne voulait pasqu’on lui parlât sur ce ton, elle avait l’habitude d’être respectée. Commeil ne répondait plus, elle dut se taire. Mais elle ne pouvait s’endormir,elle se tournait, se retournait.– Nom de Dieu ! as-tu fini de remuer ? cria-t-il tout d’un coup, avec unbrusque saut.– Ce n’est pas ma faute s’il y a des miettes, dit-elle sèchement.En effet, il y avait des miettes. Elle en sentait jusque sous ses cuisses,elle était dévorée partout. Une seule miette la brûlait, la faisait se gratterau sang. D’ailleurs, lorsqu’on mange un gâteau, est-ce qu’on ne secouepas toujours la couverture ? Fontan, dans une rage froide, avait ralluméla bougie. Tous deux se levèrent ; et pieds nus, en chemise, découvrant lelit, ils balayèrent les miettes sur le drap, avec les mains. Lui, qui grelottait,se recoucha, en l’envoyant au diable, parce qu’elle lui re<strong>com</strong>mandaitde bien s’essuyer les pieds. Enfin, elle reprit sa place ; mais, à peine allongée,elle dansa. Il y en avait encore.– Parbleu ! c’était sûr, répétait-elle. Tu les as remontées avec tespieds… Je ne peux pas, moi ! je te dis que je ne peux pas !Et elle faisait mine de l’enjamber, pour sauter par terre. Alors, poussé àbout, voulant dormir, Fontan lui allongea une gifle, à toute volée. Lagifle fut si forte, que, du coup, <strong>Nana</strong> se retrouva couchée, la tête surl’oreiller. Elle resta étourdie.– Oh ! dit-elle simplement, avec un gros soupir d’enfant.178

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