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Nana - Lecteurs.com

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d’Anglars vit encore ! Eh bien ! mes petites chattes, elle doit aller dans lesquatre-vingt-dix ans.Du coup, ces dames devinrent sérieuses. Quatre-vingt-dix ans ! Il n’yen avait pas une d’elles, <strong>com</strong>me le cria Lucy, fichue de vivre jusque-là.Toutes des patraques. D’ailleurs, <strong>Nana</strong> déclara qu’elle ne voulait pasfaire de vieux os ; c’était plus drôle. On arrivait, la conversation fut coupéepar les claquements de fouet des cochers, qui lançaient leurs bêtes.Pourtant, au milieu du bruit, Lucy continua, sautant à un autre sujet,pressant <strong>Nana</strong> de partir avec la bande, le lendemain. L’Exposition allaitfermer, ces dames devaient rentrer à Paris, où la saison dépassait leursespérances. Mais <strong>Nana</strong> s’entêtait. Elle abominait Paris, elle n’y ficheraitpas les pieds de sitôt.– N’est-ce pas ? chéri, nous restons, dit-elle en serrant les genoux deGeorges, sans s’inquiéter de Steiner.Les voitures s’étaient brusquement arrêtées. Surprise, la société descenditdans un endroit désert, au bas d’un coteau. Il fallut qu’un des cochersleur montrât du bout de son fouet les ruines de l’ancienne abbayede Chamont, perdues dans les arbres. Ce fut une grosse déception. Lesdames trouvèrent ça idiot : quelques tas de dé<strong>com</strong>bres, couverts deronces, avec une moitié de tour écroulée. Vrai, ça ne valait pas la peinede faire deux lieues. Le cocher leur indiqua alors le château, dont le parc<strong>com</strong>mençait près de l’abbaye, en leur conseillant de prendre un petit cheminet de suivre les murs ; ils feraient le tour, pendant que les voituresiraient les attendre sur la place du village. C’était une promenade charmante.La société accepta.– Fichtre ! Irma se met bien ! dit Gaga en s’arrêtant devant une grille,dans l’angle du parc, sur la route.Tous, silencieusement, regardèrent le fourré énorme qui bouchait lagrille. Puis, dans le petit chemin, ils suivirent la muraille du parc, levantles yeux pour admirer les arbres, dont les branches hautes débordaienten une voûte épaisse de verdure. Au bout de trois minutes, ils se trouvèrentdevant une nouvelle grille ; celle-là laissait voir une large pelouseoù deux chênes séculaires faisaient des nappes d’ombre ; et, trois minutesplus loin, une autre grille encore déroula devant eux une avenueimmense, un couloir de ténèbres, au fond duquel le soleil mettait la tachevive d’une étoile. Un étonnement, d’abord silencieux, leur tirait peu àpeu des exclamations. Ils avaient bien essayé de blaguer, avec une pointed’envie ; mais, décidément, ça les empoignait. Quelle force, cette Irma !C’est ça qui donnait une crâne idée de la femme ! Les arbres continuaient,et sans cesse revenaient des manteaux de lierre coulant sur le143

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