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Nana - Lecteurs.com

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chemin. Ce fut un défilé superbe. Les rires avaient cessé dans les voitures; des figures se tournaient, curieusement. On se dévisagea, au milieud’un silence que coupait seul le trot cadencé des chevaux. Dans lapremière voiture, Maria Blond et Tatan Néné, renversées <strong>com</strong>me des duchesses,les jupes bouffant par-dessus les roues, avaient des regards dédaigneuxpour ces femmes honnêtes qui allaient à pied. Ensuite Gagaemplissait toute une banquette, noyant près d’elle La Faloise, dont on nevoyait que le nez inquiet. Puis, venaient Caroline Héquet avec Labordette,Lucy Stewart avec Mignon et ses fils, et tout au bout, occupant unevictoria en <strong>com</strong>pagnie de Steiner, <strong>Nana</strong>, qui avait devant elle, sur unstrapontin, ce pauvre mignon de Zizi, fourrant ses genoux dans les siens.– C’est la dernière, n’est-ce pas ? demanda tranquillement la <strong>com</strong>tesseà Fauchery, en affectant de ne point reconnaître <strong>Nana</strong>.La roue de la victoria l’effleura presque, sans qu’elle fît un pas en arrière.Les deux femmes avaient échangé un regard profond, un de cesexamens d’une seconde, <strong>com</strong>plets et définitifs. Quant aux hommes, ilsfurent tout à fait bien. Fauchery et Daguenet, très froids, ne reconnurentpersonne. Le marquis, anxieux, craignant une farce de la part de cesdames, avait cassé un brin d’herbe qu’il roulait entre ses doigts. Seul,Vandeuvres, resté un peu à l’écart, salua des paupières Lucy, qui lui souriaitau passage.– Prenez garde ! avait murmuré M. Venot, debout derrière le <strong>com</strong>teMuffat.Celui-ci, bouleversé, suivait des yeux cette vision de <strong>Nana</strong>, courant devantlui. Sa femme, lentement, s’était tournée et l’examinait. Alors, il regardala terre, <strong>com</strong>me pour échapper au galop des chevaux qui lui emportaientla chair et le cœur. Il aurait crié de souffrance, il venait de <strong>com</strong>prendre,en apercevant Georges perdu dans les jupes de <strong>Nana</strong>. Un enfant! cela le brisait qu’elle lui eût préféré un enfant ! Steiner lui était égal,mais cet enfant !Cependant, M me Hugon n’avait pas reconnu Georges d’abord. Lui, entraversant le pont, aurait sauté dans la rivière, si les genoux de <strong>Nana</strong> nel’avaient retenu. Alors, glacé, blanc <strong>com</strong>me un linge, il se tint très raide.Il ne regardait personne. Peut-être qu’on ne le verrait pas.– Ah ! mon Dieu ! dit tout à coup la vieille dame, c’est Georges qui estavec elle !Les voitures avaient passé au milieu de ce malaise de gens qui seconnaissaient et qui ne se saluaient pas. Cette rencontre délicate, si rapide,semblait s’être éternisée. Et, maintenant, les roues emportaient plusgaiement dans la campagne blonde ces charretées de filles fouettées de140

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