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Nana - Lecteurs.com

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le visage crevant de haine, s’étaient sauté à la gorge. Ils se roulaient parterre, derrière un portant, en se traitant de maquereaux.– Monsieur Bordenave ! monsieur Bordenave ! vint dire le régisseureffaré.Bordenave le suivit, après avoir demandé pardon au prince. Quand ileut reconnu par terre Fauchery et Mignon, il laissa échapper un gested’homme contrarié. Vraiment, ils prenaient bien leur temps, avec Son Altessede l’autre côté du décor, et toute cette salle qui pouvait entendre !Pour <strong>com</strong>ble d’ennui, Rose Mignon arrivait, essoufflée, juste à la minutede son entrée en scène. Vulcain lui jetait sa réplique. Mais Rose resta stupéfaite,en voyant à ses pieds son mari et son amant qui se vautraient,s’étranglant, ruant, les cheveux arrachés, la redingote blanche de poussière.Ils lui barraient le passage ; même un machiniste avait arrêté lechapeau de Fauchery, au moment où ce diable de chapeau, dans la lutte,allait rebondir sur la scène. Cependant, Vulcain, qui inventait desphrases pour amuser le public, donnait de nouveau la réplique. Rose,immobile, regardait toujours les deux hommes.– Mais ne regarde donc pas ! lui souffla furieusement Bordenave dansle cou. Va donc ! va donc !… Ce n’est pas ton affaire ! Tu manques tonentrée !Et, poussée par lui, Rose, enjambant les corps, se trouva en scène, dansle flamboiement de la rampe, devant le public. Elle n’avait pas <strong>com</strong>prispourquoi ils étaient par terre, à se battre. Tremblante, la tête emplie d’unbourdonnement, elle descendit vers la rampe avec son beau sourire deDiane amoureuse, et elle attaqua la première phrase de son duo, d’unevoix si chaude, que le public lui fit une ovation. Derrière le décor, elle entendaitles coups sourds des deux hommes. Ils avaient roulé jusqu’aumanteau d’Arlequin. Heureusement, la musique couvrait le bruit desruades qu’ils donnaient dans les châssis.– Nom de Dieu ! cria Bordenave exaspéré, lorsqu’il eut enfin réussi àles séparer, est-ce que vous ne pourriez pas vous battre chez vous ? Voussavez pourtant bien que je n’aime pas ça… Toi, Mignon, tu vas me fairele plaisir de rester ici, côté cour ; et vous, Fauchery, je vous flanque à laporte du théâtre, si vous quittez le côté jardin… Hein ? c’est entendu, côtécour et côté jardin, ou je défends à Rose de vous amener.Quand il revint près du prince, celui-ci s’informa.– Oh ! rien du tout, murmura-t-il d’un air calme.<strong>Nana</strong>, debout, enveloppée dans une fourrure, attendait son entrée encausant avec ces messieurs. Comme le <strong>com</strong>te Muffat remontait pour jeterun regard sur la scène, entre deux châssis, il <strong>com</strong>prit, à un geste du110

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