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Nana - Lecteurs.com

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vous ne faites pas un assez grand cas de vos jolies femmes. Nous vousles prendrons toutes.– Ça ne le gênera guère, murmura méchamment le marquis deChouard, qui se risquait dans l’intimité. Le <strong>com</strong>te est la vertu même.En entendant parler de sa vertu, <strong>Nana</strong> le regarda si drôlement, queMuffat éprouva une vive contrariété. Ensuite ce mouvement le surprit etle fâcha contre lui-même. Pourquoi l’idée d’être vertueux le gênait-elledevant cette fille ? Il l’aurait battue. Mais <strong>Nana</strong>, en voulant prendre unpinceau, venait de le laisser tomber ; et, <strong>com</strong>me elle se baissait, il se précipita,leurs souffles se rencontrèrent, les cheveux dénoués de Vénus luiroulèrent sur les mains. Ce fut une jouissance mêlée de remords, une deces jouissances de catholique que la peur de l’enfer aiguillonne dans lepéché.À ce moment, la voix du père Barillot s’éleva derrière la porte.– Madame, puis-je frapper ? On s’impatiente dans la salle.– Tout à l’heure, répondit tranquillement <strong>Nana</strong>.Elle avait trempé le pinceau dans un pot de noir ; puis, le nez sur laglace, fermant l’œil gauche, elle le passa délicatement entre les cils. Muffat,derrière elle, regardait. Il la voyait dans la glace, avec ses épaulesrondes et sa gorge noyée d’une ombre rose. Et il ne pouvait, malgré soneffort, se détourner de ce visage que l’œil fermé rendait si provocant,troué de fossettes, <strong>com</strong>me pâmé de désirs. Lorsqu’elle ferma l’œil droit etqu’elle passa le pinceau, il <strong>com</strong>prit qu’il lui appartenait.– Madame, cria de nouveau la voix essoufflée de l’avertisseur, ilstapent des pieds, ils vont finir par casser les banquettes… Puis-jefrapper ?– Et zut ! dit <strong>Nana</strong> impatientée. Frappez, je m’en fiche !… Si je ne suispas prête, eh bien ! ils m’attendront.Elle se calma, elle ajouta avec un sourire, en se tournant vers cesmessieurs :– C’est vrai, on ne peut seulement causer une minute.Maintenant, sa figure et ses bras étaient faits. Elle ajouta, avec le doigt,deux larges traits de carmin sur les lèvres. Le <strong>com</strong>te Muffat se sentaitplus troublé encore, séduit par la perversion des poudres et des fards,pris du désir déréglé de cette jeunesse peinte, la bouche trop rouge dansla face trop blanche, les yeux agrandis, cerclés de noir, brûlants, et<strong>com</strong>me meurtris d’amour. Cependant, <strong>Nana</strong> passa un instant derrière lerideau pour enfiler le maillot de Vénus, après avoir ôté son pantalon.Puis, tranquille d’impudeur, elle vint déboutonner son petit corsage de108

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