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Nana - Lecteurs.com

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prolongeait le monde réel, dans une farce grave, sous la buée ardente dugaz. <strong>Nana</strong>, oubliant qu’elle était en pantalon, avec son bout de chemise,jouait la grande dame, la reine Vénus, ouvrant ses petits appartementsaux personnages de l’État. À chaque phrase, elle lâchait les motsd’Altesse Royale, elle faisait des révérences convaincues, traitait ceschienlits de Bosc et de Prullière en souverain que son ministre ac<strong>com</strong>pagne.Et personne ne souriait de cet étrange mélange, de ce vrai prince,héritier d’un trône, qui buvait le champagne d’un cabotin, très à l’aisedans ce carnaval des dieux, dans cette mascarade de la royauté, au milieud’un peuple d’habilleuses et de filles, de rouleurs de planches et demontreurs de femmes. Bordenave, enlevé par cette mise en scène, songeaitaux recettes qu’il ferait, si Son Altesse avait consenti à paraître<strong>com</strong>me ça, au second acte de La Blonde Vénus.– Dites donc, cria-t-il, devenant familier, nous allons faire descendremes petites femmes.<strong>Nana</strong> ne voulut pas. Elle-même pourtant se lâchait. Fontan l’attirait,avec son masque de grotesque. Se frottant contre lui, le couvant d’un regardde femme enceinte qui a envie de manger quelque chose de malpropre,elle le tutoya tout à coup.– Voyons, verse, grande bête !Fontan remplit de nouveau les verres, et l’on but, en répétant lesmêmes toasts.– À Son Altesse !– À l’armée !– À Vénus !Mais <strong>Nana</strong> réclamait le silence du geste. Elle leva son verre très haut,elle dit :– Non, non, à Fontan !… C’est la fête de Fontan, à Fontan ! à Fontan !Alors, on trinqua une troisième fois, on acclama Fontan. Le prince, quiavait regardé la jeune femme manger le <strong>com</strong>ique des yeux, salua celui-ci.– Monsieur Fontan, dit-il avec sa haute politesse, je bois à vos succès.Cependant, la redingote de Son Altesse essuyait, derrière elle, lemarbre de la toilette. C’était <strong>com</strong>me un fond d’alcôve, <strong>com</strong>me une étroitechambre de bain, avec la vapeur de la cuvette et des éponges, le violentparfum des essences, mêlé à la pointe d’ivresse aigrelette du vin dechampagne. Le prince et le <strong>com</strong>te Muffat, entre lesquels <strong>Nana</strong> se trouvaitprise, devaient lever les mains, pour ne pas lui frôler les hanches ou lagorge, au moindre geste. Et, sans une goutte de sueur, M me Jules attendaitde son air raide, tandis que Satin, étonnée dans son vice de voir unprince et des messieurs en habit se mettre avec des déguisés après une105

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