13.07.2015 Views

Nana - Lecteurs.com

Nana - Lecteurs.com

Nana - Lecteurs.com

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

saluait encore avec son fin sourire. Tout d’un coup, elle parut reconnaîtrele <strong>com</strong>te Muffat, et elle lui tendit la main, en amie. Puis, elle le gronda den’être pas venu à son souper. Son Altesse daignait plaisanter Muffat, quibégayait, frissonnant d’avoir tenu une seconde, dans sa main brûlante,cette petite main, fraîche des eaux de toilette. Le <strong>com</strong>te avait fortementdîné chez le prince, grand mangeur et beau buveur. Tous deux étaientmême un peu gris. Mais ils se tenaient très bien. Muffat, pour cacher sontrouble, ne trouva qu’une phrase sur la chaleur.– Mon Dieu ! qu’il fait chaud ici, dit-il. Comment faites-vous, madame,pour vivre dans une pareille température ?Et la conversation allait partir de là, lorsque des voix bruyantess’élevèrent à la porte de la loge. Bordenave tira la planchette d’un judasgrisé de couvent. C’était Fontan, suivi de Prullière et de Bosc, ayant toustrois des bouteilles sous les bras, et les mains chargées de verres. Il frappait,il criait que c’était sa fête, qu’il payait du champagne. <strong>Nana</strong>, d’unregard, avait consulté le prince. Comment donc ! Son Altesse ne voulaitgêner personne, elle serait trop heureuse ! Mais, sans attendre la permission,Fontan entrait, zézayant, répétant :– Moi pas pignouf, moi payer du champagne…Brusquement, il aperçut le prince, qu’il ne savait pas là. Il s’arrêtacourt, il prit un air de bouffonne solennité, en disant :– Le roi Dagobert est dans le corridor, qui demande à trinquer avecSon Altesse Royale.Le prince ayant souri, on trouva ça charmant. Cependant, la loge étaittrop petite pour tout ce monde. Il fallut s’entasser, Satin et M me Jules aufond, contre le rideau, les hommes serrés autour de <strong>Nana</strong> demi-nue. Lestrois acteurs avaient encore leurs costumes du second acte. Tandis quePrullière ôtait son chapeau d’Amiral suisse, dont l’immense plumetn’aurait pas tenu sous le plafond, Bosc, avec sa casaque de pourpre et sacouronne de fer-blanc, se raffermissait sur ses jambes d’ivrogne et saluaitle prince, en monarque qui reçoit le fils d’un puissant voisin. Les verresétaient pleins, on trinqua.– Je bois à Votre Altesse ! dit royalement le vieux Bosc.– À l’armée ! ajouta Prullière.– À Vénus ! cria Fontan.Complaisamment, le prince balançait son verre. Il attendit, il saluatrois fois, en murmurant :– Madame… amiral… sire…Et il but d’un trait. Le <strong>com</strong>te Muffat et le marquis de Chouard l’avaientimité. On ne plaisantait plus, on était à la cour. Ce monde du théâtre104

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!