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Nana - Lecteurs.com

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uvaient le long des marches de l’escalier, en s’allongeant des claques,avec des gaietés enrouées de soûlards.En haut, sur la scène, Bordenave s’emportait contre les machinistes,qui n’en finissaient pas d’enlever le décor. C’était fait exprès, le prince allaitrecevoir quelque ferme sur la tête.– Appuyez ! Appuyez ! criait le chef d’équipe.Enfin, la toile de fond monta, la scène était libre. Mignon, qui guettaitFauchery, saisit l’occasion pour re<strong>com</strong>mencer ses bourrades. Ill’empoigna dans ses grands bras, en criant :– Prenez donc garde ! ce mât a failli vous écraser.Et il l’emportait, et il le secouait, avant de le remettre par terre. Devantles rires exagérés des machinistes, Fauchery devint pâle ; ses lèvres tremblaient,il fut sur le point de se révolter, pendant que Mignon se faisaitbonhomme, lui donnant sur l’épaule des tapes affectueuses à le casser endeux, répétant :– C’est que je tiens à votre santé, moi !… Fichtre ! je serais joli, s’il vousarrivait malheur !Mais un murmure courut : « Le prince ! Le prince ! » Et chacun tournales yeux vers la petite porte de la salle. On n’apercevait encore que le dosrond de Bordenave, avec son cou de boucher, qui se pliait et se renflaitdans une série de saluts obséquieux. Puis, le prince parut, grand, fort, labarbe blonde, la peau rose, d’une distinction de viveur solide, dont lesmembres carrés s’indiquaient sous la coupe irréprochable de la redingote.Derrière lui, marchaient le <strong>com</strong>te Muffat et le marquis de Chouard.Ce coin du théâtre était obscur, le groupe s’y noyait, au milieu degrandes ombres mouvantes. Pour parler à un fils de reine, au futur héritierd’un trône, Bordenave avait pris une voix de montreur d’ours, tremblanted’une fausse émotion. Il répétait :– Si Son Altesse veut bien me suivre… Son Altesse daignerait-elle passerpar ici… Que Son Altesse prenne garde…Le prince ne se hâtait nullement, très intéressé, s’attardant au contraireà regarder la manœuvre des machinistes. On venait de descendre uneherse, et cette rampe de gaz, suspendue dans ses mailles de fer, éclairaitla scène d’une raie large de clarté. Muffat surtout, qui n’avait jamais visitéles coulisses d’un théâtre, s’étonnait, pris d’un malaise, d’une répugnancevague mêlée de peur. Il levait les yeux vers le cintre, où d’autresherses, dont les becs étaient baissés, mettaient des constellations de petitesétoiles bleuâtres, dans le chaos du gril et des fils de toutes grosseurs,des ponts volants, des toiles de fond étalées en l’air, <strong>com</strong>me d’immenseslinges qui séchaient.100

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