avec l'émir 'Ali un <strong>de</strong>s quatres fils d’Hussein, <strong>le</strong> Chérif <strong>de</strong> la Mecque. Alors que ses frèresFaycal et 'Abdallah, après la première guerre mondia<strong>le</strong>, avaient réussi à obtenirrespectivement <strong>le</strong> royaume d'Irak pour <strong>le</strong> premier et <strong>le</strong> royaume <strong>de</strong> Transjordanie pour <strong>le</strong>second; 'Ali avait hérité, lui, <strong>de</strong> son père <strong>le</strong> royaume d'Arabie. Il en avait été chassé par Ibnal-Sa'ud et, convaincu d'avoir été trahi par <strong>le</strong>s Anglais, il avait choisi la <strong>France</strong> commepays d’exil. Pendant une pério<strong>de</strong> d'environ vingt ans Paris lui avait fait entrevoir lapossibilité <strong>de</strong> <strong>le</strong> nommer – comptant sur l'appui <strong>du</strong> Parti monarchique local – roi <strong>de</strong> Syrie,nation dans laquel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s Français avaient imposé une forme d'Etat républicain. Le tempsl'avait pourtant déçu l'amenant à la conclusion que jamais <strong>le</strong>s Français dans <strong>le</strong>urprotectorat ne permettraient l'instauration d'une monarchie. L'émir 'Ali se rapprocha parconséquent <strong>de</strong>s cerc<strong>le</strong>s indépendantistes cherchant à joindre <strong>le</strong>s <strong>de</strong>ux causes, cel<strong>le</strong> <strong>de</strong>l’indépendance et cel<strong>le</strong> <strong>de</strong> la restauration monarchique, et espérant conquérir <strong>le</strong>s partisans<strong>de</strong> la première à cel<strong>le</strong> qui lui tenait <strong>le</strong> plus à cœur.Rohring, avec l'appui <strong>de</strong> Grobba et avec <strong>le</strong> consentement <strong>de</strong> l'émir, chercha à convaincreOtto Abetz, ambassa<strong>de</strong>ur à Paris <strong>de</strong>puis 1940, qui désormais il n'y avait plus aucun motifpour tenir compte <strong>de</strong>s arguments <strong>de</strong>s Français et <strong>de</strong> continuer à con<strong>de</strong>scendre à <strong>le</strong>urs<strong>de</strong>man<strong>de</strong>s. Il fallait déci<strong>de</strong>r que c’était <strong>le</strong> moment opportun pour proclamer l'indépendance<strong>de</strong> la Syrie <strong>sous</strong> la monarchie d'Alî. Abetz <strong>de</strong>manda au ministère <strong>de</strong>s Affaires étrangères<strong>de</strong> Berlin <strong>de</strong> l'autoriser à exercer une pression sur <strong>le</strong> Gouvernement <strong>de</strong> Vichy dans un telsens. Par l'intermédiaire <strong>de</strong> Woermann il lui fut répon<strong>du</strong> qu'à ce moment il était superflu <strong>de</strong>s'occuper <strong>de</strong>s affaires syriennes puisque <strong>le</strong>s Al<strong>le</strong>mands n'avaient pas <strong>le</strong>s moyensmatériels <strong>de</strong> mettre 'Ali sur <strong>le</strong> trône <strong>de</strong> Syrie.Le Bureau <strong>du</strong> Maghreb dirigé à Berlin par <strong>le</strong> Grand Mufti et parmi <strong>le</strong>s membres <strong>du</strong>quel sedistinguait <strong>le</strong> <strong>de</strong>stourien Habib Thammer, continuait à travail<strong>le</strong>r en faveur d'une toujoursplus étroite collaboration entre <strong>le</strong>s communautés maghrébines résidant en <strong>France</strong> et <strong>le</strong>sautorités al<strong>le</strong>man<strong>de</strong>s d'occupation. A Paris, au numéro 118 <strong>de</strong> l’avenue <strong>de</strong>s ChampsElysée, il y avait <strong>le</strong> siège <strong>du</strong> Centre <strong>de</strong> propagan<strong>de</strong> arabe appelé familièrement <strong>le</strong> ComitéYasin, <strong>du</strong> nom <strong>de</strong> l'animateur <strong>du</strong> CARNA, 'Abd al-Rahman Yasin. A partir <strong>de</strong> 1940 <strong>le</strong>consul <strong>du</strong> <strong>Reich</strong> Vassel, <strong>le</strong>s conseil<strong>le</strong>rs d'ambassa<strong>de</strong> K<strong>le</strong>tch et Marr, avec Arpel unorientaliste, avaient apporté l'appui al<strong>le</strong>mand au Comité qui se divisait en trois sections. Latunisienne était dirigée par un ex-<strong>le</strong>a<strong>de</strong>r étudiant Bashir Maddhebi, dont l'action jouissait<strong>de</strong> l'appui et <strong>de</strong> la collaboration d'un vieux dirigeant <strong>de</strong>stourien <strong>de</strong> Gafsa, Slimane benAhmed Jirad. Pour diriger la section algérienne on trouvait <strong>de</strong>ux vieux chefs <strong>du</strong> PPA,animateurs <strong>de</strong> la section kaby<strong>le</strong> <strong>de</strong> Radio Paris-Mondial, Mohammed Igherbouchêne etsurtout Belqasem Radjef. Le directeur <strong>de</strong> la section marocaine était lui un vieux partisand'Abd el-Krim, <strong>de</strong> nom Busin. A partir <strong>de</strong> janvier 1943, pour soutenir l'activité <strong>du</strong> Comité, ily eut aussi Grobba, alors conseil<strong>le</strong>r diplomatique auprès <strong>de</strong> l'ambassa<strong>de</strong> <strong>du</strong> <strong>Reich</strong> à Paris,en étroit contact surtout avec <strong>le</strong> SD et l'Abwehr.Le journal er-Rachid, qui atteignit un tirage <strong>de</strong> quatre-vingt mil<strong>le</strong> exemplaires, était <strong>le</strong> plusenflammé partisan <strong>de</strong> l'alliance islamo-al<strong>le</strong>man<strong>de</strong>. Organe <strong>du</strong> Comité musulman nordafricain,animé par Mohammed al-Ma'adi, par Mohammed Louaieb et Adjou Sa'id, ilconnut <strong>de</strong>ux parutions distinctes: la première tirée à trente mil<strong>le</strong> exemplaires parûtmensuel<strong>le</strong>ment <strong>de</strong> janvier à décembre 1943; la secon<strong>de</strong> hebdomadaire, mais <strong>du</strong> formatd'un quotidien, fut publiée entre janvier et août 1944. Le papier pour l'impression étaitfourni par George Pra<strong>de</strong>, conseil<strong>le</strong>r municipal <strong>de</strong> Paris mais aussi une <strong>de</strong>s principa<strong>le</strong>sautorités <strong>de</strong> la presse <strong>de</strong> l’époque et un collaborateur <strong>de</strong> <strong>Les</strong> Nouveaux temps, <strong>le</strong>quotidien <strong>de</strong> Jean Luchaire. Er-Rachid était l’organe <strong>du</strong> Comité musulman nord-africain.Celui-ci créé en avril 1941, avait pour prési<strong>de</strong>nt al-Ma'adi – membre <strong>du</strong> Comité Yasin – etpour secrétaire Ben Smaïl.Le journal se donnait ces objectifs dans son premier numéro la fédération <strong>de</strong>s trois paysmaghrébin, l'égalité entre <strong>le</strong>s différentes ethnies nord-africaines, la nécessité d'exproprier
<strong>le</strong>s juifs et <strong>le</strong>s traîtres «qui ont fait envahir notre Pays par <strong>le</strong>s anglo-saxons avec l'objectif<strong>de</strong> s'emparer <strong>de</strong> nos biens et d'asservir nos personnes».A l'origine « autonomiste » dans <strong>le</strong> cadre <strong>de</strong> la collaboration franco-al<strong>le</strong>man<strong>de</strong>, er-Rachidévolua rapi<strong>de</strong>ment dans <strong>le</strong> sens <strong>de</strong> la revendication <strong>de</strong> l'indépendance. Si al-Ma'adi, enmai 1943, publiait pour <strong>le</strong>s Editions <strong>France</strong>-Empire, L'Afrique <strong>du</strong> Nord, Terre d'Histoire,dans <strong>le</strong>quel il stigmatisait l'occupation « judéo-anglo-américaine » en Algérie, quelquemois après, <strong>le</strong> numéro <strong>du</strong> journal <strong>du</strong> 26 janvier 1944 sortait avec <strong>le</strong> titre suivant: «L'Afriqueaux Nord-africains ! Indépendance tota<strong>le</strong> dans la nouvel<strong>le</strong> Europe!»Dans son numéro d'octobre 1943, <strong>le</strong> journal lança l'idée <strong>de</strong> procé<strong>de</strong>r à l'unification <strong>de</strong>l'Algérie, <strong>de</strong> la Tunisie et <strong>du</strong> Maroc et <strong>de</strong> créer un «grand Maghreb»; cela après la victoire<strong>de</strong> l'Axe en laquel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s <strong>arabes</strong> avaient confiance: «Nos sympathie vont au nationalsocialismeal<strong>le</strong>mand qui a toujours fait preuve d’une amitié désintéressée à l'égard <strong>de</strong>l'islam. Nous faisons <strong>de</strong>s vœux pour la victoire <strong>du</strong> national-socialisme al<strong>le</strong>mand et noussommes disposés à l'ai<strong>de</strong>r <strong>de</strong> tout nos moyens, y compris avec <strong>le</strong> recours aux armes.»Le 3 février 1944, la revue, qui grâce aux subventions <strong>du</strong> WESTA <strong>de</strong> mensuel<strong>le</strong> était<strong>de</strong>venue hebdomadaire, publiait un artic<strong>le</strong> dans <strong>le</strong>quel on pouvait lire: «Nous <strong>de</strong>vonsprofiter <strong>de</strong>s circonstances pour agir, pour nous libérer. Nous confirmons notre volonté <strong>de</strong>nous libérer <strong>de</strong>s hor<strong>de</strong>s anglo-américaines et <strong>le</strong>s Al<strong>le</strong>mands nous y ai<strong>de</strong>ront sans aucundoute.»Entre temps <strong>le</strong>s Alliés avançaient inexorab<strong>le</strong>ment et il était prévisib<strong>le</strong> que d'ici peu ilstraverseraient la Manche et déc<strong>le</strong>ncheraient l'attaque contre la <strong>France</strong>, ouvrant un autrefront. <strong>Les</strong> musulmans <strong>de</strong> ce pays pourraient dans un tel cas contribuer à entraver <strong>le</strong>uravance. En mars 1944, Grobba réussit à convaincre l'ambassa<strong>de</strong>ur <strong>du</strong> <strong>Reich</strong> à Paris <strong>de</strong> lanécessité <strong>de</strong> créer tout <strong>de</strong> suite un Comité pour <strong>le</strong>s affaires nord-africaines qui étudiât lamanière d'utiliser <strong>le</strong>s maghrébins rési<strong>de</strong>nts en <strong>France</strong> et <strong>le</strong>s prisonnier <strong>de</strong> guerre nordafricains,sur <strong>le</strong> plan militaire et dans l'édification d'ouvrages <strong>de</strong> défense. La proposition nefut toutefois pas acceptée par <strong>le</strong> ministère al<strong>le</strong>mand <strong>de</strong>s Affaires étrangères et <strong>le</strong> comiténe vit jamais <strong>le</strong> jour.Débarquée en Normandie <strong>le</strong> 6 juin, <strong>le</strong>s forces alliés atteignirent Paris <strong>le</strong> 23 août. Avec <strong>le</strong>senvahisseurs, il y avait <strong>le</strong>s forces <strong>de</strong> <strong>de</strong> Gaul<strong>le</strong> dans <strong>le</strong>s rangs <strong>de</strong>squel<strong>le</strong>s se trouvaient<strong>de</strong>s Algériens, <strong>de</strong>s Tunisiens et <strong>de</strong>s Marocains, dont un grand nombre d’entre euxauraient préféré combattre pour une autre cause, cel<strong>le</strong> <strong>de</strong> la libération <strong>de</strong> <strong>le</strong>ur peup<strong>le</strong> <strong>du</strong>colonialisme. Maintenant, paradoxa<strong>le</strong>ment, <strong>le</strong>s Al<strong>le</strong>mands, qui n'avaient pas d'abor<strong>de</strong>xploité l'occasion qui s'était présentée, cherchaient avec une intense activité <strong>de</strong>propagan<strong>de</strong> d'empêcher la campagne <strong>de</strong> recrutement mis en oeuvre par <strong>de</strong> Gaul<strong>le</strong>.De tels efforts furent vains ou tout au moins peu efficaces. Du reste, pour <strong>le</strong>s Arabes ilétait très diffici<strong>le</strong> <strong>de</strong> comprendre <strong>le</strong>s raisons pour <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s l'Al<strong>le</strong>magne promettaitl'indépendance en 1944, quand, en 1940 puis en 1942, el<strong>le</strong> avait été dans <strong>le</strong>s conditions<strong>de</strong> l'accor<strong>de</strong>r mais ne l'avait pas fait. Le <strong>Reich</strong>, qui, en outre, reculait sur tous <strong>le</strong>s fronts, nepouvait non plus rien faire en appui à une éventuel<strong>le</strong> révolte <strong>de</strong>s pays nord-africains.L'espérance d'indépendance pour <strong>le</strong> Maghreb ne <strong>de</strong>vait plus avoir d’espoir que dans <strong>le</strong>nationalisme arabe; Hit<strong>le</strong>r, pourtant encore admiré, n'était plus <strong>le</strong> héros invincib<strong>le</strong> que <strong>le</strong>sArabes avaient imaginé