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La responsabilité sociale de l'entreprise ou l'épuisement ... - ESC Pau

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Rappelons t<strong>ou</strong>t d’abord les quatre critères qu’A. Hatchuel (2000) suggère comme venantfon<strong>de</strong>r un modèle organisationnel :- une vision qui dépasse la dimension <strong>de</strong>s techniques d’organisation,- un dépassement <strong>de</strong>s spécificités sectorielles,- l’existence d’institutions permettant la formulation et la diffusion du modèle (écoles,chercheurs, gr<strong>ou</strong>pes <strong>de</strong> professionnels, etc.),- <strong>de</strong>s concrétisations exemplaires.C’est donc aux fon<strong>de</strong>ments <strong>de</strong>s modèles qu’il est question <strong>de</strong> s’intéresser ici, le premieraspect étant celui <strong>de</strong> réduction, réduction allant <strong>de</strong> pair avec une simplification et le second enétant l’aspect normatif. Dans t<strong>ou</strong>te référence à un modèle, l’aspect réduction <strong>de</strong> la réalitétendrait à mettre en avant l’aspect « passif » <strong>de</strong> la représentation là où, dans son acceptionnormative, ce serait l’aspect « actif » <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntification qui l’emporterait.C’est ce d<strong>ou</strong>ble processus qui est qualifié <strong>de</strong> modélisation. En ce sens, il est possible <strong>de</strong>modéliser à l’infini et rien ne vient limiter la production <strong>de</strong> modèles. Mais ce qui compte avecl’organisation, c’est aussi la justification du modèle. C’est donc ce processus <strong>de</strong> justificationqui vient limiter la production <strong>de</strong> modèles, en « user » les uns, en susciter les autres. Il estdonc essentiel <strong>de</strong> s’interroger sur les conditions <strong>de</strong> production <strong>de</strong>s modèles et <strong>de</strong> savoirp<strong>ou</strong>rquoi certains d’entre eux émergent à un moment donné alors que d’autres disparaissentd’autant que, parler <strong>de</strong>s choses, c’est aussi les « exciter ». Modéliser se distingue à ce titre <strong>de</strong>modèle : la modélisation est le processus, avec ses caractéristiques propres là où le modèle estle résultat, avec ses caractéristiques propres elles aussi. Modélisation est bien sûr reliée àmodèle, mais ce sont aussi <strong>de</strong>ux histoires différentes dans la mesure où le modèle possè<strong>de</strong> unedimension performative d’auto-réalisation qui vient alors distinguer son histoire <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> lamodélisation.On p<strong>ou</strong>rrait, à l’instar <strong>de</strong> L. Sfez (2002), parler à ce propos <strong>de</strong> « personnage conceptuel » dansla mesure où le modèle n’est ni un personnage historique, ni un héros, ni un mythe, mais uneproduction discursive en synchronisation avec un territoire et une époque. Ce personnagetiendrait sa substance <strong>de</strong> la répétition d’éléments <strong>de</strong> « réalité » et se positionnerait au regardd’objets <strong>de</strong> référence. Il en va ainsi, par exemple, du modèle « japonais » d’organisation.<strong>La</strong> schématisation peut être conçue comme une modélisation procédurale et substantielle <strong>de</strong>l’organisation. <strong>La</strong> notion <strong>de</strong> modèle possè<strong>de</strong> un aspect « étiquetage » (son côté démonstratif)mais aussi un aspect conceptuel, celui <strong>de</strong> lien entre un idéal-type théorique et un idéal-typepratique (mais où le théorique préexiste).Avec le modèle, il est donc question <strong>de</strong> forme fondant <strong>de</strong>s compétences distinctives (uneforme X, Y, etc.). <strong>La</strong> forme est donc à la fois la fois typique et spécifique, représentative d’un« métabolisme ». Avec la référence à un modèle, l’importance <strong>de</strong>s formes organisationnelleset la focalisation sur leur formation est majeure. Mais le modèle est <strong>de</strong> nature a-historiquemême s’il se prête au jeu <strong>de</strong>s « vieilles » et <strong>de</strong>s « n<strong>ou</strong>velles » formes organisationnelles surl’implicite <strong>de</strong> la « rupture », permettant ainsi d’établir <strong>de</strong>s chronologies sans « Histoire ». Unefois établie, la référence au modèle se fait par <strong>ou</strong>bli du processus <strong>de</strong> formation. C’est sonfocus qui compte. L’institutionnalisation du modèle déb<strong>ou</strong>che sur la croyance en sa légitimité.Il est important <strong>de</strong> s<strong>ou</strong>ligner la différence qui peut exister entre une question, un thème et unemo<strong>de</strong>, la modélisation prenant alors un caractère diachronique alors que « modèle » et« business mo<strong>de</strong>l » prennent un aspect synchronique. Les modèles sont parfois5


1° qu’il s’agisse d’un modèle organisationnel, la question <strong>de</strong> la RSE étant à la fois unestructurante quant à la nature et aux circonstances auxquelles se tr<strong>ou</strong>vent confrontées lesentreprises mais aussi le signe du passage <strong>de</strong> la focalisation <strong>de</strong> leur management sur les tâchesà la focalisation sur les personnes.2° qu’il puisse a minima entrer dans un cadre d’interprétation culturaliste, ce qui pose donc laquestion du référentiel comparatif (un modèle « européen » ici ?).Le modèle « américain » <strong>de</strong> la RSE tend à se référer à l’existence <strong>de</strong> « modèles » culturels <strong>de</strong>référence sur la base d’une forme <strong>de</strong> primauté accordée à une culture dite « américaine » etc’est par référence à R. Farnetti & I. War<strong>de</strong> (1997) qu’il sera question d’envisager cetteperspective. <strong>La</strong> transmission d’un « modèle américain » se serait ainsi effectuée par empruntset métissage : les métho<strong>de</strong>s américaines <strong>de</strong> management ont pris une place prépondérante dansles pratiques managériales en dans le mon<strong>de</strong>, essentiellement après la 2° Guerre Mondiale.Mais elles s’en sont n<strong>ou</strong>rries également. C’est ce qui rend alors beauc<strong>ou</strong>p plus confus qu’iln’y paraît la mise en comparaison d’un modèle « américain » <strong>de</strong> la RSE au regard d’unmodèle « européen ».Comme l’indiquent les travaux anthropologiques sur l’acculturation (cf. Basti<strong>de</strong>, 1970), latransmission <strong>de</strong>s modèles obéit à <strong>de</strong>ux paradoxes. Le premier est lié à l’effet d’importation dumodèle qui ne peut induire les mêmes résultats que ceux observés dans le pays d’origine. Le<strong>de</strong>uxième concerne le cas fréquent du modèle corrigé et renvoyé ensuite au pays d’origine quien tire parti. Les modèles se n<strong>ou</strong>rrissent donc les uns <strong>de</strong>s autres et impliquent <strong>de</strong>s effetsdifférents selon l’environnement d’application. C’est sans d<strong>ou</strong>te aussi la raison p<strong>ou</strong>r laquelleleur distinction est beauc<strong>ou</strong>p plus difficile qu’il n’y paraît.Le modèle « américain » se distinguerait ainsi du modèle « rhéno-japonais » incarné parl’Allemagne et le Japon, caractérisé par la prédominance <strong>de</strong> la finance dans l’économie et parla réalisation <strong>de</strong>s profits dans le c<strong>ou</strong>rt terme, à la différence du second connu par la placeimportante <strong>de</strong> l’industrie et par la difficulté à réaliser les profits dans le c<strong>ou</strong>rt terme. Cepremier parc<strong>ou</strong>rs montre le fl<strong>ou</strong> intellectuel qui prévaut sans d<strong>ou</strong>te un peu hâtivement dansl’appellation <strong>de</strong> modèle « américain » <strong>de</strong> la RSE et dans l’opposition implicite qui est alorsintroduite au regard d’un modèle « européen ». S’agit-il alors d’affirmer, au regard ducosmopolitisme implicite d’un modèle « américain » le minoritarisme militant (voirecommunautariste) d’un modèle « européen » ? <strong>La</strong> mondialisation induirait le basculement versune ère <strong>de</strong> la « gran<strong>de</strong> transformation » <strong>de</strong>s formes organisationnelles avec l’idéologie <strong>de</strong> laforme unique, celle du modèle « américain » (dont sa version RSE) au regard <strong>de</strong> résistances,celle d’un modèle « européen » par exemple.<strong>La</strong> référence en argument majeur à une aire géographique établit donc une ambiguïté entre laperspective « macro » politique du développement durable, donc nécessairement inscrite dansle cadre d’une géographie politique et économique par référence à <strong>de</strong>s Etats qui se montrentconcernés par le développement durable <strong>de</strong> façon différente les uns <strong>de</strong>s autres et la perspective« micro » politique <strong>de</strong> la RSE, <strong>de</strong> l'ordre <strong>de</strong>s stratégies édictées par les directions générales.C’est seulement par la comparaison terme à terme <strong>de</strong> propositions qu’il est possible <strong>de</strong> fon<strong>de</strong>run « culturalisme » <strong>de</strong> la perspective qui permettrait <strong>de</strong> distinguer une compréhensionaméricaine d’une compréhension européenne sur la base <strong>de</strong> stéréotypes dont on essayed’éviter qu’il s’agisse <strong>de</strong> préjugés.D’où l’obligation, p<strong>ou</strong>r qui veut parler d’un stéréotype « américain » <strong>de</strong> la RSE, <strong>de</strong> lui tr<strong>ou</strong>verun stéréotype <strong>de</strong> comparaison, qualifié « d’européen » ici.7


Perspective américainePerspective européenneEviter les impacts dommageables à Partie intégrante <strong>de</strong> la « philosophie »la valeur actionnariale et à lamanagériale au regard d’une cultureréputationorganisationnelle et d’un management basé sur laréférence à <strong>de</strong>s valeursDeman<strong>de</strong> « externe » ayant induitles co<strong>de</strong>s d’éthiqueLe management ne peutignorer la démocratie sur le lieu <strong>de</strong>travailTradition du républicanisme Les perspectives « éthiques »civique (en particulier <strong>de</strong> la vertu émanent <strong>de</strong>s partenairescivique d’honnêteté)sociauxImportance accordée au trainingformel sur les valeursTradition juridique <strong>de</strong> la commonlaw où une place est laissée auconflit et à l’interprétationImportance <strong>de</strong>s lois sur la corruptionLes co<strong>de</strong>s d’éthique sont <strong>de</strong>s quasiloisImportance accordée à lacompréhension <strong>de</strong>s valeursTradition juridique <strong>de</strong>sco<strong>de</strong>s napoléoniens, dudroit du travailAspect volontaire (et non légal)Les co<strong>de</strong>s d’éthique sont<strong>de</strong>s gui<strong>de</strong>s sans caractère obligatoireFe<strong>de</strong>ral Sentencing Gui<strong>de</strong>lines Partenariat employeurs -employés (dont les syndicats)C<strong>ou</strong>rs d’éthique <strong>de</strong>s affaires dans lescursus <strong>de</strong> managementC<strong>ou</strong>rs sur les implicationséconomiques <strong>de</strong> la vie <strong>de</strong>s affaires, compte tenu<strong>de</strong> perspectives éthiquesC’est d’ailleurs la question qu’abor<strong>de</strong> J.-P. Ségal (2003) en s<strong>ou</strong>lignant, avec la RSE, lescont<strong>ou</strong>rs d’une situation interculturelle riche d’enseignement à partir d’un concept trèsimprégné <strong>de</strong> références américaines.Le Livre Vert édité par la Commission <strong>de</strong>s Communautés définit ainsi le concept <strong>de</strong> RSE.« Le concept <strong>de</strong> Responsabilité Sociale <strong>de</strong>s Entreprises signifie essentiellement que celles-cidéci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> leur propre initiative <strong>de</strong> contribuer à améliorer la société et rendre plus proprel’environnement. Au moment où l’Union Européenne s’efforce d’i<strong>de</strong>ntifier <strong>de</strong>s valeurscommunes en adoptant une charte <strong>de</strong>s droits fondamentaux, un nombre croissant d’entreprisereconnaissent <strong>de</strong> plus en plus clairement leur responsabilité <strong>sociale</strong> et considèrent celle-cicomme une composante <strong>de</strong> leur i<strong>de</strong>ntité. Cette responsabilité s’exprime vis-à-vis <strong>de</strong>s salariéset, plus généralement, <strong>de</strong> t<strong>ou</strong>tes les parties prenantes qui sont concernées par l’entreprisemais qui peuvent, à leur t<strong>ou</strong>t, influer sur sa réussite (…) Bien que leur responsabilitépremière soit <strong>de</strong> générer <strong>de</strong>s profit, les entreprises peuvent en même temps contribuer à <strong>de</strong>sobjectifs sociaux et à la protection <strong>de</strong> l’environnement, en intégrant la responsabilité <strong>sociale</strong>comme investissement stratégique au cœur <strong>de</strong> leur stratégie commerciale, <strong>de</strong> leurs8


instruments <strong>de</strong> gestion et <strong>de</strong> leurs activités » (2001). Cette définition particulièrement large<strong>ou</strong>vre le champ à <strong>de</strong> nombreuses interprétations, mais son culturalisme américain doitnéanmoins être s<strong>ou</strong>ligné. Ce culturalisme a été confirmé par la section « Emploi, affaires<strong>sociale</strong>s, citoyenneté » du Comité Economique et Social Européen portant sur les« Instruments <strong>de</strong> mesure et d’information sur la responsabilité <strong>sociale</strong> <strong>de</strong>s entreprises dans uneéconomie globalisée » qui a adopté un avis le 24 mai 2005 en la définissant comme« l’intégration volontaire par les entreprises <strong>de</strong> préoccupations <strong>sociale</strong>s et environnementalesà leurs activités commerciales et leurs relations avec les parties prenantes » au nom duneconception européenne du développement durable, et par référence à « une économie <strong>sociale</strong><strong>de</strong> marché hautement compétitive qui tend au plein emploi et au progrès social », ce quimarque sa différence avec le culturalisme précé<strong>de</strong>nt.D’après J.-P. Ségal, cette définition introduit quatre dimensions essentielles, aut<strong>ou</strong>r <strong>de</strong>squellesva se structurer le débat interculturel :- Le caractère « volontaire » qui signifie que c’est bien l’entreprise, à travers sonmanagement, qui prend <strong>de</strong>s engagements en cette matière, en allant au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> sesobligations légales et contractuelles existantes. Cet engagement volontaire possè<strong>de</strong> unevaleur morale d’exemplarité et associe <strong>de</strong>s valeurs altruistes avec la prise en compte <strong>de</strong>l’intérêt à long terme. Cela confère en quelque sorte à l’entreprise le droit d’attendre, encontrepartie, une forme <strong>de</strong> reconnaissance <strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s « parties prenantes »(actionnaires, consommateurs, salariés, citoyens, etc.).- Le caractère « durable » qui affirme le sérieux <strong>de</strong> l’engagement correspondant en mêmetemps que son caractère stratégique.- Le caractère « transparent » qui repose sur la collecte et la publication d’informationsdiffusées à l’intérieur et à l’extérieur et permet d’authentifier la réalité <strong>de</strong>s « bonnespratiques » affichées et <strong>de</strong> mesurer les progrès accomplis.- <strong>La</strong> capacité à impliquer <strong>de</strong> n<strong>ou</strong>velles « parties prenantes ».<strong>La</strong> question <strong>de</strong> la rentabilité <strong>de</strong> la RSE est donc posée sans états d’âme à partir <strong>de</strong> l’affichage<strong>de</strong> ce que les propriétaires <strong>de</strong> l’entreprise et / <strong>ou</strong> leurs mandataires ont le droit et le <strong>de</strong>voird’effectuer quant aux valeurs <strong>de</strong> « leur » entreprise, sachant que le développement <strong>de</strong> la valeuréconomique est alors considérée comme inséparable <strong>de</strong> sa rectitu<strong>de</strong> morale. On se tr<strong>ou</strong>ve faceà un univers libéral où la self regulation est considérée comme <strong>de</strong>vant j<strong>ou</strong>er un rôle majeur.Finalement, l’hétérogénéité culturelle européenne pose en fait la question <strong>de</strong> l’éventuelleexistence, même future, d’un modèle « européen » <strong>de</strong> la RSE, donc d’un modèle européen« convergent » <strong>de</strong> la RSE.Mais les circonstances <strong>de</strong> l’épuisement du thème <strong>de</strong> la RSE cotées au départ <strong>de</strong> ce texte fontqu’il ne transformera pas en modèle. C’est la corrélation <strong>de</strong>s cinq crises dont il a été questionqui sera le générateur essentiel d’un éventuel modèle à venir.5. Commentaires sur l’épuisement <strong>de</strong> la RSE comme thème<strong>La</strong> RSE était bien, a minima, un thème <strong>de</strong> gestion, thème que l’on peut, en quelque sorte,positionner en « continuation – amplification » du thème <strong>de</strong> l’éthique <strong>de</strong>s affaires, moinsdominant à l’époque <strong>de</strong> son développement (la décennie 90) dans les références qui lui étaientfaites. A ce titre, c’est un acte <strong>de</strong> direction générale. Son importance fait qu’elle appartientauj<strong>ou</strong>rd’hui aux catégories <strong>de</strong> l’organizational behavior. C’est enfin une sorte <strong>de</strong> projetalternatif à celui du communisme comme mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> développement économique et social dufait <strong>de</strong> ce qu’il est convenu d’appeler « la fin <strong>de</strong>s idéologies » (cf. Fukuyama, 1992)… et doncaussi un projet idéologique. C’est sans d<strong>ou</strong>te cela qui tend à lui donner un <strong>de</strong>s aspectsconstitutifs d’un modèle, celui <strong>de</strong> son volet normatif.9


Comme on l’a déjà s<strong>ou</strong>ligné plus haut, la RSE peut être rattachée à la longue histoire <strong>de</strong>l’assistance charitable <strong>de</strong>s sociétés occi<strong>de</strong>ntales <strong>de</strong>puis le Moyen Age, mais d’une charitéostentatoire, ce qui expliquerait les innombrables efforts qui ont été déployés p<strong>ou</strong>r en rendrecompte en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>s traditionnelles catégories <strong>de</strong> la communication financière. Les actes <strong>de</strong>la RSE seraient alors en fait plus proches <strong>de</strong> la protection (<strong>de</strong>s animaux, <strong>de</strong>s plantes t<strong>ou</strong>tcomme <strong>de</strong>s personnes au regard <strong>de</strong>s liens tressés avec les innombrables et disparates ONG)que <strong>de</strong> la charité <strong>ou</strong> <strong>de</strong> la solidarité. On p<strong>ou</strong>rrait même, à la limite, au regard <strong>de</strong> l’ostentationorganisée <strong>de</strong>s contenus <strong>de</strong> la communication à propos <strong>de</strong> la RSE parler d’entreprise « damepatronnesse » qui fait le bien certes, mais dans le sens <strong>de</strong> ses intérêts t<strong>ou</strong>t en tenant undisc<strong>ou</strong>rs infantilisant à l’adresse <strong>de</strong>s « parties prenantes ».Un autre trait à s<strong>ou</strong>ligner est t<strong>ou</strong>t ce qui concerne une sécularisation <strong>de</strong> type économique maisaussi morale et politique <strong>de</strong> l’entreprise dans « une société postséculière » p<strong>ou</strong>r reprendrel’expression <strong>de</strong> J. Habermas (2003). Dans les catégories d’un « moment libéral » où sedéveloppent les conditions génétiques <strong>de</strong> l’hétérodétermination <strong>de</strong> l’humain, l’entreprise, lieuprivilégié <strong>de</strong> la concrétisation <strong>de</strong> la technoscience, se voit corrélativement <strong>de</strong>venir un lieud’édiction hétéronome d’une injonction à l’autonomie comme condition <strong>de</strong> possibilité <strong>de</strong> salégitimité morale et politique. C’est à ce titre d’ailleurs qu’elle s’institutionnalise, dans uneforme d’accomplissement <strong>de</strong> la critique formulée par M. Friedman (1971) <strong>de</strong> la dévolution à« <strong>de</strong>s individus privés auto-désignés » qui déci<strong>de</strong>nt « <strong>de</strong> ce qui est l’intérêt <strong>de</strong> la société ».On peut remarquer la corrélation actuelle <strong>de</strong> cette thématique <strong>de</strong> la RSE avec celle du risquedont la gestion, considérée au sens large du terme, conduit à la désignation potentielle et réelle<strong>de</strong> responsables à la fois « dans » mais aussi « au-<strong>de</strong>là » <strong>de</strong>s frontières <strong>de</strong> l’entreprise.Corrélativement au « moment libéral », on a en effet assisté à une « conjonction – disjonction– contradiction » entre le périmètre juridique, le périmètre économique et le périmètre social<strong>de</strong> l’entreprise (en particulier celui <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong> entreprise), disjonction créatrice <strong>de</strong> risques<strong>de</strong>vant bien sûr être maîtrisés. C’est aussi à ce titre que l’on peut parler <strong>de</strong> triple bottom line.Et c’est bien sur cela que se fon<strong>de</strong> la RSE dans la mesure où les conséquences <strong>de</strong> la vied’entreprise débor<strong>de</strong>nt le périmètre juridique qui marque classiquement, en droit, la frontière<strong>de</strong> ses responsabilités.Mais, p<strong>ou</strong>r une direction d’entreprise, attendre <strong>de</strong>s retombées d’une politique <strong>de</strong> responsabilité<strong>sociale</strong> :- C’est <strong>de</strong>voir rapprocher les politiques <strong>de</strong> responsabilité <strong>sociale</strong> avec <strong>de</strong>s logiquesd’évaluation sur la base <strong>de</strong> raisonnements « coûts – avantages », d’où le développement <strong>de</strong>t<strong>ou</strong>te une instrumentation.- C’est « trier » entre <strong>de</strong>s problèmes sociaux (par exemple en évacuant <strong>de</strong> façon quasigénérale le thème du handicap p<strong>ou</strong>r ne le laisser éventuellement subsister que s<strong>ou</strong>s sonaspect discursif au regard <strong>de</strong> l’importance relative accordée au thème <strong>de</strong> la lutte contre leSIDA).- C’est une forme <strong>de</strong> légitimation <strong>de</strong> la gérontocratie inhérente aux fonds <strong>de</strong> pension (ceciva <strong>de</strong> pair avec le thème <strong>de</strong>s fonds <strong>de</strong> placement dits « éthiques »).- C’est une « confiscation – récupération » managériale du développement durable avec une« confusion » récursive du « développement durable » <strong>de</strong> la planète et considéré commeréductible au « développement durable » <strong>de</strong> l’entreprise, et donc une intrusion <strong>de</strong>l’entreprise dans la définition du « Bien commun » au regard <strong>de</strong> la question <strong>de</strong>s rapportsentre l’Homme et la Nature.10


- C’est une recherche <strong>de</strong> légitimité par rapport à l’affaissement <strong>de</strong> la loi et par mimétisme,d’où la référence à <strong>de</strong>s normes et à <strong>de</strong>s « modèles ». P<strong>ou</strong>r ces <strong>de</strong>rniers, il s’agit aussi <strong>de</strong>profiter <strong>de</strong> leur dimension symbolique.- C’est « acter », en se référant à un modèle « anglo-américain » <strong>de</strong> la RSE, la suprématieculturelle américaine dans sa vocation à proposer <strong>de</strong>s normes au fonctionnement <strong>de</strong>sentreprises.C’est p<strong>ou</strong>rquoi on retr<strong>ou</strong>ve, aut<strong>ou</strong>r du thème <strong>de</strong> la RSE, <strong>de</strong>s postures telles que :- le fait d’en profiter (par exemple en lançant <strong>de</strong>s produits « bio ») ;- la pru<strong>de</strong>nce qui consiste à t<strong>ou</strong>t faire p<strong>ou</strong>r éviter les catastrophes ;- une autre version <strong>de</strong> la pru<strong>de</strong>nce qui consiste à t<strong>ou</strong>t faire p<strong>ou</strong>r se faire « <strong>ou</strong>blier » ;- la tartufferie <strong>de</strong> la transformation du vice en vertu.<strong>La</strong> RSE a donc été une réponse « pragmatique » (cf. les best practices) et « proactive » auxpressions liées aux perspectives environnementales, politiques et <strong>sociale</strong>s adressées par lecorps social à l’entreprise. On est ainsi face à une n<strong>ou</strong>velle manifestation agoniste 1 (cf.M<strong>ou</strong>ffe, 1994) du projet managérial, c’est-à-dire <strong>de</strong> l’utopie du refus <strong>de</strong> reconnaîtrel’existence d’antagonismes dans l’entreprise. « Ouvriers, actionnaires, même combat ! » Ledéveloppement du thème <strong>de</strong> la RSE s’est d’abord structuré aut<strong>ou</strong>r <strong>de</strong> l’injonction négatived’évitement et <strong>de</strong> réparation <strong>de</strong>s dommages sociaux. Cette injonction est fondée sur unetradition éthique américaine du « minimum moral » (Simon & Powers & Gunnemann, 1972),c’est-à-dire la nécessité <strong>de</strong> formuler une réponse <strong>de</strong>vant l’impossibilité d’éviter une injonctionnégative, même si la notion <strong>de</strong> dommage social est à la fois imprécise et évolutive dans letemps. C’est sans d<strong>ou</strong>te ce fon<strong>de</strong>ment qui est venu générer la référence à un modèle« américain » <strong>de</strong> la RSE.Avec la RSE, la relation entre l’entreprise et la société était comprise comme étant <strong>de</strong> naturecontractuelle (cf. Dahl, 1972), idéologie qui légitime auj<strong>ou</strong>rd’hui le continuum « droit –contrat – responsabilité ». De plus, t<strong>ou</strong>t l’édifice <strong>de</strong> l’échange marchand reposant sur <strong>de</strong>s« fondamentaux » extra-économiques telle la confiance elle-même fondée, en <strong>de</strong>rnier ressort,sur <strong>de</strong>s principes moraux, il s’agissait <strong>de</strong> fon<strong>de</strong>r ce contractualisme sur <strong>de</strong>s perspectiveséthiques. On retr<strong>ou</strong>ve d’ailleurs là reformulée la « vieille » vulgate du libéralisme économiquequi fait <strong>de</strong> la richesse <strong>de</strong> l’entreprise la richesse <strong>de</strong>s nations, le contractualisme d’entreprisefaisant, t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs par agrégation simple, le Contrat social...On voit bien ici que <strong>de</strong> nombreux ingrédients d’ordre idéologique et politique ont été àl’œuvre p<strong>ou</strong>r ce qui concerne le développement <strong>de</strong> la légitimité <strong>de</strong> la référence à un modèleorganisationnel <strong>de</strong> la RSE, indépendamment d’une interprétation culturaliste.6. Conclusion : <strong>La</strong> fin <strong>de</strong> la RSE comme thème <strong>de</strong> gestionEn miroir <strong>de</strong>s éléments <strong>de</strong>stinés à fon<strong>de</strong>r l’existence d’un modèle organisationnel tels qu’ilsont été présentés plus haut, examinons ici ceux qui permettent <strong>de</strong> définir ce qu’est un « thème<strong>de</strong> gestion » et en quoi cela peut permettre <strong>de</strong> qualifier comme telle la RSE :1 Le terme « agonisme » est dérivé du terme « antagonisme » et indique un <strong>de</strong>gré d’opposition moindre. Auxennemis (<strong>de</strong> l’antagonisme) correspon<strong>de</strong>nt les adversaires (<strong>de</strong> l’agonisme). L’agonisme tresse donc les cont<strong>ou</strong>rsd’une société (d’une organisation p<strong>ou</strong>r ce qui n<strong>ou</strong>s concerne ici) où la quête du consensus prend la place <strong>de</strong> lareconnaissance <strong>de</strong>s conflits11


- D’abord, un thème <strong>de</strong> gestion se distingue d’une mo<strong>de</strong> par sa durée : une décennieenviron. Il apparaît au début <strong>de</strong> la décennie 2000 et s’épuise à ce j<strong>ou</strong>r : c’est donc plusqu’une mo<strong>de</strong>.- Il a offert le support d’une vision managériale fédératrice (p<strong>ou</strong>r ne pas dire « stratégique »,notion trop vague car qu’est-ce qui n’est pas stratégique ?). Et la RSE fédère <strong>de</strong>s pratiquesdisparates en leur donnant une cohérence formelle (commerce équitable, commerceéthique, marketing éthique, fonds <strong>de</strong> placements éthiques, investissements <strong>sociale</strong>mentresponsables, stakehol<strong>de</strong>rs report, audit éthique, etc.).- Des métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong> gestion qui existaient en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> son champ s’y sont tr<strong>ou</strong>véesréinterprétées comme le reporting qui, <strong>ou</strong>tre son origine financière, <strong>de</strong>vientenvironnemental et sociétal). Des « <strong>ou</strong>tils » <strong>de</strong> gestion qui existaient avant l’émergence duthème ont pris une dimension n<strong>ou</strong>velle (les chartes éthiques par exemple). De« n<strong>ou</strong>velles » métho<strong>de</strong>s sont apparues comme p<strong>ou</strong>r t<strong>ou</strong>t ce qui t<strong>ou</strong>rne aut<strong>ou</strong>r <strong>de</strong> la notationsociétale.- <strong>La</strong> RSE comme thème <strong>de</strong> gestion a comporté <strong>de</strong>s dimensions venant fon<strong>de</strong>r laréinterprétation <strong>de</strong> la genèse <strong>de</strong> la performance, la référence à un jeu social, à <strong>de</strong>sprocédures et à <strong>de</strong>s valeurs, etc. comme avec la tripple bottom line. Mais, en y regardant<strong>de</strong> plus près, on s’est le plus s<strong>ou</strong>vent tr<strong>ou</strong>vé face à une « réinterprétation – emphase » <strong>de</strong>quelque chose qui existait déjà avec les emprunts aux techniques <strong>de</strong> mesure <strong>de</strong> laperformance financière <strong>ou</strong> à celles <strong>de</strong> la gestion <strong>de</strong> la qualité. Des métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong> gestion quiexistaient s’y sont donc tr<strong>ou</strong>vées donc réinterprétées.- Il a interagi avec <strong>de</strong>s logiques managériales telles que la g<strong>ou</strong>vernance marquée par lepassage d’une corporate governance à une global governance du fait <strong>de</strong> la référence à laRSE.- Il a convoqué <strong>de</strong>s concepts disponibles p<strong>ou</strong>r le fon<strong>de</strong>r comme la notion <strong>de</strong> « partiesprenantes ».- Il en existe <strong>de</strong>s concrétisations symboliques (comme la Danone Way, par exemple).- … Il en restera certainement quelque chose après son épuisement, au regard <strong>de</strong> l’énormedéveloppement <strong>de</strong>s pratiques <strong>de</strong> gestion qu’il a suscité.T<strong>ou</strong>t comme un modèle organisationnel, un thème <strong>de</strong> gestion bénéficie, <strong>de</strong>s attributs dudisc<strong>ou</strong>rs avec les aspects suivants :- Locutoire (ce qu’exprime le disc<strong>ou</strong>rs au premier <strong>de</strong>gré). Le disc<strong>ou</strong>rs <strong>de</strong> la RSE a reposéainsi sur <strong>de</strong> nombreuses perspectives déclaratives. Ainsi en va-t-il a minima p<strong>ou</strong>r t<strong>ou</strong>t cequi concerne les chartes <strong>de</strong> valeurs.- Illocutoire (ce qu’il empêche <strong>de</strong> dire). Et le fait qu’il succè<strong>de</strong> au thème <strong>de</strong> la valeurfinancière n’est pas neutre à cet égard, permettant à la b<strong>ou</strong>rgeoisie <strong>de</strong> continuer à p<strong>ou</strong>voiravancer masquée. Qui en effet appellerait <strong>de</strong> ses vœux <strong>de</strong>s entreprises « sales » !- Perlocutoire (les actes concrets qu’il a induit).Mais un thème <strong>de</strong> gestion, justement parce que c’est un thème et non un modèle, tend àpossé<strong>de</strong>r un contenu plus clairement idéologique :- Simplification et incantation, donc aveuglement dans le déclassement <strong>de</strong>s catégories dupolitique (la vie politique <strong>de</strong> la cité avec ses concrétisations politiques et politiciennes).Mais que fait donc l’Etat p<strong>ou</strong>r protéger les espèces en disparitions alors que le WWF,grâce aux millions qui lui sont versés par <strong>La</strong>farge le fait si bien !- Distinction entre <strong>de</strong>s facteurs « amis » et <strong>de</strong>s facteurs « ennemis » donc construction d’unepartialité, et la RSE est bien partiale. Mieux vaut j<strong>ou</strong>er sur les panneaux <strong>de</strong> basketsinstallés par Auchan qu’y être caissière !- Phagocytose (du développement durable compris au sens « macro » politique).12


Un thème <strong>de</strong> gestion ne « tombe » pas du ciel :- Les concrétisations <strong>de</strong> l’éthique <strong>de</strong>s affaires avec son <strong>ou</strong>til privilégié, les co<strong>de</strong>s d’éthique,autoédiction formulée par les directions <strong>de</strong>s plus gran<strong>de</strong>s entreprises existaient auparavantt<strong>ou</strong>t en ayant cumulé l’expérience <strong>de</strong>s difficultés <strong>de</strong> leur concrétisation au quotidien.- <strong>La</strong> force catalytique d’aspects tel que le charity business, par exemple, ont tenu lieu <strong>de</strong>situation d’apprentissage.- Les interactions avec la société le légitiment (les réactions citoyennes <strong>de</strong>l’altermondialisation, les disparités géographiques, les problèmes écologiques comme leréchauffement <strong>de</strong> la planète, l’« éthicisation » <strong>de</strong>s représentations du politique avec lamontée en légitimité <strong>de</strong> l’appel aux vertus civiques, etc.)<strong>La</strong> RSE a construit les ambiguïtés nécessaires au développement d’un « sens » :- Elle a offert le support d’une réinterprétation <strong>de</strong> la dialectique managériale, support <strong>de</strong>réinterprétation dont l’importance a été s<strong>ou</strong>lignée par H. A. Simon (1993) quand il montrat<strong>ou</strong>te la difficulté managériale du passage <strong>de</strong>s valeurs entre <strong>de</strong>s principes relevant d’uneperspective universaliste à <strong>de</strong>s faits relevant <strong>de</strong> la perspective conséquentialiste. Onretr<strong>ou</strong>ve ici l’importance <strong>de</strong>s raisonnements en dilemmes qui marquent la Business Ethics.- Elle a fondé <strong>de</strong>s disc<strong>ou</strong>rs partiels et partiaux, marquant ainsi le triomphe d’une activitécommunicationnelle compte tenu d’éléments <strong>de</strong> concrétisation. <strong>La</strong> Danone Way consiste à« réellement » prendre en compte les catégories <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> l’homme dans les logiquesmanagériales, mais les emballages <strong>de</strong> ya<strong>ou</strong>rts remplissent nos p<strong>ou</strong>belles et nos désirs lesplus primaires sont flattés par une communication commerciale basée sur la stimulation <strong>de</strong>la g<strong>ou</strong>rmandise.- Elle a conduit à l’accaparement du champ politique par les entreprises dont la légitimitédans ce domaine reste à pr<strong>ou</strong>ver, ce qui a suscité finalement en ret<strong>ou</strong>r, le développementdu politique qui s’est emparé <strong>de</strong> la notion <strong>de</strong> développement durable et qui se montre leseul à même <strong>de</strong> faire face aux crises dont il a été question en introduction.<strong>La</strong> RSE comme thème <strong>de</strong> gestion a donc épuisé sa dynamique. Les principaux bénéfices <strong>de</strong>spolitiques <strong>de</strong> RSE ont sans d<strong>ou</strong>te été une remise en cause <strong>de</strong>s pratiques <strong>de</strong> corruption, maisses concrétisations ont considérablement al<strong>ou</strong>rdi le versant procédural du fonctionnement <strong>de</strong>l’entreprise. Cet aspect est entré en combinaison multiplicative avec les autres tensionsprocédurales (par exemple avec les perspectives <strong>de</strong> la QSE – qualité, sécurité,environnement). Or l’al<strong>ou</strong>rdissement du versant procédural entre en tension avec l’efficience.Et c’est sans d<strong>ou</strong>te ce qui marque le plus clairement l’épuisement interne du thème,épuisement qui conduit à la mise en exergue d’un autre thème (le risque ?), comme thèmealternatif. Et c’est sans d<strong>ou</strong>te le défaut l’institutionnalisation <strong>de</strong> l’entreprise que vali<strong>de</strong>l’épuisement du thème <strong>de</strong> la RSE. Cette institutionnalisation peut être définie comme opérantsur le plan <strong>de</strong>s mentalités (avec les représentations du rôle <strong>de</strong> l’entreprise et <strong>de</strong> ses liens avecla société), celui <strong>de</strong>s disc<strong>ou</strong>rs (avec la manière <strong>de</strong> parler <strong>de</strong> la RSE) (Hatchuel, 2000b) celui<strong>de</strong>s pratiques (spécifiques à la RSE) et <strong>de</strong>s institutions (celles qui participent à la formation<strong>de</strong>s managers, celles qui font émerger et celles qui légitiment les normes <strong>de</strong> la RSE) et celui<strong>de</strong>s savoirs (sur la compréhension <strong>de</strong> la RSE).Du fait <strong>de</strong> l’intervention <strong>de</strong> l’entreprise dans la définition du « Bien Commun », levolontarisme managérial s’est tr<strong>ou</strong>vé en quelque sorte « dépassé » par lui-même dans savocation à proposer <strong>de</strong> substituer une omniscience <strong>de</strong> la règle établie par les directionsd’entreprise (donc sans aucune preuve <strong>de</strong> représentativité) à l’omniscience <strong>de</strong>s P<strong>ou</strong>voirsPublics sur la base d’un d<strong>ou</strong>ble argument d’utilité et d’efficience. <strong>La</strong> taille <strong>de</strong> l’entreprisemultinationale et le p<strong>ou</strong>voir qui est le sien (<strong>de</strong> même que le p<strong>ou</strong>voir cumulé du gr<strong>ou</strong>peconstitué par ces entreprises) ont conduit, au travers <strong>de</strong>s politiques <strong>de</strong> RSE, à intervenir sur la13


définition <strong>de</strong>s règles <strong>de</strong> vie en société. Mais, en ret<strong>ou</strong>r, ces mêmes entreprises se sont tr<strong>ou</strong>véesinterpellées parce qu’elles ne peuvent plus faire autrement. S’étant « substituées » auxP<strong>ou</strong>voirs Publics (parfois défaillants, certes, comme dans telles <strong>ou</strong> telles situations dans <strong>de</strong>spays en développement, par exemple), elles y ont d’autant laminé les conditions <strong>de</strong>constitution d’un Etat qui fait auj<strong>ou</strong>rd’hui cruellement défaut. D’une perspective « micro »politique (avec la RSE), on est passé, sans s’en rendre compte, à une perspective « macro »politique <strong>de</strong> la définition du « Bien Commun ». Le développement durable (<strong>de</strong> dimension« macro » politique) s’est tr<strong>ou</strong>vée relayer la RSE (<strong>de</strong> dimension « micro » politique). Mais ledéclenchement <strong>de</strong>s crises dont il a été question plus haut n’a pu tr<strong>ou</strong>ver <strong>de</strong> commencement <strong>de</strong>résolution qu’au travers <strong>de</strong>s interventions massives <strong>de</strong>s Etats, ramenant ainsi le thème <strong>de</strong> laRSE à la dimension <strong>de</strong> la question qu’il était auparavant.BibliographieALLOUCHE J. & HUAULT I. & SCHMIDT G. (2005), « <strong>La</strong> responsabilité <strong>sociale</strong> <strong>de</strong>l’entreprise (RSE) : disc<strong>ou</strong>rs lénifiant et intériorisation libérale, une n<strong>ou</strong>velle pressioninstitutionnelle », in LE ROY F. & MARCHESNAY M. (Eds.), <strong>La</strong> responsabilité <strong>sociale</strong> <strong>de</strong>l’entreprise, Paris, Editions ems, p. 177-188BASTIDE R. (1970), Le prochain et le lointain, Paris, CujasCASTEL R. (1995), Les métamorphoses <strong>de</strong> la question <strong>sociale</strong>, Paris, FayardCommission <strong>de</strong>s Communautés Européennes, Prom<strong>ou</strong>voir un cadre européen p<strong>ou</strong>r laresponsabilité <strong>sociale</strong> <strong>de</strong>s entreprises, Livre Vert, 18-07-2001DAHL R. (1972), A Prelu<strong>de</strong> to Corporate Reform, Business Society Review, n°1FARNETTI R. & WARDE I. (1997), Le modèle anglo-saxon en question, Paris, EconomicaFRIEDMAN M. (1971), Capitalism and Freedom, University of Chicago PressFUKUYAMA F. (1992), <strong>La</strong> fin <strong>de</strong> l’histoire et le <strong>de</strong>rnier homme, Paris, FlammarionHABERMAS J. (2003), L’avenir <strong>de</strong> la nature humaine – Vers un eugénisme libéral, Paris,Gallimard, collection « nrf essais »HATCHUEL A. (2000), « Y a-t-il un modèle français ? Un point <strong>de</strong> vue historique », RevueFrançaise <strong>de</strong> Gestion Industrielle, vol. 17, n° 3, p. 9-14HATCHUEL A. (2000), « Quel horizon p<strong>ou</strong>r les sciences <strong>de</strong> gestion ? Vers une théorie <strong>de</strong>l’action collective » in DAVID A. & HATCHUEL A. & LAUFER R. (Eds.), Les n<strong>ou</strong>vellesfondations <strong>de</strong>s sciences <strong>de</strong> gestion – Eléments d’épistémologie <strong>de</strong> la recherche enmanagement, Paris, Vuibert, collection « FNEGE »MARTINET A.-C. (1984), Management stratégique, organisation et politique, Paris, McGraw HillMOUFFE C. (1994), Le politique et ses enjeux – P<strong>ou</strong>r une démocratie plurielle, Paris, <strong>La</strong>Déc<strong>ou</strong>verte / MAUSSNOEL C. (2004), « <strong>La</strong> notion <strong>de</strong> responsabilité <strong>sociale</strong> <strong>de</strong> l’entreprise : n<strong>ou</strong>veau paradigme dumanagement <strong>ou</strong> mirage conceptuel, Gestion 2000, n° 3, septembre – octobre 2004, p. 15-33PASQUERO J. (2005), « <strong>La</strong> responsabilité <strong>sociale</strong> <strong>de</strong> l’entreprise comme objet <strong>de</strong>s sciences<strong>de</strong> gestion : un regard historique », in BOUTHILLIER-TURCOTTEM. M-F & SALMON A.(Eds.), responsabilité <strong>sociale</strong> et environnemental <strong>de</strong> l’entreprise, Montréal, Pressesuniversitaires du QuébecPESQUEUX Y. (2007), G<strong>ou</strong>vernance et privatisation, Paris, PUF, Collection « <strong>La</strong> politiqueéclatée »SEGAL J.-P. (2003), « Pluralité <strong>de</strong>s lectures politiques <strong>de</strong> la responsabilité <strong>sociale</strong> <strong>de</strong>l’entreprise en Europe », Colloque interdisciplinaire Au<strong>de</strong>ncia Nantes, Ecole <strong>de</strong> Management,16 et 17 octobre 2003SFEZ L. (2002), Technique et idéologie – Un enjeu <strong>de</strong> p<strong>ou</strong>voir, Paris, Seuil, collection « lac<strong>ou</strong>leur <strong>de</strong>s idées »14


SIMON J. S. & POWERS C. W. & GUNNEMANN J. P. (1972), The Ethical Investors:Universities and Corporate Responsibilities, New Haven (Connecticut), Yale UniversityPressSIMON H. A. (1993), Administration et Processus <strong>de</strong> décision, Paris, Economica, 199315

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