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Candolle, Alphonse de. Origine des plantes cultivées ... - EditAEFA

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<strong>Candolle</strong>, <strong>Alphonse</strong> <strong>de</strong>. <strong>Origine</strong> <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> <strong>cultivées</strong>. 1886.1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart <strong>de</strong>s reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant <strong>de</strong>s collections <strong>de</strong> laBnF.Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre <strong>de</strong> la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 :*La réutilisation non commerciale <strong>de</strong> ces contenus est libre et gratuite dans le respect <strong>de</strong> la législation en vigueur et notamment du maintien <strong>de</strong> la mention <strong>de</strong> source.*La réutilisation commerciale <strong>de</strong> ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente <strong>de</strong> contenus sous forme <strong>de</strong> produitsélaborés ou <strong>de</strong> fourniture <strong>de</strong> service.Cliquer ici pour accé<strong>de</strong>r aux tarifs et à la licence2/ Les contenus <strong>de</strong> Gallica sont la propriété <strong>de</strong> la BnF au sens <strong>de</strong> l'article L.2112-1 du co<strong>de</strong> général <strong>de</strong> la propriété <strong>de</strong>s personnes publiques.3/ Quelques contenus sont soumis à un régime <strong>de</strong> réutilisation particulier. Il s'agit :*<strong>de</strong>s reproductions <strong>de</strong> documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés, sauf dans le cadre <strong>de</strong> la copie privée, sansl'autorisation préalable du titulaire <strong>de</strong>s droits.*<strong>de</strong>s reproductions <strong>de</strong> documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothèquemunicipale <strong>de</strong> ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à s'informer auprès <strong>de</strong> ces bibliothèques <strong>de</strong> leurs conditions <strong>de</strong> réutilisation.4/ Gallica constitue une base <strong>de</strong> données, dont la BnF est le producteur, protégée au sens <strong>de</strong>s articles L341-1 et suivants du co<strong>de</strong> <strong>de</strong> la propriété intellectuelle.5/ Les présentes conditions d'utilisation <strong>de</strong>s contenus <strong>de</strong> Gallica sont régies par la loi française. En cas <strong>de</strong> réutilisation prévue dans un autre pays, il appartient à chaque utilisateur<strong>de</strong> vérifier la conformité <strong>de</strong> son projet avec le droit <strong>de</strong> ce pays.6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière <strong>de</strong> propriété intellectuelle. En cas <strong>de</strong> nonrespect <strong>de</strong> ces dispositions, il est notamment passible d'une amen<strong>de</strong> prévue par la loi du 17 juillet 1978.7/ Pour obtenir un document <strong>de</strong> Gallica en haute définition, contacter reutilisation@bnf.fr.


BIBLIOTHÈQUESCIENTIFIQUEINTERNATIONALEPUBLIÉE SOUS LA DIRECTIONDE M. ÉM. ALGLAVEXLIII


BIBLIOTHÈQUESCIENTIFIQUEINTERNATIONALEPUBLIÉE SOUS LA DIRECTIONDE M. ÉM. ALGLAVEVolumes in-8°, reliés en toile anglaise. Prix 6 fr.Avec reliure d'amateur, tranche sup. dorée, dos et coins en veau. 10fr.La Bibliothèque scientifique internationale n'est pas une entreprise <strong>de</strong>librairie ordinaire. C'est une œuvre dirigée"par les-auteurs mêmes, en vue<strong>de</strong>s intérêts <strong>de</strong> la science, pour la populariser sous toutes ses formes, etfaire connaître immédiatement dans le mon<strong>de</strong>- entier les idées' originales,les directions nouvelles, les découvertes importantes qui se font chaquejour dans tous les pays. Chaque savant expose les idées qu'il à introduitesdans la science et con<strong>de</strong>nse pour ainsi dire ses doctrines les plus originales.On peut ainsi, sans quitter la France, assister et participer au mouvement<strong>de</strong>s esprits en Angleterre,.en Allemagne; en Aknérique, en Italie,tout aussi bien que les savants mêmes <strong>de</strong> chacun <strong>de</strong> ces pays.La Bibliothèque scientifique internationale ne comprend pas seulement<strong>de</strong>s ouvrages consacrés aux sciences physiques et naturelles, elle abor<strong>de</strong>aussi les sciences morales, comme la philosophie, l'histoire, la politiqueet l'économie sociale, la haute législation, etc.; mais les livres traitant <strong>de</strong>ssujets <strong>de</strong> ce genre se rattacheront encore aux sciences naturelles;. en leurempruntant les métho<strong>de</strong>s d'observation et d'expérience qui les ont renduessi fécon<strong>de</strong>s <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>ux siècles.VOLUMES PARUSJ. Tyndall. LESGLACIERS ET LESTRANSFORMATIONS DE L'EAUșuivis d'uneétu<strong>de</strong> <strong>de</strong> M. Helmholtz sur le même sujet, avec 8 planches tiréesà part et nombreuses figures dans le texte. 4e édition. 6 fr.Bagehot. Lois SCIENTIFIQUES DUdéveloppement DESNATIONS. 8e édit. 6 fr.J. Marey. LA machine ANIMALE, locomotion terrestre et aérienne, avec417 figures dans le texte, 4e édition 6 fr.A. Bain. L'ESPRITET LE CORPSconsidérés au point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> leursrelations, avec figures. 4° édition6 fr.Pettigrew.LALOCOMOTION CHEZLES ANIMAUX, avec 130 fig. 2° édit6 fr.


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PRÉFACELa question <strong>de</strong> l'origine <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> <strong>cultivées</strong> intéresse lesagriculteurs, les botanistes et même les historiens ou les philosophesqui s'occupent <strong>de</strong>s commencements <strong>de</strong> la civilisation.-Je l'ai traitée jadis dans un chapitre <strong>de</strong> ma Géographie, botatiqueraisonnée; mais cet ouvrage est <strong>de</strong>venu rare, et d ailleurs<strong>de</strong>s faits importants ont été découverts, <strong>de</strong>puis 18o5, par lesvoyageurs, les botanistes et les archéologues. Au lieu <strong>de</strong> faireune secon<strong>de</strong> édition <strong>de</strong> mon travail, j'en ai rédigé un autre,complètement nouveau et plus étendu. Il traite <strong>de</strong> 1 origined'un nombre presque double d'espèces <strong>de</strong>s pays tropicaux ou<strong>de</strong>s régions tempérées. C'est à peu près la totalité <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong>que l'on cultive, soit en grand, pour <strong>de</strong>s emplois économiques,soit fréquemment, dans les jardins fruitiers ou potagers.Mon but a été surtout <strong>de</strong> chercher l'état et l'habitation <strong>de</strong>chaque espèce avant sa mise en culture. Il a fallu pour celadistinguer, parmi, les innombrables variétés, celle qu'on peutestimer la plus ancienne, et voir <strong>de</strong> quelle région du globe elleest sortie. Le problème est plus difficile qu'on ne pourrait lecroire. Dans le siècle <strong>de</strong>rnier, et jusqu'au milieu, <strong>de</strong>. celui-ci,les auteurs s'en occupaient bien peu, et les plus habiles ontcontribué à répandre <strong>de</strong>s idées fausses. Je crois vraiment queles trois quarts <strong>de</strong>s indications <strong>de</strong> Linné sur la patrie <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong><strong>cultivées</strong> sont ou incomplètes ou erronées. On a répété ensuiteces assertions, et, malgré ce que les mo<strong>de</strong>rnes ont constatepour plusieurs espèces, on les répète encore dans <strong>de</strong>s journauxet <strong>de</strong>s ouvrages populaires. Il est temps <strong>de</strong> corriger <strong>de</strong>serreurs qui remontent quelquefois jusqu'aux Grecs, et aux Romains.L'état actuel <strong>de</strong> la science le permet, à condition <strong>de</strong>s'appuyer sur <strong>de</strong>s documents variés, dont plusieurs tout a.faitrécents ou même inédits, et <strong>de</strong> les discuter, comme cela sepratique dans les recherches historiques. C'est un da ces cas,assez rares, dans lesquels les sciences d'observation doiventse servir <strong>de</strong> preuves testimoniales. On verra qu'elles conduisentà <strong>de</strong> bons résultats, puisque j'ai pu déterminer l'origine <strong>de</strong>presque toutes les espèces, tantôt d'une manière certaine ettantôt avec un <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> probabilité satisfaisant.


IVPRÉFACEJe me suis efforcé en outre <strong>de</strong> constater <strong>de</strong>puis combien<strong>de</strong>siècles. ou<strong>de</strong> milliers d'années chaque espècea été cultivéeetcomment la culture s'en est répandue dans différentesdirections,à <strong>de</strong>s époquessuccessives.Pour quelques<strong>plantes</strong> <strong>cultivées</strong><strong>de</strong>puisplus <strong>de</strong>et<strong>de</strong>uxmilleans,mêmepour d'autres, il arrive qu'on ne connaît pasd'hui l'étataujour-spontané, c'est-à-dire sauvage, ou bien que cetteconditionn'est pas assezdémontrée.Les questions <strong>de</strong> cesont délicates. Ellesgenreexigent commela distinction <strong>de</strong>s espècesbeaucoup <strong>de</strong> recherches dans les livres et les herbiers.J'ai même été obligé <strong>de</strong> recourir à l'obligeance <strong>de</strong> quelquesvoyageursou botanistes dispersés dans toutes lesdupartiesmon<strong>de</strong>, pour obtenir <strong>de</strong>s renseignements nouveaux. Je lesdonnerai à l'occasion <strong>de</strong> chaque espèce, avec l'expression<strong>de</strong>ma sincèrereconnaissance.Malgréces documentset en dépit <strong>de</strong> toutes mesil existe recherches,encoreplusieurs espèces qu'on ne connaîtpas à l'étatspontané. Lorsqu'elles sont sorties <strong>de</strong> régions peu ou pointexploréespar les botanistes, ou quand elles appartiennent à<strong>de</strong>s catégories <strong>de</strong> <strong>plantes</strong> mal étudiées jusqu'à présent, onpeut espérer qu'un jour l'état indigène sera découvertet suffisammentconstaté.Maiscette espérancen'estilpas fondéequands'agit d'espèces et <strong>de</strong> pays'bien connus. On est conduit alorsà <strong>de</strong>ux hypothèses ou ces <strong>plantes</strong> ont changé <strong>de</strong> forme dansla- naturecomme dans la culture, <strong>de</strong>puis l'époque<strong>de</strong> telle manièrehistorique,qu'on ne les reconnaît plus pour appartenir à'a mêmeespèce;-ou ce sont <strong>de</strong>s espèceséteintes. Lalo Pois chiche n'existent lentille,probablement plus dans la nature,et d'autres espèces, commele Froment, la Fève, letrouvées Carthame,sauvages très rarement, paraissent en voie d'extinction.Le nombre <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> <strong>cultivées</strong> dont je me suisétant <strong>de</strong> occupé249, le chiffre <strong>de</strong> trois, quatre ouéteintes ou cinq espècesprès <strong>de</strong> s'éteindre serait une proportion considérable,répondant à ùn millier d'espèces pour l'ensemble <strong>de</strong>svégétaux phanérogames. Cette déperdition <strong>de</strong> formes auraiteu lieu pendant la courte pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> quelcruescentaines <strong>de</strong>siècles, sur <strong>de</strong>s continents où elles pouvaient cependant serépandre et au milieu <strong>de</strong> circonstances qu'on a l'habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>considérer commestables. Onvoit ici <strong>de</strong> quelle manière l'histoire<strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> <strong>cultivées</strong> se rattache aux questions les plusimportantes<strong>de</strong> l'histoire générale <strong>de</strong>s êtres organisés.Genève, l«r septembre 1882.


ORIGINEDESPLANTES CULTIVMS,PREMIÈRE PARTIENOTIONS PRÉLIMINAIRES ET MÉTHODES EMPLOYÉESCHAPITREPREMIERDEQUELLEMANIÈRETA QUELLESÉPOQUES LA CULTUREA COMMENCÉ DANSDIVERSPAYSLes traditions <strong>de</strong>s anciens peuples, embellies par les poètes,ont attribué communément les premiers pas dans la voie <strong>de</strong>l'agriculture et l'introduction <strong>de</strong> <strong>plantes</strong> utiles à quelque divinitéou tout au moins à quelque grand empereur ou Inca. On trouveen réfléchissant que ce n'est guère probable, et l'observation<strong>de</strong>s essais d'agriculture chez les sauvages <strong>de</strong> notre époque montreque les faits se passent tout autrement.En général, dans les progrès qui amènent la civilisation, lescommencements sont faibles, obscurs et limités. Il y a <strong>de</strong>smotifs pour que cela soit ainsi dans les débuts agricoles ouhorticoles. Entre l'usage <strong>de</strong> récolter <strong>de</strong>s fruits, <strong>de</strong>s graines ou<strong>de</strong>s racines dans la campagne et celui <strong>de</strong> cultiver régulièrementles végétaux qui donnent ces produits, il y a plusieurs<strong>de</strong>grés. Une famille peut jeter <strong>de</strong>s graines autour <strong>de</strong> sa <strong>de</strong>meureet l'année suivante se pourvoir du même produit dans la forêt.Certains arbres fruitiers peuvent exister autour d'une habitationsans que l'on sache s'ils ont été plantés ou si la hutte a étéconstruite à côté d'eux pour en profiter. Les guerres et lachasse interrompent souvent les essais <strong>de</strong> culture. Les rivalités etles défiances font que d'une tribu à l'autre l'imitation marchelentement. Si quelque grand personnage ordonne <strong>de</strong> cultiverune plante et institue quelque cérémonie pour en montrerl'utilité, c'est probablement que <strong>de</strong>s hommes obscurs et in-DECANDOLLE. 1


2 NOTIONS PRÉLIMINAIRESconnus en ont parlé précé<strong>de</strong>mment et que <strong>de</strong>s expériences déjàfaites ont réussi. Avant <strong>de</strong> semblables manifestations, propres àfrapper un public déjà nombreux, il doit s'être écoulé un tempsplus ou moins long <strong>de</strong> tentatives locales et épMmères. Il a fallu<strong>de</strong>s causes déterminantes pour susciter ces tentatives, les renouveleret les faire réussir. Nous pouvons facilement les comprendre.La première est d'avoir à sa portée telle ou telle planteoffrant certains <strong>de</strong>s avantages que tous les hommes recherchent.Les sauvages les plus arriérés connaissent les <strong>plantes</strong> <strong>de</strong> leurpays; mais l'exemple <strong>de</strong>s Australiens et <strong>de</strong>s Patagoniens montreque s'ils ne les jugent pas productives et faciles à élever, ilsn'ont pas l'idée <strong>de</strong> les mettre en culture- D'autres conditionssont assez évi<strong>de</strong>ntes un climat pas trop rigoureux; dans lespays chauds, <strong>de</strong>s sécheresses pas trop prolongées; quelque<strong>de</strong>gré <strong>de</strong> sécurité et <strong>de</strong> fixité; enfin une nécessité pressante,résultant du défaut <strong>de</strong> ressources dans la pêche, la chasse oule produit <strong>de</strong> végétaux indigènes à fruits très nourrissants,comme le châtaignier, le dattier, le bananier ou l'arbre à pain.Quand les hommes peuvent vivre sans travailler, c'est ce qu'ilspréfèrent. D'ailleurs l'élément aléatoire <strong>de</strong>là chasse et <strong>de</strong> la pêchetente les hommes primitifs et même quelques civilisés plusque les ru<strong>de</strong>s et réguliers travaux <strong>de</strong> l'agriculture.Je reviens aux espèces que les sauvages peuvent être disposésà cultiver. Ils Tes trouvent quelquefois dans leur pays, maissouvent ils les reçoivent <strong>de</strong> peuples voisins, plus favorisés qu'euxpar les conditions naturelles, ou déjà entrés dans une civilisationquelconque. Lorsqu'un peuple n'est pas cantonné dans uneîle ou dans quelque localité difficilement accessible, il reçoitvite certaines <strong>plantes</strong>, découvertes ailleurs, dont l'avantage estévi<strong>de</strong>nt, et cela le détourne <strong>de</strong> la culture d'espèces médiocres<strong>de</strong> son pays. L'histoire nous montre que le blé, le maïs, la-s^batate, plusieurs espèces <strong>de</strong> genre Panicum, le tabac et autres<strong>plantes</strong>, surtout annuelles, se sont répandus rapi<strong>de</strong>ment,avant l'époque historique. Ces bonnes espèces ont combattu etarrêté les essais timi<strong>de</strong>s qu'on a pu faire çà et là <strong>de</strong> <strong>plantes</strong>moins productives ou moins agréables. De nos jours encore, nevoyons-nous pas, dans divers pays, le froment remplacer leseigle, le maïs être préféré au sarrasin, et beaucoup <strong>de</strong> millets,<strong>de</strong> légumes ou <strong>de</strong> <strong>plantes</strong> économiques tomber en discrédit parceque d'autres espèces, venues <strong>de</strong> loin quelquefois, présententplus d'avantage. La disproportion <strong>de</strong> valeur est pourtant moinsgran<strong>de</strong> entre <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> déjà <strong>cultivées</strong> et améliorées qu'elle nel'était jadis entre <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> <strong>cultivées</strong> et d'autres complètementsauvages. La sélection ce grand facteur que Darwin a eule mérite d'introduire si heureusement d'ans la science joue.un rôle important une- fois l'agriculture établie; mais à touteépoque, et surtout dans les commencements, le choix <strong>de</strong>s espècesa plus d'importance que la sélection dés variétés.


COMMENCEMENTDES CULTURES 3Les causes variées qui favorisent ou contrarient les débuts <strong>de</strong>l'agriculture expliquent bien pourquoi certaines régions se trouvent,<strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s milliers d'années, peuplées <strong>de</strong> cultivateurs,tandis que d'autres sont habitées encore par <strong>de</strong>s tribus errantes.Evi<strong>de</strong>mment, le riz et plusieurs légumineuses dans l'Asie méridionale,rorge et le blé en Mésopotamie et en Egypte, plusieursPanicées en Afrique, le maïs, la pomme <strong>de</strong> terre, la batate et lemanioc en Amérique ont été promptement et facilement cultivés,grâce à leurs qualités évi<strong>de</strong>ntes et à <strong>de</strong>s circonstancesfavorables <strong>de</strong> climat. Il s'est formé ainsi <strong>de</strong>s centres d'où lesespèces les plus utiles se sont répandues. Dans le nord <strong>de</strong> l'Asie,<strong>de</strong> l'Europe et <strong>de</strong> l'Amérique, la température est défavorable etles <strong>plantes</strong> indigènes sont peu productives; mais comme lachasse et la pêche y présentaient <strong>de</strong>s ressources, l'agriculture adû s'introduire tard, et l'on a pu se passer <strong>de</strong>s bonnes espècesdu midi sans souffrir beaucoup. II en était autrement pour l'Australie,la Patagonie et même l'Afrique australe. Dans ces pays,les <strong>plantes</strong> <strong>de</strong>s régions tempérées <strong>de</strong> notre hémisphère ne pouvaientpas arriver à cause <strong>de</strong> la distance, et celles <strong>de</strong> la zoneintertropicale étaient exclues par la gran<strong>de</strong> sécheresse ou parl'absence <strong>de</strong> températures élevées. En même temps, les espècesindigènes sont pitoyables. Ce n'est pas seulement le défaut d'intelligenceou <strong>de</strong> sécurité qui a empêché les habitants <strong>de</strong> lescultiver. Leur nature y contribue tellement, que les Européens,<strong>de</strong>puis cent ans qu'ils sont établis dans ces contrées, n'ont misen culture qu'une seule espèce, le Tetragonia, légume vert assezmédiocre. Je n'ignore pas que sir Joseph Hooker 1 aénuméré plus<strong>de</strong> cent espèces d'Australie qui peuvent servir <strong>de</strong> quelque manièremais en fait on ne les cultivait pas, et, malgré les procédésperfectionnés <strong>de</strong>s colons anglais, personne ne les cultive.C'est bien la démonstration <strong>de</strong>s principes dont je parlais tout àl'heure, que le choix <strong>de</strong>s espèces l'emporte sur la sélection, etqu'il faut <strong>de</strong>s qualités réelles dans une plante spontanée pourqu'on essaye <strong>de</strong> la cultiver.Malgré l'obscurité <strong>de</strong>s commencements <strong>de</strong> la culture danschaque région, il est certain que la date en est extrêmementdifférente. Un <strong>de</strong>s plus anciens exemples <strong>de</strong> <strong>plantes</strong> <strong>cultivées</strong>est, en Egypte un <strong>de</strong>ssin représentant <strong>de</strong>s figues dans lapyrami<strong>de</strong> <strong>de</strong> Gizeh. L'époque <strong>de</strong> la construction <strong>de</strong> ce monumentest incertaine. Les auteurs ont varié entre 1S0Oet 4200 ansavant l'ère chrétienne Si l'on suppose environ <strong>de</strong>ux mille ans,ce serait une ancienneté actuelle <strong>de</strong> quatre mille ans. Or, laconstruction <strong>de</strong>s pyrami<strong>de</strong>s n'a pu se faire que par un peuplenombreux, organisé et civilisé jusqu'à un certain point, ayantpar conséquent une agriculture établie,qui <strong>de</strong>vait remonter plushaut, <strong>de</strong> quelques siècles au moins. En Chine, 2700 ans avant1. Hooker,Flora Tasmanise, I, p. ex.


4 NOTIONS PRÉLIMINAIRESJésus-Christ l'empereur Chen-nung institua, la cérémonie danslaquelle chaque année on sème cinq espèces <strong>de</strong> <strong>plantes</strong> utiles,le riz, le soja, le blé et <strong>de</strong>ux sortes <strong>de</strong> millets 1. Ces <strong>plantes</strong><strong>de</strong>vaient être <strong>cultivées</strong> <strong>de</strong>puis quelque temps, dans certaineslocalités, pour avoir attiré à ce point l'attention <strong>de</strong> l'empereurL'agriculture paraît donc aussi ancienne en Chine qu'en Egypte.Les rapports continuels <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier pays avec la Mésopotamiefont présumer une culture à peu près contemporaine dans lesrégions <strong>de</strong> l'Euphrate et du Nil. Pourquoi ne serait-elle pas toutaussi ancienne dans l'In<strong>de</strong> et dans l'archipel Indien? L'histoire<strong>de</strong>s peuples dravidiens et malais ne remonte pas haut et présentebien <strong>de</strong> l'obscurité, mais il n'y a pas <strong>de</strong> raisons <strong>de</strong> croire quela culture n'ait pas commencé chez eux il y a fort longtemps,en particulier au bord <strong>de</strong>s fleuves.Les anciens Egyptiens et les Phéniciens ont propagé beaucoup<strong>de</strong> <strong>plantes</strong> dans la région <strong>de</strong> la Méditerranée, et les peuplesAryens, dont les migrations vers l'Europe ont commencé à peuprès 2500 ou au plus tard 2000ans avant Jésus-Christ ont répanduplusieurs espèces qui étaient déjà <strong>cultivées</strong> dans l'Asie occi<strong>de</strong>ntale.Nous verrons, en étudiant l'histoire <strong>de</strong> quelques espèces,qu'on cultivait probablement déjà certaines <strong>plantes</strong> en Europeet dans le nord <strong>de</strong> l'Afrique. Il y a <strong>de</strong>s noms <strong>de</strong> langues anté^rieures aux Aryens, par exemple finnois, basques, berbères etguanches (<strong>de</strong>s îles Canaries), qui l'indiquent. Cependant les restes,appelés Kjôkkenmoddings, <strong>de</strong>s habitations anciennes du Danemark,n'ont fourni jusqu'à présent aucune preuve <strong>de</strong> culture eten même temps aucun indice <strong>de</strong> la possession d'un métal a. LesScandinaves <strong>de</strong> cette époque vivaient surtout <strong>de</strong> pêche, <strong>de</strong>chasse et peut-être accessoirement <strong>de</strong> <strong>plantes</strong> indigènes, commele chou, qui ne sont pas <strong>de</strong> nature à laisser <strong>de</strong>s traces dans lesfumiers et les décombres, et qu'on pouvait d'ailleurs se passer <strong>de</strong>cultiver. L'absence <strong>de</strong> métaux ne suppose pas, dans ces pays dunord, une ancienneté plus gran<strong>de</strong> que le siècle <strong>de</strong> Périclès oumême <strong>de</strong>s beaux temps <strong>de</strong> la république romaine. Plus tard,quand le bronze a été connu en Suè<strong>de</strong>, région bien éloignée <strong>de</strong>spays alors civilisés, l'agriculture avait fini par s'introduire. Ona trouvé dans les restes <strong>de</strong> cette époque la sculpture d'unecharrue attelée <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux bœufs et conduite par un homme 3.Les anciens habitants <strong>de</strong> la Suisse orientale, lorsqu'ils avaient<strong>de</strong>s 'instruments <strong>de</strong> pierre polie et pas <strong>de</strong> métaux, cultivaientplusieurs <strong>plantes</strong>, dont quelques-unes étaient originaires d'Asie.1. Bretschnei<strong>de</strong>r,On the study and value of chinesebotanicalworhsjp. 7.2. De Nadaillac,Lespremiers hommeset les tempspréhistoriques,I,p.266,268Ḷ'absence<strong>de</strong>tracesd'agriculturedansces débrism'est certifiéed'ailleurspar M.Heeret M.Cartailhac țrès au courant tous les <strong>de</strong>ux,<strong>de</strong>sdécouvertesen archéologie.3. M.Montelius,d'aprèsCartailhac,Revue,1875,p 237.


COMMENCEMENTDES CULTURESSM. Heer a montré, dans son admirable travail sur les palafittes,qu'ils avaient <strong>de</strong>s communications avec les pays situés aumidi <strong>de</strong>s Alpes. Ils pouvaient aussi avoir reçu <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> <strong>cultivées</strong>par les Ibères, qui occupaient la Gaule avant les Celtes. Al'époque où les lacustres <strong>de</strong> Suisse et <strong>de</strong> Savoie ont possédé lebronze leurs cultures étaient plus variées. Il paraît même queles lacustres d'Italie, lorsqu'ils avaient ce métal, cultivaientmoins d'espèces que ceux <strong>de</strong>s lacs <strong>de</strong> Savoie a, ce qui peut tenirà une ancienneté plus gran<strong>de</strong> ou à <strong>de</strong>s circonstances locales.Les restes <strong>de</strong>s lacustres <strong>de</strong> Laybach et du Mondsee, en Autriche,accusent aussi une agriculture tout à fait primitive point <strong>de</strong>céréales à Laybach, et un seul grain <strong>de</strong> blé au Mondsee 3. L'étatsi peu avancé <strong>de</strong> l'agriculture dans cette partie orientale <strong>de</strong>l'Europe est en opposition avec l'hypothèse, basée sur quelquesmots <strong>de</strong>s anciens historiens, que les Aryas auraient séjournéd'abord dans la région du Danube et que la Thrace aurait étécivilisée avant la Grèce. Malgré cet exemple l'agricultureparaît, en général, plus ancienne dans la partie tempérée <strong>de</strong>l'Europe qu'on ne pouvait le croire d'après les Grecs, disposés,comme certains mo<strong>de</strong>rnes, à faire sortir tout progrès <strong>de</strong> leurpropre nation.En Amérique, l'agriculture n'est peut-être pas aussi anciennequ'en Asie et en Egypte, si l'on en juge par les civilisations duMexique et du Pérou, qui ne remontent pas même aux premierssiècles <strong>de</strong> l'ère chrétienne. Cependant la dispersion immense <strong>de</strong>certaines cultures, comme celle du maïs, du tabac et <strong>de</strong> labatate, fait présumer une agriculture ancienne, par exemple<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux mille ans ou à peu près. L'histoire fait défaut dans cecas, et l'on ne peut espérer quelque chose que <strong>de</strong>s découvertes enarchéologie et géologie.1. Heer,Die Pflanzen <strong>de</strong>r Pfahlbauten,in-4, Zurich, 1863.Voirl'articledu lin.2. Perrin, Etu<strong>de</strong> préhistorique<strong>de</strong> la Savoie,in-4, 1870 Castelfranco,Notizieintornoalla Stazionelacustredi Lagozza,et Sor<strong>de</strong>lli,Sullepiante<strong>de</strong>lla torbiera <strong>de</strong>lla Lagozza,dans les Actes <strong>de</strong> la Soc. ital. <strong>de</strong>s sc.nat., 1880.3. Much,Mittheil.d. anthropol.Ges.in Wien,vol. G Sacken,Sitzber.Akad. Wzen,vol. 6. Lettre <strong>de</strong> M. Heersur ces travaux, et leur analysedans Nadaillaç,I, p. 247.


CHAPITREIIMÉTHODES POURDÉCOUVRIR OU CONSTATER L'ORIGINEDESESPÈCES§ 1. – Réflexions générales.La plupart <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> <strong>cultivées</strong> ayant été mises en culture àune époque ancienne et souvent d'une manière peu connue, ilest nécessaire d'user <strong>de</strong> différents moyens lorsqu'on veut s'assurer<strong>de</strong> leur origine. C'est, pour chaque espèce, une recherchedans le genre <strong>de</strong> celles que fontleshistoriens et les archéologues,recherche variée, dans laquelle on se sert tantôt d'un procédéet tantôt d'un autre, pour les combiner ensuite et les apprécierselon leur valeur relative. Le naturaliste n'est plus ici dansson domaine ordinaire d'observations et <strong>de</strong> <strong>de</strong>scriptions. Il doits'appuyer sur <strong>de</strong>s preuves testimoniales, dont il n'est jamaisquestion dans les laboratoires, et, quand les faits <strong>de</strong> botaniquesontinvoqués, il ne s'agit pas <strong>de</strong> l'anatomie, dont on s'occupe <strong>de</strong>préférence aujourd'hui, mais <strong>de</strong>* la- distinction <strong>de</strong>s espèces et<strong>de</strong> leur distribution géographique.J'aurai donc à me servir <strong>de</strong> métho<strong>de</strong>s qui sont étrangères, lesunes aux naturalistes, les autres aux personnes versées dansles sciences historiques. Pour comprendre comment il faut lesemployer et ce qu'elles peuvent valoir, Je dirai quelques mots <strong>de</strong>chacune.§ 2. Botanique.Un <strong>de</strong>s moyens les plus directs pour connaître l'origine géographiqued'une espèce cultivée est <strong>de</strong> chercher dans quel payselle croît spontanément, c'est-à-dire à l'état sauvage, sans lesecours <strong>de</strong> l'homme.La question paraît simple au premier coup d'œil. Il semble,


BOTANIQUE7Il Ileneffet, qu'en consultant les flores, les ouvrages sur l'ensemble<strong>de</strong>s espèces on les herbiers, on doit pouvoir la résoudre aisémentdans chaque cas particulier. Malheureusement, c'est, aucontraire, une question qui exige <strong>de</strong>s connaissances spéciales <strong>de</strong>botanique, surtout <strong>de</strong> géographie botanique, etune appréciation<strong>de</strong>s botanistes et <strong>de</strong>s collecteurs d'échantillons basée sur unelongue expérience. Les savants occupés d'histoire on d'interprétationd'écrivains <strong>de</strong> l'antiquité s'exposent à faire <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>serreurs lorsqu'ils se contentent <strong>de</strong>s premiers témoignages venusdans un livre <strong>de</strong> botanique. D'un autre côté, les voyageurs quirécoltent <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> pour les herbiers ne font pas toujours assezd'attention aux localités et aux circonstances dans lesquelles ilstrouvent les espèces. Souvent ils négligent <strong>de</strong> noter ce qu'ils ontremarqué à cet égard. On sait cependant qu'une plante peut tvenir d'individus cultivés dans le voisinage; que les oiseaux, lesvents, etc., peuvent en avoir transporté les graines à <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>sdistances, et qu'elles arrivent quelquefois par le lest <strong>de</strong>s vaisseauxou mêlées avec <strong>de</strong>s marchandises. Ces cas se présententpour <strong>de</strong>s espèces ordinaires, à plus forte raison pour les <strong>plantes</strong><strong>cultivées</strong> qui sont abondantes autour <strong>de</strong> l'homme. Il faut, cheznn collecteur oa voyageur, <strong>de</strong> bonnes habitu<strong>de</strong>s d'observationpour estimer jusqu'à quel point un végétal est issu <strong>de</strong> piedssauvages, appartenant à la floredu pays, ou d'une autre origine.Quand la plante croît près <strong>de</strong>s habitations, sur <strong>de</strong>s murailles,dans <strong>de</strong>s décombres, au bord <strong>de</strong>s routes, etc., c'est une raisonpour se défier. i. ,jIl peut aussi arriver qu'une espèce se répan<strong>de</strong> hors <strong>de</strong>s cultures,même loin <strong>de</strong>s localités suspectes, et n'ait cependantqu'une durée éphémère, parce qu'elle ne supporte pas, à lalongue, les conditions du climat ou la lutte avec les <strong>plantes</strong> indigènes.C'est ce qu'on appelle en botanique une espèce adventive.Elle paraît et disparaît, preuve qu'elle n'est pas originairedu pays. Les exemples abon<strong>de</strong>nt dans chaque flore. Lorsqu'ils<strong>de</strong>viennent plus nombreux qu'à l'ordinaire, le public en estfrappé. Ainsi les troupes amenées brusquement d Algérie enFrance, en 4870, avaient répandu, par les fourrages et autrement,une foule d'espèces africaines ou méridionales qui ontexcité l'étonnement, mais dont il n'est pas resté <strong>de</strong> trace après<strong>de</strong>ux ou trois hivers.t-vII y a <strong>de</strong>s collecteurs et <strong>de</strong>s auteurs <strong>de</strong> flores très attentifs àsignaler ces faits. Grâce à mes relations personnelleset à I emploifréquent <strong>de</strong>s herbiers et <strong>de</strong>s livres <strong>de</strong> botanique, je meflatte <strong>de</strong> les connaître. Je citerai donc volontiers leur témoignagedans les cas douteux. Pour quelques pays et quelques espèces,je me suis adressé directement à ces estimables naturalistes. J'aifait appel à leurs souvenirs, à leurs notes, à leurs herbiers, et,d'après ce qu'ils ont bien voulu me répondre, j'ai pu ajouter <strong>de</strong>sdocuments inédits à ceux qu'on trouve dans les ouvrages pu-


8 MÉTHODESPOUR DÉCOUVRIRL'ORIGINE DES ESPÈCES1 ormies. Je dois <strong>de</strong> sincères remerciements pour <strong>de</strong>s informations <strong>de</strong>ce genre quej'ai reçues <strong>de</strong> M. G.B. Clarke surles <strong>plantes</strong> <strong>de</strong><strong>de</strong> M.Boissier sur l'In<strong>de</strong>celles d'Orient, <strong>de</strong> M. Sagot sur les espèces <strong>de</strong>la Guyane française, <strong>de</strong> M. Cosson sur celles d'Algérie, <strong>de</strong>MM. Decaisne et Bretschnei<strong>de</strong>r sur les <strong>plantes</strong> <strong>de</strong> Chine, <strong>de</strong>M. Pancic sur <strong>de</strong>s céréales <strong>de</strong> Servie, <strong>de</strong> MM.Bentham et Bakersur <strong>de</strong>s échantillons <strong>de</strong> l'herbier <strong>de</strong> Kew, enfin <strong>de</strong> M. EdouardAndré sur <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> d'Amérique. Ce zélé voyageur a bienvoulu me prêter <strong>de</strong>s échantillons très intéressants<strong>cultivées</strong> dansd'espècesl'Amérique méridionale, qu'il a recueillis avectoutes les apparences <strong>de</strong> végétaux indigènes. 1Une question plus difficile, qu'on ne peut pas résoudre sur leterrain, est <strong>de</strong> savoir si une espèce bien spontanée, ayant toutesles apparences <strong>de</strong>s espèces indigènes, existe dans leun pays <strong>de</strong>puistemps très reculé ou s'y est introduite à une époque plus oumoins ancienne.Il y a, en effet, <strong>de</strong>s espèces naturalisées, c'est-à-dire qui s'introduisentparmi les anciennes <strong>plantes</strong> <strong>de</strong> la flore et s'y maintiennent,quoique d'origine étrangère, au point que laobservation ne simplepermet plus <strong>de</strong> les distinguer et qu'il fautcela <strong>de</strong>s pourrenseignements historiques ou <strong>de</strong>s considérations <strong>de</strong>pure botanique ou géographie botanique. Dans un sens très général,en tenant compte <strong>de</strong>s temps prolongés dont la science estobligée <strong>de</strong> s'occuper, presque toutes -les espèces, surtout danslesrégions hors <strong>de</strong>s tropiques, ont été naturalisées une fois, c'està-direqu'elles ont passé d'une région à une autre, par l'effet <strong>de</strong>circonstances géographiques et physiques. Lorsque j'ai émisl'idée, en 1855, que <strong>de</strong>s conditions antérieures à notreont déterminé la époqueplupart <strong>de</strong>s faits <strong>de</strong> là distribution actuelle <strong>de</strong>svégétaux, c'était l'expression <strong>de</strong> plusieurs <strong>de</strong>s articles et laconclusion <strong>de</strong> mes <strong>de</strong>ux volumes sur la géographieon a étébotaniquequelque peu surpris. La paléontologie venait bien<strong>de</strong> conduire, par <strong>de</strong>s vues générales, un savant allemand, leDr Unger, à <strong>de</strong>s idées analogues 2, et, avant lui, Edouard Forbesavait émis, pour quelques espèces du midi <strong>de</strong>s îles britanniquesI hypothèse d'une ancienne contiguïté avec l'Espagne 3. Mais, lapreuve donnée, pour l'ensemble <strong>de</strong>s espèces actuelles, <strong>de</strong> l'impossibilitéd'expliquer leurs habitations au moyen <strong>de</strong>s conditionsqui existent <strong>de</strong>puis quelques milliers d'années, a produitplus d'impression, parce qu'elle était davantage dans le domaine<strong>de</strong>s botanistes et qu'elle ne concernait pas quelques <strong>plantes</strong>, d'unseul pays. L'hypothèse proposée par Forbes, <strong>de</strong>venue dès lors1. Alph. <strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>,Géographiebotaniqueraisonnée,chap. S,chap.XI,XIX,XXVII.p. 1035;2. Unger, YersucheinerGescizichte<strong>de</strong>r3.Pflanzenwelt,i852Forbes.Ontheconnexionbetweentheanddistributionof theexistingfaunaė.SM


BOTANIQUE 9un fait général et certain, est à présent un <strong>de</strong>s lieux communs<strong>de</strong> la science. Tout ce qu'on écrit sur la géographie botaniqueou zoologique s'appuie sur cette base, qui n'est plus contestée.Elle offre, dans les applications à chaque pays ou chaque espèce,<strong>de</strong> nombreuses difficultés, car, une cause étant une fois reconnue,il n'est pas toujours aisé <strong>de</strong> savoir comment elle a agi dans chaquecas particulier. Heureusement, en ce qui concerne les <strong>plantes</strong><strong>cultivées</strong>, les questions qui se présentent n'exigent pas <strong>de</strong> remonterà <strong>de</strong>s temps très anciens, ni surtout à <strong>de</strong>s dates qu'onne peut préciser en nombre d'années ou <strong>de</strong> siècles. Sans doutela plupart <strong>de</strong>s formes spécifiques actuelles remontent à un tempsplus reculé que la gran<strong>de</strong> extension <strong>de</strong>s glaciers dans l'hémisphèreboréal, phénomène qui a duré bien <strong>de</strong>s milliers d'annéessi l'on en juge par l'énormité <strong>de</strong>s dépôts que les glaces ont enlevéset transportés; mais les cultures ont commencé <strong>de</strong>puis cesévénements et même, dans beaucoup <strong>de</strong> cas, <strong>de</strong>puis une époquehistorique. Nous n'avons guère à nous occuper <strong>de</strong> ce qui aprécédé. Les espèces <strong>cultivées</strong> peuvent avoir changé <strong>de</strong> paysavant leur culture, ou, dans un temps plus long, avoir changé<strong>de</strong> forme, cela rentre dans les questions générales <strong>de</strong> tous lesêtres organisés notre travail <strong>de</strong>man<strong>de</strong> seulement que chaqueespèce soit examinée <strong>de</strong>puis qu'on la cultive, ou dans les tempsqui ont précédé immédiatement sa culture. C'est une gran<strong>de</strong>simplification.La question d'ancienneté, ainsi limitée, peut être abordée aumoyen <strong>de</strong>s renseignements historiques ou autres, dont je parleraitout à l'heure, et par les principes <strong>de</strong> la géographie botanique.Je rappellerai ceux-ci sommairement, pour montrer <strong>de</strong> quellemanière ils ai<strong>de</strong>nt à découvrir l'origine géographique d'uneplante.Chaque espèce présente ordinairement une habitation continueou à peu près. Cependant quelquefois elle est disjointe, c'est-àdireque les individus qui la composent sont divisés entre <strong>de</strong>srégions éloignées. Ces cas, très intéressants pour l'histoire durègne végétal et <strong>de</strong>s surfaces terrestres du globe, sont loin <strong>de</strong>former la majorité. Par conséquent, lorsqu'une espèce <strong>cultivées</strong>e trouve à l'état sauvage, très abondamment en Europe, etmoins abondamment aux Etats-Unis, il est probable que, malgréson apparence indigène en Amérique, elle s'y est naturalisée,à la suite <strong>de</strong> quelque transport acci<strong>de</strong>ntel.Les genres du règne végétal, bien que formés ordinairement<strong>de</strong> plusieurs espèces, son tsouvent limités à telle ou telle région.Il en résulte que plus un genre compte d'espèces toutes <strong>de</strong> lamême gran<strong>de</strong> division du globe, plus il est probable qu'une <strong>de</strong>sespèces en apparence originaire d'une autre partie du mon<strong>de</strong> y aété transportée et s'y est naturalisée, par exemple, en s'échappant<strong>de</strong>s cultures. Cela est vrai surtout dans les genres qui habi-


10 MÉTHODESPOUR DÉCOUVRIRL'ORIGINE DES ESPÈCEStent les pays tropicaux, parce qu'ils sont plus souvent limités àl'ancien ou au nouveau mon<strong>de</strong>.La géographie botanique apprend quelles flores ont encommun<strong>de</strong>s genres et même <strong>de</strong>s espèces, malgré un certain éloignement,et quelles, au contraire, sont très différentes, malgré <strong>de</strong>s analogies<strong>de</strong> climat ou nne distance assez faible. Elle fait connaîtreaussi quels sont les espèces, genres et familles ayant <strong>de</strong>s habitationsvastes et quels autres ont une extension ou aire moyennerestreinte. Ces données ai<strong>de</strong>nt beaucoup à déterminer l'origineprobable d'une espèce. Les <strong>plantes</strong> qui se naturalisent se répan<strong>de</strong>ntrapi<strong>de</strong>ment. J'en ai cité jadis i <strong>de</strong>sexemples, d'après ce quis'est passé <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>ux siècles, et <strong>de</strong>s faits semblables ont continuéd'être observés d'année en année. On connaît la rapidité<strong>de</strong> l'invasion récente <strong>de</strong> l'Ânackark Alsinastrum dans les eauxdouces d'Europe, et celle <strong>de</strong> beaucoup <strong>de</strong> <strong>plantes</strong> européennes àla Nouvelle-Zélan<strong>de</strong>, en Australie, en Califormie, etc., signaléedans plusieurs flores ou voyages mo<strong>de</strong>rnes.L'extrême abondance d'une espèce n'est pas une preuve d'ancienneté.V Agave americana, si commun dans la région méditerranéenne,quoique venu d'Amérique, et notre Cardon, quicouvre maintenant d'immenses étendues <strong>de</strong>s pampas <strong>de</strong> la Plata,en sont <strong>de</strong>s exemples remarquables. Le plus souvent, l'invasiond'une espèce marche rapi<strong>de</strong>ment, et au contraire l'extinction estle résultat d'une lutte <strong>de</strong> plusieurs siècles contre <strong>de</strong>s .circonstancesdéfavorables 2.La désignation la plus convenable à adopter pour <strong>de</strong>s espèces.ou, dans un langage plus scientifique, pour <strong>de</strong>s formes voisines,est un problème qui se présente souvent en histoire naturelle, etdans la catégorie <strong>de</strong>s espèces <strong>cultivées</strong> plus que dans les autres.Ces <strong>plantes</strong> changent par la culture. L'homme s'empare <strong>de</strong>sformes nouvelles qui lui conviennent et les propage par <strong>de</strong>smoyens artificiels, tels que les boutures, la greffe, le choix <strong>de</strong>sgraines, etc. Evi<strong>de</strong>mment, pour connaître l'origine d'une <strong>de</strong> cesespèces, il faut éliminer le plus possible les formes qui semblentartificielles et concentrer son attention sur les autres. Une réflexionbien simple doit gui<strong>de</strong>r dans ce choix c'est qu'uneespèce cultivée offre <strong>de</strong>s diversités principalement dans les partiespour lesquelles on la cultive. Les autres peuvent rester sans modifications,ou avec <strong>de</strong>s modifications légères, dont le cultivateurne tient pas compte, parce qu'elles lui sont inutiles. Il fautdonc s'attendre à ce qu'un arbre fruitier primitif et sauvage ait<strong>de</strong> petits fruits, <strong>de</strong> saveur médiocrement agréable; à ce qu'unecéréale ait <strong>de</strong> petites graines, la. pomme <strong>de</strong> terre sauvage <strong>de</strong> petitstubercules, le tabac indigène <strong>de</strong>s feuilles étroites, etc., etc.,sans aller cependant jusquà s'imaginer qu'une espèce aurait pris1. A. <strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>,Gêoqr.bot.misonnée,chap. VII et X.2. A. <strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>,Gêogr.bot.raisonnée,chap.TIII, p. 804.


ARCHÉOLOGIEET PALÉONTOLOGIEtout à coup <strong>de</strong> grands développements par 1 effet <strong>de</strong> la culture,car l'homme n'aurait pas commencé à la cultiver si elle n'avaitoffert dès l'origine quelque chose d'utile ou agréable.Une fois la plante cultivée réduite à ce qui permet <strong>de</strong> la comparerraisonnablement aux formes analogues spontanées, ilfaut savoir encore quel groupe <strong>de</strong> <strong>plantes</strong> à peu près semblableson juge à propos <strong>de</strong> désigner comme constituant une espèce.Sur ce point, les botanistes sont seuls compétents, parce qu'ilsont l'habitu<strong>de</strong> d'apprécier les différences et les ressemblances, etqu'ils n'ignorent pas la confusion <strong>de</strong> certains ouvrages en fait<strong>de</strong> nomenclature. Ce n'est pas ici le lieu <strong>de</strong> discuter ce qu'onpeut appeler raisonnablement une espèce. On verra dans quelques-uns<strong>de</strong> mes articles les principes qui me paraissent lesmeilleurs. Comme leur application exigerait souvent <strong>de</strong>s observationsqui n'ont pas été faites, j'ai pris le parti <strong>de</strong> distinguerquelquefois <strong>de</strong>s formes quasi spécifiques dans un groupe qui meparaît être une espèce, et j'ai cherché l'origine géographique <strong>de</strong>ces formes comme si elles étaient vraiment spécifiques.En résumé, la botanique fournit <strong>de</strong>s moyens précieux pour<strong>de</strong>viner ou constater l'origine <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> <strong>cultivées</strong> et pour éviter<strong>de</strong>s erreurs. Il faut se bien persua<strong>de</strong>r cependant que la combinaisond'observations sur le terrain et dans le cabinet est nécessaire.Après le collecteur qui voit les <strong>plantes</strong> dans une localitéou une région et qui rédige peut-être une flore ou un catalogued'espèces, il est indispensable d'étudier les distributions géographiques,connues ou probables, d'après les livres et les herbiers,et <strong>de</strong> penser aux principes <strong>de</strong> la géographie botanique et aux questions<strong>de</strong> classification, ce qui ne peut se faire ni en voyageant nien herborisant. D'autres recherches, dont je vais parler, doiventêtre combinées avec celles <strong>de</strong> botanique, si l'on veut arriver à<strong>de</strong>s conclusions satisfaisantes.H§ 3. Archéologie et paléontologie.La preuve la plus directe qu'on puisse imaginer <strong>de</strong> l'existenceancienne d'une espèce dans un pays est d'en voir <strong>de</strong>s fragmentsreconnaissables dans <strong>de</strong> vieux édifices ou <strong>de</strong> vieux dépôts, d'unedate plus ou moins certaine.Les fruits, graines et fragments divers <strong>de</strong> <strong>plantes</strong> sortis <strong>de</strong>stombeaux <strong>de</strong> l'ancienne Egypte et les <strong>de</strong>ssins qui les entourentdans les pyrami<strong>de</strong>s, ont donné lieu à<strong>de</strong>s recherches d'une gran<strong>de</strong>importance, dont j'aurai souvent à faire mention. Il y a pourtantici une chance d'erreur l'introduction frauduleuse <strong>de</strong> <strong>plantes</strong>mo<strong>de</strong>rnes dans les cercueils <strong>de</strong> momies. On l'a reconnue facilement,quand il s'est agi, par exemple, <strong>de</strong> grains <strong>de</strong> mais, planted'origine américaine, glissés par les Arabes; mais on peut avoirajouté <strong>de</strong>s espèces <strong>cultivées</strong> en Egypte <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>ux ou trois mille


12 MÉTHODESPOUR DÉCOUVRIRL'ORIGINE DES ESPÈCESans, qui semblent alors d'une antiquité trop reculée Les tumuliou mounds <strong>de</strong> l'Amérique septentrionale et les monuments <strong>de</strong>sanciens Mexicains et Péruviens ont fourni <strong>de</strong>s documents sur les<strong>plantes</strong> qu'on cultivait dans cette partie du mon<strong>de</strong>. Il s'agît alors<strong>de</strong> temps moins anciens que celui <strong>de</strong>s pyrami<strong>de</strong>s d'Egypte.Les dépôts <strong>de</strong>s lacustres ou palafittes <strong>de</strong> Suisse ont donnélieu à <strong>de</strong>s mémoires très importants, parmi lesquels il faut citeren première ligne celui <strong>de</strong> Heer, mentionné tout à l'heure. Destravaux analogues ont été faits sur les débris végétaux trouvésdans d'autres lacs ou tourbières <strong>de</strong> Suisse, Savoie,etAllemagneItalie. Je les mentionnerai à l'occasion <strong>de</strong> plusieurs espèces.M. le Dr Gross a eu l'obligeance <strong>de</strong> me communiquer <strong>de</strong>s fruitset graines tirés <strong>de</strong>s palafittes du lac <strong>de</strong> Neuchatel, et mon collèguele professeur Heer m'a favorisé <strong>de</strong> quelquesmentsrenseigne-recueillis à Zurich <strong>de</strong>puis sa publication. J'ai dit que lesdépôts appelés Kjôkkenmôddings dans les pays scandinavesn'ont fourni aucune trace <strong>de</strong> végétaux cultivés.Les tufs du midi <strong>de</strong> la France contiennent <strong>de</strong>s feuilles et autresdëbris <strong>de</strong> <strong>plantes</strong> qui ont été déterminés par MM. Martins,Planchon, <strong>de</strong> Saporta et autres savants. Leur date n'est-êtrepeut-pas toujours plus ancienne que les premiers dépôts <strong>de</strong>slacustres, et il est possible qu'elle concor<strong>de</strong> avec celle d'anciensmonuments d'Egypte et d'anciens livres <strong>de</strong>s Chinois. Enfin, lescouches minérales, dont les géologues s'occupent spécialement,apprennent déjà beaucoup sur la succession <strong>de</strong>sformes végétalesdans divers pays; mais il s'agit alors d'époques bien antérieuresà l'agriculture, et ce serait un hasard singulier, et assurémentprécieux, si l'on découvrait à l'époque tertiaire européenne uneespèce actuellement cultivée. Cela n'est pas arrivé jusque, présent,d'une manière tout à fait certaine, quoique <strong>de</strong>s espècesnon <strong>cultivées</strong> aient été reconnues dans <strong>de</strong>s couches antérieures ànotre époque glaciaire <strong>de</strong> l'hémisphère boréal. Du reste, si l'onne parvient pas à en trouver, les conséquences ne seront pasclaires, attendu qu'on pourra dire telle plante est arrivée <strong>de</strong>puis,d'une autre région, ou bien elle avait jadis une forme différente,qui n'a pas permis <strong>de</strong> la reconnaître dans les fossiles.§ 4. Histoire.Les documents historiques sont importants pour la datecertaines<strong>de</strong>cultures dans chaque pays. Ils donnent aussi <strong>de</strong>s indicationssur 1 origine géographique <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> quand ellesétéontpropagées par les migrations d'anciens peuples, lesou <strong>de</strong>s voyagesexpéditions militaires.J °11ne faut pourtant pas accepter sans examen les<strong>de</strong>sassertionsauteurs.La plupart <strong>de</strong>s anciens historiens ont confondu le fait <strong>de</strong> la


HISTOIRE 13culture d'une espèce dans un pays avec celui <strong>de</strong> son habitationantérieure, à l'état sauvage. On a dit communément, – même <strong>de</strong>nos jours d'une espèce cultivée en Amérique ou en Chinequ'elle habite l'Amérique ou la Chine. Une erreur non moinsfréquente a été <strong>de</strong> croire une espèce originaire d'un pays, parcequ'on l'a reçue <strong>de</strong> là et non du pays véritablement <strong>de</strong> son origine.Ainsi les Grecs et les Romains ont appelé pomme <strong>de</strong> Persela pêche, qu'ils avaient vue cultivée en Perse, qui n'y était probablementpas sauvage et que j'ai prouvée naguère être originaire<strong>de</strong> Chine. Ils ont appelé pomme <strong>de</strong> Carthage (Malumpunicum) la grena<strong>de</strong>, qui s'était répandueprogressivement dansles jardins, <strong>de</strong> Perse en Mauritanie. A plus forte raison, lestrès anciens auteurs, tels que Bérose et Hérodote, ont pu setromper, malgré leur désir d'être exacts.Nous verrons, à l'occasion du mais, que <strong>de</strong>s pièces historiquesentièrement forgées, peuvent tromper sur l'origine d'une espèce.C'est singulier, car pour un fait <strong>de</strong> culture il semble que personnen'a intérêt à mentir. Heureusement les indices botaniquesou archéologiques ai<strong>de</strong>nt à faire présumer les erreurs <strong>de</strong> cettenature.La principale difficulté celle qui se présente ordinairementpour les anciens historiens est <strong>de</strong> traduire exactement lesnoms <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> qui, dans leurs livres, sont toujours <strong>de</strong>s nomsvulgaires. Je parlerai bientôt <strong>de</strong> la valeur <strong>de</strong> ces noms et <strong>de</strong>sressources <strong>de</strong> la linguistique dans les questions qui nous occupentmais il faut indiquer auparavant quelles notions historiquessont le plus utiles dans l'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> <strong>cultivées</strong>.L'agriculture est sortie anciennement, du moins en ce quiconcerne les principales espèces, <strong>de</strong> trois gran<strong>de</strong>s régions oùcroissaient certaines <strong>plantes</strong> et qui n'avaient aucune communicationles unes avec les autres. Ce sont la Chine, le sud-ouest<strong>de</strong> l'Asie (lié avec l'Egypte) et l'Amérique intertropicale. Je neveux pas dire qu'en Europe, en Afrique ou ailleurs <strong>de</strong>s peuplessauvages n'aient cultivé quelques espèces, à une époque reculée,d'une manière locale, comme accessoires <strong>de</strong> la chasse ou<strong>de</strong> la pêche mais les gran<strong>de</strong>s civilisations, basées sur l'agriculture,ont commencé dans les trois régions que je viens d'indiquer.Chose digne <strong>de</strong> remarque, dans l'ancien mon<strong>de</strong>, c'est surle bord <strong>de</strong>s fleuves que les populations agricoles se sont surtoutconstituées, tandis qu'en Amérique c'est sur les plateaux duMexique et du Pérou. Il faut peut-être l'attribuer à la situationprimitive <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> bonnes à cultiver, car les rives du Mississipi,<strong>de</strong> l'Orénoque et <strong>de</strong> l'Amazone ne sont pas plus malsainesque celles <strong>de</strong>s fleuves <strong>de</strong> l'ancien mon<strong>de</strong>.Quelques mots sur chacune <strong>de</strong>s trois régions.La Chine avait <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s milliers d'années une agricultureet même une horticulture florissantes lorsqu'elle est entrée,pour la première fois, en communication avec l'Asie occi<strong>de</strong>n-


14 MÉTHODESPOUR DÉCOUVRIRL'ORIGINE DES ESPÈCEStale, par la mission <strong>de</strong> Cbang-Kien, sous le règne <strong>de</strong> l'empereurWu-ti, dans le ne siècle avant l'ère chrétienne. Les recueils appelésPent-sao, écrits à l'époque <strong>de</strong> notre moyen âge, constatentqu'il rapporta la fève, Je concombre, la luzerne, le safran, lesésame, le noyer, le pois, l'épinard, le melon d'eau et d'autres<strong>plantes</strong> <strong>de</strong> l'ouest 1, alors inconnues aux Chinois. Chang-Kien,comme on voit, n'a pas été un ambassa<strong>de</strong>ur ordinaire. Il aétendu singulièrement les connaissances géographiques et amélioréles conditions économiques <strong>de</strong> ses compatriotes. Il est vraiqu'il avait été forcé <strong>de</strong> <strong>de</strong>meurer dix ans dans l'ouest et qu'ilappartenait à une population déjà civilisée, chez laquelle unempereur, 2700 ans avant Jésus-Christ, avait entouré <strong>de</strong> cérémoniesimposantes la culture <strong>de</strong> quelques <strong>plantes</strong>. Les Mongolesétaient trop barbares -et venaient d'un pays trop froidpour avoir pu introduire beaucoup d'espèces utiles en Chinemais, en étudiant l'origine du pêcher et <strong>de</strong> l'abricotier, nous verronsque ces arbres ont été portés <strong>de</strong> Chine dans l'Asie occi<strong>de</strong>ntale,probablement par <strong>de</strong>s voyageurs isolés, marchands ouautres, qui passaient au nord <strong>de</strong> l'Himalaya. Quelques espècesont pu se répandre <strong>de</strong> la même manière <strong>de</strong> l'ouest en Chine,avant l'ambassa<strong>de</strong> <strong>de</strong> Chang-Kiën.Les communications régulières <strong>de</strong> la Chine avec l'In<strong>de</strong> ontcommencé seulement à l'époque <strong>de</strong> ce même personnage, et parla voie détournée <strong>de</strong> la Bactriane mais il a pu y avoir <strong>de</strong>stransmissions <strong>de</strong> proche en proche par la presqu'île malaise etla Cochinchine. Les lettrés qui écrivaient dans le nord <strong>de</strong> laChine ont pu les ignorer, d'autant plus que les provinces méridionalesont été jointes à l'empire seulement au nft siècle avantJ'ère chrétienne 3.Les premiers rapports du Japon avec la Chine ont été versl'an S7 <strong>de</strong> notre ère, par l'envoi d'un ambassa<strong>de</strong>ur, et les Chinoisn'eurent vraiment connaissance <strong>de</strong> leurs voisins orientauxque dans le iw siècle, époque <strong>de</strong> l'introduction <strong>de</strong> l'écriturechinoise au Japon 4.La vaste région qui s'étend du Gange à l'Arménie et au Niln'a pas été anciennement aussi isolée que la Chine. Ses peuplesont échangé, <strong>de</strong> place en place, et même transporté à distance<strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> <strong>cultivées</strong>, avec une gran<strong>de</strong> facilité. Il suffit <strong>de</strong> rappelerque d'anciennes migrations ou conquêtes ont mêlé sanscesse les populations touraniennes, aryennes et sémites entre lamer Caspienne, la Mésopotamie et le Nil. De grands Etats sesont formés, à peu près dans les mêmes temps, sur les bords <strong>de</strong>l'Euphrate et en Egypte, mais ils avaient succédé à <strong>de</strong>s tribus1.Bretschnei<strong>de</strong>r,l. c, p. 15.2. Bretsehnei<strong>de</strong>r,1. c.3. Bretschnei<strong>de</strong>r,l. c, p. 23. “ “4. Atsuma-gusaṚecueilpour servirà la connaissance<strong>de</strong> VexlremeOrient,nublié par Fr. Turretini,vol.S, p. 200',293.


LINGUISTIQUE 15qui cultivaient déjà certaines <strong>plantes</strong>. L'agriculture est plusancienne dans cette région que BabyIone etles premières dynastieségyptiennes, lesquelles datent <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> quatre mille ans.Les empires assyriens et égyptiens se sont ensuite disputé lasuprématie, et dans leurs luttes ils ont transporté <strong>de</strong>s populations,ce qui ne pouvait manquer <strong>de</strong> répandre les espèces <strong>cultivées</strong>.D'un autre côté, les peuples aryens, qui habitaient primitivementau nord <strong>de</strong> la Mésopotamie, dans une contrée moinsfavorable à l'agriculture, se sont répandus à l'ouest et au midi,refoulant ou subjuguant les nations touraniennes et dravidiennes.Leur langue, et surtout celles qui en sont dérivées en Europe etdans l'In<strong>de</strong>, montrent qu'ils ont connu et transporté plusieursespèces utiles Après ces anciens événements, dont les datessont généralement incertaines, les voyages par mer <strong>de</strong>s Phéniciens,les guerres entre les Grecs et les Perses, l'expéditiond'Alexandre jusque dans l'In<strong>de</strong>, et finalement la dominationromaine ont achevé <strong>de</strong> répandre les cultures dans l'intérieur <strong>de</strong>l'Asie occi<strong>de</strong>ntale et même <strong>de</strong> les introduire en Europe et dansle nord <strong>de</strong> l'Afrique, partout où le climat pouvait leur être favorable.Plus tard, à l'époque <strong>de</strong>s croisa<strong>de</strong>s, il restait bien peu <strong>de</strong><strong>plantes</strong> utiles à tirer <strong>de</strong> l'Orient. II est arrivé alors en Europequelques variétés d'arbres fruitiers que les Romains ne possédaientpas et <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> d'ornement.La découverte <strong>de</strong> l'Amérique, en 1492, a été le <strong>de</strong>rnier grandévénement qui a permis <strong>de</strong> répandre les <strong>plantes</strong> <strong>cultivées</strong> danstous les pays. Ce sont d'abord les espèces américaines,. commela pomme <strong>de</strong> terre, le maïs, la figue d'In<strong>de</strong>, le tabac, etc., quiont été apportées en Europe et en Asie. Ensuite une foule d'espèces<strong>de</strong> l'ancien mon<strong>de</strong> ont été introduites en Amérique. Levoyage <strong>de</strong> Magellan (4520-21) fut la première communicationdirecte entre -l'Amérique méridionale et l'Asie-. Dans le mêmesiècle, la traite <strong>de</strong>s nègres vint multiplier les rapports entrel'Afrique et l'Amérique. Enfin la découverte <strong>de</strong>s îles <strong>de</strong> la merPacifique au xvine siècle, et la facilité croissante <strong>de</strong>s moyens <strong>de</strong>communication, combinée avec un désir général d'améliorer,ont produit la dispersion plus générale <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> utiles dontnous sommes aujourd'hui les témoins.§ S. Linguistique.Les noms vulgrires <strong>de</strong> <strong>plantes</strong> <strong>cultivées</strong> sont ordinairementtrès connus et peaveat donner <strong>de</strong>s indications sur l'histoire1 Il existe, en langue française, <strong>de</strong>ux excellents résumés<strong>de</strong>s connaissancesactuelles sur l'Orient et rSsrj pte. Je ne sauraistrop les recomman<strong>de</strong>raux naturalistesqui ne se sont pas occupésspécialement<strong>de</strong> cestions. L'un <strong>de</strong> ces ouvragesest le Manuel<strong>de</strong> Fhistoireancienne<strong>de</strong>VOrient,par FrançoisLenormand,3 vol. in-12, Paris, 1S69.L autre esti' Histoireancienne<strong>de</strong>speuples <strong>de</strong> l'Orient,par Maspero, un vol. m-8,Paris,1878.


16 MÉTI1ODESPOURDÉCOUVRIRL'ORIGINE DES ESPÈCESd'une espèce, mais il n'est pas sans exemple qu'ils soientabsur<strong>de</strong>s, basés sur <strong>de</strong>s erreurs, ou vagues et contestables, cequi oblige à user d'une certaine pru<strong>de</strong>nce dans leur emploi.Je pourrais citer beaucoup <strong>de</strong> noms absur<strong>de</strong>s, pris danstoutes les langues. Il suffit <strong>de</strong> rappeler.:En français blé <strong>de</strong> Turquie (maïs), pour une plante qui n'estpas un blé et qui vient d'Amérique.En anglais Jérusalem artichoke pour le Topinambour(Helianthus tuberosus), qui ne vient pas <strong>de</strong> Jérusalem, mais <strong>de</strong>l'Amérique septentrionale, et n'est pas un artichaut.En allemand: Haferwurzel (Haber, boue, en vieux allemand)racine d'avoine, pour le Salsifis (Tragopogon), plante à racinecharnue!Une quantité <strong>de</strong> noms donnés par les Européens à <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong>étrangères, lorsqu'ils se sont établis dans les colonies, expriment<strong>de</strong>s analogies fausses ou insignifiantes. Par exemple, le lin <strong>de</strong> laNouvelle-Zélan<strong>de</strong> ressemble aussi peu que possible au lin; seulementon tire <strong>de</strong> ses feuilles une matière textile. La pommed'acajou, <strong>de</strong>s Antilles françaises, n'est pas le fruit d'un pommier,ni même d'une pomacée, et n'a rien à voir avec l'acajou.Quelquefois les noms vulgaires se sont altérés en passant d'unelangue à l'autre, <strong>de</strong> manière à donner un sens faux ou ridicule.Ainsi l'arbre <strong>de</strong> Judée <strong>de</strong>s Français (Cercis Siliquastrum) est<strong>de</strong>venu en anglais Judas tree, arbre <strong>de</strong> Judas Le fruit appeléAhuacaparles Mexicains est <strong>de</strong>venul'Avocat <strong>de</strong>s colons français.Assez souvent, <strong>de</strong>s noms <strong>de</strong> <strong>plantes</strong> ont été pris par le mêmepeuple; à <strong>de</strong>s époques successives ou dans <strong>de</strong>s provinces différentes,tantôt comme noms <strong>de</strong> genres et tantôt comme nomsd'espèces. Par exemple, blé peut signifier ou plusieurs espècesdu genre Triticum, et même <strong>de</strong> <strong>plantes</strong> nutritives très différentes(maïs et blés), ou telle espèce <strong>de</strong> blé en particulier.Plusieurs noms vulgaires ont été transportés d'une plante àl'autre, par suite d'erreurs ou d'ignorance. Ainsi, la confusionfaite par d'anciens voyageurs entre la Batate (Convolvolus Batatas)et la Pomme <strong>de</strong> terre (Solanum tuberosum), a entraînél'usage d'appeler la Pomme <strong>de</strong> terre en anglais Potatoe et enespagnol Patatas.Si <strong>de</strong>s peuples mo<strong>de</strong>rnes, Civilisés,qui ont <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s facilitéspour comparer les espèces, connaître leur origine et vérifier lesnoms dans les livres, ont fait <strong>de</strong> semblables erreurs, il est probableque les anciens en ont fait plus encore et <strong>de</strong> plus grossières.Les érudits déploient infiniment <strong>de</strong> science pour expliquerl'origine linguistique d'un nom ou ses modifications dans leslangues dérivées, mais ils ne peuvent pas découvrir les fautes oules absurdités populaires. Ce sont plutôt les botanistes qui les<strong>de</strong>vinent ou les démontrent. Remarquons en passant que lesnoms doubles ou composés sont les plus' suspects. Ils peuventavoir <strong>de</strong>ux erreurs l'une dans la racine ou le nom principal,l'autre dans l'addition ou nom accessoire, <strong>de</strong>stiné presque tou-


LINGUISTIQUE 17jours à indiquer une origine géographique, une qualité apparenteou quelque comparaison avec d'autres espèces. Plus unnom est bref, plus il mérite qu'on en tienne compte dans laquestion d'origine ou d'ancienneté, car c'est à la suite <strong>de</strong>sannées, <strong>de</strong>s migrations <strong>de</strong> peuples et <strong>de</strong>s transports <strong>de</strong> <strong>plantes</strong>que s'ajoutent les épithètes souvent erronées. De même, dans lesécritures symboliques, comme celles <strong>de</strong>s Chinois et <strong>de</strong>s Egyptiens,les signes uniques et simples font présumer <strong>de</strong>s espècesanciennement connues, ne venant pas <strong>de</strong> pays étrangers, et lessignes compliqués, sont suspects ou indiquent une origine étrangère.N'oublions pas cependant que les signes ont été souvent<strong>de</strong>s rébus, basés sur <strong>de</strong>s ressemblances fortuites <strong>de</strong> mots, ou sur<strong>de</strong>s idées superstitieuses et fantastiques. 1L'i<strong>de</strong>ntité d'un nom vulgaire pour une espèce dans plusieurslangues peut avoir <strong>de</strong>ux significations très différentes. Elle peutvenir <strong>de</strong> ce qu'une plante a été transportée par un peuple quis'est divisé et dispersé. Elle peut résulter aussi <strong>de</strong> ce qu'uneplante a été transmise d'un peuple à l'autre avec le nom dupays d'origine. Le premier cas est celui du chanvre, dont lenom est semblable, au moins quant à sa racine, dans toutes leslangues dérivées <strong>de</strong>s Aryas primitifs. Le second se voit dans lenom américain du tabac et le nom chinois du thé, qui se sontrépandus dans une infinité <strong>de</strong> pays, sans aucune filiation linguistiqueou ethnographique. Ce cas s'est présenté plus fréquemmentdans les temps mo<strong>de</strong>rnes que dans les anciens, parce quela rapidité <strong>de</strong>s communications permet aujourd'hui d'introduireà la fois une plante et son nom, même à <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s distances.La diversité <strong>de</strong>s noms pour une même espèce peut avoir aussi<strong>de</strong>s causes variées. En général, elle indique une existence anciennedans divers pays, mais elle peut aussi provenir dumélange<strong>de</strong>s peuples ou <strong>de</strong> noms <strong>de</strong> variétés qui usurpent le nom primitif.Ainsi, en Angleterre, on peut trouver, suivant les provinces, unnom celte, saxon, danois ou latin, et nous voyons en Allemagneles noms <strong>de</strong> Flachs et Lein pour le lin, qui ont évi<strong>de</strong>mment <strong>de</strong>sorigines différentes.Lorsqu'on veut se servir <strong>de</strong>s noms vulgaires pour en tirercertaines probabilités sur l'origine <strong>de</strong>s espèces, il faut consulterles dictionnaires et les dissertations <strong>de</strong>s philologues, mais on estobligé d'estimer les chances d'erreur <strong>de</strong> ces érudits, qui, n'étantni agriculteurs ni botanistes, peuvent s'être trompés dans l'applicationd'un nom à une espèce.Le recueil le plus considérable <strong>de</strong> noms vulgaires est celui <strong>de</strong>Nemnich publié en 1793. J'en possè<strong>de</strong> un autre, manuscrit,plus étendu encore, rédigé dans notre bibliothèque par monancien élève Moritzi, au moyen <strong>de</strong>s flores et <strong>de</strong> plusieurs livres1.Nemnioli,Allgemeinespolyglotten-Lexicon <strong>de</strong>r Naturgeschichte, 2 volin-4.UEUANDOLLE.


18 MÉTHODESPOUR DÉCOUVRIRL'ORIGINE DES ESPÈCES<strong>de</strong> voyages écrits par <strong>de</strong>s botanistes. Il y a, en outre, <strong>de</strong>s. dictionnairesconcernant les noms d'espèces <strong>de</strong> tel ou tel pays oud'une langue en particulier. Ces sortes <strong>de</strong> recueils ne contiennentpas souvent <strong>de</strong>s explications sur les étymologies mais, quoi qu'endise M. JEehn un naturaliste, pourvu <strong>de</strong> l'instruction généraleordinaire, peut reconnaître les connexités ou les diversités fondamentales<strong>de</strong> certains noms dans <strong>de</strong>s langues différentes et nepas confondre les langues mo<strong>de</strong>rnes avec les anciennes. Il n'estpas nécessaire pour cela d'être initié dans les subtilités <strong>de</strong>ssuffixes et <strong>de</strong>s affixes, <strong>de</strong>s labiales et <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ntales. Sans douteun philologue pénètre mieux et plus loin dans les étymologies,mais il est rare que ce soit nécessaire pour les recherches sur les<strong>plantes</strong> <strong>cultivées</strong>. D'autres connaissances sont plus utiles, surtoutcelles <strong>de</strong> pure botanique, et elles manquent aux philologuesplus que la linguistique aux naturalistes, par la raison fortévi<strong>de</strong>nte qu'on donne plus <strong>de</strong> place dans l'instruction généraleaux langues qu'à l'histoire naturelle. Il me paraît aussi que leslinguistes, notamment ceux qui traitent du sanscrit, veulentbeaucoup trop chercher <strong>de</strong>s étymologies à chaque nom. Ilsne pensent pas assez à la bêtise humaine, qui a fait naître danstous les temps <strong>de</strong>s mots absur<strong>de</strong>s, sans base réelle, déduitsd'une erreur ou d'une idée superstitieuse.La filiation <strong>de</strong>s langues mo<strong>de</strong>rnes européennes est connue <strong>de</strong>tout le mon<strong>de</strong>. Celle <strong>de</strong>s langues anciennes a été l'objet, <strong>de</strong>puisun <strong>de</strong>mi-siècle, <strong>de</strong> travaux importants. Je ne puis en donner iciun aperçu, même abrégé. Il suffit <strong>de</strong> rappeler que toutes leslangues européennes actuelles dérivent <strong>de</strong> la langue <strong>de</strong>s Aryensocci<strong>de</strong>ntaux, venus d'Asie, à l'exception du basque (dérivé <strong>de</strong>l'ibère), du finnois, du turc et du hongrois, dans lesquels ausurplus beaucoup <strong>de</strong> mots d'origine aryenne se sont introduits.D'un autre côté, plusieurs langues actuelles <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, Ceylan,dérivent du sanscrit <strong>de</strong>s Aryens orientaux, sortis <strong>de</strong> l'Asie centraleaprès les Aryens <strong>de</strong> l'Occi<strong>de</strong>nt. On suppose, avec assez <strong>de</strong>vraisemblance, que les premiers Aryens occi<strong>de</strong>ntaux sont arrivésen Europe 2500 ans avant notre ère, et les Aryens orientaux dansl'In<strong>de</strong> un millier d'années plus tard.Le basque (ou ibère), le guanche <strong>de</strong>s îles Canaries, dont onconnaît quelques noms <strong>de</strong> <strong>plantes</strong>, et le berbère se rattachaientprobablement aux anciennes langues du nord <strong>de</strong> l'Afrique.Les botanistes sont obligés, dans beaucoup <strong>de</strong> cas, <strong>de</strong> douter<strong>de</strong>s noms vulgaires attribués aux <strong>plantes</strong> par les voyageurs, leshistoriens et les philologues. C'est une conséquence <strong>de</strong>s doutesqu'ils ont eux-mêmes sur la distinction <strong>de</strong>s espèces et <strong>de</strong> ladifficulté qu'ils savent très bien exister lorsqu'on veut s'assurerdu nom vulgaire d'une plante. L'incertitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>vient d'autant1.Hehn,Kulturpflanzenund Hausthierein iltr,enUeèergangaus Asienin-8,3eédition,1877.


LINGUISTIQUE 19plus gran<strong>de</strong> qu'il s'agit d'espèces plus iaeiles à contonare oumoins connues du publie, ou <strong>de</strong> langues <strong>de</strong> nations peu civilisées.Il y a <strong>de</strong>s <strong>de</strong>grés, pour ainsi dire, entre les langues, sous cepoint<strong>de</strong> vue, et les noms doivent être acceptés plus ou moinssuivant ces <strong>de</strong>grés.En tète, pour la certitu<strong>de</strong>, se placent les langues qui possè<strong>de</strong>nt<strong>de</strong>s ouvrages <strong>de</strong> botanique. On peut en effet reconnaîtreune espèce au moyen d'une <strong>de</strong>scription grecque <strong>de</strong> Dioscori<strong>de</strong> ou<strong>de</strong> Théophraste, et <strong>de</strong>s textes latins moins développés <strong>de</strong> Caton,Columelle ou Pline. Les livres chinois donnent aussi <strong>de</strong>s <strong>de</strong>scriptions.Leur étu<strong>de</strong> a fait l'objet d'excellents travaux du docteurBretschnei<strong>de</strong>r, me<strong>de</strong>cin <strong>de</strong> la légation russe à Peking, que je citéraifréquemment1. rLe second <strong>de</strong>gré est celui <strong>de</strong>s langues qui ont une littératurecomposée seulement d'ouvrages <strong>de</strong> théologie, <strong>de</strong> poésie, ou <strong>de</strong>chroniques sur les rois et les batailles. Ces sortes d'ouvragesmentionnent çà et là <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong>, avec <strong>de</strong>s épithètes ou <strong>de</strong>s réflexionssur leur floraison, leur maturité, leur emploi, etc., quipermettent<strong>de</strong> comprendreun nom et <strong>de</strong> le rapporter à la nomenclaturebotanique actuelle. En s'aidant d'ailleurs <strong>de</strong> notionssur la flore du payset <strong>de</strong>s noms vulgaires dans les languesdérivées <strong>de</strong> l'ancienne, on arrive, tant bien que mal, à fixer lesens <strong>de</strong> quelques mots. C'est ce qui a été fait pour le sanscrit2, l'hébreu 3 et l'araméenEnfin, une troisième catégorie dans les langues anciennes nepeut donner aucune certitu<strong>de</strong>, mais seulement <strong>de</strong>s présomptionsi Bretschnei<strong>de</strong>r, On the study and value of chinese botanical worhs,with notes on the hktory of plants and geographical botany from chinesesources. In-8, 51 pages avec figures, Foochoo, sans date, mais la préfacedatée <strong>de</strong> décembre 1810. Notes on some botanical questions. In-8,U pages, 1880. 2.Ledictionnaire <strong>de</strong> Wilson contient <strong>de</strong>s noms <strong>de</strong> <strong>plantes</strong>, mais lesbotanistes se fient davantage aux noms indiqués par Rosburgh dans sonFlora indica (éd. <strong>de</strong> 1832, 3 vol. in-8) et au dictionnaire spécial <strong>de</strong> Piddington,English in<strong>de</strong>x to the plants of India, Calcutta, 1832. Les éruditspréten<strong>de</strong>ntdécouvrir un plus grand nombre <strong>de</strong> noms dans les textes,mais ils ne donnent pas assez la preuve du sens <strong>de</strong> ces noms. Généralement,il manque pour le sanscrit ce que nous avons pour l'hébreu, le grecet le chinois, la citation, traduite en langue mo<strong>de</strong>rne, <strong>de</strong>s phrases concernantchaque mot.3.Lemeilleur ouvrage sur les noms <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> <strong>de</strong> l'Ancien Testamentest celui <strong>de</strong> Rosenmüller, Handbuch <strong>de</strong>r biblischen Alterkun<strong>de</strong>, in-8, vol. 4,Leipzig, 1830.Un bon ouvrage, abrégé, en français, est La botanique <strong>de</strong> laBible, par Fred. Hamilton, in-8, Nice, 1871.4. Revnier, botaniste suisse, qui avait séjourné en Egypte, a donnéavec sagacité le sens <strong>de</strong> beaucoup <strong>de</strong> noms <strong>de</strong> <strong>plantes</strong> dans le Talmud.Voir ses volumes intitulés Economiepublique et rurale <strong>de</strong>s Arabes et <strong>de</strong>sJuifs in-8, 1820, et Economie publique et rurale <strong>de</strong>s Egyptiens et <strong>de</strong>s Carthaqinois,in-8, Lausanne. 1823. Les ouvrages plus récents <strong>de</strong> Duschak et<strong>de</strong> Lô-wne reposent pas sur la connaissance <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> d'Orient et sontillisibles, pour les botanistes, à cause <strong>de</strong>s noms en lettres syriaques,hébraïques, etc.


20 MÉTHODESPOUR DÉCOUVRIRL'ORIGINE DES ESPÈCESou <strong>de</strong>s indications hypothétiques assez rares. C'est celle <strong>de</strong>s languesdont on ne connaît aucun ouvrage, comme le celte, avec tousses dialectes, le vieux slave, le pélasge, l'ibère, la langue <strong>de</strong>sAryas primitifs, <strong>de</strong>s Touraniens, etc. On arrive à, présumer certainsnoms, ou leur forme approximative, dans ces ancienneslangues, par <strong>de</strong>ux procédés, tous <strong>de</strong>ux sujets à caution.Le premier, et le meilleur, est <strong>de</strong> consulter les langues dérivéesou qu'on croit dérivées directement <strong>de</strong>s anciennes, commele basque pour l'ibère, l'albanais pour le pélasge, le breton, l'irlandaiset le gaëlic pour le celte. Le danger est <strong>de</strong> se trompersur la filiation <strong>de</strong>s langues, et surtout <strong>de</strong> croire à l'anciennetéd'un nom <strong>de</strong> plante qui peut être venu par un autre peuple.Ainsi le basque a beaucoup <strong>de</strong> noms qui paraissent tirés du latinà la suite <strong>de</strong>la domination romaine. Le berbère est rempli <strong>de</strong>noms arabes, et le persan <strong>de</strong> noms <strong>de</strong> toutes sortes, qui n'existaientprobablement pas dans le zend.L'autre procédé consiste à reconstruire une langue anciennesans littérature, au moyen <strong>de</strong> ses dérivées, par exemple la langue<strong>de</strong>s Aryas occi<strong>de</strong>ntaux au moyen <strong>de</strong>s mots communs à plusieurslangues européennes qui en sont issues. Pour les mots <strong>de</strong>sanciennes langues aryennes, le dictionnaire <strong>de</strong> Fick ne peut guèreêtre employé, car il donne peu <strong>de</strong> noms <strong>de</strong> <strong>plantes</strong>, et sa dispositionne le met pas du tout à la portée <strong>de</strong>s personnes qui neconnaissent pas le sanscrit. Bien plus important pour les naturalistesest l'ouvrage d'Adolphe Pictet, dont il a paru, après lamort <strong>de</strong> l'auteur, une secon<strong>de</strong> édition, augmentée et perfectionnéel. Les noms <strong>de</strong> <strong>plantes</strong> et les termes <strong>de</strong> l'agriculture y sontexposés et discutés d'une manière d'autant plus satisfaisantequ'elle est combinée avec <strong>de</strong>s notions exactes <strong>de</strong> botanique. Sil'auteur attribue peut-être plus d'importance qu'il ne faudrait à<strong>de</strong>s étymologies douteuses, il le compense par <strong>de</strong>s notions d'uneautre nature et par beaucoup <strong>de</strong> métho<strong>de</strong> et <strong>de</strong> clarté.Les noms <strong>de</strong> <strong>plantes</strong> en langue euskarienne, soit basque, ontété commentés, au point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong>s étymologies probables, parM.le comte <strong>de</strong> Charencey2. J'aurai l'occasion <strong>de</strong> citer ce travail,où les difficultés étaient bien gran<strong>de</strong>s, à cause <strong>de</strong> l'absence <strong>de</strong>toute littérature et <strong>de</strong> langues dérivées.§ 6. Nécessité <strong>de</strong> combiner les différentesmétho<strong>de</strong>s.Les divers procédés dont je viens <strong>de</strong> parler n'ont pas unevaleur égale. Evi<strong>de</strong>mment lorsqu'on peut avoir sur une espèce1.AdolphePictet, Les origines <strong>de</strong>s peuplesindo-européens, 3 vol. in-8.Paris, 4878.2.Charencey, dansActes <strong>de</strong> la Sociétépliilologique, vol. I, n° 1, 1869.


NÉCESSITÉDE COMBINERLES DIFFÉRENTESMÉTHODES 21a__ "1P'V'IIn.+~<strong>de</strong>s documents archéologiques, comme ceux aes monuiueuu,égyptiens ou <strong>de</strong>s lacustres suisses, ce sont <strong>de</strong>s faits d'une exactitu<strong>de</strong>remarquable. Viennent ensuite les données <strong>de</strong> botanique,surtout celles sur l'existence spontanée d'une espèce danstel ou tel pays. Elles peuvent avoir beaucoup d'importance, àcondition qu'on les examine soigneusement. Les assertions contenuesdans les livres soit d'historiens, soit même<strong>de</strong> naturalistesd'une époque à laquelle la science ne faisait que commencer,n'ont pas la même valeur. Enfin les noms vulgaires ne sontqu'un moyen accessoire, surtout dans les langues mo<strong>de</strong>rnes, etun moyen, comme nous avons vu, dont il faut se défier. Voilàce qu'on peut dire d'une manière générale, mais dans chaquecas particulier telle ou telle métho<strong>de</strong> prend quelquefois plusd'importance.Chacune conduit à une simple probabilité, puisqu'il s'agit <strong>de</strong>faits anciens qui échappent aux observations directes et actuelles.Heureusement, si l'on arrive à la même probabilité par trois ouquatre voies différentes, on approche beaucoup <strong>de</strong> la certitu<strong>de</strong>.Il en est <strong>de</strong>s recherches sur l'histoire <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> comme <strong>de</strong> cellessur l'histoire <strong>de</strong>s peuples. Un bon auteur consulte les historiensqui ont parlé <strong>de</strong>s événements, les archives où se trouvent <strong>de</strong>sdocuments inédits, les inscriptions <strong>de</strong> vieux monuments, lesjournaux, les lettres particulières,enfin les mémoires et mêmela tradition. Il tire <strong>de</strong>s probabilités <strong>de</strong> chaque source, et ensuiteil compare ces probabilités, les pèse et les discute avant <strong>de</strong> sedéci<strong>de</strong>r. C'est un travail <strong>de</strong> l'esprit, qui exige <strong>de</strong> la sagacité etdu jugement. Ce travail diffère beaucoup <strong>de</strong> l'observation, usitéeen histoire naturelle, et du raisonnement pur, qui est le propre<strong>de</strong>s sciences mathématiques. Néanmoins, je le répète, lorsqu'onarrive par plusieurs métho<strong>de</strong>s à une même probabilité, celle-ciapproche <strong>de</strong> la certitu<strong>de</strong>. On peut même dire qu'elle donne lacertitu<strong>de</strong> à laquelle on peut prétendre dans les sciences historiques.J'en ai eu la preuve en comparant mon travail actuel aveccelui que j'avais fait, d'après les mêmes métho<strong>de</strong>s, en 18a5.Pour les espèces que j'avais étudiées alors, j'ai eu plus <strong>de</strong> documentset <strong>de</strong>s faits mieux constatés, mais les conclusions surl'origine <strong>de</strong> chaque espèce ont été à peine changées. Comme ellesreposaient déjà sur une combinaison <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s, les chosesprobables sont <strong>de</strong>venues ordinairement plus probables ou certaines,et il ne m'est pas arrivé d'être conduit à <strong>de</strong>s résultatsabsolument contraires aux précé<strong>de</strong>nts.Les données archéologiques, linguistiques et botaniques <strong>de</strong>viennent<strong>de</strong> plus en plus nombreuses. C'est par leur moyen quel'histoire <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> <strong>cultivées</strong> se perfectionne, tandis que lesassertions <strong>de</strong>s anciens auteurs per<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> leur importance aulieu d'en acquérir. Grâce aux découvertes <strong>de</strong>s antiquaires et <strong>de</strong>sphilologues,les mo<strong>de</strong>rnes connaissent mieux que les Grecs la


22 MÉTHODESPOURDÉCOUVRIRL'ORIGINE DES ESPÈCESChaldée et l'ancienne Egypte. Ils peuvent constater <strong>de</strong>s erreursdans Hérodote. Lesbotanistes <strong>de</strong> leur côté corrigent Théophraste,Dioscori<strong>de</strong> et Pline d'après la connaissance <strong>de</strong>s flores <strong>de</strong> Grèce etd'Italie, tandis que la lecture <strong>de</strong>s anciens, faite si souvent par lesérudits <strong>de</strong>puis trois siècles, a donné ce qu'elle pouvait donner.Je ne puis m'empêcher <strong>de</strong> sourire en voyant aujourd'hui <strong>de</strong>ssavants répéter <strong>de</strong>s phrases grecques ou latines bien connues,pour en tirer ce qu'ils appellent <strong>de</strong>s conclusions. C'est vouloirextraire du jus d'un citron pressé déjà mainte et mainte fois.Il faut .le dire franchement, les ouvrages qui répètent et commententles auteurs <strong>de</strong> l'antiquité grecque ou latine, sans mettreen première ligne les faits botaniques et archéologiques, ne sontplus au niveau <strong>de</strong> la science. Je pourrais en citer cependant quiont eu, en Allemagne, les honneurs <strong>de</strong> trois éditions! Mieux auraitvalu réimprimer les publications antérieures <strong>de</strong> Fraas et <strong>de</strong>Lenz, <strong>de</strong> Targioni et <strong>de</strong> Heldreich, qui ont toujours mis lesdonnées actuelles <strong>de</strong> la botanique au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong>s <strong>de</strong>scriptionsvagues d'anciens écrivains, c'est-à-dire les faits au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong>smots et <strong>de</strong>s phrases.


DEUXIÈMEPARTIEÉTUDE DES ESPÈCESAU POINT DE VUE DE LEUR ORIGIXEDES PREMIERS TEMPS DE LEUR CULTUREET DES PREYCIPAUX FAITS DE LEUR DISPERSIONCHAPITREPREMIERPLANTESCULTIVÉESPOURLEURS PARTIESSOUTERRAINESTELLES QUERACINES, BULBESOU TUBERCULES2.Radis, Raifort. Raphanus sativus, Linné.Le radis est cultivé pour ce qu'on appelle la racine, qui est,à proprement parler, la partie inférieure <strong>de</strong> la tige avec laracine pivotante3. On sait à quel point la grosseur, la forme etla couleur <strong>de</strong> ces organes, qui <strong>de</strong>viennent charnus, peuvent varier,suivant'e terrain et les races <strong>cultivées</strong>.Il n'y a pas <strong>de</strong> doute que l'espèce est originaire <strong>de</strong>s régionstempérées<strong>de</strong> l'ancien mon<strong>de</strong>; mais, comme elle s'est répanduedans les jardins, <strong>de</strong>puis les temps historiques les plus reculés, <strong>de</strong>la Chine et du Japon jusqu'en Europe, et qu'elle se sème fréquemmentautour <strong>de</strong>s cultures, il est difficile <strong>de</strong> préciser sonpoint<strong>de</strong> départ.Naguèreon confondait avec le Raphanus sativus <strong>de</strong>s espècesvoisines, <strong>de</strong> la région méditerranéenne, auxquelles on attribuaitcertains noms grecs; mais le botaniste J. Gay, qui a beaucoupi Un certain nombre d'espèces, dont l'origine est bien connue, commela carotte, l'oseille, etc., sont mentionnées seulement dans le résuméau commencement <strong>de</strong> la <strong>de</strong>rnière partie, avec une indication <strong>de</strong>s faits principauxqui les concernent.*»«•2. Quelques espèces sont <strong>cultivées</strong> tantôt pour leurs racines et tantôtpour leurs feuilles ou leurs graines. Dans d'autres chapitres se trouvent<strong>de</strong>s espèces <strong>cultivées</strong> pour leurs feuilles (fourrages) ou pour leurs graines,etc. J'ai classé en raison <strong>de</strong> l'usage le plus habituel. Au surplus, l'in<strong>de</strong>x.alphabétique renvoie à la place adoptée pour chaque espèce.3. Voir l'état jeune <strong>de</strong> la plante lorsque la partie <strong>de</strong> la tige au-<strong>de</strong>ssous<strong>de</strong>s cotylédons n'est pas encore renflée. Turpin en a donné Une figuredans les Annales <strong>de</strong>s sciencesnaturelles, série 1, vol. 21, pi. B.


24 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS PARTIES SOUTERRAINEScontribué à éliminer ces formes analogues 1 regardait leR. sativus comme originaire d'Orient, peut-être <strong>de</strong> Chine. Linnésupposait aussi une origine chinoise, du moins quant à unevariété qu'on cultive en Chine pour extraire l'huile <strong>de</strong>s graines 2.Plusieurs flores du midi <strong>de</strong> l'Europe mentionnent l'espèce commesubspontanée ou échappée <strong>de</strong>s cultures, jamais comme spontanée.Le<strong>de</strong>bour avait vu un échantillon recueilli près du montArarat. Il en avait semé les graines et vérifié l'espèce 3. CependantM. Boissier en 1867, dans sa flore d'Orient, se borne àdire « Subspontané dans les cultures <strong>de</strong> l'Anatolie,- prèsMersiwan <strong>de</strong>(d'après Wied}, en Palestine (d'après lui-même), enArménie (d'après Le<strong>de</strong>bour) et probablement ailleurs », ce quiressemble aux assertions <strong>de</strong>s flores européennes. M. Buhse scite une localité, les monts Ssahend, au midi du Caucase, quiparait <strong>de</strong>voir être assez en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>slsultures. Les flores récentes<strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> 6 anglaise et l'ancienne flore <strong>de</strong> Cochinchine <strong>de</strong> Loureiroindiquent l'espèce seulement comme cultivée. M. Maximowicz.l'a vue dans un jardin du nord-est <strong>de</strong> la Chine Thunberg enparle comme d'une plante généralement cultivée au Japon etcroissant aussi le long <strong>de</strong>s chemins8 mais ce <strong>de</strong>rnier fait n'estpas répété par les auteurs mo<strong>de</strong>rnes, probablement mieuxinformés 9.Hérodote (Hist., 1. 2, c. 125) parle d'un radis, qu'il nommeSurmaia, dont une inscription <strong>de</strong> la pyrami<strong>de</strong> <strong>de</strong> Chéops mentionnaitl'emploi par les ouvriers. Unger 10 a copié dans l'ouvrage<strong>de</strong> Lepsius <strong>de</strong>ux figures du temple <strong>de</strong> Karnak, dont lapremière tout au moins paraît représenter le radis.D'après cela, en résumé 1° l'espèce se répand facilement hors<strong>de</strong>s cultures dans la région <strong>de</strong> l'Asie occi<strong>de</strong>ntale et <strong>de</strong> l'Europeméridionale, ce qui n'est pas mentionné d'une manière certainedans les flores <strong>de</strong> l'Asie orientale; 2° les localités au midi duCaucase, sans indication <strong>de</strong> culture, font présumer que la plantey est spontanée. Par ces <strong>de</strong>ux motifs, elle semble originaire <strong>de</strong>l'Asie occi<strong>de</strong>ntale, entre la Palestine, l'Anatolie et le Caucase,peut-être aussi <strong>de</strong> la Grèce; la culture l'aurait répandue vers.l'ouest et l'est, <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s temps très anciens.Les noms vulgaires appuient ces hypothèses. En Europe, ilsoffrent peu d'intérêt quand ils se rapportent à la qualité <strong>de</strong> ra-1. Dans A. <strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>,Gêogr.bot.raisonnée,p. 826,2.Linné,Spec.plant.,p. 935.3.Le<strong>de</strong>bour,Fl. ross., I, p. 225.4. Boissier,Fl orient.,I, p. 400.5. Buhse,AufzâhlungTranscaucasien,p. 30.6. Hooker,FI. brit. Initia, I, p. 166.7. Maximowicz,Primitif florseAmurensis,p. 47.8. Thunberg, Fl. jap., p. 263.9.Franchetet Savatier,Enum.plant. Jap. I, p. 3Î).10. Unger,Pflanzen <strong>de</strong>salten Mgyptens,p. 51,fig. 24et 2&


RADIS, RAIFORT 25cine (Radis) ou à quelque comparaison avec la rave (Ravanelloen italien, Rabica en espagnol, etc.), mais les Grecs anciens avaientcréé le nom spécial <strong>de</strong> Raphanos (qui lève facilement). Le motitalien Ramoraccio dérive du grec Armoracia, qui signifiait leR. sativus ou quelque espèce voisine. Les mo<strong>de</strong>rnes l'ont transporté,par erreur, au Cochlearia Armoracia soit Cran, dont il estquestion plus loin. Les Sémites 1 ont <strong>de</strong>s noms tout autres (Fuglaen hébreu, Fuil, fidgel, figl, etc., en arabe). Dans l'In<strong>de</strong>, d'aprèsRoxburgh 2,le nom vulgaire d'une variété à racine énorme, aussigrosse quelquefois que la jambe d'un homme, est Moola ou Aloolee(prononcez Moula, Moult), en sanscrit Mooluka (prononcez Moulouka}.Enfin, pour la Gochinchine, la Chine et le Japon, lesauteurs citent <strong>de</strong>s noms variés, très différents les uns <strong>de</strong>s autres.D'après cette diversité, la culture serait très ancienne <strong>de</strong> la Grèceau Japon; mais on ne peut rien en conclure «relativement à lapatrie originelle comme plante spontanée.A cet égard, il existe une opinion complètement différente qu'ilfaut aussi examiner. Plusieurs botanistes soupçonnent quele Raphanus sativus est simplement un état particulier, à grosseracine et à fruit non articulé, du Raphanus Raphanistrum, plantetrès commune dans les terrains cultivés <strong>de</strong> l'Europe et <strong>de</strong> l'Asietempérées et qu'on trouve aussi à l'état spontané dans les sableset les terrains légers du bord <strong>de</strong> la mer, par exemple à Saint-Sébastien, en Dalmatie et à Trébizon<strong>de</strong> 4. Les localités ordinairesdans les champs abandonnés, et beaucoup <strong>de</strong> noms vulgairesqui signifient radis sauvage montrent l'affinité <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux<strong>plantes</strong>. Je n'insisterais pas si leur i<strong>de</strong>ntité supposée n'était qu'uneprésomption, mais elle repose sur <strong>de</strong>s expériences et <strong>de</strong>s observationsqu'il est important <strong>de</strong> connaître.Dans le R. Raphancstrum la silique est articulée, c'est-à-direétroite <strong>de</strong> place en place, et les graines sont contenues danschaque article. Dans le R. sativus, la silique est continue et formeune seule cavité intérieure. Quelques botanistes avaient constituésur cette différence <strong>de</strong>s genres distincts, Raphanistrum et Raphanus.Mais trois observateurs très exacts, Webb, J. Gay etSpach, ont constaté, parmi <strong>de</strong>s pieds <strong>de</strong> Raphanus sativus, venant<strong>de</strong>s mêmes graines, <strong>de</strong>s siliques tantôt uniloculaires ettantôt articulées, qui sont alors bi ou pluriloculaires 6. Webbayant répété plus tard ces expériences est arrivé aux mêmes résultats,avec un détail <strong>de</strong> plus, assez important le radis semé <strong>de</strong>1. D'après mon Dictionnairemanuscrit <strong>de</strong>s noms vulgaires, tiré <strong>de</strong>sfloresqui existaientil y a trente ans.2. Roxburgh,FL, ind., III, p. 126.3.Webb,Phytngr.Canar.,p. 83;Ver hisp.,p. 71 Bentham,Fl.Hongkong,p. 17; Hooker,Fl. brit. Ind., I, p. 166.4. Willkommet Lange,Prodr. fl. hisp.,III, p. 748;VivianiFl. dalmat,III, p. 104;Boissier,FI. orient.,I, p. 401.5. Webb,Phytographiacanariensis,I, p. 83.


26 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS PARTIES SOUTERRAINESlui-même au ùasara et non cumve, donnait aes smques ueRaphanistrum Une autre différence entre les <strong>de</strong>ux <strong>plantes</strong> estcelle <strong>de</strong>s racines, charnues dans le R. sativus grêles dans leR. Raphanistrum, mais cela change selon les cultures, d'après<strong>de</strong>s expériences <strong>de</strong> M. Carrière, jardinier en chef <strong>de</strong>s pépinièresdu Muséum d'histoire naturelle <strong>de</strong> Paris 2.Il a eu l'idée <strong>de</strong> semerdans un terrain fort et dans un terrain léger du Raphanistrumà racine grêle, et dès la quatrième génération il a récolté <strong>de</strong>sradis charnus, <strong>de</strong> forme et <strong>de</strong> couleur variées, comme ceux <strong>de</strong>sjardins. Il en donne même les figures, qui sont véritablementcurieuses et probantes. Le goût piquant du radis ne faisait pasdéfaut. Pour obtenir ces changements, M. Carrière semait aumois <strong>de</strong> septembre, <strong>de</strong> manière à rendre la plante presque bisannuelle,au lieu d'annuelle. On comprend qu'il en résulte Pépaississement<strong>de</strong> la racine, car beaucoup <strong>de</strong> <strong>plantes</strong> bisannuellesont <strong>de</strong>s racines charnues.Il resterait à faire l'expérience inverse, <strong>de</strong> semer <strong>de</strong>s radis cultivésdans un mauvais terrain. Probablement, les racines <strong>de</strong>viendraient<strong>de</strong> plus en plus maigres comme les siliques <strong>de</strong>viennent,en pareil cas, <strong>de</strong> plus en plus articulées.D'aprèsl'ensemble <strong>de</strong>s expériences dont nous venons <strong>de</strong> parler,le Raphanus sativus pourrait bien être une forme du R. Raphanistrum,forme peu stable, déterminée par l'existence <strong>de</strong> quelquesgénérations dans un terrain fertile. On ne peut pas supposer queles anciens peuples non civilisés aient fait <strong>de</strong>s essais commeceux <strong>de</strong> M. Carrière, mais ils ont pu remarquer <strong>de</strong>s Raphanistrumvenus dans <strong>de</strong>s terrains fortement fumés, ayant <strong>de</strong>s racinesplus ou moins charnues; sur quoi l'idée <strong>de</strong> les cultiver a pu leurvenir facilement.Je ferai cependant une objection tirée <strong>de</strong> la géographie botanique.Le Raphanus Raphanistrum est une plante d'Europe, quin'existe pas en Asie 3. Ce n'est donc pas <strong>de</strong> cette espèce que leshabitants <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, du Japon et <strong>de</strong> la Chine ont pu tirer les radisqu'ils cultivent <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s siècles. D'un autre côté, comment leR. Raphanistrum, qu'on suppose transformé en Europe, auraitilété transmis dans ces temps anciens au travers <strong>de</strong> toute l'Asie?Les transports <strong>de</strong> <strong>plantes</strong> <strong>cultivées</strong> ont marché communémentd'Asie en Europe. Ghang-kien avait bien apporté <strong>de</strong>s légumes <strong>de</strong>Bactriane en Chine dans le iiBsiècle avant Jésus-Ghrist, mais onne cite pas le radis comme étant du nombre.Cran, Cranson, Raifort sauvage. Cochlearia Armoracia,Linné.1.Webb,lier hispaniense, i838,p. 72.2. Carrière,<strong>Origine</strong><strong>de</strong>s<strong>plantes</strong>doînestiquesdémontréepar la culture duRadissauvage.In-8,24pages. 1869.3.Le<strong>de</strong>bour,Fl. ross. Boissier,Fl. orient,;les ouvragessur la flore<strong>de</strong>larégiondu fleuveAmur.


CRAN, CRANSON, RAIFORT SAUVAGE 27Cette Crucifère, dont la racine d'une consistance assez dure ale goût <strong>de</strong> moutar<strong>de</strong>, était appelée quelquefois Cran ou Cranson<strong>de</strong> Bretagne. C'était une erreur, causée par un ancien nom botanique,Armoracia, qu'on prenait pour Armorica (<strong>de</strong> Bretagne).Armoracia est déjà dans Pline et s'appliquait à une Crucifère <strong>de</strong>la province du Pont qui était peut-être le Raphamts sativus.Après avoir signalé jadis 1 cette confusion, je m'exprimais <strong>de</strong> lamanière suivante sur l'origine méconnue <strong>de</strong> l'espèce« Le Cochlearia Armoracia n'est pas sauvage en Bretagne. C'estconstaté par les botanistes zélés qui explorent aujourd'hui laFrance occi<strong>de</strong>ntale. M. l'abbé Delalan<strong>de</strong> en parle dans son opusculeintitulé Hœdic et Houat 2, où il rend compte d'une manièresi intéressante <strong>de</strong>s usages et <strong>de</strong>s productions <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>uxpetites îles <strong>de</strong> la Bretagne. Il cite l'opinion <strong>de</strong> M. Le Gall, qui,dans une Flore (non publiée) du Morbihan, déclare la planteétrangère à la Bretagne. Cette preuve, du reste, est moins forteque les autres, parce que le côté septentrional <strong>de</strong> la péninsulebretonne n'est pas encore assez connu <strong>de</strong>s botanistes; et quel'ancienne Armorique s'étendait sur une portion <strong>de</strong> la Normandieoù maintenant on trouve quelquefois le Cochlearia sauvage s.Ceci me conduit à parler <strong>de</strong> la patrie primitive <strong>de</strong> l'espèce.Les botanistes anglais l'indiquent comme spontanée dans laGran<strong>de</strong>-Bretagne, mais ils doutent <strong>de</strong> son origine. M. H.-C.Watson * la regar<strong>de</strong> comme introduite. La difficulté, dit-il, <strong>de</strong>l'extirper <strong>de</strong>s endroits où on la cultive est bien connue <strong>de</strong>s jardiniers.II n'est donc pas étonnant que cette plante s'empare<strong>de</strong>s terrains abandonnés et y persiste, au point <strong>de</strong> paraîtreaborigène. M. Babington 5 ne mentionne qu'une seule localitéoù l'espèce ait véritablement l'apparence d'être sauvage, savoirSwansea, dans le pays <strong>de</strong> Galles. Tâchons <strong>de</strong> résoudre le problèmepar d'autres arguments.Le Cochlearia Armoracia est une plante <strong>de</strong> l'Europe tempérée,orientale principalement. Elle est répandue <strong>de</strong> la Finlan<strong>de</strong>à Astrakhan et au désert <strong>de</strong> Cuman 6. Grisebach l'indiqueaussi dans plusieurs localités <strong>de</strong> la Turquie d'Europe, parexemple près d'Enos, où elle est abondante au bord <strong>de</strong> lamer7.Plus on avance vers l'ouest <strong>de</strong> l'Europe, moins les auteurs <strong>de</strong>Flores paraissent certains <strong>de</strong> la qualité indigène, plus les localitéssont éparses et suspectes. L'espèce est plus rare en Norwège1.A. <strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>,Géographiebotaniqueraisonnée,p. 654.2. Delalan<strong>de</strong>,Hœdicet Houat,brochurein-8, Nantes,1830,p. 109.3. Hardouin,Renouet Leclerc,Catal.du Calvados,p. 85; <strong>de</strong> Brebisson,Fl. <strong>de</strong>Normandie,p. 25.4. Watson, Cybele,I, p. 159.5. Babington,Hanual of Brit. bot.,2»éd., p. 28.6.Le<strong>de</strong>bour,FI. ross.,T,p. la!>.7. Grisebach,SpicilegiumFI. rutnel.,I, p. 265.


28 PLANTES CULTIVÉES POURLEURS PARTIES SOUTERRAINESqu'en Suè<strong>de</strong> et dans les îles britanniques plus qu'en Hollan<strong>de</strong>,où l'on ne soupçonne pas une origine étrangère 2.Les noms <strong>de</strong> l'espèce confirment une habitation primitive àl'est plutôt qu'à l'ouest <strong>de</strong> l'Europe; ainsi le nom Chren, enrusse 3, se retrouve dans toutes les langues slaves Krenai enlithuanien, Chren en illyrien A,etc. Il s'est introduit dans quelquesdialectes allemands, par exemple autour <strong>de</strong> Vienne s, oubien il a persisté dans ce pays, malgré la superposition <strong>de</strong> lalangue alleman<strong>de</strong>. Nous lui <strong>de</strong>vons aussi le mot français Cranou Cranson. Le mot usité en Allemagne, Meerretig, et en Hollan<strong>de</strong>,Meer-radys, d'où notre dialecte <strong>de</strong> la Suisse roman<strong>de</strong> atiré le mot Méridi ou Mêrédi, signifie radis <strong>de</strong> mer et n'a pasquelque chose <strong>de</strong> primitif comme le mot Chren. Il résulte probablement<strong>de</strong> ce que l'espèce réussit près <strong>de</strong> la mer, circonstancecommune avec beaucoup <strong>de</strong> Crucifères et qui doit seprésenter pour celle-ci, car elle est spontané dans la Russieorientale, où il y a beaucoup <strong>de</strong> terrains salés. Le nom suédoisPeppar-rot peut faire penser que l'espèce est plus récente enSuè<strong>de</strong> que l'introduction du poivre dans le commerce du nord<strong>de</strong> l'Europe. Toutefois ce nom pourrait avoir succédé à unautre plus ancien <strong>de</strong>meuré inconnu. Le nom anglais Horseradish (radis <strong>de</strong> cheval) n'est pas d'une nature originale, quipuisse faire croire à l'existence <strong>de</strong> l'espèce dans le pays avantla domination anglo-saxonne. Il veut dire radis très fort. Lenom gallois Rhuddygl maurth 7 n'est que la traduction dumot anglais, d'où l'on peut inférer que les Celtes <strong>de</strong> la Gran<strong>de</strong>-Bretagne n'avaient pas un nom spécial et ne connaissaient pasl'espèce. Dans la France occi<strong>de</strong>ntale, le nom <strong>de</strong> Raifort, quiest le plus usité, signifie simplement racine forte. On disait autrefoisen France Moutar<strong>de</strong> <strong>de</strong>s Allemands, Moutar<strong>de</strong> <strong>de</strong>s capucins,ce qui montre une origine étrangère et peu ancienne. Aucontraire, le mot Chren <strong>de</strong> toutes les langues slaves, mot qui apénétré dans quelques dialectes allemands et français sous laforme <strong>de</strong> Kreen et Cran ou Cranson, est bien d'une natureprimitive, montrant l'antiquité <strong>de</strong> l'espèce dans l'Europe orientaletempérée. Il est donc infiniment probable que la culture apropagé et naturalisé la plante <strong>de</strong> l'est à l'ouest, <strong>de</strong>puis environun millier d'années. »Raves et Navets à racines charnues. – Brassicx specieset varietates radiée incrassata.1. Fries,Summa,p. 30.2. Miquel,Disquisiliopl. regn.Bat.3. Moritzi,Diet.inëd. <strong>de</strong>snomsvulgaires.4. Moritzi,ibid.; Visiani,FI. daim., III, p. 322.5.Neilreich,Fl. Wien,p. 502.6.Linné,FI.sueciea,n° 540.7. H. Davies,WelshBotanology,p. 63. • •*


RAVES ET NAVETS A RACINES CHARNUES 29Les innombrables variétés connues sous les noms <strong>de</strong> Raves,Navets, Choux-raves, Rutabagas, Turneps, avec leurs sousvariétes,se rapportent à quatre espèces <strong>de</strong> Linné BrassicaNapus Br. oleracea, Br. Rapa et Br. eampestris ces <strong>de</strong>ux<strong>de</strong>rnières <strong>de</strong>vant être plutôt réunies en une, d'après les auteursmo<strong>de</strong>rnes. D'autres variétés <strong>de</strong>s mêmes espèces sont <strong>cultivées</strong>pourles feuilles (choux), les inflorescences (choux-fleurs), ou encorepour l'huile qu'on extrait <strong>de</strong>s graines (colza, navette, etc.).Quand la racine ou le bas <strong>de</strong> la tige 1 sont charnus, les grainesn'abon<strong>de</strong>nt pas, et il ne vaut pas la peine d'en tirer <strong>de</strong> l'huile;quand ces organes sont minces, c'est au contraire la production<strong>de</strong> graines qui l'emporte et qui déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> remploi économique.En d'autres termes, les réserves <strong>de</strong> matières nutritives se déposenttantôt dans la partie inférieure et tantôt dans la partiesupérieure <strong>de</strong> la plante, quoique l'organisation <strong>de</strong> la fleur et dufruit reste semblable ou à peu près.Nous n'avons pas à nous occuper pour la question d'origine<strong>de</strong>s limites botaniques <strong>de</strong>s espèces et <strong>de</strong> la classification <strong>de</strong>sraces, variétés et sous-variétés 2, attendu que tous les Brassicasont originaires d'Europe et <strong>de</strong> Sibérie et s'y voient encore,sous quelque forme, à l'état spontané ou presque spontané.Des <strong>plantes</strong> aussi communes dans les cultures et dont la germinationest si facile se répan<strong>de</strong>nt fréquemment autour <strong>de</strong>s terrainscultivés. De là quelque incertitu<strong>de</strong> sur la spontanéité <strong>de</strong>spieds que l'on rencontre en rase campagne. Cependant Linnéindique le Brassica Napus dans les sables du bord <strong>de</strong> la mer, enSuè<strong>de</strong> (Gotland), en Hollan<strong>de</strong> et en Angleterre, ce qui est confirmépour la Suè<strong>de</strong> méridionale par Fries 3, lequel, toujoursattentif aux questions <strong>de</strong> cette nature, mentionne le Brassicacampestris L. (type du Rapa, avec racines grêles) comme vraimentspontané dans toute la péninsule scandinave, la Finlan<strong>de</strong>et le Danemark. Le<strong>de</strong>bour l'indique dans toute la Russie; laSibérie et sur les rives <strong>de</strong> la mer Caspienne.Les flores <strong>de</strong> l'Asie tempérée et méridionale mentionnent lesraves et navets comme cultivés, jamais comme se répandanthors <strong>de</strong>s cultures 5. C'est déjà un indice d'origine étrangère. Lesdocuments linguistiques ne sont pas moins significatifs.i. Danslesraves et navets,la partie renfléeest, commedansle radis,lebas <strong>de</strong>la tige (au-<strong>de</strong>ssous<strong>de</strong>s cotylédons) avecune portionplus ou moinspersistante<strong>de</strong> la racine(VoirTurpin, Ann.sc. nat., sér. 1, vol. 21);dansle choux-rave(Brassica oleracea caulo-Rapa),c'est la tige.2. Cette classificationa été le sujet d'un mémoire d'AugustinPyramus<strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>,couronnépar la Sociétéd'horticulture<strong>de</strong> Londres,qui setrouvedans les Transactions<strong>de</strong> cetteSociété,vol. V, dans les Annales<strong>de</strong>l'agric.franç., vol. 19 et, en abrégé, dans le Systemareyni veget.,vol. 2,p. 582.3. Fries,Summaveget.Scand., I, p. 29.4. Le<strong>de</strong>bour,FI. ross.,I, p. 216.5.Boissier,Flora arientalis;Sir J. Hooker,Floraof britishIndia; Tlum-


30 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS PARTIES SOUTERRAINESII n'existe aucun nom sanscrit pour ces <strong>plantes</strong>, mais seulement<strong>de</strong>s noms mo<strong>de</strong>rnes indous et bengalis, et encore pour lesseuls Brassica Rapa et oleracea 1. Ksempfer 2 cite pour la rave<strong>de</strong>s noms japonais, Busei ou plus communément Aona, maisrien ne prouve que ces noms soient anciens. Le docteur Bretschnei<strong>de</strong>r,qui a étudié attentivement les auteurs chinois, ne mentionneaucun Brassica. Apparemment il n'en estpas question dansles anciens ouvrages <strong>de</strong> botanique et d'agriculture, quoiquemaintenant en Chine on en cultive plusieurs variétés.Transportons-nous en Europe. C'est tout l'opposé. Les languesanciennes ont une foule <strong>de</strong> noms qui paraissent originaux.Le Brassica Rapa se nomme dans le celtique du pays <strong>de</strong> GallesMeipen ou Erfinen s dans plusieurs langues slaves 4, Repa,Rippa, ce qui répond au Rapa <strong>de</strong>s Latins et n'est pas éloigné duNeipa <strong>de</strong>s Anglo-Saxons. Le Brassica Napus est en celtiquegallois Bresych yr yd; dans le dialecte irlandais, Braisseaghbuigh d'après Threlkeld 6, qui voit dans Braisseagh l'originedu Brassica <strong>de</strong>s Latins. On cite un nom polonais Karpiele,un nom lithuanien Jellazoji 6, sans parler d'une fouled'autres noms, parfois transposés dans le langage populaire d'uneespèce à une autre. Je parlerai plus loin <strong>de</strong>s noms du Brassicaoleracea à l'occasion <strong>de</strong>s légumes.Les Hébreux n'avaient point <strong>de</strong> noms pour les choux, ravesou navets 7, mais il existe <strong>de</strong>s noms arabes Selgam pour leBr. Napus, et Subjum ou Subjumi pour le Br. Rapa, noms quise retrouvent en persan et même en bengali, transposés peutêtred'une espèce à l'autre. La culture <strong>de</strong> ces <strong>plantes</strong> dans le sudouest<strong>de</strong> l'Asie s'est donc répandue <strong>de</strong>puis l'antiquité hébraïque.En définitive, on parvient par toutes les voies, botanique, historiqueet linguistique, aux conclusions suivantes1° Les Brassica à racines charnues sont originaires <strong>de</strong> l'Europetempérée.2" Leur culture s'est répandue en Europe avant et dans l'In<strong>de</strong>après l'invasion <strong>de</strong>s Aryas.3° La forme primitive, à racine grêle, du Brassica Napus, appeléeBr. campestris, avait probablement une habitation primitiveplus étendue, <strong>de</strong> la péninsule scandinave vers la Sibérie etle Caucase. Sa culture s'est propagée peut-être en Chine et auJapon par la Sibérie, à une époque qui ne paraît pas beaucoupplus reculée que la civilisation gréco-romaine.berg, Flora japonica Franehet et Savatier, Enumeratioplant, jqponicarum.1. Piddington,In<strong>de</strong>x.2. Ksempfer,Amœn., p. 822.3. Davies,Welsh botanology,p. 65.4. Moritzi,Dict.ms.tiré <strong>de</strong>s florespubliées.5. Threlkeld,Synopsistirpiumhibemicarum,1 vol.in-8,1727.6. Moritzi,Dict.ms.7. Rosenmûller, BiblischeNaturgescMckte, vol.I, n'en indiqueaucun.


CEERVIS 31•4°La culture <strong>de</strong>s diverses formes ou espèces <strong>de</strong> firassica s'estpropagée dans le sud-ouest <strong>de</strong> l'Asie <strong>de</strong>puis les anciens Hébreux.Chervis. Sium Sisarum, Linné.Cette Ombellifère vivace, pourvue <strong>de</strong> plusieurs racines divergentesen forme <strong>de</strong> carotte, est considérée comme venant <strong>de</strong>l'Asie orientale. Linné indiquait avec doute la Chine, et Loureiro1 la Chine et la Cochinchine, où, disait-il, on la cultive.D'autres ont mentionné le Japon et la Corée, mais il y a dansces pays <strong>de</strong>s espèces qu'il est aisé <strong>de</strong> confondre avec celle-ci, enparticulier le Sium Ninsi et le Panax Ginseng. M. Maximowiez 2,qui a vu ces <strong>plantes</strong> au Japon et en Chine, et pour lequel lesherbiers <strong>de</strong> Saint-Pétersbourg ont été très instructifs, ne reconnaîtcomme patrie du Sium Sisarum spontané que la Sibérie altaïqueet la Perse septentrionale. Je doute beaucoup qu'on ladécouvre en Chine ou dans l'Himalaya, attendu que les ouvragesmo<strong>de</strong>rnes sur la région du fleuve Amour et sur l'In<strong>de</strong> anglaisene la mentionnent pas.Il est douteux que les anciens Grecs et Romains aient connucette plante. On lui attribue le nom Sisaron <strong>de</strong> Dioscori<strong>de</strong>, Siser<strong>de</strong> Columelle et <strong>de</strong> Pline 3. Certainement le nom italien actuel Sisaro,Sisero est à l'appui <strong>de</strong> cette idée; mais comment les auteursn'auraient-ils pas noté que plusieurs racines <strong>de</strong>scen<strong>de</strong>nt du bas<strong>de</strong> la tige, tandis que dans toutes les autres Ombellifères <strong>cultivées</strong>en Europe il n'y a qu'une racine pivotante? A la rigueur, leSiser <strong>de</strong> Columelle, plante cultivée, était peut-être le Chervismais ce que dit Pline du Siser ne lui convient pas. Selonlui, « c'était une plante officinale » (inter medica dicendum). Ilraconte que Tibère en faisait venir d'Allemagne, chaque année,une gran<strong>de</strong> quantité, ce qui prouve, ajoute-t-il, qu'elle aime lespays froids.Si les Grecs avaient reçu la plante directement <strong>de</strong> la Perse, ilest probable que Théophraste l'aurait connue. Elle est peut êtrevenue <strong>de</strong> Sibérie en Russie et <strong>de</strong> là en Allemagne. Dans ce cas,l'anecdote sur Tibère s'appliquerait bien au Chervis. Je ne voispas, il estvrai, <strong>de</strong> nom russe; mais les Allemands ont <strong>de</strong>s nomsoriginaux Krizel, ou Grizel, Gôrlein ou Gierlein qui indiquentune ancienne culture, plus que le nom ordinaire Zuckerwurzel,qui signifie racine sucrée 6. Le nom danois a le même sensSokerot, d'où les Anglais ont fait Skirret. Le nom Sisaron n'estpas connu dans la Grèce mo<strong>de</strong>rne; il ne l'était même pas au1. Linné,Species,p. 361 Loureiro,FI. coehinch.,p. 225.2. Maximo\yicz,Diagnosesplantarum Japonix et Manchhunœ,dansMélangesbiologiques duBulletin<strong>de</strong> l'AcadṠt-Pétersbowff, décad.13,p. 18.3. Dioscori<strong>de</strong>s,Mat. med., 1. 2, c. 139 Columella,1.11,c. 3, 18,35;Lenz,Bot.<strong>de</strong>rAlten,p. SGO.4. Pline,Hist.plant., 1.19,e. 5.5.Nemnich,Polygl.Lexicon,II, p. 1313.


32 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS PARTIES SOUTERRAINESmoyen âge, et la plante n'est pas cultivée actuellement dans cepays 1. Ce sont <strong>de</strong>s motifs pour douter du vrai sens <strong>de</strong>s motsSisaron et Siser. Quelques botanistes du xvie siècle ont penséque Sisaron était peut-être le Panais, et Sprengel 2 appuie cetteidée.Les noms français Chervis et 6'M'o~e 3 apprendraient peut-êtrequelque chose si l'on en connaissait l'origine. Littré fait dériverChervis <strong>de</strong> l'espagnol Chirivza, mais il est plus probable quecelui-ci dérive du français,. Jean Bauhin 4 indique, dans la basselatinité, Servillum, Chervillum ou Servillam, mots qui ne sontpas dans le Dictionnaire <strong>de</strong> Ducange. Ce serait bien l'origine <strong>de</strong>Chervis, mais d'où venait Servillum soit Chervillum?Arracacha ou Arracacia. Arracacha esculenta, <strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>.Ombellifère généralement cultivée dans le Yénézuela, la Nouvelle-Grena<strong>de</strong>et l'Equateur comme plante nutritive. Dans lesrégions tempérées <strong>de</strong> ces pays, elle soutient la comparaison avecla pomme <strong>de</strong> terre et donne même, assure-t-on, une fécule pluslégère et plus agréable. La partie inférieure <strong>de</strong> la tige est renfléeen une bulbe sur laquelle se forment, quand la plante végètebien et pendant plusieurs mois, <strong>de</strong>s tubercules ou caïeux latérauxplus estimés que la bulbe centrale et qui servent aux plantationsultérieures 6.L'espèce est probablement indigène dans la région où on lacultive, mais je ne vois pas chez les auteurs <strong>de</strong>s assertions positivesà cet égard. Les <strong>de</strong>scriptions qui existent ont été faites sur<strong>de</strong>s pieds cultivés. Grisebach dit bien qu'il a vu (je présume dansl'herbier <strong>de</strong> Kew) <strong>de</strong>s échantillons recueillis à la Nouvelle-Grena<strong>de</strong>,au Pérou et à la Trinité 6; mais il ne s'explique pas surla spontanéité. Les autres espèces du genre, au nombre d'unedouzaine, croissent dans les mêmes parties '<strong>de</strong> l'Amérique, ce quirend l'origine indiquée plus vraisemblable.L'introduction <strong>de</strong> l'Arracacha en Europe a été tentée plusieursfois, sans avoir jamais réussi. Le climat humi<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'Angleterre<strong>de</strong>vait faire échouer les-essais <strong>de</strong> sir W. Hooker;mais les nôtres,faits à <strong>de</strong>ux reprises, dans <strong>de</strong>s conditions très différentes, n'ontpas eu plus <strong>de</strong> succès. Les caïeux latéraux ne se sont pas formés,et la bulbe centrale a péri dans la serre où nous l'avions dépo1. Lenz, l. c. ETeldreich, NutzpflanzenCh-iethenlands;Langkavel, Botanik<strong>de</strong>r spàterenGriechen.2. Sprengel,Dioscoridis,etc., II, p. 462.3. Olivier<strong>de</strong> Serres,Théâtre<strong>de</strong> l'agriculture,p. 471.4. Bauhin.Hist. plant, III, p. lu.5. Lesmeilleuresinformationssur la cultureont été donnéespar Bancroftà sir WilliamHookeret setrouventdans le Botanical Magazine,pl.3092.A.-P.<strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>a publié,dansla 5eNoticesur les <strong>plantes</strong> rares'duaJardinbot. <strong>de</strong> Genève,une figurequi montrela bulbe principale.6. Grisebach,Flom.ofbritish.W.India islands.


GARANCE33sée pendant l'hiver. Les bulbes que nous avions communiquéesà divers jardins botaniques, en Italie, en France et ailleurs, onteu le même sort. Evi<strong>de</strong>mment, si la plante, en Amérique, vautréellement la pomme <strong>de</strong> terre comme produit et comme goût,ce ne sera jamais le cas en Europe. Sa culture ne s'est pas répandueau loin en Amérique, jusqu'au Chili et au Mexique,comme celle <strong>de</strong> la pomme <strong>de</strong> terre ou <strong>de</strong> la Batate, ce qui confirmeles difficultés <strong>de</strong> propagation observées ailleurs.Garance. Rubia tinctorum, Ljnné.La garance est certainement spontanée en Italie, en Grèce,en Crimée, dans l'Asie Mineure, en Syrie, en Perse, en Arménieet près <strong>de</strong> Lenkoran En avançant <strong>de</strong> l'est à l'ouest dans lemidi <strong>de</strong> l'Europe, la qualité <strong>de</strong> plante spontanée, originaire, est<strong>de</strong> plus en plus douteuse. Déjà en France on hésite. Dans lenord et l'est, la plante paraît naturalisée dans les haies, surles murailles 2, » ou « subspontanée » à la suite d'anciennescultures 3. En Provence, en Languedoc, elle est plus spontanéeou, comme on dit « sauvage », mais il se peut bien qu'elle sesoit répandue à la suite <strong>de</strong>s cultures, faites assez en grand.Dans la péninsule espagnole, elle est indiquée comme « subspontanée4 ». De même dans l'Afrique septentrionale 5. Evi<strong>de</strong>mmentl'habitation naturelle, ancienne et incontestable est l'Asietempérée occi<strong>de</strong>ntale et le sud-est <strong>de</strong> l'Europe. Il ne parait pasqu'on ait trouvé la plante au <strong>de</strong>là <strong>de</strong> la mer Caspienne, dans lepays occupé jadis par les Indo-Européens, mais cette région estencore peu connue. L'espèce n'existe dans l'In<strong>de</strong> qu'à l'état <strong>de</strong>plante cultivée, sans aucun nom sanscrit 6.On ne connaît pas davantage un nom hébreu, tandis que lesGrecs, les Romains, les Slaves, les Germains, les Celtes avaient<strong>de</strong>s noms variés qu'un érudit ramènerait peut-être à une ou<strong>de</strong>ux racines, mais qui indiquent cependant par leurs flexionsmultiples une date ancienne. Probablement on a recueilli lesracines sauvages, dans la campagne, avant d'avoir lidée <strong>de</strong>cultiver l'espèce. Pline dit bien qu'on la cultivait en Italie <strong>de</strong>son temps', et il est possible qu'en Grèce et dans l'Asie Mineurecet usage fût plus ancien.La culture <strong>de</strong> la garance est souvent mentionnée dans lesactes français du moyen âge 8. Ensuite on l'avait négligée oui. Bertoloni,Flora Ualiea,ll,v- 146;Decaisne,Recherchessur la Garance,p. 58;Boissier,Floraorientalis,III, p. 17 Le<strong>de</strong>bour,Florarossica,II, p. 405.2. Cossonet Germain,Flore<strong>de</strong>senvirons<strong>de</strong> Paris,II, p. 365.3. Kirschleger, Flored'Alsace,I, p. 359.4. WiUkommet Lange, Prodromus floreshtspamae,II, p. 307.5. Bail, SpicileqiumFlora; maroccame,p. 483; Munby, Latal. plant.Alger., ed. 2, p. 17.6. Piddington,7. Plinius,lib. In<strong>de</strong>x.19,cap. 3.8.De Gasparin Țraité d'agriculture,IV,p. 253.9DECANDOLLE.


34 PLANTES CULTIVÉESPOURLEURS PARTIES SOUTERRAINESabandonnée, jusqu'à l'époque où Althen l'introduisit <strong>de</strong> nouveaudans le comté d'Avignon,, au milieu da xyiii6 siècle. Elle étaitjadis florissante- en Alsace, en Allemagne, en Hollan<strong>de</strong> et surtoutdans la Grèce, l'Asie Mineure et la Syrie, d'où l'exportationétait considérable-, mais la découverte <strong>de</strong> matières tinctorialestirées <strong>de</strong> substances inorganiques a supprimé cette culture, audétriment <strong>de</strong>s provinces qui en obtenaient <strong>de</strong> grands bénéfices.Topinambour. Helianthus tuberosus, Linné.C'est dans l'année 1616 que les botanistes européens ont parlépour la première fois <strong>de</strong> cette Composée à grosse racine, meilleurepour la nourriture <strong>de</strong>s animaux que pour celle <strong>de</strong> l'homme.Golumna i l'avait vue dans le jardin du cardinal Farnèse etl'avait nommée Aster peruanns tuberosus. D'autres auteurs dumême siècle ont donné <strong>de</strong>s épithètes qui montrent qu'on lacroyait ou du Brésil, ou du Canada, ou <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, ce qui voulaitdire l'Amérique. Linné 2 avait adopté, d'après l'opinion <strong>de</strong>Parkinson, l'origine canadienne, dont il n'avait cependant aucunepreuve. J'ai fait remarquer autrefois 3 qu'il n'y a pasd'espèces du genre Helianthns au Brésil, et qu'elles sont aucontraire nombreuses dans l'Amérique du Nord.Schlechtendal 4,après avoir constaté que le Topinambour supporte<strong>de</strong>s hivers rigoureux dans le centre <strong>de</strong> l'Europe, fait observerque c'est favorable à l'idée d'une origine canadienne eteontraire à celle d'une provenance <strong>de</strong> quelque région méridionale.Decaisne 5 a puélaguer dans la synonymie <strong>de</strong> YH. tuberosusplusieurs citations qui avaient fait croire à une origine <strong>de</strong> l'Amériqueméridionale ou du Mexique. Comme les botanistes américains,il rappelle ce que d'anciens voyageurs avaient dit sur certainescoutumes <strong>de</strong>s indigènes du nord <strong>de</strong>s Etats-Unis et duCanada. Ainsi Champlain, en 1603, avait vu « entre leurs mains<strong>de</strong>s racines qu'ils cultivent, lesquelles ont le goût d'artichaut. »Lescarbot parle <strong>de</strong> ces racines, ayant goût <strong>de</strong> cardon, qui multiplientbeaucoup, et qu'il avait rapportées en France, où l'oncommençait à les vendre sous le nom <strong>de</strong> Topinambaux. Lessauvages, dit-il, les appellent Chiquebi. Decaisne cite encore<strong>de</strong>ux horticulteurs français du xvne siècle, Colin et Sagard, quiparlent évi<strong>de</strong>mment du Topinambour et disent qu'il venait duCanada. Notons qu'à cette époque le nom <strong>de</strong> Canada avait unsens vague et comprenait quelques parties, <strong>de</strong>s Etats-Unis actuels.1. Columna,Ecphraiis,II, p. H«,2. Linné,Hortuseliffortianus,p. 42Q,'i, A. <strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>,(iéogr.bot.raisonnée,p. 824.4. Schlechtendal,Bot.Zeit., 1858,p. 113.5. Decaisne,Recherches sur l'origine <strong>de</strong> quelques-unes<strong>de</strong> nos<strong>plantes</strong>alimentaires,danslaFlore<strong>de</strong>sserreset jardins, val. 23,1881.6. Lescarbot,Histoire<strong>de</strong> te, NouvellerFrance,. éd. 3, 1618,t. VI, p..931.


SALSIFIS. SCORSONÈRE 35•Goolrin, auteur américain sur les coutumes <strong>de</strong>s indigènes, ditque ceux-ci mettaient <strong>de</strong>s morceaux <strong>de</strong> Topinambour (Jérusalemartichoke) dans leurs potages i.Les analogies botaniques et les témoignages <strong>de</strong> contemporainss'accor<strong>de</strong>nt, comme on voit, dans le sens <strong>de</strong> l'origine du nor<strong>de</strong>st<strong>de</strong> l'Amérique. Le Dr Asa Gray, voyant qu'on ne trouvaitpas la plante sauvage, l'avait supposée une forme <strong>de</strong> 1II. doronicoi<strong>de</strong>s<strong>de</strong> Lamarck, mais on dit maintenant qu'elle est spontanéedans l'état d'Indiana 2.Le nom Topinambour paraît venir <strong>de</strong> quelque nom réel ousupposé <strong>de</strong>s langues américaines. Celui <strong>de</strong>s Anglais, Jérusalemartichoke, est une corruption <strong>de</strong> l'italien Girasole (Tournesol),combinée avec une allusion au goût d'artichaut <strong>de</strong> la racine.Salsifis. Tragopogon parrifolium, Linné.Le salsifis ou, comme on écrivait jadis, Sercijî s, était pluscultivé il y a un siècle ou <strong>de</strong>ux qu'à présent.C'est une Composéebisannuelle, qu'on trouve à l'état sauvage en Grèce, enDalmatie, en Italie et même en Algérie Elle s'échappe assezsouvent <strong>de</strong>s jardins dans l'ouest <strong>de</strong> l'Europe et se naturalise àmoitié BLes commentateurs 6 attribuent le nom Tragopogon (barbe<strong>de</strong> bouc) <strong>de</strong> Théophraste tantôt à Tespèce actuelle et tantôt auTragopogon crocifolium, qui croît également en Grèce. Il esidifficile <strong>de</strong> savoir si les anciens cultivaient le Salsifis ou le recueillaientdans la campagne. Dans le xvie siècle, Olivier <strong>de</strong> Serresdit que c'était une culture nouvelle pour son pays, le midi <strong>de</strong> laFrance. Notre mot Salsifis vient <strong>de</strong> l'italien Sassefrica, quifrotte les pierres, sens qui n'a rien <strong>de</strong> raisonnable.Scorsonère d'Espagne. – Scorzonera hispanica, Linné.On donne quelquefois à cette plante le nom <strong>de</strong> Salsifis ouSalsifis d'Espagne, parce qu'elle ressemble au salsifis {Tragopogonporrifolium) mais sa racine est brune extérieurementd'où viennent le nom botanique et celui d'écorce noire, usitédans quelques provinces.Elle est gspontanée en Europe, <strong>de</strong>puis l'Espagne, ou elle estcommune, le midi <strong>de</strong> la France et l'Allemagne, jusqu'à la régiondu Caucase et peut-être jusqu'en Sibérie, mais elle manque1. Pickering,Chronolȧvrang.,p. 749,972.2. Catalogueof Indiana.plants, 1881,p. 15,3. Olivier<strong>de</strong> Serres, Théâtre<strong>de</strong>l'agriculture,p. 470.4.Boissier,Floraorient.,III, p. 745;Visiani,Fl. dalmat.,II, p. 108;Bertoloni,Fl.ital., VIII,p. 348; Gussone,Synopsisfi. siculx,II, p.384;Munby,Catal. Alger.,ed.2,p. 22.5.A. <strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>,Géogr. bot. rmsonnêe,p. 671.6. Fraas, Synopsisfi. class.,p. 196;Lenz,Botanik<strong>de</strong>r Alten,p. 485.


36 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS PARTIES SOUTERRAINES2. 1 CfX«ïin«4.1 ti rî.-nKnn A Ttnvict i-NTnaïrufnc' "Irt/»


POMMEDE TERRE 37connaissaient une plante analogue, c'était le Solanum Commersonii,qui a aussi <strong>de</strong>s tubercules et se trouve sauvage à Montevi<strong>de</strong>oet dans le Brésil méridional. La vraie Pomme <strong>de</strong> terreest bien cultivée aujourd'hui dans ce <strong>de</strong>rnier pays, mais elley est si peu ancienne qu'on lui a donné le nom <strong>de</strong> Batate <strong>de</strong>sAnglais D'après <strong>de</strong> Humboldt, elle était inconnue au Mexique 2,circonstance confirmée par le silence <strong>de</strong>s auteurs subséquents,mais contredite, jusqu'à un certain point, par une autre donnéehistorique.AOn dit, en effet, que Walter Raleigh, ou plutôt son compagnondans plusieurs voyages, Thomas Herriott, avait rapporté,en 1583 ou 1586, <strong>de</strong>s tubercules <strong>de</strong> Pomme <strong>de</strong> terre <strong>de</strong> la Virginie3 en Irlan<strong>de</strong>. Le nom du pays était Openawk (prononcezOpenauk). D'après la <strong>de</strong>scription <strong>de</strong> la plante par Herriott,citée par sir Joseph Banks il n'y a pas <strong>de</strong> doute que c'était lapomme <strong>de</strong> terre et non la Batate, qu'on confondait quelquefoisavec elle à cette époque. D'ailleurs Gerard 5 nous dit avoir reçu<strong>de</strong> Virginie la Pomme <strong>de</strong> terre, qu'il cultivait dans son jardinen 1597 et dont il donne une figure parfaitement conforme auSolanum tuberosum. Il en était si fier que son portrait, à latête <strong>de</strong> l'ouvrage, le représente ayant en main un rameaufleuri <strong>de</strong> cette plante.Comment l'espèce était-elle en Virginie ou dans la Caroline autemps <strong>de</strong> Raleigh, en 1585, tandis que les anciens Mexicains nela possédaient pas et que la culture ne s'en était point répanduechez les indigènes au nord du Mexique? Le Dr Roulin, qui abeaucoup étudié les ouvrages concernant l'Amérique septentrionale,m'affirmait jadis qu'il n'avait trouvé aucune indication<strong>de</strong> la Pomme <strong>de</strong> terre aux Etats-Unis avant l'arrivée <strong>de</strong>sEuropéens. Le Dr Asa Gray me le disait aussi, en ajoutant queM. Harris, un <strong>de</strong>s hommes les plus versés dans la connaissance<strong>de</strong> la langue et <strong>de</strong>s usages <strong>de</strong>s tribus du nord <strong>de</strong> l'Amérique,avait la même opinion. Je n'ai rien lu <strong>de</strong> contraire dans les publicationsrécentes, et il ne faut pas oublier qu'une plante aussifacile à cultiver se serait répandue, même chez <strong>de</strong>s peuplesnoma<strong>de</strong>s, s'ils l'avaient possédée. La probabilité me parait êtreque <strong>de</strong>s habitants <strong>de</strong> la Virginie peut-être <strong>de</strong>s colons anglaisauraient reçu <strong>de</strong>s tubercules par les voyageurs espagnols ouautres, qui trafiquaient ou cherchaient <strong>de</strong>s aventures pendantles quatre-vingt-dixans écoulés <strong>de</strong>puis la découverte <strong>de</strong> 1 Amérique.Evi<strong>de</strong>mment, à dater <strong>de</strong> la conquête du Pérou et du Chili,en 1535,jusqu'en 1583, beaucoup <strong>de</strong> vaisseaux ont pu emporter1. DeMartius,Flora brasil.,vol. 10,p. 12.2 De Humboldt,Nouvelle-Espagne, éd. 2, vol. 2, p. 4ol hxai sur lagéographie <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong>,p. 29.3.Acette époque, onnedistinguait pasla Virginie <strong>de</strong> la Caroline.4 Banks,Transactionsof the horticult.Society,1805,vol..1, p,«.5. Gérard,Herbal,1597,p. 781.avecfigure.


38 PLANTES CULTIVÉESPOURLEURS PARTIES SOUTERRAINES<strong>de</strong>s tubercules dénommes<strong>de</strong> terre comme provision, et W. Raleigh,faisant une guerre <strong>de</strong> flibustier aux Espagnols, lui ou unautre peut avoir pillé quelque vaisseau qui en contenait. Ceciest d'autant moins invraisemblable que les Espagnols avaientintroduit la plante en Europe avant 4S8SSir Joseph Banks 1 et Dunal 2 ont eu raison d'insister sur cefait <strong>de</strong> l'introduction première par les Espagnols, attendu quependant longtemps on a parlé surtout <strong>de</strong> Walter Raleigh, quiaété le second introducteur, et même d'autres Anglais, qui avaientapporté, non la [Pomme <strong>de</strong> terre, mais la Batate, plus ou moinsconfondue avec elle 3. Un botaniste célèbre, <strong>de</strong> L'Ecluse avaitpourtant précisé les faits d'une manière remarquable. C'est luiqui & publié la première bonne <strong>de</strong>scription et bonne figure <strong>de</strong>la Pomme <strong>de</strong> terre, sous le nom significatif <strong>de</strong> Papas Peruanoricm.D'après ce qu'il dit, l'espèce a bien peu changé parl'effet d'une culture <strong>de</strong> près <strong>de</strong> trois siècles, car elle donnait àl'origine jusqu'à §0 tubercules <strong>de</strong> grosseur inégale, ayant <strong>de</strong> unà <strong>de</strong>ux pouces <strong>de</strong> longueur, irrégulièrement ovoï<strong>de</strong>s, rougeâtres,qui mûrissaient en novembre (à Vienne) La fleur était plus oumoins rose à l'extérieur et rosée à l'intérieur, avec cinq raieslongitudinales <strong>de</strong> couleur verte, ce qu'on voit souvent aujourd'hui.On a obtenu sans doute <strong>de</strong> nombreuses variétés, maisl'état ancien n'est pas perdu. De L'Ecluse compare le parfum <strong>de</strong>sfleurs à celui du tilleul, seule différence d'avec nos <strong>plantes</strong>actuelles. Il sema <strong>de</strong>s graines qui donnèrent une variété à fleursblanches, commejaous en voyons quelquefois.Les <strong>plantes</strong> décrites par <strong>de</strong> L'Ecluse lui avaient été envoyéesen 1588 par Philippe <strong>de</strong> Sivry, seigneur <strong>de</strong> Waidheim, gouverneur<strong>de</strong> Mons, qui les tenait <strong>de</strong> quelqu'un <strong>de</strong> la suite du légatdu pape en Belgique. De L'Ecluse ajoute que l'espèce avait étéreçue en Italie d'Espagne ou d'Amérique (certum est vel ex Hispaniis,vel ex America habuisse), et il s'étonne qu'étant <strong>de</strong>venuecommune en Italie, au point qu'on la mangeait comme<strong>de</strong>s raves et qu'on en donnait aux porcs, les savants <strong>de</strong> l'école<strong>de</strong> Padoue en avaient eu connaissance par les tubercules qu'illeur envoya d'Allemagne. Targioni5 n'a pas pu constater quela Pomme <strong>de</strong> terre eût été cultivée aussi fréquemment en Italieà la fin du xvie siècle que le dit <strong>de</strong> L'Ecluse, mais il" citele PèreMagazzîni, <strong>de</strong> Yalûmbrosa, dont l'ouvrage posthume, publié1. Banks, l. c.2. Dunal, Histoire naturelle <strong>de</strong>s Solanum, in-4.3. La plante apportée par sir Francis Drake et sir Jolin Hawkins étaitclairement la Batate, dit sir J. Banks d'où il résulte que les questionsdiscutéespar <strong>de</strong> Humboldt sur les localité5 visitées par ces voyageurs nes'appliquent pas à la Pomme <strong>de</strong> terre.4. De L'Ecluse, l. c.5. Targioni-Tozzetti, Lezzioni, II, p. 10; Cenni slorici sulla introduzionedi varie piante nell' agricoltura di Toscana, i vol.ia-8, Florence, 1S53,p. 37.


J?£fME DE TERRE 39en 4623 mentionne l'espèce comme apportée précé<strong>de</strong>mment,sans indication <strong>de</strong> date, dIEspagne ou <strong>de</strong> Portugal, par <strong>de</strong>scarmes déchaussés. Ce serait donc vers la fin du w «eele ouau commencement du W que la culture se serait répandue enToscane Indépendamment<strong>de</strong> ce que disent <strong>de</strong> L'Ecluseetl'agronome<strong>de</strong> Valombrosa sur l'introduction par la péninsule espamoleil n'est nullement probable que les Italiens aient eu <strong>de</strong>srapports avec les compagnons <strong>de</strong> Raleigh.Personne ne peut douter que la Pomme <strong>de</strong> terre ne soit originaired'Amérique; mais, pour connaître <strong>de</strong> quelle partie précisément<strong>de</strong> ce vaste continent, il est nécessaire <strong>de</strong> savoir si la <strong>plantes</strong>'y trouve à l'état spontané et dans quelles localités.Pour répondre nettement à cette question, il faut d'abordécarter <strong>de</strong>ux causes d'erreurs l'une qu'on a confondue avec laPomme <strong>de</strong> terre <strong>de</strong>s espècesvoisines du genre Solanum; l'autreque les voyageurs ont pu se tromper sur la qualité <strong>de</strong> <strong>plantes</strong>pontanée.Les espèces voisines sont le Solanum Commersonii <strong>de</strong> Dunal,dont f ai déjà parlé; le S. Maglia <strong>de</strong> Molina, espèce du Chili; eS immite <strong>de</strong> Dunal, qui est du Pérou; et le S. verrucmum <strong>de</strong>Sdilechtendal, qui croît au Mexique Ces trois sortes <strong>de</strong> Solanumont <strong>de</strong>s tubercules plus petits que le S. tube.osum et diffèrentaussi par d'autres caractères indiqués dans les ouvrages spéciaux<strong>de</strong> botanique. Théoriquement,on peut croire que toutes cesformes et d'autres encore croissant en Amérique, dérivent d'unseui état antérieur; mais, à notre époque géologique,-elles seprésentent avec <strong>de</strong>s diversités- qui me paraissent justifier <strong>de</strong>sdistinctions spécifiques, et il n'a pas été fait d'expériences pourprouver qu'en fécondant l'une par l'autre on obtiendrait <strong>de</strong>sProduits dont les graines (et non les tubercules) continueraientla race 1. Laissons <strong>de</strong> côté ces questions plus ou moins douteusessur les espèces. Cherchons si la forme ordinaire du Solanumtuberosuni a été trouvée sauvage, et notons seulement quel'abondance <strong>de</strong>s Solanum à tubercules croissant en Amériquedans les régions tempérées, du Chili ou <strong>de</strong> Buenos-Ayres jusqu auMexique, coniïrme le fait <strong>de</strong> l'origine américaine. On ne sauraitrien <strong>de</strong> plus que ce serait une forte présomption sur la patrieprimitive.Lasecon<strong>de</strong> cause d'erreur est expliquée très nettement parlebotaniste V'ed<strong>de</strong>ll qui a parcouru avec tant <strong>de</strong> zee la -Bolmeet les contrées voisines. « Quand on réfléchit, dit-il, que dansl'ari<strong>de</strong> cordillière les Indiens établissent souvent leurs petites¡i Le Solanumv~rrucosum,dont j'ai raconté, en I83S.l'introduction-dansle pays <strong>de</strong> Gex,près <strong>de</strong> Genève, a étéabandonné,parceque sestuberculessonttrop petits et qu'il ne résistait pas Õ'l'oïdil1m,commeon s'enétait flatté.2. ChlonsAndina,ia-4, p. \M,


40 PLANTESCULTIVÉESPOUR LEURS PARTIES SOUTERRAINEScultures sur <strong>de</strong>s points qui paraîtraient presque inaccessibles à lagran<strong>de</strong> majorité <strong>de</strong> nos fermiers d'Europe, on comprend qu'unvoyageur visitant par hasard une <strong>de</strong> ces cultures <strong>de</strong>puis longtempsabandonnées, et y rencontrant un pied <strong>de</strong> Solanum tuberosum quiy a acci<strong>de</strong>ntellement persisté, le recueille, dans la persuasion qu'ily est réellement spontané; mais où en est la preuve? »Voyons maintenant les faits. Ils sont nombreux pour ce quiconcerne la spontanéité au Chili.En 1822, Alexandre Caldcleugh i, consul anglais, remet à laSociété d'horticulture <strong>de</strong> Londres <strong>de</strong>s tubercules <strong>de</strong> Pommes <strong>de</strong>terre qu'il avait recueillis « dans <strong>de</strong>s ravins autour <strong>de</strong> Valparaiso». Il dit que ces tubercules sont petits, tantôt rougestantôt etjaunâtres, d'un goût un peu amer 2.« Je crois, ajoute-t-il,que cette plante existe sur une gran<strong>de</strong> étendue du littoral, carelle se trouve dans le Chili méridional, où les indigènes l'apellentMaglia. » Il y a probablement ici une confusion avec le S. Maglia<strong>de</strong>s botanistes; mais les tubercules <strong>de</strong> Valparaiso, plantés àLondres, ont donné la vraie Pomme <strong>de</strong> terre, ce qui saute auxyeux en voyant la plan che coloriée <strong>de</strong> Sabine dans les Transactions<strong>de</strong> la Société d'horticulture. On continua quelque temps à cultivercette plante, et Lindley certifia <strong>de</strong> nouveau, en 1847, soni<strong>de</strong>ntité avec la Pomme <strong>de</strong> terre commune 3. Voici ce qu'unvoyageur expliquait à sir William Hooker sur la plante <strong>de</strong>Valparaiso « J'ai noté la Pomme <strong>de</strong> terre sur le littoral jusqu'à15 lieues au nord <strong>de</strong> cette ville, et au midi, mais sanssavoir jusqu'à quelle distance. Elle habite sur les falaises et lescollines près <strong>de</strong> la mer, et je n'ai pas souvenir <strong>de</strong> l'avoir vueà plus <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ou trois lieues <strong>de</strong> la côte. Bien qu'on la trouvedans les endroits montueux, loin <strong>de</strong>s cultures, elle n'existe pasdans le voisinage immédiat <strong>de</strong>s champs et <strong>de</strong>s jardins où on laplante, excepté lorsqu'un ruisseau traverse ces terrains et porte<strong>de</strong>s tubercules dans les endroits non cultivés. » LesPommes <strong>de</strong>terre décrites par ces <strong>de</strong>ux voyageurs avaient <strong>de</strong>s fleurs blanches,comme cela se voit dans quelques variétés <strong>cultivées</strong> enEurope, et comme la plante semée jadis par <strong>de</strong> L'Ecluse. Onpeut présumer que c'est la couleur primitive pour l'espèce ou,au moins, une <strong>de</strong>s plus fréquentes à l'état spontané.Darwin, dans son voyage à bord du Beagle, trouva laPomme <strong>de</strong> terre sauvage dans l'archipel Chonos, du Chili méridional,sur les sables du bord <strong>de</strong> la mer, en gran<strong>de</strong> abondance,1. Sabine,Transactionsof the horticuUuralSociety,vol.5,p.2. Il nefaut pas attacher<strong>de</strong> l'importanceà cettesaveur,ni à 249.la qualitéaqueuse<strong>de</strong> certainstubercules,attendu que dans les payschauds,mêmedansle midi <strong>de</strong>l'Europe,la Pomme<strong>de</strong> terre est souventmédiocre.Uneexposition àla lumièreverditles tubercules,qui sont<strong>de</strong>srameaux;souterrains<strong>de</strong>la tige, et les rend amers.3'.Journalof thehortic. Society, vol. 3, p. 66.4. Hjoker, Botanicalmiscell.,1831,vol.2, p. 203.


POMMEDE TERRE 41et végétant avec une vigueur singulière, qu'on peut attribuer àl'humidité du climat. Les plus grands individus avaient quatrepieds <strong>de</strong> hauteur. Les tubercules étaient petits, quoique l'und'eux eût <strong>de</strong>ux pouces <strong>de</strong> diamètre. Ils étaient aqueux, insipi<strong>de</strong>s,mais sans mauvais goût après la cuisson. « La plante est indubitablementspontanée », dit l'auteur et l'i<strong>de</strong>ntité spécifique aété confirmée par Henslow d'abord et ensuite par sir JosephHooker, dans son Flora antaretica 2.Un échantillon <strong>de</strong> notre herbier recueilli par Clau<strong>de</strong> Gay,attribué au Solanum tuberosum par Dunal, porte sur l'étiquette«Au centre <strong>de</strong>s cordillières <strong>de</strong> Talcagoué et <strong>de</strong> Cauquenès, dansles endroits que visitent seulement les botanistes et les géologues. »Le même auteur, CI. Gay, dans son Flora chilena 3, insiste surla fréquence <strong>de</strong> la Pomme <strong>de</strong> terre sauvage au Chili, jusque chezles Araucaniens, dans les montagnes <strong>de</strong> Malvarco, où, dit-il, lessoldats <strong>de</strong> Pincheira allaient les chercher pour se nourrir. Cestémoignages constatent assez l'indigénat au Chili pour que j'enomette d'autres moins probants, par exemple ceux <strong>de</strong> Moliria et<strong>de</strong> Meyen, dont les échantillons du Chili n'ont pas été examinés.Le climat <strong>de</strong>s côtes du Chili se prolonge sur les hauteurs ensuivant la chaîne <strong>de</strong>s An<strong>de</strong>s, et la culture <strong>de</strong> la Pomme <strong>de</strong> terreest ancienne dans les régions tempérées du Pérou, mais la qualitéspontanée <strong>de</strong> l'espèce y est beaucoup moins démontrée qu'auChili. Pavon prétendait l'avoir trouvée sur la côte, à Chancayet près <strong>de</strong> Lima. Ces localités paraissent bien chau<strong>de</strong>s pour uneespèce qui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> un climat tempéré ou même un peu froid.D'ailleurs l'échantillon <strong>de</strong> l'herbier <strong>de</strong> M. Boissier recueilli parPavon, appartient, d'après Dunal, à une autre espèce qu'il anommée 5 Solanum immute. J'ai vu l'échantillon authentique etn'ai aucun doute que ce ne soit une espèce.distincte du S. tuberosum.Sir W.Hooker 8 citeun échantillon, <strong>de</strong> Mac Lean, <strong>de</strong>s collinesautour <strong>de</strong> Lima, sans aucune information sur la spontanéité.Les échantillons (plus ou moins sauvages?) que Matthewsa envoyés du Pérou à sir W. Hooker appartiennent, d'après sirJoseph 7, à <strong>de</strong>s variétés un peu différentes <strong>de</strong> la vraie Pomme <strong>de</strong>terre. M. Hemsley 8, qui les a vus récemment dans l'herbier <strong>de</strong>Kew, les juge « <strong>de</strong>s formes distinctes, pas plus cependant quecertaines variétés <strong>de</strong> l'espèce. »Wed<strong>de</strong>ll, dont nous connaissons la pru<strong>de</strong>nce dans cette question,s'exprime ainsi 9 « Je n'ai jamais rencontré au Pérou le1. Journalof thevoyage,etc., éd. 1832,p. £85.2.Vol. i, part. 2, p. 329.3. Vol.5, p. 74.i. Ruizet Pavon,Floraperuviana,II, p. 38.5. Dunal,Prodromus,13. sect. 1,p. 32.6. Hooker,Bot.miscell.,II,7. Hooker,Flora antarctica,1.c.8.Journal of the royal hortic.Society,new series,vol.5.9.Wed<strong>de</strong>ll,ChlorisAndina,1.c.


43 PLANTES CULTIVÉES P&U.R LEURS PARTIES SOUTERRAINESn 7 ^2L An-nn Ann r*îr»nrvrïcfonnacf aIIasI fTll'll 11 ATC\(±Solcmum tuberoswn dans <strong>de</strong>s circonstances tenus quu ne misTestât aucun doute qu'il fût indigène je déclare même que je necrois pas davantage à la spontanéité d'autres individus remontrés<strong>de</strong> loin en loin sur les An<strong>de</strong>s extra-chiliennes fit regardésiusqu'iei comme en étant indigènes. »D'un autre côté, M. Ed. André 1 a recueilli, avec beaucoup <strong>de</strong>soin dans <strong>de</strong>ux localités élevées et sauvages <strong>de</strong> la Colombie etdans une autre près <strong>de</strong> Lima, sur la montagne <strong>de</strong>s Amancaes,<strong>de</strong>s échantillons qu'il pensait pouvoir attribuer au S. tuberosum.M. André a eu l'obligeance <strong>de</strong> me les prêter. Je les ai comparésattentivement avec les types <strong>de</strong>s espèces <strong>de</strong> Dunal dans monherbier et dans celui <strong>de</strong> M. Boissier. Aucun <strong>de</strong> ces Solanum, àmon avis, n'appartient au S. tuherosum, quoique celui <strong>de</strong> LaUnion, près du fleuve Gsubr, s'en rapproche plus que les autres.Aucun, et ceci est encore plus certain, ne répond au S. mmite,<strong>de</strong> Dunal. Ils. sont plus .près du S. Colombianum, du mêmeauteur, que du tuberosum ou <strong>de</strong>Vimmite. L'échantillon du mont'Quindio présente un caractère bien singulier. Il a <strong>de</strong>s haiesovoï<strong>de</strong>s et pointues 2.Au Mexique, les Solanum tubéreux attribués au S.titbero&ian,ou, selon M.Hemsley 3, à <strong>de</strong>s formes voisines, ne paraissent pasêtre considérés comme i<strong>de</strong>ntiques avec la plante cultivée.Ils se rapportent au S. Fendleri, que M. Asa Gray a considéréd'abord commeespèce propre et ensuite comme uneforme du S. tuberosum ou du S, verfiicosum.Nous pouvons conclure <strong>de</strong> la manière suivantei° Lapomme <strong>de</strong> terre est spontanée au Chili, sous une formequi se voit encore dans nos <strong>plantes</strong> <strong>cultivées</strong>.2° Il est très douteux que l'habitation naturelle s'éten<strong>de</strong> jusqu'auPérou et à la. Nouvelle-Grena<strong>de</strong>.3° La culture était répandue, avant la découverte <strong>de</strong> 1 Amérique,du Chili à Nouvelle-Grena<strong>de</strong>.4° Elle s'était introduite, probablement dans la secon<strong>de</strong>moitiéduxviesiècle, dans la partie <strong>de</strong>s Etats-Unis appelée aujourd'huiVirginie et Caroline du Nord.5° Elle a été importée en Europe, <strong>de</strong> 1580 à 1585, d abordpar les Espagnol, et ensuite par les Anglais, lors <strong>de</strong>s voyages<strong>de</strong> Raleigh en Virginie B.Batate ou Patate, Sweet Potatoe (en anglais.) ConvolvolusBatatas, Linné. Batatas edulis, Choisy.1. André,dans Illustrationhorticole,1877,.p. 114. ,lm.2. La forme<strong>de</strong>s baiesn'est pas encore connuedansles S. Colombianumet immite.3.Hemsley,1.c.4. AsaGray,Synopticalfloraof N.Ain.,II, p. 2zu5.Surl'introductionsuccessivedansdifférentesparties<strong>de</strong>1 Europe, ymrClos,Quelques documents sur l'histoire<strong>de</strong> la pomme <strong>de</strong> fene, in-b, 1S7*>dans Journald'agric.pratig. du midi<strong>de</strong> la France.


BATATE 45Les racines <strong>de</strong> cette plante, renflées en tubercules, ressemblentaux Pommes <strong>de</strong> terre, d'où il est résulté que les navigateurs duXTiesiècle ont appliqué le même nom à ces <strong>de</strong>ux espèces trèsdifférentes. La Batate est <strong>de</strong> la famille -<strong>de</strong>s Convolvulacées, laPomme <strong>de</strong> terre <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> Sclanées; les parties charnues <strong>de</strong> lapremière sont <strong>de</strong>s racines, celles <strong>de</strong> la secon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s rameauxsouterrainsLa Batate est sucrée, en même temps que farineuse. Onla cultivedans tous les pays intertropicaux ou voisins <strong>de</strong>s tropiques,plus peut-être dans le nouveau mon<strong>de</strong> que dans l'ancien 2.Son origine est douteuse d'après un grand nombre d'auteurs.De Humboldt 3, Meyen 4, Boissier 5, indiquent une origine américaineBojer 6, Choisy7, etc., une origine asiatique. La mêmediversité se remarque dans les ouvrages antérieurs. La questionest d'autant plus difficile que les Convolvulacées sont au nombre<strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> les plus répandues dans le mon<strong>de</strong>, soit <strong>de</strong>puis<strong>de</strong>s époques très anciennes, soit par l'effet <strong>de</strong> transports mo<strong>de</strong>rnes.En faveur <strong>de</strong> l'origine américaine, il y a <strong>de</strong>s motifs puissants.Les lo espèces connues du genre Batatas se trouvent toutes enAmérique, savoir 11 dans ce continent seul et 4 à la fois en Amériqueet dans l'ancien mon<strong>de</strong>, avec possibilité ou probabilité <strong>de</strong>transports. La culture <strong>de</strong> la Batate commune est très répandueen Amérique. Elle remonte à une époque reculée. Maregraff 8 lacite pour le Brésil, sous le nom <strong>de</strong> Jetica. Humboldt dit que lenom Camote vient d'un mot mexicain. Le mot <strong>de</strong> Batatas (d'oùpar transposition erronée on a fait Potatoe, pomme <strong>de</strong> terre):estdonné pour américain. Sloane et Hughes 9 parlent <strong>de</strong> la Batatecomme d'une plante très cultivée, ayant plusieurs variétés auxAntilles. Ils ne paraissent pas soupçonner une origine étrangère.Clusius, qui l'un <strong>de</strong>s premiers a parlé <strong>de</strong> la Batate, dit en avoirmangé dans le midi <strong>de</strong> l'Espagne, où l'on prétendait l'avoirreçue du nouveau mon<strong>de</strong> 10.II indique les noms <strong>de</strong> Batatas, Camotes,Amotes, Ajes u, qui étaient étrangers aux. langues <strong>de</strong>1. Turpin a publié <strong>de</strong> bonnes figures qui montrent clairement ces faitsVoy. Mémoires du Muséum, in-4, vol. 19, pi. 1, 2 et 3.2. Le Dr Sagot a donné <strong>de</strong>s détails intéressants sur le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> culture,le produit, etc., dans le Journal <strong>de</strong> la Société d'horlic. <strong>de</strong> France, vol. 5,2e série, p. 430-438.3. Humboldt, Nouy.-Espagne, éd. 2, vol. 2, p. i"Q.4. Meyen, Gi'undrisse Pflanz. geogr p. 373.5. Boissier, Voyagebotanique en Espagne.6. Bojer, Hort. maurit., p. 223.7. Choisy, dans Prodromus, 9, p. 33S.8. Marcgrafï, Bres., p. 16, avec fig.9. Sioane,Hist. Jam., I, p. -laO;Huches, Barb. p. 22S.10. Clusius, hist., II, p. 77.il. Ajes était un nom <strong>de</strong> n»name (Humb., Nonv-Esp., 2e édit., Toi. 2tp. 467,468).


44 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS PARTIES SOUTERRAINESl'ancien mon<strong>de</strong>. Son livre date <strong>de</strong> 1601. Humboldt 1 dit que,d'après Gomara, Christophe Colomb, lorsqu'il parut pour lapremière fois <strong>de</strong>vant la reine Isabelle, lui offrit divers produitsdu nouveau mon<strong>de</strong>, entre autres <strong>de</strong>s Bâtâtes. Aussi, ajoute-t-il, laculture <strong>de</strong> cette plante était-elle déjàcommune en Espagne dès lemilieu du xvie siècle. Oviedo 2, qui écrivait en' 1526,avait vu laBatate très cultivée par les indigènes <strong>de</strong> Saint-Domingue, etl'avait introduite lui-même à Avila, en Espagne. Rumphius 3 ditpositivement que, selon l'opinion commune, les Batatas ont étéapportées par les Espagnols d'Amérique à Manille et aux Moluques,d'où les Portugais les ont répandues dans l'archipel indien.Il cite <strong>de</strong>s noms vulgaires qui ne sont pas malais et quiindiquent un.eintroduction par les Castillans. Enfin, il est certainque là Batate était inconnue aux Grecs, aux Romains et auxArabes; qu'elle n'était pas cultivée en Egypte, et cela même il ya quatre-vingts ans ce qui ne s'expliquerait guère si l'on supposeune origine <strong>de</strong> l'ancien mon<strong>de</strong>.D'un autre côté, il y a <strong>de</strong>s arguments pour une origine asiatique.L'Encyclopédie chinoise d'agriculture parle <strong>de</strong> la Batateet mentionne diverses variétés s mais le Dr Bretschnei<strong>de</strong>r ° aconstaté que l'espèce est décrite pour la première fois dans unlivre du n» ou me siècle <strong>de</strong> notre ère. D'après Thunberg 7,la Batatea été apportée au Japon par les Portugais. Enfin la plantecultivée à Taïti, dans les îles voisines et à la Nouvelle-Zélan<strong>de</strong>,sous les noms Umara, Gumarra et Gvmalla, décrite par Forster 8sous le nom <strong>de</strong> Convolvolus chrysorhizusr est la Batate, d'aprèssir Joseph Hooker 9.Seemann 10 fait observer que ces noms ressemblentau nom quichuen <strong>de</strong> la Batate, en Amérique, qui est,dit-il, Cumar. La culture <strong>de</strong> la Batate était répandue dans l'In<strong>de</strong>au xvine siècle On lui attribue plusieurs noms vulgaires, etmême, selon Piddington 12,un nom sanscrit, Ruktaloo (prononcezRoktalou), qui n'a d'analogie avec aucun nom à moi connu etn'est pas dans le dictionnaire sanscrit <strong>de</strong> Wilson. D'après unenote que m'avait donnée Adolphe Pictet, Ruktaloo semble unnom bengali composé du sanscrit Alu (Rutka, plus âlu, nom<strong>de</strong> l'Arum campanulatum). Ce nom, dans les dialectes mo<strong>de</strong>rnes,désigne l'Igname et la Pomme <strong>de</strong> terre. Cependant Wallich 13 in-1.Humboldt,Nouv.-Esp., 1.c.2. Oviedoțrad. <strong>de</strong> Ramusio,vol. III, part. IiI.3.Rumphius,Amboin.,V, p. 368.4. Forskal,p. 34;Delile,m.5. D'HerveySaint-Denys,Rechṣur l'agric.<strong>de</strong>sChin.,1850,p. 109.6. Studyandvalueof chinesebot.works,p. 13.7. Thunberg,Florajapon.,p. 84.8.Forster,Plants escul.,p. 56.9. Hooker,Handb.NewZealand.flora,p. 194.10.Seemann.Journalof bot.,1866,p. 328.11. Roxburgli, édit. Wall.,II, p. 69.12.Piddington,In<strong>de</strong>x.13."Wallich,Flora Ind., 1.c.


BATATE 45dique plusieurs autres noms que Piddington omet. Roxburghne cite aucun nom sanscrit. Rhee<strong>de</strong> dit que la plante était cultivéeau Malabar. Il cite <strong>de</strong>s noms vulgaires indiens.Les motifs sont beaucoup plus forts, ce me semble, en faveur<strong>de</strong> l'origine américaine. Si la Batate avait été connue dansl'In<strong>de</strong> à l'époque <strong>de</strong> la langue sanscrite, elle se serait répanduedans l'ancien mon<strong>de</strong>, car sa propagation est aisée et son utilitéévi<strong>de</strong>nte. Il paraît, au contraire, que les îles <strong>de</strong> la Son<strong>de</strong>,l'Egypte, etc., sont restées étrangères pendant longtemps à cetteculture.Peut-être un examen attentif ramènera-t-il à l'opinion <strong>de</strong>G. F. W. Meyer. qui distinguait 3 la plante asiatique <strong>de</strong>s espècesaméricaines. Cependant on n'a. pas suivi généralement cet auteur,et je soupçonne que, s'il y a une espèce asiatique différente,ce n'est pas, comme le croyait Meyer, la Batate décrite par Rumphius,que celui-ci dit apportée d'Amérique, mais la planteindienne <strong>de</strong> Roxburgh.On cultive <strong>de</strong>s Batates en Afrique; mais, ou leur culture estrare, ou les espèces sont différentes. Robert Brown 4 dit que levoyageur Lockhardt n'avait pas vu la Batate, dont les missionnairesportugais mentionnaient la culture. Thonning 5 ne l'indiquepas. YogeL a rapporté une espèce cultivée sur la côteocci<strong>de</strong>ntale, qui est certainement, d'après les auteurs du FloraNigritiana, le Batatas paniculata Choisy. Ce serait donc uneplante cultivée pour ornement ou comme espèce officinale, carla racine en est purgative6. On pourrait croire que, dans certainspays <strong>de</strong> l'ancien ou du nouveau mon<strong>de</strong>, Ylpomœa tuberosa L,aurait été confondu avec la Batate; mais Sloane 7 nous avertitque ses énormes racines ne sont pas bonnes à manger 8.Une Convolvulacée à racine comestible qui peut bien être confondueavec la Batate, mais dont les caractères botaniques sontpourtant distincts est VIpomœa mammosa Choisy (Convolvulusmammosus, Loureiro Batata mammosa, Rumphius, Amb.,1. 9, tab. 131). Cette espèce croît spontanément près d'Amboine(Rumphius), où elle est aussi cultivée. Elle est estimée en Cochinchine.Quant à la Batate (Batatas edulis), aucun botaniste, à ma con-1. Roxburgh, éd. i832,vol. 1,p. 483.2.Rhee<strong>de</strong>,Mal.,7, p. 95.3.Meyer,Primitix FI. Esseq.,p. 103.4. R. Brown,Bot. Congo,p. 55.5.Thonning,Pl. Guin.6. Wallich,dansRoxburgh,FI.Tnd.,II, p. G3.7. Sloane,Jàm., I, p. 152,8.PlusieursConvolvulacéesont<strong>de</strong>s racines(plusexactement<strong>de</strong>ssouches)volumineuses,mais alors c'est la base'<strong>de</strong> la tige avec une partie <strong>de</strong> laracine qui est épaissie,et cette soucheradicale est toujours purgative(Jalaps,Turbith,etc.),tandis que dans la Batatece sont les racineslatérales,orgf.aedifférent,qui s'épaississent.


46 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS PARTIES SOUTERRAINESnaissance, ne dit l'avoir trouvée lui-même sauvage, m clanssl'In<strong>de</strong>, ni en Amérique K Clusius 2 affirme, sur oui-dire, quellecroît spontanée dans le nouveau mon<strong>de</strong> et dans les îles voisines.Malaxé la probabilité d'une origine américaine, il reste, commenous venons <strong>de</strong> le voir, bien <strong>de</strong>s choses inconnues ou incertainessur la patrie primitive et le transport <strong>de</strong> cette espèce, qui joueun rôle considérable dans les pays chauds. Quelle que fût sonorigine, du nouveau ou <strong>de</strong> rancien mon<strong>de</strong>, comment expliquerqu'elle eût été transportée d'Amérique enChine au commencement<strong>de</strong> notre ère et dans les îles <strong>de</strong> l'océan Pacifique aune époqueancienne, ou d'Asie et d'Australie en Amérique dans un tempsassez reculé pour que la culture s'en soit répandue jadis <strong>de</strong>sEtats-Unis méridionaux jusqu'au Brésil et au Chili? Il faut supposer<strong>de</strong>s communications préhistoriquesentre lAsie et 1 Amérique,ou se livrer à un autre genre d'hypothèses, qui, dans lecas actuel, n'est pas inappliquable. Les Convolvulacées sont une<strong>de</strong>s rares familles <strong>de</strong> Dicotylédones dans lesquelles certainesespèces ont une aire, ou extension géographique, très étendueet même divisée entre <strong>de</strong>s continents éloignés s. Une espèce quisupporte actuellement le climat <strong>de</strong> la Virginie et du Japon peutavoir existé plus au nord avant l'époque <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong> extension<strong>de</strong>s glaciers dans notre hémisphère,et les hommes préhistoriquesl'auraient transportée vers le midi quand les conditions <strong>de</strong> climatont changé. Dans ces hypothèses,la culture seule aurait conserv-l'espèce, à moins qu'on ne finisse par la découvrir sauvageen quelque point <strong>de</strong> son ancienne habitation, peut-être, parexemple, au Mexique ou en Colombie.Betterave, Bette, Poïrée. Beta vulgaris etB. maritima,Linné. Beta vulffaris Moquin.Elle est cultivée tantôt pour ses racines charnues (Betterave)et tantôt pour ses feuilles, employées comme légume (Bette,Poirée), mais les botanistes s'accor<strong>de</strong>nt généralement à ne pasdistinguer <strong>de</strong>ux espèces. On sait, par d'autres exemples, que <strong>de</strong>s<strong>plantes</strong> à racines minces dans la nature prennent facilement<strong>de</strong>s racines charnues par un effet du sol ou <strong>de</strong> la culture.La forme appelée Bette, à racines maigres, est sauvage dansles terrains sablonneux, surtout du bord <strong>de</strong> la mer, aux îlesCanaries, et dans toute la région <strong>de</strong> la mer Méditerranée, jusqu'à ala mer Caspienne, la Perse et Babylone peut-être même dans1. Le n° 701<strong>de</strong> Sehomburgk,coll. 1, est spontané dsnsja Guyane.SelonM.Choisy,c'est une variété du Batafasedulis; selon M.Bent am(Hook, Journ. Sot, V,p. 3S2-,c'estle Batalaspaniculata- Monéchantillon,assezimparfait.me sembledifférer<strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux.2.Clusius,Hist.,2, p. 77.3. A. <strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>,Géag ḅot. raisonnee,p. i041-1043et p. 516,518.4. Moquin-Tandon, dans Prodromus, vol. 13, part. 2. p. 55; Boissier,Floraorientalis,4,p. 898;Le<strong>de</strong>bour,FI. rossica,3, p. 692.


MANIOC 47l'In<strong>de</strong> occi<strong>de</strong>ntale, d après un échantillon rapporté par Jaquemont,,sans que la qualité spontanée en soit certifiée. La flore<strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> <strong>de</strong> Roxburgh, et celle, plus récente, du Punjab et duSindh, par Aitchison, ne mentionnent la plante que comme cultivée.Elle n'a pas <strong>de</strong> nom sanscrit 1, d'où l'on peut inférer que lesAryens ne l'avaient pas apportée <strong>de</strong> l'Asie tempérée occi<strong>de</strong>ntale,où elle existe. Les peuples <strong>de</strong> leur race émigrés en Europe antérieurementne la cultivaient probablement pas non plus, car jene vois pas <strong>de</strong> nom commun aux. langues indo-européennes. Lesanciens Grecs, qui faisaient usage <strong>de</strong>s feuilles et <strong>de</strong>s racines, appelaientl'espèce Teutlion 2, les Romains Beta. M. <strong>de</strong> Heldreich 3donne aussi comme nom ancien grec SevJ<strong>de</strong> ou Sfekelie, quiressemble au nom arabe Selg, chez les Nabathéens Silq i. Lenom arabe a passé en portugais, Selga. On ne connaît point <strong>de</strong>nom hébreu. Tout indique une culture ne datant pas <strong>de</strong> plus <strong>de</strong>quatre à six siècles avant l'ère chrétienne.Les anciens connaissaient déjà les racines rouges et blanches,mais le nombre <strong>de</strong>s variétés a beaucoup augmenté dans lestemps mo<strong>de</strong>rnes, surtout <strong>de</strong>puis qu'on a cultivé la Betterave engrand, pour la nourriture <strong>de</strong>s bestiaux et la production du sucre.C'est une <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> les plus faciles à améliorer par sèlection,comme les expériences <strong>de</strong> Vilmorin l'ont prouvé s.Manioc. Manihot utilissima, PohL Jatropha Manihot,Linné.Le Manioc est un arbuste ou arbrisseau <strong>de</strong> la famille <strong>de</strong>sEuphorbiacées, dont plusieurs racines se renflent dès la premièreannée, prennent une forme ellipsoï<strong>de</strong> irrégulière et renferment<strong>de</strong> la fécule (Tapioca), avec un suc. plus ou moins vénéneux.La culture en est commune dans les régions équatoriales ou.tropicales, surtout en Amérique, du Brésil aux Antilles. EnAfrique, elle est moins générale et paraît moins ancienne. Danscertaines colonies asiatiques, elle est décidément d'introductionmo<strong>de</strong>rne. On la pratique au moyen <strong>de</strong> boutures <strong>de</strong>s tiges.Les botanistes se sont divisés sur la convenance <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>rles innombrables formes <strong>de</strong> Maniocs comme appartenant à une,à <strong>de</strong>ux ou même plusieurs espèces différentes. Pohl 6 en admettaitplusieurs à côté <strong>de</strong> son Manihotutilissima, et le DrJ. Miiller7,i. Roxbnrgh,Flora indica,2, p. 59; Piddington,.2.Théophraste et Dioscori<strong>de</strong>cités In<strong>de</strong>x.par Lenz,Botanik<strong>de</strong>r GricchmundRômer,p. 446 Fraas, Synopsisfl. class.,p. 233.3. Heldreich,DieNutzpflanzenGriechenlands, p. 22.4. Alawwâm,Agriculturenabathée?ine(premierssiècles<strong>de</strong>l'èrechrét.?),d'après E. Meyer,Geschichte<strong>de</strong>r Botanik,3, p. 75.5. Noticesur T amélioration<strong>de</strong>s<strong>plantes</strong>par le semis,p.6. Pohl,Plantarum Brasilis iconeset 13.<strong>de</strong>scriptiones, in-folio,vol. 1.7. J. Müller,dansProdromus,XV,sect. 2, p. 1062,1064.


48 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS PARTIES SOUTERRAINESdans sa monographie <strong>de</strong>s Euphorbiacées, rapporte à une espècevoisine (M. palmata) la forme Aipi, qui est cultivée au Brésilavec les autres et dont la racine n'est pas vénéneuse. Ce<strong>de</strong>rnier caractère n'est pas aussi tranché qu'on le croiraitd'après certains ouvrages et même d'après les indigènes. LeDr Sagot S qui a comparé une douzaine <strong>de</strong> variétés <strong>de</strong> Manioc<strong>cultivées</strong> à Cayenne, dit expressément « II y a <strong>de</strong>s Maniocs plusvénéneux les uns que les autres; mais je doute qu'aucun soitabsolument exempt <strong>de</strong> principes nuisibles. j>On peut se rendre compte <strong>de</strong> ces singulières différences <strong>de</strong>propriétés entre <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> fort semblables par l'exemple <strong>de</strong> laPomme <strong>de</strong> terre. Le Manihot et le Solanum tuberosum appartiennenttous <strong>de</strong>ux à <strong>de</strong>s familles suspectes (Euphorbiacées etSolanacées). Plusieurs <strong>de</strong> leurs espèces sont vénéneuses danscertains <strong>de</strong> leurs organes; mais la fécule, où qu'elle se trouve,ne peut pas être nuisible, et il en est <strong>de</strong> même du tissu cellulairelavé <strong>de</strong> tout dépôt, c'est-à-dire réduit à la cellulose. Or dans lapréparation <strong>de</strong> la Cassave (farine <strong>de</strong> Manioc), on a grand soin<strong>de</strong> racler l'écorce extérieure <strong>de</strong> la racine, ensuite <strong>de</strong> piler ouécraser la partie charnue, <strong>de</strong> manière à en expulser Je suc plusou moins vénéneux, et finalement on soumet la pâte à une cuissonqui chasse <strong>de</strong>s parties volatiles 2. Le tapioca est <strong>de</strong> la féculepure, sans mélange <strong>de</strong>s tissus qui existent encore dans la cassave.Dans la pomme <strong>de</strong> terre, la pellicule extérieure prend <strong>de</strong>squalités nuisibles quand on la laisse verdir en l'exposant à la lumière,et il est bien connu que <strong>de</strong>s tubercules mal mûrs ou.viciés, contenant une trop faible proportion <strong>de</strong> fécule avec beaucoup<strong>de</strong> sucs, sont mauvais à manger et feraient positivement dumal aux personnes qui en consommeraient une certaine quantité.Toutes les Pommes <strong>de</strong> terre, comme probablement tous lesManiocs, renferment quelque chose <strong>de</strong> nuisible, dont on s'aperçoitjusque dans les produits <strong>de</strong> la distillation, et qui varie parplusieurs causes; mais il ne faut se défier que <strong>de</strong>s matièresautres que la fécule.Les doutes sur le nombre <strong>de</strong>s espèces à admettre dans lesManihots cultivés ne nous embarrassent nullement pour la question<strong>de</strong> l'origine géographique. Au contraire, nous allons voirque c'est un moyen important <strong>de</strong> constater l'origine américaine.L'abbé Raynal avait répandu. jadis l'opinion erronée que leManioc aurait été apporté d'Afrique en Amérique. Robert Brownle niait en 1818 3, sans donner <strong>de</strong>s motifs à l'appui, et <strong>de</strong> Humi.Sagot,dansBull.<strong>de</strong>la Sociétébotanique <strong>de</strong>Francedu 8décembre1871.2. J'indiquela préparation dans ce qu'elle a d'essentiel.Lesdétailsdiffèrentsuivantles pays. Voir à cet égard Aublet,Guyane,2, p. 67;Descourtilz,Flore <strong>de</strong>sAntilles,3, p. 113 Sagot, l. c., etc.3.R. Brown,Botanyof Congo,p. 50.


MANIOC 49uoidt Moreau <strong>de</strong> Jonnes Auguste <strong>de</strong> Saint-Hilairè 3 ont insistésur l'origine américaine. On ne peut guère en douter,d'après les raisons suivantes1° Les Manihots étaient cultivés par les indigènes du Brésil,<strong>de</strong> la Guyane et <strong>de</strong>s parties chau<strong>de</strong>s du Mexique avant l'arrivée<strong>de</strong>s Européens, comme le témoignent tous les anciensAux voyageurs.Antilles, cette culture était assez commune dans le xvie siècle,d'après Acosta 4, pour qu'on puisse la croire également d'unecertaine ancienneté.2°Elle est moins répandue en Afrique, surtout dans les régionséloignées <strong>de</strong> la côte occi<strong>de</strong>ntale. On sait que le Manioc a été introduitdans l'île <strong>de</strong> Bourbon par le gouverneur <strong>de</strong> Labourdonnais5. Dans les contrées asiatiques, où probablement uneculture aussi facile se serait propagée si elle avait été anciennesur le continent africain, on la mentionne çà et là, comme unobjet <strong>de</strong> curiosité d'origine étrangère 6.3° Les indigènes d'Amérique avaient plusieurs noms ancienspour les variétés <strong>de</strong> Maniocs, surtout au Brésil 7, ce qui ne paraîtpas avoir existé en Afrique, même sur la côte <strong>de</strong> Guinée 8.4° Les variétés <strong>cultivées</strong> au Brésil, à la Guyane et aux Antillessont très nombreuses, par où l'on peut présumer une culturetrès ancienne. Il n'en est pas <strong>de</strong> même en Afrique.5° Les 42 espèces connues du genre Manihot en <strong>de</strong>hors<strong>de</strong> M. utilissima, sont toutes spontanées en Amérique; la plupartau Brésil, quelques-unes à la Guyanne, au Pérou et auMexique; pas une dans l'ancien mon<strong>de</strong> 9. Il est très invraisemblablequ'une seule espèce, et encore celle qu'on cultive, futoriginaire à la fois <strong>de</strong> l'ancien et du nouveau mon<strong>de</strong>, d'autantplus que dans la famille <strong>de</strong>s Euphorbiacées les habitations <strong>de</strong>sespèces ligneuses sont généralement restreintes et qu'une communautéentre l'Afrique et l'Amérique est toujours rare dansles <strong>plantes</strong> Phanérogames.L'origine américaine du Manihot étant ainsi démontrée, onpeut se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r comment l'espèce a été introduite en Guinéeet au Congo. Probablement c'est un résultat <strong>de</strong>s communicationssfréquentes, au xvie siècle, <strong>de</strong>s trafiquants portugais et <strong>de</strong>s négriers.1. DeHumboldt,Nouvelle-Espagne, éd. 2, vol.2, p. 398.2. Histoire<strong>de</strong> l'Acad.<strong>de</strong>s sciences, 1824.3. Guillemin,Archives<strong>de</strong> botanique,1, p. 239.4. Acosta,Hist.nat. <strong>de</strong>sIn<strong>de</strong>s,trad. franç. 1598, p. 163.5.Thomas.Statistique<strong>de</strong>Bourbon,2, p. 18.6.Le catalogue du jardin botanique <strong>de</strong> Buitenzor-,1866,p. 222,ditexpressémentque le Manihotutilissimavient <strong>de</strong> Bourbonet7. d Amérique.Aypi,Mandioca,Manihot,Manioch,Yuca, etc., dans Pohl, Iconeset<strong>de</strong>ser.,1, p. 30,33. Martius,Beitragez. Ethnographie,p. 122,indiqueuneetc.,Brasiliens,2,quantité<strong>de</strong>noms.8. Thonning(dans Schumacher,Plant. guin.),quicitevolontierslesnomsvulgaires,n'en donneaucun pour le Manihot.9. i. Müller,dans Prodromus,15, 6 sect. 1,p. -11 1057.DE <strong>Candolle</strong>. &


gtt PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS PARTIES SOUTERRAINESLe Manihot utilissima, et l'espèce voisine ou variété appelée7MvU que l'on cultive également, n'ont pas été trouvés à étatsauvage d'une manière* certaine. Humboldt et Bonpland ontbien recueilli sur les bords <strong>de</strong> la Magdalena, un pied <strong>de</strong> Manihotutilissima qu'ils ont dit presque spontané*, mais le & Sagotme certifie qu'on ne l'a point découvert à la Guyane, et lesbotanistes qui ont exploré la région chau<strong>de</strong> du Brésil n'ont pasété plus heureux. Cela ressort <strong>de</strong>s expressions <strong>de</strong> Pohl, qui abeaucoup étudié ces <strong>plantes</strong>, qui connaissait les récoltes <strong>de</strong>Martius et ne doutait pas <strong>de</strong> l'origine américaine. S'il avait remarquéune forme spontanée i<strong>de</strong>ntique avec celles quon cultive,il n'aurait pas émis l'hypothèse que le Manioc provient<strong>de</strong> son Manihot pusilla* <strong>de</strong> la province <strong>de</strong> Goyaz, dont la statureest minime et qu'on regar<strong>de</strong> comme une véritable espèce orcomme une variété du Manihot palmata 3. De Martius déclaraiten 1867 c'est-à-dire après avoir reçu <strong>de</strong> nombreuses informationspostérieures à son voyage, qu'on ne connaissait pas laplante à l'état sauvage A Un ancien voyageur, ordinairementexact, Piso 8, parle d'un Mandihoca sauvage dont les Tapuyeris,indigènes <strong>de</strong> la côte au nord <strong>de</strong> Rio-<strong>de</strong>-Janeiro, mangeaient lesracines Il est, dit-il, « très semblable à la plante cultivée » maisla figure qu'il en donne a paru bien mauvaise aux auteurs quiont étudié les Manihots. Pohlla rapporte à son t11, Aïpi, et leDr Müller la passe sous silence. Quant à moi, je suis disposé acroire ce que dit Piso, et sa planche ne me paraît pas absolumentmauvaise. Elle vaut mieux.que celle <strong>de</strong> Vellozo d'un Marnihot sauvage qu'on rapporte avec doute au M. Aipi«. Si l'onne veut pas accepter cette origine du Brésil oriental intertropical,il faut recourir à <strong>de</strong>ux hypothèses ou les Manihots cultivésproviennent<strong>de</strong> l'une <strong>de</strong>s espèces sauvages modifiée par la cultureou ce sont <strong>de</strong>s formes qui subsistent seulement par l'action<strong>de</strong> l'homme,après la disparition <strong>de</strong> leurs semblables <strong>de</strong> la végétationspontanée actuelle.Ail. Allïutn sativum, Linné.Linné, dans son Species, indique la Sicile comme la patrie<strong>de</strong>l'ail commun; mais dans YHortus cliffortianus, où il estordinairement plus exact, il ne donne pas d origine. Le faitest que d'après les flores les plus récentes et les plus complètes<strong>de</strong> Sicile, <strong>de</strong> toute l'Italie, <strong>de</strong> la Grèce, <strong>de</strong> France,d'Espagne, et d'Algérie, l'ail n'est pas considéré comme indi-1. Kunth, dansHumb.etB., NovaGenera,2, p. 108.2. Pohl,Iconeset <strong>de</strong>script.,1,p. 36,pi. 26.3. Mûller,dansle Prodromus. .)n .HR4.DeMartius,Beitrâge zur Ethnographie,etc. i, p. 1U36.5. Piso, HistorianaCuralisB^ihm, in-folio,1638,p. S3 cum icone.6. Jatropia sylvestris Vell. -Fi. /h


AILSIgène, quoique çà et là on en ait recueilli <strong>de</strong>s échantillons quiavaient plus ou moins l'apparence <strong>de</strong> l'être. Une plante aussihabituellement cultivée et qui se propage si aisément peut serépandre hors <strong>de</strong>s jardins et durer quelque temps, sans être d'originespontanée. Je ne sais sur quelle autorité Kunth cite l'espèceen Egypte D'après <strong>de</strong>s auteurs plus exacts sur les <strong>plantes</strong><strong>de</strong> ce pays 2, elle y est seulement cultivée. M. Boissier, dontl'herbier est si riche en <strong>plantes</strong> d'Orient, n'en possè<strong>de</strong> aucunéchantillon spontané. Le seul pays où l'ail ait été trouvé à l'étatsauvage, d'une manière bien certaine, est le désert <strong>de</strong>s Kirghis<strong>de</strong> Soongarie, d'après <strong>de</strong>s bulbes rapportées <strong>de</strong> là et <strong>cultivées</strong>à Dorpat 3 et <strong>de</strong>s échantillons vus ensuite par Regel 4. Ce <strong>de</strong>rnierauteur dit aussi avoir vu un échantillon que Wallich avaitrecueilli comme spontané dans l'In<strong>de</strong> anglaise mais M.Baker 5,qui avait sous les yeux les riches herbiers <strong>de</strong> Kew, n'en parlepas dans sa revue <strong>de</strong>s Allium <strong>de</strong>s In<strong>de</strong>s, <strong>de</strong> Chine et du Japon.Voyons si les documents historiques et linguistiques confirmentune origine uniquement du sud-ouest <strong>de</strong> la Sibérie.L'Ail est cultivé <strong>de</strong>puis longtemps en Chine sous le nom <strong>de</strong>Suan. On l'écrit en chinois par un signe unique, ce qui estrement l'indice d'une ordinai-espèce très anciennement connue et mêmespontanée s. Les flores du Japon 7 n'en parlent pas, dJoù je présumeque l'espèce n'était pas sauvage dans la Sibérie orientaleet la Daourie, maisque les Mongols l'auraient apportée en Chine.D'après Hérodote (Hist., 1. 2, o. 125), les anciens Egyptiens enfaisaient grand usage. Les archéologues n'en ont pas trouvé lapreuve dans les monuments, mais cela tient peut-être à ce quela plante était réputée impure par les prêtres 8.Il existe un nom sanscrit, Mahoushouda 9, <strong>de</strong>venu Loshoun enbengali, et dont le nom hébren Schoum, Schumin 10,qui a produitle Thoum ou Toum <strong>de</strong>s Arabes, ne paraît pas éloigné. Lenom basque, Baratchouria, a été rapproché <strong>de</strong>s noms aryenspar M. <strong>de</strong> Charencey A l'appui <strong>de</strong> son hypothèse, je diraique le nom berbère, Tiskert, est tout différent, et que par conséquentles Ibères paraissent avoir reçu la plante et son nom <strong>de</strong>sAryens plutôt que <strong>de</strong> leurs ancêtres probables du no*d <strong>de</strong>l'Afrique. Les Lettons disent Kiplohks, les EsthoniensKrunslauk,d'ou probablement le Knoblauch <strong>de</strong>s Allemands. L'ancien nom1.Kunth, Enum.,i, p. 381.2. Schweinfurthet Ascherson,Au.fzah.lung, p. 234.3; Le<strong>de</strong>bour,Flora altaica, 2,p. 4; Flora rossica,4,p. 162.4. RegeI,Allioi: manogr.,p. 44.5.Baker,dans Journ. of.bot., 1874,p. 295.6. Bretschnei<strong>de</strong>r,Studyand value,etc.,p. 15,47et 7.7. Thunberg, Fl. jap.; Franehet et Savatier,Enumeratia,1876,vol. 2.8. Unger,Pflanzen<strong>de</strong>sAltenMqyften's,p.9. 42.Piddington, In<strong>de</strong>x, sousl'orthographeanglaiseMahooshouda.10.Hiller,Hierophyton;B.osenmûller,Bibl.Alterllaum,vol. 4.11.De Charencey,Actes<strong>de</strong> la Sociétéphilologique,1ermars 1869.


82 PLANTES CULTIVÉESPOURLEURS PARTIES SOUTERRAINES1- C,d..ln T,negrec paraît avoir été Scorodon, en grec mo<strong>de</strong>rne ~~coruon.Lesnoms chez les Slaves d'Illyrie sont Bili, Cesan. Les Bretonsdisent Quinen1. Les Gallois Craf, Cenhinen ou Garlleg, d'oùle Garlic <strong>de</strong>s Anglais. L'Allixcm <strong>de</strong>s Latins a 'passé dans leslangues d'originelatine 2. Cette gran<strong>de</strong> diversité <strong>de</strong> nomsfaitprésumer une ancienne connaissance <strong>de</strong> la planteet mêmeune ancienne culture dans l'Asie occi<strong>de</strong>ntale et en Europe.D'un autre côté, si l'espèce n'avait existé que dans le pays<strong>de</strong>s Kirghis, où on la trouve maintenant, les Aryas auraient pula cultiver et l'avoir transportée dans l'In<strong>de</strong> et en Europe; maisalors pourquoi tant <strong>de</strong> noms celtiques, slaves, grecs, latins, différentsdu sanscrit? Pour expliquer cette diversité, il faudrait supposerune extension <strong>de</strong> la patrie primitive vers l'ouest <strong>de</strong> l'habitationconnue aujourd'hui,extension qui aurait été antérieureaux migrations <strong>de</strong>s Aryas.Si legenre Allium était une fois, dans sa totalité, l'objet d'untravail aussi sérieux que celui <strong>de</strong> J. Gaysur quelques-unes<strong>de</strong> sesespèces 1, on trouverait peut-être que certaines formes spontanéesen Europe, comprises par les auteurs dans les A. arenariumL., ou A. arenarium Sm., ou A. Scorodoprasum L.,ne sontque <strong>de</strong>s v ariétés <strong>de</strong> l'A. sativum. Alors tout concor<strong>de</strong>rait lespeuples les plus anciens d'Europeet <strong>de</strong> l'Asie occi<strong>de</strong>ntale auraientcultivé l'espèce telle qu'ils la trouvaient <strong>de</strong>puis la Tartariejusqu'en Espagne, en lui donnant <strong>de</strong>s noms plus ou moins différents.Oignon. Allium Cepa,Linné.".“ -tJe dirai d'abord ce qu'on savait en 1855 J'ajouterai ensuite<strong>de</strong>s observations botaniques récentes quiconfirment ce qu'onpouvait présumer d'après les données linguistiques.L'Oignon est une <strong>de</strong>s espèces le plus anciennement <strong>cultivées</strong>.Son habitation primitiveest inconnue, d'après Kunth =. Voyonss'il est possible<strong>de</strong> la découvrir. Les Grecs mo<strong>de</strong>rnes appellentKrommudi l'Allium Cepa, qu'ilscultivent beaucoup «.G estunebonne raison pour croire que le Kronimuon <strong>de</strong> Théophraste estla même espèce,comme les auteurs du xyi° siècle le pensaientt. Davies, Welsh botanology.2. Çouf^noms^Sff se trouvent dans mon dictionnaire compilépar MoStzrd'apràs les liores. J'aurais pu en citer un plus grand nombreet mentionner <strong>de</strong>s étymologies probables d'après les philologues, parexemple d'après l'ouvrage <strong>de</strong> Hehn, Kulturpflanzen aus Asien, p. 171 etsuivantes; mais ce n'est pas nécessaire pour indiquer le fait d'originesgéographiques multiples et <strong>de</strong> la culture ancienne en divers pays.S. Annotes<strong>de</strong>ssc. nat., 3« série, vol. 8.4. A. <strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>, Géogr. bot. raisonnée, 2, p. 82S.5. Kunth, Enum., 4, p. 394.16. Faas, Syn. fl. class., p. 291.7. Theopnrastes, Hist., 1. 7, c. 4.


OIGNON 83déjà 1.Pline 2 traduisait ce mot par Ccepa. Les anciens en connaissaientplusieurs variétés, qu'ils distinguaient par <strong>de</strong>s noms <strong>de</strong>pays Cyprium, Gretense, Samothraciae, etc. On en cultivait uneen Egypte 3, si excellente qu'elle recevait <strong>de</strong>s hommages,comme une divinité, au grand amusement <strong>de</strong>s Romains 4.LesEgyptiens mo<strong>de</strong>rnes désignent l'A. Cepa sous le nom <strong>de</strong> Basal ¡ou Bussul 6, d'où il est probable que le Betsalim ou Bezalim <strong>de</strong>sHébreux est bien la même espèce, comme le disent les commentateurs7.Il y a <strong>de</strong>s noms sanscrits tout à fait différents Palandu,Latarka, Sukandaka 8, et une foule <strong>de</strong> noms indiens mo<strong>de</strong>rnes.L'espèce est généralement cultivée dans l'In<strong>de</strong>, en Cochinchine,en Chine 9, et même au Japon 10. Les anciens Egyptiens en faisaientune gran<strong>de</strong> consommation. Les <strong>de</strong>ssins <strong>de</strong> leurs monumentsmontrent souvent cette espèce Ainsi la culture remontedans l'Asie méridionale et dans la région orientale <strong>de</strong> la merMéditerranée à une époque partout très reculée. En outre, lesnoms chinois, sanscrits, hébreux, grecs et latins n'ont pas <strong>de</strong>connexité apparente. De ce <strong>de</strong>rnier fait, on peut déduire l'hypothèseque la culture aurait été imaginée après la séparation<strong>de</strong>s peuples indo-européens, l'espèce se trouvant à portée dansdivers pays à la fois. Ce n'est pourtant pas l'état actuel <strong>de</strong>schoses, car on trouve à peine <strong>de</strong>s indices vagues <strong>de</strong> la qualitéspontanée <strong>de</strong> l'A. Cepa. Je n'en ait point découvert dans lesflores européennes ou du Caucase; mais 12 Hasselquist a dit « IIcroît dans les plaines près <strong>de</strong> la mer, aux environs <strong>de</strong> Jéricho. »Le docteur Wallich a mentionné dans sa Liste <strong>de</strong> <strong>plantes</strong> indiennes,n° S072, <strong>de</strong>s échantillons qu'il a vus dans <strong>de</strong>s localités duBengale, sans dire qu'ils fussent cultivés. Cette indication, quoiquepeu suffisante, l'ancienneté <strong>de</strong>s noms sanscrits et hébreuxet les communications qu'on sait avoir existé entre les peuples<strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> et les Egyptiens me font présumer que l'habitationétait vaste dans l'Asie occi<strong>de</strong>ntale, s'étendant peut-être <strong>de</strong> laPalestine à l'In<strong>de</strong>. Des espèces voisines, prises quelquefois pourle Cepa, existent en Sibérie izOn connaît mieux maintenant les échantillons recueillis parles botanistes anglo-indiens dont Wallich avait donné une pre-1.J. Bauhin,Hist.,2, p. 548.2. Pline,Hist.,1. i9, c. 6.3. Pline, 1.c.4. Juvenalis,Sat., 15.5.Forskal,p. 65.6. Ainslies,Mat.med.Ind., i, p. 269.7. Hiller,Hieroph.,2, p. 36;Rosemnûlle.r,Handb.bibl.Alterk.,4, p. 96.8. Piddington,In<strong>de</strong>x; Ainslies,l. c.9. Roxburgh,FI. ind., 2; Loureiro,FI. nochinch.,p. 249.10.Thunberg,Fl. jap., p. 132.il. Unger,Pflanzend. Alt. Mgypt, p. 42,fig. 22,23, 24.12. Hasselquist,Foy.and trav., p. 279.13.Le<strong>de</strong>bour,F1.ross.,4, p. 169.


PLANTESCULTIVÉESPOUR LEURS PARTIES SOUTERRAINESmière notion. Stokes a découvert 1 Atlaumt,e~ maigene aansle Belouehistan. Il dit « Sauvage sur le Chehil Tun. Griffith l'arapporté <strong>de</strong> l'Afghanistan et Thomson <strong>de</strong> Lahore, sans parlerd'autres collecteurs qui ne se sont pas expliqués sur la naturespontanéeou cultivée1. M. Boissier possè<strong>de</strong> un échantillon spontanérecueilli dans les régions montueuses du Khorassan. Lesombelles sont plus petites que dans la plante cultivée, mais d'ailleursil n'y a pas <strong>de</strong> différence. Le Dr Regel fils l'a trouvé ausud <strong>de</strong> Kuldscha, Turkestan occi<strong>de</strong>ntal2. Ainsi mes conjecture.,d'autrefois sont tout à fait justifiées; et il n'est pas improbableque l'habitation s'éten<strong>de</strong> jusqu'en Palestine, comme le disaitHasselquist.L'Oignon est désigné en Chine par un caractère unique (orthographiéTsimg), ce qui peut faire présumer une ancienneexistence à titre <strong>de</strong> plante indigène 3. Je doute cependant beaucoupque l'habitation s'éten<strong>de</strong> aussi loin vers l'est.Humboldt dit que les Américains connaissaient <strong>de</strong> tout tempsles oignons, en mexicain Xonacatl. « Cortès, dit-il en parlant <strong>de</strong>scomestibles qui se vendaient sur le marché <strong>de</strong> l'ancien Tenochtitlan,cite <strong>de</strong>s oignons, <strong>de</strong>s poireaux et <strong>de</strong> l'ail. » Je ne puiscroire cependant que ces divers noms s'appliquent à nos espèces<strong>cultivées</strong> en Europe. Sloane, dans le xvir siècle, n avait vuqu'un seulAllium cultivé à la Jamaïque(A. Cepa), et ceiait dansun jardin, avec d'autres légumes d'Europe 5. Le mot Xonacatln'est pas dans Hernan<strong>de</strong>z, et J. Acosta 6 dit expressément queles Oignons et les Aulx du Pérou sont originaires d'Europe. Lesespèces du genre Allium sont rares en Amérique.Ciboule commune. Allium fistulosum, Linné.Pendant longtemps, cette espèce a été mentionnée dans lesflores et les ouvrages d'horticulture comme étant d'une origineinconnue; mais les botanistes russes l'ont trouvée sauvage enSibérie, vers les monts Altaï, du pays <strong>de</strong>s Kirghis au lacBa~ical7.Les anciens ne la connaissaient pas 8. Elle doit être arrivéeen Europe par la Russie, dans le moyen âge ou peu après. Unauteur du xvi8 siècle, Dodoens 9, en a donné une figure, peureconnaissable, sous le nom <strong>de</strong> Cepa oblonga.1 Aitchison,Acatalogueof theplants of Punjab and Sindh,in-8. 1869,p. 19 Baker,dans Journal of bot.,1874,p. 295.2.III. hortic, 1877,p. 167.3. Bretschnei<strong>de</strong>rȘticdijandvalue,etc., p. 47et 7.4. De Humboldt,Nouv.-Esp.,2eédit., 2, p. 476.8~Sloane,~M.,l,p.7S.“ ,.RR6.Acosta, Hist.nat. <strong>de</strong>sIn<strong>de</strong>s,trad. franç.,p. 165.7. Le<strong>de</strong>bour,FloraTossica,4, p. 169.8. Lenz,Botanik<strong>de</strong>r alt GriechenundRamier,p. 29o.9.Dodoens,Pempta<strong>de</strong>s,p. 687.


ÉCniLOTE 55Echaiote. – Allium Ascalonkum, Linné.On croyait, sur le dire <strong>de</strong> Pline 1,que le nom était tiré <strong>de</strong> laville d'Ascalon, en Judée mais M. le Dr E. Fournier 2 pensequel'auteur latin s'est trompé sur le sens du mot Askalônion <strong>de</strong>Théophraste. Quoi qu'il en soit, ce nom s'est conservé dans noslangues mo<strong>de</strong>rnes sous la forme d'Echalote en français, Chaloteen espagnol, Scalogno en italien, Aschaluch ou Esclalauch enallemand, etc.En 1855,j'avais parlé <strong>de</strong> cette espèce <strong>de</strong> la manière suivante 3:« D'après Roxburgh 4, on cultive beaucoup Y Allium Ascatonicumdans l'In<strong>de</strong>. On lui attribue le nom sanscrit <strong>de</strong> Pidandoo(prononcez Poulandou), mot presque i<strong>de</strong>ntique avec Palandu,attribué à V Allium Cepa s. Evi<strong>de</strong>mment la distinction entre ces<strong>de</strong>v.x espèces n'est pas claire dans les ouvrages indiens ou angloindiens.« Loureiro dit avoir vu V AlliumAscalomcum cultivé en Cochinchine°, mais il ne cite pas la Chine, et Thunberg n'indiquepas cette espèce au Japon. Ainsi, vers la région, orientale <strong>de</strong>l'Asie, la culture n'est pas générale. Ce fait et le doute sur lenom sanscrit me font croire qu'elle n'est pas ancienne dansl'Asie méridionale. Malgré le nom <strong>de</strong> l'espèce, je ne suis paspersuadé qu'elle existât non plus dans l'Asie occi<strong>de</strong>ntale. Rauwolf,Forskal et Delile ne l'indiquent pas en Sibérie, en Arabieet en Egypte. Linné 7 cite Hasselquist comme ayant trouvé l'espèceen Palestine. Malheureusement il ne donne pas <strong>de</strong> détailssur la localité ni sur la condition <strong>de</strong> spontanéité. Dans lesVoyages <strong>de</strong> Hasselquist s, je vois un Cepa montana croissant aumont Thabor et sur une montagne voisine; mais rien ne prouveque ce soit l'espèce. Dans son article sur les Oignons et Aulx<strong>de</strong>s Hébreux (p. 290), il ne mentionne que Y Allium Cepa, puisles Porrum et sativum. Sibthorp ne l'a pas trouvé en Grèce 9, etFraas ne l'indique pas comme cultivé actuellement dans cepays D'après Koch il s'est naturalisé dans les vignes près<strong>de</strong> Fiume. Toutefois M. <strong>de</strong> Visiani u n'en parle que comme cultivéen Dalmatie.« D'après l'ensemble <strong>de</strong>s faits, je suis amené à l'idée quel Al-1. Pline, Hist.,1. 19,e. 6.2. Il doit en parler dans une publication intitule? C>aria, qui vaparaître.3. Géographiebot. aisonnée,p. 829.4. Roxbnrgh,Fl. ind., éd. 1832,vol.2. p. 142.5. Piddington, In<strong>de</strong>x.6. Loureiro,Fl. cochinch.,p. 251.7. Linné,Species,p. 429.8. Hasselquist,Voyạnd trou., 1766,p. 2S1,282»9. Sibthorp, Prodr.10.Fraas,Syn.fl. class.,p. 291.11.Koch,Synops.fl. Germ.,2=éd., p. 833.12.Visiani,Flora dalinat.,p. 138.


56 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS PARTIES SOUTERRAINESlium Asealonicum n'est pas une espèce. Il suffit, pour concevoir<strong>de</strong>s doutes sur son existence primitive, <strong>de</strong> voir que 10 Théophrasteet les anciens, en général, en ont parlé comme d'un état<strong>de</strong>Y Allium Cepa, ayant même importance que les variétés <strong>cultivées</strong>en Grèce, en Thrace et ailleurs; 2° on ne peut pas prouverqu'il existe à l'état sauvage 3» on le cultive peu ou pointdans les pays où l'on présume qu'il a pris naissance, comme laSyrie, l'Egypte, la Grèce; 4°il est ordinairement sans fleurs, d'oùvenait le nom <strong>de</strong> Cepa sterilis, donné par C. Bauhin, et la multiplicité<strong>de</strong>s caïeux se lie tout naturellement à ce fait; S0 lorsqu'ilfleurit, les organes <strong>de</strong> la fleur sont semblables à ceux du Cepa,ou du moins on n'a pas découvert <strong>de</strong> différence jusqu'à présent,et, d'après Koch1, la seule différence est d'avoir la hampeet les feuilles moins renflées, quoique fistuleuses. »Telle étaitmon opinion 2. Les faits publiés <strong>de</strong>puis 18S5 ne détruisentpas mes doutes. Ils les justifient au contraire. M. Regel,en 1875, dans sa monographie <strong>de</strong>s Allium, déclare qu'il a vul'échalote seulement à l'état cultivé. Aucher Eloy a distribuéune plante <strong>de</strong> l'Asie Mineure sous le nom i'A. Ascalonicum(n° 2012), mais d'après mon échantillon ce n'est certainementpas cette espèce. M. Boissier me donne l'information qu'il n'ajamais vu l'A. Ascalonicum en Orient et n'en a pas dans sonherbier. La plante <strong>de</strong> Morée portant ce nom dans la flore <strong>de</strong>Bory et Chaubard est une espèce toute différente, nommée parlui A. gomphrenoi<strong>de</strong>s. M. Baker 3 dans sa revue <strong>de</strong>s Allium <strong>de</strong>sIn<strong>de</strong>s, <strong>de</strong> la Chine et du Japon, citel'^i. Ascalonicum dans <strong>de</strong>slocalités du Bengale et du Punjab, d'après <strong>de</strong>s échantillons <strong>de</strong>Griffith et d'Aitchison; mais il ajoute « Probablement ce sont<strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> <strong>cultivées</strong>. » II rapporte à l'Ascalonicum Y AlliumSulvia Ham., du Népaul, plante peu connue et dont la qualité<strong>de</strong> spontanée est incertaine. L'échalote produit beaucoup <strong>de</strong>caïeux qui peuvent se propager ou se conserver dans le voisinage<strong>de</strong>s cultures et induire en erreur sur l'origine.En définitive, malgré le progrès <strong>de</strong>s investigations botaniquesen Orient et dans l'In<strong>de</strong>, cette forme d'Allium n'a pas ététrouvéesauvage d'une manière certaine. Elle me paraît doncplus que jamais une modification du Cepa, survenue à peu prèsau commencement <strong>de</strong> l'ère chrétienne, modification moins considérableque beaucoup <strong>de</strong> celles qu'on a constatées pour d'autres<strong>plantes</strong> <strong>cultivées</strong>, par exemple dans les choux.Rocambole. Allium Scorodoprasum, Linné.Si l'on jette les yeux sur les <strong>de</strong>scriptions et la synonymie <strong>de</strong>:VA. Scorodoprasum dans les ouvrages <strong>de</strong> botanique <strong>de</strong>puis Linné.1. Koch.Synops.fl. Germ.2. A.<strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>,Géogrḅot.raisonnêe,p. 829.3. Baker,dansJourn.ofboi., 1874,p. 295.,


CIBOULETTE 57_t_ -1-1jusqu'à nos jours, on verra que le seul point sur lequel s'accor<strong>de</strong>ntles auteurs est le nom vulgaire <strong>de</strong> Rocambole. Quant auxcaractères distinctifs, tantôt ils rapprochent et tantôt ils éloignentla plante <strong>de</strong> l'Allium sativum. Avec <strong>de</strong>s définitions aussidifférentes, il est très difficile <strong>de</strong> savoir dans quel pays se trouve,à l'état sauvage, la plante bien connue cultivée sous le nom <strong>de</strong>Rocambole. D'après MM. Cosson et Germain, elle croît aux environs<strong>de</strong> Paris 1. D'après Grenier et Godron 2, la même formecroît dans l'est <strong>de</strong> la France. M. Burnat dit avoir trouvé l'espècebien spontanée dans les Alpes-Maritimes. Il en a donné <strong>de</strong>séchantillons à M. Boissier. MM. Willkomm et Lange ne la regar<strong>de</strong>ntpas comme spontanée en Espagne 3, quoique l'un <strong>de</strong>snoms français <strong>de</strong> la plante cultivée soit Ail ou Echalote d'Espagne.Beaucoup d'autres localités européennes me paraissentdouteuses, vu l'incertitu<strong>de</strong> sur les caractères spécifiques. Je notecependant que, d'après Le<strong>de</strong>bour 4, la plante qu'il nomme A.Scorodoprasum est très commune en Russie, <strong>de</strong>puis la Finlan<strong>de</strong>jusqu'en Crimée. M. Boissier en a reçu un échantillon <strong>de</strong> la Dobrutscha,communiqué par le botaniste Sintenis. L'habitationnaturelle <strong>de</strong> l'espèce viendrait donc toucher à celle <strong>de</strong> l'Alliumsativum, ou bien une étu<strong>de</strong> attentive <strong>de</strong> toutes les formesprouvera qu'une seule espèce, comprenant plusieurs variétés,s'étend sur une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> l'Europe et <strong>de</strong> ses confins enAsie.La culture <strong>de</strong> la Rocambole ne paraît pas très ancienne. Iln'en est pas question dans les ouvrages sur la Grèce et Rome, nidans l'énumération <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> recommandées par Charlemagneaux intendants <strong>de</strong> ses jardins B.Olivier <strong>de</strong> Serres n'en parle pasnon plus. On ne peut citer qu'un petit nombre <strong>de</strong> noms vulgaires,originaux, chez <strong>de</strong>s peuples anciens. Les plus distincts sont dansle nord Skovlog en Danemark, Keipe et Rackenboll en Suè<strong>de</strong> 6.Rockenbolle, d'où vient le nom français, est allemand. Il n'a paslesens qui lui est attribué par Littré. Son étymologie est Bolle,oignon, croissant parmi les rochers, RockenT.Ciboulette, Civette. Allium Schœnoprasum, Linné.L'habitation <strong>de</strong> cette espèce est très étendue dans l'hémisphèreboréal. On l'indique dans toute l'Europe, <strong>de</strong> la Corse oula Grèce jusqu'à la Suè<strong>de</strong> méridionale; en Sibérie jusqu'auKamtschatka, et aussi dans l'Amérique septentrionale, mais seui.Cossonet Germain,Flore, 2, p. 553.2. Grenieret Godron,Flore <strong>de</strong>France,3, p. 197.3. Willkommet Lange, Prodr. fl. hisp.,1,p. 885.4. Le<strong>de</strong>bour,Florarossica,4, p. 163.5.Le Grand d'Aussy, Histoire<strong>de</strong>la vie<strong>de</strong>sFrançais,vol.i. p. 122.6. Nemnich,Polyglott. Lexicon,p. 187.7. Nemnich,l. c.


58 PLANTESCULTIVÉES POUR LEURS PARTIES SOUTERRAINESlement près <strong>de</strong>s lacs Huron, Supérieur et plus au nord circonstanceassez singulière, comparée à l'habitation européenne.La forme qui se trouve dans les Alpes est la plus rapprochée <strong>de</strong>celle qu'on cultive 2. “Les anciens <strong>de</strong>vaient certainement connaître l'espèce, puisqu'elleest sauvage en Italie et en Grèce. Targioni croit que c'estfe Scorodon ScMston <strong>de</strong> Théophraste, mais il s'agit <strong>de</strong> motssans <strong>de</strong>scriptions, et les auteurs spéciaux dans l'interprétation<strong>de</strong>s textes grecs, comme Fraas et Lenz, ont la pru<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> nerien affirmer. Si les noms anciens sont douteux, le fait <strong>de</strong> laculture à cette époque l'est encore plus. Il est possible qu'on eûtl'habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> récolter la plante dans la campagne.Colocase. Arum esculentum, Linné. Colocasia antiquor·um,Schott 3. iOn cultive cette espèce, dans les localités humi<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la plupart<strong>de</strong>s pays intertropicaux, à cause du renflement <strong>de</strong> la partieinférieure <strong>de</strong> la tige, qui forme un rhizome comestible, analogueà la partie souterraine <strong>de</strong>s Iris. Les pétioles et les jeunes feuillessont utilisés accessoirement comme légume.Depuis que les différentes formes <strong>de</strong> l'espèce ont été bienclassées et qu'on possè<strong>de</strong> <strong>de</strong>s documents plus certains sur lesflores du midi <strong>de</strong> l'Asie, on ne peut plus douter que cette plantene soit spontanée dans l'In<strong>de</strong>, comme le disait jadis Roxburgh 4,et plus récemment Wight s, et autres à Geylan 6, à Sumatra 7et dans plusieurs îles <strong>de</strong> l'archipel indien s.Les livres chinois n'en font aucune mention avant un ouvrage<strong>de</strong> l'an 100 <strong>de</strong> notre ère 9. Les premiers navigateurseuropéens l'ont vue cultivée au Japon et jusqu'au nord <strong>de</strong> laNouvelle-Zélan<strong>de</strong> 10 par suite probablement d'introductionsanciennes sans coexistence certaine avec <strong>de</strong>s pieds sauvages.Lorsqu'on jette <strong>de</strong>s fragments <strong>de</strong> la tige ou du tubercule ilsse naturalisent aisément au bord <strong>de</strong>s cours d'eau. C'est peutêtrece qui est arrivé aux îles Fidji et au Japon, d'après leslocalités indiquées par les auteurs u. On cultive la Colocase çà1. AsaGray,Botanyofnorthern States,éd. 5,p. 534,,2.De <strong>Candolle</strong>,Florefrançaise,4,p. 227. 5.7. MiqueljSumatra,p. 258.8. Rumphius,Amboin.,vol. 5, p. 318.. ,n9.BretsctaiHfiw.Onthestudyand valueof chinese botanKal idop!:s,p. 12.10.Forster,Plaids escul.,p. 5S. T, no,11.Franchetet Savatier,Enum.,p. 8; Seemann,Flora Vitiensis,p. 284.


COLOCASE 89et là aux Antilles et ailleurs dans l'Amérique tropicale, maisbeaucoup moins qu'en Asie ou en Afrique, et sans la moindreindication d'une origine américaine.Dans les pays où l'espèce est spontanée, il y a <strong>de</strong>s noms vulgaires,quelquefois très anciens, qui diffèrent complètement lesuns <strong>de</strong>s autres, ce qui confirme une origine locale. Ainsi lenom sanscrit est Kuchoo (prononcez Koutschou), qui subsistedans les langues mo<strong>de</strong>rnes <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, par exemple dans lebengali1. A Ceylan, la plante sauvage se nomme Gahala, laplante cultivée Kandalla Les noms malais sont Kelady 3Tallus, l'allas, Tales ou Talaes 4, duquel vient peut-être le nomsi connu <strong>de</strong>s 0-taïtiens et Novo-Zélandais <strong>de</strong> Tallo ou Tarro s,aux îles Fidji Dalo 6.Les Japonais ont un nom tout à fait distinct,Imo 7, qui montre une existence très ancienne, soit originellesoit <strong>de</strong> culture.Les botanistes européens ont connu la Colocase d'abord parl'Egypte, où elle est cultivée <strong>de</strong>puis un temps qui n'est peut-êtrepas très reculé. Les monuments <strong>de</strong>s anciens Egyptiens n'enont fourni aucun indice, mais Pline 8 en a parlé sous le nomA'Arwn JEgyptium* Prosper Alpin l'avait vue dans le xvie siècleet en parle longuement °. Il dit que le nom dans le pays estCulcas, qu'il faut prononcer Coulcas, et que Delile10a écrit Qolkaset Koulkas. On aperçoit dans ce nom arabe <strong>de</strong>s Egyptiensquelque analogie avec le sanscrit Koutsehou,, ce qui appuiel'hypothèse, assez probable, d'une introduction <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> ou <strong>de</strong>Ceylan. De L'Ecluse avait vu la plante cultivée en Portugal,comme venant d'Afrique, sous le nom Alcoleaz. évi<strong>de</strong>mmentd'origine arabe. Dans quelques localités du midi <strong>de</strong> l'Italie oùl'espèce a été naturalisée, elle se nomme Aro di Egitto, selonParlatore la.Le nom Colocasia donné par les Grecs à une plante dont laracine était employée par les Egyptiens peut venir évi<strong>de</strong>mment<strong>de</strong> Colcas, mais par transposition à une autre plante que le vraiColcas. En effet, Dioscori<strong>de</strong> l'applique à la Fève d'Egypte ouNelumbium I3, qui a une grosse racine ou plutôt un rhizome,dans le sens botanique, assez filandreux et mauvais à manger.i. Roxburgh, l. c.2. Thwaites,l. c.3. Rumphius,l. c.4. MiquelȘumatra, p. 23S Hasskarl,Catal.liarti Logorạller, p. L'S.5. Forster, l. c.6. Seemann,Z.c.7. Franchetet Savatier,l. c.8. Pline,Hist.,1.19,c. o.9. Alpinus, Hist. Mgypt.naluralis,ed. 2, vol. 1, p. 1G6 2, p. if2.10.Delile,Flora Egygt.HL,p. 28.Dela Colocase<strong>de</strong>sanciens,br.in-S,ISiG.11.Clusius,Historia,2,p. 75.12.Parlatore,FI.ital., 2,p. 255.13.ProsperAlpinus, l. c; Columna;DelileAnn.duMus.,1,p. £l$,Delaolocase<strong>de</strong>sanciens Reynier,Economie<strong>de</strong>sEg?jplietis, p. 321.


60 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS PARTIES SOUTERRAINESLes <strong>de</strong>ux <strong>plantes</strong> sont très différentes, surtout par la fleur.L'une est une Aracée, l'autre une Nymphéacée; l'une est <strong>de</strong> laclasse <strong>de</strong>s Monocotylédones l'autre <strong>de</strong>s Dicotylédones. LeNelumbium, originaire <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, a cessé <strong>de</strong> vivre en Egypte, tandisque la Colocase <strong>de</strong>s botanistes mo<strong>de</strong>rnes s'est conservée. S'il y aeu confusion chez les auteurs grecs, comme cela paratt probable,il faut l'expliquer par le fait que le Colcas fleurit rarement, dumoins en Egypte. Au point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> la nomenclature botaniqueil importe peu qu'on se soit trompé jadis sur les <strong>plantes</strong>qui <strong>de</strong>vaient s'appeler Colocase. Heureusement, les noms scientifiquesmo<strong>de</strong>rnes ne s'appuient pas sur les définitions douteuses<strong>de</strong>s anciens, et il suffit <strong>de</strong> dire aujourd'hui, si l'on tient auxétymologies, que Colocasia vient <strong>de</strong> Colcas, à la suite d'uneerreur.Alocase à gran<strong>de</strong> racine. Alocasia macrorrhiza Schott.Arum maerorrhizum, Linné (FI. Zeyl., 327).Cette Aracée, que Schott rapportait tantôt au genre Colocasiaet tantôt à l'Alocasia, et dont la synonymie est bien plus compliquéequ'il ne semble d'après les noms indiqués ci-<strong>de</strong>ssus1, estcultivée moins souvent que la Colocase ordinaire, mais <strong>de</strong> lamême façon et à peu près dans les mêmes pays. Ses rhizomesatteignent la longueur d'un bras. Ils ont une saveur âcre bienprononcée, qu'il est indispensable <strong>de</strong> faire disparaître au moyen<strong>de</strong> la cuisson. j. »i jLes indigènes d'0-Taïti la nomment Apé et ceux <strong>de</strong>s îles <strong>de</strong>sAmis Kappe 2.A Ceylan, le nom vulgaire est Rabara, d'aprèsThwaites Elle a d'autres noms dans l'archipel indien, ce quifait présumer une existence plus ancienne que les peuplesactuels <strong>de</strong> ces régions. ~nLa plante paraît sauvage surtout dans l'île dO-faiti 4. Ellel'est aussi à Ceylan, d'après M. Thwaites, qui a herborisé longtempsdans cette île. On t'indique encore dans lln<strong>de</strong> et mêmeen Australie s, mais sans affirmer la qualité <strong>de</strong> plante sauvage,toujours difficile à établir pour une espèce cultivée au bord <strong>de</strong>sruisseaux et qui se propage par caïeux. En outre, elle est quelquefoisconfondue avec le Colocasia indica Kunth, qui végète <strong>de</strong>la même manière, qu'on trouve çà et là dans les cultures, et quise voit, spontanée ou naturalisée, dans les fossés ou les ruisseaux<strong>de</strong> l'Asie méridionale, sans que son histoire soit encorebien connue.1. VoirEngler, dansnos MonographiePhanerogarum,2, p. E(U.2. Forster,Deplantis esculentis insidarumOceamauslrans,p. 58.3. Thwaites,Enumṗlant. Zeyl., 336.4. Na<strong>de</strong>aud,Enum.<strong>de</strong>s<strong>plantes</strong>indigènes,p. 40.5. Engler,l. c.6.Bentham,Flora austrcu.,8,p. 155.


IGNAMES 61Konjak. – Amorphophallus Konjak, C. Koch. AmorphophallusMivieri, du Rieu, var. Konjak, EnglerLe Konjak, cultivé en grand par les Japonais, et sur lequelle Dr Vidal a donné <strong>de</strong>s détails agricoles très complets dans leBulletin <strong>de</strong> la Société d'acclimatation <strong>de</strong> juillet 1877, est uneplante bulbeuse <strong>de</strong> la famille <strong>de</strong>s Aracées. Elle est considérée parM. Engler comme une variété <strong>de</strong> l'Amorphophallus Rivieri, <strong>de</strong>Cochinchine, dont les journaux d'horticulture ont donné plusieursfigures <strong>de</strong>puis quelques années s. On peut la cultiver dans lemidi <strong>de</strong> l'Europe, à la manière <strong>de</strong>s Dahlias, comme une sorte <strong>de</strong>curiosité; mais, pour apprécier la valeur comestible <strong>de</strong>s bulbes,il faudrait leur faire subir la préparation au lait <strong>de</strong> chaux, usitéepar les Japonais, et s'assurer du produit en fécule pour unesurface donnée.M. Vidal n'a pas <strong>de</strong> preuve que la plante du Japon soit sauvagedans le pays. Il le suppose d'après le sens du nom vulgaire,qui est, dit-il, Konniyakou ou Yamagonniyakou, Yanza signifiantmontagne. MM. Franchet et Savatier 6 n'ont vu la planteque dans les jardins. La forme cochinchinoise, qu'on croit <strong>de</strong> lamême espèce, est venue par les jardins, sans qu'on puisse affirmerqu'elle soit sauvage dans le pays.Ignames. Dioscorea sativa, D. Batatas, D. japonica etD. alata.Les Ignames, <strong>plantes</strong> monocotylédones, <strong>de</strong> la famille <strong>de</strong>sDioscorées, constituent le genre Dioscorea, dont les botanistesont décrit à peu près <strong>de</strong>ux cents espèces, répandues dans tous lespays intertropicaux ou subtropicaux. Elles ont ordinairement<strong>de</strong>s rhizomes, c'est-à-dire <strong>de</strong>s tiges ou ramifications <strong>de</strong> tiges souterraines,plus ou moins charnues, qui grossissent quand lapartie aérienne et annuelle <strong>de</strong> la plante est près <strong>de</strong> finir 4. Plusieursespèces sont <strong>cultivées</strong> en divers pays pour ces rhizomesfarineux, qu'on mange cuits, comme les pommes <strong>de</strong> terre.La distinction botanique <strong>de</strong>s espèces a toujours offert <strong>de</strong>s difficultés,parce que les fleurs mâles et femelles sont sur <strong>de</strong>s individusdifférents et que les caractères à tirer <strong>de</strong>s rhizomes et dubas <strong>de</strong>s tiges aériennes ne se voient pas dans les herbiers. Le<strong>de</strong>rnier travail d'ensemble est celui <strong>de</strong>Kunth 5,qui date <strong>de</strong> 1850.Il <strong>de</strong>vrait être revu, à cause <strong>de</strong>s nombreux échantillons rapportéspar les voyageurs <strong>de</strong>puis quelques années. Heureusement, lorsi.Engler, dans DC. Monogr. Phaner., vol. 2, p. 313.2. Gar<strong>de</strong>ner's Chronicle, 1873, p. 610 Flore <strong>de</strong>s serres et jardins, t. 1951959 Hooker, Bot. mag., t. 6195.3. Franchet et Savatier, Enum. plant. Japomse, 2, p. 7.4. M. Sagot, Bull. <strong>de</strong> la Soc. bot. <strong>de</strong> France, 1871, p 306, a très biendécrit la manière <strong>de</strong> végéter et la culture <strong>de</strong>s ignames, telle qu'il les a observéesà Cayenne.5. Kunth, Enumeratio, vol. 5.


62 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS PARTIES SOUTERRAINESqu'il s'agit <strong>de</strong> l'origine <strong>de</strong>s espèces <strong>cultivées</strong>, certaines considérationshistoriques et linguistiques peuvent gui<strong>de</strong>r, sans qu'il soitabsolument besoin <strong>de</strong> connaître et d'apprécier les caractères botaniques<strong>de</strong> chacune.Roxburgh énumère plusieurs Dioscoreas cultivésdans l'In<strong>de</strong>,mais il n'en a trouvé aucun à l'état sauvage, et ni lui ni Piddingtonne citent <strong>de</strong>s noms sanscrits. Ce <strong>de</strong>rnier point fait présumerune culture peu ancienne, ou jadis peu répandue dansl'In<strong>de</strong>, provenant soit d'espèces indigènes encore mal définies,soit d'espèces étrangères <strong>cultivées</strong> ailleurs. Le nom génériquebengali et hindou est Aloo (prononcez Alou), précédé d'un nomspécial pour chaque variété ou espèce, par exemple Kam Aloo,.pour Dioscorea alata. L'absence <strong>de</strong> noms distincts dans chaqueprovince fait encore présumer une culture peu ancienne. A CeylanM. Thwaites 3 indique six espèces spontanées, et il ajoute queles Dioseoiea sativa L., D. aluta L., et D. purpurea Roxb. sontcultivés dans les jardins, mais non sauvages.II Igname <strong>de</strong> Chine, Dioscorea Batatas <strong>de</strong> Decaisne cultivéen grand par les Chinois, sous le nom <strong>de</strong> Sain-In et introduitpar M. <strong>de</strong> Montigny dans les jardins d'Europe, où il reste commeun légume <strong>de</strong> luxe, n'a pas été trouvé sauvage en Chine jusqu'àprésent. D'autres espèces moins connues sont aussi <strong>cultivées</strong>par IesChinois, en particulier le Ckott-Yu, Tou-Tcfiou, Ckan-Yu,mentionné dans leurs anciens ouvrages d'agriculture et qui a<strong>de</strong>s rhizomes sphériques (au lieu <strong>de</strong>s fuseaux pyriformes duD. Batatas). Les noms signifient, d'après Stanislas Julien, Arum<strong>de</strong> montagne, par où l'on peut inférerune plante véritablement dupays. Le Dr Bretschnei<strong>de</strong>r indique trois Dioscoreas commecultivés en Chine (Dioscorea Batatas, alata, sativa), et il ajoutea Le Dioscorea est indigène en Chine, car il est mentionné dans leplus ancien ouvrage <strong>de</strong> matière médicale, celui <strong>de</strong> l'empereurSchen-nung. »Le Dioscorea japonica, Thunberg, cultivé au Japon, a été récoltéaussi dans les taillis <strong>de</strong> localités diverses, sans qu'on sachepositivement, disent MM. Franchet et Savatier °, jusqu'à quelpoint il est indigène ou répandu par un effet <strong>de</strong> la culture. Uneautre espèce, plus souvent cultivée au Japon, se propage çà etlà dans la campagne, d'après les mêmes auteurs. Ils la rapportentau Dioscorea sativa <strong>de</strong> Linné, mais on sait que l'illustreSuédois avait confondu plusieurs espèces asiatiques et américainessous ce nom, qu'il faut ou abandonner, ou restreindre à1. Cesont lesD. globosa,alata, rubella,furpurea,faseieulata, dont<strong>de</strong>uxou troisparaissent<strong>de</strong> simplesvariétés.2. Piddington,In<strong>de</strong>x.3. Thwaites,Enum.plant. Zeylan,p. 326.4. Decaisne,Histoireet culture<strong>de</strong> l'lgnarne<strong>de</strong>Chine,dans Revuehorticole,1erjuillet et déc.1853;Flore <strong>de</strong>sserreset jardinsX, pï. 971.5.Bretschnei<strong>de</strong>r,Study and value ofchinesebotanicalworlcs,p. 12.6. Franchetet Savatier,Enum.plant. ~apon~,2, p.47.


IGNAMES 63l'une <strong>de</strong>s espèces <strong>de</strong> l'Archipel indien. Si l'on adopte ce <strong>de</strong>rnierparti, le vrai D. sativa serait la plante cultivée à Ceylan, dontLinné avait eu connaissance, et que Thwaites nomme effectivementDioseorea sativa, Linné. Divers auteurs admettent l'i<strong>de</strong>ntité<strong>de</strong> la plante <strong>de</strong> Ceylan avec d'autres <strong>cultivées</strong> au Malabar, àSumatra, à Java, aux Philippines, etc. Blume prétend que leD. sativa L., auquel il attribue la planche 51 <strong>de</strong> Rhee<strong>de</strong> (Malabar,vol. 8), croîtdans les lieuxhumi<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s montagnes <strong>de</strong> Javaet du Malabar. Il faudrait, pour ajouter foi à ces assertions, quela question <strong>de</strong> l'espèce eût été étudiée soigneusement, d'après <strong>de</strong>séchantillons authentiques.L'Igname la plus généralement cultivée dans les îles <strong>de</strong> la merPacifique, sous le nom <strong>de</strong> Ubi (prononcez Qubi), est le Dioseoreaalata <strong>de</strong> Linné. Les auteurs <strong>de</strong>s xvue et xviir siècles en parlentcomme étant très répandue à Taïti, à la Nouvelle-Guinée, auxMoluques, etc. a. On en distingue plusieurs variétés, suivant laforme <strong>de</strong>s rhizomes. Personne ne prétend avoir trouvé cetteespèce à l'état sauvage, mais la flore <strong>de</strong>s îles d'où elle est probablementoriginaire, en particulier celle <strong>de</strong>s Célèbes, <strong>de</strong> la Nouvelie-Guinée, etc., est encore peu connue.Transportons-nous en Amérique. Là aussi, plusieurs espèces<strong>de</strong> ce genre croissent spontanément, par exemple au Brésil, dansla Guyane, etc., mais il semble que les formes <strong>cultivées</strong> ont étéplutôt introduites. En effet, les auteurs indiquent peu <strong>de</strong> variétésou espèces <strong>cultivées</strong> (Plumier une, Sloane <strong>de</strong>ux), et peu <strong>de</strong> nomsvulgaires. Le plus répandu est Yam, Igname ou Inhame, quiest d'origine africaine, suivant Hugues, ainsi que la plante cultivée<strong>de</strong> son temps aux Barba<strong>de</strong>s 3.Le mot Yam, d'après lui, signifie manger, dans les idiomes <strong>de</strong>plusieurs <strong>de</strong>s nègres <strong>de</strong> la côte <strong>de</strong> Guinée. Il est vrai que <strong>de</strong>uxvoyageurs plus rapprochés <strong>de</strong> la découverte <strong>de</strong> l'Amérique, citéspar M. <strong>de</strong> Humboldt auraient entendu prononcer le nomd'Igname sur le continent américain Vespucci, en i497, sur lacôte <strong>de</strong> Paria; Cabral, en 1300, au Brésil. D'après celui-ci, lenom s'appliquait à une racine dont on faisait du pain, ce quiconviendrait mieux au Manioc et me fait craindre une erreur,d'autant plus qu'un passage <strong>de</strong> Yespucci, cité ailleurs par M. <strong>de</strong>Humboldt 6, montre la confusion qu'il faisait entre le Manioc etl'Igname. Le D. CEffartiana Lam. croît sauvage au Pérou 6 etau Brésil 7, mais il ne m'est pas prouvé qu'on le cultive. Presl1. Blume,Eman.plant. Javx, p. 22.2. Forster,Plant. esculent.,p. 56; Rumphius,Amboin.,vol. 5, pl. 120,i21, etc.3. Hughes, Hist.nat. Barb.,p. 226et 1750.4. DeHumboldt,NouvĖsp.,28éd., vol. 2, p. 468.5. De Humboldt,ibid., p. 403.6. Hsenke,dansPresl,Rel.,p. 133.7.Martius,Florabrasiliemis, V,p. 43.


64 PLANTES CULTIVÉESPOURLEURS PARTIES SOUTERRAINESdit « verosimiliter colitur », et le Jelora brasiliensis ne parle pas<strong>de</strong> culture.Dans la Guyane française, d'après le IF Sagot 1, on cultivesurtout le Discorea trilaba Lam, appelé Igname indien, qui estrépandu aussi au Brésil et aux Antilles. Le nom vulgaire faitprésumer une origine du pays, tandis qu'une autre espèce, D.Cayennensis Kunth, aussi cultivée à la Guyane, mais sous le nomd'Igname pays-nègre, aurait été plutôt apportée d'Afrique, opiniond'autant plus vraisemblable que sir W. Hooker assimileau D. Cayennensis l'Igname cultivée en Afrique au bord duNun et du Quorra 2. Enfin l'Igname franche <strong>de</strong> la Guyane est.selon M. Sagot, le D. alata, introduit <strong>de</strong> l'archipel malais et <strong>de</strong>l'Océanie.En Afrique, il y a moins <strong>de</strong> Dioscoreas indigènes qu'en Asie ou.en Amérique, et la culture <strong>de</strong>s Ignames est moins répandue. Surla côte occi<strong>de</strong>ntale, on ne cultive qu'une ou <strong>de</strong>ux espèces d'aprèsThonning 3. Lockhard, au Congo, n'en avait vu qu'une et dansun seul endroit Pour l'île Maurice, Bojer 6 énumèra 4 espèces<strong>cultivées</strong>, qu'il dit originaires d'Asie, et une, le D. bulbifera Lam.,qui serait <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, si le nom est exact. ll prétend qu'elle est venue<strong>de</strong> Madagascar et s'est répandue dans les forêts, hors <strong>de</strong>s plantations.A Maurice, elle porte le nom <strong>de</strong> Combare-marron. OrCambare se rapproche assez du nom indien Kam, et marronindique une plante échappée <strong>de</strong>s cultures. Les anciens Egyptiensne cultivaient pas d'Ignames, ce qui fait présumer une culturemoins ancienne dans l'In<strong>de</strong> que celle <strong>de</strong> la Colocase. Forskal etDelile ne mentionnent pas d'Ignames <strong>cultivées</strong> en Egypte à l'époquemo<strong>de</strong>rne.En résumé, plusieurs Dioseoreas sauvages en Asie (surtout dansl'archipel asiatique) et d'autres, moins nombreux, croissant enAmérique et en Afrique, ont été introduits,dans les cultures comme<strong>plantes</strong> alimentaires, à <strong>de</strong>s époques probablement moins reculéesque beaucoup d'autres espèces. Cette <strong>de</strong>rnière conjecture reposesur l'absence <strong>de</strong> nom sanscrit, sur la faible extension géographique<strong>de</strong>s cultures et la date, qui ne paraît pas très ancienne,<strong>de</strong>s habitants <strong>de</strong>s îles <strong>de</strong> la mer Pacifique.Arrow-root. Maranta arundinacea, Linné.Plante <strong>de</strong> la famille <strong>de</strong>s Scitaminées, voisine du genre Canna,dont les drageons souterrains 6 produisent l'excellente féculeappelée arrow-root. On la cultive aux Antilles et dans plusieursautres pays intertropicaux <strong>de</strong> l'Amérique continentale. Elle ai. Sagot,Bull.Soc.bot.France,1871,p. 305.2. Hooker,Floranigrit., p. 53.3. Thonning, Plantx guineenses, p.4. 447.Brown,Congo,p.5.Bojer,Horhismauntianus.49.6. Voirla <strong>de</strong>scription <strong>de</strong> Tussac,Flore <strong>de</strong>s Antilles,i, p. 183.


ARROW-ROOT 65été introduite aussi dans l'ancien mon<strong>de</strong>, par exemple sur lacôte <strong>de</strong> Guinée 4.Le Maranta arundinacea est certainement américain. D'aprèsles indications <strong>de</strong> Sloane 2, il avait été apporté <strong>de</strong> la Dominiqueaux Barba<strong>de</strong>s et <strong>de</strong> là à la Jamaïque, ce qui fait présumer qu'iln'est pas originaire <strong>de</strong>s Antilles. Le <strong>de</strong>rnier auteur qui ait étudiéle genre Maranta, KOrnicke 3, a vu plusieurs échantillons recueillisà la Gua<strong>de</strong>loupe, à Saint-Thomas, au Mexique, dansl'Amérique centrale, à la Guyane et au Brésil; mais il ne s'estpas occupé <strong>de</strong> savoir s'ils venaient <strong>de</strong> <strong>plantes</strong> spontanées, cultivé.esou naturalisées. Les collecteurs ne l'indiquent presquejamais, et l'on manque pour le continent américain, exceptépour les Etats-Unis, <strong>de</strong> flores locales et surtout <strong>de</strong> tlores faitespar <strong>de</strong>s botanistes ayant résidé dans le pays. D'après les ouvragespubliés, je vois l'espèce indiquée comme cultivée 4, ouvenant dans les plantations 6, ou sans aucune explication. Unelocalité du Brésil, dans la province peu habitée <strong>de</strong> Mattogrosso, citée par Kôrnieke, fait présumer l'absence <strong>de</strong> culture.Seemann 6 indique l'espèce dans les endroits exposés au soleilprès <strong>de</strong> Panama.On cultive aussi aux Antilles une espèce, Maranta indica, queTussac dit avoir été apportée <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> orientale. Kornicke luirapporte le M. ramosissima <strong>de</strong> Wallich, trouvé à Sillet, dansl'In<strong>de</strong>, et pense que c'est une variété du M. arundinacea. Surtrente-six espèces plus ou moins connues du genre Maranta, unetrentaine au moins sont d'Amérique. Il est donc assez improbableque <strong>de</strong>ux ou trois autres soient asiatiques. Jusqu'à ce quela Flore <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> anglaise <strong>de</strong> sir J. Hooker soit achevée, ces questionssur les espèces <strong>de</strong> scitaminées et leurs origines seront trèsobscures.Les Anglo-Indiens tirent <strong>de</strong> l'arrow-root d'une autre plante <strong>de</strong>la même famille qui croît dans les forêts du Deccan et au Malabar,le Curcuma angustifolia Roxburgh 7. Je ne sais si on lacultive.1. Hooker,Nigerflora, p. 531.2.Sloane,Jamaïca,1707,vol. 1, p. 234.3. DansBull.Soc.<strong>de</strong>snatur. <strong>de</strong>Moscou,1862,vol. 1, p. 34.4. Aublet, Guyane,1,p. 3.5. Meyer,Flora Essequebo.,p. 11.6. Seemann,BoianyofHerald,p. 213.7. Roxhurgh, Fl. indica, 1, p. 31 Porter, Thetropical agriculturistfp. 241;Ainslies,Materiarzedica,1,p. 19.DE Candoize. 5


CHAPITREIIPLANTES CULTIVÉES POUR LEURS TIGESOU LEURS FEUILLESArticle1. – Légumes.Chou ordinaire. Brassica oleracea, Linné.Le Chou, tel qu'il est figuré dans ÏEnglish botany, t. 637, leFlora Danica, t. 2Q56, et ailleurs, se trouve sur les rochers dubord <strong>de</strong> la mer 1° dans l'île <strong>de</strong> Laland en Danemark, l'îleHeligoland, le midi <strong>de</strong> l'Angleterre et <strong>de</strong> l'Irlan<strong>de</strong>, la Normandie,les îles <strong>de</strong> Jersey et Guernesey et la Charente-Inférieure•; 2° sur la côte septentrionale <strong>de</strong> la Méditerranée,près <strong>de</strong> Nice, Gênes et Lucques 2. Un voyageur du siècle <strong>de</strong>rnier,Sibthorp, disait l'avoir trouvé au mont Athos, mais aucunbotaniste mo<strong>de</strong>rne ne l'a confirmé, et l'espèce paraît étrangèreà la Grèce, aux bords <strong>de</strong> la mer Caspienne, <strong>de</strong> même qu'àla Sibérie, où Pallas disait jadis l'avoir vue, et à la Perse 3.Non seulement les nombreux voyageurs qui ont exploré cespay; ne l'ont pas trouvée, mais les hivers paraissent troprigoureux pour elle dans l'Europe orientale et la Sibérie. Ladistribution sur <strong>de</strong>s points assez isolés, et dans <strong>de</strong>ux régionsdifférentes <strong>de</strong> l'Europe, peut faire soupçonner ou que <strong>de</strong>s piedsen apparence indigènes seraient le résultat, dans plusieurs cas,d'une dissémination provenant <strong>de</strong>s cultures 4, ou que l'espèceaurait été autrefois plus commune et tendrait à disparaître. La1' Fries, Summa,p. 29 Nylan<strong>de</strong>r,Conspectus, p. 46 Bentham,Iiandb.brit. flora, ed. 4 p. 40 Maekay, Fl. Mbern, p. 28; Brebisson,Flore<strong>de</strong>Normandie,éd. 2, p. 18; Babington, 0 Primilùe h. sarnias, 8; Clavaud,Flore <strong>de</strong> la Giron<strong>de</strong>,I, p.G8.2. Bertoloni,Fl. ital., 7, p. 146 Nylan<strong>de</strong>r, l. c.3. Le<strong>de</strong>bour,Fl. ross.; Grisebach,Spicileyium.fl. rumel; Boissier,Fl.or., etc.4. Watson,si attentif aux questions <strong>de</strong> ce genre, doute <strong>de</strong> l'indigénaten Angleterre {Compendiumof tke Cybele,p. 103), mais la plupart <strong>de</strong>sauteurs <strong>de</strong> floresbritanniques l'admettent.


LÉGUMES. CHOU ORDINAIRE 67présence dans les îles <strong>de</strong> l'Europe occi<strong>de</strong>ntale est favorable àcette <strong>de</strong>rnière hypothèse, mais l'absence dans celles <strong>de</strong> la merMéditerranée lui est contraire'.Voyons si les données historiques et linguistiques ajoutentquelque chose aux faits <strong>de</strong> la géographie botanique.Et d'abord c'est en Europe que les variétés innombrables <strong>de</strong>choux se sont formées 2, principalement <strong>de</strong>puis les anciensGrecs. Théophraste en distinguait trois, Pline un nombre double,Tournefort une vingtaine, <strong>de</strong> <strong>Candolle</strong> plus <strong>de</strong> trente. Cen'est pas d'Orient que sont venues ces modifications, nouvelindice d'une ancienne culture en Europe et d'une origine européenne.Les noms vulgaires sont également nombreux dans les langueseuropéennes et rares ou mo<strong>de</strong>rnes dans les asiatiques.Sans répéter une foule <strong>de</strong> noms que j'ai cités autrefois 3,je diraiqu'en Europe ils se rattachent à quatre on cinq racines distincteset anciennesKap ou Kab, dans plusieurs noms celtiques et slaves. Notrenom i'rançais Cabus en dérive. L'origine est évi<strong>de</strong>mment la mêmeque pour Caput, à cause <strong>de</strong> la forme en tête du chou.Caul, Kohl, <strong>de</strong> plusieurs langues latines (Caulis, signifianttige et chou), germaniques (Ckôli en ancien allemand, Kohi enallemand mo<strong>de</strong>rne, Kaal en danois) et celtiques (Cal en irlandais,Kaol et Kolen breton)Bresic Bfesych, Brassic, <strong>de</strong>s 5 langues celtiques et latines(Brassica), d'où probablement Berza et Verza <strong>de</strong>s Espagnols etPortugais, Varza <strong>de</strong>s Roumains 6.Aza, <strong>de</strong>s Basques (Ibères), que M. <strong>de</strong> Charencey 7 regar<strong>de</strong>comme propre à la langue euskarienne, mais qui diffère peu<strong>de</strong>s précé<strong>de</strong>nts.Krambai, Crambe, <strong>de</strong>s Grecs et <strong>de</strong>s Latins.La variété <strong>de</strong>s noms dans les langues celtiques concor<strong>de</strong> avecl'existence <strong>de</strong> l'espèce sur les côtes occi<strong>de</strong>ntales d'Europe. Si lesAryens Celtes avaient apporté la plante d'Asie, ils n'auraientprobablement pas inventé <strong>de</strong>s noms tirés <strong>de</strong> trois sources différentes.Il est aisé d'admettre, au contraire, que les peuplesaryens, voyant le Chou indigène et peut-être employé déjà eni. Les Brassicabalearicaet Br. cretica sont vivaces, presque ligneux,non bisannuels.On s'accor<strong>de</strong>les séparerdu Br. oleracea.2. Auii.Pyr. <strong>de</strong> CandolEea publié, sur les divisionset subdivisionsduBronsicâoleracea,un mémoirespécial(Transactionsof the hortie.Soc.,vol. iî, traduiten allemand,et en français dans la Jîibl. uràv. agricu.lt.,vol.S),qui est souventcité commeun modèledunsce genre.3. Alph.<strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>,Géogr.tôt. raisonné',p. S:J9.4. A


68 PLANTES CULTIVÉES POURLEURS TIGES OU FEUILLESEurope par les Ibères ou les Ligures, ont crée <strong>de</strong>s noms ou sasont servis <strong>de</strong> ceux <strong>de</strong>s peuples plus anciens dans le pays.Les philologues ont rattaché le Iframbai <strong>de</strong>s Grecs au nompersan Karamb, Karam, ifalam, kour<strong>de</strong> Kalam, arménien Gaghamb1; d'autres à une racine <strong>de</strong> la langue mère supposée <strong>de</strong>sAryens, mais ils ne s'accor<strong>de</strong>nt pas sur les détails. Selon Fick !TKarambha, dans la langue primitive indo-germanique, signifie« Gemüsepflanze (légume), Kohl (chou), Karambha voulant diretige, comme caulis. » Il ajoute que Karambha en sanscrit est lenom <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux légumes. Les auteurs anglo-indiens ne citent pasce nom prétendu sanscrit, mais seulement un nom <strong>de</strong>s languesmo<strong>de</strong>rnes <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, Kopee 3. Ad. Pictet, <strong>de</strong> son côté, parle dumot sanscrit Ralamba, « tige <strong>de</strong> légume, appliqué au chou. »J'ai beaucoup <strong>de</strong> peine, je l'avoue, à admettre ces étymologiesorientales du mot gréco-ïatin Crambe. Le sens du mot sanscritest très douteux (si le mot existe), et, quant au mot persan, ilfaudrait savoir s'il est ancien. J'en doute, car, si le chou avaitexisté dans l'ancienne Perse, les Hébreux l'auraient connu4.Par tous ces motifs, l'espèce me paraît originaire d'Europe.La date <strong>de</strong> sa culture est probablement très ancienne, antérieureaux invasions aryennes, mais on a commencé sans doutepar récolter la plante sauvage avant <strong>de</strong> la cultiver.Cresson alénois. – Lepidium sativum, Linné.Cette petite Crucifère, usitée aujourd'hui comme sala<strong>de</strong>, étaitrecherchée dans les temps anciens pour certaines propriétés <strong>de</strong>sgraines. Quelques auteurs pensent qu'elle répond un Cardamon<strong>de</strong> Dioscori<strong>de</strong>; tandis que d'autres appliquent ce nom àl'Erucaria aleppica5. En l'absence <strong>de</strong> <strong>de</strong>scription suffisante, lenom vulgaire actuel étant Cardamon 6, la première <strong>de</strong>s <strong>de</strong>uxsuppositions est vraisemblable.La culture- <strong>de</strong> l'espèce doit remonter à <strong>de</strong>s temps anciens ets'être beaucoup répandue, car il existe <strong>de</strong>s noms très différents:en arabe Reschad, en persan Turehlezuk7, en albanais, languedérivée <strong>de</strong>s Pelasges, Dieges 8,sans parler <strong>de</strong> noms tirés <strong>de</strong> l'analogie<strong>de</strong> goût avec le cresson (Nasturtium officinale). Il y a <strong>de</strong>snoms très distincts en hindoustani et bengali, mais on n'en connaîtpas en sanscrit 9.Aujourd'hui, la plante est cultivée en Europe, dans l'Afrique1. Ad. Pictet.l. c.2. Fick, Vbrterb.d. indo-germṢprachen,p. 34.3. Piddington, In<strong>de</strong>x Ainslies,Mat.mëd.ïnd.4. Roseninûller,Bibl.Alterk.,ne citeaucunnom.5.VoirFraas,Syn.fl. class.,p. 120,124;Lenz,Bot.d. Allen,p. 617.6.Sibthorp,Prodr.fl. graec, 2,p. 6;Heldreich,Nutzpfl.Griechenl.,p.47. »7. Ainslies,Mat.méd.ind., 1,p. 95.8. Heldreich,l. c.9. Piddington,In<strong>de</strong>x; Ainslies,l. c.


LÉGUMES. CRESSON. POURPIER 69septentrionale,l'Asie occi<strong>de</strong>ntale, l'In<strong>de</strong> et ailleurs; mais, a ouest-elle originaire ? C'est assez obscur.Je possè<strong>de</strong> plusieurs échantillons recueillis dans l'In<strong>de</strong>, où sirJ. Hookerl ne regar<strong>de</strong> pas l'espèce comme indigène. Kotschy l'arapportée <strong>de</strong> l'île Karek ou Karrak du golfe Persique. L'étiquettene dit pas que ce fût une plante cultivée. M. Boissier enparle, sans ajouter aucune réflexion, et il mentionne ensuite <strong>de</strong>séchantillons d'Ispahan et d'iîgypte recueillis dans les cultures.Olivier est cité pour avoir vu le Cresson alénois en Perse, maison ne dit pas si c'était à l'état vraiment spontané 3. On répètedans les livres que Sibthorp l'a trouvé dans l'île <strong>de</strong> Chypre, et,quand on remonte à son ouvrage, on voit que estait dans leschamps 4. Poech ne l'a pas mentionné à Chypre '•>. Unger etet Kotschy ° ne le disent pas spontané dans cette île. D'aprèsLe<strong>de</strong>bour 7, Koch l'a trouvé autour du couvent du Mont Ararat,Pallas près <strong>de</strong> Sarepta, Falk au bord <strong>de</strong> l'Oka, affluent du Volga;enfin H. Martius l'a cité dans sa flore <strong>de</strong> Moscou; mais on n'apas <strong>de</strong> preuves <strong>de</strong> la spontanéité dans ces diverses localités.Lin<strong>de</strong>mann 8, en 1860, ne comptait pas l'espèce parmi celles<strong>de</strong> Russie, et, pour la Crimée, il l'indique seulement commecultivée 9. D'après Nyman10, le botaniste Schur l'aurait trouvéesauvage en Transylvanie, tandis que les flores <strong>de</strong> l'Autriche-Hongrie ne citent pas l'ospèce, ou la disent cultivée ou croissantdans les terrains cultivés.Je suis porté à croire, d'après l'ensemble <strong>de</strong> ces données plusou moins douteuses, que la plante est originaire <strong>de</strong> Perse, d'oùelle a pu se répandre, après l'époque du sanscrit, dans les jardins<strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, <strong>de</strong> la Syrie, <strong>de</strong> la Grèce, <strong>de</strong> l'Egypte et jusqu'enAbyssinie 11.Pourpier. Portulaca oleracea, Linné.Le pourpier est une <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> potagères les plus répanduesdans l'ancien mon<strong>de</strong>, <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s temps très reculés. On l'atransportée en Amérique, où elle se naturalise, comme enEurope, dans les jardins, les décombres, au bord <strong>de</strong>s chemins,etc. C'est un légume plus ou moins usité, une plante officinaleet en même temps une excellente nourriture pour lesporcs.1.Hooker,Fl. brit. India, 1, p. 160.2. Boissier.Fl. orient.,vol.L3. De <strong>Candolle</strong>,Syst., 2. p. 533.4. Sihthorpet Smith,Prodr. fl. gnsca:,2, p. 6.5.Poech,linum.plant. Cypri, 1842.6.Unger et Kotschy,InselnCypern,p. 331.1. Le<strong>de</strong>bour,F. ross.,1,p. ~03.8. Lin<strong>de</strong>mann,In<strong>de</strong>xplant. in Ross.,Bull.Soc.nat. Mosc,1860,vol. 33.9. Lin<strong>de</strong>mann,Prodr.fl. Chersonṗ. 21.10.Nyman,Conspectusfl. europ.,1878,p. 65.11.Schwemfurtli, Beitr. fl. jEUi.,p. 270.


70 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS TIGES OU FEUILLESOn lui connaît un nom sanscrit, Lonica ou Lounia, qui se retrouvedans les langues mo<strong>de</strong>rnes <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> 1. Les noms grecAndrackne et latin Portulaca sont tout autres, <strong>de</strong> même que legroupe <strong>de</strong>s noms Choha en persan, Khursa ou Koursa en hindoustani,Kourfa Kara-or en arabe, en tartare, qui paraissentl'origine <strong>de</strong> Kurza-noga en polonais, Kiirj-noha en bohème,Kreusel en allemand, sans parler du nom Schrucha <strong>de</strong>s Russeset <strong>de</strong> quelques autres <strong>de</strong> l'Asie orientale 2. Il n'est pas nécessaired'être linguiste pour voir certaines dérivations dans cesnoms, indiquant que les peuples asiatiques dans leurs migrationsdiverses ont transporté leurs noms <strong>de</strong> la plante; mais celane prouve pas qu'ils l'aient transportée elle-même. Ils peuventl'avoir reconnue dans les pays où ils arrivaient. D'un autre côtel'existence <strong>de</strong> trois ou quatre racines différentes fait présumerque <strong>de</strong>s peuples européens antérieurs aux migrations <strong>de</strong>s Asiatiquesavaient déjà <strong>de</strong>s noms pour l'espèce, et que celle-ci, parconséquent, est très ancienne en Europe comme en Asie.L'état cultivé, naturalisé autour <strong>de</strong>s cultures ou spontané estbien difficile à connaître pour une plante si répandue et qui sepropage facilement au moyen <strong>de</strong> ses petites graines, en nombreimmense.A l'est du continent asiatique, elle ne paraît pas aussi ancienneque dans l'ouest, et jamais les auteurs ne disent que ce soit uneplante spontanée 3. Dans l'In<strong>de</strong>, c'est bien différent. SirJ. Hookerdit 4 Croissant dans l'In<strong>de</strong> jusqu'à 5000 p. dans l'Himalaya. Ilindique aussi dans le nord-ouest <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> la variété à tigedressée qu'on cultive, avec l'ordinaire, en Europe. Je ne trouverien <strong>de</strong> positif sur les localités <strong>de</strong> Perse, mais on en mentionne<strong>de</strong> si nombreuses et dans <strong>de</strong>s pays si peu cultivés, sur les bords<strong>de</strong> la mer Caspienne, autour du Caucase, et même dans la Russieméridionale 5, qu'il est difficile <strong>de</strong> ne pas admettre l'indigénatdans cette région centrale d'où les peuples asiatiques ont envahil'Europe. En Grèce, la plante est spontanée aussi bien que cultivéee. Plus loin, vers l'ouest, en Italie, etc., on recommence àtrouver dans les flores pour toute indication les champs, lesjardins, les décombres et autres stations suspectes 7.Ainsi les documents linguistiques et botaniques concourent àfaire regar<strong>de</strong>r l'espèce comme originaire <strong>de</strong> toute la région quis'étend <strong>de</strong> l'Himalaya occi<strong>de</strong>ntal à la Russieméridionale et laGrèce.1. Piddington, In<strong>de</strong>x to indianplants.2. Nemnich,Polygl.LexiconNatwgeseh.,2, p. 1047.3. Loureiro,Fl. 'Coehinch. I, p. 359 Franchetet Savatier,Enum.ylant.Japon., 1,p. 53; Bentham,Fl. Hongkong,p. 127.4. Hooker,FI. brit. Ind., 1, p. 240.5. Le<strong>de</strong>bour,FI. ross., 2, p. 143. Lin<strong>de</strong>mann,l'rodr. fl. Chevs.,p. 74,dit In <strong>de</strong>sertiset menons inter C/ier-onet Berislaiv>c>rcaO<strong>de</strong>ssam.6. Lenz,Bot.d. Alt., p. 632 Heldreich,FI. altisch. Ebcne,p. 483.7. Bertol.,Fl. it., v. 5 Gussone,Fl. sic. vol. 1 Mûris-Fl. sard.v. 2;Willkommet Lange,Prodr. fl. hisp. v. 3.


LÉGITIMES. CÉLERI CERFEUIL 71Tétragone étalée. Tetragonia expansa Murray.Les Anglais appellent cette plante Epinard <strong>de</strong> la Nouvelle-Zélan<strong>de</strong>,parce qu'elle avait été rapportée <strong>de</strong> ce pays et cultivéepar sir Joseph Banks, lors du célèbre voyage du capitaineCook C'est une plante singulière, sous <strong>de</strong>ux points <strong>de</strong> vue.D'abord elle est la seule espèce cultivée qui provienne <strong>de</strong> laNouvelle-Zélan<strong>de</strong>; ensuite elle appartient à une famille <strong>de</strong><strong>plantes</strong> ordinairement charnues, les Ficoï<strong>de</strong>s, dont aucune autreespèce n'est employée. Les horticulteurs 1 la recomman<strong>de</strong>nt,comme un légume annuel, dont le goût-est à peu près celui <strong>de</strong>l'Epinard, mais qui supporte mieux la sécheresse et <strong>de</strong>vient parce motif une ressource dans la saison où l'Epinard fait défaut.Depuis le voyage <strong>de</strong> Cook, on l'a trouvée sauvage, principalementsur les côtes <strong>de</strong> la mer, non seulement à la Nouvelle-Zélan<strong>de</strong>,mais en Tasmanie, dans le sud et l'ouest <strong>de</strong> 1 Australie,au Japon et dans l'Amérique australe 2. Reste à savoir si, dansces <strong>de</strong>rnières localités, elle n'est pas naturalisée, car elle est indiquéeprès <strong>de</strong>s villes, au Japon et au Chili 3.Céleri cultivé. Apium graveolens, Linné.Comme beaucoup d'Ombellifères, <strong>de</strong>s lieux humi<strong>de</strong>s, le Célerisauvage a une habitation étendue. Il existe <strong>de</strong>puis la Suè<strong>de</strong>jusqu'à l'Algérie, l'Egypte, l'Abyssinie, et en Asie <strong>de</strong>puis leCaucase jusque dans le Belouchistan et les montagnes <strong>de</strong> 1 In<strong>de</strong>4.Il en est question déjà dans l'Odyssée, sous le nom <strong>de</strong>Selinon,et dans Théophraste; mais plus tard Dîoscori<strong>de</strong> et Pline >_ distinguentle Céleri sauvage et le Céleri cultivé. Dans celui-ci, onfait blanchir les feuilles, ce qui diminue beaucoup l'amertume.L'ancienneté <strong>de</strong> la culture fait comprendre pourquoi les variétés<strong>de</strong> jardin sont nombreuses. Une <strong>de</strong>s plus différentes <strong>de</strong> 1 étatnaturel est le Céleri rave, dont la racine charnue se mangecuite.Cerfeuil. Scandix Cerefolium, Linné. Anthriscus Cerefolium,Hoffmann..iII n'y a pas longtemps que l'origine <strong>de</strong> cette petite Ombellifère,si commune dans nos jardins, était inconnue. Commei. Bofanicalmagazine,t. 2362 Bonjardinier, 1880,p. 567.2 Sir J. Hooker,Handbookof New Zealand flora,p. 84; Bentham,FIta.australiensis, 3, p. 327; Franchet et Savatier,Enum. plant. Japomie,i, p. 177.3. Cl.Gav, Florachilma,2, p. 468.4. Pries,"Summa veget.Scandinavie; Hunby, Catal. Alger., p. aiBoissier,Floraorientait,2,.p.856 Schweinfurthet Aschereon,Aufsahhmg,p. 272; Hooker,Flora of brit. India, p. 679. “. T5. Dioscri<strong>de</strong>, Mat.med.,1.3, c. 67,68; Pline,Hist.,1. 19,c. 7, S, Lenz,Bot.d. altenGriechenund Rœmer,p. 557.


72 PLANTES CULTIVÉESPOURLEURS TIGES OU FEUILLESbeaucoup a espèces annuelles, on la voyait paraître dans lesdécombres, les bords <strong>de</strong> haies, les terrains peu cultivés, etl'on ne savait pas s'il fallait la regar<strong>de</strong>r comme spontanée. Dansl'Europe occi<strong>de</strong>ntale et méridionale, elle semble adventive, plusou moins naturalisée; mais, dans le sud-est <strong>de</strong> la Russie et dansl'Asie occi<strong>de</strong>ntale tempérée, elle paraît spontanée. Steven 1 l'indiquedans «les bois <strong>de</strong> la Crimée, çà et là ». M. Boissier a a reçuplusieurs échantillons <strong>de</strong>s provinces au midi du Caucase, <strong>de</strong>Turcomanie et <strong>de</strong>s montagnes <strong>de</strong> la Perse septentrionale, localitésprobablement naturelles <strong>de</strong> l'espèce. Elle manque auxflores <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> et <strong>de</strong> l'Asie orientale.Les auteurs grecs n'en ont pas parlé. La première mentionchez les anciens est dans Columelle et Pline 3, c'est-à-dire aucommencement <strong>de</strong> l'ère chrétienne. On la cultivait. Pline l'appelleCerefolium. Probablement l'espèce s'était introduite dansle mon<strong>de</strong> gréco-romain <strong>de</strong>puis Théophraste, c'est-à-dire dans lelaps <strong>de</strong>s trois siècles qui ont précédé l'ère actuelle.;Persil. Petroselinum sativum, MoenchCette Ombellifère bisannuelle est sauvage dans le midi <strong>de</strong>l'Europe, <strong>de</strong>puis l'Espagne jusqu'en Macédoine. On l'a trouvéeaussi à Tlemcen en Algérie et dans le LibanDioscori<strong>de</strong> et Pline en ont parlé sous le nom <strong>de</strong> Petroselinonet Petroselinum, mais comme d'une plante sauvage et officinale5. Rien ne prouve qu'elle fût cultivée <strong>de</strong> leur temps.Dans le moyen âge Charleniagne la comptait parmi les <strong>plantes</strong>qu'il ordonnait <strong>de</strong> cultiver dans ses jardins 6. Olivier <strong>de</strong> Serres,au XVIesiècle, cultivait le Persil. Les jardiniers anglais l'ont reçuen 15487.Quoique la culture ne soit pas ancienne et importante, il s'escproduit déjà <strong>de</strong>ux races, qu'on appellerait <strong>de</strong>s espèces, si on lesvoyait à l'état spontané le Persil à feuilles frisées et celui dontla racine charnue est comestible.Ache ou Maceron. Smyrnium Olus-atrum, Linné.De toutes les Ombellifères servant <strong>de</strong> légumes, celle-ci a étéune <strong>de</strong>s plus communes dans les jardins pendant environ quinzesiècles, et maintenant elle est abandonnée. On peut suivre sescommencements et sa fin. Théophraste en parlait comme d'uneplante officinale sous le nom <strong>de</strong> Ipposelinon, mais trois cents ans1. Steven,Verzeichniss taurischenHalbinseln,p. 183.2. Boissier,Flora orient.,2, p. 913.3. Lenz,Botanik<strong>de</strong>r altenGriechenund Hœmer,p. 572.4. Munby,Catal.Alger.,ed.2, p. 22; Boissier,Flora orientalis,2p., 857.5. Dioscori<strong>de</strong>s,Mat.medica,1.3, c. 70 Pline,Hist.,1.20,c. 12.6. La liste <strong>de</strong> ces <strong>plantes</strong> est dans Meyer, Geschichte<strong>de</strong>r Botanik,3,p. 401.7. Phillips,Companion to kil hengar<strong>de</strong>n,2, p. 35.


LÉGUMES. PERSIL. ACHE. MACHE. ARTICHAUT 73plus tard Dioseori<strong>de</strong> 1 dit qu'on en mangeait la racine ou lesfeuilles, à volonté, ce qui fait supposer une culture. Les'Latinsl'appelaient Olus-atrum, Charlemagne Olisatum, et il ordonnaitd'en semer dans ses fermes 2. Les Italiens l'ont beaucoupemployée, sous le nom <strong>de</strong> Macerone 3. A la fin du xyiif siècle,la tradition existait en Angleterre que cette plante était jadiscultivée ensuite les horticulteurs anglais ou français n'en parlentplusLe Smyrnium Olus-atrum est spontané dans toute l'Europeméridionale, en Algérie, en Syrie et dans l'Asie Mineure s.Mâche ou Doucette. Valerianella olitoria, Linné.Cultivée fréquemment pour sala<strong>de</strong>, cette plante annuelle, <strong>de</strong>la famille <strong>de</strong>s Valérianées, se trouve à l'état spontané dans toutel'Europe tempérée jusqu'au 60e <strong>de</strong>gré environ, dans l'Europeméridionale, aux îles Canaries, Madère et Açores, dans le nord<strong>de</strong> l'Afrique, l'Asie Mineure et les environs du Caucase G.Elle yest souvent dans les terrains cultivés aux abords <strong>de</strong>s viLlages,etc., ce qui rend assez difficile <strong>de</strong> savoir où elle existaitavant d'être cultivée. On la cite cependant, en Sardaigne et enSicile, dans les prés et pâturages <strong>de</strong> montagnes 7. Je soupçonnequ'elle est originaire <strong>de</strong> ces îles seulement, et que partout ailleurselle est adventive ou naturalisée. Ce qui me le fait penser, c'estqu'on n'a découvert chez les auteurs grecs ou latins aucun nomqui paraisse pouvoir lui être attribué. On ne peut même citer,d'une manière certaine, aucun botaniste du moyen âge ou duxvi° siècle qui en ait parlé. Il n'en est pas question non plusparmi les légumes usités en France au xvne siècle, d'après leJardinier français <strong>de</strong> 1651 et l'ouvrage <strong>de</strong> Laurenberg, Rorticultura(Francfort, 1632). La culture et même l'emploi <strong>de</strong> cettesala<strong>de</strong> paraissent donc mo<strong>de</strong>rnes, ce qui n'avait pas été remarqué.Cardon.Cynara Cardunculus, Linné.Artichaut. Cynara Scolymus, Linné. C. Cardunculus,var. saliva, Moris.Depuis longtemps, quelques botanistes ont émis l'idée que1. Theophrastes,Hist., 1. 1, 9; 1. 2, 2; 1.7,6 Dioscori<strong>de</strong>s,Mat. med.,1.3, c. 71.2. E. Meyer,Geschichte<strong>de</strong>r Botanik,3,p. 401.3. Tar#ioni,Cennistorici,p. 58.4. Englishbotany,t. 230 Phillips,Companionto the kitchengar<strong>de</strong>n; Lebon jardinier.5. Boissier,Floraorientalis,2,p. 927.6. Krok,Monographie<strong>de</strong>s ValerianellaȘtockolm,1864,p. 88; Boissier,Flora orient.,3, p. 104.7.Bertoloni,Floraital., 1,p. 185;Moris,Florasardoa,2,p.-314;Gussone,Synoosts*l.Siculse,ed. 2, vol. 1, p. 30.


74 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS TIGES OU .FEUILLESl'artichaut est probablement une forme obtenue, par la culture,du Cardon sauvage 1. Aujourd'hui, <strong>de</strong> bonnes observationsen ont donné la preuve. Moris 2, par exemple, ayantcultivé, dans le jardin <strong>de</strong> Turin, la plante spontanée <strong>de</strong> -Sardaigneàcôté <strong>de</strong> l'Artichaut, affirme qu'on ne pouvait plus lesdistinguer par <strong>de</strong> véritables caractères. MM. Wilkomm etLange 3, qui ont bien observé, en Espagne, la plante spontanéeet l'Artichaut qu'on y cultive, ont la même opinion. D'ailleursl'Artichaut n'a pas été trouvé hors <strong>de</strong>s jardins, et comme larégion <strong>de</strong> la Méditerranée, patrie <strong>de</strong> tous les Cynara, a étéexplorée à fond, on peut affirmer qu'il n'existe nulle part spontané.Le Cardon dans lequel il faut comprendre le C. horrida, <strong>de</strong>Sibthorp, est indigène à Madère et aux Camaries, dans les montagnesdu Maroc près <strong>de</strong> Mogador, dans le midi et l'orient <strong>de</strong>la péninsule ibérique, le midi <strong>de</strong> la France, <strong>de</strong> l'Italie, <strong>de</strong> laGrèce et dans les îles <strong>de</strong> la mer Méditerranée, jusqu'à celle <strong>de</strong>Chypre 4. Munby 5 n'admet pas le C. Cardunculiis commespontané en Algérie, mais bien le Cynara humilis Linné, qui estconsidéré par quelques auteurs comme une variété.Le Cardon cultivé varie beaucoup au point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> ladivision <strong>de</strong>s feuilles, du nombre <strong>de</strong>s épines et <strong>de</strong> la taille, diversitésqui indiquent une ancienne culture. Les Romains mangeaientle réceptacle qui porte les fleurs, et les Italiens le mangentaussi sous le nom <strong>de</strong> girello. Les mo<strong>de</strong>rnes cultivent leCardon pour la partie charnue <strong>de</strong>s feuilles, usage qui n'est pasencore'introduit en Grèce 6.L'Artichaut présente moins <strong>de</strong> variétés, ce qui appuie l'opinionqu'il est une dérivation obtenue du Cardon. ïargioni dans unexcellent article sur cette plante, raconte que l'Artichaut a étéapporté <strong>de</strong> Naples à Florence en 1466, et il prouve que lesanciens, même Athénée, ne connaissaient pas l'Artichaut, maisseulement les Cardons sauvages et cultivés. Il faut citer cependant,comme indice d'ancienneté dans le nord _<strong>de</strong> l'Afrique, lacirconstance que les Berbères ont <strong>de</strong>ux noms tout à fait particulierspour les <strong>de</strong>ux <strong>plantes</strong> Addad pour le Cardon, Taga pourl'artichaut 8.On croit que les Kactos, Kinara et Scolinzos <strong>de</strong>s Grecs et le1. Dodoens,Hist.plant., p. 724;.Linné,Species,p. 1139 <strong>de</strong><strong>Candolle</strong>,Prodromus,6, p. 620.2. Moris,Flora sardoa,2, p. 61.3. Willkommet Lange, Prodr. fl. hisp.,2, p. 180.4. Wehb,Phyt. Canar.,3,sect. 2, p. 384 BaIl,Sic:'e:7


LÉGUMES. LAITUE 75Carduus <strong>de</strong>s horticulteurs romains étaient le Cynara Cardunculusquoique la <strong>de</strong>scription la plus détaillée, celle <strong>de</strong>s Théophraste,soit assez confuse. « La plante, disait-il, croît enSicile » ce qui est encore vrai; et il ajoutait « non en Grèce. » Ilest donc possible que les pieds observés <strong>de</strong> nos jours dans cepays soient le résultat <strong>de</strong> naturalisations par le fait <strong>de</strong>s cultures.D'après Athénée le roi d'Egypte Ptolomée Euergètes, dune siècle avant Jésus-Christ, avait trouvé en Lybie une gran<strong>de</strong>quantité <strong>de</strong> Kïnara sauvages, dont ses soldats avaient profité.Malgré la proximité <strong>de</strong> l'habitation naturelle <strong>de</strong> l'espèce jedoute beaucoup que les anciens Egyptiens aient cultivé le Cardonou l'artichaut. Pickering et Unger 3 ont cru le reconnaître dansquelques <strong>de</strong>ssins <strong>de</strong>s monuments; mais les <strong>de</strong>ux figures queUnger regar<strong>de</strong> comme le plus admissibles me paraissent extrêmementdouteuses. D'ailleurs on ne connaît aucun nom hébreu,et les Juifs auraient probablement parlé <strong>de</strong> ce légume s'ilsl'avaient vu en Egypte. L'extension <strong>de</strong> l'espèce doit s'être faiteen Asie assez tardivement. Il y a un nom arabe, Hirschuff ou Kerschouffetun nom persan, Kunghir mais pas <strong>de</strong> nom sanscrit,et les Hindous ont pris le nom persan Kunjir 5, ce qui montrel'époque tardive <strong>de</strong> l'introduction. Les auteurs chinois n'ontmentionné aucun Cynara a. En Angleterre, la culture <strong>de</strong> l'Artichautn'a été introduite qu'en 1548 7. L'un <strong>de</strong>s faits les pluscurieux dans l'histoire du Cynara Cardunculus est sa naturalisation,dans le siècle actuel, sur une vaste étendue <strong>de</strong>s pampas<strong>de</strong> Buenos-Ayres, au point <strong>de</strong> gêner les communications 8. Il<strong>de</strong>vient incommo<strong>de</strong> également au Chili 9. On ne dit pas quel'Artichaut se naturalise <strong>de</strong> cette manière nulle part, ce qui estencore l'indice d'une origine artificielle.Laitue. Lactuca Scariola, var. sativa.Les botanistes s'accor<strong>de</strong>nt à considérer la laitue cultivéecomme une modification <strong>de</strong> l'espèce sauvage appelée LactucaScariola 1Q.1. Theophrastes,Hid., 1.6,c. 4 Pline, Hist., I. 19,c. 8 Lenz, lotanik<strong>de</strong>i'alten GrieehenundRœmer,p. 480.2. Athénée,Deipn.,2, 84. ,


76 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS TIGES OU FEUILLESCelle-ci croît dans l'Europe tempérée et méridionale, aux îlesCanaries et Madère en Algérie 2, en Abyssinie 3 et dansl'Asieocci<strong>de</strong>ntale tempérée. M. Boissier en cite <strong>de</strong>s échantillons<strong>de</strong> l'Arabie Pétrée jusqu'à la Mésopotamie et le Caucase 4. Ilmentionne une variété à feuilles crispées, par conséquent analogue-à certaines laitues <strong>de</strong> nos jardins, que le voyageurHausknecht lui a apportée d'une montagne du Kurdistan. J'ai unéchantillon <strong>de</strong> Sibérie, près du fleuve Irtysch, et on sait maintenantd'une manière certaine que l'espèce croît dans l'In<strong>de</strong>septentrionale, du Cachemir au Nepaul 5. Dans tous ces pays,elle est souvent près <strong>de</strong>s cultures ou dans les décombres, maissouvent aussi dans <strong>de</strong>s rocailles, <strong>de</strong>s taillis ou <strong>de</strong>s prés, commeune plante bien spontanée.La laitue cultivée se sème fréquemment dans la campagne,hors <strong>de</strong>s jardins. Personne, à ma connaissance, ne l'a suiviedans ce cas pendant quelques générations ou n'a essayé <strong>de</strong>cultiver le L. Scariola sauvage, pour voir si le passage d'uneforme à l'autre est facile. Ils se pourrait que l'habitation primitive<strong>de</strong> l'espèce se fût étendue par la diffusion <strong>de</strong> laitues<strong>cultivées</strong> faisant retour à la forme sauvage. Ce qui est connu,c'est l'accroissement du nombre <strong>de</strong>s variétés <strong>cultivées</strong>, <strong>de</strong>puisenviron 2000 ans. Théophraste en indiquait trois.8; Le Bon jardinier,<strong>de</strong> 1880, une quarantaine, existant en France.Les anciens Grecs et les Romains cultivaient la laitue, surtoutcomme sala<strong>de</strong>. En Orient, la culture remonte peut-êtreà une époque plus ancienne. Cependant, d.'après les noms vulgairesoriginaux, soit en Asie, soit en Europe, il ne semble pasque cette plante ait été généralement et très anciennementcultivée. On ne cite pas <strong>de</strong> nom sanscrit, ni hébreu, ni <strong>de</strong> lalangue reconstruite <strong>de</strong>s Aryens. Il existe un nom grec, Tridax;latin, Lactuca; persan et hindoustani, Kahu, et l'analogue arabeChuss ou Chass. Le nom latin existe aussi, légèrement modifié,dans plusieurs langues slaves et germaniques 7, ce qui peutsignifier ou que les Aryens occi<strong>de</strong>ntaux l'ont répandu, ou quela culture s'est propagée plus tard, avec le nom, du midi aunord <strong>de</strong> l'Europe.Le Dr Bretschnei<strong>de</strong>r a confirmé ma supposition 8 que laLaitue n'est pas très ancienne en Chine et qu'elle y a été introduite<strong>de</strong> l'ouest. Il dit que le premier ouvrage où elle soit mentionnéedate <strong>de</strong> 600 à 900 <strong>de</strong> notre ère 9.1.Webb,Phytogr.canar.,3,p. 422 Lowe,FI. of Ma<strong>de</strong>ira,p.2. Munby,Catal.,ed. 544.2,p. 22,sousle nom <strong>de</strong> L. sylvestris.3. Schweinfurthet Ascherson,Aufzâhlunff,p.4. Boissier,Fl. 285.orient.,3.p. 809.5. Clarke,Compos. indicée,p. 263.6. Theophrastes, 1. 7,cap. 4. ·7. Nemnich,Polygl.Lexicon.8.A. <strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>,Gêogr.bot.rais., p. 843.9. Bretschnei<strong>de</strong>r,Stzcdyand value of chinesebotanicalworlcs,p. 17.


LÉaUiSlES. CHICORÉES 771 1 1Chicorée sauvage. Cichorium Intybus, Linné.La Chicorée sauvage, vivace, qu'on cultive comme légume,sala<strong>de</strong>, fourrage, et pour les racines, servant <strong>de</strong> café, croît danstoute l'Europe, excepté la Laponie, dans le Maroc et l'Algérie<strong>de</strong> l'Europe orientale à l'Afghanistan et le Bélouchistan 2, dansle Punjab et le Cachemir 3, et <strong>de</strong> la Russie au lac Baïkal enSibérie 4. La plante est certainement spontanée dans la plupart<strong>de</strong> ces pays; mais, comme elle croît souvent au bord <strong>de</strong>s cheminset <strong>de</strong>s champs, il est probable qu'elle a été transportée parl'homme en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> sa patrie primitive. Ce doit bien être lecas dans l'In<strong>de</strong>, car on ne cite aucun nom sanscrit.Les Grecs et les Romains employaient cette espèce, sauvage etcultivée 6, mais ce qu'ils en disent est trop abrégé pour être clair.D'après M. <strong>de</strong> Heldreich, les Grecs mo<strong>de</strong>rnes emploient sous lenom général <strong>de</strong> Lachana, comme légume et sala<strong>de</strong>, dix-septCichoracées différentes, dont il donne la liste °. Selon lui, l'espèceordinairement cultivée est le Cichorium divaricatum, Schousboe(C. pumilum, Jacquin), mais il est annuel, et la Chicorée dontparle Théophraste était vivace.Chicorée Endive. Cichorium Endivia, Linné.Les Chichoréesblanches, Endives ou Scarole, <strong>de</strong>sj ardins, se distinguentdu Cichorium Intybus en ce qu'elles sont annuelles etd'une saveur moins amère. En outre, les lanières <strong>de</strong> leur aigretteau-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> la graine sont quatre fois plus longues, et inégales,au lieu d'être égales. Aussi longtemps qu'on comparait cetteplante avec le C. Intybus, il était difficile <strong>de</strong> ne pas admettre<strong>de</strong>ux espèces. On ne connaissait pas l'origine du C. Endivia.Lorsque nous reçûmes, il y a quarante ans, <strong>de</strong>s échantillons d'unCichorium <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> appelé par Hamilton C. Cosmia, ils nousparurent tellement semblables à l'Endive que nous eûmes l'idée<strong>de</strong> voir l'origine <strong>de</strong> celle-ci dans l'In<strong>de</strong>, comme on l'avait quelquefoissupposé 7; mais les botanistes anglo-indiens disaient, etils affirment <strong>de</strong> plus en plus, que la plante indienne est seulementcultivée 8. L'incertitu<strong>de</strong> continuait donc sur l'origine géographique.Dès lors, plusieurs botanistes 9 ont eu l'idée <strong>de</strong>comparer l'Endive avec une espèce annuelle, spontanée dans la1. Bail,Spicilegium Fl. marocc,p. 534;Munby,Catal.,ed. 2,p. 21.2. Boissier,fl. orient.,3p.3. 715.Clarke,Compos. ind., p.4.Le<strong>de</strong>bonr,Fl. 250.ross.,2, p. 774.5. Dioscori<strong>de</strong>s,II, cap.160;Pline, XIX,cap.8; Palladius,XI,cap.11.Voird'autresauteurscités dans Lenz,Botanikd. Alten,p.6.Heldreich,DieNutzpflanzenGriecltenland's,483.p. 28 et 76.7. àur. Pyr. <strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>,Prodr. 7 p. 84; Alph. <strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>,Gcogr.bot.p. 845.8.Clarke,Compas. ind., p.9.De Visiani.Floradalmat, 230.II, p. 97; Schultz,dans Webb,Phyt. canar.Tsect.II, p. 391 Boissier, Fl. orient.,III, p. 716.


78 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS TIGES OU FEUILLESrégion méditerranéenne, le Cichonum. pumilum, Jacquin [t.. aivarkatum,Schousboe), et les différences ont été trouvées silégères que les uns ont soupçonné, les autres ont affirmél'i<strong>de</strong>ntité spécifique. Quant à moi, après avoir vu <strong>de</strong>s échantillonssauvages, <strong>de</strong> Sicile, et comparé les bonnes figures publiéespar Reiehenbach (Icones, vol. 19, pl. 1337 et 13aS), je n'aiaucune objection à prendre les Endives <strong>cultivées</strong> pour <strong>de</strong>svariétés <strong>de</strong> la même espèce que le C. pumilum. Dans ce cas, lenom le plus ancien étant C. Endivia, c'est celui qu'on doit conserver,comme l'a fait Schultz. Il rappelle d'ailleurs un nomvulgàire commun à plusieurs langues.La plante spontanée existe dans toute la région dont laMéditerranée esL le centre, <strong>de</strong>puis Madère le Maroc 2 etl'Algérie 3, jusqu'à la Palestine 4, le Caucase et le TurkestanElle est commune surtout dans les îles <strong>de</strong> la Méditerranée et enGrèce. Du côté ouest, par exemple en Espagne et à Madère, il estprobable qu'elle s'est naturalisée par un effet <strong>de</strong>s cultures, d'aprèsles stations qu'elle oceupedans les champs et au bord <strong>de</strong>s routes.On ne trouve pas, dans les textes anciens, une preuve posiiive<strong>de</strong> l'emploi <strong>de</strong> cette plante chez les Grecs et les Romains6;mais il est probable qu'ils s'en servaient comme <strong>de</strong> plusieursautres Chicoracées. Les noms vulgaires n'indiquent rien, parcequ'ils ont pu s'appliquer aux <strong>de</strong>ux espèces <strong>de</strong> Cichonum. Ilssont peu variés et font présumer une culture sortie du milieugréco-romain. On cite un nom hindou, Kasni, et tamul, Koschimais aucun nom sanscrit, ce qui indique une extension tardive<strong>de</strong> la culture dans l'est.Epinard. – Spinacia oleracea, Linné.Ce légume était inconnu aux Grecs et aux Romains 9. Il étaitnouveau en Europe au xvjp siècle l0,et l'on a discuté pour savoirs'il <strong>de</strong>vait s'appeler Spanachia, comme venant d'Espagne, ouSpinacia, à cause <strong>de</strong>s épines du fruit 11. Lasuite a montré quele nom vient <strong>de</strong> l'arabe hfânâdsch, Esbanach ou Sebanach,suivant les auteurs I2.Les Persans disent Ispany ou Ispanaj, et1. Lowe,Flora of lla<strong>de</strong>ira,p.2.Bail,Spkileg.,p. 534.321.3. Munhy,Cat.,ed. 2, p. 21.4. Boissier,l. c. “5. Bunge, Beitr.zur ilora Russland's undCentral-Asicns,p. 19/.6. Lenz,Botmik<strong>de</strong>r Alten,p. 483,cite les passages <strong>de</strong>s auteurs. VoiraussiHeldreich,Die Nutzpflanzen GriechenL,p. 74.7. Netnnioh,PolyglḶexic, au mot CiehoriumEndivia.8. Royle,Ill. minai., p. 247; Piddington,In<strong>de</strong>x. “ .,“9.J. Bauhin,Hist.,II, p. 964 Fraas,Syn.fl. class.;Lenz, Bot.d. Alten.10.Brassavola,p. 176.H. Mathioli,ed. Valgr.p. 343.12. Ebu Baithar,ueberttz von Sondtheimer,I, p. 34 Forskal,Jigypt.p. 77 Delile,lll. JEgypt.,p. 29. ,“13.Roxburgh,Fl. ind., ed. 1S32,v. III, p. 771,appliqué au Spinaciatetrandra, qui paraît la même espèce.


LÉGUMES. – ÉPINARD 79les Hindous Isfany ou Palak, d'après Piddington, ou encorePinnis, d'après le même et Roxburgh. L'absenee <strong>de</strong> nom sanscritindique une culture peu ancienne dans ces régions. Loureiroa vu l'Epinard cultivé à Canton, et M. Maximowicz en Mandschourie1 mais M. Brestschnei<strong>de</strong>r nous apprend que le nomchinois signifie Herbe <strong>de</strong> Perse, et que les légumes occi<strong>de</strong>ntauxont été introduits ordinairement en Chine un siècle avant l'èrechrétienne 2.Il est donc probable que la culture a commencé enPerse <strong>de</strong>puis la civilisation gréco-romaine, ou qu'elle ne s'estpas répandue promptement à l'est ni à l'ouest <strong>de</strong> son originepersane. On ne connaît pas <strong>de</strong> nom hébreu, <strong>de</strong> sorte que lesArabes doivent avoir reçu <strong>de</strong>s Persans la plante et le nom. Rienne fait présumer qu'ils aient apporté ce légume en Espagne.Ebn Baithar, qui vivait en 123a, était <strong>de</strong> Malaga mais les ouvragesarabes qu'il cite ne disent pas où la plante était cultivée,si ce n'est l'un d'eux qui parle <strong>de</strong> sa culture commune à Ninive etBabylone. L'ouvrage <strong>de</strong> Herrera sur l'agriculture espagnole nementionne l'espèce que dans un supplément, <strong>de</strong> date mo<strong>de</strong>rne,d'où il est probable que l'édition <strong>de</strong> 1513 n'en parlait pas. Ainsila culture en Europe doit être venue d'Orient à peu près dans lexvesiècle.On répète dans quelques livres populaires que l'Epinard estoriginaire <strong>de</strong> l'Asie septentrionale, mais rien ne peut le faireprésumer. Il vient évi<strong>de</strong>mment <strong>de</strong> l'ancien empire <strong>de</strong>s Mè<strong>de</strong>s et<strong>de</strong>s Perses. D'après Bosc 3,le voyageur Olivier en avait rapporté<strong>de</strong>s graines recueillies, en Orient, dans la campagne. Ce seraitune preuve positive si le produit <strong>de</strong> ces graines avait été examinépar un botaniste pour s'assurer <strong>de</strong> l'espèce et <strong>de</strong> la variété.Dans l'état actuel <strong>de</strong>s connaissances, il faut convenir qu'on n'apas encore trouvé l'Epinard à l'état sauvage, à moins qu'il nesoit une modification cultivée du Spinacia tetrandra Steven,qui est spontané au midi du Caucase, dans le Turkesian, enPerse et dans l'Afghanistan, et qu'on emploie comme légume'sous le nom <strong>de</strong> Schamum 4.Sans entrer ici dans une discussion purement botanique, jedirai qu'en lisant les <strong>de</strong>scriptions citées par M. Boissier, en regardantla planche <strong>de</strong> Wight 5 du Spinacia tetrandra Roxb.,cultivé dans l'In<strong>de</strong>, et quelques échantillons d'herbier, je nevois pas <strong>de</strong> caractère bien distinctif entre cette plante eL l'Epinardcultivé à fruits épineux. Le terme <strong>de</strong> tetrandra exprimel'idée que l'une <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> aurait cinq et l'autre quatre éiamines,mais le nombre varie dans nos Epiaards cultivés 6.1. Muximowicz, Primitix fl. Amw.,p.2.Brets hnei<strong>de</strong>r,Stuclyẹtc., 222.of chimiebot. wm-ks,p.3. Dict.d'agrie.,V, p. 906.4. Boissier,FL orient,VI,p. 234.5. Wight,Iconesț. 818.6. Nees,Gen.plant, fl. germ-, livr. 7,pî. iS.17et 15;"


80 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS TIGES OU FEUILLESSi, comme cela paraît probable, les <strong>de</strong>ux <strong>plantes</strong> sont <strong>de</strong>uxvariétés, l'une cultivée, l'autre tantôt sauvage et tantôt cultivée,le nom le plus ancien S. oleracea doit subsister, d'autant plusque les <strong>de</strong>ux <strong>plantes</strong> se voient dans les cultures du pays d'origine.L'Epinard <strong>de</strong> Hollan<strong>de</strong> ou gros Epinard, dont le fruit n'a pasd'épines, est évi<strong>de</strong>mment un produit <strong>de</strong>s jardins. Tragus, soitBock, en a parlé le premier dans le xvie siècle4.Brè<strong>de</strong> <strong>de</strong> Malabar. – Amarantus gangeticus, Linné.Plusieurs Amarantes annuelles sont <strong>cultivées</strong>, comme légumevert, dans les îles Maurice, Bourbon et Seychelles, sous le nom<strong>de</strong> BrMe <strong>de</strong> Malabar 2. Celle-ci paraît la principale. On la cultivebeaucoup dans l'In<strong>de</strong>. Les botanistes anglo-indiens l'ontprise pendant quelque temps pour l'Amarantus oleraceus <strong>de</strong>Linné, et Wight en a donné une figure sous ce nom 3, mais on areconnu qu'elle en diffère et qu'elle se rapporte à l'A. gangeticus.Ses variétés, fort nombreuses, <strong>de</strong> taille, <strong>de</strong> couleur, etc.,portent dans la langue télinga le nom <strong>de</strong> Tota Kura, avec additionquelquefois d'un adjectif pour chacune. Il y a d'autresnoms en bengali et hindoustani. Les jeunes pousses remplacentquelquefois les asperges sur la table <strong>de</strong>s Anglais 4. VA. melanchol-icus,souventcultivé dans les jardins d'Europe pour l'ornement,est regardé comme une <strong>de</strong>s formes <strong>de</strong> l'espèce.Le pays d'origine est peut-être l'In<strong>de</strong>, mais je ne vois pasqu'on y ait récolté la plante à l'état spontané du moins lesauteurs ne l'affirment pas. Toutes les espèces du genre Amarantese répan<strong>de</strong>nt dans les terrains cultivés, les décombres, lesbords <strong>de</strong> routes, et se naturalisent ainsi à moitié, dans.les payschauds comme en Europe. De là une extrême difficulté pourdistinguer les espèces et surtout pour <strong>de</strong>viner ou constater leurorigine. Les espèces les plus voisines du gangeticus paraissentasiatiques.L'A. gangeticus est indiqué comme spontané en Egypte et enAbyssinie, par <strong>de</strong>s auteurs très dignes <strong>de</strong> confianceB mais cen'est peut-être que le fait <strong>de</strong> naturalisations du genre <strong>de</strong> cellesdont je parlais. L'existence <strong>de</strong> nombreuses variétés et <strong>de</strong> nomsdivers dans l'In<strong>de</strong> rend l'origine indienne très probable.Les Japonais cultivent comme légume les Amarantus caudatusmangostanus et melancholiais (ou gangeticus)^<strong>de</strong>Linné 6, mais rien ne prouve qu'aucun d'entre eux soit indigène.1.Bauhin,Hist., If, p. 965.2. A. gangeticus țristis et hybridus, <strong>de</strong> Linné, d'après Baker,Flora ofMauritius,p. 266. °3. Wight,Icones,pl. 715.4. Roxburgh. Flora indica,ed. 2, vol.III, p. 606.5. Boissier,Flora orientalis,IV, p. 990 Schweinfurthet Ascherson,Aufzàhlung,etc., p. 289.6.Franchet et Savatier,Enum.plant. Japoniœ,I, p. 390.


FOURRAGES. LUZERNE 81A Java, on cultive 1 A. polystachyus, Blume, très commun dansles décombres, au bord <strong>de</strong>s chemins 1, etc.Je parlerai plus loin <strong>de</strong>s espèces <strong>cultivées</strong> pour leurs graines.Poireau ou Porreau. – A llium Ampeloprasum, var. Porrum.D'après la monographie très soignée <strong>de</strong> J. Gay2, le Porreau,conformément aux soupçons d'anciens auteurs 3, ne serait qu'unevariété cultivée <strong>de</strong> l'Allium Ampeloprasum <strong>de</strong> Linné, si communen Orient et dans la région <strong>de</strong> la mer Méditerranée, spécialementen Algérie, lequel, dans l'Europe centrale, se naturalisequelquefois dans les vignes et autour d'anciennes cultures 4-Gaysemble s'être défié beaucoup <strong>de</strong>s indications <strong>de</strong>s flores du midi<strong>de</strong> l'Europe, car, à l'inverse <strong>de</strong> ce qu'il fait pour les autres espècesdont il énumère les localités hors <strong>de</strong> l'Algérie, il ne citedans le cas actuel que les localités algériennes, admettant néanmoinsla synonymie <strong>de</strong>s auteurs pour d'autres pays.La forme du Porrum cultivé n'a pas été trouvée sauvage. Onla cite seulement dans <strong>de</strong>s localités suspectes, comme les vignes,les jardins, etc. Le<strong>de</strong>bour 6 indique, pour VA. Ampeloprasum,les confins <strong>de</strong> la Crimée et les provinces au midi du Caucase.Wallich en a rapporté un échantillon <strong>de</strong> Kamaon, dans l'In<strong>de</strong> °,mais on ne peut pas être sûr qu'il fût spontané. Les ouvrages.sur la Cochinchine (Loureiro), la Chine (Bretschnei<strong>de</strong>r), le Japon(Franchet et Savatier) n'en parlent pas.Article 2. Fourrages.Luzerne. – Medicago sativa, Linné.La Luzerne était connue <strong>de</strong>s Grecs et <strong>de</strong>s Romains. Ils l'appelaienten grec Médical, en latin Medica ou Herba medica, parcequ'elle avait été apportée <strong>de</strong> Médie, lors <strong>de</strong> la guerre contre lesPerses, environ 470 ans avant l'ère chrétienne 7. Les Romainsla cultivaient fréquemment, du moins <strong>de</strong>puis le commencementdu Ier ou IIe siècle. Caton n'en parle pas s, mais bien Varron,-Columelle, Virgile, etc. De Gasparin 9 fait remarquer que Crescenz,en 1478, n'en faisait pas mention pour l'Italie, et qu'enL.Hasskarl,Plants javan. rariores, p. 431.2. Gay,Ann.<strong>de</strong>ssc. nat., 3esérie,vol. S.3. Linné,Species;<strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>,Fl. franc., III, p. 219.4. Koch,Synopsisfl. germ. Babington,Manuaîof brit. fi. Englisbḅotany,etc., etc.5. Le<strong>de</strong>bour,Flora ross., IV, p. 163.6. Baker,Journalof bot.,1874,p. 295.7. Strabon,12,p. 560 Pline,livre 18,chap.168.Hehn, Çulturpflanzen,etc.,p. 353.9. Gasparin,Cours d'agric, IV, p. 424.DE Candoile 6


82 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS TIGES OU FEUILLES1711 Tull ne l'avait pas vue au <strong>de</strong>là <strong>de</strong>s Alpes. Targioni cependant,qui n'a pas pu se tromper sur ce point, dit que laculture <strong>de</strong> la Luzerne s'est maintenue en Italie, surtout enToscane, <strong>de</strong>puis les anciens 1. Dans la Grèce mo<strong>de</strong>rne, elle estrare 2.Les cultivateurs français ont souvent appliqué à la Luzerne lenom <strong>de</strong> Sainfoin (jadis Sainfoin), qui est celui <strong>de</strong> l'Onabryehusativa, et cette transposition existe encore aux environs <strong>de</strong> Genèvepar exemple. Le nom <strong>de</strong> Luzerne a été supposé venir <strong>de</strong> lavallée <strong>de</strong> Luzerne, en Piémont, mais il y a une autre origineplus probable. Les Espagnols avaient un ancien nom, éruye,cité par J. Bauhin 3, et les Catalans disent Userdas d'où vientpeut-être le nom patois du midi <strong>de</strong> la France, La.ouzerdo, trèsvoisin <strong>de</strong> Luzerne. La culture en était si commune en Espagneque les Italiens ont quelquefois appelé la plante Herba spagna VLes Espagnols, outre les noms indiqués, disent Mielga ou illelga,qui paraît venir <strong>de</strong> Mediea, mais ils emploient surtout les nomstirés <strong>de</strong> l'arabe Alfafa, Alfasafat, Alfalfa. Dans le xm» siècle,le célèbre mé<strong>de</strong>cin Abn Baithar, qui écrivait à Malaga, emploiele mot arabe Fisfisat, qu'il rattache au nom persan lsfistOn voit que si l'on se fiait aux noms vulgaires l'origine <strong>de</strong> laplante serait ou l'Espagne, ou le Piémont, ou plutôt la Perse.Heureusement les botanistes peuvent fournir <strong>de</strong>s preuves directeset positives sur la patrie <strong>de</strong> l'espèce.Elle a été recueillie spontanée, avec toutes les apparencesd'une plante indigène, dans plusieurs provinces <strong>de</strong> l'Anatolie,au midi du Caucase, dans plusieurs localités <strong>de</strong> Perse, en A gnanistan,dans le Belouchistan 7 et en Cachemir s. D autres localitésdans le midi <strong>de</strong> la Russie, indiquées par les auteurs, sontpeut-être le résultat <strong>de</strong>s cultures, comme cela se voit dans l'Europeméridionale. Les Grecs peuvent donc avoir tiré la plante<strong>de</strong> l'Asie Mineure aussi bien que <strong>de</strong> la Médie, qui s'entendaitsurtout <strong>de</strong> la Perse septentrionale.Cette origine, bien constatée, <strong>de</strong> la Luzerne, me fait apercevoir,comme une chose singulière, qu'on ne lui connaît aucunnomsanscrit 9.Le Trèfle et le Sainfoin n'en avaient pas non plus,ce qui fait supposer que les Aryens n'avaient pas <strong>de</strong> prairiesartificielles.i. Targioni, Cenni storici,p.2. 34."K%S'JS*>S&. P- 63; Heldreich,Die NutspflanvnGriechenlands, p. 70.3. Bauhin,Hastṗlant., II, p. 381.4. Colmeiro,Calai.5. Tozzetti,Dizion.bot.6.EbaBaithar,HeilundNahru.ngm.Utel, trad. <strong>de</strong>l'arabepar Sontheimer,vol. 2, p 237.7.Boissier,FI. orient.,II, p. 94.8. Rovie,III. Himal, p. 197.9.Piddington, In<strong>de</strong>x.


FOURRAGES. SAINFOIN 83Sainfoin. Esparcette. Hedysarum Onobrychis, Linné.Ombrychis sativa, Lamarck.Cette Légumineuse, dont l'utilité est incontestable dans lesterrains secs et calcaires <strong>de</strong>s régions tempérées, n'est pas d'unusage ancien. Les Grecs ne la cultivaient pas, et aujourd'huiencore leurs <strong>de</strong>scendants ne l'ont pas introduite dans leur agriculture1. La plante nommée Onobrychis dans Dioscorî<strong>de</strong> etPline est Y Onobrychis Caput-Galli <strong>de</strong>s botanistes mo<strong>de</strong>rnes 2,espèce sauvage en Grèce et ailleurs, qu'on ne cultive pas. L'Espareette,Lupinella <strong>de</strong>s Italiens, était fort estimée, comme fourrage,dans le midi <strong>de</strong> la France, à l'époque d'Olivier <strong>de</strong> Serres 3,c'est-à-dire au xvie siècle; mais en Italie c'est surtout dansle xvine que la culture s'en est répandue, particulièrement enToscane 4.L'Espareette ou Sainfoin (autrefois Sain foin) est une plantevivace qui croît spontanément dans l'Europe tempérée, aumidi du Caucase, autour <strong>de</strong> la mer 5 Caspienne et même au<strong>de</strong>là du lac Baïkal 6.Dans le midi <strong>de</strong> l'Europe, elle est seulementsur les collines. Gussone ne la compte pas dans les espèces spontanées<strong>de</strong> Sicile, ni Moris dans celles <strong>de</strong> Sardaigne, ni Munbydans celles d'Algérie.On ne connaît pas <strong>de</strong> nom sanscrit, persan ou arabe. Toutindique pour la culture une origine du midi <strong>de</strong> la France, peutêtreaussi tardive que le xv3 siècle.SuIIa ou Sainfoin ^'Espagne. – Hedysarum eoronariumLinné.La culture <strong>de</strong> cette Légumineuse, analogue au Sainfoin, donton peut voir une bonne figure dans la Flore <strong>de</strong>s serres et <strong>de</strong>s jardins,vol. 13, pl. 1382, s'est répandue, dans les temps mo<strong>de</strong>rnes,en Italie, en Sicile, à Malte et dans les îles Baléares 7. Le marquisGrimaldi, qui l'a signalée le premier aux agriculteurs, en1766, l'avait vue à Seminara, dans la Galabre ultérieure <strong>de</strong>Gasparin la recomman<strong>de</strong> pour l'Algérie, et il est probable queles agriculteurs <strong>de</strong> pays analogues en Australie, au Cap et dansl'Amérique méridionale ou le Mexique feraient bien <strong>de</strong> l'essayerLa plante a péri aux environs d'Orange par un froid <strong>de</strong> 6° C.lî Hedysarum eoronarium croît en Italie, <strong>de</strong>puis Gênes jusqu'ài. Heldreich,NutzpflanzenGriechentands,p.2.Fraas, 72.Synopsisfi. class.,p. 58;Lenz, Bol.ait. Grieahenund Ramer,p. 731.3. 0 <strong>de</strong> Serres,Théâtre<strong>de</strong>L'agric, p. 242.4. TargioniTozzetti,Cennistorici,p. Si.5 Le<strong>de</strong>bour,FI. ross., I, p. 708;Boissier,Fi. or., p. 532.6. Turezaninow,Flora baical.Dajiur.,1,p. 3ifl.7. TargioniTozzetti,Cennistorici,p. 35;Mareset Vigineis, Catal. disBaléares,p. 100.8. De Gasparin,Coursd'agric, 4, p. 472.


84 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS TIGES OU FEUILLESla Sicile et la Sardaigne 1, dans le midi <strong>de</strong> 1 Espagne et en Algérie,où elle est indiquée comme rare 3. C'est donc une espèceassez limitée quant à son aire géographique.Trèfle. Trifolium pratense, Linné.La culture du Trèfle n'existait pas dans l'antiquité, quoiquesans doute la plante fût connue <strong>de</strong> presque tous les peuples d'Europeet <strong>de</strong> l'Asie tempérée occi<strong>de</strong>ntale. L'usage s'en est introduitd'abord dans les Flandres, au xvr3siècle, peut-être même plus tôt,et, d'après Schwerz, les protestants expulsés par les Espagnols laportèrent en Allemagne, où ils s'établirent sous la protection <strong>de</strong>l'Electeur palatin. C'est aussi <strong>de</strong> Flandre que les Anglais la reçurent,en 4633, par l'influence <strong>de</strong> Weston, comte <strong>de</strong> Portland,lord Chancelier 4. .jLe Trifolium pratense est indigène dans toutes les parties <strong>de</strong>l'Europe, en Algérie B,sur les montagnes <strong>de</strong> l'Anatolie, en Arménieet dans le Turkestan °, en Sibérie vers l'Altaï 7, et dans leCachemir et le Garwall 8.L'espèce existait donc, en Asie, dans la région <strong>de</strong>s peuplesaryens, mais on ne lui connaît pas <strong>de</strong> nom sanscrit, d'où l'onpeut inférer qu'elle n'était pas cultivée.Trèfle incarnat ou Faroueh – Trifoliumincarnatum,Linné.Fourrage annuel, dont la culture, dit Vilmorin, longtemps limitéeà quelques-uns <strong>de</strong>s départements méridionaux, <strong>de</strong>vient tousles jours plus générale en France 9.De <strong>Candolle</strong>, au commencementdu siècle actuel, ne l'avait vue effectivement que dansl'Ariège10 Elle existe, <strong>de</strong>puis à peu près soixante ans, aux environs<strong>de</strong> Genève. Targioni ne pense pas qu'elle soit ancienneen Italie et le nom très insignifiant <strong>de</strong> Trafogliolo appuie cetteopinion.Les noms catalans Fé, Fench 12, et <strong>de</strong>s patois du midi <strong>de</strong> laFrance 13Tarradje (Roussillon), Farratage (Languedoc), Féroutgé(Gascogne), d'où le nom <strong>de</strong> Farouch, ont au contraire une ori-1. Bertoloni,Floraital., 8,p. 6.2. Willkomiuet Lange, Prodr. fl. hisp.,3,p. 262.3. Munby,Catal.,ed 2, 12. “4. De Gasparin, Coursêagricicllure, 4, p. 443, d'après SchwerzetA. Young.5. Munby,Catal.,ed. 2,p. il.6. Boissier,Flora orient.,1, p. 115.7 Le<strong>de</strong>bour,Floraross.,1, p. 548.8. Baker,dans Hooker,Floraof brit. India, 2, p. 86.9 Bonjardinier, 1880,part 1, p. BIS.10. De<strong>Candolle</strong>,Florefranc, 4, p. 528.11. Targioni,Cennistorici, p 35.12 Costa.Introd fl. di Catal., p. 60.13.Moritzi,Dlet.mss.rédigéd'aprèslesflores publ:eos avantle milieudusiècleactuel.


FOURRAGES. TRÈFLES. ERS • 8aginalité qui dénote une culture ancienne autour <strong>de</strong>s Pyrénées. Leterme, usité quelquefois, <strong>de</strong> Trèfle du Roussillon, le montre également.La plante spontanée existe en Galice, dans la Biscaie et la Catalogne1, mais non dans les îles Baléares 2; elle est en Sardaigne3 et dans la province d'Alger 4. On l'indique dans plusieurslocalités <strong>de</strong> France, d'Italie, <strong>de</strong> Dalmatie, <strong>de</strong> la région danubienneet <strong>de</strong> la Macédoine, sans savoir, dans beaucoup <strong>de</strong> cas, si cen'est point l'effet <strong>de</strong>s cultures voisines. Une localité singulière,qui paraît naturelle, au dire <strong>de</strong>s auteurs anglais, est la côte <strong>de</strong>Cornouaille, près d'3la pointe <strong>de</strong> Lizard. Il s'agit dans ce cas,dit M. Bentham, <strong>de</strong> la variété jaune pâle, qui est vraiment sauvagesur le continent, tandis que la variété cultivée à fleurs rougesest seulement naturalisée, en Angleterre, par suite <strong>de</strong>s cultures5.Je ne sais jusqu'à quel point cette observation <strong>de</strong> M. Benthamsur la spontanéité <strong>de</strong> la seule forme à couleur jaunâtre (var.Molinerii. Seringe) sera confirmée dans tous les pays où croîtl'espèce. Elle est la seule indiquée en Sardaigne par Moris et enDalmatie par Visiani 6, dans <strong>de</strong>s localités qui paraissent naturelles(in pascuis collinis, in montanis, in herbidis). Les auteursdu Bonjardinier affirment, comme M. Bentham, que le TrèfleMolinerii est spontané dans le nord <strong>de</strong> la France, celai à fleursrouges étant importé du midi, et, tout en admettant l'absence <strong>de</strong>bonne distinction spécifique, ils notent que, dans la culture, laforme Molinerii est d'une végétation plus lente, souvent bisannuelle,au lieu d'être annuelle.Trèfle d'Alexandrie. Trifolïum alexandrinum, Linné.On cultive beaucoup en Egypte, comme fourrage, cette espèceannuelle <strong>de</strong> Trèfle, dont le nom arabe estBersym ou Berzun 8.Rienne prouve que ce soit un usage ancien. Le nom n'est pas dansles livres sur la botanique <strong>de</strong>s Hébreux ou <strong>de</strong>s Araméens.L'espèce n'est pas sauvage en Egypte, mais elle l'est certainementen Syrie et dans l'Asie Mineure 9.Ers. Ervum Ervilia, Linné. Vicia Ervilza, Will<strong>de</strong>now.Bertoloni 10ne mentionne pas moins <strong>de</strong> dix noms vulgaires italiens,Ervo, Lero, Zirlo, etc. C'est un indice <strong>de</strong> culture générale1.Willkommet Lange, Prodr.fl. hisp., 3, p. 366.2. Mareset Virgineix,Catal. 1880.3 Moris,Flora sardoa, i, p. 467.4. Munby,Catal., ed.2.5. Bentham, Handbookof bristishflora, ed. 4, p. =117.6. Moris,Flora sardoa, 1,p. 467; Visiani,Fl. dalmat., 3, p. 290.7. Bonjardinier, 1880,p. 619.8. Forskal,Flora zgypt., p. 71; Delile,Plant. cuit, en Egypte,p. 10;Wilkinson,Mannei^sand customsofancientEgyptians,2, p. 398.9 Boissier,Flora orient.,2, p. 127.10. Bertoloni,Fl. it., 7, p. 500.


86 PLANTES CULTIVÉESPOURiEURS TIGES OU FEUILLESet ancienne. M. <strong>de</strong> Heldreich dit queles Grecs mo<strong>de</strong>rnes cultiventla plante en abondance, pour fourrage. Ils la nommentRobai, <strong>de</strong> l'ancien grec Orobos, <strong>de</strong> même que Ervos, vient dulatin Ervum. La culture <strong>de</strong> l'espèce est indiquée dans les auteurs<strong>de</strong> l'antiquité grecque et latine2- Les anciens Grecs se servaient<strong>de</strong>s graines, car on en a retrouvé dans les fouilles <strong>de</strong> Troie 3.On cite beaucoup <strong>de</strong> noms vulgaires en Espagne, même <strong>de</strong>snoms arabes mais l'espèce y est moins cultivée <strong>de</strong>puis quelquessiècles5. En France, elle l'est si peu que bien <strong>de</strong>s ouvragesmo<strong>de</strong>rnes d'agriculture n'en parlent pas. Elle est inconnue dansl'In<strong>de</strong> anglaise 7.Les ouvrages généraux indiquent VFrvinn Ervilia commecroissant dans l'Europe méridionale; mais, si l'on prend l'uneaprès l'autre les flores plus estimées, on voit qu'il s'agit <strong>de</strong> localitéstelles que les champs, les vignes ou les terrains cultivés.De même dans l'Asie occi<strong>de</strong>ntale, où M. Boissier8 parle d'échantillons<strong>de</strong> Syrie, <strong>de</strong> Perse et <strong>de</strong> l'Afghanistan. Quelquefois, dans<strong>de</strong>s catalogues abrégés °, la station n'est pas indiquée, mais nullepart je ne rencontre l'assertion que la plante ait été vue spontanéedans <strong>de</strong>s endroits éloignés <strong>de</strong>s cultures. Les échantillons<strong>de</strong> mon herbier ne sont pas plus probants à cet égard.Selon toule vraisemblance, l'espèce était jadissauvage enGrèce,en Italie, et peut-être en Espagne et en Algérie, mais la fréquence<strong>de</strong> sa culture, dans les terrains mêmes où elle existait, empêche<strong>de</strong> voir maintenant <strong>de</strong>s pieds sauvages.Vesce. Vicia sativa, Linné.Le Vicia sativa est une Légumineuse annuelle, spontanée danstoute l'Europe, à l'exception <strong>de</strong> la Laponie. Elle est communeégalementen Algérie10 et au midi du Caucase, jusqu'à laprovince<strong>de</strong> Talysch". Roxburgh la donne pour indigène dans le nord <strong>de</strong>l'In<strong>de</strong> et au Bengale; ce que sir Joseph Hooker admet seulementen ce qui concerne la variété appelée angustifolià 12. On ne luiconnaît aucun nom sanscrit, et dans les langues mo<strong>de</strong>rnes <strong>de</strong>l'In<strong>de</strong> seulement <strong>de</strong>s noms hindous 13. Targioni croit que c'est le1. Heldreich,NutzpflanzenGriechenlands, p. 71.2. VoirLenz,Botmiikd. Àlten,p. 727;J?raas,FI.class.,p. 54.3. Wittmack,Sitzungsber ḅot. Xereins Bran<strong>de</strong>nburg,19déc. 1879.4. Willkommet Lange,Prodr. fl. Imp., 3, p. 308.5. Baker,dansHooker,Fl. brit. India.6. Herrera,Agricultura,éd. 1819,4, p. 72.7. Baker,dans Hooker,Fl. brit. India.8. Boissier,Fl. orient.,2, p. 595.9. Par exemple Muaby, Catal. plant. Algerite,éd.2,p. 12.10.Munby,Catal.,éd. 2.11. Le<strong>de</strong>bour,Fl. ross. 1, p. 666; Hohenacker,Enumtjilant Talyclt,p. 113;C.-A. Meyer,Verzeichniss, 147.12.Roxburgh,Fl. ind., éd. 1832,v. 3, p.323;Hooker,Fl. brit. India,p. 178.13.Piddington,In<strong>de</strong>x,en indiquequatre.


FOURRAGES. VESCE. JAROSSE 87Ketsach <strong>de</strong>s Hébreux 1. J'ai reçu <strong>de</strong>s échantillons du Cap et <strong>de</strong>Californie. L'espèce n'y est certainement pas indigène, maisnaturalisée hors <strong>de</strong>s cultures.Les Romains semaient cette plante, comme fourrage et pourles graines, déjà du temps <strong>de</strong> Caton 2. Je n'ai pas découvert <strong>de</strong>preuve d'une culture plus ancienne. Le nom Vik, d'où Vicia, estd'une date très reculée en Europe, car il existe dans 1 albanaisqu'on regar<strong>de</strong> comme la langue <strong>de</strong>s Pélasges, et chez les peuplesslaves, suédois et germains, avec <strong>de</strong> légères modifications. ys ane prouve pas que l'espèce fût cultivée. Elle est assez distincteet assez utile aux herbivores pour avoir reçu <strong>de</strong> tout temps <strong>de</strong>snoms vulgaires.Jarosse, Garousse, Gessette. – Lathyrus Cicera, Linné.Légumineuse annuelle, estimée comme fourrage, mais dont lagraine, prise comme aliment dans une certaine proportion, présente<strong>de</strong>s dangers 4.nOn la cultive en Italie sousle nom <strong>de</strong> Mocki Quelques auteurssoupçonnent que c'est le Cicera <strong>de</strong> Columelle et lErmiia <strong>de</strong>Varron, mais le nom vulgaire italien est très différent <strong>de</strong> ceux-ci.L'espèce n'est pas cultivée en Grèce7. Elle l'est, plus ou moins,en France et. en Espagne, sans indice que l'usage y remonte à<strong>de</strong>s t.mns anciens. Cenendant M. Wittmack 8 lui attribue, avecdoute,certaines graines rapportées par M. Virchow <strong>de</strong>s fouilles<strong>de</strong> Tr oie.Vaprès les ilores, elle est évi<strong>de</strong>mment spontanéedans <strong>de</strong>sendroits secs, hors <strong>de</strong>s cultures, en Espagne et en Italie .bilel'est aussi dans la basse Egypte, d'après MM. Schweinfurth etAscherson 10 mais on n'a aucun indice d'ancienne culture dansce pays ou par les Hébreux. Vers l'orient, la qualité spontanée<strong>de</strong>vient moins certaine. M. Boissier indique la plante dans lesterrains cultivés <strong>de</strong>puis la Turquie d'Europe et l'Egypte jusqu'aumidi du Caucase et à Babylone » ». Elle n'est mentionnée dansl'In<strong>de</strong> ni comme spontanée ni comme cultivée 12et n a pas lenom sanscrit.1. Targioni, Cennistorici, p. 30. ,“2. Cato,Dere rustica, ed. 1533,p. 34; Pline,1. 18,c. 15.3. Heldreich,NutlXnzen Griechenlands p. 71 Dans la langue antérieureaullndo Éu/opéens Vik a un autre sens, celui<strong>de</strong> hameau(Fick,Vorierb.indo-germ.,p. 189).4. Vilmorin,Bonjardinier, 1880,p. 603.5. Targioni,Cennislorici, p. 31; Bertoloni,F. ital., 7, p. 444,447.6. Lenz,Botanikd. Alfr.n,p. 730.7. Fraas,Fl. class.; Heldreich, Nidsflanzen Griechenlands.8. Wittmack, Sitz. ber. bot. VereinsBran<strong>de</strong>nburçi,19<strong>de</strong>e. 1879.9. «ornrn et Lange, Prodr. fl hisp 3, p. 3«; Bertolom,l. C.10. Schweinfurthet Aseherson,Aufafdung,etc., p. -2o7,11. Boissier,Fl. orient, 2, p. 605.12. J. Baker,dansHooker, Fl. of bnt. India.


88 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS TIGES OU FEUILLESProbablement, l'espèce est originaire <strong>de</strong> la région compriseentre l'Espagne et la Grèce, peut-être aussi d'Algérie l, et uneculture, pas très ancienne, l'a propagée dans l'Asie occi<strong>de</strong>ntale.Gesse. Lathyrus sativus, Linné.Légumineuse annuelle, cultivée dans le midi <strong>de</strong> l'Europe,<strong>de</strong>puis un temps fort ancien, comme fourrage et accessoirementpour les graines. Les Grecs la nommaient Lathyros 2 et lesLatins Cicercula 3. On la cultive aussi dans l'Asie occi<strong>de</strong>ntaletempérée et même dans l'In<strong>de</strong> septentrionale 4 mais elle n'apas <strong>de</strong> nom hébreu s ni sanscrit 6, ce qui fait présumerculturequen'en est lapas très ancienne dans ces régions.Presque toutes les flores du midi <strong>de</strong> l'Europe et d'Algériedonnent la plante comme cultivée et presque spontanée, rarement,et pour quelques localités seulement, comme spontanée.On comprend la difficulté <strong>de</strong> reconnaître la spontanéitéilquands'agit d'une espèce souvent mélangée avec les céréales etse quimaintient aisément ou se répand àla suite <strong>de</strong>s cultures. M. <strong>de</strong>lieldreich n'admet pas l'indigénat en Grèce 7. C'est une assezforte présomption que dans le reste <strong>de</strong> l'Europe et enla Algérieplante est sortie <strong>de</strong>s cultures.Les probabilités me paraissent en sens contraire pour l'Asieocci<strong>de</strong>ntale. Les auteurs mentionnent en effet <strong>de</strong>s localités assezsauvages, dans lesquelles l'agriculture joue un rôle moins considérablequ'en Europe. Ainsi Le<strong>de</strong>bour 8 a vu <strong>de</strong>s échantillonsrécoltés dans le désert près <strong>de</strong> la mer Caspienne et dans la pro-Adnce <strong>de</strong> Lenkoran. C.-A. 8 Meyer le confirme pour Lenkoran.Baker, dans la flore <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, après avoir indiquécommel'espècerépandue çà et là dans les provinces septentrionales,ajoute « souvent cultivée », d'où l'on peut croire qu'il la regar<strong>de</strong>comme indigène, au moins dans le nord. M. Boissier n'affirmerien à l'égard <strong>de</strong>s localités <strong>de</strong> Perse qu'il mentionne dans saflore d'Orient 10.En somme, je regar<strong>de</strong> comme probable que l'espèceavantexistait,d'être cultivée, du midi du Caucase ou <strong>de</strong> la mer Caspiennejusqu'au nord <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, et qu'elle s'est propagée vers1 Europe, à la suite d'anciennes cultures, mélangée peut-êtreavec les céréales.i. Munby,Catal.2. Theophrastes,Hist.plant., 8, c. 2, 10.3. Coluinella, Dererustica, 2, c. 10; Pline,18,c. 13 32.4. Roxburgh, Fl. ind.,3 Hooker,Fl. brit.India, 2, p. 178.5. Rosenmûller,Bandb.bibl.AUerk.vol., 1.6. Piddington,In<strong>de</strong>x.7. Heldreich,Pflanzen d. attise! Ebene, p. 476;NulzpflcnzenGriechenlands,p.72.8. Le<strong>de</strong>bour, Flora rossica,1,p. 681.9. C.-A. Meyer,Verzeichntes, p i48.10. Boissier,Fl. orient,2, p. 606.


FOURRAGES. GESSE. FENU GREC 89Gesse Ochrus. -Pisum Ochrus, Linné. -Lathyrus Ochrus,<strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>.Cultivée comme fourrage annuel en Catalogne, sous le nom<strong>de</strong> lapisots et en Grèce, particulièrement dans l'île <strong>de</strong> Crète,sous celui <strong>de</strong> Ochros 2, mentionné dans Théophraste 3, maissans la moindre <strong>de</strong>scription. Les auteurs latins n'en parlentpas, ce qui fait présumer une culture locale et rare dans l'antiquité.L'espèce est certainement spontanée en Toscane 4 Elle paraîtl'être aussi en Grèce et en Sardaigne, où elle est indiquée dansles haies 6,et en Espagne, où elle croît dans <strong>de</strong>s lieux incultes 6,mais, quant au midi <strong>de</strong> la France, à l'Algérie et la Sicile, lesauteurs ne s'expliquent pas sur la station ou indiquent ordinairementles champs et les terrains cultivés. Vers l'Orient, on.ne connaît pas la plante plus loin que la Syrie 7, où probablementelle n'est pas spontanée.La belle planche publiée par Sibthorp, Flora grmca, t. 689,fait penser que l'espèce mériterait d'être cultivée plus souvent.Fenu grec. TngonellaFœnum-grmcum,Linné.La culture <strong>de</strong> cette Légumineuse annuelle était fréquente chezles anciens, en Grèce et en Italie 8, comme fourrage <strong>de</strong> printempsou comme donnant <strong>de</strong>s graines officinales. Abandonnéepresque partout en Europe, notamment en Grèce 9, elle continueen Orient et dans l'In<strong>de</strong> 10, où probablement elle remonteà une époque très ancienne, et dans toute la région du NilL'espèce est spontanée dans le Punjab et le Cachemir12, dansles déserts <strong>de</strong> la Mésopotamie et <strong>de</strong> la Perse et dans l'AsieMineure où cependant les localités indiquées ne paraissent pasassez distinctes <strong>de</strong>s terrains cultivés. On l'indique aussi 15 dansplusieurs endroits <strong>de</strong> l'Europe méridionale, comme le montHymette et autres localités <strong>de</strong> Grèce, les collines au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong>Bologne et <strong>de</strong> Gênes, quelques lieux incultes en Espagne; mais1. Willkommet Lange, Vrodr.Fl. hisp.,3, p. 312.2.Lenz.Bot.â. Allcrtk.,p. 730;Heklreich,Nutzpfl.Griechenlṗ. 72.3. Lenz.I. e,4. Caruel,Fl. tosc. p. 193;Gussone,Syn.fl. sic. ed. 2.5. Boissier,fl. orient.2,p. 602;Moris,fl. sardoa,1, p. 582.6.Willkommet Lange, t. c.7. Boissier,l. c.8. TneophraHes,Histplant., 8, e. 8; Columella,De re rust., 2, c. 10;iPline,Hist.,18,c. 16.9. Fraas, Syn.fl. class.,p. 63;Lenz,Bot.d. Alterth. 719.10.Baker,dans Hooker,Fl. brit. Ind., II, p. 37.11. Schweinfurth,Beitr.z. Fl. Mthiop.p. 258.12.Baker,l. c.13. Boissier,Fl. orient.II, p. 70.14.Boissier,H4d.13.Sibthorp,Fl. gneca,t. 766; Lenz,l. c; Bertoloni,FI. ital., S,p. 250;Willkommet Lange, Prodr. fl. hisp,,3, p. 390.


'90 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS TIGES OU FEUILLESplus on avance vers l'ouest, plus les stations mentionnées sontles champs, les terrains cultivés, etc. aussi les auteurs attentifsont-ils soin <strong>de</strong> noter que l'espèce est probablement sortie <strong>de</strong>scultures 1. Je ne crains pas <strong>de</strong> dire qu'une plante <strong>de</strong> cette sortesi elle était originaire <strong>de</strong> l'Europe méridionale, y serait beaucoupplus commune et ne. manquerait pas, par exemple, auxflores insulaires, comme celles <strong>de</strong> Sicile, d'Ischia et <strong>de</strong>s Baléares2.L'ancienneté <strong>de</strong> l'espèce et <strong>de</strong> son emploi dans l'In<strong>de</strong> estappuyée par l'existence <strong>de</strong> plusieurs noms différents, selon lespeuples, et surtout d'un nom sanscrit et hindoumo<strong>de</strong>rne, Methi3.Il existe un nom persan, Schemlit, et un nom arabe, Eelbek4,très connu en Egypte; mais on ne cite aucun nom hébreu 5.L'un <strong>de</strong>s noms <strong>de</strong> la plante en grec ancien, Tailis (Typa;), serapeut-être pour les philologues un dérivé du nom sanscrit °, cedont je ne suis pas juge. L'espèce pourrait avoir été introduitepar les Aryens et le nom primitif n'avoir laissé aucune tracedans les langues du nord, parce qu'elle ne peut vivre que dansle midi <strong>de</strong> l'Europe.Serra<strong>de</strong>lle. – Ornithopus sativus, Brotero. 0. isthmovarpus,Cosson.La véritable Serra<strong>de</strong>lle, spontanée et cultivée en Portugal, aété décrite pour la première fois, en 1804, par Brotero 7, etM. Cosson l'a distinguée plus clairement <strong>de</strong>s espèces voisines 8.Quelques auteurs l'avaient confondue avec YOmithopus roseus<strong>de</strong> Dufour, et les agriculteurs lui ont attribué quelquefois lenom d'une espèce bien différente, YO. perpusillus, qui seraitpar son extrême petitesse impropre à la culture. Il suffit <strong>de</strong>voir le fruit ou légume <strong>de</strong> YO. sativus pour être certain <strong>de</strong>l'espèce, car il est, à maturité, étranglé <strong>de</strong> place en place etarqué fortement. S'il y a dans les champs <strong>de</strong>s individus <strong>de</strong>même apparence, mais à légumes droits et non étranglés, ilsdoivent provenir <strong>de</strong> quelque mélange <strong>de</strong> graines avec VO. lyseus,et, si le légume est courbé, mais non étranglé, ce serait YO.compressm. D'après l'aspect <strong>de</strong> ces <strong>plantes</strong>, elles paraissentpouvoir être <strong>cultivées</strong> semblablement et auraient, je le suppose,les mêmesavantages. r1. Caruel,FI. tose.,p. 256;Willkommet Lange,l. c.2. Les<strong>plantes</strong>qui se répan<strong>de</strong>nt d'un pays à l'autre arriventplus diffieilementdans les îles, selon les observationsque j'ai publiées autrefois(Gêogr bot.raisonnêe,p. 706).3.Piddington, In<strong>de</strong>x.4. Ainslie,Mat.med.ind., I, p. 130.5. Rosenmüller,Bibl.Alterkun<strong>de</strong>.6. Commed'ordinairele dictionnaireclassique <strong>de</strong> Ficlc, <strong>de</strong>s languesindo-européennes, ne mentionne pas le nom <strong>de</strong> cette plante,que les Anglaisdisentêtre sanscrit.7. Brotero,Flora hisilanica,II, p. 160.S. Cosson,Notessur quelques <strong>plantes</strong> nouvellesou critiquesdu midi <strong>de</strong>l'Espagne,p. 36.


FOURRA.GES. SERRADELLE. SPERGULE 91La Serra<strong>de</strong>lle ne convient que dans les terrains sablonneuxet ari<strong>de</strong>s. C'est une plante annuelle, qui fournit en Portugal unfourrage très précoce au printemps. Sa culture, introduite dansla Campine, a bien réussi l. 1L'0. sativus paraît spontané dans plusieurs localités <strong>de</strong> Portugalet du midi <strong>de</strong> l'Espagne. J'en ai un échantillon <strong>de</strong> Tanger(Salzmann), et M. Cosson l'a récolté en Algérie. Souvent on letrouve dans <strong>de</strong>s champs abandonnés et même ailleurs. Il peutêtre difficile <strong>de</strong> savoir si les échantillons ne sont point échappés<strong>de</strong>s cultures, mais on cite <strong>de</strong>s localités où cela n'est pas probable,par exemple un bois <strong>de</strong> pins, près <strong>de</strong> Ghielana, dans le midi <strong>de</strong>l'Espagne (Willkomm).Spergule ou Spargoule. – Spergula arvensis, Linné.Cette plante annuelle, sans apparence, <strong>de</strong> la famille <strong>de</strong>s Caryophyllées(tribu Alsinées), croît dans les champs sablonneuxet terrains analogues en Europe, dans l'Afrique septentrionalemême en Abyssinie 2 et dans l'Asie occi<strong>de</strong>ntale jusque dansl'In<strong>de</strong> 3 et même à Java 4. Il est difficile <strong>de</strong> savoir dans quelleétendue <strong>de</strong> l'ancien mon<strong>de</strong> elle était primitivement indigène.Pour beaucoup <strong>de</strong> localités, on ignore si elle est vraiment spontanéeou si elle provient <strong>de</strong>s cultures. Quelquefois on peut soupçonnerune introduction récente. Dans l'In<strong>de</strong>, par exemple, onen a recueilli <strong>de</strong>puis quelques années <strong>de</strong> nombreux échantillonsmais Roxburgh n'a pas mentionné l'espèce, lui qui avait tantherborisé à la fin du siècle <strong>de</strong>rnier et au commencement <strong>de</strong>celui-ci. On ne lui connaît aucun nom sanscrit ou <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> mo<strong>de</strong>rnes, et on ne l'a pas récoltée dans les pays entre l'In<strong>de</strong> etla Turquie.Les noms vulgaires peuvent indiquer quelque chose sur I origine<strong>de</strong> l'espèce et sa culture.On ne connait aucun nom grec ni <strong>de</strong>s auteurs latins. Celui <strong>de</strong>Spergula, en italien Spergola, a toute l'apparence d'un nomvulgaire ancien en Italie. Un autre nom italien, Erba renawla,indique seulement la croissance dans le sable {rend). Les nomsfrançais, espagnol [Espar cillas), portugais (Esparguta), allemand(Spark) ont la même racine. Il semble que dans toutle midi <strong>de</strong> l'Europe l'espèce ait été portée <strong>de</strong> pays en pays parles Romains, avant la division <strong>de</strong>s langues latines. Dans jenord, c'est toute autre chose. Il y a un nom russe, lontsa1. Bonjardinier, 1880,p. 512.2. Boissier,FI. or. 1, p. 731. w-i-t,-3. Hooker,FI. brit. Inâia, 1.p.. "43,et plusienrs échantillons <strong>de</strong>s ISi.'gmrieset <strong>de</strong> Ceylandansmon herbkr.4. Zollinger, n° 2556,dans monherbier.5.Piddineton,In<strong>de</strong>x.6. Sobolewski,Florapsù-p., p. 109.


92 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS TIGES OU FEUILLESplusieurs noms danois, Humb ou Hum, Girr ou Kirr et suédois,Knutt, Fryle. Nâg<strong>de</strong>, Skorfî-. Cette gran<strong>de</strong> diversité montreque l'attention s'était portée <strong>de</strong>puis longtemps sur la plantedans cette partie <strong>de</strong> l'Europe, et fait présumer que la culturey est ancienne. Elle était pratiquée autour <strong>de</strong> Montbelliarddans le xvie siècle 3, et l'on ne dit pas qu'elle y fût récente. Probablementelle a pris naissance dans le midi <strong>de</strong> l'Europe àl'époque <strong>de</strong> l'empire romain, et dans le nord peut-être plusEn tout tôt.cas, la patrie originelle doit avoir été l'Europe.Les agriculteurs distinguent une forme plus haute <strong>de</strong> Spergulemais les botanistes s'accor<strong>de</strong>nt à ne pas lui trouver <strong>de</strong>scaractères suffisants pour la séparer comme espèce, et plusieursn'en font pas même une variété.Herbe <strong>de</strong> Guinée. – Panicum maximum, Jacquin 6.La Graminée vivace, dite Herbe <strong>de</strong> Guinée (Guinea grass <strong>de</strong>sAnglais), a une gran<strong>de</strong> réputation dans les pays intertropicauxcomme fourrage nutritif, aisé à cultiver. Avec un peu <strong>de</strong> soin,on peut faire durer un pré jusqu'à vingt ans 6.La culture paraît avoir commencé dans les Antilles. E. Browneen parle dans son ouvrage sur la Jamaïque au milieu du siècle<strong>de</strong>rnier, et après lui Swartz.Le premier mentionne le nom Guinea grass, sans aucuneréflexion sur la provenance <strong>de</strong> l'espèce. Le second dit « apportéautrefois <strong>de</strong>s côtes d'Afrique aux Antilles ». Il s'est fié probablementà l'indication donnée par le nom vulgaire, mais nous savonsà quel point les origines indiquées <strong>de</strong> cette manière sont quelquefoisfausses, témoin le blé dit <strong>de</strong> Turquie, qui vient d'Amérique.Swartz, excellent botaniste, dit que la plante croît « dans lespâturages cultivés secs <strong>de</strong>s In<strong>de</strong>s occi<strong>de</strong>ntales, où elle est aussicultivée », ce qui peut s'entendre d'une espèce naturalisée dans<strong>de</strong>s terrains qui ont été cultivés. Je ne vois pas qu'aux Antilleson ait constaté un état vraiment spontané. Il en est autrementau Brésil. D'après les documents recueillis par <strong>de</strong> Martius etétudiés par Nees 7, documents augmentés <strong>de</strong>puis et encore mieux1.Rafn,Danmarksflora,2, p. 799.2. Wahlenberg,cité dans Moritzi,Dict. ms.; SvenskBotanik,t. 308.3. Bauhin,Hist.plant., 3,p. 722.4. Spergula maximaBœhninghausen,figurée sans Reichenbach,Plantscnl., 6, p. 513.5. PanicummaximumJacq., Coll. 1, p. 7d (en 1786);Jacq. icones, 1,t. 13 Swartz,FI. Indiseace, 7, p. 170.P. polygamumSwartz,P?-odr.§. 24(1788).P. jumentorum PersoonEnch.,1,p 83(1805).P. altissimum,e quelques jardins et auteursmo<strong>de</strong>rnes.D'après la règle, le nom le plusanciendoit être adopté.6. Ala Dominique,d'aprèsImray, dansKewReportfor 1879,p. 16.7. Nees,dansMartius,FI. brasil.,in-8»,vol. 2, p. 166.


THÉ 93étudiés par M. Doell 1 le Panicum maximum croit dans leséclaircies <strong>de</strong>s forêts voisines <strong>de</strong> l'Amazone, près <strong>de</strong> Santarem,dans les provinces <strong>de</strong> Bahia, Ceara, Rio-<strong>de</strong>-Janeiro et Saint-Paul.Quoique la plante soit souvent cultivée dans ces pays, les localitéscitées, par leur nature et leur multiplicité, font présumerl'indigénat. M. Dœll a vu aussi <strong>de</strong>s échantillons <strong>de</strong> la Guyanefrançaise et <strong>de</strong> la Nouvelle-Grena<strong>de</strong>.Voyons ce qui concerne l'Afrique.Sir W. Hooker 2 mentionnait <strong>de</strong>s échantillons rapportés <strong>de</strong>Sierra Leone, d'Aguapim, <strong>de</strong>s bords du Quorra et <strong>de</strong> l'île <strong>de</strong>Saint-Thomas, dans l'Afrique occi<strong>de</strong>ntale. Nees 3 indique l'espècedans plusieurs localités <strong>de</strong> la colonie du Cap, même dans<strong>de</strong>s broussailles et dans <strong>de</strong>s pays montueux, A. Richard 4 mentionne<strong>de</strong>s localités d'Abyssinie, qui paraissent aussi en <strong>de</strong>hors<strong>de</strong>s cultures, mais il convient n'être pas très sûr <strong>de</strong> l'espèce.M. An<strong>de</strong>rson, au contraire, n'hésite pas en indiquant le P. maximumcomme rapporté <strong>de</strong>s bords du Zambèze et <strong>de</strong> Mozambiquepar le voyageur Peters 6.On sait positivement que l'espèce a été introduite à l'île Mauricepar l'ancien gouverneur Labourdonnais B, et qu'elle s'y estrépandue hors <strong>de</strong>s cultures, <strong>de</strong> même qu'à Rodriguez et auxSeychelles 7. L'introduction en Asie ne peut pas être ancienne,car Roxburgh (FI. ind.) et Miquel (Fl. ind.-bat.) ne mentionnentpas l'espèce. A Ceylan, elle est uniquement cultivée8.En définitive, il y a un peu plus <strong>de</strong> probabilité, ce me semble,en faveur <strong>de</strong> l'origine africaine, conformément à l'indication dunom vulgaire et à l'opinion générale, mais peu aprofondie, <strong>de</strong>sauteurs. Cependant, puisque la plante se répand si aisément, ilest singulier qu'elle ne soit pas arrivée d'Abyssinie ou <strong>de</strong> Mozambiqueen Egypte et qu'on l'ait reçue si tard dans les îles <strong>de</strong>l'Afrique orientale. Si l'existence, antérieurement aux cultures,d'une même espèce phanérogame en Afrique et en Amériquen'était une chose extrêmement rare, on pourrait la supposer;mais c'est peu vraisemblable pour une plante cultivée, dont ladiffusion est évi<strong>de</strong>mment très facile.Article 3. – Emplois divers <strong>de</strong>s tiges on<strong>de</strong>s fenîllcs.Thé. – Thea sinensis, Linné.Au milieu du xvme siècle, lorsqu'on connaissait encore très peu1.Dœll,dansFlora brasil., in-fol.,vol. 2, part. 2.2. Sir W. Hooker,Nigerflora, p. 550.3. Nees,HorœAfrics aicstr.Qraminess,p. 36.4. A.Richard,Abyssinie,2, p 373.5. Peters,Reise,Botanik,p. 546.6. Bojer,Hortusmauritianiis, 563. ·.7. Baker,Flora of MauritiusandSeyc'telle?,p. 436.8. Thwaites, Ennm. plant. Ceylome.


94 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS TIGES Ob FEUILLESl'arbuste qui produit le thé, Linné le nomma Thea sinensis.Bientôt après, dans la secon<strong>de</strong> édition du Species plantarum, ilcrut mieux faire en distinguant <strong>de</strong>ux espèces, Thea Bohea etThea viridis, qu'il croyait répondre à la distinction commerciale<strong>de</strong>s thés noirs et verts. On a prouvé <strong>de</strong>puis qu'il n'y aqu'une espèce, comprenant plusieurs variétés, et qu'on obtient<strong>de</strong>s thés noirs ou verts au moyen <strong>de</strong> toutes les variétés, selon lesprocédés <strong>de</strong> fabrication. Cette question était réglée lorsqu'il s'enest élevé une autre sur la réalité du genre Thea, en tant que distinctdu Camellia. Quelques auteurs font du Thea une section<strong>de</strong> l'ancien genre Camellia; mais, si l'on réfléchit aux caractèresindiqués d'une manière très précise par Seemann il est permis,ce me semble, <strong>de</strong> conserver le genre Thea, avec la nomenclatureancienne et usitée <strong>de</strong> l'espèce principale.On mentionne souvent une légen<strong>de</strong> japonaise racontée parKsempfer s. Un prêtre venu <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> en Chine, dans l'année §19<strong>de</strong> notre ère, ayant succombé au sommeil lorsqu'il voulait veilleret prier, aurait coupé ses <strong>de</strong>ux paupières, dans un mouvementd'indignation, et elles se seraient changées en un arbuste, leThé, dont les feuilles sont éminemment propres à empêcher <strong>de</strong>dormir. Malheureusement pour les personnes qui admettentvolontiers les légen<strong>de</strong>s en tout ou en partie, les Chinois n'ontjamais entendu parler <strong>de</strong> celle-ci, quoique l'événement se fûtpassé chez eux. Le thé leur était connu bien avant l'année 519, etprobablement il n'avait pas été apporté <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>. C'est ce quenous apprend le Dr Bretschnei<strong>de</strong>r, dans son opuscule, riche <strong>de</strong>faits botaniques et linguistiques 3. Le Pent-sao, dit-il, mentionnele Thé 2700 ans avant Jésus-Christ, le Rya 5 à600 ans aussi avant Jésus-Christ, et le commentateur <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnierouvrage, au quatrième siècle <strong>de</strong> notre ère, a donné <strong>de</strong>s détailssur la plante et sur l'emploi <strong>de</strong> ses feuilles en infusion.L'usage est donc très ancien en Chine. Il l'est peut-être moinsau Japon, et s'il existe <strong>de</strong>puis longtemps en Cochinchine, ce quiest possible, on ne voit aucune preuve qu'il se soit répandujadis du côté <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>; les auteurs ne mentionnent aucun nomsanscrit, ni même <strong>de</strong>s langues indiennes mo<strong>de</strong>rnes. Le faitparaîtra singulier quand on verra ce que nous avons à dire surl'habitation naturelle <strong>de</strong> l'espèce.Les graines <strong>de</strong> Thé se répan<strong>de</strong>nt souvent hors <strong>de</strong>s cultures etmettent les botanistes dans le doute sur la qualité spontanée <strong>de</strong>spieds qu'on a rencontrés çà et là. Thunberg croyait l'espècesauvage au Japon, mais MM.Franchet et Savatier le nient com-1. Seemann, dans Transactions of the linnsean Society, 22, p. 337, pl. 61.2. Kœmpfer, Amœn. Japon.3. Bretschnei<strong>de</strong>r, On the study and value of clzinese botanical worksrp. 13 et 45.4. Franchet et Savatier, Enum. plant. Jap., I, p. 61.


LIN 9$plètement. Fortune qui a si bien examiné la culture du Théen Chine, ne parle pas <strong>de</strong> la plante spontanée. M. H. Fontanier2 affirme que le Thé croît généralement à l'état sauvage enMandschourie. II est probable qu'il existe dans les districtsmontueux du sud-ouest <strong>de</strong> la Chine, où les naturalistes n'ont paspénétré jusqu'à présent.Loureiro le dit « cultivé et noncultive»aen Cochinchine 3. Ce qui est plus certain, les voyageurs anglaisl'ont recueilli dans l'Assam supérieur et la province <strong>de</strong>Gaehar 5 Ainsi le Thé doit être indigène dans les pays montueuxqui séparent les plaines <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> <strong>de</strong> celles <strong>de</strong> la Chine, maisl'emploi <strong>de</strong>s feuilles n'était pas connu jadis dans 1 In<strong>de</strong>.La culture du Thé, introduite aujourd'hui dans plusieurscolonies, donne <strong>de</strong>s résultats admirables à Assam. Non seulementle produit y est d'une qualité supérieure à la moyenne <strong>de</strong>sthés <strong>de</strong> Chine, mais la quantité obtenue augmente rapi<strong>de</strong>ment.En 1870, on a récolté dans l'In<strong>de</strong> anglaise treize millions <strong>de</strong>livres <strong>de</strong> thé, en 1878 trente-sept millions, et l'on espérait pour1880 une récolte <strong>de</strong> soixante et dix millions <strong>de</strong> livres Le Thécraint les fortes gelées et souffre par la sécheresse. Comme jel'ai dit une fois les conditions qui le favorisent sont tout à faitl'opposé <strong>de</strong> celles qui conviennent à la vigne. On m'a objectéque le thé prospère aux îles Açores, où l'on a du bon vin s; maison peut cultiver dans les jardins ou sur une petite échelle bien<strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> qui ne donnent pas, en grand, <strong>de</strong>s produits rémunérateurs.On a <strong>de</strong> la vigne en Chine, et la vente <strong>de</strong>s vins y joueun très petit rôle. Inversement aucun pays <strong>de</strong> vignobles n adonné du thé pour l'exportation. Après la Chine, le Japon etAssam, c'est à Java, à Ceylan et au Brésil qu'on fait le plus <strong>de</strong>thé, et assurément on n'y cultive pas du tout ou fort peu lavigne, tandis que les vins <strong>de</strong> régions sèches, comme1 Australie,le Cap, etc., se répan<strong>de</strong>nt déjà dans le commerce.Lin. Linum imtatissimwn, Linné.La question <strong>de</strong> l'origine du Lin, ou plutôt <strong>de</strong>s Lins cultivés,est une <strong>de</strong> celles qui ont donné lieu aux recherches les plus intéressantes.Pourcomprendre les difficultés qu'elle présente, il fautd'abord se rendre compte <strong>de</strong>s formes, très voisines, que les aui.Fortune, Titréeyearswan<strong>de</strong>ring in China,1 vol. in-8°.2. Fontanier,Bulletinsoc.d acclimatation,lb7U,p. bb.3. Loureiro,Fl. coclcinch.,p. 414.4. G^ffit°Ae"h!-câ|4parsir J. Hooker,Flora of brit. India,I, p. 293.^î^ih2^èntàaHlifù le G*6. 1'he coloniesandIndïa, d'après le Gar<strong>de</strong>nec·'sChrorcicle,18&ù',I,Chronicle,ISSU,I,p.7 659.Discoursau congrès bot. <strong>de</strong> Londres,en 1866.8. Flora,1868,p. 64.


96 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS TIGES OU FEUILLESteurs désignent tantôt comme espèces distinctes du genreLinum et tantôt comme variétés d'une seule espèce.Le premier travail important sur ce point a été fait parM. J.-E. Planchon, en 1848 Il a montré clairement les différences<strong>de</strong>s Linum usitatissimum, humile, et angustifolium, qu'onconnaissait mal. Ensuite M. Oswald Heer 2, à l'occasion <strong>de</strong> recherchesapprofondies sur les anciennes cultures, arevu les caractèresindiqués, et en ajoutant l'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux formes intermédiaires,ainsi que la comparaison <strong>de</strong> nombreux échantillons, ilest arrivé à l'idée d'admettre une seule espèce composée <strong>de</strong> plusieursétats légèrement différents. Je transcrirai, en français,son résumé latin <strong>de</strong>s caractères, avec la seule addition <strong>de</strong> mettreun nom pour chaque forme distincte, suivant l'usage dans leslivres <strong>de</strong> botanique.Linumusitatissimum.1.Annuum (annuel). Racineannuelle;tigeà 8 mill.<strong>de</strong>unique, droite; capsules<strong>de</strong>7longueur;graines <strong>de</strong> 4 à 6mill.,terminées par un bec.a. Vulgare(ordinaire).Capsules<strong>de</strong>7mill.ne s'ouvrant pas à maturité,et offrant<strong>de</strong>s replis intérieurs labres. Chezles Allemands Scldiesslein,Dreschlein.p.Humile(petit).Capsules<strong>de</strong>8mill.,s'ouvrantà maturitéd'une manièrebrusque, à replis intérieurs ciliés. Linum humileMiller.L. crepitansBœninshausen.Chezles Allemands2.Klanglein,Sprinylein.Hyemale(d'hiver).Racineannuelleoudiffusesà labisannuelle;tigesnombreuses,base, arquées;capsules<strong>de</strong> 7 mil! terminéespar un bec.Linumhilemaleromanum.En allemand Winterlein.3. Ambiguum(ambigu). Racineannuelleoufeuillesvivace;tiges nombreuses; iacuminées;capsules<strong>de</strong> 7 mill., à replis peu ciliés;4graines<strong>de</strong>mill.,terminéespar un court bec. Linum ambiguum, Jordan.4. Angustifolium(à feuilles étroites). Racine annuelleou vivace:nombreuses,diffusesà la tigesbase, arquées; capsules<strong>de</strong> 6 mill., à replis ciliésgraines <strong>de</strong> 3 mill.,à peine crochuesau sommet.– Linumlium Hudson.anqustifo-On voit combien <strong>de</strong> passages existent entre les formes. Laqualité <strong>de</strong> plante annuelle, bisannuelle ou vivace, dont M. Heersoupçonnait le peu <strong>de</strong> fixité, est assez vague, en particulierpour l'angustifolium, car M. Loret, qui a observé ce Lin aux environs<strong>de</strong> Montpellier, s'exprime ainsi 3 « Dans les pays trèschauds, il est presque toujours annuel, et c'est ce qui a lieu enSicile, d'après le témoignage <strong>de</strong> Gussone; chez nous il est annuel,bisannuel ou même vivace, selon la nature physique du sol où ilcroît, et l'on peut s'en assurer en l'observant sur le littoral, notamment,àMaguelone. On y remarquera que le long <strong>de</strong>s sentiersfréquemment piétinés il a une durée plus longue que dans lesi. Planchon,dansHooker,Journalof botany,vol. 7,p. 163.2. Heer, Lie Pflanzén <strong>de</strong>r Pfahlbauten,in-4°,Zurich,1863,p. 35; Ueber<strong>de</strong>n Flachsund die Flachskultur,in-4°,Zürich,1872.3. Loret, Observationscritiquessur plusieurs <strong>plantes</strong> montpelliéraines,dansla Revue<strong>de</strong>ssc. nat., 1875.


LIN 97sables, où le soleil <strong>de</strong>ssèche promptement ses racines et oùl'aridité du sol ne lui permet <strong>de</strong> vivre qu'une seule année. »Lorsque <strong>de</strong>s formes ou <strong>de</strong>s états physiologiques passent <strong>de</strong>l'un à l'autre et se distinguent par <strong>de</strong>s caractères variables selonles circonstances extérieures, on est conduit à les considérercomme constituant une seule espèce, quoique ces formes ouétats aient un certain <strong>de</strong>gré d'hérédité et remontent peut-être à<strong>de</strong>s temps très anciens. Nous sommes cependant obligés, dans<strong>de</strong>s recherches sur les origines, <strong>de</strong> les considérer séparément.J'indiquerai d'abord dans quels pays on a trouvé chaque formeà l'état spontané ou quasi spontané. Ensuite je parlerai <strong>de</strong>s cultures,et nous verrons jusqu'à quel point les faits géographiquesou historiques confirment l'opinion <strong>de</strong> l'unité d'espèce.Le Lin annuel ordinaire n'a pas encore été trouvé dans unétat spontané parfaitement certain. Je possè<strong>de</strong> plusieurs échantillons<strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, et M. Planchon en avait vu d'autres dans lesherbiers <strong>de</strong> Kew, mais les botanistes anglo-indiens n'admettentpas que la plante soit indigène dans leur région. La florerécente <strong>de</strong> sir Joseph Hooker en parle comme d'une espècecultivée, principalement pour l'huile qu'on tire <strong>de</strong>s graines, etM. C.-B. Glarke, ancien directeur du jardin <strong>de</strong> Calcutta, m'écritque les échantillons récoltés doivent venir <strong>de</strong>s cultures, très fréquentesen hiver, dans le nord <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>. M. Boissier mentionneun L. hwmile à feuilles étroites, que Kotschy a récolté « près<strong>de</strong> Schiraz, en Perse, au pied <strong>de</strong> la montagne Sabst Buchom. »Yoilà peut-être une localité bien en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>s cultures, mais jene puis donner à cet égard <strong>de</strong>s informations suffisantes. Hohenackera trouvé le L. usitatissimum m subspontané » dans laprovince <strong>de</strong> Talysch, au sud du Caucase, vers la mer Caspienne 2.Steven est plus affirmatif pour la Russie méridionale 8. Selonlui, le L. usitatissimum « se trouve assez souvent sur les collinesstériles <strong>de</strong> là Crimée méridionale, entre Yalta et Nikita, et léprofesseur Nordmann l'a récolté sur la côte orientale <strong>de</strong> la merNoire. » En avançant vers l'ouest dans la Russie méridionaleou la région <strong>de</strong> la mer Méditerranée, on ne cite plus l'espèceque rarement et tomme échappée <strong>de</strong>s cultures ou quasi spontanée.Malgré ces doutes et la rareté <strong>de</strong>s documents, je regar<strong>de</strong>comme très possible qne le lin annuel, sous l'une ou l'autre <strong>de</strong>ses <strong>de</strong>ux formes, soit spontané dans la région qui s'étend <strong>de</strong> laPerse méridionale à la Crimée, au moins dans certaines localités.Le Lin d'hiver est connu seulement comme cultivé, dans quelquesprovinces d'Italie1. Boissier,Floraorient.,1,p. 851.C'estle L. usitatissimumile Kotschy,n164.2. Boissier,ibid.; Hohenh.,Enzim.Talysch,p.3.Steven,Verzeichniss <strong>de</strong>r 168.auf <strong>de</strong>r taurischenHalbinselnwildwaeiisen<strong>de</strong>nPflanzen,Moscou,1857,p.4. 91.Heer, Ub.d. Flachs,p. 17et 22.DE CANDOLLE. 7


98 PLANTES CULTIVÉES POURLEURS TIGES OU FEUILLESLe Linum ambiguum <strong>de</strong> Jordan croît sur la côte <strong>de</strong>,Provenceet du Languedoc, dans les endroits secs 1.Enfin le Linum ançfustifolùim, dont le précé<strong>de</strong>nt diffère àpeine, présente une habitation bien constatée et assez vaste. Ilcroit spontanément, surtout sur les collines, dans toute l'étendue<strong>de</strong> la région dont la mer Méditerranée est le centre, savoirdans les îles Canaries et Madère, au Maroc a, en Algérie 3 etjusque dans la Cyrénaïque 4, au midi <strong>de</strong> l'Europe jusqu'enAngleterre s, jusqu'aux Alpes et aux Balkans, et enfin en Asie,du midi du Caucase 6 au Liban et à la Palestine 7. Je ne le voispas mentionné en Crimée, ni au <strong>de</strong>là <strong>de</strong> la mer Caspienne.Voyons ce qui concerne la culture, <strong>de</strong>stinée le plus souvent àfournir une matière textile, souvent aussi à donner <strong>de</strong> l'huile ou,chez certains peuples, une matière nutritive au moyen <strong>de</strong>sgraines. Je me suis occupé <strong>de</strong> la question d'origine, en 18ob8.Elle se présentait alors <strong>de</strong> la manière suivanteII était démontré surabondamment que les anciens Egyptienset les Hébreux se servaient d'étoffes <strong>de</strong> lin. Hérodote l'affirmait.On voit d'ailleurs la plante figurée dans les <strong>de</strong>ssins <strong>de</strong>l'ancienne Egypte, et l'examen au microscope <strong>de</strong>s ban<strong>de</strong>lettesqui entourent les momies ne laisse subsister aucun doute a. Laculture du Lin était ancienne en Europe, par exemple chez lesCeltes, et dans l'In<strong>de</strong>, d'après les notions historiques. Enfin <strong>de</strong>snoms vulgaires très différents indiquaient aussi une culture ancienneou <strong>de</strong>s usages anciens dans divers pays. Le nom celte Linet gréco-latin Linon ou Linum n'a aucune analogie avec le nomhébreux Pischta10 ni avec les noms sanscrits Ooma (prononcezQurna), Atasi, Utasi Quelques botanistes citaient le Lin commea à peu près spontané » dans le sud-est <strong>de</strong> la Russie, au midi duCaucase et dans la Sibérie occi<strong>de</strong>ntale, mais on ne connaissaitpas une véritable spontanéité. Je résumais alors les probabilitésen disant « L'étymologie multiple d:^ noms, l'anciennete <strong>de</strong> laculture en Egypte, en Europe et dans le nord <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> à la fois,i. Jordan,cité dansWalpers,Annal.,vol. 2, et dansHeer,l. c, p.2. 22.Ball,Spidlegiiimfl. marocc. 380.3. Munby,Catal., ed. 2, p. 7.4. Rohlf,d'aprèsCosson,Bull. Soc. bot. <strong>de</strong> Fr., 1875,p. 43.5. Planchon.l. c.; Bentliam,Handhookof brit. fl. ed.4, p. 89.6. Planchon,l. c.7. Boissier,Fl. or., 1, p.8. A. <strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>,Gèogr.bot. 881.rationnée,p. 833.9. Thomson,Annalsof philos,juin iS34; Dutrochet,Larrey et Costaz,ComPtes rendus<strong>de</strong> l'Acad.<strong>de</strong>sse., Paris, 1837șem. i, p. 739;Ungeiv 0 Bot.Streifzûge,4, p. 62.10.On a traduit d'autresmots hébreuxpar lin, mais celui-ciest le pluscertain. Voir Hamilton,La botanique <strong>de</strong>la Bible,Nice,1871,p. SS.11. Pïddington,Jncta Ind. plants; Roxburgh, Fl. ind éd.1832,2,p. 110.Le nom Matusee (prononcezMatousî) indiqué par Piddington,appartientà d'autres <strong>plantes</strong>,d'après Ad. Pictet, <strong>Origine</strong>sindo-europ.,éd. 2, vol.1,p. 396.


LIN 99la circonstance que dans ce <strong>de</strong>rnier pays on cultive le Lin seulementpour faire <strong>de</strong> l'huile, me font croire que <strong>de</strong>ux ou troisespèces d'origine différente, confondues sous le nom <strong>de</strong> Linumusitatissimum par la plupart <strong>de</strong>s auteurs, ont été <strong>cultivées</strong> jadisdans divers pays, sans imitation ou communication <strong>de</strong> l'un àl'autre. Je doute, en particulier, que l'espèce cultivée parles anciens Egyptiens fut l'espèce indigène en Russie et enSibérie. »Une découverte très curieuse <strong>de</strong> M. Oswald Heer, est venue,dix ans après, confirmer mes prévisions. Les habitants <strong>de</strong>s palafittes<strong>de</strong> la Suisse orientale, à une époque où ils n'avaient que<strong>de</strong>s instruments <strong>de</strong> pierre et ne connaissaient pas le chanvre,cultivaient déjà et tissaient un lin qui n'est pas notre lin ordinaireannuel, mais le lin vivace appelé Linum angustifotiumspontané au midi <strong>de</strong>s Alpes. Cela résulte <strong>de</strong> l'examen <strong>de</strong>s capsules,<strong>de</strong>s graines et surtout <strong>de</strong> la partie inférieure d'une planteextraite soigneusement du limon <strong>de</strong> Robenhausen La figurepubliée par M. Heermontre clairement une racine surmontée <strong>de</strong><strong>de</strong>ux à quatre tiges, à la manière <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> vivaces. Les tigesavaient été coupées, tandis qu'on arrache notre Lin ordinaire,ce qui prouve encore la qualité persistante <strong>de</strong> la plante. Avec lesrestes du Lin <strong>de</strong> Robenhausen se trouvaient <strong>de</strong>s graines du Silènecretica, espèce également étrangère à la Suisse, qui abon<strong>de</strong> enItalie dans les champs <strong>de</strong> Lin 3. M. Heer en a tiré la conclusionque les lacustres suisses faisaient venir <strong>de</strong>s graines <strong>de</strong> Lin d'Italie.Il semble en effet que ce <strong>de</strong>vait être nécessaire, à moins <strong>de</strong> supposerjadis un autre climat en Suisse que celui <strong>de</strong> notre époque,car le Lin vivace ne supporterait pas habituellement aujourd'huiles hivers <strong>de</strong> la Suisse orientale3. L'opinion <strong>de</strong> M.Heer est appuyéepar le fait, assez inattendu, que le Lin n'a pas été trouvé dans lesrestes lacustres <strong>de</strong> Laybach et Mondsee, <strong>de</strong>s Etats autrichiens,qui renferment du bronze L'époque tardive <strong>de</strong> l'arrivée duLin dans cette région empêche <strong>de</strong> supposer que les habitants <strong>de</strong>la Suisse l'aient reçu <strong>de</strong> l'Europe orientale, dont ils étaientséparés d'ailleurs par d'immenses forêts.Depuis les observations ingénieuses du savant <strong>de</strong> Zurich, oh adécouvert un Lin employé par les habitants <strong>de</strong>s tourbières'préhistoriques <strong>de</strong> Lagozza, en Lombardie; et M. Sor<strong>de</strong>îli aconstaté, que c'était celui <strong>de</strong> Robenhausen le L. angus-1. Heer, Die Pflanzen <strong>de</strong>r Pfalilhauten, ht. in-ï°, Zurich, 1863,p. 35;Ueber <strong>de</strong>n Flachsund diein AltheHkum,hr. in-4°, Zurich,1872.2. Bertoloni, Flora Ual., 4, p. 612.3. Nous avons vu qu'il avance vers le nord-ouest <strong>de</strong> l'Europe, mais ilmanque au nord <strong>de</strong>s Alpes. Peut-être l'ancien climat <strong>de</strong> la Suisse était-ilplus égal qu'à présent, avec plus <strong>de</strong> neises pour abriter les <strong>plantes</strong> vivaces.4. Mittheil. anlhropol. Gesellsehaft. Wien. vol. 6, p. 122, 161 Abhandl.Wien. Akad., 84, p. 488.


100' PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS TIGES OU FEUILLEStifolium Ces anciens habitants ne connaissaient pas le uiiauvreni les métaux, mais possédaient les mêmes céréales que leslacustres <strong>de</strong> l'âge <strong>de</strong> pierre en Suisse et mangeaient comme euxles glands <strong>de</strong> Chêne Rouvre. Il y avait donc une civilisation,déjà un peu développée, en <strong>de</strong>çà et au <strong>de</strong>là <strong>de</strong>s Alpes, avantque les métaux, même le bronze, y fussent d'un usage habituel,et que le chanvre et la poule domestique y fussent connus 2. Ceserait avant l'arrivée <strong>de</strong>s Aryens en Europe, ou un peu aprèsLes noms vulgaires du Lin dans les anciennes langues d'Europepeuvent jeter quelque jour sur cette question.Le nomLin, Llin, Lime,Linon, Linum, Lein, Lan, existe danstoutes les langues européennes, d'origine aryenne, du centreet du midi <strong>de</strong> l'Europe, celtiques, slaves, grecques ou latines.Ce n'est pas un nom commun avec les langues aryennes <strong>de</strong>l'In<strong>de</strong>; par conséquent, dit avec raison Ad. Pictet la culturedu Lin doit avoir commencé par les Aryens occi<strong>de</strong>ntaux et avantleur arrivée en Europe. J'ai fait cependant une réflexion qui m'aconduit à une nouvelle recherche, mais sans résultat. Puisquele Lin, me suis-je dit, était cultivé par les lacustres <strong>de</strong> Suisse etd'Italie avant l'arrivée <strong>de</strong>s peuples aryens, il l'était probablementpar les Ibères, qui occupaient alors l'Espagne et la Gaule,et il en est resté peut-être quelque nom spécial chez les Basques,qu'on suppose <strong>de</strong>scendre <strong>de</strong>s Ibères. Or, d'après plusieurs dictionnaires<strong>de</strong> leur langue 5, Liho, Lino ou Li, suivant les dialectes,signifientLin, ce qui concor<strong>de</strong> avec le nom répandu danstoute l'Europe méridionale. Les Basques paraissent donc avoirreçu le Lin <strong>de</strong>s peuples d'origine aryenne, ou peut-être ils ontperdu un ancien nom auquel ils auraient substitué celui <strong>de</strong>sCeltes et <strong>de</strong>s Romains. Le nom Flachs ou Flax, <strong>de</strong>s langues germaniques,vient <strong>de</strong>l'ancien allemand Flahs °. Ily a aussi, dans lenord-ouest <strong>de</strong> l'Europe, <strong>de</strong>s noms particuliers pour le lin:Pellawa, Aiwina en finlandais 7; Hor, Hôr, HsLrr en danois 8;1. Sor<strong>de</strong>lli,Sullepiante <strong>de</strong>lla torbiera e <strong>de</strong>lla stazionepreistorica <strong>de</strong>llaLagozza,p. 37 et SI, impriméà la suite <strong>de</strong> Castelfranco,Notizieall. stazionelacustre<strong>de</strong>llaLagozza,in-8°,Atti<strong>de</strong>llaSoc.ital. se.nat., 1880.2. La poule a été introduite d'Asieen Grècedans le Tiesiècleavant-J.-C, d'aprèsHeer,Ueb.d. Flachs,p. 25.3. Ces découvertesdans les tourbières <strong>de</strong> Lagozza et autres lieux, enItalie,montrentà quelpoint M. V. Hehn {Kulturpfl., ed. 3, 1877,p. S2i),'est trompé en supposant les lacustressuisses <strong>de</strong>s Helvétiensrapprochésdu temps <strong>de</strong> César.Les hommes<strong>de</strong> la mêmecivilisationqu'eux au midi<strong>de</strong>s Alpes étaient évi<strong>de</strong>mmentplus anciensque la républiqueromaine,peut-êtreplus que les Ligures.4. Ad. Pietet, <strong>Origine</strong>sindo-europ., éd. 2, vol. 1, p. 396.5. Van Eys, Dict. basquefrançais, 1876;Gèze,Eléments<strong>de</strong> grammairebasquesuivis d'un vocabulaire,Bayonne,1873;Salaberry, illots basquesnavarrais, Bayonne,1836;Lécluse,Vocabulḟrançaisbasque, l«2b.6. Ad. Pictet,l. c.7*.Nemnich,Polygl.Lexicond. Nalurgesch.,2, p. 420;Rafn,Danmarkflora,2, p 390.8. Nemnicli,ihid.


LIN 101Hôr et Tone en vieux goth 1. Haar existe aussi dans l'allemand<strong>de</strong> Salzburg 2. Sans doute on peut expliquer ce mot par le sensordinaire en allemand <strong>de</strong> fil, cheveu, comme le nom <strong>de</strong> Li peutêtre rattaché à une même racine que ligare, lier, et comme Hôr,au pluriel Hôrvar, est rattaché par les érudits s à Harva, radicalallemand pour Flachs, mais le fait n'en existe pas moins quedans les pays scandinaves et en Finlan<strong>de</strong> on a employé d'autresexpressions que dans tout le midi <strong>de</strong> l'Europe. Cette diversitéindique l'ancienneté <strong>de</strong> la culture et concor<strong>de</strong> avec le fait queles lacustres <strong>de</strong> Suisse et d'Italie cultivaient un Lin avantles premières invasions <strong>de</strong>s Aryens. Il est possible, je diraimême probable, que ceux-ci ont apporté le nom Li, plutôt quela plante ou sa culture; mais, comme aucun Lin n'est spontanédans le nord <strong>de</strong> l'Europe, ce serait un ancien peuple, les Finnois.d'origine touranienne, qui auraient introduit le Lin dans le nordavant les Aryens. Dans cette hypothèse, ils auraient cultivé leLin annuel, car le Linvivace ne supporterait pas les rigueurs <strong>de</strong>spays septentrionaux, tandis que nous savons à quel point le climat<strong>de</strong> Russie est favorable en été à la culture du Lin ordinaireannuel. La première introduction dans la Gaule, en Suisse et enItalie a pu venir du midi, par les Ibères, et en Finlan<strong>de</strong> par lesFinnois; après quoi les Aryens auraient répandu les noms lesplus habituels chez eux, celui <strong>de</strong> Lin dans le midi et <strong>de</strong> flahsdans le nord. Peut-être eux et les Finnois avaient-ils apportéd'Asie le Lin annuel, qu'on aurait vite substitué au Lin vivace,moins avantageux et moins adapté aux pays froids. On ne saitpas exactement à quelle époque la culture du Lin annuel a remplacé,en Italie, celle du Linum angustifolium vivace, mais cedoit être avant l'ère chrétienne, car les auteurs parlent d'uneculture bien établie, et Pline dit qu'on semait le Lin au printempset qu'on l'arrachait en été 4. On ne manquait pas alors d'instruments<strong>de</strong> métal, ainsi on aurait coupé le Lin s'il avait été vivace.D'ailleurs celui-ci semé au printemps n'aurait pas été mûr avantl'automne.Par les mêmes raisons, le Lin cultivé chez les anciens Egyptiens<strong>de</strong>vait être annuel. On n'a pas trouvé jusqu'à présent dans lescatacombes <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> entières ou <strong>de</strong>s capsules nombreuses, <strong>de</strong>nature à donner <strong>de</strong>s preuves directes et incontestables. SeulementUnger B a pu examiner une capsule tirée <strong>de</strong>s briques d'un monumentque Lepsius attribue au xiue ouxive siècle ayant J.-C, etil l'a trouvée plus semblable à celles du L. usitatissimum que dui. Nemnich,ibid.2. Nemnich, ibid.3. Fick, Vergl. WorterbuchInd. germ. 2' éd., 1, p. 722.Le même faitvenir le nom Lina du latin Linum,mais cenomremonteplushaut, étant(jommnnà plusieurslanguesaryenneseuropéennes.4. Plinius, 1 19,cap. 1 Veresatumœstalevellitur.5. Unger,BotanischeStreifzûge,1866,n° 7, p. 15.


102 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS TIGES OU FEUILLESL. angustifolium. Sur trois graines que Braun a a vues dans lemusée <strong>de</strong> Berlin, mélangées avec d'autres <strong>de</strong> <strong>plantes</strong> diverses<strong>cultivées</strong>, une lui a paru appartenir au L. angustifolium et les<strong>de</strong>ux autres au L. humile, mais il faut convenir qu'une seulergraine, sans la plante ou la capsule, n'est pas une preuve suffisante.Les peintures <strong>de</strong> l'ancienne Egypte montrent qu'on nerécoltait pas le Lin comme les céréales avec une faucille. Onl'arrachait 2.En Egypte, le Lin est une culture d'hiver, car la sécheresse<strong>de</strong> l'été ne permettrait pas plus d'une variété persistanteque le froid dans les pays septentrionaux où l'on sème au printempspour récolter en été. Ajoutons que lé*Lin annuel, <strong>de</strong> laforme appelée humile, est le seul cultivé <strong>de</strong> nos jours en Abyssinie,le seul également que les collecteurs mo<strong>de</strong>rnes aient vucultivé en Egypte s.M. Heer soupçonne que les anciens Egyptiens auraient cultivéle Linum angustifolium, <strong>de</strong> la région méditerranéenne, en lesemant comme une plante annuelle 4. Je croirais plutôt qu'ils ontemporté ou reçu leur Lin d'Asie, et déjà sous la forme <strong>de</strong> Yhnmile.Les usages et les figures montrent que leur culture du Lindatait d'une antiquité très reculée. Or, on sait maintenant queles Egyptiens <strong>de</strong>s premières dynasties avant Ghéops appartenaientà une race proto-sémitique, venue par l'isthme <strong>de</strong> Suez 5.Le Lin a été retrouvé dans un tombeau <strong>de</strong> l'ancienne Chaldée,antérieur à Babylone 6, et son emploi dans cette région se perddans la nuit <strong>de</strong>s temps. Ainsi les premiers Egyptiens <strong>de</strong> la raceblanche ont pu transporter le Lin cultivé, et, à défaut, leurs successeursimmédiats ont pu le recevoir d'Asie avant l'époque <strong>de</strong>scolonies phéniciennes en Grèce et avant les rapports directs <strong>de</strong>la Grèce avac l'Egypte sous la XIVedynastie 7.Une introduction très ancienne d'Asie en Egypte n'empêchepas d'admettre <strong>de</strong>s transports successifs <strong>de</strong> l'est à l'ouest dans<strong>de</strong>s temps moins anciens que les premières dynasties égyptiennes.Ainsi les Aryens occi<strong>de</strong>ntaux et les Phéniciens ont pu transporteren Europe le Lin, ou un Lin plus avantageux que leL. angustifolium,pendant la pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> 2500 à 1200 ans avant notre ère.L'extension par les Aryens aurait marché plus au nord quecelle par les Phéniciens. En Grèce, dans le temps <strong>de</strong> la guerre<strong>de</strong> Troie, on tirait encore les belles étoffes <strong>de</strong> Lin <strong>de</strong> la Colchî<strong>de</strong>,,1. A. Braun, DiePflanzenresie <strong>de</strong>s MgyptischenMuséumsin Berlin,in-8°,1877,p. 4.2. Rosellini,pl. 35et 36,citépar Unger,Bot. Streifzûrte,n.»4,p. 62.3. W. Schimper,Ascherson, Boissier, Sab.weiniurl.fi, cités dans AI.Braun,l. c., p. 4.4. Heer,Ueb.d. Flachs,p. 26.5. Maspero,Histoireancienne<strong>de</strong>sveuples<strong>de</strong> l'Orient,éd. 3, Paris, lS78rp. 13 et suivantes.6. Journal of the royal asiatic soc.,vol. la p. 271, cité dans Heer^.l. c, p. 6.7. Maspero,p. 213 et suivantes.


JUTE 103c'est-à-dire <strong>de</strong> cette région au pied du Caucase, où l'on a trouvé<strong>de</strong> nos jours le Lin annuel ordinaire sauvage. Il ne semble pasque les Grecs aient cultivé la plante à cette époque Les Aryensen avaient peut-être déjà introduit la culture dans la région voisinedu Danube. Cependant j'ai noté tout à l'heure que les restes<strong>de</strong>s lacustres <strong>de</strong> Laybach et Mondsee n'ont indiqué aucun Lin.Dans les <strong>de</strong>rniers siècles avant l'ère chrétienne, les Romainstiraient <strong>de</strong> très beau Lin d'Espagne; cependant les noms <strong>de</strong> laplante dans ce pays ne font pas présumer que les Phéniciens enaient été les introducteurs. Il n'existe pas en Europe un nomoriental du Lin, venant ou <strong>de</strong> l'antiquité ou du moyen âge. Lenom arabe Kattan, Kettane ou Kittane, d'origine persane 2, s'estpropagé vers l'ouest seulement jusqu'aux Kabiles d' Algérie 8.L'ensemble <strong>de</strong>s faits et <strong>de</strong>s probabilités me paraît conduireà quatre propositions, acceptables jusqu'à nouvelles découvertes1. Le Linum angustifohum, ordinairement vivace, rarementbisannuel ou annuel, spontané <strong>de</strong>puis les îles Canaries jusqu'àla Palestine et au Caucase, a été cultivé en Suisse et dans lenord <strong>de</strong> l'Italie par <strong>de</strong>s populations plus anciennes que les conquérants<strong>de</strong> race aryenne. Sa culture a été remplacée par celledu lin annuel.2. Le Lin annuel (L.usitatissimum) cultivé <strong>de</strong>puis 4 ou 5000 ansau moins dans la Mésopotamie, l'Assyrie et l'Egypte était spontanéet l'est encore dans <strong>de</strong>s localités comprises entre le golfePersique, la mer Caspienne et la mer Noire.3. Ce Lin annuel paraît avoir été introduit dans le nord <strong>de</strong>l'Europe par les Finnois (<strong>de</strong> race touranienne) ensuite dans lereste <strong>de</strong> l'Europe par les Aryens occi<strong>de</strong>ntaux, et peut-être, çà etlà, par les Phéniciens; enfin dans la péninsule indienne par lesAryens orientaux, après leur séparation <strong>de</strong>s occi<strong>de</strong>ntaux.4. Ces <strong>de</strong>ux formes principales ou états du Lin existent dansles cultures et sont probablement spontanées dans leurs localitésactuelles <strong>de</strong>puis au moins 5000 ans. Il n'est pas possible <strong>de</strong><strong>de</strong>viner leur état antérieur. Leurs transitions et variations sont sinombreuses qu'on peut les considérer comme une espèce, pourvue<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ou trois races ou variétés héréditaires, ayant ellesmêmes<strong>de</strong>s sous-variétés.Jute. Corchorus capsularis et Corchorus olitorius, Linné.Les fils <strong>de</strong> Jute, qu'on importe en gran<strong>de</strong> quantité <strong>de</strong>puisquelques années, surtout en Angleterre, se tirent <strong>de</strong> la tige <strong>de</strong>ces <strong>de</strong>ux Corchorus, <strong>plantes</strong> annuelles <strong>de</strong> la famille <strong>de</strong>s Tiliacées.On emploie aussi leurs feuilles comme légume.1. Lestextesgrecs sont cités surtout dans Lenz,Bolanik<strong>de</strong>r Alton.Griechenund Rœmer,p. 672; Hehn, Cultwpflanzen und Hausthiere,ed. o,p. 144.2. Ad. Pictet, l. c.3. Dictionnairefrançais-berbère, 1 vol. in-S°,1844.


404 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS TIGES OU FEUILLESLe C. capsularis a un fruit presque sphérique, déprimé ausommet et bordé <strong>de</strong> côtes longitudinales. On peut en voir unebonne figure coloriée dans l'ouvrage <strong>de</strong> Jacquin fils, J&clogœ,pl. 119. Le C. olitorius, au contraire, aun fruit allongé, commeune silique <strong>de</strong> crucifère. Il est figuré dans le Botanicalmagazine,t. 2810, et dans Lamarck, Illustr., t. 478.Les espèces du genre sont distribuées assez également dans lesrégions chau<strong>de</strong>s d'Asie, d'Afrique et d'Amérique; par conséquent,l'origine <strong>de</strong> chacune ne peut pas être présumée. Il faut lachercher dans les flores et les herbiers, en s'aidant <strong>de</strong> donnéeshistoriques ou autres.Le Corchorus capsularis est cultivé fréquemment dans les îles<strong>de</strong> la Son<strong>de</strong>, à Ceylan, dans la pén'nsule indienne, au Bengale,dans la Chine méridionale, aux îles Philippines l en généraldans l'Asie méridionale. Forster n'en parle pas dans son volumesur les <strong>plantes</strong> usitées par les habitants <strong>de</strong>s îles <strong>de</strong> la mer Pacifique,d'où l'on peut inférer que, lors du voyage <strong>de</strong> Cook, il ya un siècle, la culture ne s'en était pas répandue dans cette direction.On peut même soupçonner, d'après cela, qu'elle ne date pasd'une époque très reculée dans les îles <strong>de</strong> l'archipel Indien.Blume dit que le Corchorus capsularis croît dans les terrainsmarécageux <strong>de</strong> Java, près <strong>de</strong> Parang2, et je possè<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux échantillons<strong>de</strong> Java qui ne sont pas donnés pour cultivés 3. Thwaitesl'indique à Ceylan comme « très commun » Sur le continentindien, les auteurs en parlent plutôt comme d'une espèce cultivéeau Bengale et en Chine. Wight, qui a donné une bonnefigure <strong>de</strong> la plante, n'indique aucun lieu <strong>de</strong> naissance.Edgeworth B qui a vu <strong>de</strong> près la flore du district <strong>de</strong>Banda, indique « les champs ». Dans la flore <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> anglaise,M. Masters, qui a rédigé l'article <strong>de</strong>s Tiliacées, d'après les herbiers<strong>de</strong> Kew, s'exprime ainsi « Dans les parties les plus chau<strong>de</strong>s<strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>; cultivé dans la plupart <strong>de</strong>s pays tropicaux 6 » J'aiun échantillon du Bengale qui n'est pas donné pour cultivé.Loureiro dit «sauvage, et cultivé dans la province <strong>de</strong> Canton enChine7, » ce qui signifie probablement sauvage en Cochinchineet cultivé dans la province <strong>de</strong> Canton. Au Japon, la plante croîtdans les terrains cultivés 8. En somme, je ne suis pas persuadéque l'espèce existe, à l'état vraiment spontané, au nord <strong>de</strong> Calcutta.Elle s'y est peut-être semée çà et là par suite <strong>de</strong>s cultures.1. Rumphius, Amboin., vol. 5, p. 212; Roxburgh, Fl. indica, 2, p. 581;Loureiro, FI. cochinch., i, p. 408, etc., etc.2. Blume, Bijdragen, 1, p. 110.3. Zollinger, n°3 1698 et 2761.4. Thwaites, Enum. Zeylan., p. 31.5. Edgeworth, Linnxan Soc. journ^, IX.6. Masters, dans Hooker, Fl. ind., i, p. 397.7. Loureiro, FI. cochinch., 1, p. 408.8. Franchet et Savatier, Enum., 1, p. 66.


JUTE 103Le C. capsularis a été introduit dans divers pays intertropicauxd'Afrique ou même d'Amérique, mais il n'est cultivé engrand, pour la production <strong>de</strong>s fils <strong>de</strong> jute, que dans l'Asie méridionale,surtout au Bengale.Le Corchorus olitorius est plus usité comme légume que pourles fibres. Hors d'Asie, il est employé uniquement pour les feuilles.C'est une <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> potagères les plus communes <strong>de</strong>s Egyptienset Syriens mo<strong>de</strong>rnes, qui la nomment en arabe Melokych, mais iln'est pas probable que les anciens en aient eu connaissance, caron ne cite aucun nom hébreu 1. Les habitants actuels <strong>de</strong> laCrète la cultivent sous le nom <strong>de</strong>Mouchlia*, évi<strong>de</strong>mment tiré <strong>de</strong>l'arabe, et les anciens Grecs ne la connaissaient pas.D'après les auteurs 3, ce Corchorus est spontané dans plusieursprovinces <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> anglaise. Thwaites dit qu'il est commundans les parties chau<strong>de</strong>s <strong>de</strong> Ceylan, mais à Java Blumel'indique seulement dans les décombres (in ru<strong>de</strong>ratis). Je ne levois pas mentionné en Cochinchine et au Japon. M. Boissier(Fl. or.) a vu <strong>de</strong>s échantillons <strong>de</strong> Mésopotamie, <strong>de</strong> l'Afghanistan,<strong>de</strong> Syrie et d'Anatolie, mais il donne pour indication générale«Gulta et in ru<strong>de</strong>ratis subspontanea. » On ne connaît pas <strong>de</strong> nomsanscrit pour les <strong>de</strong>ux Corchorus cultivésQuant à Findigénat en Afrique, M. Masters, dans Oliver, Florao f tropical Africa (1, p. 262), s'exprime ainsi « Sauvage, ou cultivécomme légume dans toute l'Afrique tropicale. » II rapporteà la même espèce <strong>de</strong>ux <strong>plantes</strong> <strong>de</strong> Guinée que G. Don avait décritescomme différentes et sur la spontanéité <strong>de</strong>squelles il nesavait probablement rien. J'ai un échantillon du Cordofan recueillipar Kotschy, n° 45, « au bord <strong>de</strong>s champs <strong>de</strong> Sorgho. ».Le seul auteur, à ma connaissance, qui affirme la spontanéité estPeters. Il a trouvé le C. olitorius « dans les endroits secs etaussi dans les prés aux environs <strong>de</strong> Sena et <strong>de</strong> Tette. » Schweinfurthne l'indique dans toute la région du Nil que comme cultivéB.Il en est <strong>de</strong> même dans la flore <strong>de</strong> Sénégambie <strong>de</strong> Guillemin,Perrotet et Richard.En résumé, le C. olitorius paraît spontané dans les régionsd'une chaleur modérée <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> occi<strong>de</strong>ntale, du Cordofan etprobablement <strong>de</strong> quelques pays intermédiaires. Il se serait répandudu côté <strong>de</strong> Timor et jusque dans l'Australie septentrionale(Bentham, FI. austr.), en Afrique et vers l'Anatolie à la suite d'uneculture qui ne date peut-être pas <strong>de</strong> plus loin que l'ère chrétienne,même dans son point d'origine.Malgré ce qu'on répète dans beaucoup d'ouvrages, la culture <strong>de</strong>1.Rosenmûller,Bibl.Natu2,geschichte.2. VonHeldreich,DieNutzpflanzenGriecherilandr, p. 53.3. Masters,dans Hooker,FI. brit. India, 1, p. 397; Aitchison, Catal.Punjab,p. 23;Roxburgh,Fl. ind., 2, p. 581.4. Piddington,5. Schweïnfurth,Beilràgez. In<strong>de</strong>x.Fl. JElhiop.,p. 264.


106 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS TIGES OU FEUILLEScette plante est rarement indiquée en Amérique. Je note cependantque, d'après Grisebach i, elle a amené à la Jamaïque unenaturalisation hors <strong>de</strong>s jardins, comme cela se présente souventpour les <strong>plantes</strong> annuelles <strong>cultivées</strong>.Sumac. Rhus Coriaria, Linné.On cultive cet arbuste en Espagne et en Italie 2, pour fairesécher les jeunes branches, avec les feuilles, et en faire une poudre,qui se vend aux tanneurs. J'en ai vu naguère une plantationen Sicile, dont les produits s'exportaient en Amérique.Comme les écorces <strong>de</strong> chêne <strong>de</strong>viennent plus rares et qu'on recherchebeaucoup les matières tannantes, il est probable quecette culture s'étendra; d'autant plus qu'elle convient aux localitéssèches et stériles. En Algérie, en Australie, au Gap, dans larépublique Argentine, ce serait peut-être une introduction àessayer 3.Les anciens se servaient <strong>de</strong>s fruits comme assaisonnement, unpeu aci<strong>de</strong>, <strong>de</strong> leurs mets, et l'usage s'en est conservé çà et là; maisje ne vois pas <strong>de</strong> preuve qu'ils aient cultivé l'espèce.Elle croît spontanément aux Canaries et à Madère, dans larégion <strong>de</strong> la mer Méditerranée et <strong>de</strong> la mer Noire, <strong>de</strong> préférencesur les rocailles et dans les terrains <strong>de</strong>sséchés. En Asie,son habitation s'étend jusqu'au midi du Caucase, à la mer Caspienneet la Perse 4. L'espèce est assez commune pour qu'on aitcommencé à l'employer avant <strong>de</strong> la cultiver.Sumach est le nom persan et tartare 5,Rous, Rhus (prononcezR/wus) l'ancien nom chez les Grecs et les Romains 6. Une preuve<strong>de</strong> la persistance <strong>de</strong> certains noms vulgaires est qu'en françaison dit le Roux ou Roure <strong>de</strong>s corroyeurs.Cat. Catha edulls, Forskal. Celastrus edulis, Vahl.Cet arbuste, <strong>de</strong> la famille <strong>de</strong>s Célastracées, est cultivé beaucoupen Abyssinie, sous le nom <strong>de</strong> Tchut ou Tchat, et dansl'Arabie Heureuse sous celui <strong>de</strong> Cat ou Gat. On mâche ses.feuilles, à l'état frais, comme celles du Coca en Amérique. Ellesont les mêmes propriétés excitantes et fortifiantes. Celles <strong>de</strong>spieds non cultivés ont un goût plus fort et peuvent même enivrer.Botta a vu dans le Yemen <strong>de</strong>s cultures <strong>de</strong> Cat aussi impor-1. Grisebach,Flora of britishIndia, p. 97.2. Bosc,DictionnċVagric,au motSumac.3. Lesconditionset procédés<strong>de</strong> culture du Sumacont fait l'objetmémoireimportant<strong>de</strong> M.Inzenga,traduit dansle Bulletin<strong>de</strong> la Sociétéd'und'acclimatation<strong>de</strong> février1877.Dansles Transactionsof the bot.Soc. ofEdinburgh,9,p. 341,onpeut voir l'extrait d'un premier mémoire<strong>de</strong> l'auteursurle mêmesujet.4. Le<strong>de</strong>bour,Fl. ross.,1, p. 509;Boissier,Fl. orient., 2, p.Nemnich,4.Polygl. Lexicon,2, p. 1156;Ainslie,Mat. med. ind., ifp.5.414.6. Fraas, Syn. fi. class.,p. 85.


SUMAC, CAT, MATÉ, O0CA1C7tantes que celles du café, et il note qu'un cheikh obligé (lerecevoir poliment beaucoup <strong>de</strong> visiteurs achetait pour 100 francs<strong>de</strong> feuilles par jour 1. En Abyssinie, on emploie aussi les feuillesen infusion comme une sorte <strong>de</strong> thé 2. Malgré la passion aveclaquelle on recherche les excitants, cette espèce ne s'est pasrépandue dans les pays voisins où elle réussirait, comme leBelouchistan, l'In<strong>de</strong> méridionale, etc.Le Gatha est spontané en Abyssinie 3. On ne l'a. pas encoretrouvé tel en Arabie. Il est vrai que l'intérieur du pays est à peuprès inconnu aux botanistes. Les pieds non cultivés dont parleBotta sont-ils spontanés et aborigènes, ou échappés <strong>de</strong>s cultureset plus ou moins naturalisés ? C'est ce qu'on ne peut dired'après son récit. Peut-être le Catha a-t-il été introduit d'Abyssinieavec le caféier, qu'on n'a. pas vu davantage spontané enArabie.Maté. – llex paraguariensis, Saint-Hilaire.Les habitants du Brésil et du Paraguay font usage, <strong>de</strong>puis untemps immémorial, <strong>de</strong>s feuilles <strong>de</strong> cet arbuste, comme les Chinois<strong>de</strong> celles du thé. Ils les récoltent surtout dans les forêts humi<strong>de</strong>s<strong>de</strong> l'intérieur, entre les 20e et 30e <strong>de</strong>grés <strong>de</strong> latitu<strong>de</strong> sud,et le commerce les transporte séchées, à <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s distances,dans la plus gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> l'Amérique méridionale. Cesfeuilles renferment, avec <strong>de</strong> l'arome et du tannin, un principeanalogue à celui du thé et du café cependant on ne les aimeguère, dans les pays où le thé <strong>de</strong> Chine est répandu. Les plantations<strong>de</strong> Maté ne sont pas encore aussi importantes que l'exploitation<strong>de</strong>s arbustes sauvages, mais elles pourront augmenter àmesure que la population augmentera. D'ailleurs la préparationest plus facile que celle du thé, parce qu'on ne roule pas lesfeuilles.Des figures et <strong>de</strong>scriptions <strong>de</strong> l'espèce, avac <strong>de</strong> nombreux détailssur son emploi et ses propriétés, se trouvent dans lesouvrages <strong>de</strong> Saint-Hilaire, sir W. J. Hooker et <strong>de</strong> MartiusCoca. Erythroxylon Coca, Lamarck.Les indigènes du Pérou et <strong>de</strong>s provinces voisines, du moins&ans les parties chau<strong>de</strong>s et humi<strong>de</strong>s, cultivent cet arbuste, dontils mâchent les feuilles, comme on fait dans l'In<strong>de</strong> pour leBétel. L'usage en est très ancien. Il s'était répandu même dans1. Forskal,Flora xgypto-arab.,p. 65; Richard,Tentamen fl. abyss.,1,p. 13i,t. 30; Botta,'Archivesdu Muséum,2, p. 73.2. Hocbstetter,dansFlora, 1841,p. 663.3. Schweinfurthet Ascherson,Aîcfzâhlung,p.263; Oliver,Flora oftropicalAfrica,1,p. 364.4. Aug. <strong>de</strong> Saint-Hilaire,Mêm.du Muséum,9, p. 331, Ann. sc. nat.,3esérie,14,p. 52; Hooker,Londonjournal vf botany,1,p. 34;<strong>de</strong>Maetius,.Florabrasiliensis,vol. H, part. 1, p. 119.


108 PLANTES CULTIVÉES POURLEURS TIGES OU FEUILLESles régions élevées, où l'espèce ne peut pas vivre. Depuis qu'ona su extraire la partie essentielle du Coca et qu'on a reconnuses avantages comme tonique, propre à faire supporter <strong>de</strong>s fatiguessans avoir les inconvénients <strong>de</strong>s boissons alcooliques, ilest probable qu'on essayera d'en répandre la culture, soit enAmérique, soit ailleurs. Ce sera, par exemple, dans la Guyane,l'archipel Indien ou les vallées <strong>de</strong> Sikkim et Assam, dans l'In<strong>de</strong>,car il faut <strong>de</strong> l'humidité dans l'air et <strong>de</strong> la chaleur. La geléesurtout est nuisible à l'espèce. Les meilleures localités sont surles pentes <strong>de</strong> collines, où l'eau ne séjourne pas. Une tentativefaite autour <strong>de</strong> Lima n'a pas réussi, à cause <strong>de</strong> la rareté <strong>de</strong>spluies et peut-être d'une chaleur insuffisante 1.Je ne répéterai pas ici ce qu'on peut trouver dans plusieursexcellentes publications sur le Coca 2; je dirai seulement que lapatrie primitive <strong>de</strong> l'espèce, en Amérique, n'est pas encore suffisammentcertaine. Le Dl"Gosse a constaté que les anciensauteurs, tels que Joseph <strong>de</strong> Jussieu, <strong>de</strong> Lamarck et Cavanilles,n'avaient vu que <strong>de</strong>s échantillons cultivés. Mathews en avaitrécolté au Pérou dans le ravin (quebrada) <strong>de</strong> Chinchao 3, ce quiparaît <strong>de</strong>voir être une localité hors <strong>de</strong>s cultures. On cite aussicomme spontanés <strong>de</strong>s échantillons <strong>de</strong> Cuchero, rapportés parPoeppig mais le voyageur lui-même n'était pas assuré <strong>de</strong> lacondition spontanée B. D'Orbigny pense avoir vu le Coca sauvagesur un coteau <strong>de</strong> la Bolivie orientale 6. Enfin M. André aeu l'obligeance <strong>de</strong> me communiquer les Erythroxylon <strong>de</strong> sonherbier, et j'ai reconnu le Coca dans plusieurs échantillons <strong>de</strong> lavallée <strong>de</strong> la rivière Cauca, dans la Nouvelle-Grena<strong>de</strong>, portantl'indication en abondance, spontané ou subspontané. M. Trianacependant ne reconnaît pas l'espèce comme spontanée dans sonpays, la Nouvelle-Grena<strong>de</strong> 7. L'extrême importance au Pérou,sous le régime <strong>de</strong>s Incas, comparée à la rareté <strong>de</strong> l'emploi à laNouvelle-Grena<strong>de</strong>, fait penser que les localités <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnierpays sont en effet <strong>de</strong>s cultures, et que l'espèce est originaireseulement <strong>de</strong> la partie orientale du Pérou et <strong>de</strong> la Bolivie, conformémentaux indications <strong>de</strong> divers voyageurs susnommés.Indigotier <strong>de</strong>s teinturiers. Indigofera tinctoria, Linné.Il a un nom sanscrit, Nili 8. Le nom latin Indicum montreque les Romains connaissaient l'indigo pour une substance1. Martinet,dans le Bull. <strong>de</strong> la Soc.d'acclimatation,1874,p. 449.2. En particulierdans le résumétrès bien fait du Dr Gosse,intituléMonographie <strong>de</strong>VErythroxylonCoca,br. in-8°,1861(tiréeà part <strong>de</strong>s Mém.<strong>de</strong> l'Àcad.<strong>de</strong>Bruxelles,vol. 12).3. Hooker,Companion to theBot. mag., 2, p.4. Peyritsch,dansFlora brasil., fasc. 81,p. 25.156.5. Hooker,l. c.6. Gosse,Monogr.,p. 12.7. Trianaet Planchon,dansAnn.se. nat., sér. 4,vol. 18,p. 338.8. Roxburgh, Flora indica,3,p. 379.


INDIGOTIERS, HENNÉ 109-'1 '1' '1venant <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>. Quant à la qualité spontanée, <strong>de</strong> la plante,Roxburgh dit « Lieu natal inconnu, car, quoique communemaintenant à l'état sauvage dans la plupart <strong>de</strong>s provinces <strong>de</strong>l'In<strong>de</strong>, elle n'est pas éloignée ordinairément <strong>de</strong>s endroits où elleest cultivée actuellement ou l'a été. » Wight et Royle, qui ontpublié <strong>de</strong>s figures <strong>de</strong> l'espèce, n'apprennent rien à cet égard, etles flores plus récentes <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> mentionnent la plante commecultivée Plusieurs autres Indigofera sont spontanés dans l'In<strong>de</strong>.On a trouvé celui-ci dans les sables du Sénégal 2,mais il n'estpas indiqué dans d'autres localités africaines, et il est souventcultivé au Sénégal, ce qui me fait présumer une naturalisation.L'existence d'un nom sanscrit rend l'origine asiatique assez probable.Indigotier argenté. Indigofera argentea, Linné.Celui-ci est décidément spontané en Abyssinie, Nubie. Kordofanet Sennaar 3.On le cultive en Egypte et en Arabie. D'aprèscela, on pourrait croire que c'est l'espèce dont les anciens Egyptienstiraient une couleur bleue mais ils faisaient peut-êtrevenir l'indigo <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, car la culture en Egypte ne remonteprobablement pas au <strong>de</strong>là du moyen âge 5.Une forme un peu différente que Roxburgh désignait commeespèce (Indigofera cserulea), et qui paraît plutôt une variété, estsauvage dans les plaines <strong>de</strong> la _péninsule indienne et du Belouchistan.Indigotiers d'Amérique.Il existe probablementun ou <strong>de</strong>ux Indigofera originairesd'Amérique, mais mal définis, souvent mélangés dans les culturesavec les espèces <strong>de</strong> l'ancien mon<strong>de</strong> et naturalisés hors <strong>de</strong>scultures. La synonymie en est trop incertaine pour que j'osefaire quelque recherche sur leur patrie. Quelques auteurs ontpensé que 1' Anil <strong>de</strong> Linné était une <strong>de</strong> ces espèces. Linné ditcependant que sa plante était <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> (Mantissa, p. 273). Lateinture bleue <strong>de</strong>s anciens Mexicains était tirée d'un végétalbien différent <strong>de</strong>s Indigofera, d'après ce que raconte Hernan<strong>de</strong>z 6.Henné. – Lawsonia alba, Lamarck (Lawsonia inermis etL. spinosa <strong>de</strong> divers auteurs).L'usage <strong>de</strong>s femmes <strong>de</strong> l'Orient <strong>de</strong> se teindre les ongles en1 Wight, Iconesț. 365;Royle,Ill. Himal,t. 195;Baker,dans Floraof b'ritisn India, 2,p. 98;Brandis,Forestflora, p. 136.2. Guillemin,Perrottet et Richard,Flora Seneg.tentamen,p. 178.3. Richard,Tentamenfl. abyss.,1, 184;Oliver,FI. of trop. Africa,2,p. 97; Schweinfurth et Ascherson, Aufzàhlung,p. 2a6.4. Hnger,Pflanzend. alten JEgyptens,p. 66;Pickenng, Cleronol. arrang.p ~43.V';>*Keynier, Economie<strong>de</strong>sJuifs, p. 439;<strong>de</strong>sEgyptiens,p. 354.6. Hernan<strong>de</strong>z,Tltes.,p. 108.


110 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS TIGES OU FEUILLESrouge avec le -suc tiré <strong>de</strong>s feuilles du Henné remonte à unegran<strong>de</strong> antiquité. La preuve en est dans les anciennes peintureset momies égyptiennes.Il est difficile <strong>de</strong> savoir quand et dans quel pays on a commencéà cultiver l'espèce pour subvenir aux nécessités <strong>de</strong> cettemo<strong>de</strong> aussi ridicule que persistante, mais cela peut remonter àune époque très ancienne, puisque les habitants <strong>de</strong> Babylone,<strong>de</strong> Ninive et <strong>de</strong>s villes d'Egypte avaient <strong>de</strong>s jardins. Les éruditspourrontconstater si l'usage <strong>de</strong> teindre les ongles a commencéen Egypte sous telle ou telle dynastie, avant ou après certainescommunications avec les peuples orientaux. II suffit, pour notrebut, <strong>de</strong> savoir que le Lawsonia, arbuste <strong>de</strong> la famille <strong>de</strong>sLythracées, est plus ou moins spontané dans les régions chau<strong>de</strong>s<strong>de</strong> l'Asie occi<strong>de</strong>ntale et <strong>de</strong> l'Afrique, au nord <strong>de</strong> l'équateur.J'en possè<strong>de</strong> <strong>de</strong>s échantillons venant <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, <strong>de</strong> Java, <strong>de</strong>Timor, même <strong>de</strong> Chine et <strong>de</strong> Nubie, qu'on ne dit pas recueillissur <strong>de</strong>s pieds cultivés, et d'autres échantillons <strong>de</strong> la Guyaneet <strong>de</strong>s Antilles, qui proviennent sans doute d'importations <strong>de</strong>l'espèce. Stoks l'a trouvé indigène dans le Belouchistan 2. Roxburghle regardait aussi comme spontané sur la côte <strong>de</strong> Coro-'man<strong>de</strong>l s, et Thwaites 4 l'indique pour Ceylan d'une manièrequi fait supposer une espèce spontanée. M. Glarke 8 la dit « trèscommune et cultivée dans l'In<strong>de</strong>, peut-être sauvage dans lapartie orientale ». Il est possible qu'elle se soit répandue dansl'In<strong>de</strong>, hors <strong>de</strong> la patrie primitive, comme cela est arrivéau xvne siècle à Amboine 6 et plus récemment peut-être auxAntilles à la suite <strong>de</strong> cultures, car la plante est recherchéepour le parfum <strong>de</strong> ses fleurs, outre la teinture, et se propagebeaucoup par ses graines. Les mêmes doutes s'élèvent sur l'indigénaten Perse, en Arabie, en Egypte (pays essentiellementcultivé;, en Nubie et jusqu'en Guinée, où <strong>de</strong>s échantillons ontété recueillis 8.Il n'est pas fort improbable que l'habitation <strong>de</strong>cet arbuste s'étendît <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> à la Nubie cependant c'est toujoursun cas assez rare qu'une telle distribution géographique.Voyons si les noms vulgaires indiquent quelque chose.On attribue à l'espèce un nom sanscrit, Sakachera a mais,comme il n'a laissé aucune trace dans les divers noms <strong>de</strong>s languesmo<strong>de</strong>rnes <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, je doute un peu <strong>de</strong> sa réalité. Le nompersan Hanna s'est répandu et conservé plus que les autres[îîlna <strong>de</strong>s Indous, Eenneh et Alhenna <strong>de</strong>s Arabes, Kinna <strong>de</strong>s1. Fortune,n° 32.2. Aitchison,Catal. of Punjab,etc., p. 60; Boissier,Fle O)\,â, p«%&.3. Roxburgh, FI. ind.,2, p. 233.4.Thwaites,Enum.Ceijl.,p. 122.5. Clarke,dans Hooker,FI. brit. India, 2, p. 573»6. Rnmphius,Amb.,4, p. 42.7. Gri?ebaeh,Fl. brit. IV.Ind., 1, p. 271.8. Oliver, FI. oftnp. Afrka, 2, p. ;83.9. Piddington, In<strong>de</strong>xio pl.intsof India.


TABACGrecs mo<strong>de</strong>rnes). Celui <strong>de</strong> Cypros, usité parles Syriens du temps<strong>de</strong> Dioscori<strong>de</strong> S n'a pas eu la même faveur. Ce détail vient àl'appui <strong>de</strong> l'opinion que l'espèce était originairement sur lesconfins <strong>de</strong> la Perse et <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, ou en Perse, et que l'usage,ainsi que la culture, ont avancé jadis <strong>de</strong> l'est à l'ouest, d'Asieen Afrique.Tabac. – Nicotiana Tabacum, Linné, et autres Nicotiana.A l'époque <strong>de</strong> la découverte <strong>de</strong> l'Amérique, l'usage <strong>de</strong> fumer,<strong>de</strong> priser ou chiquer était répandu dans la plus gran<strong>de</strong> partie<strong>de</strong> ce vaste continent. Les récits <strong>de</strong>s premiers voyageurs,recueillisd'une manière très complète par le célèbre anatomisteTie<strong>de</strong>mann 2, montrent que dans l'Amérique méridionale on nefumait pas, mais on prisait ou chiquait, excepté dans la région<strong>de</strong> la Plata, <strong>de</strong> l'Uruguay et du Paraguay, où le Tabac n'étaitemployé d'aucune manière. Dans l'Amérique du Nord, <strong>de</strong>puisl'isthme <strong>de</strong> Panama et les Antilles jusqu'au Canada et en Californie,l'usage <strong>de</strong> fumer était général, avec <strong>de</strong>s circonstances quiindiquent une gran<strong>de</strong> ancienneté. Ainsi on a trouvé <strong>de</strong>s pipesdans les tombeaux <strong>de</strong>s Atztecs au Mexique 3 et dans les tertres[mounds) <strong>de</strong>s Etats-Unis. Elles y sont en grand nombre et d'untravail extraordinaire. Quelques-unes représentent <strong>de</strong>s animauxétrangers à l'Amérique du NordComme les Tabacs sont <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> annuelles, qui donnentune immense quantité <strong>de</strong> graines, il était aisé <strong>de</strong> les semer et<strong>de</strong> les cultiver ou <strong>de</strong> les naturaliser plus ou moins dans le voisinage<strong>de</strong>s habitations, mais il faut remarquer qu'on employait<strong>de</strong>s espèces différentes du genre Nicotiana, dans diverses régions<strong>de</strong> l'Amérique, ce qui indique <strong>de</strong>s origines différentes.Le Nicotiana Tabacum, ordinairement cultivé, était l'espècela plus répandue et quelquefois la seule usitée dans l'Amériqueméridionale et aux Antilles. Ce sont les Espanols qui ont introduitl'usage du tabac dans la Plata, l'Uruguay et le Paraguay s;par conséquent il faut chercher l'orgine <strong>de</strong> la plante plus aunord. De Martius ne pensait pas qu'elle fût indigène au Brésil s,et il ajoute que les anciens Brésiliens fumaient les feuilles d'uneespèce <strong>de</strong> leur pays appelée par les botanistes Nicotiana Laagsdorffii.Lorsque j'ai examiné la question d'origine en 1855 T,1. Dioscoriâes, I, cap. 124; Lenz, Lot. d. Alterh., p. 177.2. Tie<strong>de</strong>mann, Geschichte <strong>de</strong>s Tabacks ïa-8\ 1854. Pour le Brésil, voirMartius, Beilrâr<strong>de</strong> zur Ethnographie unil Sprachkun<strong>de</strong> Âmenhas, 1, p. 71».3. Tie<strong>de</strong>mann, p 17, pi. 1.4 Les <strong>de</strong>ssins <strong>de</strong> ces pipes sont reproduits dans 1 ouvrage récent <strong>de</strong>M <strong>de</strong> Nadaillac, Les premiers hommes et les temps vol. 2,p. 45 et 48.5. ïie<strong>de</strong>mann, p. 38, 39. “* ,“.6. Martius, Syst. nzat. med. bras., p. 120; FI. bras., vol. X, p. 131.7. A. <strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>, Géogr. bot.raisonnce, p. 849.Hl


112 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURSTIGES OU FEUILLESje n'avais pu connaître d'autres échantillons <strong>de</strong> N. Tabacumparaissant spontanés que ceux envoyés pàr Blanchet, <strong>de</strong> la province<strong>de</strong> Bahia, sous le n° 3223, a. Aucun auteur, avant ouaprès cette époque, n'a été plus heureux, et je vois que MM. Flüc-Idger et Hanbury, dans leur excellent ouvrage sur les droguesd'origine végétale 1, disent positivement « Le tabac communest originaire du nouveau mon<strong>de</strong>, et cependant on ne l'y trouvepas aujourd'hui à l'état sauvage. » J'oserai contredire cetteassertion, quoique la qualité <strong>de</strong> plante spontanée soit toujourscontestable quand il s'agit d'une espèce aussi facile à répandrehors <strong>de</strong>s plantations.Je dirai d'abord qu'on rencontre dans les herbiers beaucoupd'échantillons récoltés au Pérou, sans indication qu'ils fussentcultivés ou voisins <strong>de</strong>s cultures. L'herbier <strong>de</strong> M. Boissier encontient <strong>de</strong>ux, <strong>de</strong> Pavon, venant <strong>de</strong> localités différentes 2.Pavondit dans sa flore (vol. 2, p. 16) que l'espèce croît dans les forêtshumi<strong>de</strong>s et chau<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s An<strong>de</strong>s péruviennes, et qu'on la cultive.Mais, ce qui est plus significatif, M. Edouard André a recueillidans la république <strong>de</strong> l'Equateur, à Saint-Nicolas, sur la penteocci<strong>de</strong>ntale du volcan Corazon, dans une forêt vierge, loin<strong>de</strong> toute habitation, <strong>de</strong>s échantillons, qu'il a bien voulu mecommuniquer et qui sont évi<strong>de</strong>mment le iV. Tabacum à tailleélevée (2 à 3 mètres) et à feuilles supérieures étroites, longuementacuminées, comme on les voit dans les planches <strong>de</strong> Hayneet <strong>de</strong> Miller 3. Les feuilles inférieures manquent. La fleur, quidonne les vrais caractères <strong>de</strong> l'espèce, est certainement duN. Tabacum, et il est bien connu que cette plante varie dans lescultures sous le rapport <strong>de</strong> la taille et <strong>de</strong> la largeur <strong>de</strong>s feuilles*.La patrie primitive s'étendait-elle au nord jusqu'au Mexique,au midi vers la Bolivie, à l'est dans le Venezuela? C'est trèspossible.Le Nicotiania rustica, Linné, espèce à fleurs jaunâtres, trèsdifférente du Tabacum 5, et qui donne un tabac grossier, étaitplus souvent cultivé chez les anciens Mexicains et les indigènesau nord du Mexique. Je possè<strong>de</strong> un échantillon rapporté <strong>de</strong>Californie par Douglas, en 1839, époque à laquelle les colonsétaient encore rares, mais les auteurs américains n'admettent1 Flûckigeret Hanbury,Histoire<strong>de</strong>sdroguesd'originevégétalețraductionen français,1878,vol. 2, p.2. L'un d'euxest classésous le 150.nom<strong>de</strong>Nicot.frutieosa,qui, selonmoi,est la même espèce,à taille élevée, maisnon ligneuse, commele nomleferaitcroire. Le N. auriculata Bertero est aussi le Tabacum,d'aprèsmeséchantillonsauthentiques.3. Hayne, Arzneikun<strong>de</strong>Gewachse, vol. 12,t. 41; Miller,Gar<strong>de</strong>ner'sdict.,figures,t. 186,f. 1.4. La capsuleest tantôt plus courte quele caliceet tantôt pluslongue,sur le mdmeindividu,dansles échantillons<strong>de</strong> M. André.5.Voirles figures <strong>de</strong> N. rustica dans Plée,Types<strong>de</strong> famillesnaturelles<strong>de</strong> France,Solanées; Bulliard,Herbier<strong>de</strong>France,t. 289.


TABAC 113pas la plante comme spontanée, et le Dr Asa Gray dit qu'elle sesème dans les terrains vagues1. C'est peut-être ce qui étaitarrivé pour <strong>de</strong>s échantillons <strong>de</strong> l'herbier Boissier, que Pavon arécoltés au Pérou et dont il ne parle pas dans la flore péruvienne.L'espèce croît abondamment autour <strong>de</strong> Cordova, dansla république Argentine 2, mais on ignore <strong>de</strong>puis quelle époque.D'après l'emploi ancien <strong>de</strong> la plante et la patrie <strong>de</strong>s espèces lesplus analogues, les probabilités sont en faveur d'une origine duMexique, du Texas ou <strong>de</strong> Californie.Plusieurs botanistes, même <strong>de</strong>s Américains, ont cru l'espèce<strong>de</strong> l'ancien mon<strong>de</strong>. C'est bien certainement une erreur, quoiquela plante se répan<strong>de</strong> çà et là, même dans nos forêts et quelquefoisen abondance 3, à la suite <strong>de</strong>s cultures. Les auteurs duxvie siècle en ont parlé comme d'une plante étrangère, introduitedans les jardins et qui en sortait quelquefois 4. On latrouve dans quelques herbiers sous les noms <strong>de</strong> N. tatarica,turcica ou sibirica, mais il s'agit d'échantillons cultivés dans lesjardins, et aucun botaniste n'a rencontré l'espèce en Asie ou surles confins <strong>de</strong> l'Asie, avec l'apparence qu'elle fût spontanée.Ceci me conduit à réfuter une erreur plus générale et plustenace, malgré ce que j'ai démontré en 1855, celle <strong>de</strong> considérerquelques espèces mal décrites d'après <strong>de</strong>s échantillons cultivés,comme originaires <strong>de</strong> l'ancien mon<strong>de</strong>, en particulier d'Asie. Lespreuves <strong>de</strong> l'origine américaine sont <strong>de</strong>venues si nombreuses etsi bien concordantes que, sans entrer dans beaucoup <strong>de</strong> détails,je puis les résumer <strong>de</strong> la manière suivanteA. Surune cinquantaine d'espèces du genre Nicotiana trouvéesà l'état sauvage, <strong>de</strong>ux seulement sont étrangères à l'Amérique,savoir 1° le N. suaveolens, <strong>de</strong> la Nouvelle-Hollan<strong>de</strong>, auquel onréunit maintenant le N. rotundifolia du même pays, et celui queVentenat avait appelé par erreur N. undulata; 2° le N. fragransHooker (Bot. mag., t. 4865), <strong>de</strong> l'île <strong>de</strong>s Pins, près <strong>de</strong> la Nouvelle-Calédonie,qui diffère bien peu du précé<strong>de</strong>nt.B. Quoique les peuples asiatiques soient très amateurs <strong>de</strong> tabacet que dès une époque reculée ils aient recherché la fumée <strong>de</strong>certaines <strong>plantes</strong> narcotiques, aucun d'eux n'a employé le Tabacantérieurement à la découverte <strong>de</strong> l'Amérique. Tie<strong>de</strong>mann l'atrès bien démontré par <strong>de</strong>s recherches approfondies dans les écrits<strong>de</strong>s voyageurs du moyen âge 5. Il cite même pour une époquemoins ancienne et qui a suivi <strong>de</strong> près la découverte <strong>de</strong> l'Amérique,celle <strong>de</strong> 1540 à i603, plusieurs voyageurs dont quelques-1. AsaGray,Synopticalflora of N. A. (1878),p. 241.2. Martin<strong>de</strong> Moussy,Descriptḍe la rép. Argentine,1,p. 196.3. Bulliard,l. c.4. Cœsalpinus, lib. VIII,cap. 44; Banhin,Rist., 3, p. 630.5. Tie<strong>de</strong>mann,Geschichte<strong>de</strong>s Tabaks (1854),p. 208. Deuxans auparavant,Volz,Beitriige zur CullurgescMchie, avait réuni déjà un très grandnombre <strong>de</strong> faits sur l'introductiondu Tabacdans divers pays.DE <strong>Candolle</strong>. 8


114 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS TIGES OU FEUILLESuns étaient <strong>de</strong>s botanistes, tels que Belon et Rauwolf, qui ontparcouru l'empire turc et la Perse, observant les coutumes avecbeaucoup d'attention, et qui n'ont pas mentionné une seule foisle Tabac Evi<strong>de</strong>mment il s'est introduit en Turquie au commencementdu xvne siècle, et les Persans l'ont reçu très vite par lesTurcs. Le premier Européen qui ait dit avoir vu fumer en Perseest Thomas Herbert, en 1626. Aucun <strong>de</strong>s voyageurs suivants n' aoublié <strong>de</strong> mentionner l'usage du nargialé comme bien établi.Olearius décrit cet appareil, qu'il avait vu en 1633. La premièremention du Tabac dans l'In<strong>de</strong> est <strong>de</strong> 1603 et il est probableque l'introduction en est venue par les Européens. Elle commençaità Arracan et au Pégu en 1619, d'après le voyageurMethold 2. Il s'est élevé quelques doutes à l'égard <strong>de</strong> Java, parceque Rumphius, observateur très exact, qui écrivait dans lasecon<strong>de</strong> moitié du xvif siècle, a dit 3 que, selon la tradition<strong>de</strong> quelques vieillards, le tabac était employé comme médicamentavant l'arrivée <strong>de</strong>s Portugais en 1511, et que 1 usage <strong>de</strong>fumer avait seul été communiqué par les Européens. Kumphiusajoute, il est vrai, que le nom Tabaco ou Tambuco, répandudans toutes les localités, est d'origine étrangère. SirStamford Raffles à la suite <strong>de</strong> nombreuses recherches historiquessur Java, donne au contraire l'année 1601 pour la date<strong>de</strong> l'introduction du tabac à Java. Les Portugais avaient biendécouvert les côtes du Brésil <strong>de</strong> 1500 à 1SQ4; mais Yasco <strong>de</strong>Gama et ses successeurs allaient en Asie par le Cap ou la merRouge, <strong>de</strong> sorte qu'ils ne <strong>de</strong>vaient guère établir <strong>de</strong>s communicationsfréquentes ou directes entre l'Amérique et Java. Nicot avaitvu la plante en Portugal en 1S60 ainsi les Portugais l'ont portéeen Asie probablement dans la secon<strong>de</strong> moitié du xvie siècle.Thunberg affirme 5 que l'usage du Tabac a été introduit auJapon par les Portugais, et, d'après d'anciens voyageurs que citeTie<strong>de</strong>mann, c'était au commencement du xrae siècle. Enfin lesChinois n'ont aucun signe original et ancien pour indiquer leTabac; leurs <strong>de</strong>ssins sur porcelaines, dans la collection <strong>de</strong>Dres<strong>de</strong>, montrent fréquemment <strong>de</strong>puis l'année 1700 et jamaisauparavant <strong>de</strong>s détails relatifs au Tabac «; enfin les sinologuess'accor<strong>de</strong>nt à dire que les ouvrages chinois ne mentionnent pascette plante avant la fin du xvi


TABACHoC. Les noms vulgaires du Tabac confirment une origine américaine.S'il y avait eu <strong>de</strong>s espèces indigènes dans l'ancien mon<strong>de</strong>,il existerait une infinité <strong>de</strong> noms différents mais au contraireles noms chinois, japonais, javanais, indiens, persans, etc.,dérivent <strong>de</strong>s noms américains Petum, ou Tabak, Taboh, Tamhoc,légèrement modifiés. Piddington, il est vrai, cite <strong>de</strong>s nomssanscrits, Dhumrapatra et Tamrakoula± mais je tiens d'AdolphePietet que le premier <strong>de</strong> ces noms, qui n'est pas dans le dictionnaire<strong>de</strong> Wilson, signifie feuille à fumer et paraît d'une compositionmo<strong>de</strong>rne, tandis que le second n'est probablement pasplus ancien et semble quelque modification mo<strong>de</strong>rne <strong>de</strong>s nomsaméricains. Le mot arabe Docchan veut dire simplement fumée 2.Enfin nous <strong>de</strong>vons chercher ce que signifient <strong>de</strong>ux Nicotianaqu'on prétend asiatiques. L'une, appelée par Lehmann Nicotianachinensis, venait du botaniste russe Fischer, qui la disait <strong>de</strong>Chine. Lehmann l'avait vue dans un jardin; or on sait à quelpoint les origines <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> <strong>cultivées</strong> par les horticulteurs sontfréquemment erronées, et d'ailleurs, d'après la <strong>de</strong>scription, ilsemble que c'était simplement le N. Tabacum, dont on avaitreçu <strong>de</strong>s graines, peut-être <strong>de</strong> Chine 3. La secon<strong>de</strong> espèce est leN.persica, <strong>de</strong>Lindley, figurée sans le Botanicalregister (pi. 1592),dont les graines avaient été envoyées d'Ispahan à la Sociétéd'horticulture <strong>de</strong> Londres comme celles du meilleur Tabaccultivé en Perse, celui <strong>de</strong> Schiraz. Lindley ne s'est pas aperçuque c'était exactement le N. alata, figuré trois ans auparavantpar Link et Otto d'après une plante du jardin <strong>de</strong> Berlin.Celle-ci venait <strong>de</strong> graines du Brésil méridional, envoyées parSello. C'est une espèce certainement brésilienne, à corolleblanche, fort allongée, voisine du N. suaveolens <strong>de</strong> la Nouvelle-Hollan<strong>de</strong>. Ainsi le Tabac cultivé quelquefois en Perse, concurremmentavec l'ordinaire et qu'on a dit supérieur pour leparfum, est d'origine américaine, comme je l'avais prévu dansma Géographie botanique en 1855. Je ne m'explique pas commentcette espèce a été introduite en Perse. Ce doit être par <strong>de</strong>sgraines tirées d'un jardin ou venues, par hasard, d'Amérique,et il n'est pas probable que la culture en soit habituelle en Perse,car Olivier et Bruguière, ainsi que d'autres naturalistes qui ontvu les cultures <strong>de</strong> Tabac dans ce pays, n'en font aucune mention.Par tous ces motifs, il n'existe point d'espèce <strong>de</strong> Tabac1. Piddington, In<strong>de</strong>x.2. Forskal,p. 63.3. Lehmann,HistoriaNicotinarum,p. 18.L'expression<strong>de</strong> suffruticosaest une exagérationappliquéeaux Tabacs,qui sont toujoursannuels.J'aidéjà dit que le N. suffruticosa<strong>de</strong>s auteurs est le N. Tabacum.4. Link et Otto,Icones plant. rar. horti ber., in-4, p. 63,t. 32. Sendtner,dansFlorabrasïl., vol. 10,p. 167,décritla mêmeplante <strong>de</strong> Sello,à ce qu'il semble, d'après <strong>de</strong>s échantillonsenvoyéspar ce voyageur,et Grisebach,Symbolefl. argent., p. 243,mentionnele N. alata dans laprovinced'Entrerios<strong>de</strong> la républiqueArgentine.


116 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS TIGES OU FEUILLESoriginaire d'Asie. Elles sont toutes d'Amérique, excepté lesN.suaveolens, <strong>de</strong> la Nouvelle Hollan<strong>de</strong>, et N. fragrans, <strong>de</strong> lîle<strong>de</strong>s Pins, au sud <strong>de</strong> la Nouvelle-Calédonie.Plusieurs Nicotlana, autres que les Tabacum et rustica, ont étécultivés çà et là par <strong>de</strong>s sauvages ou, comme curiosité, par <strong>de</strong>sEuropéens. Il estsingulier qu'on s'occupe sirarement <strong>de</strong> ces essais,au moyen <strong>de</strong>squels on obtiendrait peut-être <strong>de</strong>s tabacs trèsparticuliers. Les espèces à fleurs blanches donneraient probablement<strong>de</strong>s tabacs légers et parfumés, et comme certainsfumeurs recherchent les tabacs les plus forts, les plus désagréablespossible aux personnes qui ne fument pas, je leur recomman<strong>de</strong>raile Nicotiana angustifolia, du Chili, que les indigènesappellent Tabaco <strong>de</strong>l Diablo 1.Cannelier. Cinnamomum zeylanicum, Breyn.Le petit arbre, <strong>de</strong> la famille <strong>de</strong>s Lauracées, dont l'écorce <strong>de</strong>sjeunes rameaux est la cannelle du commerce, existe en gran<strong>de</strong>quantité dans les forêts <strong>de</strong> Ceylan. Certaines formes qui setrouvent sauvages dans l'In<strong>de</strong> continentale étaient regardéesautrefois comme autant d'espèces distinctes, mais les botanistesanglo-indiens s'accor<strong>de</strong>nt à les réunir avec celle <strong>de</strong> Ceylan 2.Les écorces du Cannelier et d'autres Cinnomomum non cultivés,qui produisentle cassia ou cassia <strong>de</strong> Chine, ont étél'objet d'un commerce important dès les temps les plus reculés,MM. Flûckiger et Hanbury 3 ont traité ce point historique avecune érudition si complète que nous <strong>de</strong>vons simplement renvoyerà leur ouvrage. Ce qui nous importe, à notre point <strong>de</strong> vue, c'est<strong>de</strong> constater combien la culture du cannelier est mo<strong>de</strong>rne relativementà l'exploitation <strong>de</strong> l'espèce. C'est seulement <strong>de</strong> 1763à 1770 qu'un colon <strong>de</strong> Ceylan, appelé <strong>de</strong> Koke, soutenu par legouverneur <strong>de</strong> l'île, Falck, fit <strong>de</strong>s plantations qui réussirent àmerveille. Elles ont diminué <strong>de</strong>puis quelques années à Ceylan;mais on en a fait ailleurs, dans les pays tropicaux <strong>de</strong> l'ancienet du nouveau mon<strong>de</strong>. L'espèce se naturalise facilement hors<strong>de</strong>s cultures parce que les oiseaux en recherchent les fruitsavec avidité et sèment les graines dans les forêts.Bamié. – China grass, <strong>de</strong>s Anglais, Boehmeria nivea,Hooker et Arnott.jLa culture <strong>de</strong> cette précieuse Urticacée a été introduite dansle midi <strong>de</strong>s Etats-Unis et <strong>de</strong> la France, <strong>de</strong>puis une trentained'années; mais le commerce avait fait connaître auparavant^1. Bertero, dans Prodr., XII,seet. I, p. SG8. r ,7-2. Thwaites, Enum. Zeylanix,p. 252; Brandis,Forest flora of India,p, 315.3. Hûckigeret Hanbury,Histoire<strong>de</strong>s droguesd'originevégétale,trad.franc., 2, p. 224;Porter, Thetropicalagrieulturist,p. 268.4. Brandis.l. c. Grisebach,Fl. ofbrit. W. India islands,p. 179.


CA.NNELIER,RA.MIÉ, CHANVRE 117valeur extraordinaire <strong>de</strong> ses fibres, plus tenaces que le chanvreet, dans certains cas, flexibles comme la soie. On peut lire dansplusieurs ouvrages <strong>de</strong>s détails intéressants sur la manière <strong>de</strong>cultiver la plante et d'en extraire les fils Je me bornerai àpréciser ici, le mieux que je pourrai, l'origine géographique.Dans ce but, il ne faut pas se fier aux phrases assez vagues <strong>de</strong>la plupart <strong>de</strong>s auteurs, ni aux étiquettes <strong>de</strong>s échantillons dansles herbiers, car il est arrivé souvent qu'on n'a pas distinguéles pieds cultivés échappés <strong>de</strong>s cultures ou véritablementsauvages, et qu'on a oublié aussi la diversité <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux formesBoehmeria nivea (Urtica nivea, Linné, et Boehmeria tenacissima,Gaudichaud, ou B. candicans, Hasskarl), qui paraissent <strong>de</strong>uxvariétés d'une même espèce, à cause <strong>de</strong>s transitions notées parquelques botanistes. Il y a même une sous-variété, à feuillesvertes <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux côtés, cultivée par les Américains et par M. <strong>de</strong>Malartic dans le midi <strong>de</strong> la France.La forme anciennement connue (Urtica nivea L.), à feuillestrès blanches en <strong>de</strong>ssous, est indiquée comme croissant enChine et dans quelques pays voisins. Linné dit qu'elle se trouvesur les murs en Chine, ce qui s'appliquerait à une plante <strong>de</strong>sdécombres, originaire <strong>de</strong>s cultures; mais Loureiro 2dit Habitat,et abundanter colitur in Cochinchina et China, et, selon M. Bentham3, le collecteur Champion l'a trouvée, en abondance, dansles ravins <strong>de</strong> l'île <strong>de</strong> Hong-Kong. D'après MM. Franchet etSavatier 4, elle existe au Japon, dans les taillis et les haies (infruticetis umbrosis et sepibus). Blanco la dit commune aux îlesPhilippines. Je ne trouve aucune preuve qu'elle soit spontanéeà Java, Sumatra et autres îles <strong>de</strong> l'archipel Indien. Rumphius 6ne la connaissait que comme plante cultivée. Roxburgh 7 lacroyait native <strong>de</strong> Sumatra, ce que Miquel 8 ne confirme pas.Les autres formes n'ont été trouvées nulle part sauvages, cequi appuie l'idée que ce sont <strong>de</strong>s variétés survenues dans lescultures.Chanvre. Cannabis sativa, Linné.Le chanvre est mentionné, avec ses <strong>de</strong>ux états, mâle etfemelle, dans les plus anciens ouvrages chinois, en particulierdans le Shu-King, écrit 500 ans avant Jésus-Christ 9. Il a <strong>de</strong>s,1. Comte<strong>de</strong> Malartic,Journald'affric.pratique,7 déc. 4871-, 1872,v. 2,n° 31; <strong>de</strong> La Roque,ibid., n. 29,Bull.Soc.d'acclimat.,juillet1872,p. 462.Vilmorin,Bonjardinier, 1880,part. 1, p. 700;Yetillart, Étu<strong>de</strong>ssur lesfibresvéget.textiles,p. 99,pi. 2.2. Loureiro,Floracochinch.,2, p. 683.3. Bentham,FloraHongkong,p. 331.4. Franchet et Savatier,Enum.plant. Jap., 1, p. 439.5. Blanco,Flora <strong>de</strong>Filip., ed. 2,p. 484.6. Rumphius,Amboin.,5, p. 214.7. Roxburgh,FI. ind., 3, p. 590.8. MiquelȘumatra,éd. allem., p. 170.9. Bretschnei<strong>de</strong>r,Valueofchinesebotanicalworhs,p. 5,10,48.


118 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS TIGES OU FEUILLESnoms sanscrits, Banga et Gangika 1 orthographiés lihanga etGimjika par Piddington °. La racine <strong>de</strong> ces noms ang ou an seretrouve dans toutes les langues indo-européennes et sémitiquesmo<strong>de</strong>rnes Bang en hindou et persan, Ganga en bengali 3, Hanfen allemand, Hemp en anglais, Kanas en celtique et bas-bretonmo<strong>de</strong>rne Cannabis en grec et en latin, Cannab en arabe 5.D'après Hérodote (né en 484 avant Jésus-Christ), les Scythesemployaient le Chanvre, mais <strong>de</strong> son temps les Grecs le connaissaientà peine s. Hiéron II, roi <strong>de</strong> Syracuse, achetait le chanvre<strong>de</strong> ses cordages pour vaisseaux dans la Gaule, et Lucilius est lepremier écrivain romain qui ait parlé <strong>de</strong> la plante (100 ans avantJésus Christ). Leslivres hébreux ne mentionnent pas le Chanvre7.Il n'entrait pas dans la composition <strong>de</strong>s enveloppes <strong>de</strong> momieschez les anciens Egyptiens. Même à la fin du xviir*siècle, on necultivait le Chanvre, en Egypte, que pour le hachich, matièreenivrante 8. Le recueil <strong>de</strong>s lois judaïques appelé Mischna, faitsous la domination romaine, parle <strong>de</strong> ses propriétés textilescomme d'une chose peu connue 9. Il est assez probable queles Scythes avaient transporté cette plante <strong>de</strong> l'Asie centraleet <strong>de</strong> la Russie à l'ouest, dans leurs migrations, qui ont eu lieuvers l'an 1500 avant Jésus-Christ, un peu avant la guerre <strong>de</strong>Troie. Elle aurait pu s'introduire aussi par les invasions antérieures<strong>de</strong>s Aryens en Thrace et dans l'Europe occi<strong>de</strong>ntale^; maisalors l'Italie en aurait eu connaissance plus tôt. On n'a pastrouvé le Chanvre dans les palafittes <strong>de</strong>s lacs <strong>de</strong> Suisse 10 et dunord <strong>de</strong> l'ItalieCe qu'on a constaté sur l'habitation du Cannabis saliva concor<strong>de</strong>bien avec les données historiques et linguistiques. J'ai eul'occasion <strong>de</strong> m'en occuper spécialement dans une <strong>de</strong>s monographiesdu Prodromus, en 1869i2.L'espèce a été trouvée sauvage, d'une manière certaine, aumidi <strong>de</strong> la mer Caspienne 13, en Sibérie, près <strong>de</strong> l'Irtysch, dans ledésert <strong>de</strong>s Kirghiz, au <strong>de</strong>là du lac Baical, en Daourie (gouvernementd'Irkutsk). Les auteurs l'indiquent dans toute la Russieméridionale et moyenne, et au midi ûu Caucase14,mais la qualité1. Roxburgh, Flora indica,ed. 2, vol. 3, p. 772.2. Piddington,In<strong>de</strong>x.3. Roxburgh, ilid..i. Reynier,Economie<strong>de</strong>sCeltes,p. 448;Legoni<strong>de</strong>c, Dictionn.bas-brr'on.5. J. Humbert,autrefoisprofesseur d'arabeà Genève, m'a indiquéhannab,Kon-nab,Hon-nab,Ilen-nab,Kanedir,selonles localités.6. Athénée,citépar Hehn, Culturpfianzen,p. 168.7. Rosenmûller,Handb.bibl. Alterk.8. Forskal,Flora; Delile,Flore d'Egypte.9. Reynier, Economie <strong>de</strong>sArabes,p.10.Heer,Ueberd. 434.Flachs,p.11. Sor<strong>de</strong>lli,Notiziesull.staz. 23.di Lagozza, 1880.12. Vol.XVI,sectio1, p. 30.13.DeBunge,Bull. Soc.bot. <strong>de</strong>Fr., 1860,p. 30.14. Le<strong>de</strong>bour, Florarossica,3, p. 634.


MURIER BLANCH9spontanée y est moins sûre, attendu que ces pays sont peupléset que les graines <strong>de</strong> Chanvre peuvent se répandre aisémenthorsjardins. L'ancienneté <strong>de</strong> la culture en Chine me fait croire quel'habitation s'étend assez loin vers l'est, quoique les botanistesne l'aient pas encore constaté 1. M. Boissier indique 1 espèceen Per-e comme « presque spontanée ». Je doute qu'elle y soitindigène, parce que les Grecs et les Hébreux l'auraient connueplus tôt si elle l'était.Mûrier blanc. Morus alba, Linné.Le Mûrier dont on sert le plus communément en Europe pourl'éducation <strong>de</strong>s vers à soie est le Morus alba. Ses variétés, trèsnombreuses, ont été décrites avec soin par Seringe 2 et plusrécemment par M. Bureau 3. La plus cultivée dans l'In<strong>de</strong>, leJ/oj-msindica,Linné [Morus alba, var. indica, Bureau), est sauvagedans le Punjab et à Sikim, d'après Brandis, inspecteur général<strong>de</strong>s forêts <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> anglaise 4. Deux autres variétés, serrata etcusindata, sont aussi indiquées comme sauvages dans diversesprovinces <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> septentrionale 5. L'abbé David a trouvé enMongolie une variété parfaitement spontanée, décrite sous le nom<strong>de</strong> Mongolica par M. Bureau, et le Dr Bretschnei<strong>de</strong>r 6 cite un nomYen, d'anciens auteurs chinois, pour le Mûrier sauvage. Il nedit pas, il est vrai, si ce nom s'applique au Mûrier blanc Pe


120 PLANTES CULTIVÉES POURLECRS TIGES OU FEUILLESCette facilité <strong>de</strong> naturalisation explique sans doute la présence,à <strong>de</strong>s époques successives, du Mûrier blanc dans l'Asie occi<strong>de</strong>ntaleet le midi <strong>de</strong> l'Europe. Elle a dû agir surtout <strong>de</strong>puis que'<strong>de</strong>s moines eurent apporté le ver à soie à Constantinople, sousJustinien, dans le me siècle, et que graduellement la séricultures'est propagée vers l'ouest. Cependant Targioni a constaté quele mûrier noir, JI. nigra, était seul connu en Sicile et en Italie,.lorsque l'industrie <strong>de</strong> la soie s'est introduite en 1148 en Sicile et<strong>de</strong>ux siècles plus tard en Toscane 1. D'après le même auteur,l'introduction du Mûrier blanc en Toscane date, au plus tôt, <strong>de</strong>l'année 1340. De la même manière, l'industrie <strong>de</strong> la soie peutavoir commencé en Chine, parce que le ver à soie s'y trouvaitnaturellement; mais il est très probable que l'arbre existait aussidans l'In<strong>de</strong> septentrionale, où tant <strong>de</strong> voyageurs l'ont trouvé àl'état sauvage. En Perse, en Arménie et dans l'Asie Mineure, jelecrois plutôt naturalisé <strong>de</strong>puis une époque ancienne, contrairementà l'opinion <strong>de</strong> Grisebach, qui le regar<strong>de</strong> comme originaire<strong>de</strong> la région <strong>de</strong> la mer Caspienne (Végét. du globe, trad.française, I, p. 424). M. Boissier ne le cite pas comme spontanédans ces pays 2. M. Buhse 3 l'a trouvé en Perse, prèset <strong>de</strong> d'ErivanBaschnaruschin, et il ajoute « naturalisé en abondancedansle Ghilan et le Masen<strong>de</strong>ran. » La flore <strong>de</strong> Russie parLe<strong>de</strong>bour 4 indique <strong>de</strong> nombreuses localités autour du Caucase,sans parler <strong>de</strong> spontanéité, ce qui peut signifier une espèce naturalisée.En Crimée, en Grèce et en Italie, il est seulement àl'état <strong>de</strong> culture 5.Une variété tatarica, souvent cultivée dans lemidi <strong>de</strong> la Russie, s'est naturalisée près du Volga 6.Si le Mûrier blanc n'existait pas primitivement en Perse etvers la mer Caspienne, il doit y avoir pénétré <strong>de</strong>puis longtemps.Je citerai pour preuve le nom <strong>de</strong> Tut, Tuth, Tuta, qui estpersan, arabe, turc et tartare. Il y a un nom sanscrit, Tula 7rqui doit se rattacher à la même racine que le nom persan; maison ne connaît pas <strong>de</strong> nom hébreu, ce qui vient à l'appui <strong>de</strong>l'idée d'une extension successive vers l'Asie occi<strong>de</strong>ntale.Ceux <strong>de</strong> mes lecteurs qui désirent <strong>de</strong>s renseignements plusdétaillés sur l'introduction <strong>de</strong>s Mûriers et <strong>de</strong>s vers à soie lestrouveront surtout dans les savants ouvrages <strong>de</strong> Targioni et'<strong>de</strong> Ritter que j'ai cités. Les découvertes faites récemmentpar divers botanistes m'ont permis d'ajouter <strong>de</strong>s données plus1. Ant.Targioni,Cennistorici sullaintrod. divariepianteneWagricolt.toscana,p. 188.2. Boissier,Flora orient.,4, p. 1153.3. Buhse,Aufzàhlung<strong>de</strong>r TranseaucasienundPersienPflanzen,p. 203.4. Le<strong>de</strong>bour,FI.ross.,3, p. 643.5. Steven,Verzeichniss d. taurisch. Halbins,p. 313 Heldreich,Pflanzen.-<strong>de</strong>sattischenEbene,p. 508;Bertoloni,Fl.ital., 10,p. 171;Garue),FI. Tos~cana,p. 171.6. Bureau, l. c.7. Roxburgh, FLind.; Piddington,In<strong>de</strong>x.


MURIER NOIR 121précises que celles <strong>de</strong> Ritter sur l'origine, et, s'il y a quelquescontradictions apparentes entre nos opinions sur d'autres points,cela vient surtout <strong>de</strong> ce que l'illustre géographe a considéré unefoule <strong>de</strong> variétés comme <strong>de</strong>s espèces, tandis que les botanistesles ont réunies après un examen attentif.Mûrier noir. Morus nigra, Linné.Il est plus recherché pour ses fruits que pour ses feuilles, et,d'après cela, je <strong>de</strong>vrais l'énumérer dans la catégorie <strong>de</strong>s arbresfruitiers. Cependant on ne peut guère séparer son histoire <strong>de</strong>celle du Mûrier blanc. D'ailleurs on emploie sa feuille dansbeaucoup <strong>de</strong> pays pour l'élève <strong>de</strong>s vers à soie, sans se laisserarrêter par la qualité inférieure du produit.Le Mûrier noir se distingue du blanc par plusieurs caractères,indépendamment <strong>de</strong> la couleur noire du fruit, qui se trouveégalement chez certaines variétés du M. alba 1.Il n'a pas uneinfinité <strong>de</strong> formes comme celui-ci, ce qui peut faire présumerune culture moins ancienne, moins active, et une patrie primitivemoins étendue.Les auteurs grecs et latins, même les poètes, ont souventmentionné le Morus nigra, qu'ils comparaient au Ficus Sycomorus,et qu'ils confondaient même dans l'origine avec cetarbre égyptien. Les commentateurs répètent <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>ux sièclesune foule <strong>de</strong> passages qui ne laissent aucun doute à cet égard,mais ne présentent guère d'intérêt en eux-mêmes 2.Ils ne fournissentaucune preuve sur l'origine <strong>de</strong> l'espèce, qu'on présume<strong>de</strong> Perse, à moins <strong>de</strong> prendre au sérieux la fable <strong>de</strong> Pyrameet Thisbé, dont la scène était en Babylonie, d'après Ovi<strong>de</strong>.Les botanistes n'ont pas constaté d'une manière bien certainel'indigénat en Perse. M. Boissier, qui possè<strong>de</strong> plus <strong>de</strong> matériauxque personne sur l'Orient, se contente <strong>de</strong> citer Hohenackercomme ayant trouvé le M. nigra dans les forêts <strong>de</strong> Lenkoran,sur la côte méridionale <strong>de</strong> la mer Caspienne, et il ajoute « probablementspontané dans la Perse septentrionale vers la merCaspienne 3 ». Avant lui, Le<strong>de</strong>bour, dans sa flore <strong>de</strong> Russie,indiquait, d'après divers voyageurs, la Crimée et les provincesau midi du Caucase mais Steven nie que l'espèce existe enCrimée autrement qu'à l'état <strong>de</strong> culture 5. M. <strong>de</strong> Tchihatcheff etC. Koch 6 ont trouvé <strong>de</strong>s pieds <strong>de</strong> Mûrier noir dans <strong>de</strong>s localités1. Reichenbacba publié<strong>de</strong> bonnes figures <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux espèces dans sesIconesflors germ., t. 657et 658. “ j2. Fraas,Synopsisfl. class.,p 236;Lenz,Botanikd.alten GnechenundRœmer.p.419;Ritter, Erdkun<strong>de</strong>,11,p. 482;Hehn, Culturpflanzen, ed. 3,p. 336,sansparler d'auteurs plus3. Boissier,Flora anciens.orient., 4, p. 1153 (publiée en 1879).4. Le<strong>de</strong>bour,FI, ross., 3, p. 641.5. Steven,Verzeichnissd. taurischenHalbinsṖflanzen,p.f 313. 6. Tchihatcheffțraduction <strong>de</strong> Grisebach,Végétation du globe,1,p. 424.


122 PLANTES CULTIVÉESPOURLEURS TIGES OU FEUILLESélevées et sauvages d'Arménie. Il est bien probable que, dans larégion au midi du Caucase et <strong>de</strong> la mer Caspienne, le Morusnigra est spontané, originaire, plutôt que naturalisé. Ce qui mele fait croire, c'est 1° qu'il n'est pas connu, même à l'état cultivé,dans l'In<strong>de</strong>, en Chine ou au Japon; 2° qu'il n'a aucun nomsanscrit; 3° qu'il s'est répandu <strong>de</strong> bonne heure en Grèce, paysdont les communications avec l'Arménie ont été anciennes.Le Morus nigra s'était si peu propagé au midi <strong>de</strong> la Persequ'on ne lui connaît pas, d'une manière certaine, un nom hébreuni mêire un nom persan distinct <strong>de</strong> celui du Morus alba. On lecultivait beaucoup en Italie, jusqu'à ce qu'on eût reconnu lasupériorité du Mûrier blanc pour la nourriture <strong>de</strong>s vers à soie.En Grèce, le Mûrier noir est encore le plus cultivé Il s'est naturaliséçà et là dans ces pays et en EspagneMaguey. Agave americana, Linné.Cette plante ligacuse, <strong>de</strong> la famille <strong>de</strong>s Amaryllidées, estcultivée, <strong>de</strong>puis un temps immémorial, au Mexique, sous lesnoms <strong>de</strong> Maguey ou Metl, pour en extraire, au moment où sedéveloppe la tige florale, le vin dit -pulque. Humboldt a décritclairement cette culture 3, et il nous dit ailleurs 4 que l'espècecroît dans toute l'Amérique méridionale, jusqu'à 1600 toisesd'élévation. On la cite 5 dans la Jamaïque, à Antigua, à la Dominique,à Cuba;mais il faut remarquer qu'elle se multiplie facilement<strong>de</strong> drageonset qu'onla plante volontiers loin <strong>de</strong>shabitations,pour en former <strong>de</strong>s haies ou en tirer le fil appelé pite, ce qui empêche<strong>de</strong> savoir dans quel pays elle existait primitivement.Transportée <strong>de</strong>puis longtemps dans la région <strong>de</strong> la mer Méditerranée,on la rencontre avec toutes les apparences d'une espèceindigène, quoique son origine ne soit pas douteuse Probablement,d'après les emplois variés qu'on en faisait au Mexique avantl'arrivée <strong>de</strong>s Européens, c'est <strong>de</strong> là qu'elle est sortie.Canne à sucre. – Saccharum offtcinarum, Linné.Les origines <strong>de</strong> la Canne à sucre, <strong>de</strong> sa culture et <strong>de</strong> la fabricationdu sucre ont été l'objet d'un travail très remarquable dugéopraphe Karl Ritter 7. Je n'ai pas à le suivre dans les détails1. HeldreichṄutzpflansenGrieckenlands, p. 19,2. Bertoloni/Fforaital., 10,p. 179;Visiani,Fl. dalmat.,:1, p. 220;Willkommet Lange,Prodr. fl. hisp., 1, p. 250.3. DeHumboldt,Nouvelle-Espagne, éd. 2, p. 487.4. De Humboldt,dans Kunth,NovaGenera,1, p. 297.5. Grisebach,Floraofbrit. W. India, p. 582.6. Alph. <strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>,Gêogr. bot. raisonnée,p. 739;H. Hoffmann,dansRegel,Gartenflwa,187S,p. 70. r “ ,o~7. K Ritter, UeberdiegeographischeYerbreitungzlesZuckerrohrs,1840,in-4,108pag. (d'aprèsPritzel, Thes. lit.bot.); Diecultur <strong>de</strong>sZuckerrohrs,Saccharum,in Âsien,Geogr.Verbreitung,etc., etc., in-8°,64pages,sansdate. C'estune monographiepleined'éruditionet <strong>de</strong> jugement,digne<strong>de</strong>


AGAVE, CANNE A SUCRE 12 3uniquement agricoles et économiques; mais pour l'habitationprimitive <strong>de</strong> l'espèce, qui nous intéresse particulièrement, c'estle meilleur gui<strong>de</strong>, et les faits observés <strong>de</strong>puis quarante ans appuient,en général, ou confirment ses opinions.La Canneà sucre est cultivée auj ourd'hui dans toutes les régionschau<strong>de</strong>s du globe, mais il est démontré par une foule <strong>de</strong> témoignageshistoriques qu'elle a été employée d'abord dans l'Asieméridionale, d'où elle s'est répandue en Afrique et plus tard enen Amérique. La question est donc <strong>de</strong> savoir dans quelles partiesdu continent, ou <strong>de</strong>s îles du midi <strong>de</strong> l'Asie, la plante existe ouexistait quand on a commencé à s'en servir.Ritter a procédé selon les bonnes métho<strong>de</strong>s pour arriver àune solution.Il note d'abord que toutes les espèces connues à l'état sauvageet rapportées, avec sûreté, au genre Saccharum, croissentdans l'In<strong>de</strong>, excepté une qui est en Egypte On a décrit <strong>de</strong>puiscinq espèces <strong>de</strong>s îles <strong>de</strong> Java, la Nouvelle-Guinée, Timor ou lesPhilippines 2.La probabilité est toute en faveur <strong>de</strong> l'origine enAsie si l'on part <strong>de</strong>s données <strong>de</strong> la géographie botanique.Malheureusement aucun botaniste n'avait trouvé à l'époque<strong>de</strong> Ritter et n'a encore trouvé le Saccharum of/icinarum. sauvagedans l'In<strong>de</strong>, dans les pays adjacents ou dans l'Archipel au midi<strong>de</strong> l'Asie. Tous les auteurs anglo-indiens, Roxburgh, Wallich,Royle, etc., et plus récemment Aitchison 3 ne mentionnent laplante que comme cultivée. Roxburgh, qui a herborisé si longtempsdans l'In<strong>de</strong>, dit expressément « Where wild I do notknow. » La famille <strong>de</strong>s Graminées n'a pas encore paru dans laflore <strong>de</strong> sir J. Hooker. Pour l'île <strong>de</strong> Geylan, Thwaites a si peutrouvé l'espèce spontanée qu'il ne lénumere pas même commeplante cultivée 4. Rumphius, qui a décrit soigneusement la culturedans les possessions hollandaises, ne dit rien sur la patrie <strong>de</strong>l'espèce. Miquel, Hasskarl, Blanco (FI. Filip.) ne parlent d'aucunéchantillon sauvage dans les îles <strong>de</strong> Sumatra, Java ou les Philippines.Grawfurd aurait voulu en découvrir et n'y est pas parvenus. Lors du voyage <strong>de</strong> Cook, Forster ne trouva la Canne àsucre qu'à l'état <strong>de</strong> plante cultivée dans les petites îles <strong>de</strong> lamer Pacifique 6.Les indigènes <strong>de</strong> la Nouvelle Calédonie cultiventune quantité <strong>de</strong> variétés <strong>de</strong> la Canne et en font un usage conlabelle époque<strong>de</strong> la sciencealleman<strong>de</strong>,lorsqueles ouvragesanglais oufrançais étaient cités par tous les auteurs, avec le même scia que W&allemands. ·1. Kunth,Enumeratioplantarum(1S38), vol. 1, p. 474.Il n'existepas îletravail <strong>de</strong>scriptifmoinsancien pour la famille<strong>de</strong>s Gr.minées,ni pour legenre Saccharum.2. Miquel,FloraIndix batavs(1833)vol., 3,p. 3».3. Aitchison,Catalogueof Punjab and Sindhplants, 1S69,p. 173.4. Thwaites,Emim. Ceylmiiss.5. Crawfurd,Indianarclnp., 1, p. 475.6. Forster,Plants;esculentœ. ·


124 PLANTES CULTIVÉESPOURLEURS TIGES OU FEUILLEStinuel en suçant la matière sucrée; mais Vieillard a eu soin <strong>de</strong>dire «De ce qu'on rencontre fréquemment au milieu <strong>de</strong>s broussailleset même sur les montagnes <strong>de</strong>s pieds isolés <strong>de</strong> Saccharumofficinarum, on aurait tort d'en conclure que cette plante estindigène, car ses pieds, faibles et rachitiques, accusent simplementd'anciennes plantations, ou proviennent <strong>de</strong> fragments <strong>de</strong>Cannesoubliés par les naturels, qui voyagent rarement sans avoirun morceau <strong>de</strong> canne à sucre à la main. » En 1861, M. Bentham,qui avait à sa disposition les riches herbiers <strong>de</strong> Kew,s'exprimait ainsi dans la flore <strong>de</strong> l'île <strong>de</strong> Hongkong « Nousn'avons aucune preuve authentique et certaine d'une localitéoù la Canne à sucre ordinaire soit spontanée. »Je ne sais cependant pourquoi Ritter et tout le mon<strong>de</strong> anégligé une assertion <strong>de</strong> Loureiro dans la flore <strong>de</strong> Cochinchine2« Habitat, et colitur abundantissime in omnibus provinciis regnicochinchinensis simul in aliquibus imperii sinensis, sed minoricopia. » Le mot habitat, séparé du reste par une virgule, estbien affirmatif. Loureiro n'a pas pu se tromper sur le Saccharumof/ïcinarum, qu'il voyait cultivé autour <strong>de</strong> lui et dont il énumèreles principales variétés. Il doit avoir vu <strong>de</strong>s pieds spontanés, aumoins en apparence. Peut-être venaient-ils <strong>de</strong> quelque culturedu voisinage, mais je ne connais rien qui ren<strong>de</strong> invraisemblablelaspontanéité dans cette partie chau<strong>de</strong> et humi<strong>de</strong> du continentasiatique.Forskal 3 a cité l'espèce comme spontanée dans les montagnes.<strong>de</strong> l'Arabie Heureuse, sous un nom qu'il croit indien. Si elle étaitd'Arabie, elle se serait répandue <strong>de</strong>puis longtemps en Egypte, etles Hébreux l'auraient connue.Roxburgh avait reçu au jardin botanique <strong>de</strong> Calculta, en 1796,et avait introduit dans les cultures du Bengale, un Saccharumqu'il a nommé S. sinense et dont il a publié une figure dans songrand ouvrage <strong>de</strong>s Plantée Coroman<strong>de</strong>lianse (vol. 3, pl. 232)*Ce n'est peut-être qu'une forme du S. officinarum, et d'ailleurs,comme elle n'est connue qu'à l'état cultivé, elle n'apprend riensur la patrie soit <strong>de</strong> cette forme, soit <strong>de</strong>s autres.Quelques botanistes ont prétendu que la canne à sucre fleuritplus souvent en Asie qu'en Amérique ou en Afrique, et mêmeque sur les bords du Gange elle donne <strong>de</strong>s graines 4, ce qui serait,d'après eux, une preuve d'indigénat. Macfadyen le dit sansfournir aucune 'preuve. C'est une assertion qu'il a reçue, à laJamaïque, <strong>de</strong> quelque voyageur; mais sir W. Hooker a soind'ajouter en note « Le Dr Roxburgh, malgré sa longue rési<strong>de</strong>nceau bord du Gange, n'a jamais vu <strong>de</strong> graines <strong>de</strong> la canne à1. Vieillard,Ann. <strong>de</strong>ssc. nat., série4, vol.16,p. 32.2.Loureiro,Fl. Cochinch.,ed. 2, vol.1, p. 66.3. Forskal,Fl. JEgypto-arabica, p. 103.4. Macfadyen,Onthe botanicalcharactersof thesugarcane,dansHooker,Bot. miscell.i, p. 101;Maycock, FI. Barbad.,p. 50.


CANNEA SUCRE 128sucre. » Elle fleurit et surtout fructifie rarement, comme en généralles <strong>plantes</strong> qu'on multiplie par boutures ou drageons, et,si quelque variété <strong>de</strong>là canne était disposée à donner <strong>de</strong>s graines,elle serait probablement moins productive <strong>de</strong> sucre, et bien viteon l'abondonnerait. Rumphius, meilleur observateur que beaucoup<strong>de</strong> botanistes mo<strong>de</strong>rnes et qui a si bien décrit la cannecultivée dans les îles hollandaises, fait une remarque intéressantel. «Elle ne produit jamais <strong>de</strong> fleurs ou <strong>de</strong> graines, à moinsqu'elle ne soit restée pendant quelques années dans un endroitpierreux. » Ni lui, ni personne, à ma connaissance, n'a décritou figuré la graine. Au contraire, les fleurs ont été souvent figurées,et j'en ai un bel échantillon <strong>de</strong> la Martinique 2. Schachtest le seul qui ait donné une bonne analyse <strong>de</strong> la fleur, y comprisle pistil; il n'a pas vu la graine mûre 3. De Tussae 4, qui a donnéune analyse fort médiocre, parle <strong>de</strong> la graine, mais il ne l'a vueque jeune, à l'état d'ovaire.A défaut <strong>de</strong> renseignements précis sur l'indigénat, les moyensaccessoires, historiques et linguistiques, <strong>de</strong> prouver l'origineasiatique, ont <strong>de</strong> l'intérêt. Ritter les donne avec soin. Je me contenterai<strong>de</strong> les résumer.Le nom <strong>de</strong>'la canne à sucre en sanscrit était Ikshu, Ikshuraou Ikshava; mais le sucre se nommait Sarkara ou Sakkara, ettous les noms <strong>de</strong> cette substance dans nos langues européennesd'origine aryenne, à partir <strong>de</strong>s anciennes comme le grec, ensont clairement dérivés. C'est un indice <strong>de</strong> l'origine asiatiqueet <strong>de</strong> l'ancienneté du produit <strong>de</strong> la canne dans les régions méridionales<strong>de</strong> l'Asie avec lesquelles le pleuple parlant le vieuxsanscrit pouvait avoir eu <strong>de</strong>s rapports commerciaux. Les <strong>de</strong>uxmots sanscrits sont restés en bengali sous la forme <strong>de</strong>lk et Alch 5.Mais dans les autres langues, au <strong>de</strong>là <strong>de</strong> l'Indus, on trouve unevariété singulière <strong>de</strong> noms, du moins quand elles ne <strong>de</strong>scen<strong>de</strong>ntpas <strong>de</strong> celle <strong>de</strong>s Aryens, par exemple Panchadara en telinga,Kyam chez les Birmans, Mia en Cochinchinois, Kan et Tche ouTsche en chinois, et plus au midi, chez les peuples malais, Tubuou Tabu, pour la plante, et Gula, pour le produit. Cette diversitémontre une ancienneté très gran<strong>de</strong> <strong>de</strong> la culture dans lesrégions asiatiques, où déjà les indications botaniques font présumerl'origine <strong>de</strong> l'espèce.L'époque d'introduction <strong>de</strong> la culture en divers pays concor<strong>de</strong>avec l'idée d'une origine <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, <strong>de</strong> la Cochinchine ou <strong>de</strong>l'archipel Indien.En effet, les Chinois ne connaissent pas la canne à sucre <strong>de</strong>puisun temps très reculé, et ils l'ont reçue <strong>de</strong> l'ouest. Ritter contredit1. Rumphius,Anzboin,vol. 5, p. 186.2. Hahn,n" 480.3. Schacht,Ma<strong>de</strong>iraundTeneriffeț. 1.4. Tussac(<strong>de</strong>), Flore<strong>de</strong>sAntilles,1, p. 133,pl. 23.5.Piddington, In<strong>de</strong>x.


126 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS TIGES OU FEUILLESles auteurs qui avaient admis une culture très ancienne, et envois la confirmation la plus positive dans l'opuscule du DrBretschnei<strong>de</strong>r,rédigé àPéking avec les ressources les plus complètessur la littérature chinoise 1.«Je n'ai pu découvrir, dit-il, aucuneallusion à la canne à sucre dans les plus anciens livres chinois(les cinq classiques). » Elle paraît avoir été mentionnée pour lapremière fois par les auteurs du 11esiècle avant J.-G. La première<strong>de</strong>scription se trouve dans le Nan-fang-tsao-mu-chuang,au rve siècle « Le Chê-chê, Kan-cM (Kan, doux; chê, Bambou)croît, dit-il, en Cochinchine (Kiaocki). Il a plusieurs poucescirconférence et ressemble au <strong>de</strong>Bambou. La tige, rompue parfragments, est mangeable et très douce. Le jus qu'on en tire estséché au soleil. Après quelques jours, il <strong>de</strong>vient du sucre (ici uncaractère chinois composé), qui se fond dans la bouche. Dansl'année 286 (<strong>de</strong> l'ère chrétienne), le royaume <strong>de</strong> Funan (dansl'In<strong>de</strong>, au <strong>de</strong>là du Gange) envoyait du sucre en tribut. Selonle Pent-sao, un empereur qui a régné dans les années 627 à 650<strong>de</strong> notre ère avait envoyé un homme dans la province indienne<strong>de</strong> Bahar, pour apprendre la manière <strong>de</strong> fabriquer le sucre.Il n'est pas question dans ces ouvrages <strong>de</strong> spontanéité enChine, et au contraire l'origine cochinchinoise, indiquée parLoureiro, se trouve appuyée d'une manière inattendue. L'habitationprimitive la plus probable me parait avoir été <strong>de</strong> la Cochinchineau Bengale. Peut-être s'étendait-elle dans les îles <strong>de</strong>la Son<strong>de</strong> et les Moluques, dont le climat est très semblable; maisil y a tout autant <strong>de</strong> raisons <strong>de</strong> croire à une introduction anciennevenant <strong>de</strong> Cochinchine ou <strong>de</strong> la péninsule malaise.La propagation <strong>de</strong> la canne à sucre à l'occi<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> estbien connue. Le mon<strong>de</strong> gréco-romain avait une notion approximativedu roseau (calamus), que les Indiens se plaisaient à suceret duquel ils obtenaient le sucre 2. D'un autre côté, les livreshébreux ne parlent pas du sucre 3, d'où l'on peut inférer que laculture <strong>de</strong> la canne n'existait pas encore à l'ouest <strong>de</strong> l'Indus àl'époque <strong>de</strong> la captivité <strong>de</strong>s Juifs àBabylone. Ce sont les Arabes,dans le moyen âge, qui ont introduit cette culture en Egypte,en Sicile et dans le midi <strong>de</strong> l'Espagne où elle a été florissante,jusqu'à ce que l'abondance du sucre <strong>de</strong>s colonies ait obligé d'yrenoncer. Don Henrique transporta la canne à sucre <strong>de</strong> Sicile àMadère, d'où elle fat portée aux îles Canaries en 15035. De ce1. Bretschnei<strong>de</strong>r, Onthe study and value of chine.sebotan. wor/cSjetc.p. 4S-47.2. Voir les citations<strong>de</strong> Strabon, Dioscori<strong>de</strong>,Pline, etc., dans Lenz,Botanik<strong>de</strong>r GriechenundRômer,1839,p.267;Fingerliut, dans Flora, 1839,vol. 2, p. 529;et beaucoup d'autresauteurs.3. Rosenmûller,Handbuchbibl. Alterk.4. Calendrierrural <strong>de</strong> Barib,écritdansle xesièclepour l'Espagnețraduitpar Dureau<strong>de</strong> La Malle,danssa Cliîizatologie <strong>de</strong> L'Italieet <strong>de</strong>l'Andalousie,p.71.8. VonBuch,Canarİnsein.


CANNE A SUCRE 127point, elle fut introduite au Brésil dans le commencement duXVIesiècle 1. Elle a été portée à Saint-Domingue vers l'an 1520et peu après au Mexique 2; à la Gua<strong>de</strong>loupe en 1644, à la Martiniquevers 1650, à Bourbon dès l'origine <strong>de</strong> la coldnie 3.La variétédite d'O-taïti qui n'est point spontanée dans cette île –et qu'on appelle aussi <strong>de</strong> Bourbon, a été introduite dans lescolonies françaises et anglaises à la fin du siècle <strong>de</strong>rnier et aucommencement du siècle actuel *•Les procédés <strong>de</strong> culture et <strong>de</strong> préparation du sucre sont décritsdans un très grand nombre d'ouvrages, parmi lesquelson peut recomman<strong>de</strong>r les suivants en français <strong>de</strong> Tussac,Flore <strong>de</strong>s Antilles, 3 vol. in-folio, Paris, 1808, vol. 1, p. 151-182;-Yen anglais Macfadyen, dans Hooker, Botanical mùcellaniestin-8°, 1830, vol. 1, p. 103-116.1.Piso,Brésil,p. 49.2. Humboldt,Nouv.-Espagne,éd. 2, vol. 3,p. 34.3.Noticestatistiq. surles coloniesfrançaises,1, p. 207,29, 83.4. JMacfadyen, dans Hooker,Miscell.,1, p. 101; Maycoek,FI. Bo'Saa., Barlad.,p. 50.


CHAPITREIIIPLANTES CULTIVÉES POUR LES FLEURS OU LES ORGANESQUI LES ENVELOPPENTGiroflier. Caryophyllus aromaticus, Linné.La partie <strong>de</strong> cette Myrtacée qu'on emploie dans l'économiedomestique sous le nom <strong>de</strong> clou <strong>de</strong> girofle est le calice, surmontédu bouton <strong>de</strong> la fleur.Quoique la plante ait été souvent décrite et très bien figurée,d'après <strong>de</strong>s échantillons cultivés, il y a du doute sur sa natureà l'état sauvage. J'en ai parlé dans ma Géographie botaniqueraisonnée en 1855, mais il ne paraît pas que la question ait faitle moindre progrès <strong>de</strong>puis cette époque ce qui m'engage àreproduire simplement ce que j'avais« dit.Le Giroflier doit être originaire <strong>de</strong>s Moluques, ainsi que ledit Rumphius 1,car la culture en était limitée il y a <strong>de</strong>ux sièclesà quelques petites îles <strong>de</strong> cet archipel. Je ne vois cependantaucune preuve qu'on ait trouvé le véritable Giroflier, à pédonculeset boutons aromatiques, dans un état spontané. Rumphiusregar<strong>de</strong> comme la même espèce une plante qu'il décrit etfigure 2 sous le nom <strong>de</strong> Caryopkyllum sylvestre et qui se trouvespontanée dans toutes les Moluques. Un indigène lui avait dit queles Girofliers cultivés dégénèrent en cette forme, et Rumphiuslui-même avait trouvé un <strong>de</strong> ces Girofliers sylvestres dans uneancienne plantation <strong>de</strong> Girofliers cultivés. Cependant sa planche3 diffère <strong>de</strong> la planche 1 du Giroflier cultivé, par la forme <strong>de</strong>sfeuilles et <strong>de</strong>s <strong>de</strong>nts du calice. Je ne parle pas <strong>de</strong> la planche 2,qui paraît une monstruosité du Giroflier cultivé. Rumphius ditque le Giroflier sylvestre n'a aucune qualité aromatique (p. 13)or, en général, les pieds sauvages d'une espèce ont les propriétésaromatiques plus développées que celles <strong>de</strong>s pieds cultivés.Sonnerat 3 publie aussi <strong>de</strong>s figures du vrai Giroflier et d'un faux1. II, p. 3.2. II, tab. 3.3. Sonnerat,Voy. Nouv.-Guinêe, tab. 19et 20.


GIROFLIER HOUBLON 129Giroflier, d'une petite île voisine <strong>de</strong> la terre <strong>de</strong>s Papous. Il est aisé<strong>de</strong> voir que son faux Giroflier diffère complètement par les feuillesobtuses du vrai Giroflier et aussi <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux Girofliers <strong>de</strong> Rumphius.Je ne puis me déci<strong>de</strong>r à réunir ces diverses <strong>plantes</strong>, sauvageset <strong>cultivées</strong>, comme le font tous les auteurs Il est surtoutnécessaire d'exclure la planche 120 <strong>de</strong> Sonnerat, qui estadmise dans le Botanîcal Magazine. On trouve dans cet ouvrage,dans le Dictionnaire d'agriculture et dans les dictionnaires d'histoirenaturelle l'exposé historique <strong>de</strong> la culture du Giroflier et<strong>de</strong> son transport en divers pays.S'il est vrai, comme le dit Roxburgh 2, que la langue sanscriteavait un nom, Luvunga, pour le clou <strong>de</strong> girofle, le commerce<strong>de</strong> cette épice daterait d'une époque bien ancienne, mêmeen supposant que le nom fût plus mo<strong>de</strong>rne que le vrai sanscrit.Je doute <strong>de</strong> sa réalité, car les Romains auraient eu connaissanced'un objet aussi facile à transporter, et il ne paraît pas qu'on enait reçu en Europe avant l'époque <strong>de</strong> la découverte <strong>de</strong>s Moluauespar les Portugais.Houblon. Humulus Lupulus, Linné.Le Houblon est spontané en Europe <strong>de</strong>puis l'Angleterre et labuè<strong>de</strong> jusque sur les montagnes <strong>de</strong> la région <strong>de</strong> la mer Méditerranée,et en Asie jusqu'àDamas, jusqu'aumidi <strong>de</strong> la merCaspienneet <strong>de</strong> la Sibérie orientale 3; mais on ne l'a pas trouvé dans l'In<strong>de</strong>,le nord <strong>de</strong> la Chine et la région du fleuve Amour.Malgré l'apparence tout à fait sauvage du Houblon en Europe,dans <strong>de</strong>s localités éloignées <strong>de</strong>s cultures, on s'est <strong>de</strong>mandé quelquefoiss'il n'est pas originaire d'Asie 4.Je ne pense p'asqu'on puissele prouver, ni même que cela soit probable. La circonstanceque les Grecs et les Latins n'ont pas parlé <strong>de</strong> l'emploi du Houblonpour la bière s'explique aisément par le fait qu'ils connaissaientbien peu cette boisson. Si les Grecs n'ont pas mentionnéla plante, c'est simplement peut-être parce qu'elle est rare dansleur pays. D'après le nom italien, Lupulo, on soupçonne que Plineen a parlé, à la suite d'autres légumes, sous le nom <strong>de</strong> Lupus sa-Uctarius B.Que l'usage <strong>de</strong> brasser avec le Houblon se soit répanduseulement dans le moyen âge, cela'ne prouve rien, si ce n'estque l'on employait jadis d'autres <strong>plantes</strong>, comme on le fait encoredans certaines localités. Les Celtes, les Germains, d'autres peuples1.Thunberg,Diss.,II, p. 326;<strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>,Prodr., III, p. 262 Hooker,Bot.mag.,tab. 2749 Hasskarl,Cat.h. Bogor.alt., p. 261.2. Roxburgh,Floraindica, ed. 1832,vol. 2, p. 494.3. Alph. <strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>,dans Prodromus,vol. 16, sect. 1, p. 29; Boissier.Fl. orient., 4, p. 1152;Hohenacker,Enum.plant. Talysch,p. 30 Buhse,AufzàhlungTranscaucasien, p. 202. e4. Hehn,NutzpflanzenunàHausthierein ihrenübergang aus Asien,ed.3,p.4i5.5. Pline, Hist. 1.21,c. 15.n mentionneà cet endroitl'Asperge, et l'onsait que les jeunes pousses<strong>de</strong> Houblonse mangent <strong>de</strong> la mêmemanière.o. .1. I" -0-DECANDOLLE.9


130 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS FLEURSdu Nord et même <strong>de</strong>s peuples du Midi qui avaient la vigne faisaient.<strong>de</strong>la bière soit d'orge, soit d'autres grains fermentés,avec addition, dans certains cas; <strong>de</strong> matières végétales diverses,par exemple d'écorce <strong>de</strong> chêne, <strong>de</strong>: Tamarin, ou <strong>de</strong> fruits duMyrica Gale 2. Il est très possible qu'ils n'aient pas. remarqué<strong>de</strong> bonne heure les avantages du Houblon et qu'après en avoireu connaissance ils aient employé le Houblon sauvage avant <strong>de</strong>le cultiver. La première mention d'une houblonnière est dansl'acte d'une donation faite par Pépin, père <strong>de</strong> Charlemagne, en768a. Auxivesiècle, c'était une culture importante enAllemagne,mais en Angleterre elle a commencé seulement sous Henri YIII 4.Les noms vulgaires du Houblon ne fournissent que <strong>de</strong>s indicationsen quelque sorte négatives sur l'origine. Il n'y a pas <strong>de</strong>nom sanscrit 5, ce qui concor<strong>de</strong> avec l'absence <strong>de</strong> l'espèce dansla région <strong>de</strong> l'Himalaya et fait présumer que les peuples aryensne l'avaient pas remarquée et utilisée. J'ai cité jadis quelquesuns<strong>de</strong>s noms européens, en montrant leur diversité, quoiquecertains d'entre eux puissent dériver d'une souche commune.M. Hehn a traité <strong>de</strong> leur étymologie en philologue et a montrécombien elle est obscure; mais il n'a pas mentionné <strong>de</strong>s nomstout à fait éloignés <strong>de</strong> Eumle, Hopf ou Hop et Chmeli, <strong>de</strong>s languesscandinaves, gothiques et slaves, par exemple Apini enlette, Apwynis emlithuanien, Tap en esthonien, Blmtea. illyrien7,qui ont évi<strong>de</strong>mment d'autres racines. Cette diversité vient àl'appui <strong>de</strong> l'idée d'une existence <strong>de</strong> l'espèce enEurope antérieurementà l'arrivée <strong>de</strong>s peuples aryens. Plusieurs populationsdifférentes auraient distingué, nommé et utilisé successivementla plante,, cequi confirme l'extension en Europe et en Asie avantl'usage économique.Carthame. Carthamus tinctorius, Linné.La Composée annuelle appelée Carthame est une <strong>de</strong>s plusanciennes espèces <strong>cultivées</strong>. Un se sert <strong>de</strong> ses fleurs pour coloreren jaune ou en rouge, et les graines donnent <strong>de</strong> l'huile.Les ban<strong>de</strong>s qui entourent les momies <strong>de</strong>s anciens Egyptienssont teintes <strong>de</strong> Carthame 8, et tout récemment on a trouvé <strong>de</strong>sfragments <strong>de</strong> la plante dans les tombeaux découverts à Deir elBahari 9. La culture doit aussi être ancienne dans l'In<strong>de</strong>, puis-1. Tacite,Gei-mania,cap.25; Pline,1. 18, c. 7, Hehn, Kulturpflanzen,etc., éd. 3,p. 125-137.2. Volz,Beitrâgezur CuMurgeschichte, p. 149.3. Volz,ibid.4«Ḃeckmann,Erfindunt/en,. cité parVolz.S.Piddington In<strong>de</strong>x; Fick, Wôrterb.Indo-GermṠprachen,1,Hragraclie.6.. A.<strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>,Giagr. bot- rais,, p. 85T-7. Dictionnairemanuscritcompiléd'aprèslesflores,par Moritzi.8. Unger,DiePflanzen,<strong>de</strong>salten Mgyptens, p.9. 47.SckweinfurQi, lettre adresséeà M.Boissiar,en.1SS2. ·


CARTHAME – SAFRAN 131qu'on indique <strong>de</strong>ux noms sanscrits, Cusumbka et Kamalottara,dont le premier a laissé plusieurs <strong>de</strong>scendants dans les languesactuelles <strong>de</strong> la péninsule i. Les Chinois ont reçu le Carthameseulement au ne siècle avant Jesus-Christ. C'est Chang-kien quile leur a apporté <strong>de</strong> la Bactriane 2. Les Grecs et les Latins nel'ont probablement pas connu, car il est très douteux que cesoit la plante dont ils ont parlé sous le nom <strong>de</strong> Cnikos ouCnicus 3. Plus tard, les Arabes ont beaucoup contribué à répandrela culture du Carthame, qu'ils appellent Qorton, Kurtum,d'où Carthame, ou Usfur, ou Iâridh, ou Morabu diversitéqui indique une existence ancienne dans plusieurs contrées <strong>de</strong>l'Asie occi<strong>de</strong>ntale ou <strong>de</strong> l'Afrique. Les progrès <strong>de</strong> la chimie menacentcette culture, comme beaucoup d'autres mais elle subsisteencore dans le midi <strong>de</strong> l'Europe, en Orient, dans l'In<strong>de</strong> etdans toute la région du Nil.Aucun botaniste n'a trouvé le Carthame dans un état vraimentspontané. Les auteurs l'indiquent avec doute comme originaireou <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> ou d'Afrique, en particulier d'Abyssiniemais ils ne l'ont vu absolument qu'à l'état cultivé ou avecl'apparence d'être échappé <strong>de</strong>s cultures 6. M. Clarke', anciendirecteur du jardin <strong>de</strong> Calcutta, qui a revu <strong>de</strong>puis peu les Composées<strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, admet l'espèce à titre <strong>de</strong> cultivée seulement.Ls résumé <strong>de</strong>s connaissances actuelles sur les <strong>plantes</strong> <strong>de</strong> larégion du Nil, en y comprenant l'Abyssinie, par MM.Schweinfurthet Ascherson8, indique également l'espèce comme cultivée,et les listes <strong>de</strong> <strong>plantes</strong> du voyage récent <strong>de</strong> Rohlfs n'indiquentpas non plus le Carthame spontané 9.L'espèce n'ayant été trouvée sauvage ni dans lln<strong>de</strong> ni enAfrique et sa culture ayant existé cependant <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s milliersd'années dans ces ceux pays, j'ai eu l'idée <strong>de</strong> chercher l'originedans la région intermédiaire. Ce procédé m'a réussi dansd'autres cas.Malheureusement, l'intérieur <strong>de</strong> l'Arabie est presque inconnu,et Forskal, qui a visité les côtes du Yemen, n'apprend rien surle Carthame. Il en est <strong>de</strong> même <strong>de</strong>s opuscules publiés sur les<strong>plantes</strong> <strong>de</strong> Botta et <strong>de</strong>Bové. Mais un Arabe, Abu Anifa, cité parEbn Baithar, auteur du xme siècle, s'est exprimé comme suit"i. Piddington,In<strong>de</strong>x.2.Bretschnei<strong>de</strong>r,Study andvalue,etc., p. 15.3.VoirTargioni,Cennistorici,p. 108.4. Forskal,Flora xgypt., p. 73 Ebn Baithar,trad. alleman<strong>de</strong>,2,p. 196,293;1,p. 18.5. Voir Gasparin, Cours d'agriculture, 4, p. 217.6. Boissier,FI. orient., 3, p. 710 Oliver,Flora of tropical Africa,3, p. 439.7. Clarke,Composites indice, 1876,p. 244.8.Schweinfurthet Ascherson,Aufzàhlung,p. 2S3.9. Rohlfs, Kufra, in-8,1881.10.Ebn Baithar,2, p. 196.


132 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS FLEURS« Usfur. Cette plante fournit <strong>de</strong>s matériaux pour la teinture.Il y en a <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux sortes, une cultivée et une sauvage, qui croissenttoutes les <strong>de</strong>ux en. Arabie et -dont on appelle les grainesElkurlhum. » Abu Anifa peut bien avoir eu raison.Safran. Crocus sativus, Linné.La culture du Safran est très ancienne dans l'Asie occi<strong>de</strong>ntale.Les Romains vantaient le Safran <strong>de</strong> Cilicie; ils le préféraient àcelui cultivé en Italie i. L'Asie Mineure, la Perse et le Cachemirsont <strong>de</strong>puis longtemps les pays qui en exportent le plus. L'In<strong>de</strong>le reçoit aujourd'hui du Cachemir 2. Roxburgh et Wallich nel'indiquent pas dans leurs ouvrages. Les <strong>de</strong>ux noms sanscritsmentionnés par Piddington 3 s'appliquaient probablement à lasubstance du Safran importé <strong>de</strong> l'ouest, car le nom Kasmirajammasemble indiquer le pays d'origine, Cachemir. L'autrenom est Kunleuma. On- traduit ordinairement le mot hébreuKarkom par Safran, mais il doit s'appliquer plutôt au Carthame,d'après.le nom actuel <strong>de</strong> cette <strong>de</strong>rnière plante en arabe. D'ailleurs,on ne cultive pas le Safran en Egypte ou en Arabie 4. Lenom grec est s Krokos. Safran, qui se retrouve dans toutes noslangues mo<strong>de</strong>rnes d'Europe, vient <strong>de</strong> l'arabe Sahafaran 6,Zafran 7. Les Espagnols, plus près <strong>de</strong>s Arabes, disent Azafran.Le nom arabe lui-même vient <strong>de</strong> Assfar, jaune.De bons auteurs ont indiqué le C. sativus comme spontané enGrèce8, et en Italie, dans les Abruzzes9. M. Maw, qui prépareune monographie du genre Crocus, basée sur <strong>de</strong> longues observationsdans les jardins et les herbiers, rapporte au C. sativussix formes spontanées dans les montagnes, d'Italie au Kurdistan.Aucune, selon lui 10, n'est i<strong>de</strong>ntique avec la plante cultivée; maiscertaines formes, décrites sous d'autres noms (C. Orsinii, C. Cartwrightianus,C. Thomasii) en diffèrent à peine. Elles sont d'Italieet <strong>de</strong> Grèce.La culture du Safran, dont les conditions sont exposées dansle Cours d'agriculture <strong>de</strong> Gasparin et dans le Bulletin <strong>de</strong> la Sociétéd'acclimatation <strong>de</strong> 1870, <strong>de</strong>vient <strong>de</strong> plus en plus rare enEurope et en Asie Elle a eu quelquefois pour effet <strong>de</strong> naturaliser,au moins pendant quelques années, l'espèce dans <strong>de</strong>slocalités où elle semble sauvage.1. Pline,1.21,c. 6.2. Royle, III. Htm.,p. 372.3. In<strong>de</strong>x,p. 25.4.D'aprèsForskal,Delile,ReynierȘchweinfurthet Ascherson(Aufzâkhstg)*5. Théophraste,Hist.,1.6,c. 6.6 J. Bauhin, Hist.,II, p. 637.7. Royle, l. c.8. Sibthorp,Prodr.; Fraas,Syn. fl. class.,p. 292.9. J. Gay,cité par Bahington, Man.Brit. fl.10.Maw,dans Gar<strong>de</strong>ners'chronicle,1881,vol.16.11. Jacquemont,Voy.,III, p. 238.


CHAPITREIVPLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITSPomme Canelle. Anona squamosa, Linné. – fin, anglaisSzoeetsop, Sugar apple 2.La patrie <strong>de</strong> cette espèce et d'autres Anona cultivés a suscité<strong>de</strong>s doutes qui en font un problème intéressant. Je me suisefforcé <strong>de</strong> les résoudre en 1855. L'opinion à laquelle je m'étaisarrêté alors se trouve confirmée par les observations <strong>de</strong>s voyageursfaites <strong>de</strong>puis, et, comme il est utile <strong>de</strong> montrer à quelpoint <strong>de</strong>s probabilités basées sur <strong>de</strong> bonnes métho<strong>de</strong>s conduisentà <strong>de</strong>s assertions vraies, je transcrirai ce que j'ai dit 3; aprèsquoi je mentionnerai ce qu'on a trouvé plus récemment.« Robert Brown établissait en 1818 le fait que toutes lesespèces du genre Anona, excepté Y Anona senegalensis, sontd'Amérique et aucune d'Asie. Aug. <strong>de</strong> Saint-Hilaire 4 dit que,d'après Vellozo, l'A. squamosa a été introduit au Brésil, qu'il yest connu sous le nom <strong>de</strong> Pinha, venant <strong>de</strong> la ressemblanceavec les cônes <strong>de</strong> pins, et d'Ata, évi<strong>de</strong>mment emprunté auxnoms Attoa et Atis, qui sont ceux <strong>de</strong> la même plante en Asieet qui appartiennent aux langues orientales. Donc, ajoute <strong>de</strong>Saint-Hilaire, les Portugais ont transporté l'A. squamosa <strong>de</strong>leurs possessions <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> dans celles d'Amérique, etc. » Ayantfait en 1832 une revue <strong>de</strong> la famille <strong>de</strong>s Anonacées 5,je fis remarquercombien l'argument botanique <strong>de</strong> M. Brown <strong>de</strong>venait1. Le mot fruit est employé ici dansle sens vulgaire,pour toute partiecharnuequi grossitaprès la floraison.Dansle sens strictementbotanique,les Anones,Fraises,Pommesd'Acajou,Ananaset le fruit<strong>de</strong>l'Arbreàpainne sont pas <strong>de</strong>s fruits.2. Dansl'In<strong>de</strong> anglaise Custard apple; mais c'estle nom <strong>de</strong> VAnona muricataen Amérique.L'A squamosa est figuré dans Descourtilz,Flore <strong>de</strong>sAntilles,2, pl. 83 Hooker,Botanicalmagazine, t. 3095,et Tussac,Flore<strong>de</strong>s Antilles,3, pl. 4.3. A.<strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>,Géographiebotaniqueraisonnée,p. 859.4. Aug.<strong>de</strong> Saint-Hilaire,Plantesusuelles<strong>de</strong>s Brésiliens,6"livr., p. 5.5. Alph. <strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>,dansMem.Soc.phys.et d'hist. nat. <strong>de</strong> Genève.


134 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS FRUITS<strong>de</strong> plus en plus fort, car, malgré l'augmentation considérable<strong>de</strong>s Anonacées décrites, on ne pouvait citer aucun Anona etmême aucune Anonacée à ovaires soudés qui fût originaired'Asie. J'admettais la probabilité que l'espèce venait <strong>de</strong>s Antillesou <strong>de</strong> la partie voisine du continent américain; mais parinattention j'attribuai cette opinion à M. Brown, qui s'étaitborné à revendiquer une origine américaine en général 2.« Depuis, <strong>de</strong>s faits <strong>de</strong> diverse nature ont confirmé cette manière<strong>de</strong> voir.« L'Anona squamosa a été trouvé sauvage en Asie, avec l'apparenceplutôt d'une plante naturalisée; en Afrique, et surtouten Amérique, avec les conditions d'une plante aborigène. Eneffet, d'après le D" Royle s, cette espèce a été naturalisée dansplusieurs localités <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>; mais il ne l'a vue, avec l'apparenced'une plante sauvage, que sur les flancs <strong>de</strong> la montagneoù est le fort <strong>de</strong> Adjeegurh, dans le Bundlecund, parmi <strong>de</strong>spieds <strong>de</strong> Teck. Lorsqu'un arbre aussi remarquable, dans un paysaussi exploré par les botanistes, n'a été signalé que dans uneseule localité hors <strong>de</strong>s cultures, il est bien probable qu'il n'estpas originaire du pays. Sir Joseph Hooker l'a trouvé dans l'ile<strong>de</strong> Santiago, du Cap-Vert, formant <strong>de</strong>s bois sur le sommet <strong>de</strong>s collines<strong>de</strong> la vallée <strong>de</strong> Saint-Dominique Comme l'A. squamosan'est qu'à l'état <strong>de</strong> culture sur le continent voisin 5;queil n'est mêmepas indiqué en Guinée par Thonning ni au Congo7, nidans la Sénégambie 8, ni en Abyssinie ou en Egypte,-ce quimontre une introduction récente en Afrique; enfin, comme lesîles du Cap-Vert ont perdu une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> leurs forêtsprimitives, je crois dans ce cas à une naturalisation par <strong>de</strong>sgraines échappées <strong>de</strong> jardins. Les auteurs s'accor<strong>de</strong>nt à direl'espèce sauvage à la Jamaïque. On a pu autrefois négliger l'assertion<strong>de</strong> Sloane et <strong>de</strong> P. Brown 10, mais elle est confirméepar Mac-Fadyen Il. De Martius a trouvé l'espèce dans les forêts<strong>de</strong> Para < localité assurément d'une nature primitive. Il ditmême « Sylvescentem in nemoribus paraënsibus inveni, » d'oùl'on peut croire que les arbres formaient à eux seuls une forêt.Splitgerber t3 l'avait trouvée dans les forêts <strong>de</strong> Surinam, mais il1. Mém.Soc. phy. et d'hist.nat. <strong>de</strong>Genève,p. 19dumém.2.tiré à-part.VoyezBotanyof Congo et la traduction alleman<strong>de</strong><strong>de</strong>s œuvres d&Brown,qui a <strong>de</strong>stablesalphabétiques.3. Royle,Ill. Himal.,p. 60.4. Webb, dans FI. Nigr.,p. 97.5.Ibid., p.6. Thonning,Pl. 204.Guin.7. Brown,Congo,p. 6.8. Guillemin,Perrottetet Richard,Tentamenfl. Senelg.9. Sloane,Jam., II, p. 168.10.P. Brown,Jam.,p. 257.11.Mac-Fadyen, Fi. Jam., p. 9.12.De Martius,Fl. Bras.,fasc. 2. p. 15.13. Splitgerber, Ne<strong>de</strong>rl.Kruidh.Arch., p. 230.


POMMECA.NELLE 135dit an spontanea?Le nombre <strong>de</strong>s localités dans cette partie <strong>de</strong>l'Amérique est assez significatif. Je n'ai pas besoin <strong>de</strong> rappelerqu'aucun arbre, pour ainsi dire, vivant ailleurs que sur les côtes,n'a été trouvé véritablement aborigène à la fois dans l'Asie,l'Afrique et l'Amérique intertropicales 1. L'ensemble <strong>de</strong> mes recherchesrend un fait pareil infiniment peu probable, et, si unarbre était assez robuste pour offrir une telle extension, Useraitexcessivement commun dans tous les pays intertropicaux.« D'ailleurs les arguments historiques et linguistiques se sontaussi renforcés dans le sens <strong>de</strong> l'origine américaine. Les détailsdonnés par Rumphius 2 montrent que VAnona squamosa étaitune plante nouvellement cultivée dans la plupart <strong>de</strong> îles <strong>de</strong>l'archipel Indien. Forster n'indique aucune Ananacée commecultivée dans les petites îles <strong>de</strong> la mer Pacifique 3. Rhee<strong>de</strong> ditl'A squamosa étranger au Malabar, mais transporté dansl'In<strong>de</strong>, d'abord par les Chinois et les Arabes, ensuite par lesPortugais Il est certain qu'il est cultivé en Chine et en Cochinchine5, ainsi qu'aux Philippines 6; mais <strong>de</strong>puis quelle époque?C'est ce que nous ignorons. Il est douteux que les Arabes lecultivent 7. Dans l'In<strong>de</strong> on le cultivait du temps <strong>de</strong> Roxbnrgh 8,qui n'avait pas vu l'espèce spontanée, et qui ne mentionnequ'un seul nom vulgaire <strong>de</strong> langue mo<strong>de</strong>rne (bengali), te nomAta, qui est déjà dans Rhee<strong>de</strong>. Plus'tard, on a cru reconnaîtrele nom Gund'a-Gatra comme sanscrit9; mais le DrRoyleayant consulté le célèbre Wilson, auteur du dictionnaire sanscrit,sur l'ancienneté <strong>de</strong> ce nom, il répondit qu'il avait ététiré du Sabda chanrika, compilation mo<strong>de</strong>rne comparativement.Les noms <strong>de</strong> Ata, AU se trouvent dans Rhee<strong>de</strong> et RumphiusVoilà sans doute ce qui a servi <strong>de</strong> base à l'argumentai.A. <strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>,Géorjr ḅot. raisonnée,chap. X.2. Rumphius,1,p. 139,3. Forster,Plantéesculentm.4.Rhee<strong>de</strong>,Malab.,III, p. 22.5. Loureiro,Fl. cach.,p.427.6.B!anco,Fl. Filip.7. Celadépend <strong>de</strong> l'opinion qu'on se formera sur IA. glafca, -Forsk.(A.asiatica B. Dun.,Anon.,p. 71;A.Forskalii,DC.,8gH,.l,p. 472 quiétaitcultivéquelquefois dans les jardins <strong>de</strong> l'Egypte,lorsqueForskal visita cepays, sousle nom <strong>de</strong> Keschta,e'est-à-direlait coagule.Larareté <strong>de</strong> sa cultureet le silence<strong>de</strong>sanciensauteursmontrentque c'étaitune introductionmo<strong>de</strong>rne enEgypte. Ebn Baithar (trad.allem.<strong>de</strong> Sontheimer,2 vol., 1840)mé<strong>de</strong>cinarabedu xuiesiècle,ne parle d'aucuneAnonacéeet ne mentionnepas <strong>de</strong> nom <strong>de</strong>Keschta.Je ne voispas comment.la <strong>de</strong>scriptionet.la'ignre<strong>de</strong> Forskal[Descr.,p. 102,:c. tab.la) diffèrent<strong>de</strong>l'A. squamasa.L échantillon<strong>de</strong> Coquebert, cité dans le Systema, concor<strong>de</strong> assezavecla planche<strong>de</strong> Forskal;mais,commeil est en fleuret que la planche donne le irait,l'i<strong>de</strong>ntiténe peut être bien prouvée.8. Roxbursh,FI. Ind., ed. 1832,v. 2. p. 6579. PiddingtonIn<strong>de</strong>x,6 p.dOṘoyle, Ill. Him.,p. 60.il. Rhee<strong>de</strong>et Rumphius,1,p.l 39.


136 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS FRUITStion <strong>de</strong> Saint-Hilaire; mais un nom bien voisin est donné auMexique à VAnona squamosa. Ce nom est Ate, Ahate <strong>de</strong> Panucho,qui se trouve dans Hernan<strong>de</strong>z 1 avec <strong>de</strong>ux figures assezsemblables et assez médiocres, qu'on peut rapporter ou à l'A.squamosa, avec Dunal2, ou à l'A. Cherimolia, avec <strong>de</strong> Martius 3.Oviedo emploie le nom <strong>de</strong> Anon Il est très possible que lenom <strong>de</strong> Ata soit venu au Brésil du Mexique et <strong>de</strong>s pays voisins.Il se peut aussi, je le reconnais, qu'il vienne <strong>de</strong>s colonies portugaises<strong>de</strong>s In<strong>de</strong>s orientales. De Martius dit cependant l'espèceimportée <strong>de</strong>s Antilles 5. Je ne sais s'il en a eu la preuve ou sielle résulte <strong>de</strong> l'ouvrage d'Oviedo, qu'il cite et que je ne puisconsulter. L'article d'Oviedo, transcrit dans Marcgraf 6, décritl'A. squamosa sans parler <strong>de</strong> son origine.(cL'ensemble <strong>de</strong>s faits est <strong>de</strong> plus en plus favorable à l'origineaméricaine. La localité où l'espèce s'est montrée le plus spontanéeest celle <strong>de</strong>s forêts <strong>de</strong> Para. La culture en est ancienne enAmérique, puisque Oviedo est un <strong>de</strong>s premiers auteurs (1535)qui aient écrit sur ce pays. Sans doute la culture est aussi d'unedate assez ancienne en Asie, et voila ce qui rend le problèmecurieux. Il nem'est pas prouvé cependant qu'elle soit antérieureà la découverte <strong>de</strong> l'Amérique, et il me semble qu'un arbrefruitier aussi agréable se serait répandu davantage dans l'ancienmon<strong>de</strong>, s'il y avait existé <strong>de</strong> tout temps. On serait d'ailleursfort embarrassé d'expliquer sa culture en Amérique au commencementdu XVIesiècle en supposant une origine <strong>de</strong> l'ancienmon<strong>de</strong>.Depuis que je m'exprimais ainsi, je remarque les faits suivantspubliés par divers auteurs.1° L'argument tiré <strong>de</strong> ce qu'aucune espèce du genre Anonan'est asiatique est plus fort que jamais. L'A. asiatica, Linné,reposait sur <strong>de</strong>s erreurs (voir ma note, dans Géogr. bot.,p.*862). L'A. obtusifolia, Tussac, Fl. <strong>de</strong>s Antzlles, I. p. 191,pi. 28, cultivé jadis à Saint-Domingue, comme d'origine asiatique,est peut-être fondé sur une erreur. Je soupçonne qu'on a<strong>de</strong>ssiné la fleur d'une espèce (A. muricata) et le fruit d'une autre(A. squamosa). On n'a point découvert d'Anona en Asie, maison en connaît aujourd'hui quatre ou cinq en Afrique, au lieud'une ou <strong>de</strong>ux', et un nombre plus considérable qu'autrefoisen Amérique.i. Hernan<strong>de</strong>z,p. 348et 434.2.Dnnal,MémȦnon.,p. 70.3. DeMartius,Fl. bras.,fasc.2,p. 18.4. De là'vientle nom <strong>de</strong>genre Anona,que Linnéa changéen Annona,(provision),parce qu'il ne voulait aucunnom <strong>de</strong>s languesbarbares etqu'il ne craignait pas les jeux <strong>de</strong> mots.5.DeMartius,l. c.6.Marcgraf,Brasil,p. 94.7. VoirBaker,Floraof Nauritius,p. 3. L'i<strong>de</strong>ntitéadmisepar M.Oliver,Flora oftrop. Africa,1,p. 16, <strong>de</strong> lA. palustrisd'Amériqueaveccelui<strong>de</strong>


COROSSOL 1372" Les auteurs <strong>de</strong> flores récentes d'Asie n'hésitent pas à considérerles Anona, en particulier l'A. squamosa, qu'on rencontreçà et là avec l'apparence spontanée, comme naturalisés autour<strong>de</strong>s cultures et <strong>de</strong>s établissements européens 1.3» Dans les nouvelles flores africaines déjà citées, l'A. squamosaet les autres, dont je parlerai tout à l'heure, sont indiquéstoujours comme <strong>de</strong>s espèces <strong>cultivées</strong>.4° L'horticulteur Mac Nab a trouvé l'A. squamosa dans lesplaines sèches <strong>de</strong> la Jamaïque 2, ce qui confirme les anciensauteurs. Eggers dit cette espèce commune dans les taillis(thickets) <strong>de</strong>s îles Saint-Croix et Vierges. Je ne vois pas qu'onl'ait trouvée sauvage à Cuba.5" Sur le continent américain, on la donne pour cultivéeCependant M. André m'a communiqué un échantillon, d'unelocalité pierreuse <strong>de</strong> la vallée <strong>de</strong> la Mag<strong>de</strong>lena, qui paraît appartenirà cette espèce et être spontané. Le fruit manque, cequi rend la détermination douteuse. D'après la note sur l'étiquette,c'est un fruit délicieux, analogue à celui <strong>de</strong> l'A. squamosa.M. Warming cite l'espèce comme cultivée à Lagoa-Santa, du Brésil. Elle paraît donc plutôt cultivée ou naturaliséeà Para, à la Guyane et dans la Nouvelle-Grena<strong>de</strong>, par un effet<strong>de</strong>s cultures.En définitive, on ne peut guère douter, ce me semble, qu'ellene soit d'Amérique et même spécialement <strong>de</strong>s Antilles.Corossol. -Anona muricata, Linné. -En Anglais Sour sop.Cet arbre fruitier 6, introduit dans toutes les colonies <strong>de</strong>spays tropicaux, est spontané aux Antilles du moins, on a constatéson existence dans les îles <strong>de</strong> Cuba, Saint-Domingue, laJamaïque et dans plusieurs <strong>de</strong>s petites îles 7. Il se naturalisequelquefois sur le continent <strong>de</strong> l'Amérique méridionale, près<strong>de</strong>s habitations 8. M. E. André en a rapporté <strong>de</strong>s échantillonsSénégambie,me paraît très extraordinaire,quoiqu'ils'agisse d'une espècecroissant dans <strong>de</strong>s marais, c'est-à-dire offrantpeut-être une habitationvaste.1. Hooker,Flora of brit. India, 1, p. 78 Miquel,Flora indo-batava.1,part. 2, p. 33 Kurz, forestflora of brit. Burma,1, p. 46 StewartetBrandis,Forestof India,p. 6.2. Grisebach,Flora ofbrit. W-India,p. 5.3.Eggers,Floraof St-Cioix and Virginislands,p. 23.4. Triana et Planchon,Prodr. fl. novo-granatensis, p. 29 Sagot,Journ.soc.d'hortic, 1872.5. Warming,Symbolsad fl. bras..16,p. 434.6.Figuré dans Descourtilz,Fl. méd.<strong>de</strong>sAntilles,2,pl. 87,et dans Tussac,Fl. <strong>de</strong>sAntilles,2,pl.7. 24.Richard, Plantes vasculaires<strong>de</strong> Cuba,p. 29; Swartz, Obs.,p, 221;P. Brown, Jamaïque, p. 255; Mac-Fadyen.Fl. Jamaïg., p. 7; Egg^rs,Fl. ofSainte-Croix,p. 23 GrisebachFl. brit. W. India, p. 4.8.Martius,Fl. brasil.,fasc.2, p. 4; Splitgerber, Plant. <strong>de</strong> Surinam,dansNe<strong>de</strong>rl.Kmidk.Areh., 1,p. 226. M


138 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS<strong>de</strong> la. région <strong>de</strong> la Gauca, dans la Nouvelle-Grena<strong>de</strong>, mais iln'affirme pas quîils soient spontanés, et je vois que 11..Triana(Prodr. fl. granat.).le mentionne comme cultivé seulement.Cœur <strong>de</strong> bœuf. – Anona reticuluta,Lmné. – En anglais Custardapple (dans les Antilles), Ballocks' heart (dans l'In<strong>de</strong>).Cet Anona, figuré dans Descourtilz, Flore médicale <strong>de</strong>s Antilles,2, pl. 82 et dans le Botanical magasine, pi. 2912, est spontanéaux Antilles, par exemple dans les îles <strong>de</strong> Cuba, laJamaïque, Saint-Vincent, la Gua<strong>de</strong>loupe, Saint-Croix, les Barba<strong>de</strong>set encore dans l'ile <strong>de</strong> Taboga, <strong>de</strong> la baie <strong>de</strong> Panama 2et dans la province d'Antioquia, <strong>de</strong> la Nouvelle-Grena<strong>de</strong> 3.Sidans ces <strong>de</strong>rnières localités il est aussi sauvage que dans lesAntilles, son habitation s'étend probablement dans plusieurs <strong>de</strong>sEtats <strong>de</strong> l'Amérique centrale et <strong>de</strong> la Nouvelle-Grena<strong>de</strong>.Quoique le fruit du Cœur <strong>de</strong> bœuf soit peu estimé, on a introduitl'espèce dans la plupart <strong>de</strong>s colonies <strong>de</strong>s régions tropicales.Rhee<strong>de</strong> et Rumphius l'avaient vu déjà dans les plantations <strong>de</strong>l'Asie méridionale. D'après Welwitsch, il se naturalise, hors <strong>de</strong>sjardins, dans le pays d'Angola, <strong>de</strong> l'Afrique occi<strong>de</strong>ntale 4, cequi est arrivé aussi dans l'In<strong>de</strong> anglaise B.Cherimolia. Anona Cherimolia, Lamarck.Le Ckerimolia, ou Ckirimoya, n'est pas cultivé dans les coloniesaussi généralement que les espèces précé<strong>de</strong>ntes, malgrél'excellence <strong>de</strong> son fruit. C'est probablement ce qui fait qu'onn'a pas encore publié du fruit même une figure moins mauvaiseque celle <strong>de</strong> Feuillée (Obs.3, pl. 17), tandis que la fleur est bienreprésentée dans la planche 201 du Botanical magazine,le nom d'A. soustripetala.Voici comment je m'exprimais en 1855 sur l'origine <strong>de</strong> l'espèce6« LeCherimolia est indiqué, par <strong>de</strong> Lamarck et Dunal, commecroissant au Pérou; mais Feuillée, qui en a parlé le premier 7,le mentionne comme cultivé. Mac-Fadyen 8 le dit abondant surles montagnes <strong>de</strong> Port-Royal, <strong>de</strong> la Jamaïque; mais il ajoutequ'il est originaire du Pérou et doit avoir été introduit <strong>de</strong>puislongtemps, d'où il semble que l'espèce est cultivée dans lesplantations <strong>de</strong>s parties élevées plutôt que spontanée. Sloane n'en1. Richard, l. c.; Mac-Fadyen,l. c; Grisebach, c.; Eggers, l. c.;Swartz,Obs.,p. 222;Maycoek,FI.Barbad.,p. 233.2. Seeman,BoianyofHerald,p. 75.3.Trianaet Planchon,Prodr. Fl. Novo-granatensis,_ p.4. Oliver,Flora 20.of tropicalAfrica, 1,p.*13.5. Sir J. Hooker,Flora brit. India, 1,p. 78.6.De <strong>Candolle</strong>,Géogrḅot.rais.,p. 863.7. Fenillée,Obs.,III, p. 23,t. 17.8. Mac-Fadyen, Fl. Jam.,p. 10.


ORA.NGERSET CITRONNIERS 139parle pas. MM.<strong>de</strong> Humboldt et Bonpland l'ont vu cultivé dansle Venezuela et la Nouvelle-Grena<strong>de</strong> <strong>de</strong> Martius au Brésil où lesgraines en avaient été obtenues du Pérou. L'espèce est cultivéeaux îles du Cap-Vert et sur la côte <strong>de</strong> Guinée2 mais il ne paraîtpas qu'on l'ait répandue en Asie. Son origine américaine estévi<strong>de</strong>nte. Je n'oserais pourtant pas aller plus loin et affirmerqu'elle est du Pérou, plutôt que <strong>de</strong> la Nouvelle-Grena<strong>de</strong> oumême du Mexique. On la trouvera probablement sauvage dansune <strong>de</strong> ces régions. Meyen ne l'a pas rapportée du Pérou 3. »Mes doutes sont diminués aujourd'hui, grâce à une communicationobligeante <strong>de</strong> M. Ed. André. Je dirai d'abord que j'ai vu<strong>de</strong>s échantillons du Mexique, recueillis par Bôtteri et par Bourgeau,et que les auteurs indiquent souvent l'espèce dans cetterégion, aux Antilles, dans l'Amérique centrale et la Nouvelle-Grena<strong>de</strong>. Ils ne disent pas, il est vrai, qu'elle y soit sauvage. Aucontraire, ils notent qu'elle est cultivée, ou qu'elle s'échappe <strong>de</strong>sjardins et se naturalise Grisebach affirme qu'elle est spontanéedu Pérou au Mexique, sans en donner la preuve. M. Andréa récolté, dans une vallée du sud-ouest <strong>de</strong> l'Equateur, <strong>de</strong>séchantillons qui se rapportent bien à l'espèce, autant qu'onpeut l'affirmer sans voir les fruits. Il ne dit rien <strong>de</strong> la qualitéspontanée, mais le soin avec lequel il indique dans d'autres casles <strong>plantes</strong> <strong>cultivées</strong> ou venant peut-être <strong>de</strong>s cultures me faitcroire qu'il a regardé ses échantillons comme spontanés. Clau<strong>de</strong>Gay dit que l'espèce est cultivée au Chili <strong>de</strong>puis un temps immémorial5. Cependant Molina, qui mentionne plusieurs arbresfruitiers <strong>de</strong>s anciennes cultures du pays, n'en parle pas 6.En résumé je regar<strong>de</strong> comme très probable que 1 espèce estindigène dans l'Equateur et peut-être, dans le voisinage, auPérou.Orangers et citronniers. – Citrus, Linné.Les différentes formes <strong>de</strong> citrons, limons, oranges, pamplemousses,etc., cultivés dans les jardins ont été l'objet <strong>de</strong> travauxremarquables <strong>de</strong> quelques horticulteurs, parmi lesquels il fautciter en première ligne Gallesio et Risso Les difficultés étaienttrès gran<strong>de</strong>s pour observer et classer tant <strong>de</strong> formes. On avaitobtenu d'assez bons résultats, mais il faut convenir que la métho<strong>de</strong>péchait par la base, puisque les végétaux observés étaient1.DeMartius,Fl. brasil.,fase.3, p. 15.2. Hooker,FI. Nigr.,p. 205.3. Nov.act. nat. cur., XIX,suppl. 1. .m- 7 74. Richard,Plant. vasc. <strong>de</strong> Cuba; Grisebach,Fl. brit. W. Ind.islandijHemsley,Biologiacentrali-amer.,p. 118; Kunth, in Humb.et Bonpland,NovaGen.,5,p. 5? Trianaet Planchon.,Prodr. fi. Novo-Granat., p. 28.5. Gay,Florachil., 1, p.6.Molinațraductionfrançaise..66.7. GallesioȚraitédu Citrus,in-S, Paris, 1811 Rissoet Poiteau,Histoirenaturelle<strong>de</strong>sOrangers,1818,in-folio, 109 planches.


140 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS FRUITSuniquement cultivés, c'est-à-dire plus ou moins factices etpeut-être, dans certains cas, hybri<strong>de</strong>s. Les botanistes sont plusheureux maintenant. Grâce aux découvertes <strong>de</strong>s voyageurs dansl'In<strong>de</strong> anglaise, ils peuvent distinguer <strong>de</strong>s espèces spontanées,par conséquent réelles et naturelles. D'après sir Joseph Hooker',qui a lui-même herborisé dans l'In<strong>de</strong>, c'est à Brandis qu'ondoit le meilleur travail sur les Citrus <strong>de</strong> cette région. Il le suitdans sa flore. Je ferai <strong>de</strong> même, à défaut d'une monographiedu genre, et en remarquant aussi qu'il reste à rapporter lemieux possible aux espèces spontanées la multitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s formesqui ont été décrites dans les jardins et figurées <strong>de</strong>puissiècles 3.<strong>de</strong>uxLes mêmes espèces, et d'autres peut-être, existent probablementà l'état sauvage en Cochinchine et en Chine; mais on nel'a pas encore constaté sur place ni au moyen d'échantillonsexaminés par <strong>de</strong>s botanistes. Peut-être les ouvrages importants<strong>de</strong> M. Pierre, qui commencent à paraître, nous feront-ils savoirce qu'il en est pour la Cochinchine. Quant à la Chine, jele citeraipassage suivant du Dr Bretschnei<strong>de</strong>r qui a <strong>de</strong> l'intérêt, vules connaissances spéciales <strong>de</strong> l'auteur « Les oranges, dont il ya une gran<strong>de</strong> variété en Chine, sont comptées par les Chinoisdans le nombre <strong>de</strong>s fruits sauvages. On ne peut pas douter quela plupart ne soient indigènes et <strong>cultivées</strong> <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s temps anciens.La preuve en est que chaque espèce ou variété porte unnom distinct, est en outre représentée le plus souvent par uncaractère particulier, et se trouve mentionnée dans les Shu-king,Rh-ya et autres anciens ouvrages. »Les hommes et les oiseaux dispersent les graines d'Aurantiacées,d'où résultent <strong>de</strong>s extensions d'habitation et <strong>de</strong>s naturalisationsdans les régions chau<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux mon<strong>de</strong>s. On a pu leremarquer en Amérique dès le premier siècle après la conquête5, et maintenant il s'est formé <strong>de</strong>s bois d'orangers mêmedans le midi <strong>de</strong>s Etats-Unis.Pompelmouse. Citrus <strong>de</strong>cumana, Will<strong>de</strong>now. Skaddock,<strong>de</strong>s Anglais.Je parlerai d'abord <strong>de</strong> cette espèce, parce qu'elle a un caractèrebotanique plus distinct que les autres. Elle <strong>de</strong>vient un1. Hooker,Flora of britishIndia, 1,p. 515.2. Stewartet Brandis,Theforest of north-westand centralIndia, 1vol.in-8,p. 50.3. Pourarriverà un travail<strong>de</strong> ce genre,le premierpas serait <strong>de</strong><strong>de</strong> bonnes publierfigures e <strong>de</strong>s espècesspontanées,montrant en particulierleursfruits,qu'on ne voit pas dansles herbiers.On pourrait alors dire quellessont, dansles planches<strong>de</strong> Risso,<strong>de</strong> Duhameletchentle autres, cellesqui s'appro-plus <strong>de</strong>s types sauvages.4. Bretschnei<strong>de</strong>r,Onthe study and value of chinese botanicalworks,p. 55.5. Acosta,Hist.nat. <strong>de</strong>sIn<strong>de</strong>s,traduction française,1S98,p. 187.


CÉDRA.TIER, CITRONNIER, LIMONIER 144.plus grand arbre, et elle est seule a avoir les jeunes pousses etle <strong>de</strong>ssous <strong>de</strong>s feuilles pubescents. Le fruit est sphérique ou àpeu près, plus gros qu'une orange, quelquefois même aussi grosqu'une tête d'homme. Le jus est d'une acidité modérée, la peauremarquablement épaisse. On peut voir <strong>de</strong> bonnes figures dufruit dans le nouveau Duhamel, 7, pl. 42, et dans Tussac, Flore<strong>de</strong>s Antilles, 3, pl. 17, 18.Le nombre <strong>de</strong>s variétés dans l'archipel du midi <strong>de</strong> l'Asie indiqueune ancienne culture. On ne connaît pas encore d'unemanière bien précise le pays d'origine, parce que <strong>de</strong>s pieds quiparaissent indigènes peuvent venir <strong>de</strong> naturalisations, suitesd'une culture fréquente. Roxburgh dit qu'à Calcutta on avaitreçu l'espèce <strong>de</strong> Java et Rumphius 2 la croyait originaire dumidi <strong>de</strong> la Chine. Ni lui ni les botanistes mo<strong>de</strong>rnes ne l'ont vueà l'état sauvage dans l'archipel Indien 3.En Chine, l'espèce a unnom simple, Yu mais le signe caractéristique paraît trop compliquépour une plante véritablement indigène. Selon Loureiro,cet'arbre est commun en Chine et en Cochinchine, ce qui neveut pas dire qu'il y soit spontané B. C'est dans les îles à l'est <strong>de</strong>l'archipel Indien qu'on trouve le plus d'indices d'une existencesauvage. Forster 6 disait déjà autrefois <strong>de</strong> cette espèce« très commune dans les îles <strong>de</strong>s Amis. » Seemann 7 est plusaffirmatif pour les îles Fidji « Extrêmement commune, dit-il,et couvrant le bord <strong>de</strong>s rivières. »Il serait singulier qu'un arbre aussi cultivé dans toute l'Asieméridionale se fût naturalisé à ce point dans certaines îles <strong>de</strong> lamer Pacifique, tandis que cela n'a guère été vu ailleurs. Il enest probablement originaire, ce qui n'empêche pas qu'on letrouvera peut-être sauvage dans d'autres îles plus rapprochées<strong>de</strong> Java.Le nom <strong>de</strong> Pompelmouse est hollandais (Pompelmoes). Celui<strong>de</strong> Shaddock vient <strong>de</strong> ce qu'un capitaine <strong>de</strong> ce nom avait apportéle premier l'espèce aux Antilles 8.Cédratier, Citronnier, Limonier. Citrus medica, Linné.Cet arbre, <strong>de</strong> même que l'Oranger ordinaire, est glabre danstoutes ses parties. Son fruit, plus long que large, est surmonté,dans la plupart <strong>de</strong>s variétés, par une sorte <strong>de</strong> mamelon. Le sueest plus ou moins aci<strong>de</strong>. Les jeunes pousses et les pétales sont1. Roxburgh,Floraindica,ed.1832,3,p. 393.2. Rumphms, Borfus amboinensis,2,p. 98.3. Miquel,Floraindo-batava,1, part. 2, p. 526.4. Bretschnei<strong>de</strong>r,l. c.5. Loureiro,Fl. Cochinch.,2,p. 572.Pourune autre espècedu genre ilsait bien dire qu'elle est cultivéeet non cultivée,p. 569.6. Forster,Deplantisesculentisoceaniaustralis,p. 35.7. Seemann,Flora Vitiensis,p. 33.8. Plukenet,Almagestes,p. 239;Sloane,Jamaïque,t, p. 41.


142 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITSfréquemment teintés <strong>de</strong> rouge. La peau du fruit est souvent bosselée,très épaisse dans certaines sous-variétésBrandis et sir Joseph Hooker distinguent quatre variées, <strong>cultivées</strong>1» Citrus medîcaproprementdit (Cédratier<strong>de</strong>s Français Citron <strong>de</strong>sAnglais; Cedro<strong>de</strong>s Italiens);à gros fruit non sphérique,dontla peau,trèsaromatiquej est couverte <strong>de</strong> bosselures,et dont le sue, peu abondant,n'est pas très aci<strong>de</strong>. D'aprèsBrandis,il se nommait Vijapûraen sanscrit.2° CitrusmedicaLimonum;Citronnier<strong>de</strong>s Français;Lemon<strong>de</strong>sAnglais);à fruit moyen,non sphérique,et suc abondant,aci<strong>de</strong>.3°C.medicaacida[C. acidaRoxburgh) à petitesfleurs,fruit ordinairementpetit, <strong>de</strong> formevariable,et suc très aci<strong>de</strong>. D'aprèsBrandis,il senommaitJamàira en sanscrit,4° CitrusmedicaLimetta(C. Limettaet C. Lumia <strong>de</strong> Risso); à fleurssemblablesà celles<strong>de</strong> la variétéprécé<strong>de</strong>nte,maisà fruit sphériqueet sucdoux,pas aromatique.Dansl'In<strong>de</strong>, on le nommeSweetLime,c'està-direLimondoux.Le botaniste Wight affirme que cette <strong>de</strong>rnière variété estsauvage dans les monts Nilghiris, <strong>de</strong> la péninsule indienne.D'autres formes, qui se rapportent plus ou moins exactementaux trois autres variétés, ont été trouvées par plusieurs botanistesanglo -indiens a, à l'état sauvage, dans les régions chau<strong>de</strong>sau pied <strong>de</strong> l'Himalaya, du Garwal au Sikkim, dans le sud-est àChittagong et Burma, enfin-au sud-ouest dans les Ghats occi<strong>de</strong>ntauxet les monts Satpura. Il n'est pas douteux, d'après cela,que l'espèce ne soit originaire <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, et même sous différentesformes, dont l'ancienneté se perd dans la nuit <strong>de</strong>s tempspréhistoriques:.Je doute que sa patrie s'éten<strong>de</strong> vers la Chine ou les îles <strong>de</strong>l'archipel asiatique. Loureiro mentionne le Citrus medica, enCochinchine, seulement comme cultivé et Bretschnei<strong>de</strong>r nousapprend que le Lemon a <strong>de</strong>s noms chinois qui n'existent pasdans les anciens ouvrages et qui ont <strong>de</strong>s signes compliquésdans l'écriture, ce qui indique une espèce plutôt étrangère. Ilpeut, dit-il, avoir été introduit. Au Japon, l'espèce est seulementcultivée 3. Enfin plusieurs <strong>de</strong>s figures <strong>de</strong> Rumphius montrent<strong>de</strong>s variétés <strong>cultivées</strong> dans les îles <strong>de</strong> la Son<strong>de</strong>, mais dont aucunen'est considérée par l'auteur comme vraiment sauvage et originairedu pays. Pour indiquer la localité, il se sert quelquefois<strong>de</strong> l'expression in hortis sylvestribus, qu'on peut traduire par


CÉDRA.TIER,CITRONNIER, LIMONIER 143plus souvent dans les forêts. » Ce peut être l'effet d'une naturalisationacci<strong>de</strong>ntelle, par suite <strong>de</strong>s cultures. Miquel, dans saflore-mo<strong>de</strong>rne <strong>de</strong>s In<strong>de</strong>s hollandaises n'hésite pas à dire queles C. medica et Limonian sont seulement cultivés dans l'Archipel.La culture <strong>de</strong>s variétés plus ou moins aci<strong>de</strong>s s'est répandue<strong>de</strong> bonne heure dans l'Asie occi<strong>de</strong>ntale, du moins dans la Mésopotamieet la Médie. On ne peut guère en douter, puisque <strong>de</strong>uxformes avaient <strong>de</strong>s noms sanscrits, et que d'ailleurs les Grecsont eu connaissance du fruit par les Mè<strong>de</strong>s, d'où est venu lenom <strong>de</strong> Citrus medica. Théophraste 2 en a parlé le premier,sous le nom <strong>de</strong> Pomme <strong>de</strong> Médie et <strong>de</strong> Perse, dans une phrasesouvent répétée et commentée <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>ux siècles 3.Elle s'appliqueévi<strong>de</strong>mment au Citrus medica; mais, tout en expliquant<strong>de</strong> quelle manière on sème la graine dans <strong>de</strong>s vases, pour lestransplanter ensuite, l'auteur ne dit pas si cela se pratiquait enGrèce ou s'il décrivait un usage <strong>de</strong>s Mè<strong>de</strong>s. Probablement, lesGrecs ne cultivaient pas encore le Cédratier, car les Romains nel'avaient pas dans leurs jardins au commencement <strong>de</strong> l'èrechrétienne. Dioscori<strong>de</strong>, né en Cilicie et qui écrivait dansle Ier siècle, en parle à peu près dans les mêmes termes queThéophraste. On estime que l'espèce a été cultivée en Italiedans le m° ou le ive siècle, après <strong>de</strong>s tentatives multipliées 5.Palladius, dans le ve siècle, en parle comme d'une culture bienétablie.L'ignorance <strong>de</strong>s Romains <strong>de</strong> l'époque classique au sujet <strong>de</strong>s<strong>plantes</strong> étrangères à leur pays les a fait confondre, sous le nom<strong>de</strong> lignum citreum, le bois du Citrus, avec celui du Cednts, donton faisait <strong>de</strong> fort belles tables, et qui était un Cèdre ou unThuya, <strong>de</strong> la famille toute différente <strong>de</strong>s Conifères.Les Hébreux ont dû avoir connaissance du Cédratier avantles Romains, à cause <strong>de</strong> leurs rapports fréquents avec la Perse,la Médie et les contrées voisines. L'usage <strong>de</strong>s Juifs mo<strong>de</strong>rnes <strong>de</strong>se présenter à la synagogue, le jour <strong>de</strong>s Tabernacles, un cédratà la main, avait fait croire que le mot Hadar du Lévitiquesignifiait citron ou cédrat mais Risso a montré, par la comparaison<strong>de</strong>s anciens textes, que ce mot signifie un beau fruit ou lefruit d'un bel arbre. Il croit même que les Hébreux ne connaissaientpas le Citronnier ou Cédratier au commencement <strong>de</strong> notreère, parce que la version <strong>de</strong> Septante traduit Hadar par fruit d'untrès bel arbre. Toutefois les Grecs ayant vu le Cédratier en Médieet en Perse du temps <strong>de</strong> Théophraste, trois siècles avant Jésus-Christ, il serait singulier que les Hébreux n'en aient pas eui. Miquel Flora indo-bat., i, part. 2,p. 528.2. Theophrastes,1 4, c. 4. “3. Bodseusdans Theophrastes, ed. 1644,p. 322,343; Risso, TraiteduCitrm,_p. 198 Targioni, Cenni storici, p. 196.4.Dioseori<strong>de</strong>s,1, p.5. 166.Targioni, l. c.


144 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS FRUITSconnaissance lors <strong>de</strong> leur captivité à Babylone. D'ailleurs l'historienJosèphe dit que, <strong>de</strong> son temps, les Juifs portaient à leurfête <strong>de</strong>s pommes <strong>de</strong> Perse, malum persicum, et c'est un <strong>de</strong>snoms du cédrat chez les Grecs.Les variétés à fruit très aci<strong>de</strong>, comme le Limonumet l'acida,n'ont peut-être pas attiré l'attention aussi promptement que leCédratier, cependant l'o<strong>de</strong>ur aromatique intense, dont parlentThéophrasteetDioscori<strong>de</strong>, parait les indiquer. Ce sontles Arabesqui ont étendu beaucoup la culture du Limonier (Citronnier<strong>de</strong>s Français) en Afrique et en Europe. D'après Gallesio, ils l'ontportée, dans le xe siècle <strong>de</strong> notre ère, <strong>de</strong>s jardins <strong>de</strong> l'Oman enPalestine et en Egypte. Jacques <strong>de</strong> Vitry, dans le xnr3 siècle,décrit très bien le limon, qu'il avait vu en Palestine. Un auteur,appelé Falcando, mentionne, en 1260, <strong>de</strong>s « Lumias » très aci<strong>de</strong>s,qu'on cultivait autour <strong>de</strong> Palerme, et la Toscane les avaitaussi à la même époquefOranger. Citrus Aurantium, Linné (excl. var. y). CitrusAurantium Risso.Les Orangers se distinguent <strong>de</strong>s Pompelmouses (C. <strong>de</strong>cumana)par l'absence complète <strong>de</strong> poils sur les jeunes pousses et sur lesfeuilles, par un fruit moins gros, toujours <strong>de</strong> forme sphérique,par la peau <strong>de</strong> ce fruit moins épaisse; et <strong>de</strong>s Cédratiers (C. medica)par les fleurs entièrement blanches, le fruit jamais allongé,sans mamelon au sommet, à peau peu ou point bosselée, médiocrementadhérente avec la partie juteuse.Ni Risso dans son excellent traité du Citrus, ni les auteurs mo<strong>de</strong>rnes,comme Brandis et sir Joseph Hooker, n'ont pu indiquerun autre caractère que la saveur pour distinguer l'Oranger àfruits plus ou moins amers, soit Bigaradier, à&YOranger proprementdit, à fruit doux. Cette différence me paraissait si peu<strong>de</strong> chose, au point <strong>de</strong> vue botanique, lorsque j'ai étudié la questiond'origine en 1855, que j'inclinais à considérer, avec Risso,les <strong>de</strong>ux sortes d'Orangers comme <strong>de</strong> simples variétés. Les auteursactuels anglo-indiens font <strong>de</strong> même. Ils ajoutent unetroisième variété, qu'ils nomment Bergamia, pour la Bergamote,dont la fleur est plus petite et le fruit sphérique ou pyriforme,plus petit que l'orange commune aromatique et légèrementaci<strong>de</strong>.Cette <strong>de</strong>rnière forme n'a pas été trouvée sauvage et me paraitplutôt un produit <strong>de</strong> la culture.On <strong>de</strong>man<strong>de</strong> souvent si les oranges douces donnent quandles sème <strong>de</strong>s onoranges douces, et les bigara<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s oranges amères.C'est assez indifférent au point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> la distinction enespèces ou variétés, car nous savons que, dans les <strong>de</strong>ux règnes,tous les caractères sont plus ou moins héréditaires, que certaines1.Targioni,J. c., p. 217.


ORANGER 145variétés le sont si habituellement qu'il faut les nommer <strong>de</strong>sraces et que la distinction en espèces doit, par conséquent, sebaser sur d'autres considérations, comme l'absence <strong>de</strong> formesintermédiaires ou le défaut <strong>de</strong> fécondation croisée donnant <strong>de</strong>sproduits eux-mêmesféconds. La question ne manque cependantpas d'intérêt dans le cas actuel, et je répondrai que les expériencesont donné <strong>de</strong>s résultats parfois contradictoires.Gallesio, excellent observateur, s'exprime <strong>de</strong> la manière suivante« J'ai semé pendant une longue suite d'années <strong>de</strong>s pépinsd'orange douce, tantôt pris sur <strong>de</strong>s arbres francs, tantôt sur<strong>de</strong>s orangers greffés sur bigaradier ou sur limonier. J'ai toujourseu <strong>de</strong>s arbres àfruits doux. Ce résultat est constaté <strong>de</strong>puisplus <strong>de</strong> soixante ans par tous les jardiniers du Finalais. Il n'y apas un exemple d'un bigaradier sorti <strong>de</strong> semis d'orange douce,ni d'un oranger à fruits doux sorti <strong>de</strong> la semence <strong>de</strong> bigaradier.En 1709, la gelée ayant fait périr les orangers <strong>de</strong> Finale,on avait pris l'habitu<strong>de</strong> d'élever <strong>de</strong>s orangers à fruits doux <strong>de</strong>semences; il n'y eut pas une seule <strong>de</strong> ces <strong>plantes</strong> qui ne portât<strong>de</strong>s fruits à jus doux 1. »Mae-Fadyen dit, au contraire, dans sa flore <strong>de</strong> la Jamaïque« C'est un fait établi, familier à tous ceux qui ont vécu quelquetemps dans cette île, que la graine <strong>de</strong>s oranges douces donnetrès souvent <strong>de</strong>s arbres à fruits amers (bitter), ce dont <strong>de</strong>s exemplesbien prouvés sont arrivés à ma connaissance personnelle.Je n'ai pas ouï dire cependant que <strong>de</strong>s graines d'orange amèreaient jamais donné <strong>de</strong>s fruits doux. Ainsi, continue judicieusementl'auteur, l'oranger amer était le type primitif 2. » IIprétend que dans les sols calcaires l'oranger doux se conserve <strong>de</strong>graines, tandis que dans les autres sols, à la Jamaïque, il donne<strong>de</strong>s fruits plus ou moins aci<strong>de</strong>s (sour) ou amers (bitter). Duchassaingdit qu'àla Gua<strong>de</strong>loupe les graines d'oranges douces donnentsouvent <strong>de</strong>s fruits amers 3, tandis que, d'après le Dr Ernst, àCaracas, elles donnent quelquefois <strong>de</strong>s fruits aci<strong>de</strong>s, mais nonamers 4. Brandis raconte qu'à Khasia, dans FIn<strong>de</strong>, autant qu'ila pu le vérifier, les vergers très étendus d'orangers doux viennent<strong>de</strong> graines. Ces diversités montrent le <strong>de</strong>gré variable <strong>de</strong>l'hérédité et confirment l'opinion qu'il faut voir dans les <strong>de</strong>uxsortes d'orangers <strong>de</strong>ux variétés, non <strong>de</strong>ux espèces.Je suis obligé cependant <strong>de</strong> les énumérer l'une après l'autre,pour expliquer leur origine et l'extension <strong>de</strong> leur culture à diversesépoques.1° Bigaradier, Arancio forte <strong>de</strong>s Italiens, Pomeranze <strong>de</strong>sAllemands. Citrus vulgaris, Risso- C. Aurantium var. Bigaradia,Brandis et Hooker.1. GallesioȚraitédu Citrus,p. 32,67,355,357.2. Mac-Fadyen, Flora of Jamaica,p. 129et 130.3. Citédans Grisebach,VegetḲaraiben,p. 34.4. Ernst, dansSeeman,Journ. of bot.,1867,p. 272.DE <strong>Candolle</strong> 40


146 PLANTES CULTIVÉES POURLEURS FRUITSIl était inconnu aux Grecs et aux Romains, <strong>de</strong> même quel'orangerdoux. Comme ils avaient eu <strong>de</strong>s relations avec l'In<strong>de</strong>et Ceylan, Gallesio présume que ces arbres n'étaient pas cultivés<strong>de</strong> leur temps dans la partie occi<strong>de</strong>ntale <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>. Il aétudié, sous ce point <strong>de</strong> vue, les anciens voyageurs et géographes,tels que Diodore <strong>de</strong> Sicile, Néarque, Arianus, et natrouvé chez eux aucune mention <strong>de</strong>s orangers. Cependant lesanscrit avait un nom pour l'orange, Nagarunga, hagrungaC'est même <strong>de</strong> là qu'est venu le mot Orange, car les Hindous enont fait Narungee (prononcez Naroudji) d'après Royle, Nerungad'après Piddington, les Arabes Narunj, d'après Gallesio, les Italiensfiaranzi, Arangi, et dans le moyen âge on a dit en latinArantium, Arangium, puis Aurantium 2. Mais le nom sanscrits'appliquait-il à l'orange amère ou à l'orange douce? Le philologueAdolphe Pictet m'a donné jadis un renseignement curieuxsur ce point. Il avait cherché dans les ouvrages sanscrits les nomssignificatifs donnés à l'orange ou à l'oranger et en avait trouvé17, qui tous font allusion à la couleur, l'o<strong>de</strong>ur, la qualité aci<strong>de</strong>(danta catha, nuisible aux <strong>de</strong>nts), lelieu <strong>de</strong> croissance, etc., jamaisà une saveur douce ou agréable. Cette multitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> noms analoguesà <strong>de</strong>s épithètes montre un fruit anciennement connu,mais d'une saveur bien différente <strong>de</strong> l'orange douce. D'ailleursles Arabes, qui ont transporté les orangers vers l'Occi<strong>de</strong>nt, ontconnu d'abord l'orange amère, lui ont appliqué le nom Narunj'et leurs mé<strong>de</strong>cins, dès le Xesiècle, ont prescrit le suc amer duBigaradier 4. Les recherches approfondies <strong>de</strong> Gallesio montrentque l'espèce s'était répandue <strong>de</strong>puis les Romains du côté du golfePersique, et à la fin du ixe siècle en Arabie, par l'Oman, Bassora,Irak et la Syrie, selon le témoignage <strong>de</strong> l'auteur arabeMassoudi. Les croisés virent le Bigaradier en Palestine. On lecultivait en Sicile dès l'année 1002, probablement à la suite<strong>de</strong>s incursions <strong>de</strong>s Arabes. Ce sont eux qui l'ont introduit enEspagne, et vraisemblablement aussi dans l'Afrique orientale.Les Portugais le trouvèrent établi sur cette côte lorsqu'ils doublèrentle Cap, en 1498 5.Rien ne peut faire présumer que l'orange amère ou douceexistât en Afrique avant le moyen âge, car la fable du jardin<strong>de</strong>s Hespéri<strong>de</strong>s peut concerner une Aurantiacée quelconque, etchacun peut la placer où il veut, l'imagination <strong>de</strong>s anciens étantd'une fertilité singulière.1.Roxburgh,FI. ind., ed. 1S32,v. 2, p. 392 Piddington, In<strong>de</strong>x.2. Gallesio,p. 122.3.Dansles langues mo<strong>de</strong>rnes <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>,le nom sanscrita été appliqué àl'orangedouce,selonle témoignage <strong>de</strong> Brandis,par une <strong>de</strong> ces transpositionsquisont fréquentesdans le langagepopulaire.4. Gallesio,p. 122,247,248.3. Gallesio,p. 240.M.Goeze,Beitmgzur Kenntniss<strong>de</strong>r Orangengewachse,80,1874,p. 13,cite d'anciensvoyageursportugaispour le mêmefait.


ORANGERM7Les premiers botanistes anglo-indiens tels que Roxburgh,Royle, Griffith, Wight, n'avaient pas rencontré le Bigaradiersauvage; mais toutes les probabilités indiquaient la région orientale<strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> comme sa patrie primitive. Le D' Wallich a mentionnéla localité <strong>de</strong> Sillet sans affirmer la,spontanéité. Aprèslui, sir Joseph Hooker 2 a vu l'oranger amer bien certainementspontané dans plusieurs districts au midi <strong>de</strong> l'Himalaya <strong>de</strong>Garwal et Sikkim à Khasia. Son fruit était sphérique ou unpeu déprimé, <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux pouces <strong>de</strong> diamètre, très coloré, nonmangeable, d'une saveur (si je me souviens bien, dit l'auteur)dégoûtante (mawkish) et amère. Le Citrus fusea, <strong>de</strong> Loureiro 3,semblable, d'après lui, à la planche 23 <strong>de</strong> Rumphius, et spontanéen Cochinchine et en Chine, pourrait bien être le Bigaradier,dont l'habitation s'étendrait vers l'est.2° Oranger à fruit doux. Arancio dolce <strong>de</strong>s Italiens, Apfelsine<strong>de</strong>s Allemands- Citrus Aurantium sinense, Gallesio.Selon Royle il existe <strong>de</strong>s oranges douces, sauvages, à Silletet dans les Nilghiries, mais l'assertion n'est pas accompagnée<strong>de</strong> détails qui permettent <strong>de</strong> lui donner <strong>de</strong> l'importance. D'aprèsle même auteur, l'expédition <strong>de</strong> Turner avait cueilli <strong>de</strong>s orangessauvages « délicieuses à Buxedwar, localité au nord-est <strong>de</strong>Rungpoor, dans le Bengale. D'un autre côté, les botanistesBrandis et sir Joseph Hooker ne mentionnent pas l'orangerdoux comme spontané dans l'In<strong>de</strong> anglaise. Ils le disent seulementcultivé. Kurz n'en parle pas du tout dans sa flore forestièredu pays Burman anglais. Plus à l'est, en Cochinchine,Loureiro 5 a décrit un C. Aurantium à pulpe moitié aci<strong>de</strong>moitié douce (acido-dulcis), qui parait être l'oranger à fruitsdoux et qui « habite à l'état cultivé et non cultivé en Cochinchineet en Chine ». Je rappelle que les auteurs chinois considèrentles orangers, en général, comme <strong>de</strong>s arbres <strong>de</strong> leur pays;mais on manque d'informations précises sur chaque espèce ouvariété, au point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l'indigénat.D'après l'ensemble <strong>de</strong> ces documents, l'oranger à fruit douxparaît originaire <strong>de</strong> la Chine méridionale et <strong>de</strong> la Cochinchine,avec une extension douteuse et acci<strong>de</strong>ntelle, par un effet <strong>de</strong>ssemis, dans la région <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>.Cherchons dans quels pays sa culture a commencé et commentelle s'est propagée. Il en résultera peut-être plus <strong>de</strong> lumièresur l'origine et sur la distinction <strong>de</strong>s Orangers proprementdits d'avec les Bigaradiers.Un fruit aussi gros et aussi agréable au goût que l'orange1. Wallich,List,n°6384.2. Hooker,Fl. of brit. India, 1, p.3. Loureiro,Fl. cockinch.,p. 571.315.4.Royle, Illustr. ofHimalaya,p. 160.Il cite Turner, Voyageau Thibet,p. 20 et 387.5. Loureiro,FI. cochinchṗ. 569.


148 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS FRUITSdouce n a guère pu exister dans une région sans que l nommeait essayé <strong>de</strong> le cultiver. Les semis en sont faciles et donnentpresque toujours la même qualité recherchée. Les anciens voyageursou historiens ne peuvent pas non plus avoir négligé 1 importationd'un arbre fruitier aussi remarquable. Sur ce point historique,les étu<strong>de</strong>s faites par Gallesio, dans les anciens ouvrages, ontdonné <strong>de</strong>s résultats extrêmement intéressants.Il prouve d'abord que les orangers apportés <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, par lesArabes en Palestine, en Egypte, dans le midi <strong>de</strong> l'Europe et surla côte orientale <strong>de</strong> l'Afrique, n'étaient pas l'oranger à fruit doux.Jusqu'au xve siècle, les ouvrages arabes et les chroniques neparlent que d'oranges amères ou aigres. Cependant, lorsque lesPortugais arrivèrent dans les îles <strong>de</strong> l'Asie méridionale, ils trouvèrent<strong>de</strong>s orangers à fruits doux, et ce ne fut pas pour eux, àce qu'il semble, une nouveauté. Le Florentin qui accompagnaitYasco <strong>de</strong> Gama et qui a publié la relation du voyage dit «Sonvimelarâncie assai, ma tutte dolci » (Il y a beaucoup d'oranges,mais toutes douces). Ni ce voyageur ni ceux qui suivirent netémoignèrent <strong>de</strong> la surprise en goûtant un fruit aussi agréable.Gallesio en infère que les Portugais n'ont pas été les premiersà rapporter les oranges douces <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, où ils arrivèrent en 1498,ni <strong>de</strong> Chine, où ils parvinrent en 1518. D'ailleurs une fouled'écrivains du commencement du xvie siècle parlent <strong>de</strong> 1 orangedouce comme d'un fruit déjà cultivé en Italie et en Espagne. Ily a plusieurs témoignages pour les années 1523 et 1S2S. Gallesios'arrête à l'idée que l'orange douce a été introduite en Europevers le commencement du xv° siècle mais Targioni cite, d'aprèsYaleriani, un statut <strong>de</strong> Fermo, du xrve siècle, dans lequel il estquestion <strong>de</strong> cédrats, oranges douces, etc. 2, et les renseignementsrecueillis récemment sur l'introduction en Espagne et dans lePortugal par M. Goeze 3, d'après d'anciens auteurs, concor<strong>de</strong>ntavec cette même date. Il me paraît donc probable que les orangesreçues plus tard, <strong>de</strong> Chine, par les Portugais, étaient seulementmeilleures que celles connues auparavant en Europe, etque les noms vulgaires d'oranges <strong>de</strong> Portugal et <strong>de</strong> Lisbonnesont dus à cette circonstance.Si l'orange douce avait été cultivée très anciennement dansl'In<strong>de</strong>, elle aurait eu un nom spécial en sanscrit, les Grecs en auraienteu connaissance dès l'expédition d'Alexandre, et les Hébreuxl'auraient reçue <strong>de</strong> bonne heure par la Mésopotamie. Onaurait certainement recherché, cultivé et propagé ce fruit dansl'empire romain, <strong>de</strong> préférence au Limonier, au Cédratier et au1. Gallesio,p. 321. ““2.La date <strong>de</strong> ce Slatutoest donnéepar Targioni àla page 205<strong>de</strong>sCennistoricicommeétant l'année 1379,et à la page 213comme1309.L'erratane dit rien sur cette différence.3. Goeze,Ein Beitragzur Kennlniss<strong>de</strong>r Orangengewâchse, Hambourg,1874,p. 26.


MANGOSTA 149Bigaradier. Son existence dans l'In<strong>de</strong> doit donc être moins ancienne.Dans l'archipel Indien, l'oranger doux était considéré commevenant <strong>de</strong> Chine Il se trouvait peu répandu dans les îles <strong>de</strong> lamer Pacifique à l'époque du voyage <strong>de</strong> Cook 2.Nous revenons ainsi, par toutes les voies, à l'idée que la variétédouce <strong>de</strong> l'oranger est sortie <strong>de</strong> Chine et <strong>de</strong> Cochinchine,et qu'elle s'est répandue dans l'In<strong>de</strong> peut-être vers le commencement<strong>de</strong> l'ère chrétienne. A la suite <strong>de</strong>s cultures, elle a puse naturaliser dans beaucoup <strong>de</strong> localités <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> et dans tousles pays tropicaux, mais nous avons vu que les semis ne donnentpas toujours l'oranger à fruit doux. Ce défaut d'hérédité,dans certains cas, est à l'appui d'une dérivation du Bigaradieren Oranger doux, qui serait survenue, à une époque lointaine,en Chine ou en Cochinchine et aurait été propagée soigneusementà cause <strong>de</strong> sa valeur horticole.Mandarines. Citrus nobilis, Loureiro.Cette espèce, caractérisée par son fruit plus petit que l'orangeordinaire, bosselé à la surface, sphérique, mais déprimé en<strong>de</strong>ssus, et d'une saveur particulière, est maintenant recherchéeen Europe, comme elle l'a été dès les temps les plus anciens enChine et en Cochinchine. Les Chinois la nomment Kan 3. Rumphiusl'avait vue cultivée dans toutes les îles <strong>de</strong> la Son<strong>de</strong> 4et dit qu'elle venait <strong>de</strong> Chine, mais elle ne s'était pas répanduedans l'In<strong>de</strong>. Roxburgh et sir Joseph Hooker ne la mentionnentpas, mais M. Clarke m'apprend que sa culture a pris une gran<strong>de</strong>extension dans le district <strong>de</strong> Khasia. Elle était nouvelle dans lesjardins d'Europe, au commencement du xixe siècle, lorsqueAnurews en publia une bonne figure 0 dans le Botanist repository(pi. 608).D'après Loureiro 5, cet arbre, d'une taille moyenne, habite enCochinchine, et aussi, ajoute-t-il, en Chine, bien qu'il ne l'aitpas vu à Canton. Ce n'est pas une information précise sous lerapport <strong>de</strong> la qualité spontanée, mais on ne peut pas supposerune autre origine. Selon Kurz 6, l'espèce est seulement cultivéedans la Birmanie anglaise. Si cela se confirme, la patrie seraitbornée à la Cochinchine et à quelques provinces <strong>de</strong> la Chine.Mangostan. Garcinia Mangostana, Linné.Le Botanical magazine a publié une bonne figure (pl. 4847)i. Rumphius,Amboin.,2, c. 42.2. Forster,Plante esculentœ,p.3. 35.Bretschnei<strong>de</strong>r;Onthevalueof chinesebot.Works,p. li.4.Rumphius,Amboin.,2,pl. 34,35,oùcependantla iorme du fruit n'estpas celle <strong>de</strong> notre Mandarine.5. Loureiro,FI. coeltinch., p. 570.6. Kurz,Forestfloraof britishBurma.


450 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS FRUITS<strong>de</strong> cet arbre, <strong>de</strong> la famille <strong>de</strong>s Guttifères, dont le fruit est considérécomme un <strong>de</strong>s meilleurs qui existent. Il exige un climattrès chand, car Roxburgb n'a pas pu l'obtenir au <strong>de</strong>là du 23" 1/2<strong>de</strong>gré <strong>de</strong> latitu<strong>de</strong> dans l'In<strong>de</strong> S et transporté à la Jamaïque, il n'adonné que <strong>de</strong>s fruits médiocres 2. On le cultive dans les îles <strong>de</strong>la Son<strong>de</strong>, la péninsule malaise et à Ceylan.L'espèce est certainement spontanée dans les forêts <strong>de</strong>s îles<strong>de</strong> la Son<strong>de</strong> 3 et <strong>de</strong> la péninsule malaise 4. Parmi les <strong>plantes</strong> <strong>cultivées</strong>,c'est une<strong>de</strong>s plus locales, soit pour l'habitation originelle,soit dans la culture. Il est vrai qu'elle appartient à l'une <strong>de</strong> cesfamilles où l'aire moyenne <strong>de</strong>s espèces est le plus restreinte.Abricotier d'Américiue. – Mammeaamericana, Jacquin.De la famille <strong>de</strong>s Guttifères, comme le Mangostan, cet arbreexige aussi beaucoup <strong>de</strong> chaleur. Les Anglais l'appellent Mameyou^Mammee. Quoique fort cultivé dans les Antilles et dans lesparties les plus chau<strong>de</strong>s du Venezuela 5,on ne l'a guère transportéou il n'a pas réussi en Asie et en Afrique, si l'on en jugepar le silence <strong>de</strong> la plupart <strong>de</strong>s auteurs.Il est certainement indigène dans les forêts <strong>de</strong> la plupart <strong>de</strong>sAntilles 6. Jacquin l'indique aussi sur le continent voisin, mais jen'en vois pas <strong>de</strong> confirmation chez les auteurs mo<strong>de</strong>rnes.La meilleure figure publiée est celle <strong>de</strong> la Flore, <strong>de</strong>sAntilles <strong>de</strong>Tussac, 3, pl. 1, à l'occasion <strong>de</strong> laquelle l'auteur donne beaucoup<strong>de</strong> détails sur l'emploi du fruit.Gomlso. – ffîbiscus esculentus. Linné.Les fruits, encore jeunes, <strong>de</strong> cette Malvacée annuelle sont un<strong>de</strong>s légumes les plus délicats <strong>de</strong>s pays tropicaux. La Flore <strong>de</strong>sAntilles <strong>de</strong> Tussac contient une belle planche <strong>de</strong> l'espèce etdonne tous les détails qu'un gourmet peut désirer sur la manière<strong>de</strong> préparer le caloulou, si cher aux créoles <strong>de</strong>s îles françaises.Lorsque j'ai essayé autrefois <strong>de</strong> comprendre d'où vient cetteplante, cultivée dans l'ancien et le nouveau mon<strong>de</strong>, l'absence <strong>de</strong>tout nom sanscrit et le fait que les premiers auteurs sur la floreindienne ne l'avaient pas vue spontanée m'avaient fait écarterl'hypothèse d'une origine asiatique. Cependant la flore mo<strong>de</strong>rne1. Royle, ni. Himalaya,p. 133,et Roxburgh,Floraindica,2, p. GIS.2.Mac-Fadyen,Floraof Jamaïca,p.3. 134.Rumphius,Amboin.,1, p. 133;Miquel,Planta:Junghun.,1, p. 290;Flora indo-batava,1,part. 2, p. 506.4. Hooker,Fl.afbritish India, 1 p.5. Ernst,dans Seemann,Journalof 260.botany,1867,p. 273;Trianaet Plancton.Prodr. il. Novo-GranaL. p.6. Sloane,Jamaica,1. 2S5..p. 123;Jacquin, Amer.,p. 268;Grisebach,FI. ofbrit. W.India,p. 118.7.A. <strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>,Géogr. bot. raisonnée,p. 768.


VI&NE1S1<strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> anglaise l'ayant indiquée comme « probablementnative d'origine », j'ai dû faire <strong>de</strong> nouvelles recherches.Quoique l'Asie méridionale ait été bien explorée <strong>de</strong>puis trenteans, on ne cite aucune localité dans laquelle le Gombo seraitspontanéou quasi spontané. Il n'y a même pas d'indice d'uneculture ancienne en Asie. C'est donc entre l'Afrique et l'Amériquequ'il faut hésiter.aux Antilles parLaplante aétévue spontanéeun bon observateurmais je ne découvre aucune assertion semblable venantd'un autre botaniste, soit pour les îles, soit pour le continentaméricain. Le plus ancien auteur sur la Jamaïque, Sloane 3,n'avait vu l'espèce qu'à l'état <strong>de</strong> culture. l2arcgraf lavaitobservée dans les plantations du Brésil, et comme il mentionneun nom du Congo et d'Angola, Quillobo, dont les Portugaisafricaine se trouve par celaavaient fait Quin,gombo,foriginemême indiquée.Schweinfurth et Ascherson 5 ont vu la plante spontanéedans la région du Nil, en Nubie, Kordofan) Sennaar, Abyssinieet dans le Bahr-el-Abiad, où on la cultive, il est vrai. D'autresvoyageurs sont mentionnés pour <strong>de</strong>s échantillons recueillis enAfrique 6) mais on ne dit pas si les <strong>plantes</strong>étaient <strong>cultivées</strong> ouspontanées et loin <strong>de</strong>s habitations. Nous serions toujours dansle doute si MM.Flückiger et Hanbury 7 n'avaient fait une découvertebibliographique qui tranche la question. Les Arabes appellentle Gombo Bamyah ou Bâmiat, et Abul-Abbas-Elnabati, quiavait visité l'Egypte bien avant la découverte <strong>de</strong> 1 Amérique, eni216, a décrit très clairement le Gombo, cultivé alors par lesEgyptiens.Malgrél'origine,certainement africaine, il ne semble pas quel'espèce ait été cultivée dans la basse Egypte avant l'époque <strong>de</strong>a domination arabe. On n'en a pas trouvé <strong>de</strong> preuve dans lesmonuments anciens, quoique Rosellini ait cru reconnaître laplante dans une figure, qui en est bien différente, selon UngerL'existence d'un seul nomdans les langues mo<strong>de</strong>rnes<strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>,d'après Piddington appuie l'idée d'une propagationversl'Orient <strong>de</strong>puis l'ère chrétienne.Vigne.Vitzsvini fera, Linné. E~I-A.


1S2PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS FRUITSl'Europe méridionale, l'Algérie et le Maroc 1. C'est surtout dansle Pont, en Arménie, au midi du Caucase et <strong>de</strong> la mer Caspienne,qu'elle présente l'aspect d'une liane sauvage, qui s'élève sur <strong>de</strong>grands arbres et donne beaucoup <strong>de</strong> fruits, sans taille ni culture.On mentionne sa végétation vigoureuse dans l'ancienneBactriane, le Caboul, le Cachemir et même dans le Badakchan,situé au nord <strong>de</strong> l'Indou-Kousch 2. Naturellement, onse <strong>de</strong>man<strong>de</strong> là, comme ailleurs, si les pieds que l'on rencontrene viennent pas <strong>de</strong> graines transportées <strong>de</strong>s plantations paroiseaux. Je les.remarque cependant que les botanistes les plusdignes <strong>de</strong> confiance, ceux qui ont le plus parcouru les provincestranscaucasiennes <strong>de</strong> la Russie, n'hésitent pas sur la spontanéitéet l'indigénat <strong>de</strong> l'espèce dans cette région. C'est en s'éloignantvers l'In<strong>de</strong> et l'Arabie, l'Europe et l'Afrique septentrionale qu'ontrouve le plus souvent dans les flores l'expression que la vigneest « subspontanée », peut-être sauvage, ou <strong>de</strong>venue sauvage-(verwil<strong>de</strong>rt, selon le terme expressif <strong>de</strong>sLa Allemands).dissémination par les oiseaux a dû commencer <strong>de</strong> trèsbonne heure, dès que les baies <strong>de</strong> l'espèce ont existé, avant laculture, avant la migration <strong>de</strong>s plus anciens peuples asiatiques,peut-être avant qu'il existât <strong>de</strong>s hommes en Europe et même enAsie. Toutefois la fréquence <strong>de</strong>s cultures et la multitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>sformes <strong>de</strong> raisins cultivés ont pu étendre les naturalisations etintroduire dans les vignes sauvages <strong>de</strong>s diversités tirant leurorigine <strong>de</strong> la culture. A vrai dire, les agents naturels, comme lesoiseaux, le vent, les courants, ont toujours agrandi les habitations<strong>de</strong>s espèces, indépendamment <strong>de</strong> l'homme, jusqu'auxlimites qui résultent, dans chaque siècle, <strong>de</strong>s conditions géographiqueset physiques et <strong>de</strong> l'action nuisible d'autres végétaux etd'animaux. Une habitation absolument primitive est plus oumoins un mythe; mais <strong>de</strong>s habitations successivement étenduesou restreintes sont dans la force <strong>de</strong>s choses. Elles constituent<strong>de</strong>s patries plus ou moins anciennes et réelles, à condition quel'espèce s'y soit maintenue sauvage, sans l'apport incessant <strong>de</strong>nouvelles graines.Pour ce qui concerne la vigne, nous avons <strong>de</strong>s preuves d'uneancienneté très gran<strong>de</strong> en Europe, comme en Asie.Des graines <strong>de</strong> vigne ont été trouvées sous les habitationslacustres <strong>de</strong> Gastione, près <strong>de</strong> Parme, qui datent <strong>de</strong> l'âge dubronze 3, dans une station préhistorique du lac <strong>de</strong> Varèse 4, et1. Grisebach,La végétation du globe, traduct. françaisepar cheft,1,p. 162,163,442;Munbj, Catal.Alger.; Bail,FI. <strong>de</strong> Tchihat.maroccansspicilegium,p.392.e2. AdolphePietet,Les origines indo-européennes, éd. 2, vol.1,p. 295,citeplusieursvoyageurspour ces régions, entre autressourcesVood, Journeytotheof theOxus.oa3.EllessontfiguréesdansHeer,Die Pflanzen <strong>de</strong>r4. PfaUbauten,p.24,f. 11.Kagazzoni, dansRivistaarch.et déliaprovḍi Como,1880,fasc.17,p. 30-suivantes.f


VIGNE 153dans la station lacustre <strong>de</strong> Wangen, en Suisse, mais dans ce <strong>de</strong>rniercas à une profon<strong>de</strong>ur incertaine Bien plus! Des feuilles<strong>de</strong> vigne ont été trouvées dans les tufs <strong>de</strong>s environs <strong>de</strong> Montpellier,où elles se sont déposées probablement avant l'époquehistorique 2, et dans ceux <strong>de</strong> Meyrargue, en Provence, certainementpréhistoriques, quoique postérieurs à l'époque tertiaire <strong>de</strong>sgéologues 3.Dans le pays qu'on peut appeler le centre et qui est peut-êtrele plus ancien séjour <strong>de</strong> l'espèce, le midi du Caucace, un botanisterusse, Kolenati 4, a fait <strong>de</strong>s observations très intéressantessur les différentes formes <strong>de</strong> vignes, soit spontanées, soit <strong>cultivées</strong>.Je regar<strong>de</strong> son travail comme d'autant plus significatifque l'auteur s'est attaché à classer les variétés suivant les caractères<strong>de</strong> la pubescence et <strong>de</strong> la nervation <strong>de</strong>s feuilles, chosesabsolument indifférentes aux cultivateurs et qui doivent représenter,par conséquent, beaucoup mieux les états naturels <strong>de</strong>l'espèce. D'après lui, les vignes sauvages, dont il a vu une immensequantité entre la mer Noire et la mer Caspienne, se groupenten <strong>de</strong>ux sous-espèces, qu'il décrit, qu'il assure pouvoirreconnaître à distance, et qui seraient le point <strong>de</strong> départ <strong>de</strong>svignes <strong>cultivées</strong>, au moins en Arménie et dans les environs. Illes a reconnues autour du mont Ararat, dans une zone où l'onne cultive pas la vigne, où même on ne pourrait pas la cultiver.D'autres caractères, par exemple la forme et la couleur <strong>de</strong>s raisins,varient dans chacune <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux sous-espèces. Nous ne pouvonsentrer ici dans les détails purement botaniques du mémoire<strong>de</strong> Kolenati, non plus que dans ceux du travail plusrécent <strong>de</strong> Regel sur le genre Fïfis s mais il est bon <strong>de</strong> constaterqu'une espèce cultivée <strong>de</strong>puis un temps très reculé et qui amaintenant peut-être 2000 formes décrites dans les ouvragesoffre, quand elle est spontanée dans la région où elle est trèsancienne, et a probablement offert avant toute culture, au moins<strong>de</strong>ux formes principales, avec d'autres d'une importance moindre.Si l'on étudiait avec le même soin les vignes spontanées <strong>de</strong>la Perse et du Cachemir, du Liban et <strong>de</strong> Grèce, on trouveraitpeut-être d'autres sous-espèces d'une ancienneté probablementpréhistorique.1.Heer,l. c.2. Planchon,Etu<strong>de</strong>sur lestufs <strong>de</strong> Montpellier,1864,p.3.DeSaporta, La 63.flore <strong>de</strong>s tufs quaternaires <strong>de</strong> Provence,1867,p. 15et27.4. Kolenati,dans Bulletin <strong>de</strong> la Sociétéimpériale<strong>de</strong>s naturalistes<strong>de</strong>Moscou,1846,p. 279.5.Regel,dans Actahortiimp.petrop.,1873.Danscetterevueabrégéedugenre, M.Regelénoncel'opinion que les Vitisvinifera sont le produithybri<strong>de</strong> et altéré par la culture <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux espècessauvages, V. vulpina et7. Labrusea;maisil n'en donnepas <strong>de</strong> preuves, et ses caractères pour<strong>de</strong>ux lesespècessauvages sont bien peu satisfaisants.Il est fort à désirerque les vignes d'Asieet d'Europe,spontanéesou <strong>cultivées</strong>,soientcomparéesdans leurs graines,qui fournissentd'excellentes distinctions,d'aprèsles travaux d'Engelmann sur les Vignesd'Amérique.


1§4 PLANTES CULTIVÉESPOURLEURS FRUITSL'idée <strong>de</strong> recueillir le jus <strong>de</strong>s raisins et <strong>de</strong> profiter <strong>de</strong> sa fermentationa pu naître chez différents peuples, principalementdans l'Asie occi<strong>de</strong>ntale, où la Vigne abondait et prospérait.Adolphe Pictet 1,qui a discuté, après <strong>de</strong> nombreux auteurs, maisd'une manière plus scientifique, les questions d'histoire, <strong>de</strong> linguistiqueet même <strong>de</strong> mythologie concernant la Yigne chez lespeuples <strong>de</strong> l'antiquité, admet que les Sémites et les Aryas ontégalement connu l'usage du vin, <strong>de</strong> sorte qu'ils ont pu l'introduiredans tous les pays où ils ont émigré, jusqu'en Egypte,dans l'In<strong>de</strong> et en Europe. Ils ont pu le faire d'autant mieux qu'ilstrouvaient la plante sauvage dans plusieurs <strong>de</strong> ces contrées.Pour l'Egypte, les documents sur la culture <strong>de</strong> la Vigne et lavinification remontent à 5 ou 6000 ans 2.Dans l'ouest, la propagation<strong>de</strong> la culture par les Phéniciens, les Grecs et les Romainsest assez connue mais, du côté oriental <strong>de</strong> l'Asie, elle s'est faitetardivement. Les Chinois, qui cultivent à présent la Vigne dansleurs provinces septentrionales, ne la possédaient pas antérieurementà l'année 122 avant notre ère 3. On sait qu'il existe plusieursVignesspontanées dans le nord<strong>de</strong> la Chine, mais je ne puisadmettre avec M. Regel que la plus analogue à notre Vigne, leVitis Amurensis, <strong>de</strong> Ruprecht, appartienne à notre espèce. Lesgraines <strong>de</strong>ssinées dans le Gartenflora, 1861, pl. 33, en sont tropdifférentes. Si le fruit <strong>de</strong> ces vignes <strong>de</strong> l'Asie orientale avaitquelque valeur, les Chinois auraient bien eu l'idée d'en tirerparti.Jujubier commun. Zizyphus vulgaris, Larnarck.D'après Pline 4, le Jujubier aurait été apporté <strong>de</strong> Syrie àRome, par le consul Sextus Papinius, vers la fin du règne d'Auguste.'Les botanistes remarquent cependant que l'espèce estcommune dans les endroits rocailleux d'Italie et que d'ailleurschose singulière on l'a pas encore trouvée sauvage enSyrie bien qu'elle y soit cultivée, <strong>de</strong> même que dans toute larégion qui s'étend <strong>de</strong> la mer Méditerranée à la Chine et auJapon 6..La recherche <strong>de</strong> l'origine du Jujubier, comme arbre spontanévient à l'appui du dire <strong>de</strong> Pline, malgré les objections queje viens <strong>de</strong> mentionner: D'après les collecteurs <strong>de</strong> <strong>plantes</strong> et les1 Ad.Pictet,Lesoriginesindo-européennes, édition2,vol.1,p. 298à 321.2. M DelchevalerieḍansVIllustrationhorticole,1881,p. 28. Il mentionnesurtoutle tombeau<strong>de</strong> Phtah-Hotep,qui vivait,à Mempms,quatremilleansavantJésus-Christ. 7 ,“3.Bretschnei<strong>de</strong>r,Onthevalueandstudyof chinesebotanicalwo7-ks, p. 16.4.Pline,FFist.,1.15,c. 14..5.Bertoloni,Fl. ital., 2, p. 665;Gussone,SynopsisFl.simla: p. 276.6. WMkommet Lange, Prodr. Fl. hispanias, 3 p. 480 Déboutâmes,Fl. Allant., r p. 2t'0;Boissier,Fl. orient.,2,p. 12;Hooker, Fl. of ont.India, 1, p. 633; Bunge" Enum. plant, chin.,p. 14; Franchetet Savatier,Simm,plant. Japon.,1, p. 81.


JUJUBIER COMMUN 155auteurs <strong>de</strong> flores l'espèce parait plus spontanée eu aumeuiiemeut,cultivée à l'est qu'à l'ouest <strong>de</strong> sa gran<strong>de</strong> habitation actuelle.Ainsi, pour le nord <strong>de</strong> la Chine, M. <strong>de</strong> Bunge dit qu'elle est« très commune et très incommo<strong>de</strong> (à cause <strong>de</strong> ses épines) dansles endroits montueux. » Il a vu la variété sans épines dans lesiardins. Le DrBretschnei<strong>de</strong>rI 1 mentionneles juj ubes comme un <strong>de</strong>sfruits les plus recherchés par les Chinois, qui appellent l'espècedu nom simple <strong>de</strong> Tsao. Il indique aussi les <strong>de</strong>ux formes, épineuseet non épineuse; la première sauvage 2. L'espèce manqueau midi <strong>de</strong> la Chine et dans l'In<strong>de</strong> proprement dite à cause<strong>de</strong> la chaleur et <strong>de</strong> l'humidité du climat. Or la retrouve sauvagedans le Punjab au nord-ouest <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> anglaise, puis en Persset en Arménie.Brandis s énumère sept noms différents du Jujubier commun(ou <strong>de</strong> ses variétés?) dans les langues mo<strong>de</strong>rnes <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, maison ne connaît aucun nom sanscrit. D'après cela, l'espèce a peutêtreété introduite <strong>de</strong> Chine dans l'In<strong>de</strong>, à une époque pas trèséloignée, et <strong>de</strong>s cultures elle serait <strong>de</strong>venue sauvage dans lesprovinces très sèches <strong>de</strong> l'ouest. Le nom persan est Anob, chezles Arabes Unab. On ne connaît pas <strong>de</strong> nom hébreu, nouvel indiceque l'espèce n'est pas très ancienne dans l'Asie occi<strong>de</strong>ntale.Les anciens Grecs n'ont pas parlé du Jujubier commun, maisseulement d'une autre espèce, Zizyphus Lotus. C'est du moinsl'opinion du commentateur et botaniste mo<strong>de</strong>rne Lenz 4. ilfaut convenir que le nom grec mo<strong>de</strong>rne, Prifzuphuia, n'a aucunrapport avec les noms attribués jadis dans Théophraste ou Dioscori<strong>de</strong>à quelque Zizyphus, mais approche du nom latin Zizyphus(le fruit Zizyphum) <strong>de</strong> Pline, qui n'est pas dans les auteursplus anciens et semble d'une nature orientale plus que latine.M. <strong>de</strong> Heldreich 5 n'admet pas que le Jujubier soit spontané enGrèce, et d'autres le disent « naturalisé, subspontané, » ce quiconfirme l'hypothèse d'une existence peu ancienne. Les mêmesmotifs s'appliquent à l'Italie. L'espèce peut donc s'y être naturalisée<strong>de</strong>puis l'introduction dans les jardins dont Pline a parlé.En Algérie, le Jujubier est seulement cultivé ou « subspontanéB. De même en Espagne. Il n'est pas mentionné dans leMaroc, ni aux îles Canaries, ce qui fait supposer une existencepeu ancienne dans la région <strong>de</strong> la mer Méditerranée.Il me paraît donc probable que l'espèce est originaire dunord <strong>de</strong> la Chine; qu'elle a été introduite et s'est naturaliséedans l'Asie occi<strong>de</strong>ntale après l'époque <strong>de</strong> la langue sanscrite, ily a peut-être 2500 ou 3000 ans; que les Grecs et les Romains1. Bretschnei<strong>de</strong>r,Onthestudy,etc.,p. H.2. Le Zizyphus chinensis <strong>de</strong> plusieurs autenrs est la mêmeespèce»3. Brandis,Forestfloraofbrit. India, p. 84.4. Lenz,Botanik<strong>de</strong>rAlten,p. 651.5. Heldreich,NutzpflanzcnGriechenland?, p. 57.6. Munby,Catal.,ed. 2, p. 9.


1S6PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS FRUITSl'ont reçue au commencement <strong>de</strong> notre ère, et que ces <strong>de</strong>rniersl'ontportée en Barbarie et en Espagne, où elle s'est naturaliséepartiellement, d'une manière souvent douteuse, à la suite <strong>de</strong>scultures.Jujubier Lotus. Zizyphus Lotus, Desfontaines.Le fruit <strong>de</strong> ce Jujubier ne mérite pas d'attirer l'attention, sice n'est au point <strong>de</strong> vue historique. C'était, dit-on, la nourriture<strong>de</strong>s Lotophages, peuple <strong>de</strong> la côte <strong>de</strong> Lybie, dont Homère etHérodote i ont parlé avec plus ou moins d'exactitu<strong>de</strong>. Il fallaitqu'on fût bien pauvre ou bien sobre dans cette contrée, car unebaie <strong>de</strong> la grosseur d'une petite cerise, fa<strong>de</strong> ou médiocrementsucrée, ne contenterait pas <strong>de</strong>s hommes ordinaires.Rien ne prouve que les Lotophages eussent l'habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> cultiverce petit arbre ou arbuste. Ils en recueillaient sans douteles fruits dans la campagne, car l'espèce est assez communedans l'Afrique septentrionale. Une édition <strong>de</strong> Théophraste portecependant qu'il y avait <strong>de</strong>s Lotos sans noyaux, ce qui supposeune culture 2. On les plantait dans les jardins, comme cela sefait encore <strong>de</strong> nos jours en Egypte 3; mais il ne semble pas quel'usage en ait été fréquent, même chez les anciens.Du reste, il a été émis <strong>de</strong>s opinions très différentes sur leLotos <strong>de</strong>s Lotophages et il ne faut pas insister sur un pointaussi obscur, où l'imagination d'un poète et l'ignorance populaireont pu jouer un grand rôle.Le Jujubier Lotus est sauvage maintenant, dans les localitésari<strong>de</strong>s, <strong>de</strong>puis l'Egypte jusqu'au Maroc, dans le midi <strong>de</strong> l'Espagne,à Terracine et autour <strong>de</strong> Palerme 5. Dans ces localilés italiennesisolées, c'est le résultat probablement <strong>de</strong> cultures.Jujubier <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> 6. Zizyphus Jujuba, Lamarck. Ber,<strong>de</strong>s Hindous et Anglo-Indiens. Masson, à l'île Maurice.Ce Jujubier est cultivé plus au midi que le commun, maisdans une étendue <strong>de</strong> pays non moins gran<strong>de</strong>. Le fruit ressembletantôt à une cerise avant maturité. tantôt à une olive, commeon peut le voir dans la planche publiée par Bouton dansHooker, Journal of botany, 1, pl. 140. Le nombre <strong>de</strong>s variétés1. Odyssée, 1. 1, v.~84 Hérodote, 1. 4, p. 177; traduits dans Lenz,Botanik<strong>de</strong>r Allen,p. 653.2.Théophraste,Hïst, I. 4, c. 4, éd. <strong>de</strong> 1644.L'édition<strong>de</strong> i613ne contientpas les motsrelatifsà ce détail.3. Schweinfurthet Ascherson,Beitr.,zurFlora/Ethiopiens,p. 263.4. Voirl'articlesur le Caroubier.5.Desfontaines,Fl.atlant., i, p. 200;Munby,Catal.Alger.,ed. 2,p. 9;Bal, icil. FI. Maroc,p. 301 Willkommet Lange, Prodr. fl. hisp.,3,p. 481 Bertoloni,Fl. ital., 2,p. 664.6. Cenom, peu usité,est déjà dans Bauhin,sous la forme <strong>de</strong> Jujubaindica.


JUJUBIER DE L'INDE 1§7connues indique une très ancienne culture. Gelle-ci s'étend aujourd'hui<strong>de</strong> la Chine méridionale, <strong>de</strong> l'archipel indien et <strong>de</strong>Queensland en Australie, par l'Arabie et l'Egypte, jusqu'auMaroc et même au Sénégal, en Guinée et dans l'Angola l. Ellese voit également à l'île Maurice, mais il ne paraît pas qu'onl'ait introduite jusqu'à présent en Amérique, si cen'est au Brésil,d'après un échantillon <strong>de</strong> mon herbier 2. Le fruit est préférableà la jujube ordinaire, d'après ce que disent les auteurs.Quelle était l'habitation <strong>de</strong> l'espèce avant toute culture? Cen'est pas aisé à savoir, parce que les noyaux se sèment facilementet naturalisent la plante hors <strong>de</strong>s jardins 3.Si nous nous laissons gui<strong>de</strong>r par la fréquence à l'état sauvage,il semble que le pays <strong>de</strong>s Burmans et l'In<strong>de</strong> anglaiseseraient la patrie ancienne. Je possè<strong>de</strong> dans mon herbier plusieurséchantillons recueillis par Wallich dans le royaume burman,et Kurz l'a vue fréquemment dans les forêts sèches <strong>de</strong> cepays, autour d'Ava et <strong>de</strong> Prome 4. Beddone admet l'espècecomme spontanée dans les forêts <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> anglaise, mais Brandisl'a trouvée seulement dans <strong>de</strong>s localités <strong>de</strong> ce genre où il y avaiteu <strong>de</strong>s établissements d'indigènes 5. Avant ces auteurs, dans lexvne siècle, Rhee<strong>de</strong> 6 décrivait cet arbre comme spontané auMalabar, et lesbotanistes du xviesiècle l'avaient reçu du Bengale.A l'appui <strong>de</strong> cette origine indienne, il faut mentionner l'existance<strong>de</strong> trois noms sanscrits et <strong>de</strong> onze autres noms dans leslangues indiennes mo<strong>de</strong>rnes 7.L'introduction à Amboine, dans la partie orientale <strong>de</strong> l'Archipel,était récente lorsque. Rumphius y séjournait 8, et il ditlui-même que l'espèce est indienne. Peut-être était-elle anciennementà Sumatra et dans d'autres îles rapprochées <strong>de</strong> lapéninsule malaise. Les anciens auteurs chinois n'én ont pasparlé du moins Bretschnei<strong>de</strong>r ne l'a pas connu. L'extension etles naturalisations au midi et à l'est du continent indien paraissentdonc peu anciennes.En Arabie et en Egypte, l'introduction doit être encore plusrécente. Non seulement on ne connaît aucun nom ancien, maisForskaI, il y a cent ans, et Delile, au commencement du siècleactuel, n'ont pas vu l'espèce, dont Schweinfurth a parlé récemmentcomme cultivée. Elle doit s'être répandue d'Asie à Zan-1.Sir J. Hooker,Flora of brit. India, 1, p. 632; Brandis,Forestflora ofIndia, 1,p.87;Bentham,FI. austral.,1,p. 412 Boissier,FI. orient.,2,p. 13Oliver,FI. of tropicalAfrica, 1, p. 379.2. Venant<strong>de</strong> Martius,n° 1070,du Cabofrio.3.Bouton,l. c.; Baker,FI. of Mauritius,p. 61 Brandis,l. c.4.Kurz,Forestfloraof Burma,1, p. 266.5. Beidone, Forestflora of India, I, pl. 149 (représentantle fruit sauvage,nluspetit quele cultivé) Brandis,l. c.6.Blieele, 4, pl. 141.7.Piddington, In<strong>de</strong>x.8. Rumphius, Amb.,2, pi. 36.


1D8PLANTES CULTIVÉES POURLEURS FRUITSguebar, et <strong>de</strong> proche en proche au travers <strong>de</strong> l'Afrique ou parla navigation <strong>de</strong>s Européens jusqu'à la côte occi<strong>de</strong>ntale. Ceserait même assez récent, puisque Robert Brown (Bot. ofCongo) et Thonning n'ont pas eu connaissance <strong>de</strong> l'espèce enGuinée i.Pommier d'Acajou. Anacardium occi<strong>de</strong>ntale, Linné.Cashew, <strong>de</strong>s Anglais.Les assertions les plus fausses ont été émises autrefois surl'origine <strong>de</strong> cet arbre 2, et, malgré ce que j'en ai dit en 1855 3,je les vois reproduites çà et là.Le nom français <strong>de</strong> Pommier d'Acajou est aussi ridicule quepossible. Il s'agit d'un arbre <strong>de</strong> la famille <strong>de</strong>s Térébintacées (soitAnacardiacées), très différente <strong>de</strong>s Rosacées et <strong>de</strong>s Méliacéesauxquelles appartiennent les Pommiers et l'Acajou. La partieque l'on mange ressemble plus à une poire qu'aune pomme, et,botaniquement parlant, ce n'est pas un fruit, mais le pédonculeou support du fruit, lequel ressemble à une grosse fève. Leslieux noms, français et anglais, dérivent d'un nom <strong>de</strong>s indigènesdu Brésil, Acaju, Acajaiba, cité par d'anciens voyageursL'espèce est certainement spontanée dans les forêts <strong>de</strong> l'Amériqueintertropicale et même dans une gran<strong>de</strong> étendue <strong>de</strong> cetterégion, par exemple au Brésil, à la Guyane, dans l'isthme <strong>de</strong>Panama et aux Antilles 5. Le Dr Ernst 6 la croit originaireseulement <strong>de</strong> la contrée voisine du fleuve <strong>de</strong>s Amazones, bieuqu'il la connaisse aussi <strong>de</strong> Cuba, Panama, l'Equateur et la Nouvelle-Grena<strong>de</strong>.Il se fon<strong>de</strong> sur ce que les auteurs espagnols dutemps <strong>de</strong> la conquête n'en ont pas parlé, preuve négative,qu'il faut prendre pour nne simple probabilité.Rhee<strong>de</strong> et Rumphius avaient aussi indiqué cet arbre dansl'Asie méridionale. Le premier le dit commun au Malabar 7.L'existence d'une même espèce tropicale arborescente en Asieet en Amérique était si peu probable qu'on a soupçonné d'abordquelque différence spécifique ou au moins <strong>de</strong> variété, qui nes'est pas confirmée. Divers arguments, historiques et linguistiques,m'avaient démontré une origine étrangère à l'Asie. D'ailleursRumphius, toujours exact parlait d'une introduction1. LeZizyphusabyssinicus,Jïoehst.,paraît une espècedifférente.2.Tnssac,Flore<strong>de</strong>sAntilles,3,p. 53(oùse trouve une excellentefigure,pl. 13),dit que c'est une espèce <strong>de</strong>s In<strong>de</strong>s orientales, aggravant ainsil'erreur <strong>de</strong> Lmné, quil'avait crue d'Amériqueet d'Asie.3. Géographiebotaniqueraisonnée,p. 873.4. Pisoet Marcgraf, HistoriarerumnaturaliumBrasiliœ,1648,p. 57.5.VoirPiso et Marcgraf,l. c. Anblet,Guyane,p. 392 Seeman,Botanyofthe Herald,p. 106 Jacquin,Amériq.,p. 124 Mac Fadyen, Pl. Jamaïc,p. 119 Grisebach,Fl. of brit. W.India, p. 176.6.Ernst, dans Seemann,Journalofbot.,1867,p. 273.7. Rhee<strong>de</strong>,Malabar,3,pl. 54.


"MANGUIER"^9'1. 1ancienne, par les Portugais, d'Amérique dans îarcnipei asiatique1. Le nom malais qu'il cite, Cadju, est américain; celuiusité à Amboine signifiait fruit <strong>de</strong> Portugal celui <strong>de</strong> Macassarétait tiré d'une ressemblance avec le fruit du Jambosa. L espèce,dit Rumphius, n'était pas très répandue dans les îles;Garcia ab Orto ne l'avait pas trouvée à Goa e.n looO maisAcosta l'avait vue ensuite à Couchin, et les Portugais lavaientmultipliée dans l'In<strong>de</strong> et l'Archipel indien. D'après Blume etMiquel, l'espèce est seulement cultivée à Java. Rhee<strong>de</strong> dit, ilest vrai, qu'elle abon<strong>de</strong> au Malabar (provenit ubique), mais ilcite un seul nom qui paraisse indien, Kapa-mava, et les autresdérivent du nom américain. Piddington n'indique aucun nomsanscrit. Enfin les botanistes anglo-indiens, après avoir hésitésur l'origine, admettent aujourd'hui l'importation d'Amériqueà une époque déjà ancienne. Ils ajoutent que l'espèce s'est naturaliséedans les forêts <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> anglaise 2.L'indigénat en Afrique est encore plus contestable, et il estaisé d'en montrer la fausseté. Loureiro 3 avait vu l'espèce sur lacôte orientale <strong>de</strong> ce continent, mais il la supposait d'origineaméricaine. Thonningne l'a pas vue en Guinée, et Brown nel'indiquait pas au Congo Il est vrai que l'herbier <strong>de</strong> Kew areçu <strong>de</strong>s échantillons <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier pays et <strong>de</strong>s îles du golfe <strong>de</strong>Guinée, mais M. Oliver parle <strong>de</strong> l'espèce comme cultivée 5. Unarbre dont l'habitation est vaste en Amérique, et qui s'est naturalisédans plusieurs régions <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>ux siècles, existeraitdans une gran<strong>de</strong> étendue <strong>de</strong> l'Afrique intertropicale s'ilétait indigène dans cette partie du mon<strong>de</strong>.Manguier. llangifera indica, Linné.De la même famille que le Pommier d'Acajou, cet arbredonne cependant un véritable fruit, <strong>de</strong> la forme et <strong>de</strong> la couleurà peu près <strong>de</strong> l'abricot 6.On ne peut douter qu'il ne soit originaire <strong>de</strong> lAsie méridionaleou <strong>de</strong> l'archipel indien quand on voit la multitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>svariétés <strong>cultivées</strong> dans ces pays, la quantité <strong>de</strong>s noms vulgairesanciens, en particulier un nom sanscrit et l'abondance dansles jardins du Bengale, <strong>de</strong> la péninsule indienne et <strong>de</strong> Ceylan,même à l'époque <strong>de</strong> Rhee<strong>de</strong>. Du côté <strong>de</strong> la Chine la culture enétait moins répandue, car Loureiro la mentionne seulement enCochinchine. D'après Rumphius 8, elle avait été introduite, <strong>de</strong>i. Rumphius, Herb. Amboin.,1, p. i 77,i 78.2. Beddone,Flora sylvatica,t. 163;"JoS Flora ofbrit. India, 2, p. 20.3. Loureiro,FI. cochinch.,p. 304.4. Brown,Congo,p. 12et 49.5. Oliver,Floraof tropicalAfnea,1, p. 443.6.Voirla planche 4310du Botanicalmagazine.7. Roxburgh, Flora indica, ed. 2, vol.2,p. 43a;Piddington,Indcx.8. Rumphius, Herb. Amboin.,1,p. 95.


160 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS FRUITSmémoire d'homme, dans certaines îles <strong>de</strong> l'archipel asiatique.Forster ne la mentionne pas dans son opuscule sur les fruits <strong>de</strong>sîles <strong>de</strong> la mer Pacifique, lors <strong>de</strong> l'expédition <strong>de</strong> Cook. Le nomvulgaire aux Philippines, Manga 1, montre une origine étrangère,car c'est le nom malais et espagnol. Le nom vulgaire àCeylan est Ambe, analogue au sanscrit Amra et d'où, viennentles noms persan et arabe Amb 2,les noms mo<strong>de</strong>rnes indiens, etpeut-être les noms malais Mangka, Manga, Manpelaan, indiquéspar Rumphius. Il y a cependant d'autres noms usités dans lesîles <strong>de</strong> la Son<strong>de</strong>, <strong>de</strong>s Moluques et en Cochinchine. La variété <strong>de</strong>ces noms fait présumer une introduction ancienne dans l'archipelIndien, contrairement à l'opinion <strong>de</strong> Rumphius.Les Mangifera que cet auteur avait vus sauvages dans l'île <strong>de</strong>Java et le Mangifera sylvatica que Roxburgh avait découvert àSillet sont d'autres espèces mais le véritable Manguier estindiqué par les auteurs mo<strong>de</strong>rnes comme spontané dans lesforêts <strong>de</strong> Ceylan, les districts au pied <strong>de</strong> l'Himalaya, surtoutvers l'est, dans l'Arracan, le Pégu et les îles Andaman 3. Miquelne l'indique comme sauvage dans aucune <strong>de</strong>s îles <strong>de</strong> l'archipelmalais. Malgré l'habitation à Ceylan et les indications moinsaffirmatives, il est vrai, <strong>de</strong> sir J. Hooker, dans la Flore <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>anglaise, l'espèce est probablement rare ou seulement naturaliséedans la péninsule indienne. La grosseur <strong>de</strong>s graines esttelle que les oiseaux ne peuvent pas les transporter, mais lafréquence <strong>de</strong> la culture amène une dispersion par l'homme. Sile Manguier est seulement naturalisé dans l'ouest <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>anglaise, ce doit être <strong>de</strong>puis longtemps, vu l'existence d'un nomsanscrit. D'un autre côté les peuples <strong>de</strong> l'Asie occi<strong>de</strong>ntale doiventl'avoir connu assez tard, puisqu'ils n'ont pas transportéJ'espèce en Egypte ou ailleurs vers l'ouest.Aujourd'hui, on la cultive dans l'Afrique intertropicale etmême aux îles Maurice et Seychelles, où elle s'est un peu naturaliséedans les forêts 4.L'introduction en Amérique a eu lieu d'abord au Brésil, carc'est <strong>de</strong> là qu'on fit venir <strong>de</strong>s graines à la Barba<strong>de</strong> dans le milieudu siècle <strong>de</strong>rnier 5. Un vaisseau français transportait <strong>de</strong>s pieds<strong>de</strong> cet arbre <strong>de</strong> Bourbon à Saint-Domingue, en 1782, lorsquil futpris par les Anglais, qui les portèrent à la Jamaïque, où ilréussit à merveille. Quand les plantations <strong>de</strong> café furent abandonnées,lors <strong>de</strong> l'émancipation <strong>de</strong>s esclaves, le Manguier, donti. Blanco, Fl. filip.,p. 181.2. Rumphius, l. c. Forskal,p. cvh.3. Thwaites,Enum. plant. Ceyl.,p. 75 Stuart et Brandis,Forestflora,p. 126 Hooker,Flora of brit. India, 2 p. 13 Kurz,Forestfloraofbrit.Burma,1,p.4. Oliver,Floraof 304.tropicalAfrica, 1, p. 442 Baker,Flora of Mauntiusand Seychelles, p. 63.5. Hughes, Barbadoes,p. 177.


FRAISIER 161les nègres jetaient partout <strong>de</strong>s noyaux, forma dans cette île <strong>de</strong>sforêts, qui sont <strong>de</strong>venues une richesse à cause <strong>de</strong> leur ombrageet comme moyen <strong>de</strong> nourriture 1.Il n'était pas encore cultivé àGayenne dans le temps d'Aublet, à la fin du xvnr3 siècle, maisactuellement il y a <strong>de</strong>s mangues <strong>de</strong> première qualité dans cettecolonie. Elle sont greffées et l'on observe que leurs semis donnent<strong>de</strong>s fruits meilleurs que ceux tirés <strong>de</strong>s pieds francs 2.Evi. Spondias dulcis, Forster.Arbre <strong>de</strong> la famille <strong>de</strong>s Anacardiaeées, indigène dans les îles<strong>de</strong> la Société, <strong>de</strong>s Amis et Fidji 3. Les naturels faisaient unegran<strong>de</strong> consommation <strong>de</strong> ses fruits à l'époque <strong>de</strong> l'expédition ducapitaine Cook. Ils ressemblent à un gros pruneau, couleur <strong>de</strong>pomme, et contiennent un noyau hérissé <strong>de</strong> longues pointescrochues Le goût en est excellent, disent les voyageurs. Cen'est pas un <strong>de</strong>s arbres fruitiers le plus répandus dans les coloniestropicales. On le cultive pourtant aux îles Maurice etBourbon, sous le nom primitif polynésien Evi ou Hévi 5, et auxAntilles. Il a été introduit à la Jamaïque, en 1782, et <strong>de</strong> là àSaint-Domingue. L'absence dans beaucoup <strong>de</strong> contrées chau<strong>de</strong>sd'Asie et Afrique tient probablement à ce que l'espèce a été découverteseulement il y a un siècle, dans <strong>de</strong> petites îles sanscommunications avec l'étranger.DE <strong>Candolle</strong>. 11Fraisier. Fragaria vesca, Linné.Notre Fraisier commun est une <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> les plus répanduesdans le mon<strong>de</strong>, en partie, il est vrai, grâce à la petitesse <strong>de</strong> sesgraines que les oiseaux, attirés par le corps charnu sur lequelelles se trouvent, transportent à <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s distances.Il est spontané en Europe, <strong>de</strong>puis les îles Shetland et la Laponie6 jusque dans les parties montueuses du midi à Madère,en Espagne, en Sicile et en Grèce7. On le trouve aussi en Asie,<strong>de</strong>puis la Syrie septentrionale et l'Arménie 8, jusqu'en Daourie.Les fraisiers <strong>de</strong> l'Himalaya et du Japon 9, que divers auteurs ontrapportés à cette espèce,^n'en sont peut-être pas 10, et cela mei. Mac-Fadyen, Flora ofJamaïca,p. 221 sir J. Hooker,Discoursà l'Institutionroyale,traduitdansAnn.sc.nat., série6, vol. 6,p. 320.2. Sagot, Journal<strong>de</strong> la Soc.centr.d'agric.<strong>de</strong>France,1872.3. Forster, Deplantis esculentisinsularumoceaniaustralis,p. 33 Seemann,Flora Vitiensis,p. 51 Nadaud,Enum.<strong>de</strong>s<strong>plantes</strong><strong>de</strong> Taïti,p. 75.4. Voirbonnefigurecoloriée,dans Tussac,Flore <strong>de</strong>sAntilles,3,pl. 28.5. Bojer, Hortusmauritianus,p. 81.6. H.-G.Watson, CompendiumCybelebrit., 1 p. 160; Fries, Summaveg.Scand.,p. 44.7. Lowe,Manualfl. of Ma<strong>de</strong>ira,p. 246;Willkommet Lange, Prodr. fl,hisp. 3, p. 224 Moris,Fl. sardoa,2, p. 17.8. Boissier,l. c.9. Le<strong>de</strong>bour,Fl. rossica,2, p. 64.10. Gay, ibid. Hooker,Fl. brit. India,2, p. 344 Franchetet Savatier,Enum.pi. Japon.,1, p. 129.


162 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS FRUITSfait douter <strong>de</strong> l'habitation en Chine donnée par un missionnairel. Il est spontané en Islan<strong>de</strong> 2, dans le nord-est <strong>de</strong>s Etats-Unis 3, autour du fort Cumberland et sur la côte nord-ouest 4,peut-être même dans la Sierra Nevada <strong>de</strong> Californie 5. L'habitations'étend donc autour du pôle arctique, à l'exception <strong>de</strong> laSibérie orientale et <strong>de</strong> la région du fleuve Amour, puisque l'espècen'est pas citée par M. Maximowicz dans ses Primitim flores amurensîslEn Amérique l'habitation se prolonge sur les hauteurs duMexique, car le Fragaria mexicana, cultivé au Muséum et examinépar J. Gay, est le F. vesca. Il existe aussi autour <strong>de</strong> Quito,d'après le même botaniste, .très compétent dans la question 6.Les Grecs et les Romains n'ont pas cultivé le fraisier. C'estprobablement dans le xvc ou le xvie siècle que la culture s'enest introduite. Champier, au xvi° siècle, en parlait comme d'unenouveauté dans le nord <strong>de</strong> la France mais elle existait déjàdans le midi et en Angleterre 8.Transporté dans les jardins <strong>de</strong>s colonies, le fraisier s'est naturalisédans quelques 'localités fraîches, loin <strong>de</strong>s habitations.C'est arrivé à la Jamaïque 9, dans l'île Maurice 10, et plus encoredans l'île <strong>de</strong> Bourbon, où <strong>de</strong>s pieds avaient été mis par Commersondans la plaine élevée dite <strong>de</strong>s Cafres. Bory Saint-Vincentraconte qu'en 1801 il y avait trouvé <strong>de</strong>s espaces tout rouges<strong>de</strong> fraises et qu'on ne pouvait les traverser sans se teindre lespieds d'une véritable marmela<strong>de</strong>, mêlée <strong>de</strong> fange volcaniqueIl est probable qu'en Tasmanie, à la Nouvelle-Zélan<strong>de</strong> et ailleurson verra <strong>de</strong>s naturalisations semblables.Le genre Fragaria a été étudié avec plus <strong>de</strong> soin que beaucoupd'autres par Duchesne fils, le comte <strong>de</strong> Lambertye, JacquesGay et surtout Mme Elisa Vilmorin, dont l'esprit d'observationétait si digne du nom qu'elle portait. Un résumé <strong>de</strong> leurs travaux,avec d'excellentes planches coloriées, se trouve dans leJardin fruitier du Muséum, par M. Decaisne. De gran<strong>de</strong>s difficultésont été surmontées par ces auteurs pour distinguer lesvariétés et les hybri<strong>de</strong>s qu'on multiplie dans les jardins, <strong>de</strong>svéritables espèces, et pour établir celles-ci sur <strong>de</strong> bons carac-1.Perny, Propag.<strong>de</strong> la foi, citédans Decaisne,Jardin fi-uitierdu Mus.,p. 27 J. Gay,ibid., p. 27,n'indiquepasla.Chine.2. Babington, Journal ofLinn.soc.,11,p. 303;Gay,l. c.3. A. Gray,Botanyof thenorthei-nStates,ed. 1868,p. 156.4. SirW. Hooker,Fl. bor.amer, 1, p. 184.5. A. Gray,Bot.of California,I, p. 176.6.J. Gay,dans Decaisne,Jardinfruitier du Muséum,Fraisier,p. 30.7.Le Grandd'Aussy, Histoire<strong>de</strong>la vie privée<strong>de</strong>sFrançais,1,p. 233et 3.8. Olivier<strong>de</strong> Serres,Théâtredagric, p. Sli Gerard,d'après Phillips,Pomarium,britannicum,p. 334.9.Purdie,dans Hooker,Londonjournal of botany,1844,p. 313.10.Bojer,Hortusmawitianus,p. 127.14. Bory Saint-Vincent,Comptesrendus <strong>de</strong> VAcadḍes sc. 1836șem.2,3. 109.


CERISIER DES OISEAUX 163"1,' 1 n ,o..tères. Quelques Fraisiers dont les fruits étaient médiocres ont étéabandonnés, et les plus beaux maintenant sont le résultat ducroisement <strong>de</strong>s espèces <strong>de</strong> Virginie et <strong>de</strong> Chili, dont je vaisparler.Fraisier <strong>de</strong> Virginie. Fragaria virginiana, Ehrahrt. –Fraisier écarlate <strong>de</strong>s jardins français.Cette espèce, indigène au Canada et dans les États-Unisorientaux, et dont une variété s'étend vers l'ouest jusqu'auxmonhignes Rocheuses, peut-être même jusqu'à l'Orégon. a étéintroduite dans les jardins anglais en 1629 2. On la cultivaitbeaucoup en France dans le siècle <strong>de</strong>rnier; mais ses hybri<strong>de</strong>savec d'autres espèces sont maintenant plus estimés.Fraisier du Chili. Fragaria Çhiloensis, Duchesne.Espèce commune dans le Chili méridional; à Conception, Valdiviaet Chiloe s, et souvent cultivée dans ce pays. Elle a étéapportée en France, par Frezier, dans l'année 171S. Cultivéealors au Muséum d'histoire naturelle <strong>de</strong> Paris, elle s'est répanduebientôt en Angleterre et ailleurs. Grâce à ses fruitsénormes, d'une saveur excellente, on a obtenu par divers croisements,surtout avec le F. virginiana, les fraises Ananas, Victoria,Trollope, Rubis, etc., si recherchées à notre époque.Cerisier <strong>de</strong>s oiseaux. – Prunus avium, Linné. Sûsskirschbaum<strong>de</strong>s Allemands.J'emploie le mot Cerisier parce qu'il est usuel et sans inconvénientpour les espèces ou variétés <strong>cultivées</strong>, mais l'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>sespèces voisines non <strong>cultivées</strong> confirme l'opinion <strong>de</strong> Linné queles Cerisiers ne peuvent pas être séparés, comme genre, <strong>de</strong>s Pruniers.Toutes les variétés <strong>de</strong> Cerisiers cultivés se rapportent à <strong>de</strong>uxespèces, qu'on trouve à l'état sauvage, savoir i° Prunus avium,L_îïé, d'une taille élevée, à racines ne poussant pas <strong>de</strong> rejetons,ayant le dissous <strong>de</strong>s feuilles pubescent, le fruit d'unesaveur douce 2° Prunus Cerasus, Linné, moins élevé, poussant<strong>de</strong>s rejetons sur les racines, à feuilles entièrement glabres etfruit plus ou moins aci<strong>de</strong> ou amer.La première <strong>de</strong> ces espèces, <strong>de</strong> laquelle on pense que les Bigarreautierset Merisiers sont provenus, se trouve sauvage enAsie dans les forêts du Ghilan (nord <strong>de</strong> la Perse), <strong>de</strong>s pro-1.AsaGray,Manualofbot of thenorth. States, ed. 1868,p. 155;Botanyof California,1, p. 177.2. Phillips,Pomariumbrit., p. 335.3. CI. Gay, Hist. Chili,Botanica,2, p. oûa.


164 PLANTESCULTIVÉES POURLEURS FRUITSvinces russes du midi du Caucaseet <strong>de</strong> l'Arménie 1; enEuropedans le midi <strong>de</strong> la Russie, et généralement <strong>de</strong>puis la Suè<strong>de</strong>méridionale jusque dans les parties montueuses <strong>de</strong> la Grèce,<strong>de</strong> l'Italie et <strong>de</strong> l'Espagne 2.Elle existe même en Algérie 3_.A mesure qu'on s'éloigne <strong>de</strong> la région située au midi <strong>de</strong> lamer Caspienne et <strong>de</strong> la mer Noire, l'habitation du Cerisier <strong>de</strong>soiseaux paraît moins fréquente, moins naturelle et déterminéedavantage, peut-être, par les oiseaux qui recherchent avi<strong>de</strong>mentses fruits et les portent <strong>de</strong> proche en proche 4. On ne peut pasdouter qu'elle s'est naturalisée <strong>de</strong> cette manière, à la suite <strong>de</strong>scultures, dans le nord <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> 5, dans beaucoup <strong>de</strong> plaines dumidi <strong>de</strong> l'Europe, à Madère 6, et çà et là aux Etats-Unis7 maisil est probable que pour la plus gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> l'Europe celaest arrivé dans <strong>de</strong>s temps anciens, préhistoriques, attendu queles oiseaux agissaient avant les premières migrations <strong>de</strong>s peuples,avant même qu'il y eût <strong>de</strong>s hommes en Europe. L'habitationse serait étendue dans cette région lorsque les glaciers ontdiminué. r


CERISIER COMMUNOU GRIOTTIER 165peut-être d'un temps historique. Si l'on ne découvre pas <strong>de</strong>snoyaux plus anciens <strong>de</strong> cette espèce en Europe, il <strong>de</strong>viendravraisemblable que la naturalisation n'est pas antérieure'auxmigrations <strong>de</strong>s Aryas.Cerisier commun ou Griottier. Prunus Cerasus, LinnéCerasus vulga7·is,141iller. -Baumweichsel, Sauerh,irschen, <strong>de</strong>sAllemands. Sour cherry, <strong>de</strong>s Anglais.Les Cerisiers <strong>de</strong> Montmorency, les Griottiers et quelquesautres catégories <strong>de</strong>s horticultures proviennent <strong>de</strong> cette espèce1.Hohenacker 2 a vu le Prunus Cerasus à Lenkoran, près <strong>de</strong> lamer Caspienne, et C. Koch 3 dans les forêts <strong>de</strong> l'Asie Mineure,ce qui veut dire, d'après le pays qu'il a parcouru, dans le nor<strong>de</strong>st<strong>de</strong> cette contrée. D'anciens auteurs l'ont trouvé à Elisabethpolet Erivan, d'après Le<strong>de</strong>bour 4. Grisebach 5 l'indique aumont Olympe <strong>de</strong> Bithynie et ajoute qu'il est presque spontanédans les plaines <strong>de</strong> la Macédoine. L'habitation vraie et bienancienne paraît s'étendre <strong>de</strong> la mer Caspienne jusqu'aux environs<strong>de</strong> Constantinople mais, dans cette contrée même, on rencontreplus souvent le Prunus avium. En effet, M. Boissier etM <strong>de</strong> Tchihatcheff ne paraissent pas avoir vu le Prunus Cerasusmême dans le Pont, quoiqu'ils aient reçu ou rapportéplusieurs échantillons du Pr. avium 6.Dans l'In<strong>de</strong> septentrionale, le Pr. Cerasus est seulement àl'état cultivé'. Les Chinois ne paraissent pas avoir eu connaissance<strong>de</strong> nos <strong>de</strong>ux Cerisiers. On peut croire, d'après cela, quel'introduction dans l'In<strong>de</strong> n'est pas fort ancienne, et ce qui leconfirme, c'est l'absence <strong>de</strong> nom sanscrit.Nous avons vu que le Pr. Cerasus est presque spontané enMacédoine, d'après Grisebach. On l'avait dit spontané en Crimée,mais Steven 8 ne l'a vu que cultivé, et Rehmann 9 ne mentionnedans la Russie méridionale comme spontanée que l'espèce voisineappelée Pr chamsecerasus, Jacquin. Je dou.ô beaucoup <strong>de</strong> laqualité spontanée dans toute localité au nord du Caucase. Mêmeen Grèce, où Fraas disait avoir vu cet arbre sauvage, M. <strong>de</strong>Heldreich le connaît seulement comme cultivé 10.En Dalmatiei Pour les variétés si nombreuseset qui ont <strong>de</strong>s noms vulgaires sivariablesselonles provinces, on peut consulter le nouveau Duhamel,vol.5, où se trouvent<strong>de</strong>bonnesfigures coloriées.2. Hohenacker,Plants Talysch.,p. 128.3 Koch,Dendrologie, i, p. 110.4. Le<strong>de</strong>hour,Fl. ross.,2, p. 6.5. Grisebach,Spicilegiumfl. rumehcœ,v.86.uînelic-,p. ,n~6-Boissier,Fl. orientalis,2,p. 649;Tchihatcheff, AsieMineure, Bot p. 198.7. Sir J. Hooker,Fl. of bnt. ïndia, 2, p. 313.8. Steven, VerzeichnissHalhinselm,etc.,p. 147.9 Rehmann,VerhandlṆat. Ver.Brunn.X, 1871.10. Heldreich,NtdzpflanzenGriechenlands,p. 69 P flanzend. altiscn.Ebene,p.11.Visiani,Fl. 477.Dalmat.,3, p. 2&8.


166 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS FRUITSon trouve, à l'état bien spontané, une variété particulière oiîespèce voisine, le Prumus .1J:larasca, dont le fruit sert à fabriquerle marasquin. Le Pr. Cerasus est sauvage dans les districts montueux<strong>de</strong> l'Italie 1 et dans le centre <strong>de</strong> la France 2 mais plusloin, dans l'ouest, le nord et en Espagne, on ne cite plus l'espèceque comme cultivée, se naturalisant çà et là sous la formesouvent <strong>de</strong> buisson. Evi<strong>de</strong>mment l'apparence en Europe estplus que pour le Cerisier <strong>de</strong>s oiseaux celle d'un arbred'origine étrangère médiocrement établi.En lisant les passages <strong>de</strong> Théophraste, Pline et autres anciensauteurs souvent cités 3, aucun ne paraît s'appliquer au Prunus-Cerasus. Le plus significatif, celui <strong>de</strong> Théophraste, convient auPrunus avium, à cause <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> l'arbre, caractèredistinctif d'avec le Prunus Cerasus k. Kerasos étant le nom duCerisier <strong>de</strong>s oiseaux dans Théophraste comme aujourd'huiKerasaia chez les Grecs mo<strong>de</strong>rnes, je remarque un signe linguistiqued'ancienneté du Prunus Cerasus les Albanais, <strong>de</strong>scendants<strong>de</strong>s Pélasges, désignent celui-ci sous le nom <strong>de</strong> Vyssinefancien nom qui se retrouve dans l'allemand Wechselet l'italienVisciolo5. Comme les Albanais ont aussi le nom Kerasie, pourPr. leavium, on peut croire que leurs ancêtres ont distinguénommé les <strong>de</strong>ux etespèces <strong>de</strong>puis longtemps, peut-être avantl'arrivée <strong>de</strong>s Hellènes en Grèce.Autre signe d'ancienneté Virgile dit en parlant d'un arbrePullulatab radicealiis<strong>de</strong>nsissimasylvaTJtcerasisulmisque.{Gearg.,II, 17.)Ce qui s'applique au Pr. Cerasus, non au Pr. avium.On a trouvé à Pompeia <strong>de</strong>ux peintures <strong>de</strong> Cerisier, mais il neparaît pas qu'on puisse savoir exactement si elles s'appliquentà l'une ou à l'autre <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux espèces G. M. Comes les indiquesous le titre du Prunus Cerasus.Quelque découverte archéologique serait plus probante. Lesnoyaux <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux espèces présentent une différence dans le sillonqui n'a pas échappé à la sagacité <strong>de</strong> MM. Heer et Sor<strong>de</strong>lli.Malheureusement, on n'a trouvé dans les stations préhistoriquesd'Italie et <strong>de</strong> Suisse qu'un seul noyau, attribuable au Prunus-1.Bertoloni,FI. it., 5, p. 131.2. Lecoqet Lamotte,Catal.du plateaucentral<strong>de</strong>la France,p. 148..3. Theophrastes, Hist. plant., 1. 3, c. 13 Pline, 1. 15, c. 25, et autrescités dansLenz,Botanik<strong>de</strong>r Allen,p. 710.4. Une partie <strong>de</strong>s expressionsqui suivent dans Théophrasterésulted'une confusionavec d'autresarbres. Il dit en particulierque le noyauest mol.3.Ad.Pictet, l. c., cite<strong>de</strong>sformesdu mêmenom enpersan,turc, russe,et faitdériver<strong>de</strong>là notrenom français<strong>de</strong> Gwt/ne,transportéà <strong>de</strong>svariétés.6. Schoirw,DieEr<strong>de</strong>,p. 44 Cornes,lll. <strong>de</strong>llepiante,etJ in4, p. 56.


CERISIER COMMUN OU GRIOTTIER 167Cerasns et encore la couche <strong>de</strong> laquelle on l'a sorti n'a pas étésuffisamment constatée. 11 paraît que c'était une couche nonarchéologique 1.D'après 1ensemble<strong>de</strong> ces données, un peu contradictoires etassez vagues, je suis disposé à admettre que le Prunus Cerasusétait connu et se naturalisait déjà au commencement <strong>de</strong> la civilisationgrecque, et un peu plus tard en Italie, avant l'époqueà laquelle Lucullus apporta un Cerisier <strong>de</strong> l'Asie Mineure.aOn pourrait écrire <strong>de</strong>s pages en citant les auteurs, mêmemo<strong>de</strong>rnes, qui attribuent, à la suite <strong>de</strong> Pline, l'introduction duCerisier en Italie à ce riche Romain, l'an 64 avant l'ère chrétienne.Puisque l'erreur se perpétue, grâce à sa répétition incessantedans les collèges classiques, il faut dire encore une foisqu'il y avait <strong>de</strong>s Cerisiers au moins celui <strong>de</strong>s oiseaux enItalie avant Lucullus, et que l'illustre gourmet n'a pas dû rechercherl'espèce à fruits aci<strong>de</strong>s ou amers. Je ne doute pas qu'il n'aitgratifié les Romains d'une bonne variété cultivée dans le Pontet que les cultivateurs ne se soient empressés <strong>de</strong> la propagerpar la greffe, mais c'est à cela que s'est borné le rôle <strong>de</strong> Lucullus.D'après ce qu'on connaît maintenant <strong>de</strong> Cérasonte et <strong>de</strong>s anciensnoms <strong>de</strong>s Cerisiers, j'oserai soutenir, contrairement àl'opinion commune, qu'il s'agissait d'une variété du Cerisier <strong>de</strong>soiseaux, comme, par exemple, le Bigarreautier ou le Merisier,dont le fruit charnu est <strong>de</strong> saveur douce. Je m'appuie sur ceque Kerasos, dans Théophraste, est le nom du Prunus avium,lequel est <strong>de</strong> beaucoup le plus commun <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux dans 1 AsieMineure La ville <strong>de</strong> Cérasonte en avait tiré son nom, et il estprobable que l'abondance du Prunus avium dans les forêts voisinesavait engagé les habitants à chercher les arbres qui donnaientles meilleurs fruits, pour les planter dans leurs jarcuns.Assurément, si Lucullus a apporté <strong>de</strong> beaux bigarreaux, sescompatriotes, qui connaissaient à peine <strong>de</strong> petites cerises sauvages,ont pu s'exclamer et dire « C'est un fruit que nousn'avions pas. » Pline n'a rien affirmé <strong>de</strong> plus.Je ne terminerai pas sans énoncer une hypothèse sur les <strong>de</strong>uxCerisiers. Ils diffèrent peu <strong>de</strong> caractères, et, chose bien rare, les<strong>de</strong>ux patries anciennes le mieux constatées sont semblables (<strong>de</strong>la mer Caspienne à l'Anatolie occi<strong>de</strong>ntale). Les <strong>de</strong>ux espèces sesont répandues vers l'ouest, mais inégalement. Celle qui est la pluscommune dans le pays d'origine et la plus robuste (Pr. avium)a été plus loin, à une époque plus ancienne, et s'est mieux naturalisée.Le Prunus Cerasus est donc peut-être une dérivation <strong>de</strong>l'autre, survenue dans un temps préhistorique. J'arrive ainsi,par une voie différente, à une idée émise par M. Caruel seu-1. Sor<strong>de</strong>lli. Plante <strong>de</strong>lla torbiem di Lagozza, p. 40.2. Caruel. Flora toscana, p. 4S.


168 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS FRUITSlement, au lieu <strong>de</strong> dire qu'on ferait peut-être bien <strong>de</strong> réunir les<strong>de</strong>ux espèces je les vois actuellement distinctes et me contente<strong>de</strong> présumer une <strong>de</strong>scendance, que du reste on ne pourrapas facilement démontrer.Pruniers cultivés.Pline parle <strong>de</strong> l'immense quantité <strong>de</strong> prunes qu'on connaissaità son époque. « Ingens turba prunorum 1. » Aujourd'hui, les horticulteursen comptent plus <strong>de</strong> trois cents. Quelques botanistesont essayé <strong>de</strong> les rapporter à <strong>de</strong>s espèces sauvagesmais ils ne sontdistinctespas toujours d'accord, et surtout, d'après lesnoms spécifiâmes, ils semblent avoir <strong>de</strong>s idées très différentes.La diversité roule sur <strong>de</strong>ux points tantôt sur la <strong>de</strong>scendanceprobable <strong>de</strong> telle ou telle forme cultivée, et tantôt sur la distinction<strong>de</strong>s formes spontanées en espèces ou variétés.Je n'ai pas la prétention <strong>de</strong> classer les innombrables formes<strong>cultivées</strong>, et je crois ce travail assez inutile au point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong>squestions d'origine géographique, car les différences existentsurtout dans la forme, la grosseur, la couleur et le goût dufruit, c'est-à-dire dans <strong>de</strong>s caractères que les horticulteurs onteu intérêt à propager quand ils se sont présentés et même à créerautant qu'ils ont pu le faire. Mieux vaut s'attacher aux distinctions<strong>de</strong>s formes observées dans l'état spontané, surtout à cellesdont les hommes ne tirent aucun avantage et qui sont restéesprobablement ce qu'elles étaient avant qu'il y eût <strong>de</strong>s jardins.C'est <strong>de</strong>puis une trentaine d'années seulement que les botanistesont donné <strong>de</strong>s caractères vraiment comparatifs pour lestrois espèces ou races qui existent dans la nature 2. On peut lesrésumer <strong>de</strong> la manière suivantePrunusdomestica,Linné; arbre ou.arbuste élevé, non épineux- rameauxglabres fleursnaissanten jeunesmêmetempsque lescelles feuilles, à uédi-ordinairementpubeseents fruitdoucepenché, oblong, d'une saveurṖrunus insititia, Linné; arbre ou arbusteélevé, nonrameaux épineux- jeunespubescentsveloutés; fleurs naissant en même temps que lesfeuilles,à pédicelles finement pubescents ou"glabres fruitbuleuxou penchelégèrementellipsoï<strong>de</strong>,d'une saveurdouce.glo-Prunus spinosa,Linné; arbuste très épineux,à rameauxétalés àdroit jeunes rameaux anglepubescents fleurs<strong>de</strong>sépanouiesavant la naissancefeuilles pédicelles glabres fruitacerbe.dressé, globuleux, <strong>de</strong> saveurEvi<strong>de</strong>mment, cette troisième forme, si commune dans noshaies, s'éloigne <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux autres. Aussi, à moins <strong>de</strong> vouloirinterpréter, par hypothèse, ce qui a pu arriver avant toute ob-*•Pline, gùt; 1-15,c. 13.«^VCiS/^ c~tzirons<strong>de</strong> Parzs,i, p, • 165. ed"2lp*22S 5Cossonet Germain,Flore <strong>de</strong>s


PRUNIER DOMESTIQUE 169servation, il me paraît impossible <strong>de</strong> considérer les trois formescomme constituant une seule espèce, à moins qu'on ne montre<strong>de</strong>s transitions <strong>de</strong> l'une à l'autre dans les organes que la culturen'a pas altérés, ce qu'on n'a pas fait jusqu'à présent. Tout auplus peut-on admettre la fusion <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux premières catégories.Les <strong>de</strong>ux formes à fruit naturellement doux se présentaient dansquelques pays. Elles ont dû tenter les cultivateurs, plus que lePrunus spinosa, dont le fruit est acerbe. C'est donc à elles qu'ilfaut s'efforcer <strong>de</strong> rapporter les Pruniers cultivés.Je vais en parler, pour plus <strong>de</strong> clarté, comme <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux espècesPrunier domestique. Prunus domestica, Linné. Zwetchen<strong>de</strong>s Allemands.Plusieurs botanistes 2 l'ont trouvé, à l'état sauvage, dans toutel'Anatolie, la région au midi du Caucase et la Perse septentrionale,par exemple autour du mont Elbrouz.Je ne connais pas <strong>de</strong> preuve pour les localités du Cachemir,du pays <strong>de</strong>s Kirghis et <strong>de</strong> Chine, dont il est question dans quelquesflores. L'espèce en est souvent douteuse, et il s'agit plutôtdu Prunus insititia; dans d'autres cas, c'est la qualité <strong>de</strong> <strong>plantes</strong>pontanée, ancienne, qui est incertaine, car évi<strong>de</strong>mment <strong>de</strong>snoyaux ont été dispersés à la suite <strong>de</strong>s cultures. La patrie neparaît pas s'étendre jusqu'au Liban, quoique les prunes <strong>cultivées</strong>à Damas aient une réputation qui remonte au temps <strong>de</strong>Pline. On croit que Dioscori<strong>de</strong> 3 a désigné cette espèce sous lenom <strong>de</strong> Coccumelea <strong>de</strong> Syrie, croissant à Damas. Karl Kochraconte que <strong>de</strong>s marchands <strong>de</strong>s confins <strong>de</strong> la Chine lui ontaffirmé la fréquence <strong>de</strong> l'espèce dans les forêts <strong>de</strong> la partie occi<strong>de</strong>ntale<strong>de</strong> l'empire. Les Chinois cultivent, il est vrai, diversPruniers <strong>de</strong>puis un temps immémorial, mais on ne les connaîtpas assez pour en juger, et l'on ignore s'ils sont vraiment indigènes.Aucun <strong>de</strong> nos Pruniers n'ayant été trouvé sauvage auJapon ou dans la région du fleuve Amur, il est assez probableque les espèces vues en Chine sont différentes <strong>de</strong>s nôtres. Celaparaît aussi résulter <strong>de</strong> ce que dit Bretschnei<strong>de</strong>r 4.L'indigénat du Pr. domestica est très douteux pour l'Europe.Dans les pays du Midi, où il est mentionné, on le voit surtoutdans les haies, près <strong>de</strong>s habitations, avec les apparences d'unarbre à peine naturalisé, maintenu çà et là par un apport incessant<strong>de</strong> noyaux hors <strong>de</strong>s plantations. Les auteurs qui ont vul'espèce en Orient n'hésitent pas à dire qu'elle est subspontanée.1.Hudson,Flora anglica(1778),p.212,les réunit sousle nom <strong>de</strong>Prunuscommunis.2. Le<strong>de</strong>bour,FI. ross.,2, p. 5 Boissier,FI. orient., 2, p. 652 K. Koch.Dendrologie,1, p. 94 Boissieret Buhse,AufzœhlTranscaueas.,p. 80.3. Dioscori<strong>de</strong>s, l. c., 174 Fraas, Fl. class.,p. 69.4.Bretschnei<strong>de</strong>r,Onthe study,etc.,p. 10.


170 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS FRUITSFraas 1 affirme qu'elle n'est pas sauvage en Grèce, ce quiest confirmé par M. <strong>de</strong> Heldreich 2 pour l'Attique; Stevenl'affirme également pour la Crimée 3. S'il en est ainsi près <strong>de</strong>l'Asie Mineure, à plus forte raison faut-il l'admettre pour lereste <strong>de</strong> l'Europe.Malgré l'abondance <strong>de</strong>s Pruniers cultivés jadis par les Romains,les peintures <strong>de</strong> Pompeia n'en indiquent aucune sorte 4.Le Prunus domestica n'a pas été trouvé non plus dans lesrestes <strong>de</strong>s palafittes d'Italie, <strong>de</strong> Suisse et <strong>de</strong> Savoie, où l'on arencontré cependant <strong>de</strong>s noyaux <strong>de</strong>s Prunus insititia et spinosa.De ces faits et du petit nombre <strong>de</strong> mots attribuables à l'espècedans les auteurs grecs, on peut inférer que sa <strong>de</strong>mi-naturalisationou quasi-spontanéité en Europe a commencé tout au plus<strong>de</strong>puis 2000 ans.On rattache au Prunier domestique les pruneaux, prunesDamas et formes analogues.Prunier proprement dit. Prunus insititia, Linné 6. –Pfiauenbaum et Haferschlehen <strong>de</strong>s Allemands.Il existe, à l'état sauvage, dans le midi <strong>de</strong> l'Europe 6. On Fatrouvé également en Cilicie, en Arménie, au midi du Caucase etdans la province <strong>de</strong> Talysch, vers la mer Caspienne 7. C'est surtoutdans la Turquie d'Europe et au midi du Caucase qu'ilparaît bien spontané. En Italie et en Espagne il l'est peut-êtremoins, quoique <strong>de</strong> bons auteurs, qui ont vu la plante sur place,n'en doutent pas. Quant aux parties <strong>de</strong> l'Europe situées au nord<strong>de</strong>s Alpes, jusqu'en Danemark, les localités indiquées sont probablementle résultat <strong>de</strong> naturalisations à la suite <strong>de</strong>s cultures.L'espèce s'y trouve ordinairement dans les haies, non loin <strong>de</strong>shabitations, avec une apparence peu spontanée.Tout cela s'accor<strong>de</strong> assez bien avec les données historiques etarchéologiques.Les anciens Grecs distinguaient les Coccumelea <strong>de</strong> leur paysd'avec ceux <strong>de</strong> Syrie s, d'où l'on a inféré que les premiers étaientles Prunus insititia. C'est d'autant plus vraisemblable que lesGrecs mo<strong>de</strong>rnes l'appellent Coromeleia-°. Les Albanais disent1. Fraas, S yn.fl. class.,p. 69.2. Heldreich,PflanzenattischenEbene.3. Steven,VerzeicànissSalbinseln,1,p. 472.4. Cornes,Ill. piante pompeîane.5.Insititiaveut dire étranger.C'estun nombizarre,puisquetouteplanteest étrangèreailleursquedans son pays.6. Wiikommet Lange,Prodr.fl. hisp.,3, p. 244 Bertoloni,VI. ilal. 5,p. 133; Grisebaeh,picilegiumfl. Rumel.,p. 85; Heldreich,Nutzpfl.Griecltenlands,p.7. Boissier,FL 68.orient.,2, p. 651 Le<strong>de</strong>bour,Fl. ross.,2, p. 5; Hohenacker,Planta:Talysch,p. 128S.Dîoscori<strong>de</strong>s, 'l., c.. 173;Fraas. l. c.9. DeIleldreich,NulzyflanzenGriecliail., p. 68.


ABRICOTIER 171Corombilé 1, ce qui fait supposer une ancienne origine venant<strong>de</strong>s Pélasges. Du reste, il ne faut pas insister sur les noms vulgaires<strong>de</strong>s Pruniers que chaque peuple a pu donner à l'une ouà l'autre <strong>de</strong>s espèces, peut-être aussi à telle ou telle variétécultivée, sans aucune règle. En général, les noms sur lesquelson a beaucoup écrit dans les ouvrages d'érudition me paraissents'appliquer à la qualification <strong>de</strong> prune ou prunier, sans avoirun sens bien précis.On n'a pas encore trouvé <strong>de</strong>s noyaux <strong>de</strong> Prunus insititia dansles « terramare » d'Italie, mais M. Heer en a décrit et figuréqui proviennent <strong>de</strong>s palafittes <strong>de</strong> Robenhausen 2. Aujourd'hui,dans cette partie <strong>de</strong> la Suisse, l'espèce ne semble pas indigène,mais nous ne <strong>de</strong>vons pas oublier que, d'après l'histoire du lin,les lacustres du canton <strong>de</strong> Zurich à l'époque <strong>de</strong> la pierre entretenaient<strong>de</strong>s communications avec l'Italie. Ces anciens Suissesn'étaient pas difficiles sur le choix <strong>de</strong> leur nourriture, car ilsrécoltaient aussi les baies du Prunellier [Prunus spinosa), quinous paraissent immangeables. Probablement ils les faisaientcuire, en marmela<strong>de</strong>.Abricotier. Prunus Armeniaca, Linné. Armeniaca vulgaris,Lamarck.Les Grecs et les Romains ont reçu l'Abricotier au commencement<strong>de</strong> l'ère chrétienne. Inconnu du temps <strong>de</strong> Théophraste,Bioscori<strong>de</strong> 3 le mentionne sous le nom <strong>de</strong> Mailon armeniacon.Il dit que les latins l'appelaient Praikokion. C'est effectivementun <strong>de</strong>s fruits mentionnés brièvement par Pline sous le nom <strong>de</strong>Preecotium, motivé par la précocité <strong>de</strong> l'espèce 5. L'originearménienne était indiquée par le nom grec, mais ce nom pouvaitsignifier seulement que l'espèce était cultivée en Arménie.Les botanistes mo<strong>de</strong>rnes ont eu, pendant longtemps, <strong>de</strong> bonnesraisons pour la croire spontanée dans ce pays. Pallas, Giil<strong>de</strong>nstsedtet Hohenacker disaient l'avoir trouvée autour duCaucase, -soit au nord, sur les rives du Terek, soit au midi,entre la mer Caspienne et la mer Noire °. M. Boissier 7 admetces localités, sans s'expliquer sur la spontanéité. Il a vu unéchantillon recueilli par Hokenacker près d'EIisabethpol. D'un1. DeHeldreich,l. c.2. Hfer, Pflanzen<strong>de</strong>r Pfahlbauien,p. 27,fîg. 10,c.3. Dioscori<strong>de</strong>?,1.1, c. 165.4. Pline, 1.2, c.12.5. Le nom latin a passé dans le grec mo<strong>de</strong>rne {Prikohhia\Ḷes nomsespagnol (AWaricoque)français (Abricot),etc., paraissent venir Œarborprsecoxou Prsecociumtandis que les mots vieux français,Armègne,italienArmenilli,etc., viennent<strong>de</strong> Mailonarmeniacon.Voir d'autres détailssur les noms <strong>de</strong> l'espècedans ma Géographiebot.raisonnée,p. bSQ.6. Le<strong>de</strong>bour,FI ros* 2, p. 3.7. Boissier,Fl. orient.,2, p. 652.


172 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS FRUITSautre côté, M. <strong>de</strong> Tchihatcheff 1, qui a traversé l'Anatolie etl'Arménie à plusieurs reprises, ne paraît pas avoir vu l'Abricotiersauvage, et ce qui est plus significatif encore, Karl Koch, qui aparcouru la région au midi du Caucase avec l'intention d'observerce genre <strong>de</strong> faits, s'exprime <strong>de</strong> la manière suivante 2« Patrie inconnue. Du moins, pendant mon séjour prolongé enArménie, je n'ai trouvé nulle part l'Abricotier sauvage, et mêmeje ne l'ai vu cultivé que rarement. »Un voyageur, W.-J. Hamilton 3, disait bien l'avoir trouvéspontané près d'Orgou et d'Outch Hisar, en Anatolie; mais cetteassertion n'a pas été vérifiée par un botaniste.Le prétendu Abricotier sauvage <strong>de</strong>s ruines <strong>de</strong> Balbeck, décritpar Eusèbe <strong>de</strong> Salle 4, est absolument différent <strong>de</strong> l'Abricotierordinaire d'après ce qu'il.dit <strong>de</strong> la feuille et dufruit. M. Boissieret les divers collecteurs qui lui ont envoyé <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> <strong>de</strong> Syrieet du Liban ne paraissent pas avoir vu l'espèce. Spach 5 prétendqu'elle est indigène en Perse, mais sans en donner aucunepreuve. MM.Boissier et Buhse n'en parlent pas dans leur énumération<strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> <strong>de</strong> la Transcaucasie et <strong>de</strong> Perse.Il est inutile <strong>de</strong> chercher l'origine en Afrique. Les Abricotiersque Reynier 7 dit avoir vus presque sauvages » dans la HauteEgypte <strong>de</strong>vaient venir <strong>de</strong> noyaux jetés hors <strong>de</strong>s cultures, commecela se voit en Algérie 8.MM. Schweinfurth et Ascherson 9, dansleur catalogue <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> d'Egypte et Abyssinie, ne mentionnentl'espèce que comme cultivée. D'ailleurs, si elle avait existéjadis dans le nord <strong>de</strong> l'Afrique, les Hébreux et les Romains enauraient eu connaissance <strong>de</strong> bonne heure. Or il n'y a pas <strong>de</strong>nom hébreu, et Pline dit que l'introduction à Rome datait <strong>de</strong>trente années lorsqu'il écrivait son livre.Poursuivons notre recherche du côté <strong>de</strong> l'Orient.Les botanistes 10 anglo-indiens s'accor<strong>de</strong>nt à dire que l'Abricotier,généralement cultivé dans le nord <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> et au Thibet,n'y est pas spontané; mais ils ajoutent qu'il tend à se naturaliserou qu'on le trouve sur l'emplacement <strong>de</strong> villages abandonnés.MM. Schlagintweit ont rapporté plusieurs échantillons du nordouest<strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> et du Thibet, que M. A. Wesmael u a vérifiés;1.Tchihatcheff,AsieMineure,Botanique,vol. 1.2. K.Koch,Dendrologie, 1, p. 87.3.Nouv.ann. <strong>de</strong>s voyages, févr. 1839,p. 176.4. E. <strong>de</strong> Salle, Voyage,1,p. 140.5. Spach, Rist. <strong>de</strong>svég.phanêrog.,i, p. 389.6.Boissieret Buhse,Aufzâhlung<strong>de</strong>r auf eine Reise,etc,in-4,1860.7. Reynier,Economie<strong>de</strong>sEgyptiens,p. 371.8. Munbjr,Catal.,Fl. d'Algérie,p. i9 ed. 2.9. Schweinfurthet Acherson,Beitrsegezur flora ^Ethiopiens, in-4,1867,p. 259.10.Royle,Ill. of Himalaya,p. 205; Aitchison,Catal. of Punjab andSindh, p. 56 sir J. Hooker,Fl. of brit. India, 2, p. 313 Brandis,Forestflora ofN. W. and centralIndia, 191.li. Wesmael,dansBull.Soc. bot. Belgiq., 8, p 219.


ABRICOTIER.1^3mais, d'après ce qu'il a bien voulu m'écrire, il ne peut pasaffimer la qualité spontanée, l'étiquette <strong>de</strong>s collecteurs ne donnantaucune information à cet égard.Roxburgh 1, qui ne négligeait pas les questions d'origine, diten parlant <strong>de</strong> l'Abricotier « natif <strong>de</strong> Chine aussi bien que <strong>de</strong>l'ouest <strong>de</strong> l'Asie. » Or je lis dans le curieux opuscule du Dr Bretschnei<strong>de</strong>r2,rédigé à Pékin, le passage suivant, qui meparaît trancherla question en faveur <strong>de</strong> l'origine chinoise Sing, cor meon le sait bien, est l'abricot (Prunus Armeniaca). Le caractère(un signe chinois imprimé p. 10) n'existe, comme indiquant unfruit, ni dans le Shu-King ou les Shi-King, Cihouli, etc. mais leShan-hai King dit que plusieurs Sing croissent sur les collines(ici un caractère chinois). En outre, le nom <strong>de</strong> l'abricot estreprésenté par un caractère particulier, ce qui peut démontrerqu'il est indigène en Chine. » Le Shan-hai-King est attribué àl'empereur Yü, qui vivait en 2203-2198 avant Jésus-Christ. Decaisne3, qui a soupçonné le premier l'origine chinoise <strong>de</strong> l'abricot,avait reçu récemment du Dr Bretschnei<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s échantillonsaccompagnés <strong>de</strong> la note suivante « N° 24, Abricotier sauvage<strong>de</strong>s montagnes <strong>de</strong> Peking, où il croit en abondance. Le fruit estpetit (2 cent. 1/2 <strong>de</strong> diamètre). Sa peau est jaune et rouge; sachair est jaune rougeâtre, d'une saveur aci<strong>de</strong>, mais mangeable.No 23 noya-jx <strong>de</strong> l'Abricotier cultivé aux environs <strong>de</strong> Peking.Le fruit est <strong>de</strong>ux fois plus gros que le sauvage4. » Decaisneajoutaitdans la lettre qu'il avait bien voulu m'écrire «; Laforme etla surface <strong>de</strong>s noyaux sont absolument semblables à celles <strong>de</strong> nospetits abricots; ils sont lisses et non rugueux. » Les feuillesqu'il m'a envoyées sont bien <strong>de</strong> l'Abricotier.On ne cite pas l'abricotier dans la région du fleuve Amur, niau japon B.Peut-être le froid <strong>de</strong> l'hiver y est-il trop rigoureux.Si l'on réfléchit au défaut <strong>de</strong> communications, dans les tempsanciens, entre la Chine et l'In<strong>de</strong>, et aux assertions <strong>de</strong> l'indigénat<strong>de</strong> l'espèce dans ces <strong>de</strong>ux pays, on est tenté <strong>de</strong> croire au premieraperçu que la patrie ancienne s'étendait du nord-ouest <strong>de</strong>l'In<strong>de</strong> à la Chine. Cependant, si l'on veut adopter cette hypothèse,il faut admettre aussi que la culture <strong>de</strong> l'Abricotier seserait répandue bien tard du côté <strong>de</strong> l'ouest. On ne lui connaîten effet aucun nom sancrit ni hébreu, mais seulement un nomhindou, Zard-alu, etun nom persan, Mischmisch,qui apassé dansi. Roxburgh, Fl. ind., ed. 2, v. 2, p. 501.2. Bretschnei<strong>de</strong>r,On the study and value of chineseworksof boiawj,p. 10et 49.3.Decaisne, Jardin fruitier du Muséum,vol. 8, articleAbricotier.4. Le D''Bretschnei<strong>de</strong>rconfirmececi dans son opusculerécent a oieson botanicalquestions,p. 3.5. Le Prunus Armeniaca<strong>de</strong> Thunberg est le Pr. llfume<strong>de</strong> Siebol<strong>de</strong>tZuccarini. L'Abricotiern'est pas mentionnédans VEnumeratio,e^c, <strong>de</strong>Franchet et Savatier.


174 PLANTESCULTIVÉESPOUR LEURS FRUITSl'arabe 1. Comment supposer qu'un fruit aussi excellent et quis'obtient en abondance dans l'Asie occi<strong>de</strong>ntale se serait répandusi lentement du nord-ouest <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> vers le mon<strong>de</strong> grécoromain? Les Chinois le connaissaient <strong>de</strong>ux ou trois mille ansavant l'ère chrétienne. Ghang-Kien était allé jusqu'en Bactriane,un siècle avant cette ère, et il est le premier qui ait fait connaîtrel'Occi<strong>de</strong>nt à ses compatriotes 2. C'est peut-être alors quel'Abricotier a été connu dans l'Asie occi<strong>de</strong>ntale et qu'on a pu lecultiver et le voir se naturaliser, çà et là, dans le nord-ouest <strong>de</strong>l'In<strong>de</strong> et au pied du Caucase, par l'effet <strong>de</strong> noyauxjetés hors <strong>de</strong>splantations.Amandier. -Amygdalus communis, Linné. -Pruni species,Baillon. Prunus Amygdalus, Hooker fils.L'Amandier se présente, avec l'apparence tout à fait spontanéeou quasi spontanée, dans les parties chau<strong>de</strong>s et sèches <strong>de</strong> larégion méditerranéenne et <strong>de</strong> l'Asie occi<strong>de</strong>ntale tempérée. Commeles noyaux sortis <strong>de</strong>s cultures naturalisent facilement l'espèce,il faut recourir à <strong>de</strong>s indications variées pour <strong>de</strong>viner la patrieancienne.Ecartons d'abord l'idée d'une origine <strong>de</strong> l'Asie orientale. Lesflores japonaises ne parlent pas <strong>de</strong> l'amandier. Celui que M. <strong>de</strong>Bunge a vu cultivé dans le nord <strong>de</strong> la Chine, était le PersicaDavidiana s. Le Dr Bretschnei<strong>de</strong>r dans son opuscule classique,nous apprend qu'il n'a jamais vu l'Amandier cultivé en Chine,et que la compilation publiée sous le nom <strong>de</strong> Pent-sao, dans lex° ou xi" siècle <strong>de</strong> notre ère, le décrit comme un arbre du pays<strong>de</strong>s Mahométans, ce qui signifie le nord-ouest <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> ou laPerse.Les botanistes B anglo-indiens disent que l'Amandier est cultivédans les régions fraîches <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, mais quelques-uns ajoutentqu'il n'y prospère pas et qu'on fait venir beaucoup d'aman<strong>de</strong>s<strong>de</strong> Perse 6. On ne connaît aucun nom sanscrit, ni même <strong>de</strong>slangues dérivées du sanscrit. Evi<strong>de</strong>mment, le nord-ouest <strong>de</strong>l'In<strong>de</strong> est hors <strong>de</strong> la patrie originelle <strong>de</strong> l'espèce.Au contraire, <strong>de</strong> la Mésopotamie et du Turkestan jusqu'enAlgérie, il ne manque pas <strong>de</strong> localités dans lesquelles d'excellentsbotanistes ont trouvé l'Amandier tout à fait sauvage.M. Boissier 7 avu <strong>de</strong>s échantillons recueillis dans les rocailles en1. Piddington, In<strong>de</strong>x; /Rosburgh, FI. ind. e^fforskal, FI. Egypt. Delile,Ill. Egypt.2. Bretschnei<strong>de</strong>r, On the study and value of chinese botanical Works.3. Bretschnei<strong>de</strong>r, Early eu-opean researches, p. 149.4. Bretschnei<strong>de</strong>r, Study and value, etc., p. 10, et Early researcJies,p. 149.5. Brandis, Forest flora; sir J. Hooker, FI. of brit. India, 3, p. 313.6. Roxburgh, FI. ind., ed. 2, vol. 2, p. 500; Royle, III. Himal., p. 204.7. Boissier, FI. or., 3, p. 641.


AMANDIERMésopotamie, dans l'A<strong>de</strong>rbijan; le Turkestan, le Kurdistan etdans les forêts <strong>de</strong> l'Antiliban. Karl Koch 1 ne l'a pas rencontréà l'état sauvage au midi du Caucase, ni M. <strong>de</strong> Tchihatcheff enAsie Mineure, M. Cosson a trouvé <strong>de</strong>s bois naturels d Amandiersprès <strong>de</strong> Saïda, en Algérie. On le regar<strong>de</strong> aussi commesauvage sur les côtes <strong>de</strong> Sicile et <strong>de</strong> Grèce3; mais là, et plusencore dans les localités où il se montre en Italie, en Franceou en Espagne, il est probable ou presque certain que c'estle résultat <strong>de</strong> noyaux dispersés par hasard à la suite <strong>de</strong>s cultures.T i.L'ancienneté d'existence dans l'Asie occi<strong>de</strong>ntale est prouvéepar le fait <strong>de</strong> noms hébreux, Schaked, Luz ou Lus (qui estencore le nom arabe Louz), et <strong>de</strong> Sckekeditn, pour l'aman<strong>de</strong>Les Persans ont un autre nom, Badam, dont j'ignore le <strong>de</strong>gréd'ancienneté. Théophraste et Dioscori<strong>de</strong> 5 mentionnent l'Amandiersous un nom tout différent, Amugdalai, traduit par leslatins en Amygdalus. On peut en inférer que les Grecs n'avaientpas reçu l'espèce <strong>de</strong> l'intérieur <strong>de</strong> l'Asie, mais l'avaient trouvéechez eux ou au moins dans l'Asie Mineure. L'Amandier estfiguré plusieurs fois dans les peintures découvertes à PompeiaPline 7 doute que l'espèce fût connue en Italie du temps<strong>de</strong> Caton, parce qu'elle était désignée sous le nom <strong>de</strong> noixgrecque. Il est bien possible que l'Amandier eut été introduit<strong>de</strong>s îles <strong>de</strong> la Grèce à Rome. On n'a pas trouvé d'aman<strong>de</strong>s dansles « Terramare » du Parmesan, même dans les couches supérieures.J'avoue que le peu d'ancienneté <strong>de</strong> l'espèce chez les Romainset l'absence <strong>de</strong> naturalisation hors <strong>de</strong>s cultures en Sardaigne eten8 Espagne me font douter <strong>de</strong> l'indigénat sur la côte septentrionaled'Afrique et en Sicile. Ce sont plutôt, à ce qu'il semble,<strong>de</strong>s naturalisations remontant à quelques siècles. A l'appui <strong>de</strong>cette hypothèse, je remarque le nom berbère <strong>de</strong> 1 aman<strong>de</strong>Talouzet 9, qui se rattache évi<strong>de</strong>mment à l'arabe Louz, c'est-àdireà la langue <strong>de</strong>s conquérants venus après les Romains. Aucontraire, dans l'Asie occi<strong>de</strong>ntale et même dans certains points<strong>de</strong> la Grèce, on peut regar<strong>de</strong>r l'indigénat comme préhistorique,i. K. Koch, Dmd:ro~:6, 1, p. 80 Tchihatcheff, Asie ryfineure, Botaniqzze,1,P. 108. ~~nÂ.~M.Ma


176 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS FRUITSje ne dis pas primitif, car tout a été précédé <strong>de</strong> quelquechose.Notons, en terminant, que la différence <strong>de</strong>s aman<strong>de</strong>s douceset amères était déjà connue <strong>de</strong>s Grecs et même <strong>de</strong>s Hébreux.Pêcher. – Amygdalus Persica, Linné. Peesica vulgaris,Miller. Prunus Persica, Bentham et Hooker.Je citerai l'article 1 dans lequel j'avais naguère indiqué lapêche comme originaire <strong>de</strong> Chine, contrairement à l'opinion quirégnait alors et que <strong>de</strong>s personnes, peu au courant <strong>de</strong> la science,continuent à reproduire. Je donnerai ensuite les faits découverts<strong>de</strong>puis« 1855.Les Grecs et les Romains ont reçu le Pêcher à peu près aucommencement <strong>de</strong> l'ère chrétienne. » Lesnoms <strong>de</strong> Persica, Malumpersicum indiquaient d'où ils l'avaient tiré. Je ne reviens pas.sur ces faits bien connus 2.On cultive aujourd'hui divers Pêchers dans le nord <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> 3mais, chose remarquable, on ne leur connaît aucun nom sanscrit4 d'où l'on peut inférer une existence et une culture peuanciennes dans ces régions. Roxburgh, ordinairement si explicitepour les noms indiens mo<strong>de</strong>rnes, ne mentionne que <strong>de</strong>s nomsarabes et chinois. Piddington n'indique aucun nom indien, etRoyle donne seulement <strong>de</strong>s noms persans.Le Pêcher ne réussit pas ou exige <strong>de</strong> très grands soins pourréussir dans le nord-est <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> 5. En Chine, au contraire, saculture remonte à la plus haute antiquité. Il existe dans cepays une foule d'idées superstitieuses et <strong>de</strong> légen<strong>de</strong>s sur les propriétés<strong>de</strong> diverses variétés <strong>de</strong> pêches6 le nombre <strong>de</strong> ces variétésest très considérable 7; en particulier, on y trouve la1. Alph. <strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>,Gêogr.bot.rais., p. 881.2. Theophrastes, Hist.,IV,c. IV; Dioscori<strong>de</strong>s,1.1, c. CLXIV;Pline, édit.<strong>de</strong> Genève,1. XV,c. XIII..3. Royle,Ill. Him.,p. 204.4.Roxburgh,FI.Ind., 2eédit.,II, p. 500;Piddington,In<strong>de</strong>x; Royle, l. c.5. SirJos. Hooker, Journ. of bot., 1850,p.6.Rose,chefdu commercefrançaisà Canton,les 54.avaitrecueilliesd'après<strong>de</strong>s manuscrits chinois, et Noisette(Jard. fruit, 1, p. 76) a transcrittextuellementune partie <strong>de</strong> sonmémoire.Cesont <strong>de</strong>s faits dans le genre<strong>de</strong> ceux-ci Les Chinoisconsidèrentles pêches allongéesen pointebien etrouges d'un côté commele symbole d'une longe vie. En conséquence<strong>de</strong>cette antiquepersuasion, ces pêches entrent dans tous les ornements,en peinture et en sculpture, et surtout dans les présentscongratulations,etc. Selon le livre <strong>de</strong> Chin-noug-king,la <strong>de</strong>pêche Yuprévientla mort si l'on n'a pas pu la mangerà temps,elle préserve aumoinsle corps<strong>de</strong> la corruptionjusqu'à la findu mon<strong>de</strong>.On cite toujoursla pêchedansles fruits d'immortalitédont on a bercéles espérances <strong>de</strong>Tsinchi-Hoang, <strong>de</strong>Vouty,<strong>de</strong>s Hanet autres empereursqui prétendaientl'immortalité,etc.à7.Lindley,Trans.hort. soc.,V, p. 121.


PÊCIIER 177forme singulière <strong>de</strong> la pêche déprimée 1, qui parait s'éloignerplus qu'aucune autre <strong>de</strong> l'état naturel <strong>de</strong> l'espèce; enfin, un nomsimple, celui <strong>de</strong> To, est donne à la pêche ordinaire 2.« D'après cet ensemble <strong>de</strong> faits, je suis porté à croire que lePêcher est originaire <strong>de</strong> Chine plutôt que <strong>de</strong> l'Asie occi<strong>de</strong>ntale.S'il avait existé <strong>de</strong> tout temps en Perse ou en Arménie, la connaissanceet la culture d'un arbre aussi agréable se seraientrépandues plus tôt dans l'Asie Mineure et la Grèce. L'expéditiond'Alexandre est probablement ce qui l'avait fait connaître àThéophraste (322 avant J.-C.) lequel en parle comme d'unfruit <strong>de</strong> Perse. Peut-être cette notion vague <strong>de</strong>s Grecs remontet-elleà la retraite <strong>de</strong>s Dix mille (401 avant J.-C.) mais Xénophonne mentionne pas le Pêcher. Les livres hébreux n'en fontaussi aucune mention. Le Pêcher n'a pas <strong>de</strong> nom en sanscrit,et cependant le peuple parlant cette langue était venu dansl'In<strong>de</strong> du nord-ouest, c'est-à-dire <strong>de</strong> la patrie ordinairement présuméepour l'espèce. En admettant cette patrie, comment expliquerque ni les Grecs <strong>de</strong>s premiers temps <strong>de</strong> la Grèce, ni lesHébreux, ni le peuple parlant sanscrit, qui ont tous rayonné <strong>de</strong>la région supérieure <strong>de</strong> l'Euphrate ou communiqué avec elle,n'auraient pas cultivé le Pêcher ? Au contraire, il est très possibleque <strong>de</strong>s noyaux d'un arbre fruitier cultivé <strong>de</strong> toute anciennetéen Chine aient été portés, au travers <strong>de</strong>s montagnes, ducentre <strong>de</strong> l'Asie en Cachemir, dans la Bouckarie et la Perse.Les Chinois avaient découvert cette route <strong>de</strong>puis un temps trèireculé. L'importation aurait été faite entre l'époque <strong>de</strong> l'émigrationsanscrite et les relations <strong>de</strong>s Perses avec les Grecs. Laculture du Pêcher, une fois établie dans. ce point, aurait marchéfacilement, d'un côté vers l'occi<strong>de</strong>nt, <strong>de</strong> l'autre, par leCaboul, vers le nord <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, où elle n'est pas très ancienne.« A l'appui <strong>de</strong> l'hypothèse d'une origine chinoise, on peutajouter que le Pêcher a été introduit <strong>de</strong> Chine en Cochinchine 3,et que les Japonais donnent à la pêche le nom chinois <strong>de</strong> Tao i.M. Stanislas Julien a eu l'obligeance <strong>de</strong> me lire en françaisquelques passages <strong>de</strong> V Encyclopédiejaponaise (liv.LXXXVI,p. 7),où le Pêcher Tao est dit un arbre <strong>de</strong>s contrées occi<strong>de</strong>ntales,chose qui doit s'entendre <strong>de</strong>s parties intérieures <strong>de</strong> la Chine, relativementà la côte orientale, puisque le fragment est tiré d'un.auteur chinois. Le Tao est déjà dans les livres <strong>de</strong> Confucius, auve siècle avant l'ère chrétienne, et même dans le Rituel, duXe siècle avant Jésus-Christ. La qualité <strong>de</strong> plante spontanée1. Trans. hort. soc.Lond.,IV, p. 512,tab. 19.2. Roxburgh,l. c.3. Loureiro,FI. coch.,p. 386.4. Kœmpfer, Amoen.,p. 798 Thnnberg,Fl. Jar., p. 199.Kœmpferet Thunbergindiquent aussi le nom <strong>de</strong> Momv,mais M. <strong>de</strong>'Siebold{FI.Jap., 1, p. 29)attribue un nom assezsemblable,Mume,à unPrunier, Prunus Mume,Sieb. et Z.DE Casdolle. 12


178 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS FRUITSn'est pas spécifiée dans V Encyclopédie dont je viens <strong>de</strong> parler;'rmais, à cet égard, les auteurs chinois sont peu attentifs.Après quelques détails sur les noms vulgaires <strong>de</strong> la pêchedans diverses langues, je disais L'absence <strong>de</strong> noms sanscrits ethébreux reste le fait le plus important, duquel on peut inférerune introduction dans l'Asie occi<strong>de</strong>ntale venant <strong>de</strong> plus loin,c'est-à-dire <strong>de</strong> Chine. »« Le Pêcher a été trouvé spontané dans plusieurs points <strong>de</strong>l'Asie; mais on peut toujours se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r s'il y était d'origineprimitive, ou par le fait <strong>de</strong> la dispersion <strong>de</strong>s noyaux provenant<strong>de</strong> pieds cultivés. La question est d'autant plus nécessaire queces noyaux germent facilement et que plusieurs <strong>de</strong>s modificationsdu Pêcher sont héréditaires 1. Des pieds en apparencespontanés ont été trouvés fréquemment autour du Caucase.Pallas 2 en a vu sur les bords du Terek, où les habitants luidonnent un nom qu'il dit persan, Scheptala3. Les fruits en sontvelus, âpres (austeri), peu charnus, à peine plus gros que ceuxdu Noyer; la plante petite. Pallas soupçonne que cet arbusteprovient <strong>de</strong> Pêchers cultivés. Il ajoute qu'on le trouve en Crimée,au midi du Caucase et en Perse; mais Marshall Bieberstein,C.-A. Meyer et Hohenacker n'indiquent pas <strong>de</strong> Pêcher sauvageautour du Caucase. D'anciens voyageurs, Gmelin, Gûl<strong>de</strong>nstsedtet Georgi, cités par Le<strong>de</strong>bour, en ont parlé. C. Koch 4 est le seulbotaniste mo<strong>de</strong>rne qui dise avoir trouvé le Pêcher en abondancedans les provinces caucasiennes. Le<strong>de</strong>bour ajoute cependantavec pru<strong>de</strong>nce Est-il spontané? Les noyaux que Bruguière etOlivier avaient apportés d'Ispahan, qui ont été semés à Paris etont donné une bonne pèche velue, ne venaient pas, comme ledisait Bosc 5, d'un Pêcher sauvage en Perse, mais d'un arbre<strong>de</strong>s jardins d'Ispahan °. Je ne connais pas <strong>de</strong> preuves d'un Pêchertrouvé sauvage en Perse, et, si <strong>de</strong>s voyageurs en indiquent,on peut toujours craindre qu'il ne s'agisse d'arbres semés. Ledocteur Royle 7 dit que le Pêcher croit sauvage dans plusieursendroits du midi <strong>de</strong> l'Himalaya, notamment près <strong>de</strong> Mussouri;mais nous avons vu que dans ces régions la culture n'en est pasancienne, et ni Roxburgh ni le Flora nepalensis <strong>de</strong> Don n'indiquent<strong>de</strong> Pêcher sauvage. M. Bunge 8 nJa trouvé dans le nord<strong>de</strong> la Chine que <strong>de</strong>s pieds cultivés. Ce pays n'a guère été exploré,,et les légen<strong>de</strong>s chinoises semblent indiquer quelquefois <strong>de</strong>s Pê-1. Noisette,Jard. fi' p. 77 Trans.Soc.kart. Lond.,IV, p. S13.2. Pallas,Fl. ross.,p. 13.3. Shuft-aloo(prononcezSchouft-alou),est le mot persan <strong>de</strong> la pêchelisse, d'après Royle(Ill. Him.,p. 204)..4. Le<strong>de</strong>bour,FI.ross.1,p. 3.Voir,p. 181,l'opinionsubséquente<strong>de</strong> Koch.5.Bosc, Dict. d'agj' IX,p. 481.6. Thouin,Ann. Mes.,VIII,p. 433.7. Royle,Ill. Him p. 204.8.Bunge, Enum. plant, chin.,p. 23.


PÊCHER 179chers spontanés. Ainsi, le 'Chou-y-ki, d'après l'auteur cité précé<strong>de</strong>mment,porte « Quiconque mange <strong>de</strong>s pêches <strong>de</strong> la montagne<strong>de</strong> Kouoliou obtient une vie éternelle. » Pour le Japon,Thunberg 1 dit « Crescit ubique vulgaris, prœcipue juxtaNagasaki. In omni horto colitur ob elegantiam ilorum. » IIsemble, d'après ce passage, que l'espèce croît hors <strong>de</strong>s jardinset dans les jardins: mais peut-être il s'agit seulement, dans lepremier cas, <strong>de</strong> Pêchers cultivés en plein vent.« Je n'ai rien dit encore <strong>de</strong> la distinction à établir entre les différentesvariétés ou espèces <strong>de</strong> Pêchers. C'est que la plupart sont<strong>cultivées</strong> dans tous les pays, du moins les catégories bien tranchéesque l'on pourrait considérer comme <strong>de</strong>s espèces botaniques.Ainsi la gran<strong>de</strong> distinction <strong>de</strong>s pêches velues et <strong>de</strong>s pêcheslisses, sur laquelle on a proposé <strong>de</strong>ux espèces [Persica vulgaris,Mill, et P. lœvis, D C.) se trouve au Japon et en Europe, ainsique dans la plupart <strong>de</strong>s pays intermédiaires 3. On accor<strong>de</strong> moinsd'importance aux distinctions fondées sur l'adhérence ou nonadhérence<strong>de</strong> la peau superficielle, sur la couleur blanche,jaune ou rouge <strong>de</strong> la chair, et sur la forme générale du fruit.Les <strong>de</strong>ux gran<strong>de</strong>s catégories <strong>de</strong> pêches, velues et lisses, offrentla plupart <strong>de</strong> ces modifications, et cela en Europe, dans l'Asieocci<strong>de</strong>ntale et probablement en Chine. Il est certain que dansce <strong>de</strong>rnier pays la forme varie plus qu'ailleurs, car on y voit,comme en Europe, <strong>de</strong>s pêches allongées, et <strong>de</strong> plus <strong>de</strong>s pêchesdont je parlais tout à l'heure, qui sont entièrement déprimées,où le sommet du noyau n'est pas même recouvert <strong>de</strong>chair*. La couleur y varie aussi beaucoup B. En Europe, lesvariétés les plus distinctes, en particulier les pêches lisseset velues, à noyau adhérent ou non adhérent, existaientdéjà il y a trois siècles, car J. Bauhin les énumère avec beaucoup<strong>de</strong> clarté 6, et avant lui Dalechamp, en 1587, indiquaitaussi les principales 7.A cette époque, les pêches lisses étaientappelées Nucipersica, à cause <strong>de</strong> leur ressemblance <strong>de</strong> forme, <strong>de</strong>grosseur et <strong>de</strong> couleur avec le fruit du Noyer. C'est dans le mêmesens que les Italiens les appellent encore Pescanoce.« J'ai cherché inutilement la preuve que cette pêche lisseexistât chez les anciens Romains. Pline 8, qui mélange dans sacompilation <strong>de</strong>s Pêchers, <strong>de</strong>s Pruniers, le Laurus Persea etd'autres arbres peut-être, ne dit rien qui puisse s'entendre d'un1. Thunberg, FI. Jap., p. 199.2.Thunberg,Fl. Jap., p. 199.3. Lesrelationssur la Chine,que j'ai consultées,ne parlent pas <strong>de</strong> lapêche lisse; mais, commeelle existeau Japon, il est infiniment probablequ'elleest aussi en Chine.4. Noisette,l. c.; Tram. Soc./tort., IV, p. 512,tab. 19.5. LindleyȚrans.hort..Soc, V, p. 122.6. J. Bauhin,Hist., 1, p. 162et 163.7. Dalechamp.Hist.,1, p. 295.8. Pline, 1.XV,ch. 12et 13,


180 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS FRUITSfruit pareil. On a cru quelquefois le reconnaître dans les luberesdont il parle 1. C'était un arbre apporté <strong>de</strong> Syrie du temps d'Auguste.Il y avait <strong>de</strong>s Tuberes blanches et <strong>de</strong>s rouges. D'autres(Tuberes? ou Mala?) <strong>de</strong>s environs <strong>de</strong> Vérone étaient velues. Lereste du chapitre paraît concerner les Mala seulement. Des versélégants <strong>de</strong> Pétrone, cités par Dalechamp 2,prouvent clairementque les Tuberes <strong>de</strong>s Romains du temps <strong>de</strong> Néron étaient un fruitglabre; mais ce pouvait être le Jujubier (Zizyplius), le Diospyros,ou quelque Cratsegus, aussi bien que le Pêcher à.fruit lisse. Chaqueauteur, à l'époque <strong>de</strong> la Renaissance, a eu son opinion à cetégard ou s'est mis à critiquer l'assertion <strong>de</strong>s autres 3. Peut-êtrev avait-il <strong>de</strong>s Tuberes <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ou trois espèces, comme le ditPline, et l'une d'elles, qui se greffait sur les Pruniers 4,était-ellela pêche lisse? Je doute qu'on puisse jamais éclaircir cette question8.« En admettant même que le Nucipersica eût été introduit enEurope seulement au moyen âge, on ne peut se refuser à constaterle mélange dans les cultures européennes <strong>de</strong>puis plusieurssiècles, et au Japon <strong>de</strong>puis un temps inconnu, <strong>de</strong> toutes les qualitésprincipales <strong>de</strong> pêches. Il semble que ces qualités diverses sesoient produites partout au moyen d'une espèce primitive, quiaurait été la pêche velue. S'il y avait eu d'origine <strong>de</strong>ux espèces,ou elles auraient été dans <strong>de</strong>s pays différents, et leur culture seserait établie séparément, ou elles auraient été dans le mêmepays, et dans ce cas il est probable que les anciens transportsauraient introduit ici une <strong>de</strong>s espèces, ailleurs l'autre. »J'insistais, en 185b, sur d'autres considérations pour appuyerl'idée que la pêche lisse ou Brugnon (Nectarine <strong>de</strong>s Anglais)est issue du Pêcher ordinaire; mais Darwin a cité un si grandnombre <strong>de</strong> cas dans lesquels une branche <strong>de</strong> Nectarine estsortie tout à coup d'un Pêcher à fruit velu, qu'il est inutile d'enparler davantage. J'ajouterai seulement que le Brugnon atoutes les apparences d'un arbre factice. Non seulement on nel'a pas trouvé sauvage, mais il ne se naturalise pas hors <strong>de</strong>sjardins, et chaque pied dure moins que les Pêchers ordinaires.C'est une forme affaiblie.a La facilité, disais-je, avec laquelle nos Pêchers se sont multipliés<strong>de</strong> semis en Amérique et ont donné, sans le secours <strong>de</strong>la greffe, <strong>de</strong>s fruits charnus, quelquefois très beaux, me faitcroire que l'espèce est dans un état naturel, peu altéré par une1. Pline, Dediv.gen.malorum,1.2, c. 14.2.Daeihamp,Hih., 1,p. 358.3. Dalechamp, l. c.; Malthioli,p. 122; Cœsalpinus,p. 107;J. Bauhin,t. 1U3,etc.4. Pline,1. 17, c. 10.. “5. Je n'ai pas pu découvrirun nomitalien <strong>de</strong>fruit glabre ou autre quidérive <strong>de</strong> tuber ou tuberes. C'estune chose singulière,car, en général,les anciensnoms<strong>de</strong> fruits se sont conservéssousquelqueforme.


PÊCHERnr « • 1 T J TH_» Tr£«n.î nîn nilongue culture ou par <strong>de</strong>s fécondations hybri<strong>de</strong>s. En Virginie etdans les Etats voisins, on a <strong>de</strong>s pêches provenant d'arbressemés, non greffés, et leur abondance est si gran<strong>de</strong> qu'on estobligé d'en faire <strong>de</strong> l'eau-<strong>de</strong>-vie Sur quelques pieds, lesfruits sont magnifiques 2. A Juan-Fernan<strong>de</strong>z, dit Bertero s, lePêcher est si abondant, qu'on ne peut se faire une idée <strong>de</strong> laquantité <strong>de</strong> fruits qu'on en récolte; ils sont en général très bons,malgré l'état sauvage dans lequel ils sont retombés. D'aprèsces exemples, il ne serait pas surprenant que les Pêchers sauvages,à fruits médiocres, trouvés dans l'Asie occi<strong>de</strong>ntale, fussenttout simplement <strong>de</strong>s pieds naturalisés sous un climat peufavorable, et que l'espèce fût originaire <strong>de</strong> Chine, où la cultureparaît la plus ancienne. »Le D? Bretschnei<strong>de</strong>r entouré à Peking <strong>de</strong> toutes les ressources<strong>de</strong> la littérature chinoise, après avoir lu ce qui précè<strong>de</strong>,s'est contenté <strong>de</strong> dire « Tao est le Pêcher. De Gandolle penseque la Chine est le pays natal <strong>de</strong> la Pêche. Il peut avoir raison(He mayberight). »L'ancienneté d'existence et la spontaneité <strong>de</strong> l'espèce dansl'Asie occi<strong>de</strong>ntale sont <strong>de</strong>venues plus douteuses qu'en 1855. Lesbotanistes anglo-indiens parlent du Pêcher comme d'un arbreuniquement cultivé 5, ou cultivé et se naturalisant dans le nordouest<strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, avec une apparence spontanée 6. M. Boissier 7cite <strong>de</strong>s échantillons recueillis dans le Ghilan et au midi duCaucase, mais il n'affirme rien quant à la qualité spontanée, etKarl Koch après avoir parcouru cette région, dit en parlantdu Pêcher Patrie inconnue, peut-être la Perse. » M.Boissier avu <strong>de</strong>s pieds qui se sont établis dans les gorges du montHymette, près d'Athènes.Le Pêcher se répand avec facilité dans les pays où on le cultive<strong>de</strong> sorte qu'on a <strong>de</strong> la peine à savoir si tel individu estd'origine naturelle, antérieure à la culture, ou s'il est naturalise; imais c'est en Chine qu'on a certainement commencé à le planter;c'est là qu'on en a parlé <strong>de</strong>ux mille ans avant l'introductiondans le mon<strong>de</strong> gréco-romain, un millier d'années peut-être avantl'introduction dans les pays <strong>de</strong> langue sanscrite.Le groupe <strong>de</strong>s Pêchers (genre ou sous-genre) se composemaintenant <strong>de</strong> cinq formes, que Decaisne 9 considérait comme<strong>de</strong>s espèces, mais que d'autres botanistes appelleront volontiers1. Bradd'ck.Trans. hort. Soc.Lond., 2, p. 205.2. Ibid., pl. 13.3. Betero, dansAnn.se. nat., XXI,p. 350.4. Bretschnei<strong>de</strong>r,On the stufrj and value of chinesebotanicalwoik,,P>S.SirJ. Hooker,FI. ofbrit. India, 2, p. 313.6. Brandis,Forestflora, etc., p. 191.7.Boissier,Floraorientalis,2, p. 640.8. K. Koch,Dendrologie, 1, p. 83.9. Decaisne,Jardin fruitier du Muséum.Pèchers,p. 42.181


182 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS FRUITS<strong>de</strong>s variétés. L'une est le Pêcher ordinaire, la secon<strong>de</strong> est lePêcher à fruit lisse, que nous savons être issu du premier; latroisième est le Pêcher à fruit déprimé(P.platyeaiya, Decaisne),cultivé en Chine, et les <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rnières sont indigènes en Chine(P. Simonii, Decaisne, et P. Davidii, Carrière) c'est donc ungroupe essentiellement <strong>de</strong> Chine.Il est difficile, d'après cet ensemble <strong>de</strong> faits, <strong>de</strong> ne pas admettrepour le Pêcher ordinaire l'origine chinoise que j'avaissupposée jadis d'après <strong>de</strong>s documents moins nombreux. L'arrivéeen Italie au commencement <strong>de</strong> l'ère chrétienne est confirméeaujourd'hui par l'absence <strong>de</strong> noyaux <strong>de</strong> pêches dans lesterramare, ou habitations lacustres <strong>de</strong> Parme et <strong>de</strong> Lombardie,et par la présence du Pêcher dans les peintures <strong>de</strong>s maisonsriches <strong>de</strong> Pompeia 1.Ilme reste à parler d'une opinion émise autrefois par A. Knightet soutenue par plusieurs horticulteurs, que le Pêcher serait unemodification <strong>de</strong> l'Amandier. Darwin a a réuni les documentsà l'appui <strong>de</strong> cette idée, sans oublier d'en citer un qui lui a parucontraire. Cela se résume en 1° une fécondation croisée, quia donné à Knight <strong>de</strong>s résultats assez douteux; 20 <strong>de</strong>s formesintermédiaires, quant à l'abondance <strong>de</strong> la chair et au noyau,obtenues <strong>de</strong> semis <strong>de</strong> pêches ou, par hasard, dans les cultures,formes dont la pêche-aman<strong>de</strong> est un exemple connu <strong>de</strong>puislongtemps. Decaisne 3 signalait <strong>de</strong>s différences entre l'Amandieret le Pêcher dans la taille et dans la longueur <strong>de</strong>s feuilles,indépendamment <strong>de</strong>s noyaux. Il traite l'idée <strong>de</strong> Knight <strong>de</strong> « singulièrehypothèse ».La géographie botanique est contre cette hypothèse carl'Amandier est un arbre originaire <strong>de</strong> l'Asie occi<strong>de</strong>ntale, quin'existait pas autrefois dans le centre du continent asiatiquedont l'introduction en etChine, comme arbre cultivé, ne remontepas au <strong>de</strong>là <strong>de</strong> l'ère chrétienne. Les Chinois, <strong>de</strong> leur côté, possédaient,<strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s milliers d'années, différentes formes du Pêcherordinaire et en outre les <strong>de</strong>ux formes spontanées dont j'aiparlé. L'Amandier et le Pêcher étant partis <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux régions trèséloignées l'une <strong>de</strong> l'autre, on ne peut guère les considérer commeune même espèce. L'un était cantonné en Chine, l'autre en Syrieet Anatolie. Le Pêcher, après avoir été transporté <strong>de</strong> Chine dansl'Asie centrale et, un peu avant l'ère chrétienne, dans l'Asieocci<strong>de</strong>ntale, ne peut pas avoir produit alors l'Amandier, puisquece <strong>de</strong>rnier arbre existait déjà dans le pays <strong>de</strong>s Hébreux. Et, sil'Amandier <strong>de</strong> l'Asie occi<strong>de</strong>ntale avait produit le pêcher, commentcelui-ci se serait-il trouvé en Chine à une époque trèsreculée, tandis qu'il manquait au mon<strong>de</strong> gréco-romain?1. Comes,Illustr. piantenei dipintiPompeïani,p. 14.2. Darwin,On variations,etc., 1,p. 33S.3. Decaisne,l. c.^p.2.


POIRIER COMMUN 183Poirier commun. -Pyrus communis Linné.Le Poirier se montre à l'état sauvage dans toute l'Europetempérée et dans l'Asie occi<strong>de</strong>ntale, en particulier en Anatolie,au midi du Caucase et dans la Perse septentrionale t, peut-êtreSe dans le Cachemir, mais ceci est très douteux Quelquesauteurs admettent que l'habitation s'étend jusqu'en Chine. CelaSt ace qu'ils considèrent le Pyrus sinensis, Lindley, commeappartenantà la même espèce. Or l'inspection seule <strong>de</strong>s feuilles,où les <strong>de</strong>ntelures sont terminées par une soie fine, m'a convaincu<strong>de</strong> la diversité spécifique <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux arbresNotre Poirier sauvage ne diffère pas beaucoup <strong>de</strong> certainesvariétés <strong>cultivées</strong>. Il a un fruit acerbe, tacheté, <strong>de</strong> forme aminciedans le bas ou presque sphérique, sur le même pied Pourbeaucoup d'autres espèces <strong>cultivées</strong>, on a <strong>de</strong> la peine à distinguerles individus venant d'une origine sauvage <strong>de</strong> ceux que le hasard<strong>de</strong>s transports <strong>de</strong> graines a fait naître loin <strong>de</strong>s habitations. Dansle cas actuel, ce n'est pas aussi difficile. Les Poiriers se trouventsouvent dans les forêts, et ils atteignent une taille élevée, avectoutes les conditions <strong>de</strong> fertilité d'une plante indigène 5. Voyonscependantsi,dans la vaste étendue qu'ils occupent, on peut soupçonneruneexistence moins ancienne ou moins bien établie danscertaines contrées que dans d'autres..nOn ne connaît aucun nom sanscrit pour la poire, d'où il estpermis d'affirmer que la culture dansle nord-ouest <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> dateS'une époque peu ancienne, et que l'indication, d ailleurs tropvague, <strong>de</strong> pieds spontanés dans le Cachemir, n'a pas d'importance.Il n'y a pas non plus <strong>de</strong> noms hébreux ou araméens 6,mais cela s'explique par le fait que le Poirier ne s'accom mo<strong>de</strong>pas<strong>de</strong>s pays chauds dans lesquels ces langues étaient parlées.Homère, Théophraste et Discori<strong>de</strong> mentionnent le Poiriersous les noms d'Ocknai, Apios ou Achras. Les Latins 1 appelaientPirus ou Pyrus 7, et ils en cultivaient un grand nombre <strong>de</strong>1.Le<strong>de</strong>bour,Fl. ross.,2, p. 94; et surtoutBoissier,Fl. orient.,2,p. 633,qui a vérifié plusieurs2. Sir J. Hooker,FI échantillons.brit. India,2, p. 374.3.LeP. sinensisdécritpar Lindley est malfiguréquant aux <strong>de</strong>ntelures <strong>de</strong>sfeuillesdans la planche duBotaJcalregister, et au contraireparfaitementbien dans celle duJardin fruitier du Muséum <strong>de</strong> Décaisse.C'estla même.espèceque le P. usmrieusis, Maximcrwicz, <strong>de</strong> l'Asieorientale.4. II est figuré très bien dans le nouveauDuhamel,b, pl. 59, et dansDecaisne,Jardin fi·zGitierdu Diuséurn, pl. 9 Rg B et C. LeP. Balaras~,p~.6, du mêmeouvrage,parait semblableșelonl'observation<strong>de</strong> M.Boissier.5. C'estle cas,par exemple, dans les forêts <strong>de</strong> la Lorraine,d'aprèslesobservations<strong>de</strong>Godron,De ~M~-o&aMe~PoM6~ cultivés,br. ill-S. 1.S13, p. 6.^'e^Rosfnmûller, Bibl.Altertk.; Low,AramaeischePflanzennamen, 1881.7. L'orthographePyrus. adoptée par Linné,se trouve dansPline, Historia,ed 1631,p. 301. Quelques botanistes ont vouluraffineren écrivantPirus, et il en résulte que, pour une recherchedans un livremo<strong>de</strong>rne,ilfaut consulter l'in<strong>de</strong>x dans <strong>de</strong>uxendroits,ou risquer <strong>de</strong> croire que les


484 PLANTES CULTIVÉES POURLEURS FRUITSvariétés, du moins à l'époque <strong>de</strong> Pline. Les peintures murales <strong>de</strong>-Pompeia montrent souvent cet arbre avec son fruitLes lacustres <strong>de</strong> Suisse et d'Italie récoltaient les pommessauvages en gran<strong>de</strong> quantité et dans ces provisions il s'esttrouvé quelquefois, mais rarement, <strong>de</strong>s poires. M. Heer en afiguré une <strong>de</strong>s stations <strong>de</strong> Wangenet Robenhausen, sur laquelleon ne peut se méprendre. C'est un fruit aminci dans le bas, ayant28 millimètres <strong>de</strong> long et 1 <strong>de</strong> large, coupé longitudinalement<strong>de</strong> manière à montrer une chair fort peu épaisse autour <strong>de</strong> lapartie cartilagineuse centrale 2. On n'en a pas trouvé dans lesstations du lac du Bourget, en Savoie. Dans celles <strong>de</strong> Lombardie,le professeur Ragazzoni 3 a trouvé une poire, coupée en long,ayant 25 millimètres sur 16. Elle était à Bar<strong>de</strong>llo, dans le lac <strong>de</strong>Yarèse. Les poires sauvages figurées dans le Nouveau Duhamelont 30-33 millimètres, sur 30-32, et celles du Laristan, figuréesdans le Jardin fruitier du Muséum sous le nom <strong>de</strong> P. Balansse,qui me paraissent <strong>de</strong> la même espèce et d'origine bien spontanée,ont 26-27 millimètres sur 24-25. Dans ces poires sauvages actuellesla chair est un peu plus épaisse, mais les anciens lacustresavaient fait sécher leurs fruits après les avoir coupés en long,ce qui doit en avoir diminué l'épaisseur. Les stations indiquéesn'accusent la connaissance ni <strong>de</strong>s métaux ni du chanvre; mais,vu leur éloignement <strong>de</strong> localités plus civilisées <strong>de</strong>s temps anciens,surtout lorsqu'il s'agit <strong>de</strong> la Suisse, il est possible que les restesdécouverts ne soient pas antérieurs à la guerre <strong>de</strong> Troie ou à lafondation <strong>de</strong> Rome.J'ai cité trois noms <strong>de</strong>l'ancienne Grèceet un nomlatin, mais ilyen a beaucoup d'autres par exemple, en arménien et géorgien,Pauta; en hongrois, Vatzkor; dans les langues slaves, Gruscha(russe), Hrusska (bohême), KrusJca (illyrien). Des noms analoguesau Pyrus <strong>de</strong>s Latins se trouvent dans les langues celtiques Peir(irlandais), Per (cymrique et armoricain) 4. Je laisse les linguistesfaire<strong>de</strong>s conjectures sur l'origine plus ou moins aryenne <strong>de</strong> plusieurs<strong>de</strong> ces noms et du Birn <strong>de</strong>s Allemands, mais je note leur'diversité et multiplicité comme un indice d'existence fort ancienne<strong>de</strong>l'espèce <strong>de</strong>puis la mer Caspienne jusqu'à l'Atlantique. LesAryas n'ont sûrement pas emporté dans leurs migrationsl'ouest <strong>de</strong>s verspoires ou <strong>de</strong>s pépins <strong>de</strong> poires; mais, s'ils ont retrouvéen Europe un fruit qu'ils connaissaient, ils lui auront donné lenom ou les noms usités chez eux, tandis que d'autres noms an-Poiriersne sontpas dans l'ouvrage. En tout cas le nom <strong>de</strong>s anciens estun nom vulgaire,maisle nomvraimentbotaniqueest celui<strong>de</strong>Linné,fondateur<strong>de</strong> la nomenclatureadoptée,et Linnéa écrit Pyrus.1.Comès,Ill. pianiedipinliPompeiani,p. 59.2. Heer,Pfahlbauten,p. 24,26,fig. 7.3. Sor<strong>de</strong>lli,Notiziestaz. lacustreai Lagozza,p. 37.4.Nemnich,PolyglottḶexiconNaturgescli Ad.Pictet,<strong>Origine</strong>sindo-europtenues,1,p. 277;et monDictionnairemanuscrit<strong>de</strong>nomsvulgaires.


POIRIER SAUGER 185térieurs ont pu continuer dans quelques pays. Comme exemple<strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier cas, je citerai <strong>de</strong>ux noms basques du Poirier,Udarea et Madaria 1, qui n'ont aucune analogie avec les nomsasiatiques ou européens déjà connus. Les Basques étant probablement<strong>de</strong>s Ibères subjugués et refoulés vers les Pyrénées parles Celtes, l'ancienneté <strong>de</strong> leur langue est très gran<strong>de</strong>, et, pourl'espèce en question, il est clair qu'ils n'ont pas reçu les noms<strong>de</strong>s Celtes ou <strong>de</strong>s Romains.En définitive, on peut regar<strong>de</strong>r l'habitation actuelle du Poirier<strong>de</strong> la Perse septentrionale à la côte occi<strong>de</strong>ntale <strong>de</strong> l'Europe tempérée,principalement dans les régions montueuses, commepréhistorique et même antérieure à toute culture. Il faut ajouternéanmoins que dans le nord <strong>de</strong> l'Europe et dans les îles britanniquesla fréquence <strong>de</strong>s cultures a dû étendre et multiplier <strong>de</strong>snaturalisations d'une époque relativement mo<strong>de</strong>rne, qu'on nepeut guère distinguer maintenant.Je ne saurais me ranger à l'hypothèse <strong>de</strong> Godron que lesnombreuses variétés <strong>cultivées</strong> proviennent d'une espèce asiatiqueinconnue 2. Il semble qu'elles peuvent se rattacher, comme le ditDecaisne, au P. communis ou au P. nivalis, dont je vais parler,en admettant les effets <strong>de</strong> croisements acci<strong>de</strong>ntels, <strong>de</strong> la cultureet d'une longue sélection. D'ailleurs on a exploré l'Asie occi<strong>de</strong>ntaleassez complètement pour croire qu'elle ne renferme pasd'autres espèces que celles déjà décrites.Poirier Sauger. Pyrus nivalis, Jacquin.On cultive en Autriche, dans le nord <strong>de</strong> l'Italie et dansplusieurs départements <strong>de</strong> l'est et du centre <strong>de</strong> la France, unPoirier qui a été nommé par Jacquin Pyrus nivalis 3, à causedu nom allemand Schneebirn, motivé par l'usage <strong>de</strong>s paysansautrichiens d'en consommer les fruits quand la neige couvre lesmontagnes. On le nomme en France Poirier Sauger, parce queles feuilles ont en <strong>de</strong>ssous un duvet blanc qui les fait ressemblerà la Sauge. Decaisne 4 regardait toutes les variétés <strong>de</strong> Saugerscomme dérivant du Pyrus Kotschyana, Boissier 8, qui croîtspontanément dans l'Asie Mineure. Celui-ci prendrait alors ler;om <strong>de</strong> nivalis, qui est le plus ancien.Les Saugers cultivés en France pour faire du poiré sont <strong>de</strong>venussauvages, çà et là, dans les forêts 6. Ils constituent la1. D'après une liste <strong>de</strong> noms <strong>de</strong> <strong>plantes</strong>communiquéepar M. d'Abadidà M.le professeurClos,<strong>de</strong> Toulouse.1 2. Godron,l. c., p. 28.3. Jacquin, Floraaustriaca, 2, p. 4,pi. 107.4. Decaisne.Jardin fruitier du Muséum,Poiriers,pl. 21.5. Decaisne,ibid., pi. 18,et introduction,p. 30. Plusieurs variétés <strong>de</strong>Saupcers,dont quelques-unes ont <strong>de</strong> gros fruits, sont figurées dauS lemêmecuvrage.6. Boreau,Floredu centre<strong>de</strong> la France,éd. 3, v. 2,p. 23o.


186 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS FRUITSmasse <strong>de</strong>s Poiriers dits à cidre, qui se distinguent par la saveuracerbe du fruit, indépendamment <strong>de</strong>s caractères <strong>de</strong> la feuille.Les <strong>de</strong>scriptions <strong>de</strong>s Grecs et <strong>de</strong>s Romains sont trop imparfaitespour qu'on puisse constater s'ils possédaient cette espèce.On peut le présumer cependant, puisqu'ils faisaient du cidre 1.Poirier <strong>de</strong> Chine. Pyrus sinensis Lindley a.J'ai déjà mentionné cette espèce, voisine du Poirier commun,qui est sauvage en Mongolie et Manchourie 3 et qu'on cultivesoit enChine soit en Japon.Son fruit, plus beau que bon, est employé pour compotes. Ilest trop nouveau dans les jardins européens pour qu'on ait cherchéà le croiser avec nos espèces, ce qui arrivera peut-être sansqu'on le veuille.Pommier. Pyrus Malus, Linné.Le Pommier se présente à l'état sauvage dans toute l'Europe(à l'exception <strong>de</strong> l'extrême nord), dans l'Anatolie, le midi duCaucase et la province persane <strong>de</strong> Ghilan Près <strong>de</strong> Trébizon<strong>de</strong>,le botaniste Bourgeau en a vu toute une petite forêt 5. Dans lesmontagnes du nord-ouest <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, il paraît sauvage (apparentlywild), selon l'expression <strong>de</strong> sir J. Hooker, dans sa flore<strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> anglaise. Aucun auteur ne le mentionne en Sibérie, enMongolie ou au Japon &.En Allemagne, on trouve <strong>de</strong>ux formes spontanées, l'une àfeuilles et ovaires glabres, l'autre à feuilles laineuses en <strong>de</strong>ssous,et Koch ajoute que cette pubescence varie beaucoup7. En France,<strong>de</strong>s auteurs très exacts signalent aussi <strong>de</strong>ux variétés spontanées,mais avec <strong>de</strong>s caractères qui ne concor<strong>de</strong>nt pas complètementavec ceux <strong>de</strong> la flore d'Allemagne 8. Cette diversité s'expliqueraitsi les arbres spontanés dans certaines provinces proviennent <strong>de</strong>variétés <strong>cultivées</strong>, dont les pépins auraient été dispersés. Laquestion qui se présente est donc <strong>de</strong> savoir jusqu'à quel <strong>de</strong>gré1. Palladius,De re rustica, 1. 3, c. 25. On employait pour cela « Pirasylveslria ṿel asperigeneris. »2. Le Coignassier<strong>de</strong> Chineavaitété appelépar Thouin PyrusMalheureusementLindleya donnéle mêmenom à un véritablePyrus.sinensis.3. Decaisne(Jardinfruitier duMusezim, PoiriiTS,pl. 5)a vu <strong>de</strong>s échantillons<strong>de</strong>ces <strong>de</strong>ux pays. MM. Franchetet Savatierl'indiquent, au Japon,seulementcommecultivé.4. Nyman, Conspectusflorm europess,p. 240; Le<strong>de</strong>bour,Flora rossica,2, p. 96; Boissier,Flora orient.,2, p. 656;Decaisne,NouvellesArch. Mus.10,p,5.Bousier,l. 153.c.6. Maximowicz, Primitif ussur.;Regel,Opitflori,etc., sur les <strong>plantes</strong><strong>de</strong>l'Ussuri, <strong>de</strong> Maak;Schmidt,Reisen Amur; Franchet et Savatier,Enum.Jap., n'en parlentpas. Bretschnei<strong>de</strong>rciteun nomchinoisqu'il dit s'appliquerà d'autres espèces.7. Koch,Synopsisfl. germ., 1, p. 261.8. Boreau,Floredu centre<strong>de</strong> la Fiance, éd. 3, vol. 2, p. 23G.


POMMIER 187l'espèce est probablement ancienne et originelle en divers pays,et s'il n'y a pas une patrie plus ancienne que les autres, étenduegraduellement par <strong>de</strong>s semis acci<strong>de</strong>ntels <strong>de</strong> formes altérées par<strong>de</strong>s croisements et par la culture.Si l'on <strong>de</strong>man<strong>de</strong> dans quel pays on a trouvé le Pommier avecl'apparence la plus indigène, c'est la région <strong>de</strong> Trébizon<strong>de</strong> auGhilan qu'il faut citer. La forme qu'on y rencontre sauvage està feuilles laineuses en <strong>de</strong>ssous, à pédoncule court et fruit doux 1,qui répond au Malus cammunis <strong>de</strong> France, décrit par Boreau.Voilà un indice que la patrie préhistorique s'étendait <strong>de</strong> la merCaspienne jusque près <strong>de</strong> l'Europe.Piddington citait, dans son In<strong>de</strong>x, un nom sanscrit pour lePommier, mais Adolphe Pictet nous apprend que ce nom,Seba, est industani et provient du persan Sêb, Sêf. L'absence<strong>de</strong> nom plus ancien dans l'In<strong>de</strong> fait présumer que la culture,actuellement fréquente, dans le Cachemir et le Thibet, et surtoutcelle dans les provinces du nord-ouest ou du centre <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>sont plus anciennes. Le Pommier n'était probablement connuque <strong>de</strong>s Aryas occi<strong>de</strong>ntaux.Ceux-ci ont eu, selon toute probabilité, un nom basé sur Ab,Af Av, Ob, car on remarque ce radical dans plusieurs langueseuropéennes d'origine aryenne. Ad. Pietet cite.: en irlandaisAball, Ubkal;en cymrique, Afal; en armoricain, Aval; en ancienallemand, Apkal/ea anglo-saxon, Appel; en scandinave, Aph;enlithuanien, Obolys; en ancien slave, labluko; en russe, Iabloko.Il semble, d'après cela, que les Aryas occi<strong>de</strong>ntaux, ayant trouvÉle Pommier sauvage ou déjà naturalisé dans le nord <strong>de</strong> l'Europe,auraient conservé le nom sous lequel ils le connaissaient. LesGrecs ont dit Mailea ou Jlaila, les Latins Malus, Malum, motsd'une origine fort incertaine, dit Ad. Pictet. Les Albanais, quiremontent aux Pélasges, disent Mole3. Théophraste mentionne<strong>de</strong>s Maila sauvages et cultivés. Je citerai enfin un nom tout particulier<strong>de</strong>s Basques (anciens Ibères?), Sagara, qui fait supposerune existence en Europe antérieure aux invasions aryennes.Les habitants <strong>de</strong>s c terramare » <strong>de</strong> Parme et <strong>de</strong>s palafittes<strong>de</strong>s lacs <strong>de</strong> Lombardie, <strong>de</strong> Savoie et <strong>de</strong> Suisse faisaient grandusage <strong>de</strong>s pommes Ils les coupaient toujours en long et les conservaient<strong>de</strong>sséchées, comme provisions pour l'hiver. Les échantillonssont souvent carbonisés, à la suite d'incendies, mais onreconnaît d'autant mieux alors la structure interne du fruit.M. Heer 5, qui a montré une gran<strong>de</strong> sagacité dans l'observation<strong>de</strong> ces détails, distingue dans les pommes <strong>de</strong>s lacustres suisses,d'une époque où ils n'avaient pas <strong>de</strong> métaux, <strong>de</strong>ux variétési. Boissier,l. c.2. Ad. Pictet,<strong>Origine</strong>sindo-européennes, 1,p. 276.3. De HeUlreicli,NtdzpflanzenGriechenlands, p. 644. TV itiraste,Decausis,1. 6, cap. 24.5. Heer,Pfahlbauten,p. 24.f. 1-7.


188 PLANTES CULTIVÉESPOURLEURS FRUITSquant à la grosseur. Les plus petites ont un diamètre longitudinal<strong>de</strong> 15 à 24 millimètres et environ 3 millimètres <strong>de</strong> plusen travers (à l'état séché et carbonisé) les plus grosses, 29 à32 millimètres sur 36 <strong>de</strong> large (à l'état séché, non carbonisé). Ces.<strong>de</strong>rnières répon<strong>de</strong>nt à une pomme <strong>de</strong>s vergers <strong>de</strong> la Suisse alleman<strong>de</strong>appelée aujourd'hui Campaner. Les pommes sauvages enAngleterre, figurées dans l'English botany, pl. 179, ont 17 millimètres<strong>de</strong> hauteur sur 22 millimètres <strong>de</strong> largeur. Il est possibleque les petites pommes <strong>de</strong>s lacustres fussent sauvages; cependantleur abondance dans les provisions peut en faire douter. M. leDr Gross m'a communiqué <strong>de</strong>ux pommes <strong>de</strong>s palafittes moinsanciens du lac <strong>de</strong> Neuchâtel, qui ont (à l'état carbonisé) l'une17, l'autre 22 millimètres <strong>de</strong> diamètre longitudinal. À Lagozza,en Lombardie, M. Sor<strong>de</strong>lli 1 indique pour une pomme 17 millimètres<strong>de</strong> long surl9 <strong>de</strong> large, etpour une autre 19 sur 27. Dansun dépôt préhistorique du lac <strong>de</strong> Varèse, à Bar<strong>de</strong>llo, M. Ragazzonia trouvé une pomme un peu plus grosse que les autres parmicelles d'une provision.D'après l'ensemble <strong>de</strong> ces faits, je regar<strong>de</strong> l'existence du Pommieren Europe, à l'état sauvage et à l'état cultivé, comme préhistorique.Le défaut <strong>de</strong> communications avec l'Asie avant lesinvasions aryennes fait supposer que l'arbre était aussi indigèneen Europe que dans l'Anatolie, le midi du Caucase et la Perseseptentrionale, et que la culture a commencé partout anciennement.Cognassier. Cydonia vulgaris, Persoon.Il est spontané, dans les bois, au nord <strong>de</strong> la Perse, près <strong>de</strong> la,mer Caspienne, dans la région au midi du Caucase et en Anatolie2.Quelques botanistes l'ont recueilli aussi en Crimée et dansle nord <strong>de</strong> la Grèce, avec <strong>de</strong>s apparences <strong>de</strong> spontanéité 3, maison peut déjà soupçonner d'anciennes naturalisations dans cesparties orientales <strong>de</strong> l'Europe, et plus on avance vers l'Italie,surtout vers le sud-ouest <strong>de</strong> l'Europe et l'Algérie, plus il estprobable que l'espèce y est naturalisée, d'ancienne date, autour<strong>de</strong>s villages, dans les haies, etc.On ne connaît pas <strong>de</strong> nom sanscrit pour le Cognassier, d'oùl'on peut inférer que l'habitation ne s'étendait pas vers le centre<strong>de</strong> l'Asie. Il n'y a pas non plus <strong>de</strong> nom hébreu, quoique l'espècesoit sauvage sur le mont Taurus 4.Le nom persan est Hainah B,mais je ne sais s'il remonte au zend. Le même nom existe enrusse, Aiva, pour le Cognassier cultivé, tandis que le nom <strong>de</strong> lai Sor<strong>de</strong>lli,Suitepiante<strong>de</strong>llastazione<strong>de</strong>llaLagozza,p. 35.2. Boissier, Fl. orient.,2,p. 656;Le<strong>de</strong>bour,F2.ross.,2, p. 55.3. Steven,VerzeichnissTaurien,p. 150; SiWhorp, Ptwb. fl. grscX,lPp.4.Boissier,344. l. c.5. NemnichPolygl.Lexicon.


GRENADIER 189plante sauvage est Armud, qui vient <strong>de</strong> l'arménien ArmudaLes Grecs avaient greffé sur une variété commune, Strution, unequalité supérieure venant <strong>de</strong> Cydon, dans File <strong>de</strong> Crète, d'où estvenu le nom <strong>de</strong> xuSwvtov (kudônion), traduit par Malum cotoneum<strong>de</strong>s Latins, par Cydonia et tous les noms européens tels queCodogno en italien, Coudougner et plus tard Coing en français,Quitte en allemand, etc. Il y a <strong>de</strong>s noms polonais, Pigwa,slave, Tunja 3, et albanais (pélasge?) Ftua 3, qui diffèrent totalement<strong>de</strong>s autres. Cette variété <strong>de</strong> noms fait présumer uneconnaissance ancienne <strong>de</strong> l'espèce à l'ouest <strong>de</strong> sa patrie originelle,et le nom albanais peut même indiquer une existenceantérieure aux Hellènes.Pour la Grèce, l'ancienneté résulte aussi <strong>de</strong>s superstitions,mentionnées par Pline et Plutarque, que le fruit du Cognassieréloignait les mauvaises influences, et <strong>de</strong> ce qu'il entrait dans lesrites du mariage prescrits par Solon. Quelques auteurs ont étéjusqu'à soutenir que la pomme disputée par Junon, Vénus etMinerve était un coing. Les personnes que ces questions peuventintéresser trouveront <strong>de</strong>s indications détaillées dans le mémoire<strong>de</strong> M. Comès sur les végétaux figurés dans les peintures <strong>de</strong> Pompeia4. Le Cognassier y est représenté <strong>de</strong>ux fois. Ce n'est passurprenant puisque cet arbre était déjà connu du temps <strong>de</strong>Caton s.La probabilité me paraît être une naturalisation dans 1 Europeorientale avant l'époque <strong>de</strong> la guerre <strong>de</strong> Troie.Le coing est un fruit que la culture a peu modifié. Il est aussiacerbe et aci<strong>de</strong> à l'état frais que du temps <strong>de</strong>s anciens Grecs.Grenadier. Punica Granatum, Linné.Le Grenadier est sauvage dans les endroits rocailleux <strong>de</strong> laPerse, du Kurdistan, <strong>de</strong> l'Afghanistan et du Béloutchistan 6.Burnes en a vu <strong>de</strong>s bois entiers dans le Mazan<strong>de</strong>ran, au midi <strong>de</strong>la mer Caspienne 7. Il paraît également spontané au midi duCaucase 8. Vers l'ouest, c'est-à-dire dans l'Asie Mineure, laGrèce, en général dans la région <strong>de</strong> la mer Méditerranée, dansl'Afrique septentrionale et à Madère, l'apparence est plutôt quel'espèce se serait naturalisée à la suite <strong>de</strong>s cultures et <strong>de</strong> la dispersion<strong>de</strong>s pépins par les oiseaux. Beaucoup <strong>de</strong> flores du midi<strong>de</strong> l'Europe en parlent comme d'une espèce « subspontanée »1. Nemnich,Polygl.Lexicon.2.Nemnich, l. c.P.De Heldreich,NidzpftansenGrieehenlands,p. 64.4. In-4°,Napoli, 1879.5.Cato,Dere rustica,7,c.2.6. Boissier,FI. orient.,2, p. 737;sir JosephHooker,Fl. of britishIndia,2, p. 581.7. CitédaprèsRoyle, Ill. Hinzal.,p. 208.8.Le<strong>de</strong>bour,Fl. rossica,2, p. 104.


190 PLA.NTESCULTIVÉESPOURLEURS FRUITSou « naturalisée ». Desfontaines, dans sa Flore atlantique, l'indiquaitcomme spontanée en Algérie, mais les auteurs subséquentsla disent plutôt naturalisée 1. Je doute <strong>de</strong> la qualitéspontanée dans le Béloutchistan, où le voyageur Stocks l'arécoltée 2. car les botanistes anglo-indiens n'admettent pascomme certain l'indigénat à l'est <strong>de</strong> l'Indus, et je remarquel'absence <strong>de</strong> l'espèce dans les collections du Liban et <strong>de</strong> la Syrieque M. Boissier cite toujours avec soin.En Chine, le Grenadier n'est qu'à l'état cultivé. Il y a étéintroduit, <strong>de</strong> Samarkan<strong>de</strong>, par Ghang-Kien, un siècle et <strong>de</strong>miavant l'ère chrétienne 3.La naturalisation dans la région <strong>de</strong> la mer Méditerranée est sicommune qu'on peut l'appeler une extension <strong>de</strong> l'anciennehabitation. Probablement elle date d'un terme reculé, car laculture <strong>de</strong> l'espèce remonte à une époque très ancienne dansl'Asie occi<strong>de</strong>ntale.Voyons si les documents historiques et linguistiques peuventapprendre quelque chose à cet égard.Je note d'abord l'existence d'un nom sanscrit, Darimba, d'oùviennent plusieurs noms <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> mo<strong>de</strong>rne 4.On peut en conclureque l'espèce était connue <strong>de</strong>puis longtemps dans les pays qui ontété traversés par les Aryas, lors <strong>de</strong> leur marche vers l'In<strong>de</strong>.Le Grenadier est mentionné plusieurs fois dans l'Ancien Testamentsous le nom <strong>de</strong> Rimmon 5, qui est l'origine du nom arabeRummân ou Rumân. C'était un <strong>de</strong>s arbres fruitiers <strong>de</strong> la Terrepromise, et les Hébreux l'avaient apprécié dans les jardinsd'Egypte. Beaucoup <strong>de</strong> localités <strong>de</strong> la Palestine avaient reçuleur nom <strong>de</strong> cet arbuste, mais les textes n'en parlent que commed'une espèce cultivée. Les Phéniciens faisaient figurer la fleur etle fruit du Grenadier dans leurs cérémonies religieuses, et ladéesse Aphrodite l'avait planté elle-même dans l'île <strong>de</strong> ChypreB,ce qui fait supposer qu'il ne s'y trouvait pas alors. Les Grecsavaient connaissance <strong>de</strong> l'espèce déjà à l'époque d'Homère. Ilen est question <strong>de</strong>ux fois dans l'Odyssée, comme d'un arbre <strong>de</strong>sjardins <strong>de</strong>s rois <strong>de</strong> Phseacie et Phrygie. Ils l'appelaient Roia ouRoa, que les érudits disent venir du nom syriaque et hébreuet aussi Sidai 8, qui paraît venir <strong>de</strong>s Pelasges, car le nom albanaisactuel est Sège 9. Rien ne peut faire supposer que l'espèce fut1. Munby, FI. d'Alger, p. 49; Bail, Spitilegium florx maroccanz, p. 4DS.2. Boissier, l. c.3. Bretschnei<strong>de</strong>r, On study, etc., p. 16.4. Piddington, In<strong>de</strong>x.5. Rosemnûller, BMische Naturgesehichle, i, p. 273; Hamilton, La botanique<strong>de</strong> la Bible, Nice, 1871,p. 48.6. Hehn, Cultur und Hausthiere aus Asien, éd. 3, p. 106.7. Hehn. ibid.8. Lenz, Botanik d. alten Griechen und Rœmei; p. 6SI.9. De Heldreich, Die Nutzpflanzen Grieckenlands, p. 64.


POMMEROSE 191spontanée en Grèce, où maintenant Fraas et Heldreich affirmentqu'elle est uniquement naturalisée 1.Le Grenadier entrait aussi dans les légen<strong>de</strong>s et les cérémoniesdu culte <strong>de</strong>s plus anciens Romains 2. Caton parle <strong>de</strong> ses propriétésvermifuges. Selon Pline 3, les meilleures grena<strong>de</strong>s étaient<strong>de</strong> Carthage. Le nom <strong>de</strong> Malumpunicum en avait été tiré; mais onn'aurait pas dû croire, comme cela est arrivé, que l'espèce fûtoriginaire <strong>de</strong> l'Afrique septentrionale. Très probablement lesPhéniciens l'avaient introduite à Carthage, longtemps avant lesrapports <strong>de</strong>s Romains avec cette ville, et sans doute elle y étaitcultivée, comme en Egypte.Si le Grenadier avait été jadis spontané dans 1 Afriqueseptentrionaleet le midi <strong>de</strong> l'Europe il aurait eu chez les Latins <strong>de</strong>snoms plus originaux que Granatum (venant <strong>de</strong> granum?) etMalumpunicum. On aurait peut-être à citer quelques noms locaux,dérivés d'anciennes langues occi<strong>de</strong>ntales, tandis que lenom sémite Rimmon a prévalu soit en grec, soit en arabe, et setrouve même, par l'influence arabe, chez les Berbères Il fautadmettre que l'origine africaine est une <strong>de</strong>s erreurs causées parles mauvaises désignations populaires <strong>de</strong>s Romains.On a trouvé dans le terrain pliocène <strong>de</strong>s environs <strong>de</strong> Meximieux<strong>de</strong>s feuilles et fleurs d'un Grenadier que M. <strong>de</strong> Saporta 3 décritcomme une variété du Punica Granatum actuel. Sous cetteforme, l'espèce a donc existé, antérieurement à notre époque,avec plusieurs espèces les unes éteintes, les autres existantencore aujourd'hui dans le midi <strong>de</strong> l'Europe et d'autres enfinrestées aux îles Canaries, mais la continuité d'existence jusqu'ànos jours n'en est pas pour cela démontrée.En résumé, les arguments botaniques, historiques et linguistiquess'accor<strong>de</strong>nt à faire considérer l'espèce actuelle commeoriginaire <strong>de</strong> la Perse et <strong>de</strong> quelques pays adjacents. La cultureen a commencé dans un temps préhistorique, et son extensiondans l'antiquité, vers l'occi<strong>de</strong>nt d'abord et ensuite en Chine, acausé <strong>de</strong>s naturalisations qui peuvent tromper sur la véritableorigine, car elles sont fréquentes, anciennes et durables.J'était arrivé à ces conclusions en 18558, ce qui n'a pas empéché<strong>de</strong> reproduire dans quelques ouvrages l'erreur <strong>de</strong> 1 origineafricaine.Pomme rose. Eugenia Jambos, Linné. Jambosa vulgaris,<strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>Petit arbre,, <strong>de</strong> la famille <strong>de</strong>s Myrtacées. Il est cultivé au-1. Fraas, Fl. class.,p. 79; Heldreich,l. C2. Helm,l. c.3. Pline, 1.1.3,c. 1.9.4. Dictionnairefrançais-berbère,publiépar le gouvernementfrançais.5.DeSaporta, Bull.soc. géol. <strong>de</strong>France du 5 avril1869,p. 767,769.6. Géogr. bot. raisonnée,p. 891.


192 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS FRUITSjourd'hui dans les régions tropicales <strong>de</strong> l'ancien et du nouveaumon<strong>de</strong> pour l'élégance <strong>de</strong> son feuillage, autant peut-être quepour son fruit, dont la chair, qui sent la rose, est par tropmince. On peut en voir une figure excellente et une bonne <strong>de</strong>scriptiondans le Botanleal magazine, pl. 3356. La graine renfermeune matière vénéneuseComme la culture <strong>de</strong> cette espèce était ancienne en Asie, on nepouvait pas douter qu'elle ne fût asiatique, mais on ne savaitpas bien où elle existe à l'état sauvage. L'assertion <strong>de</strong> Loureiro,qui la disait habiter en Cochinchine et dans plusieurs localités <strong>de</strong>l'In<strong>de</strong>, méritait confirmation. Quelques documents mo<strong>de</strong>rnesviennent à l'appui 2. Le Jambos est spontané à Sumatra etailleurs dans les îles hollandaises <strong>de</strong> l'archipel Indien. Kurz nel'a pas rencontré dans les forêts <strong>de</strong> la Birmanie anglaise, maislorsque Rhee<strong>de</strong> vit cet arbre dans les jardins du Malabar ilremarqua qu'on l'appelait Malacca-Schambu, ce qui montrebien une origine <strong>de</strong> la péninsule malaise. Enfin Brandis le ditspontané dans le Sikkim, au nord du Bengale. L'habitationnaturelle s'étend probablement <strong>de</strong>s îles <strong>de</strong> l'archipel Indien à laCochinchine, et même au nord-est <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, où cependant ils'est peut-être naturalisé à la suite <strong>de</strong>s cultures et par l'action<strong>de</strong>s oiseaux. La naturalisation s'est en effet opérée ailleurs, parexemple à Hong-Kong, dans les îles Seychelles, Maurice etRodriguez, ainsi que dans plusieurs <strong>de</strong>s îles Antilles 3.Jamalac ou Jambosier <strong>de</strong> Malacca. Eugenia malaccensis,Linné. Jambosa malaccensis, <strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>.Espèce voisine <strong>de</strong> l'Eugenia Jambos, mais différente par ladisposition <strong>de</strong> ses fleurs et par son fruit obovoï<strong>de</strong>, au lieu d'êtreovoï<strong>de</strong>, c'est-à-dire ayant la partie la plus étroite près <strong>de</strong> sonpoint d'attache, comme serait un œuf sur son petit bout. Lefruit est plus charnu et sent aussi la rose, mais on l'estime beaucoup4, ou assez peu 5, suivant les pays et les variétés. Celles-cisont nombreuses. Elles diffèrent par la couleur rosée ou rouge<strong>de</strong>s fleurs et la grosseur, la forme et la couleur <strong>de</strong>s fruits.Cette multiplicité <strong>de</strong> variétés montre une ancienne culturedans l'archipel Indien, d'où l'espèce est originaire. Commeconfirmation, il faut noter que Forster la trouva établie dansles îles <strong>de</strong> la mer Pacifique, <strong>de</strong> Taïti aux Sandwich, lors duvoyage <strong>de</strong> Cook 6.1. Descourtilz,Floremédicale<strong>de</strong>sAntilles.5, pl. 315.2. Miquel,Sumatra,p. 118;Flora Indue bataoœ,1, p. 425;Blume,MuseumLugd.-Bat., 1,p. 93.3. Hooker,Floraof brit India,2,p. 474;Baker,Flora ofMauritius,etc.,p. 115;Grisebach,Fl. ofbrit. W. Indian islands,p. 235.4. Rumphius, Amboin.,1, p. 121,t. 37.5. Tussac,Flore<strong>de</strong>sAntilles,3, p. 89,pl. 25.6. Forster, Plants esculentœ,p. 36.


GOYAVIER 193Le Jambosier <strong>de</strong> Malacca est spontané dans les forêts <strong>de</strong> l'archipelasiatique et <strong>de</strong> la presqu'île <strong>de</strong> Malacca lD'après Tussac, il a été apporté <strong>de</strong> Taïti à la Jamaïque en 1793.Maintenant il s'est répandu et naturalisé dans plusieurs <strong>de</strong>s îlesAntilles, <strong>de</strong> même qu'aux îles Maurice et Seychelles 8.Goyavier. Psidium Guayava, Raddi.Les anciens auteurs, Linné et après lui quelques botanistesont admis <strong>de</strong>ux espèces dans cet arbre fruitier <strong>de</strong> la famille <strong>de</strong>sMyrtacées, l'une ayant les fruits ellipsoï<strong>de</strong>s ou sphériques àchair rouge, Psidium. pomiferum; l'autre à fruit pyriforme etchair blanche ou rosée, plus agréable au goût. De semblablesdiversités sont analogues à ce que nous voyons dans les poires,les pommes et les pêches; aussi a-t-on soupçonné <strong>de</strong> bonneheure qu'il valait mieux considérer tous ces Psidium comme uneseule espèce. Raddi a pour ainsi dire constaté l'unité lorsqu'il avu, au Brésil, <strong>de</strong>s fruits pyriformes et d'autres presque rondssur le même arbre 3. Aujourd'hui, la majorité <strong>de</strong>s botanistes,surtout <strong>de</strong> ceux qui ont observé les Goyaviers dans les colonies,suit l'opinion <strong>de</strong> Raddi 4, vers laquelle j'inclinais déjà, en 18S5,par <strong>de</strong>s raisons tirées <strong>de</strong> la distribution géographique B.Low 8, qui a conservé dubitativement, dans sa flore <strong>de</strong> Madère,la distinction en <strong>de</strong>ux espèces, assure que chacune seconserve par les graines. Ce sont, par conséquent, <strong>de</strong>s races,comme dans nos animaux domestiques et dans beaucoup <strong>de</strong><strong>plantes</strong> <strong>cultivées</strong>. Chacune <strong>de</strong> ces races comprend <strong>de</strong>s variétés 7.Les Goyaviers, lorsqu'on veut étudier leur origine, présententau plus haut <strong>de</strong>gré une difficulté qui existe dans beaucoupd'arbres fruitiers <strong>de</strong> cette nature leurs fruits charnus, plusmoins ouaromatiques, attirent les animaux omnivores, qui rejettentleurs graines dans les endroits les plus sauvages. Celles <strong>de</strong>sGoyaviers germent rapi<strong>de</strong>ment et fructifient dès la troisièmeou quatrième année. La patrie s'est donc étendue et s'éten<strong>de</strong>ncore par <strong>de</strong>s naturalisations, principalement dans les contréestropicales qui ne sont pas très chau<strong>de</strong>s et humi<strong>de</strong>s.1. Blume, Muséum Lugd.-Bat., 1, p. 91; Miquel, Fl. Indis batavx, 1,p. 411 Hooker, Fl. brit. India, 2, p. 472.2. Grisebach, Fl. of brit. W. India, p. 235 Baker, Fl. of Maurilius,p. 115.3. Raddi, Di alcune specie di Pero indiano, in-4, Bolopna, 1821 p. 1.4. Martius, Syst. mat. medics bras., p. 32; Blume, Muséum Lugd.-Bat.,i, p. 71 Hasskarl, dans Flora, 1844, p. 589 sir J. Hooker, Flora of brit.India, 2, p. 468.5. Géogr. bot. raisonnée, p. 893.6. Low, A manual jlora oj Ma<strong>de</strong>ira, p. 266.7. Voir Blume, l. c.; Descourtilz, Flore médicale <strong>de</strong>s Antilles, 2, p. 20,où se trouve une figure du Goyavier pyriforme; Tussac, Flore <strong>de</strong>s Antilles,2, p. 92, qui contient une bonne planche <strong>de</strong> la forme arrondie. Ces<strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rniers ouvrages renferment <strong>de</strong>s détails intéressants sur la manièred'employer les goyaves, sur la végétation <strong>de</strong> l'espèce, etc.DE<strong>Candolle</strong>. 13


194 PLANTES CULTIVÉESPOURLEURS FRUITSPour simplifier la recherche <strong>de</strong>s origines, j'éliminerai d'abordl'ancien mon<strong>de</strong>, car il est assez évi<strong>de</strong>nt que les Goyaviers sontvenus d'Amérique. Sur une soixantaine d'espèces du genrePsidium, toutes celles qu'on peut regar<strong>de</strong>r comme suffisammentétudiées sont américaines. Les botanistes, <strong>de</strong>puis le xw siècle,ont trouvé, il est vrai, <strong>de</strong>s Psidium Guayava (variétés pomiferumet pyriferum), plus ou moins spontanés dans les îles <strong>de</strong> l'ArchipelIndien et l'Asie méridionale 1, mais tout fait présumer quec'était le résultat <strong>de</strong> naturalisations peu anciennes. On admettaitpour chaque localité une origine étrangère; seulement onhésitait sur la provenance asiatique ou américaine. D'autresconsidérations justifient cette idée. Les noms vulgaires en malaissont dérivés du mot américain Guiava. Les anciens auteurschinois ne parlent pas <strong>de</strong>s Goyaviers, bien que Loureiro les aitdits sauvages en Cochinchine il y a un siècle et <strong>de</strong>mi. Forsterne les mentionne pas comme cultivés dans les îles <strong>de</strong> la merPacifique lors du voyage <strong>de</strong> Cook, ce qui est assez significatifquand on pense à la facilité <strong>de</strong> cultiver ces arbres et à leur dispersioninévitable. Aux îles Maurice et Seychelles, personne nedoute <strong>de</strong> leur introduction et naturalisation récentes 2.Nous aurons plus <strong>de</strong> peine à découvrir <strong>de</strong> quelles parties <strong>de</strong>l'Amérique les Goyaviers sont sortis.Dans le siècle actuel, ils sont certainement spontanés^ hors<strong>de</strong>s cultures, aux Antilles, au Mexique, dans l'Amérique centrale,le Venezuela, le Pérou, la Guyane et le Brésil3, mais<strong>de</strong>puis quelle époque? Est-ce <strong>de</strong>puis que les Européens en ontrépandu la culture? Est-ce antérieurement, à la suite <strong>de</strong>s transportspar les indigènes et surtout par les oiseaux? Ces questionsne paraissent avoir fait aucun progrès <strong>de</strong>puis que j'en aiparlé en 1855 Cependant, aujourd'hui, avec un peu plusd'expérience dans ces sortes <strong>de</strong> problèmes, et l'unité spécifique<strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux Goyaviers étant reconnue, j'essayerai d'indiquer ce quime paraît le plus vraisemblable. #J. Acosta s, un <strong>de</strong>s premiers auteurs sur l'histoire naturelle dunouveau mon<strong>de</strong>, s'exprime sur le Goyavier pomiforme <strong>de</strong> lamanière suivante «Il y a en Saint-Domingue et ès autres îles,<strong>de</strong>s montagnes toutes pleines <strong>de</strong> Goyavos, et disent, qu'il n'yavait point <strong>de</strong> telle sorte d'arbres avant que les Espagnols yarrivassent, mais qu'on les y a apportés <strong>de</strong> je ne sais où. » Ceserait donc plutôt du continent que l'espèce serait originaire.Acosta dit bien qu'elle croît en terre ferme, et il ajoute que lesgoyaves du Pérou ont une chair blanche bien préférable à1. Rumphius,Amboin.,1, p. 141,142;Rhee<strong>de</strong>,Hort.matai., 3,t. 34.2. Bojer,Borlusmauritianus Baker,Flora ofMauntais, p. 112,3. Toutesles flores,et Berg, dansFlora brasiHensts, vol. 14,p. 19b.4. Gêoqr.bot.raisonnée,p. 894et 898.5.Acosta,Hist.nat. etmorale<strong>de</strong>sIn<strong>de</strong>sorient.et occid.țraductionfrançaise,1598,p. 173,au-verso.


GOURDE,COUGOURDE,CALEBASSE19Scelle <strong>de</strong>s fruits rouges. Ceci fait présumer une culture anciennesur le continent. Hernan<strong>de</strong>z avait vu les <strong>de</strong>ux formes spontanéesau Mexique, dans les endroits chauds <strong>de</strong>s plaines et <strong>de</strong>smontagnes, près <strong>de</strong> Qnauhnaci. Il donne une <strong>de</strong>scription et unefigure très reconnaissable du Ps. pomiferum. Pison et Marcgraf 2avaient aussi trouvé les <strong>de</strong>ux Goyaviers sauvages au Brésil dansles plaines; mais ils notent qu'ils se répan<strong>de</strong>nt facilement. Marcgrafdit qu'on les croyait originaires du Pérou, ou <strong>de</strong> l'Amériqueseptentrionale, ce qui peut s'entendre <strong>de</strong>s Antilles ou duMexique. Evi<strong>de</strong>mment l'espèce était spontanée dans une gran<strong>de</strong>partie du continent lors la découverte <strong>de</strong> l'Amérique. Si l'habitationa été une fois plus restreinte, il faut croire que c'était àune époque bien plus ancienne.Les noms vulgaires différaient chez les peuples indigènes. AuMexique, on disait Xalxocotl; au Brésil, l'arbre s'appelait Araca-Iba et le fruit Araca-Guacu; enfin le nom Guajavos ou Guajavaest cité par Acosta et Hernan<strong>de</strong>z à l'occasion <strong>de</strong>s Goyaviers duPérou et <strong>de</strong> Saint-Domingue, sans que l'origine en soit indiquéeexactement. Cette diversité <strong>de</strong> noms confirme l'hypothèse d'unetrès ancienne et vaste habitation.D'après ce que disent les premiers voyageurs d'une origineétrangère à Saint-Domingue et au Brésil, assertion dont ilest permis cependant <strong>de</strong> douter, je soupçonne que l'habitationla plus ancienne était du Mexique à la Colombie et auPérou, et qu'elle s'est peut-être agrandie du côté du Brésilavant la découverte <strong>de</strong> l'Amérique, et dans les îles Antilles aprèscette époque. L'état <strong>de</strong> l'espèce le plus ancien, qui se montrele plus à l'état sauvage, serait la forme à fruit sphérique, âpreet fortement coloré. L'autre forme est peut-être un produit <strong>de</strong> laculture.Gour<strong>de</strong> 8, Cougour<strong>de</strong>, Calebasse. Lagenaria vulgaris,Seringe. Cucurbita lagenaria, Linné.Le fruit <strong>de</strong> cette Cucurbitacée a pris différentes formes dansles cultures; mais, d'après l'ensemble <strong>de</strong>s autres parties <strong>de</strong> laplante, les botanistes n'admettent qu'une espèce, divisée enplusieurs variétés Les plus remarquables sont la Gour<strong>de</strong> <strong>de</strong>spèlerins, en forme <strong>de</strong> bouteille; la Cougour<strong>de</strong>, dont le goulotest allongé; la Gour<strong>de</strong> massue ou trompette, et la Calebasse,ordinairement gran<strong>de</strong> et peu étranglée. D'autres variétés moinsrépandues ont le fruit turbiné ou déprimé et fort petit, comme1. Hernan<strong>de</strong>z,NovseHispaniœThesaurus,p. 85.2. Pison,Hist.brasil.,p. 74; Marcgraf,ibid., p. 105.3. En anglais,le mot Gourds'appliqueau Potiron(Cucurbitamaxima).C'estun <strong>de</strong>s exemples<strong>de</strong> la confusion<strong>de</strong>snomsvulgaires,et <strong>de</strong> la précisionsupérieure<strong>de</strong>s nomsscientifiques.4. Naudin,Annales<strong>de</strong>sse. nat., série4,vol. 12,p. 9i; Cogniaux, dansnos Jfon.Phan., 3, p. 417.


196 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITSla Gour<strong>de</strong> tabatière. On reconnaît toujours l'espèce à sa fleurblanche, et à la dureté <strong>de</strong> la partie extérieure du fruit, qui permet<strong>de</strong> l'employer comme vase pour les liqui<strong>de</strong>s ou réservoir d'air,propre à soutenir les nageurs novices. La chair intérieure esttantôt douce et mangeable, tantôt amère et même purgative.Linné 1 disait l'espèce américaine. De <strong>Candolle</strong> l'a considéréecomme probablement d'origine indienne, et la suite a confirmécette opinion.On a trouvé, en effet, le Lagenaria vulgans sauvage au Malabaret dans les forêts humi<strong>de</strong>s <strong>de</strong> Deyra Doon 3.4Roxburghle considérait bien comme spontané dans l'In<strong>de</strong>, quoique lesflores subséquentes l'aient dit seulement cultivé. Enfin Rumphiusindique <strong>de</strong>s pieds sauvages, sur le bord <strong>de</strong> la mer, dansune localité <strong>de</strong>s îles Moluques. Les auteurs mentionnent ordinairementla pulpe comme amère dans ces individus sauvages,mais elle l'est quelquefois aussi dans les formes <strong>cultivées</strong>. Lalangue sanscrite distinguait déjà la Gour<strong>de</strong> ordinaire, Ulavou,et une autre, amère, Kutou-Toumbi, à laquelle A. Pictet attribueaussi le nom Tiktaka ou Titkikâ6. Seemam7 a vu l'espèce « cul»tivée et naturalisée » aux îles Fidji. Thozet l'a recueillie sur lacôte <strong>de</strong> Queensland, en Australie 8, mais c'était peut-être lerésultat <strong>de</strong> cultures dans le voisinage. Les localités <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>continentale paraissent plus sûres et plus nombreuses que celles<strong>de</strong>s îles du midi <strong>de</strong> l'Asie.L'espèce a été trouvée, également sauvage, en Abyssinie,dans la vallée <strong>de</strong> Hieha, par Dillon, et parmi <strong>de</strong>s buissons et<strong>de</strong>s rocailles d'une autre localité, par Schimper °.De ces <strong>de</strong>ux régions <strong>de</strong> l'ancien mon<strong>de</strong>, elle s'est répanduedans les jardins <strong>de</strong> tous les pays tropicaux et <strong>de</strong>s pays tempérésayant une chaleur estivale suffisante. Parfois elle s'est naturaliséehors <strong>de</strong>s cultures, comme on l'a observé en Amérique 10.Le plus ancien ouvrage chinois mentionnant la Gour<strong>de</strong> estcelui <strong>de</strong> Tchong-tchi-chou, du ier siècle avant Jésus-Christ, citédans un ouvrage du y>ou vie siècle, selon le D


GOURDE, COUGOURDE,CALEBASSE 197Il s'agit dans ce cas <strong>de</strong> <strong>plantes</strong> <strong>cultivées</strong>. Les formes actuelles<strong>de</strong>s jardins <strong>de</strong> Peking sont la Gour<strong>de</strong> massue, qui est mangeable,et la Gour<strong>de</strong> bouteille.Les auteurs grecs n'ont pas mentionné cette plante, mais lesRomains en ont parlé <strong>de</strong>puis le commencement <strong>de</strong> l'empire.Elle est assez clairement désignée par <strong>de</strong>s vers souvent cités dulivre X <strong>de</strong> Columelle. Après avoir décrit les différentes formesdu fruitdabit illa capacem,Nariciœpicis,aut ActseimellisHymetti,Aut habilemlymphishapulam, Bacchovelagenam,Tumpueros ea<strong>de</strong>mfluviisinnare docebit.Pline parle d'une Cucurbitacée dont on faisait <strong>de</strong>s vases et <strong>de</strong>sbarriques pour le vin, ce qui ne peut s'appliquer qu'à celle-ci.Il ne paraît pas que les Arabes en aient eu connaissance <strong>de</strong>bonne heure, car Ibn Alawàm et Ibn Baithar n'en ont rien dit 3.Les commentateurs <strong>de</strong>s livres hébreux n'ont pu attribuer aucunnom d'une manière positive à cette espèce, et cependant leclimat <strong>de</strong> la Palestine était bien <strong>de</strong> nature à populariser l'usage<strong>de</strong>s Gour<strong>de</strong>s, si on les avait connues. Il me paraît assez douteux,d'après cela, que les anciens Egyptiens aient possédé cetteplante, malgré une figure unique <strong>de</strong> feuilles, vue dans unetombe, qui lui a été attribuée quelquefois 4. Alexandre Braun,Ascherson et Magnus, dans leur savant mémoire sur les restes<strong>de</strong> <strong>plantes</strong> égyptiennes du musée <strong>de</strong> Berlin 6, indiquent plusieursGueurbitacées sans mentionner celle-ci. Les premiersvoyageurs mo<strong>de</strong>rnes, comme Rauwolf 6, en 157-4,l'ont vue dansles jardins <strong>de</strong> Syrie, et la Gour<strong>de</strong> dite <strong>de</strong>s pèlerins, figurée, en1539, par Brunfels, était probablement connue dès le moyenâge en Terre sainte.Tous les botanistes du xvie siècle ont donné <strong>de</strong>s figures <strong>de</strong>cette espèce, plus souvent cultivée alors, en Europe, qu'ellene l'est aujourd'hui. Le nom ordinaire dans ces vieux ouvragesétait Cameraria, et l'on distinguait trois formes <strong>de</strong> fruits. A lacouleur blanche <strong>de</strong> la fleur, toujours mentionnée, on ne peutdouter <strong>de</strong> l'espèce. Je remarque aussi une figure, très mauvaise,il est vrai, où la fleur manque, mais où le fruit est exactementl. 1.c. Tragus,Stirp., p. 285;Ruellius,De natura stirpium,p. 498;Naudin,t. C.2. Pline,Hisl. plant., 1.19,c. 5.3. Ibn A'aioâm, d'aprèsE. Meyer,Geschichte<strong>de</strong>r Botanik,3, p. 60;IbnBaitMr,trad. <strong>de</strong> Sondtheimer.4. Unger,Pflanzen <strong>de</strong>salten JEgyptens,p. 59; Pickering,Ohronolạrrangement,p.137.5.In-8, 1S77,p. 17.6. -Rauwolf, Flora orient.,p. 125.


498 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS FRUITSla gour<strong>de</strong> <strong>de</strong>s pèlerins, qui présente ce grand intérêt d'avoirparu avant la découverte <strong>de</strong> l'Amérique. C'est la planche 46 <strong>de</strong>YHerbarius Patavise impressus, in-4°, 1485, ouvrage rare.Malgré certains synonymes <strong>de</strong>s auteurs, je ne crois pas que laGour<strong>de</strong> ait existé en Amérique avant l'arrivée <strong>de</strong>s Européens.Le raquera <strong>de</strong> Piso i et le Cucurbila lagmxforma <strong>de</strong> Marcgraf2 sont peut-être bien le Lagenaria vulgaris, comme le disentles monographes 3, et les échantillons du Brésil cités par euxdoivent être certains, mais cela ne prouve pas que l'espèce fûtdans le pays avant le voyage d'Americ Vespuce, en 1504. Depuislors jusqu'aux voyages <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux botanistes, en 1637 et 1638,il s'est écoulé un temps bien plus long qu'il ne faut le supposerpour l'introduction et la diffusion d'une espèce annuelle, curieuse<strong>de</strong> forme, facile à cultiver et dont les graines conserventlongtemps la faculté <strong>de</strong> germer. Elle peut même s'être naturaliséeà la suite <strong>de</strong>s cultures, comme cela s'est vu ailleurs. A plusforte raison le Cucurbîta Sieeratia Molina, attribué tantôt àl'espèce actuelle et tantôt au Cucurbita maxima 4, peut-il avoirété introduit au Chili, entre 1538,époque <strong>de</strong> la découverte <strong>de</strong> cepays, et 1787, date <strong>de</strong> l'édition en italien <strong>de</strong> Molina. Acosta 5parle aussi <strong>de</strong> Calebasses dont les Péruviens se servaient comme<strong>de</strong> coupe ou <strong>de</strong> vase, mais l'édition espagnole <strong>de</strong> son livre est <strong>de</strong>1S91, plus <strong>de</strong> cent ans après la conquête. Parmi les naturalistesayant indiqué l'espèce le plus rapprochée <strong>de</strong> la découverte <strong>de</strong>l'Amérique (1492) est Oviedo 6, qui avait visité la terre ferme et,après un séjour à Vera-Paz, était revenu en Europe en ISIS,mais était retourné à Nicaragua en 1S397. D'après la compilation<strong>de</strong> Ramusio 8, il a parlé <strong>de</strong> zuccke, <strong>cultivées</strong> en quantitéaux Antilles et à Nicaragua à l'époque <strong>de</strong> la découverte <strong>de</strong>l'Amérique et dont on faisait usage comme <strong>de</strong> bouteilles. Lesauteurs <strong>de</strong> flores <strong>de</strong> la Jamaïque, au xvne siècle, ont dit l'espècecultivée dans cette île. P. Browne ° cependant indique unegran<strong>de</strong> Gour<strong>de</strong> cultivée et une petite, sauvage, ayant une pulpeamère et purgative.Enfin, pour les Etats-Unis méridionaux, ElIiott 10 s'exprimaitainsi en 1824 «Le L. vulgaris se trouve rarement dans les boiset n'est certainement pas indigène. Il paraît avoir été apportépar les anciens habitants <strong>de</strong> notre pays d'une contrée plus1. Piso, Indiie utriusque,etc. éd. 1658,p. 264.2. Marcgraf,Hist.nat. Brasiliss,1648,p.3.Naudm,l. 44.c.; Cogniaux, dansFlora brasil.,fase., 78,p. 7, et dans<strong>de</strong><strong>Candolle</strong>,Monogr.Phaner., 3, p. 418.4. CI.Gay,Flora Chilena,2, p. 403.8.los. Acosta,trad. francaise,p. 167.6. Pickering,Chronolȧrrang., p. 861.7. Pickering,t. c.8. Ramusio,vol. 3, p. 112.9. P. Brown,Jamaica,ed. 2, p. 354.10.Elliott,Sketchof the botanyof S. Carolinaand Georgia, 2,p. 665.


POTIRON199,chau<strong>de</strong>. Maintenant, l'espèce est <strong>de</strong>venue spontanee autour aeshabitations, particulièrementdans les îles <strong>de</strong> la mer. « L'expressionhabitants <strong>de</strong> notre pays, al'air <strong>de</strong> signifer les colons plutôtque les indigènes. Entre la découverte <strong>de</strong> la Virginie, par Caboten 1497, ou les voyages <strong>de</strong> W. Raleigh en 1584, et les flores<strong>de</strong>s botanistes mo<strong>de</strong>rnes, il s'est écoulé plus <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux siècles, etles indigènes auraient eu le temps <strong>de</strong> répandre la culture <strong>de</strong>l'espèce, s'ils l'avaient reçue <strong>de</strong>s Européens. Mais le fait même<strong>de</strong> la culture par les Indiens à l'époque <strong>de</strong>s premières relationssur leur compte est douteux. Torrey et Gray lavaient mentionnécomme certain dans leur flore, publiée en 1830-40, etplus tard le second <strong>de</strong> ces habiles botanistes dans un articlesur les Cucurbitacées connues <strong>de</strong>s indigènes, ne cite pas le Calabashou Lagenaria. Je remarque la même omission dans unautre article spécial,sur le même sujet, publié plus récemment'.Potiron. Cucurbita maxima, Duchesne.En commençant l'énumération <strong>de</strong>s espèces du genre Cucurbita,je dois expliquer que la distinction, autrefois très difficile,<strong>de</strong>s espèces, a été fondée par M. Naudin d'une manière scientifique,au moyen d'une culture assidue <strong>de</strong>s variétés et d'expériencessur leur fécondation croisée. Il nomme espèces lesgroupes <strong>de</strong> formes qui ne peuvent pas se fécon<strong>de</strong>r mutuellementou dont les produitsn'ont pas été féconds et stables, et races ouvariétés les formes qui se croisent entre elles et donnent <strong>de</strong>sproduits féconds et variés. La suite <strong>de</strong>s expériences 5 l'a avertique l'établissement <strong>de</strong>s espèces sur cette base n'est pas sansexceptions mais dans le genre Cucurhta les faits physiologiauesconcor<strong>de</strong>nt avec les différences extérieures. M. Naudin aétabli les véritables caractères distinctifs <strong>de</strong>s Cucurbita maximaet C. Pepo. La premièrea les lobes <strong>de</strong> la feuille arrondis, lespédoncules à surface unie et les lobes <strong>de</strong> la corolle recourbésà l'extérieur la secon<strong>de</strong> a les lobes <strong>de</strong> la feuille aigus, les pé-.doncules marqués <strong>de</strong> côtes et sillons, la corolle rétrécie à labase, avec les lobes presque toujours dressés.oLes principales formes du Cucurbita maxima sont le Potironjaune, qui atteint quelquefois un poids énorme 6, le Potironturban ou Giraumon, le Courgeron, etc,s n~Les noms vulgaires et <strong>de</strong>s anciens auteurs ne cadrant pasavec les définitions botaniques, il faut se défier <strong>de</strong>s assertions1. Torreyet Gray,Flora oj N. Anterica,1, p. 544.2. Gray, dans American journal of science,im, vol. 24,p. 442.3.Trumbull,dansBulletinofthe Torreyclubof botany,vol. 6, ann. 1876,4. 69.Naudin,dansAnnales<strong>de</strong>ssc.nat., série4, vol. 6, p. 5; vol.12,p. 84.5.Ann. sc. nat., série4, vol.18,p. 160,vol. 19,p. 180.6. Jusqu'à 100 kilogr.,d'après Le bon jardinier, ibaO,p. 180.


200 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS FRUITSrépandues autrefois sur les origines et sur l'introduction <strong>de</strong> laculture<strong>de</strong> telle ou telle courge à certaine époque ou dans certainescontrées. C'est une <strong>de</strong>s raisons pour lesquelles, quand jemesuis occupé du sujet, en 185S, la patrie <strong>de</strong> ces <strong>plantes</strong> étaitr stée pour moi inconnue ou très douteuse. Aujourd'hui, on peutscruter mieux la question.D'après sir Joseph Hooker le Cucurbita maxima a été trouvépar Barter sur les bords du Niger, en Guinée, « avec l'apparenceindigène » (apparently indigenous) et par Welwitschdans l'Angola, sans affirmation <strong>de</strong> la qualité spontanée. Je nevois aucune indication <strong>de</strong> spontanéité dans les ouvrages surl'Abyssinie, l'Egypte ou autres pays africains dans lesquels oncultive communément l'espèce. Les Abyssins se servent du motDubba, qui s'applique, en arabe, aux Courges, dans un senstrès général.Longtemps on a soupçonné une origine indienne, en s'appuyantsur <strong>de</strong>s noms tels que Courge d'In<strong>de</strong>, donnés par <strong>de</strong>s botanistesdu XVIesiècle, et, en particulier, sur le Pepo maximusindicus, figuré parLobel2, qui rentre bien dans l'espèce actuelle;mais c'est un genre <strong>de</strong> preuve bien faible, car les indicationsvulgaires d'origine sont souvent fausses. Le fait est que si lesPotirons sont cultivés dans l'Asie méridionale, comme ailleursentreles tropiques, on n'a pas rencontré la plante à l'état sauvage3. Aucune espèce semblable ou analogue n'est indiquéedansles anciens ouvrages chinois, et les noms mo<strong>de</strong>rnes <strong>de</strong>sCourges et Potirons cultivés actuellement en Chine montrentune origine étrangère méridionale Il est impossible <strong>de</strong> savoirà quelle espèce s'appliquait le nom sanscrit Kurkarou, attribuépar Roxburgh au Cucurbita Pepo, et l'incertitu<strong>de</strong> n'est pas moinsgran<strong>de</strong> au sujet <strong>de</strong>s Courges, Potirons et Melons cultivés par lesGrecs et les Romains. On n'a pas constaté la présence d'un Potirondans l'ancienne Egypte. Peut-être en cultivait-on dans cepayset dans le mon<strong>de</strong> gréco-latin? Les Pepones dont Charlemagneordonnait la culture dans ses fermes 5 étaient ou l'espèceactuelle ou le Cucurbita Pepo mais aucune figure ou <strong>de</strong>scriptionreconnaissable <strong>de</strong> ces <strong>plantes</strong> n'a été donnée avant lexvi°siècle.Ceci pourrait faire présumer une origine américaine. L'existence,à l'état spontané, en Afrique, est bien une objection, carlesespèces <strong>de</strong> la famille <strong>de</strong>s Cucurbitacées sont très localesmais il y a <strong>de</strong>s arguments en faveur <strong>de</strong> l'Amérique, et je dois les1. Hooker, Flora of h-opicalAfrica,2, p. 555.2. Lobel, Icones,t. 641.La figure est reproduite dans DalecbampHist, p. 626.3. Clarke,dansHooker,Floraof britishIndia, 2, p. 622.4. Bretschnei<strong>de</strong>r,lettre du 23août 18815.La liste estdansE. Meyer,Geschichte<strong>de</strong>r Botanik,3, p. 401.Les Cucurbitadontil parle également<strong>de</strong>vaientêtre la Gour<strong>de</strong>,Lagenariq.


POTIRON 201examiner avec d autant plus <strong>de</strong> soin qu'on m'a reproché auxEtats-Unis <strong>de</strong> n'en avoir pas tenu suffisamment compte.D'abord, sur dix espèces connues du genre Cucurbita, six sontcertainement spontanées en Amérique (au Mexique ou en Californie),mais ce sont <strong>de</strong>s espèces vivaces, tandis que les Courges<strong>cultivées</strong> sont annuelles.La plante nommée Jurumu par les Brésiliens, figurée parPisonetMarcgraf est rapportée par les mo<strong>de</strong>rnes au Cucurbitamaxima.-La planche et les courtes explications <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux auteursconviennent assez, mais il parait que c'était une plante cultivée.Elle peut avoir été apportée d'Afrique ou dEurope par lesEuropéens, entre la découverte du Brésil, en 1504, et les voyages<strong>de</strong>s auteurs sus-mentionnés, qui ont eu lieu en 1637 et 1638.Personne n'a trouvé l'espèce sauvage dans l'Amérique méridionaleou septentrionale. Je ne rencontre dans les ouvrages sur leBrésil, la Guyane, les Antilles aucun indice <strong>de</strong> culture ancienneou d'existence spontanée, soit d'après les noms, soit d'après <strong>de</strong>s.traditions ou opinions plus ou moins précises. Aux Etats-Unis,les savants qui connaissent le mieux les langues et les usages<strong>de</strong>s indigènes, par exemple le Dr Harris autrefois, et M. Trumbullplus récemment 2, ont soutenu que les Cueurbitacées appeléesSquash par les Anglo-Américains et Macock ou Cashaw,Cushaw par d'anciens voyageurs en Virginie, répon<strong>de</strong>nt à <strong>de</strong>sCourges. M. Trumbull dit que Squash est un mot indien. Jen'en doute pas, d'après son assertion, mais ni les plus habileslinguistes ni les voyageurs du xvme siècle 3 qui ont vu lesindigènes pourvus <strong>de</strong> fruits appelés dans leurs livres Citrouilles,Courges, Pompions, Gour<strong>de</strong>s, n'ont pu donner la preuve quece fût telle ou telle <strong>de</strong>s espèces reconnues distinctes aujourd'huipar les botanistes. Cela nous apprend seulement queles indigènes, un siècle après la découverte <strong>de</strong> la Virginie,vingt à quarante ans après la colonisation par W. Raleigh,faisaient usage <strong>de</strong> certains fruits <strong>de</strong> Cucurbitacées. Les nomsvulgaires sont encore si confus aux Etats-Unis que le Dr AsaGray, en 1868, indique Pumpkin et Squash comme répondantà <strong>de</strong>s espèces <strong>de</strong> Cucurbita tandis que Darlington 5 attribuele nom <strong>de</strong> Pumpkin à la Courge ordinaire (Cucurbita Pepo),et celui <strong>de</strong> Squash aux variétés <strong>de</strong> celle-ci qui rentrent dansles formes Melopepo <strong>de</strong>s anciens botanistes. Ils n'attribuent pasun nom vulgaire, particulier et certain, au Potiron (Cucurbitamaxima).En définitive, sans ajouter une foi implicite à l'indigénat sur les1. PIso,Brasil., éd. 1638,p. 264;Marcgraf, éd. 1648,p. 44.2. Harris, Americanjournal, 1857,vol. 24,p. 441;Trumbull, Bull. ofTomi/'s Club,1876,vol. 6,p. 69.3. Champlain,en 1604;Strachey,en 1610;etc.4. Asa Gray,Botanyof the northernstates, éd. 1868,p. 186.5. Darlington, Flora cestrica,18S3,p. 94.


202 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS FRUITSbords du Niger, fondé sur le dire d'un seul voyageur, je persisteà croire l'espèce originaire <strong>de</strong> l'ancien mon<strong>de</strong> et introduite enAmérique par les Européens.Courge Pépon. – Citrouille. Cucurbita Pepo et C. Melopepo,Linné.Les auteurs mo<strong>de</strong>rnes comprennent dans le Cucurbita Pepola plupart <strong>de</strong>s formes désignées sous ce nom par Linné et enoutre celles qu'il nommait C. Melopepo. Ces formes sont excessivementvariées quant aux fruits, ce qui montre une très ancienneculture. On remarque dans leur nombre la Courge ouCitrouille <strong>de</strong>s Patagons, à fruits cylindriques énormes la Courgesucrière, dite du Brésil; la Courge à la moelle ou Vegetablemarrow <strong>de</strong>s Anglais, à petits fruits allongés les Barbérines, àfruits bosselés; le Patisson ou Bonnet d'électeur, à fruit conique,surbaissé et lobé d'une manière bizarre, etc. Il ne faut attacheraucune valeur aux noms <strong>de</strong> pays dans ces désignations <strong>de</strong> variétés,car nous avons vu souvent qu'ils expriment autant d'erreursque <strong>de</strong> vérités. Les noms botaniques rapportés à l'espècepar M. Naudin et M. Gogniaux sont nombreux, par suite <strong>de</strong> lamauvaise habitu<strong>de</strong> qui existait il n'y a pas longtemps <strong>de</strong> décrirecomme espèces <strong>de</strong>s formes uniquement <strong>de</strong> jardins, sans tenircompte <strong>de</strong>s effets prodigieux <strong>de</strong> la culture et <strong>de</strong> la sélection surl'organe pour lequel on cultive une plante.La plupart <strong>de</strong>s variétés existent dans les jardins <strong>de</strong>s régionschau<strong>de</strong>s ou tempérées <strong>de</strong> l'ancien et du nouveau mon<strong>de</strong>. L'origine<strong>de</strong> l'espèce est regardée comme douteuse. J'hésitais,en 18o5 1, entre l'Asie méridionale et la région <strong>de</strong> la mer Méditerranée.MM. Naudin et Cogniaux 2 admettent comme probablel'Asie méridionale, et les botanistes <strong>de</strong>s Etats-Unis, <strong>de</strong> leur côté,ont donné <strong>de</strong>s motifs pour croire à une origine américaine. Laquestion mérite d'être examinée d'une manière précise.Je chercherai d'abord quelles formes, rapportées aujourd'huià l'espèce, ont été indiquées comme croissant quelque part àl'état spontané.La variété ovée, Cucurbita ovifera, Linné, avait été recueilliejadis par Lerche, près d'Astrakhan; mais aucun botaniste dusiècle actuel n'a confirmé ce fait, et il est probable qu'il s'agissaitd'une plante cultivée. D'ailleurs Linné n'affirme pas la qualitéspontanée. J'ai consulté toutes les flores asiatiques et africainessans trouver la moindre indication d'une variété qui fûtsauvage. De l'Arabie, ou même <strong>de</strong> la côte <strong>de</strong> Guinée au Japon,l'espèce ou les formes qu'on lui rapporte sont toujours dites <strong>cultivées</strong>.Pour l'In<strong>de</strong>, Roxburgh l'avait remarqué jadis, et ce n'est1. Géogrḅot.raisonnêe,p. fl_02.L.Naudin,Ann.sc.nat., série5, vol. 6,p. 9; Cogniîmx,-dans<strong>de</strong> MCaudolle,Monogr.Phaner.,3,p.546.


COURGEPÉPON 203sûrement pas sans <strong>de</strong> bons motifs que M. Clarke, dans la florerécente <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> anglaise, n'indique aucune localité hors <strong>de</strong>scultures.Les faits sont tout autres en Amérique.Une variété texana, Cucurbita texana, Asa Gray très voisine<strong>de</strong> l'ovata, d'après cet auteur, et qu'on rapporte sans hésitationaujourd'hui au C. Pepo, a été trouvée par Lindheimer « aubord <strong>de</strong>s fourrés et dans les bois humi<strong>de</strong>s, sur les rives duGuadalupe supérieur, avec les apparences <strong>de</strong> plante indigène. »Le D'-Asa Gray ajoute que c'est peut-être un effet <strong>de</strong> naturalisation.Cependant, comme il existe plusieurs espèces du genreCucurbita sauvages au Mexique et dans le sud-ouest <strong>de</strong>s Etats-Unis, on est amené naturellement à tenir l'assertion du collecteurpour bonne. Il ne paraît pas que d'autres botanistes aienttrouvé cette plante au Mexique ou aux Etats-Unis. Elle n'estmentionnée ni dans la Riologia centrali-americana <strong>de</strong> Hemsley,ni dans la flore récente <strong>de</strong> la Californie du Dr Asa Gray.Quelques synonymes ou échantillons <strong>de</strong> l'Amérique méridionale,attribués au C. Pepo, me paraissent bien douteux. II estimpossible <strong>de</strong> savoir ce que Molina 2 a entendu sous les noms <strong>de</strong>C. Siceratia et C. mammeata, qui paraissent d'ailleurs avoir été<strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> <strong>cultivées</strong>. Deux espèces décrites brièvement dans levoyage <strong>de</strong> Spix et Martius (2, p. S36) et rapportées aussi auC. Pepo 3, sont indiquées, à l'occasion <strong>de</strong> <strong>plantes</strong> <strong>cultivées</strong>, surles bords du Rio Francisco. Enfin l'échantillon <strong>de</strong> Spruce, 2716,du Rio Uaupès, affluent du Rio Negro, que M. Cogniaux ne ditpas avoir vu et qu'il a rapporté d'abord au C. Pepo, ensuite auC. moschata, était peut-être cultivé ou naturalisé à la suite <strong>de</strong>quelque transport ou culture, malgré la rareté <strong>de</strong>s habitants <strong>de</strong>cette contrée.Les indications botaniques sont donc en faveur d'une originemexicaine ou du Texas. Voyons si les documents historiquessont conformes ou contraires à cette idée.Il est impossible <strong>de</strong> savoir si tel nom sanscrit, grec ou latin<strong>de</strong> Courge, s'applique à l'une <strong>de</strong>s espèces plutôt qu'à une autre.La forme du fruit est souvent la même, et les caractères distinctifsne sont jamais mentionnés par les anciens.Aucune Courge n'est figurée dans VHerbarius Pataviseimpressus, <strong>de</strong> 1485, antérieur à la découverte <strong>de</strong> l'Amérique;mais les auteurs du xvie siècle ont publié <strong>de</strong>s planches qui s'yrapportent. Je citerai les trois formes <strong>de</strong> Pepones figurées à lapage 406 <strong>de</strong> Dodoens, édition <strong>de</strong> 1557. Une quatrième, Peporotundus major, ajoutée dans l'édition <strong>de</strong> 1616, me paraît rerrtrerdans le C. maxima. Dans la figure du Pepo oblongus <strong>de</strong>1. A.Gray, Plantx Lindheimerianx,part. 2,p. 193.2. Molina, Hist.nat. du Chili,p. 377.3. Cogniaux,l. c., et Flora brasil., fasc.78,p. 21.4. Cogniaux,Fl. aras. etMonogr.Phan., 3, p. 547.


204 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS FRUITS1 7"Lobel, Icones, 641, le caractère du pédoncule est nettementaccusé. Les noms donnés à ces <strong>plantes</strong> expriment une origine.étrangère mais les auteurs ne pouvaient rien affirmer à cetégard, d'autant plus que le nom In<strong>de</strong> signifiait ou l'Asie méridionaleou l'Amérique.Ainsi les données historiques ne contredisent pas l'opiniond'une origine américaine, sans l'appuyer cependant.Si l'habitation spontanée se confirme en Amérique, on pourradire désormais que les Courges <strong>cultivées</strong> par les Romains etdans le moyen âge étaient le Cueurbita maxïma et celles <strong>de</strong>sindigènes <strong>de</strong> l'Amérique du Nord, dans le xvmesiècle, vues pardivers voyageurs, le Cucurbita Pepo.Courge musquée, ou melonnée. – Cucurbita moschata,Duchesne.Le Bon jardinier cite comme principales formes <strong>de</strong> cetteespèce les Courges musca<strong>de</strong> <strong>de</strong> Provence, pleine <strong>de</strong> Naples et <strong>de</strong>Barbarie. Il va sans dire que ces noms ne signifient rien pourl'origine. L'espèce est facile à reconnaître par sa pubescencelégère et douce, le pédoncule du fruit pentagone, épaté ausommet, le fruit plus ou moins couvert d'une efflorescenceglauque, à chair copieuse, plus ou moins musquée. Les lobesdu calice sont souvent terminés par un limbe foliacé 1. Cultivéedans tous les pays tropicaux, elle s'avance moins que les autresCourges dans les pays tempérés.M. Cogniaux 2 soupçonne qu'elle est du midi <strong>de</strong> l'Asie, sansen donner la preuve. J'ai parcouru les flores <strong>de</strong> l'ancien et dunouveau mon<strong>de</strong> et n'ai pu découvrir nulle part la mention d'unétat vraiment spontané. Les indications qui en approchent leplus sont 1° en Asie, dans l'île <strong>de</strong> Bangka, un échantillonvérifié par M. Cogniaux et que Miquel 3 ne dit pas cultivé20 en Afrique, dans l'Angola, <strong>de</strong>s échantillons que Welwitschdit tout à fait spontanés, mais « à la suite probablement d'uneintroduction » 3° en Amérique, cinq échantillons du Brésil, <strong>de</strong>la Guyane ou <strong>de</strong> Nicaragua, mentionnés par M. Cogniaux, sansqu'on sache s'ils étaient cultivés, naturalisés ou spontanés. Cesont <strong>de</strong>s indices tout à fait légers, et l'opinion <strong>de</strong>s auteurs leconfirme. Ainsi, pour l'Asie, Rumphius, Blume, Clarke (dansFlora of brit. India), et, pour l'Afrique, Schweinfurth (dansBaker, Tropical flora), n'ont vu la plante absolument quetivée. En cul-Chine, la culture n'est pas ancienne 8. En Amérique,les flores mentionnent très rarement l'espèce.1. Voirl'excellenteplanche<strong>de</strong> Wight,Icones,t. 507,sous le<strong>de</strong> Cueurbitamaxima.nomfaux2. Cogniaux, dans Monogr.Phaner.,3, p. 547.3. Miquel, Sumatra,sonsle nom <strong>de</strong>4. Gymnopetalum, p. S'Cogniaux,Ibid.5. Bretschnei<strong>de</strong>r, lettre du 23 août 1881.


MELON 205On ne connaît aucun nom sanscrit, et les noms indiens, malaiset chinois ne sont ni très nombreux ni bien originaux, quoiquela culture paraisse plus répandue dans l'Asie méridionale quedans les autres, régions entre les tropiques. Elle l'était déjàau xvme siècle, d'après YHortus Malabaricus, où l'on voit unebonne planche (vol. 8, pl. 2).Il ne paraît pas que les botanistes du xvie siècle aient connucette espèce, car la figure <strong>de</strong> Dalechamp (Hist., 1, p. 616), queSeringé lui a attribuée, n'en a pas les caractères, et je ne puisdécouvrir aucune autre figure qui lui ressemble.Courge à feuilles <strong>de</strong> figuier. Cucurbita ficifolia, Bouché.Cucurbita melanosperma, Braun.Il s'est introduit, <strong>de</strong>puis une trentaine d'années, dans les jardins,une Courge à graines noires ou quelquefois brunes, quidiffère <strong>de</strong>s autres espèces <strong>cultivées</strong> en ce qu'elle est vivace. Onl'appelle quelquefois Melon <strong>de</strong> Siam. Le Bon jardinier dit qu'ellevient <strong>de</strong> Chine. Le D'rBretschnei<strong>de</strong>r ne m'en a pas parlé dans lalettre <strong>de</strong> 1881, où il énumère les Courges <strong>cultivées</strong> par les Chinois.Jusqu'à présent, aucun botaniste ne l'a trouvée à l'état spontané.Je doute beaucoup qu'elle soit originaire d'Asie, car toutesles espèces connues <strong>de</strong> Cucurbita vivaces sont du Mexique ou <strong>de</strong>Californie.Melon. Cucumis Melo, Linné.La question <strong>de</strong> l'origine du Melon a changé complètement<strong>de</strong>puis les travaux <strong>de</strong> M. Naudin. Le mémoire qu'il a publié,en 1839, dans les Annales <strong>de</strong>s sciences naturelles, série 4, volume11, sur le genre Cucumis, est aussi remarquable que celuisur le genre Cucurbita. Il rend compte d'observations et d'expériences,suivies pendant plusieurs années, sur la variabilité<strong>de</strong>s formes et la fécondation croisée d'une multitu<strong>de</strong> d'espèces,races ou variétés venant <strong>de</strong> toutes les parties du mon<strong>de</strong>. J'aiparlé ci-<strong>de</strong>ssus (p. 199) du principe physiologique sur lequel ilcroit pouvoir distinguer <strong>de</strong>s groupes <strong>de</strong> formes qu'il nomme <strong>de</strong>sespèces, quoique certaines exceptions se soient manifestées etren<strong>de</strong>nt le critère <strong>de</strong> la fécondation moins absolu. Malgré cescas exceptionnels, il est évi<strong>de</strong>nt que si <strong>de</strong>s formes voisines secroisent facilement et donnent <strong>de</strong>s produits féconds, commecela se voit, par exemple, dans l'espèce humaine, on est obligé<strong>de</strong> les regar<strong>de</strong>r comme constituant une seule espèce.Dans ce sens, le Cucumis Melo d'après les expériences etobservations faites par M. Naudin sur environ <strong>de</strong>ux mille individusvivants, constitue bien une espèce, laquelle comprend unnombre extraordinaire <strong>de</strong> variétés et même <strong>de</strong> races, c'est-à-dire<strong>de</strong> formes qui se conservent par hérédité. Ces variétés ou racespeuvent se fécon<strong>de</strong>r entre elles et donnent <strong>de</strong>s produits variés et


206 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS FRUITSvariables. Elles sont classées par l'auteur dans dix groupes,,qu'il appelle Cantaloups, Melons brodés, Sucrins, Melons d'hiver,serpents, forme <strong>de</strong> concombre, Chito, JDudaïm,rouges <strong>de</strong> Perse etsauvages, chacun contenant <strong>de</strong>s variétés ou races voisines lesunes <strong>de</strong>s autres. Celles-ci ont été nommées <strong>de</strong> 25 à 30 manièresdifférentes par <strong>de</strong>s botanistes qui, sans s'inquiéter <strong>de</strong>s transitions<strong>de</strong> forme, <strong>de</strong> la faculté <strong>de</strong> croisement ou du peu <strong>de</strong> fixitédans la culture, ont désigné comme espèces tout ce qui diffèreplus ou moins dans un temps et un lieu donnés.Il résulte <strong>de</strong> là que plusieurs formes qu'on avait trouvées àl'état sauvage et qu'on décrivait comme espèces doivent êtreles types ou souches <strong>de</strong>s formes <strong>cultivées</strong>, et M, Naudin fait laréflexion très juste que ces formes sauvages plus ou moins différentesl'une <strong>de</strong> l'autre ont pu donner <strong>de</strong>s produits cultivés différents.C'est d'autant plus probable qu'elles habitent quelquefois<strong>de</strong>s pays assez éloignés, comme l'Asie méridionale et l'Afriquetropicale, <strong>de</strong> sorte que les diversités <strong>de</strong> climat, combinées avecl'isolement, ont pu créer et consoli<strong>de</strong>r les différences.Voici les formes que M. Naudin énumère comme sauvages1° Celles <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, qui ont été nommées par Will<strong>de</strong>now Cucumispubescens, et par Roxburgh C. turbinatus ou C. Ma<strong>de</strong>raspatanus.Leur habitation naturelle est l'In<strong>de</strong> anglaise dans touteson étendue et le Belouchistan. La qualité spontanée est évi<strong>de</strong>nte,même pour <strong>de</strong>s voyageurs non botanistes 1. Les fruitsvarient <strong>de</strong> la grosseur d'une prune à celle d'un citron. Ils sontunis, rayés ou bariolés à l'extérieur, parfumés ou sans o<strong>de</strong>ur.La chair en est sucrée, fa<strong>de</strong> ou aigrelette, différences qui rappellentbeaucoup celles <strong>de</strong>s Cantaloups cultivés. D'après Roxburgh,les Indiens récoltent les fruits du turbinatus et du Ma<strong>de</strong>raspatanus,qu'ils ne cultivent pas, mais dont ils aiment la saveur.Si l'on consulte la flore la plus récente <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> anglaise, oùM. Clarke a décrit les Cucurbitacées (2, p. 619), il semble quecet auteur ne s'accor<strong>de</strong> pas avec M. Naudin sur les formes indiennesspontanées, quoique tous <strong>de</strong>ux aient examiné les nombreuxéchantillons <strong>de</strong> l'herbier <strong>de</strong> Kew. La différence d'opinion,plus apparente que réelle, tient à ce que l'auteur anglaisrapporte à une espèce voisine, Cucumis trigonus', Roxburgh,certainement sauvage, les formes que M. Naudin classe dans leCucumis Melo. M. Cogniaux2, qui a vu <strong>de</strong>puis les mêmes échantillons,attribue seulement le C. turbinatus au trigonus. La distinctionspécifique <strong>de</strong>s C. Melo et C. trigonus est malheureusementobscure, d'après les caractères donnés par les troisauteurs. La principale différence est que le Melo est annuel,l'autre vivace, mais cette durée ne paraît pas bien constante.1. Gar<strong>de</strong>ner'sehronicle, articles signés J. H. H., 1857,Jp. iS3 d "8,p. 130.2. Cogniaux, dansNonogr.Plumer.,3,p. 485.


MELON 207M. Clarke lui-même dit que le C. Mélo est peut-être dérivé parla culture du C. trigonus, c'est-à-dire, seloirlui, <strong>de</strong>s formesattribuées par Naudin au C. Melo.Les expériences faites pendant trois années consécutives parM. Naudin 1 sur <strong>de</strong>s produits du Cucumis trigonus fécondé parle Melo paraissent appuyer l'opinion d'une diversité spécifiqueadmissible, car, si la fécondation a eu lieu, les produits ont étédivers <strong>de</strong> formes et sont revenus souvent à l'un <strong>de</strong>s ancêtresprimitifs. u .m2° Les formes africaines. M. Naudin n'a pas eu <strong>de</strong>s échantillonsen assez bon état et assez certains sous le rapport <strong>de</strong> laspontanéité, pour affirmer d'une manière positive l'habitationen Afrique. Il l'admet avec hésitation. Il attribue à 1 espèce<strong>de</strong>s formes <strong>cultivées</strong> ou d'autres spontanées, dont il n'a pas vules fruits. Après lui, sir Joseph Hooker 2 a eu <strong>de</strong>s échantillonsplus probants.Je ne parle pas <strong>de</strong> ceux <strong>de</strong> la région du Nil, quisont probablementcultivés », mais <strong>de</strong> <strong>plantes</strong> recueillies parBarter, en Guinée, dans les sables au bord du Niger. Thonningavait déjà trouvé dans les sables, en Guinée, un Cucumis, qu Uavait nommé arenarim, et M. Cogniaux 5, après avoir vu unéchantillon rapporté par ce voyageur, l'a classé dans le C. Melo,comme le pensait sir Joseph Hooker. Les nègres mangent lefruit <strong>de</strong> la plante recueillie par Barter. L'o<strong>de</strong>ur est celle d'unmelon vert frais. Dans la plante <strong>de</strong> Thonning, le fruit est ovoï<strong>de</strong>,<strong>de</strong> la grosseur d'une prune. Ainsi, en Afrique, comme dansl'In<strong>de</strong>, l'espèce a <strong>de</strong>s petits fruits à l'état spontané, ce qui n'estpas extraordinaire. Le Dudaïm s'en rapproche, parmi les variétés<strong>cultivées</strong>.La majorité <strong>de</strong>s espèces du genre Cucumis est en Afrique;une faible minorité se trouve en Asie ou en Amérique. D'autresespèces <strong>de</strong> Cucurbitacées sont disjointes entre l'Asie et 1 Afrique,quoique les habitations soient ordinairement dans cette famillecontinues et restreintes. Le Cucumis Melo a peut-être été unefois spontané <strong>de</strong> la côte occi<strong>de</strong>ntale d'Afrique jusque dans In<strong>de</strong>,sans intervalle, comme la Coloquinte (Citrullus Colocynthis), <strong>de</strong>la même famille. »r t »jïJ'ai parlé jadis <strong>de</strong> la spontanéité douteuse du Melon au mididu Caucase, d'après d'anciens auteurs. Les botanistes subséquentsne l'ont pas confirmée. Hohenacker, qui avait trouvé,disait-on, l'espèce autour d'Elisabethpol, n'en fait aucune mentiondans son opuscule sur les <strong>plantes</strong> <strong>de</strong> la province <strong>de</strong> Talysch.M. Boissier n'admet pas le Cucumis Melo dans sa floreorientale. Il dit seulement qu'il se naturalise avec facilité dansi. Naudin,Ann. se.nat., série4,vol. 18,p. 171.2. Hooker,dans Floraof tropicalA/nça, 2, p. S*6.3. Schweinfurthet Ascherson,Aufzœhlwng, p. 261.4. Schumacheret Thonning,Guineiskeplanten,p. 4Jb.5. Cogniaux, l. c., p. 483.


208 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS FRUITS1 1 '1 1 1les décombres et les terrains abandonnés. La même chose a étéobservée ailleurs; par exemple dans les sables <strong>de</strong> l'Ussuri, dansl'Asie orientale. Ce serait une raison pour se défier <strong>de</strong> la localité<strong>de</strong>s sables du Niger, si la petitesse <strong>de</strong>s fruits dans cet endroit nerappelait les formes spontanées <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>.La culture du Melon, ou <strong>de</strong> diverses variétés du Melon, a pucommencer séparément dans l'In<strong>de</strong> et en Afrique.Son introduction en Chine paraît dater seulement du vine siècle<strong>de</strong> notre ère, d'après l'époque du premier ouvrage qui en aitparlé 1. Comme les relations <strong>de</strong>s Chinois avec la Bactriane et lenord-ouest <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, par l'ambassa<strong>de</strong> <strong>de</strong> Chang-Kien, remontentau ne siècle avant Jésus-Christ, il est possible que la culture <strong>de</strong>l'espèce ne fût pas alors très répandue en Asie. La petitesse dufruit spontané n'encourageait pas. On ne connaît aucun nomsanscrit, mais un nom tamoul, probablement moins ancien,Molam 2, qui ressemble au nom latin Melo.Il n'est pas prouvé que les anciens Egyptiens aient cultivé leMelon. Le fruit figuré par Lepsius 3n'est' pas reconnaissable. Sila culture avait été usuelle et ancienne dans ce pays, les Grecset les Romains en auraient eu connaissance <strong>de</strong> bonne heure. Oril est douteux que le Sikua d'Hippocrate et <strong>de</strong> Théophraste, oule Pepôn <strong>de</strong> Dioscori<strong>de</strong>, ou le Melopepo <strong>de</strong> Pline fussent leMelon. Les textes sont brefs et insignifiants; Galien 4 est moinsobscur, lorsqu'il dit qu'on mange l'intérieur <strong>de</strong>s Melopepones,mais non <strong>de</strong>s Pepones. On a beaucoup disserté sur ces noms 5,mais il faudrait <strong>de</strong>s faits plutôt que <strong>de</strong>s mots. La meilleurepreuve que j'aie pu découvrir <strong>de</strong> l'existence du Melon chez lesRomains est un fruit figuré très exactement dans la belle mosaïque<strong>de</strong>s fruits au musée du Vatican. Le Dr Gomes certifie, enoutre, que la moitié d'un Melon est représentée dans un <strong>de</strong>ssind'Herculanum e. L'espèce s'est introduite dans le mon<strong>de</strong> grécoromainprobablement à l'époque <strong>de</strong> l'empire, au commencement<strong>de</strong> l'ère chrétienne. La qualité en était, je suppose, médiocre,vu le silence ou les éloges modérés <strong>de</strong>s auteurs, dans unpays où les gourmets ne manquaient pas. Depuis la Renaissance,une culture plus perfectionnée et <strong>de</strong>s rapports avec l'Orient etl'Egypte ont amené <strong>de</strong> meilleures~variétés dans les jardins. Noussavons cependant qu'elles dégénèrent assez souvent, soit par <strong>de</strong>sintempéries ou <strong>de</strong> mauvaises conditions du sol, soit parcroisement avec <strong>de</strong>s variétés inférieures <strong>de</strong> unl'espèce.i. Bretschnei<strong>de</strong>r, lettre du 26août 1881.2. Piddington, In<strong>de</strong>x.3. Voirla copie dans Unger,Pflanzen <strong>de</strong>salten JEqyptens, flg. 25.4. Galien,De alimentis, 1. 2, c. 5.°5. Voirtoutes les Flores<strong>de</strong> Virgile, et Naudin,Ann. sc.vol.nat., série4,12,p. 111.6. Comes,Ill. piante nei dipinti pompeiani,in-4, p. 20, d'aprèsMuseonazion.,vol. 3, pl. 4.


•PASTÈQUE 209Pastèque. Citrullus vulgaris Schra<strong>de</strong>r CucurbitaCilrullus, Linné.L'origine <strong>de</strong> la Pastèque, appelée aussi Melon d'eau, a étélongtemps méconnue ou inconnue. D'après Linné, c'était uneplante du midi <strong>de</strong> l'Italie 1. L'assertion était tirée <strong>de</strong> Matthiole,sans faire attention que cet auteur disait l'espèce cultivée.Seringe 2, en 1828, la supposait d'Afrique et <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, mais iln'en donnait aucune preuve. Je l'ai crue <strong>de</strong> l'Asie méridionale,à cause <strong>de</strong> sa culture très commune dans cette région. On ne laconnaissait pas à l'état spontané. Enfin on l'a trouvée indigènedans l'Afrique intertropicale, en <strong>de</strong>çà et au <strong>de</strong>là <strong>de</strong> l'équateur 3,ce qui tranche la question. Livingstone a vu <strong>de</strong>s terrains qui enétaient littéralement couverts. L'homme et plusieurs espècesd'animaux recherchaient ces fruits sauvages avec avidité. Ilssont ou ne sont pas amers, sans que rien le montre à l'extérieur.Les nègres frappent le fruit avec une hache et goûtent le sucpour savoir s'il est bon ou mauvais. Cette diversité dans <strong>de</strong>s<strong>plantes</strong> sauvages, végétant sous le même climat et dans le mêmesol, est propre à faire réfléchir sur le peu <strong>de</strong> valeur du caractèredans les Cucurbitacées <strong>cultivées</strong>. Du reste, l'amertume fréquente<strong>de</strong> la Pastèque n'a rien d'extraordinaire, puisque l'espèce laplus voisine est la Coloquinte (Citrullus Colocynthis). M. Naudina obtenu <strong>de</strong>s métis féconds d'un croisement entre une Pastèqueamère, spontanée au Cap, et une Pastèque cultivée, ce qui confirmel'unité spécifique accusée par les formes extérieures.On n'a pas trouvé l'espèce sauvage en Asie.Les anciens Egyptiens cultivaient la Pastèque. Elle est figuréedans leurs <strong>de</strong>ssins s. C'est déjà un motif pour croire que lesIsraélites connaissaient l'espèce et l'appelaient Abbatitchim,comme on le dit; mais en outre le mot arabe Battich, Batteca,qui dérive évi<strong>de</strong>mment du nom hébreu, est le nom actuel <strong>de</strong> laPastèque. Le nom français vient <strong>de</strong> l'hébreu, par l'arabe. Unepreuve <strong>de</strong> l'ancienneté <strong>de</strong> la plante dans la culture du nord <strong>de</strong>l'Afrique est le nom berbère, Ta<strong>de</strong>llaât 6, trop différent du nomarabe pour n'être pas antérieur à la conquête. Les noms espagnolsZandria, Cindria et <strong>de</strong> l'île <strong>de</strong> Sardaigne Sindria 7, que jene puis rapprocher d'aucun autre, font présumer aussi une ancienneculture dans la région méditerranéenne occi<strong>de</strong>ntale. EnAsie, la culture s'est répandue <strong>de</strong> bonne heure, car on connaît un1. Habitat in Apulia, Calabria, Sicilia. (Linné, Species, ed. 1763,p. 1435.)2. Seringe, dans Prodromus, 3, p. 301.3. Naudin, Ânn. se. nat., série 4, vol. 12, p. 101 sir J. Hooker, dansOliver, Flora of tropical Africa, 2, p. 549.4. Traduction française, p. 56.5. Unger a copié les figures <strong>de</strong> l'ouvrage <strong>de</strong> Lepsins, dans son mémoireDie Pflanzen <strong>de</strong>s alten JEgyptens, fig. 30, 31, 32.6. Dictionnaire français-berbère, au mot Pastèque.7. Moris, Flora sardoa.De Canuolle. 14


â'10PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITSnom sanscrit, Chaya-pula mais les Chinois n'ont reçu laplante qu'au xe siècle <strong>de</strong> l'ère chrétienne. Ils la nomment Si kua,qui veut dire melon <strong>de</strong> l'ouest 2.La Pastèque étant annuelle mûrit, au <strong>de</strong>là <strong>de</strong>s tropiques, dansles pays où l'été est suffisamment chaud. Les Grecs mo<strong>de</strong>rnes lacultivent beaucoup et la nomment Carpousea ou Carpousia3,mais on ne trouve pas ce mot dans les auteurs <strong>de</strong> l'antiquité, nimême dans le grec <strong>de</strong> la déca<strong>de</strong>nce et du moyen âge 4. C'est unmot commun avec le Karpus <strong>de</strong>s Turcs <strong>de</strong> Constantinople s, qui setrouve aussi en russe sous la forme <strong>de</strong> Arbus 6 et en bengali .ethindoustani sous celle <strong>de</strong> Tarbuj, Turbouz7. Un autre nom <strong>de</strong>Constantinople, cité par Forskal, Chimonico, se trouve en albanais,Chimico 8. L'absence d'un ancien nom grec qu'on puisseattribuer avec sûreté à l'espèce fait présumer qu'elle s'est introduitedans le mon<strong>de</strong> gréco-romain à peu près au commencement<strong>de</strong> l'ère chrétienne. Le poème Copa, attribué à Virgile et Pline,en a peut-être parlé (livre 19, cap. S), comme le présume Naudin,mais c'est douteux.Les Européens ont transporté le Melon d'eau en Amérique,où maintenant on le cultive du Chili jusqu'aux Etats-Unis. LeJacé <strong>de</strong>s Brésiliens, figuré dans Pison et Marcgraf, est évi<strong>de</strong>mmentintroduit, car le premier <strong>de</strong> ces auteurs dit la plante cultivéeet quasi naturalisée °.Concombre. – Cucumis sativus, Linné.Malgré la différence bien visible du Melon et du Concombre,ou Cornichon, qui appartiennent tous <strong>de</strong>ux au genre Cucumis,les cultivateurs supposent que <strong>de</strong>s croisements <strong>de</strong> ces espècespeuvent avoir lieu et nuisent quelquefois aux qualités du Melon.M. Naudin 10s'est assuré par expérience que cette fécondationn'est pas possible, et il a montré ainsi que la distinction <strong>de</strong>s<strong>de</strong>ux espèces est bien fondée.Le pays d'origine du Cucumis sativus était réputé inconnu parLinné et <strong>de</strong> Lamarck. En 1805, Will<strong>de</strong>now 11 a prétendu quec'était la Tartarie et l'In<strong>de</strong>, sans en fournir aucune preuve. Lesbotanistes subséquents n'ont pas confirmé cette indication.1. Piddington,In<strong>de</strong>x.2. Bretschnei<strong>de</strong>r,Studyand value,etc.,p.3. 17.Heldreich,Pflanzen d. attischenEbene,p. 591; NutzpflanzenGnechenland's,p.30.•4. Langkavel, Botanik<strong>de</strong>r spâterenGriechen.5. Forskal,Floraœgypto-arabica, part. 1, p. 34.6. Nemnic Polygl.Lexicon,1, p.7. 1309.Piddington, In<strong>de</strong>x;Pickering,Chronological arrangement,p. 72.8. Heldreich,Nutzpflanzen, p. 50.9. « Sativaplanta et tractu tentporisquas* nativa fada. » (Piso,éd.1658,p. 233.)10.Natidin,dansAnn.se. nat., série i, vol. il, p.H. 31.Will<strong>de</strong>now,Species,4,p. 615.


CONCOMBRE 211Lcrsque j'ai examiné la question, en 1835, on n'avait trouvé l'espècesauvage nulle part. D'après divers motifs, tirés <strong>de</strong> sonancienne culture en Asie et en Europe, et surtout <strong>de</strong> l'existenced'un nom sanscrit, Soukasa 1, je disais « La patrie est probablementle nord-ouest <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, par exemple le Caboul ou quelquepays adjacent. Tout fait présumer qu'on la découvrira unjour dans ces régions encore mal connues. »C'est bien ce qui s'est réalisé, si l'on admet, avec les auteursactuels les mieux informés, que le Cucutnis Hardwicldi, Roylerentre dans les formes du Cucumis sativus. On peut voir dansl'ouvrage intitulé Illustrations o f Himalayan plants <strong>de</strong> Royle,p. 220, pi. 47, une figure coloriée <strong>de</strong> ce Concombre récolté aupied <strong>de</strong>s monts Himalaya. Les tiges, feuilles et fleurs sont toutà fait celles du C. sativus. Le fruit, ellipsoï<strong>de</strong> et lisse, aune saveuramère; mais dans le Concombre cultivé il y a <strong>de</strong>s formes analogues,et l'on sait que dans d'autres espèces <strong>de</strong> la famille, parexemple dans la Pastèque, la pulpe est douce ou amère. SirJoseph Hooker, après avoir décrit la variété remarquable <strong>de</strong>Concombre dite <strong>de</strong> Sikkim 2, ajoute que la forme Hardwicldi,spontanée <strong>de</strong> Kumaon à Sikkim, et dont il a recueilli <strong>de</strong>s échantillons,ne diffère pas plus <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> <strong>cultivées</strong> que certainesvariétés <strong>de</strong> celles-ci ne diffèrent les unes <strong>de</strong>s autres, et M. Cogniaux,après avoir vu les <strong>plantes</strong> <strong>de</strong> l'herbier <strong>de</strong> Kew, adoptecette opinion 3.Le Concombre, cultivé <strong>de</strong>puis au moins trois mille ans dansl'In<strong>de</strong>, a été introduit en Chine seulement au <strong>de</strong>uxième siècleavant Jésus-Christ, lors du retour <strong>de</strong> Chang-Kien, envoyé enBactriane Du côté occi<strong>de</strong>ntal, la propagation <strong>de</strong> l'espèce amarché plus vite. Les anciens Grecs cultivaient le Concombresous le nom <strong>de</strong> Sikuos B, qui est resté dans la langue mo<strong>de</strong>rne,sous la forme <strong>de</strong> Sikua. Les Grecs actuels disent aussi Aggouria,d'une ancienne racine <strong>de</strong>s langues aryennes, appliquée quelquefoisà la Pastèque, et qui se retrouve pour le Concombre dans lebohème Agurka, l'allemand Gurke, etc. Les Albanais (Pélasges?)ont un tout autre nom, Kratsavets 6, qu'on reconnaît dans leslave Krastavak. Les Latins appelaient le Concombre Cucumis.Ces noms divers montrent l'ancienneté <strong>de</strong> l'espèce en Europe.Je citerai même un nom esthonien, Uggurits, Ukkurits, Urits 7.Il ne semble pas finnois, mais plutôt emprunté à la même racinearyenne que Aggouria. Si le Concombre était parvenu en Europe1. Piddington, In<strong>de</strong>x.2. Botanicalmagazine,pl. 6206.3. Cogniaux, dans <strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>,MonogrPhanér.,3, p. 499.4. Bretsehnei<strong>de</strong>r,lettres <strong>de</strong>s 23et 26août 1881. “5.Theophrastes,Hist.,1.7, c.; 4; Lenz, Botanik<strong>de</strong>r alten GnechenundRoemer,p. 492.6. De Heldreicn,NutzpflanzenGriechenlands,p. 50.7. NemnichjPolygl.Lexieon,1, p. 1306.


212 PLANTES CULTIVÉESPOURLEURS FRUITSavant les Aryens on aurait peut-être quelque nom particulierdans la langue basque, ou l'on aurait trouvé <strong>de</strong>s graines dans leshabitations lacustres <strong>de</strong> Suisse et Savoie, mais «^^f pasprésenté.Les peuplesvoisins du Caucase ont <strong>de</strong>s noms toutdifférents du grec en tartare Kiar, en Kalmouk Chaja, enarménien Iiaran 1. Le nom Chiar existe aussi en arabe pourquelque wiété <strong>de</strong> Concombre «. Ce serait donc un nomtouranien, antérieur au sanscrit, par où la culture dans l'Asieocci<strong>de</strong>ntale aurait plus <strong>de</strong> 3000 ans.était le Kischschuim,OtndttmmuSn^un <strong>de</strong>s fruits d'Egypte regrettés par les Israélites dans le désert 3.Je ne vois cependant aucun nomarabe, parmi les trois cités parForskal, qui se rattache à celui-ci, et jusqu'à présent on n'a pastrouvé d'indication <strong>de</strong> la présencedu Concombre dans l'ancienneEgypte.Concombre Anguria. Cucumis Anguria, Linné.Cette petite espèce <strong>de</strong> Concombre est désignée dans le Bonjardinier sous le nom <strong>de</strong> ConcombreArada. Le fruit, <strong>de</strong> la grosseurd'un S, est très épineux. On le mange cuit ou conservéau vinaigre Comme la plante est productive,sa culture est fréquentedans les colonies américaines. Descourtilz et sir J. Hookeren ont publié <strong>de</strong> bonnes figures coloriées, et M. Cogniaux uneplanche contenant <strong>de</strong>s analyses détaillées <strong>de</strong> la fleur •L'indigénat aux Antilles est affirmé par plusieurs botanistes.P. Browne*, dans le siècle <strong>de</strong>rnier, appelait la plante Petit Concombresauvage (à la Jamaïque). Descourtilz s'est servi <strong>de</strong>sexpressions suivantes « Le Concombre croît partout naturellement,et principalementdans les savanes sèches et près <strong>de</strong>srivières dont les rives offrent une riche végétation. » ^habitantsl'appellent Concombremarron. Grisebach 6 a vu <strong>de</strong>s échantillons<strong>de</strong> plusieurs autres iles Antilles et paraît admettre leur qualitéspontanée. M. E. André a trouvé l'espèce sur le bord <strong>de</strong> lamer, dans les sables, à Porto-Cabello, et Burchell, dans le mêmegenre <strong>de</strong> stations, au Brésil, dans une localité non désignée, ainsique Rie<strong>de</strong>l, près <strong>de</strong> Rio-<strong>de</strong>-Janeiro 7. Pour une infinité d'autreséchantillons recueUlis dans l'Amérique orientale, du Brésil à laFlori<strong>de</strong>, on ne sait s'ils étaient spontanés ou cultivés.Une plante spontanée,du Brésil, fort mal <strong>de</strong>ssinée dans Piso1. Nemuich,2.Forskal,Flora ibid.xgypt., p. 76. l-^ti^îAllulrthunskun<strong>de</strong>, i. p. 97; Hamilton,Botanique<strong>de</strong>laBible,p. 34.4.Deseourtilz, Flore médicale <strong>de</strong>s Antilles,5 pi, 329; Hooker, Botanicalmagazine ț. 5817;Cogniaux, dans Florabrasilieiisis, faso.78,pl. 2.5. Browne, Jamaïca,éd. 2, p. 353.6. Grisebach,Flora of british W.India islands,p. 288.7. Cognialu, l. c.8. Guanerva-oba,dans Piso, Brasil., éd. 1658,p. 264; Marcgraf, éd.


BENINCASA. 213est citée comme appartenant à l'espèce, mais j'en doute beaucoup.botanistes, <strong>de</strong>puis Tournefort jusqu'à nos jours, ont considérél'Anguria comme originaire d'Amérique, en particulier<strong>de</strong> la Jamaïque. M. Naudin 1, le premier, a fait observer quetous les autres Cucumis sont <strong>de</strong> l'ancien mon<strong>de</strong>, principalementd'Afrique. Il s'est <strong>de</strong>mandé si celui-ci n'aurait point été introduiten Amérique par les nègres, comme beaucoup d'autres<strong>plantes</strong> qui s'y sont naturalisées. Cependant, n'ayant pu trouveraucune plante africaine qui fût semblable, il s'est rangé à l'opinion<strong>de</strong>s auteurs. Sir Joseph Hooker, au contraire, incline àcroire le C. Ànguria une forme cultivée et modifiée <strong>de</strong> quelqueespèce africaine voisine <strong>de</strong>s C. prophetarum et C. Figarei, bienque ceux-ci soient vivaces. En faveur <strong>de</strong> cette hypothèse, j'ajouteraique i° le nom <strong>de</strong> Concombre marron, donné dans lesAntilles françaises, indique une plante <strong>de</strong>venue sauvage, car telest le sens pour les nègres marrons; 20la gran<strong>de</strong> extension enAmérique, du Brésil aux Antilles, toujours sur la côte où latraite <strong>de</strong>s nègres a été le plus active, paraît un indice d\ rig ieétrangère. Si l'espèce était américaine, antérieure à la découverteavec une habitation d'une pareille étendue elle se seraittrouvée aussi sur la côte occi<strong>de</strong>ntale d'Amérique et dans l'intérieur,ce qui n'est pas.La question ne sera résolue que par une connaissance pluscomplète <strong>de</strong>s Cucumis d'Afrique, et par <strong>de</strong>s expériences <strong>de</strong> fécondation,si quelqu'un a la patience et l'habileté nécessaires pouropérer sur le genre Cucumis comme M. Naudin sur les Cucurbita.Enterminant, je ferai remarquer la bizarrerie du nom vulgaire<strong>de</strong>s Etats-Unis pour l'Anguria Jerusalem Cucumber, Concombre<strong>de</strong> Jérusalem 2.Prenez ensuite les noms populaires pourgui<strong>de</strong> dans la recherche <strong>de</strong>s origines 1Benincasa. Benincasa hispida, Thunberg. Benincasacerifera, Savi.Cette espèce, qui constitue à elle seule le genre Benincasa,ressemble tellement aux Courges que d'anciens auteurs l'avaientprise pour la Courge Pépon 3, malgré l'efflorescence cireuse <strong>de</strong>la surface du fruit. Elle est d'une culture générale dans les paystropicaux. On a peut-être eu tort <strong>de</strong> la négliger en Europe aprèsl'avoir essayée, car M. Naudin et le Bon jardinier s'accor<strong>de</strong>nt àla recomman<strong>de</strong>r.1048,p. 44, sans figure, en parIe sousle nom <strong>de</strong> Cucumissylvestl'is Bra-SillS. i.i in1. Naudin,Ann.se.nat., série 4, vol. 11,p. l£.2. Darlington,Agriculturalboiany,p. 58.3. C'estle CucwlntaPepo <strong>de</strong> Loureiro et <strong>de</strong> Roxburgh.


214 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITSC'est le Cumbalam <strong>de</strong> Rhee<strong>de</strong>, le Camolenga <strong>de</strong> Rumphius,.qui l'avaient vue au Malabar et dans les îles <strong>de</strong> la Son<strong>de</strong> seulementcultivée, et en avaient donné <strong>de</strong>s figures.-D'après plusieurs ouvrages, même récents1, on pourrait croireque jamais elle n'a été trouvée à l'état spontané; mais, sil'onfaitattention aux-noms divers sous lesquels on l'a décrite, il en estautrement. Ainsi les Cucurbita hispida, Thunberg, et Lagmarladasystemon, Miquel, d'après <strong>de</strong>s échantillons authentiques vuspar M.Cogniaux8, sont <strong>de</strong>s synonymes <strong>de</strong> l'espèce, et ce sont <strong>de</strong>s<strong>plantes</strong> sauvages au Japon s. Le Cucurbita littomlis, Hasskarl i,trouvé dans <strong>de</strong>s broussailles au bord <strong>de</strong> la mer, à Java, et leGymnopetatum septemlobum,Miquel, aussi à Java, sont le Benincasa,d'après M-Cogniaux. De même le Cucurbita vacua, Mueller set le Cucurbita prutHens, Forster, dont il a vu <strong>de</strong>s échantillonsauthentiques trouvés à Rockhingham en Australie et aux îles<strong>de</strong> la Société. M. Na<strong>de</strong>aud 6 ne parle pas <strong>de</strong> cette <strong>de</strong>rnière. Onpeut soupçonner <strong>de</strong>s naturalisations temporaires dans les îles<strong>de</strong>la mer Pacifique et le Queensland, mais les localités <strong>de</strong> Javaet du Japon paraissent très certaines. Je crois d'autant pluscette <strong>de</strong>rnière àque la culture du Benincasa en Chine remonte àune haute antiquité:,7.Luffa cylindrique. – Momordicacylindrica, Linné. – Luffacylindrica, Rœmer.M. Naudin 8 s'exprime ainsi « Le Luffa cylindrica, auquelon a conservé dans quelques-unes <strong>de</strong> nos colonies le nom indien<strong>de</strong> Pétole, est probablement originaire <strong>de</strong> l'Asie méridionale,mais peut être il l'est aussi <strong>de</strong> l'Afrique, <strong>de</strong> l'Australie et <strong>de</strong>s îles<strong>de</strong> l'Océanie. On le trouve cultivé par la plupart <strong>de</strong>s peuples<strong>de</strong>s pays chauds, et il parait s'être naturalisé dans beaucoup <strong>de</strong>lieux où sans doute il n'existait pas primitivement. » M. Cogniaux9 est plus affirmatif, « Espèce indigène, dit-il, danstoutes les régions tropicales <strong>de</strong> l'ancien mon<strong>de</strong>; souvent cultivéeet subspontanée en Amérique, entre les tropiques. »En consultant les ouvrages cités par ces <strong>de</strong>ux monographesetles herbiers, on trouve la qualité <strong>de</strong> plante sauvage certifiéequelquefois d'une manière positive.1. Clarke,dansFloraof britishIndia, 2,p. 616.2. Cognianx, dans <strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>,Monogr.Planer., 3, p. 313.3. Thunberg, FI. jap., p. 322;Franchet et Savatier,Enum.plant. Sap.ri, p. 173.4. Hasskarl,Catal. horti bogor.,aller, p. 190;Miquel,Flora indo-batava.5. Mueller,Fragm., 6, p. 186;Forster,Prodr. (sans <strong>de</strong>scr.); Seemann,Journalofbotany,2, p.6. Na<strong>de</strong>aud,Plantesusuelles<strong>de</strong>s 50.Tahitiens; Enumération <strong>de</strong>s<strong>plantes</strong>indigènesàTaîti.7. Breitschnei<strong>de</strong>r,lettre du 26août 1881.8. Naudin,dansAnn.sc. nat, série4, vol.9.12,p. 121,Cogniaux, dansMonogrṖhanerog.,3, p. 458.


LUFFA ANGULEUX21SEn ce qui concerne l'Asie 1, Rhee<strong>de</strong> l'a vue dans les sables, lesforêts et autres lieux duMalabar Roxburgh la dit spontanée dansl'Hindoustan, Kurz dans les forêts du pays <strong>de</strong>s Birmans; Thwaitesà Ceylan. J'en possè<strong>de</strong> <strong>de</strong>s échantillons <strong>de</strong> Ceylan et <strong>de</strong> Khasia.On ne connaît aucun nom sanscrit, et le Dr Bretschnei<strong>de</strong>r, dansson opuscule On the study, etc., et dans ses lettres ne mentionneaucun Luffa cultivé ou spontané en Chine. Je présume par conséquentque la culture n'est pas ancienne, même dans i In<strong>de</strong>.En Australie, l'espèce est spontanée au bord <strong>de</strong>s rivières duQueensland 2, et d'après cela il est probable qu'on la trouveraspontanée dans l'archipel asiatique, où Rumphms, Miquel, etc.,en parlent seulement comme d'une plante cultivée.Les herbiers renferment un grand nombre d échantillons recueillisdans l'Afrique tropicale, <strong>de</strong> Mozambique à la côte <strong>de</strong>Guinée, et jusqu'au pays d'Angola, mais les collecteurs ne paraissentpas avoir indiqué si c'étaient <strong>de</strong>s échantillons spontanésou cultivés. Dans l'herbier Delessert, Heu<strong>de</strong>lot a indiquéles environs <strong>de</strong> Galam dans les terrains fertiles. Sir JosephHooker 3 les cite, sans rien affirmer. MM. Schweinfurth et As-.cherson toujours attentifs à ces questions, donnent 1 espècepour uniquement cultivée dans la région du Nil. Ceci est assezcurieux, parce que la plante ayant été vue, dans le xvii» siècle,dans les jardins d'Egypte, sous le nom arabe <strong>de</strong> Luff\ on anommé le genre Luffa et l'espèce Luffa xgyptiaca. Les monuments<strong>de</strong> l'ancienne Egypte n'en ont offert aucune trace. L'absence<strong>de</strong> nom hébreu est encore une raison <strong>de</strong> croire que laculture s'est introduite en Egypte au moyen âge. On la pratiqueaujourd'hui dans le Delta, non seulement pour le fruit, maisencore pour expédier les graines, dites <strong>de</strong> courgettes, dont ladécoction sert à adoucir la peau..L'espèce est cultivée au Brésil, à la Guyane, au Mexique, etc.;mais je n'aperçois aucun indice qu'elle soit indigène en Amérique.Il paraît qu'elle s'est naturalisée çà et là, par exempledans le Nicaragua, d'après un échantillon <strong>de</strong> Levy.En résumé l'origine asiatique est certaine, 1 africaine fort douteuse,celle d'Amérique imaginaire, ou plutôt l'effet d'une naturalisation.Luffa anguleux. – Papengay. Luffa acutangulaRoxburgh.R°L'oïfme <strong>de</strong> cette espèce, cultivée, comme la précé<strong>de</strong>nte, danst Rhee<strong>de</strong>,TTnrfrralabar., 8,p. 15,t. 8; Roxburgh,Fl. ind., 3, p. 714,715 ~~n~<strong>de</strong>TX'I&rz.'C~ 2, p. 100; Thwaites, E~zum.2. Mueller,Fragmenta,3,p. 107;Bentham,F~aM~3,_p. 317, sous<strong>de</strong>s nomssynonymes <strong>de</strong> L.cylindrica d'après Naudinet Cogmaux.3. Hooker,dans Flora of tropicalAfrica,2, p. 530.4. Schweinfurthet Ascherson,Aufzàhhmg,p. 268.5. Forskal,Fl. xgypt, p. 75.


216 PLANTES CULTIVÉES POURLEURS FRUITStous les pays tropicaux, n'est pas bien claire, d'après MM.Naudinet Cogniaux 1. Le premier indique le Sénégal, le secondl'Asie et, avec doute, l'Afrique. Il est à peine besoin <strong>de</strong> dire queLinné 2 se trompait en indiquant la Tartarie et la Chine.L'indigénat dans l'In<strong>de</strong> anglaise est donné, sans hésitation,par M. Clarke, dans la flore <strong>de</strong> sir J. Hooker. Rhee<strong>de</strong> 3 avaitvu la plante autrefois dans les sables du Malabar. L'habitationnaturelle paraît limitée, car Thwaites à Ceylan, Kurz dans laBirmanie anglaise et Loureiro pour la Gochinehine et la Chinene citent l'espèce que comme cultivée, ou venant dans les décombres,près <strong>de</strong>s jardins. Rumphius 5 l'appelle une plante duBengale. Aucun Luffa n'est cultivé <strong>de</strong>puis longtemps en Chine,d'après une letttre du Dr Bretschnei<strong>de</strong>r. On ne connaît pas <strong>de</strong>nom sanscrit. Ce sont autant d'indices d'une mise en culture pastrès ancienne en Asie.Une variété à fruit amer est commune dans l'In<strong>de</strong> 6 anglaiseà l'état spontané, car on n'a aucun intérêt à la cultiver. Elleexiste aussi dans les îles <strong>de</strong> la Son<strong>de</strong>. C'est le Luffa amara,Roxburgh, et le L. sylvestris, Miquel. LeL. subangulata, Miquel,est une autre forme, croissant à Java, que M. Cogniaux réunitégalement, sur la vue d'échantillons certains.M. Naudin n'explique pas d'après quel voyageur la <strong>plantes</strong>erait sauvage en Sénégambie mais il dit que les nègres l'appellentPapengaye, et, comme cenom est celui <strong>de</strong>s colons <strong>de</strong> l'île <strong>de</strong>Prance 7, il est probable qu'il s'agit au Sénégal d'une plantecultivée, peut-être naturalisée autour <strong>de</strong>s habitations. Sir JosephHooker, dans le Flora of tropical Africa, indique l'espèce, sansdonner la preuve qu'elle soit spontanée en Afrique, et M. Cogniauxest encore plus bref. MM. Schweinfurth et Ascherson 8 nel'énumèrent pas, soit comme spontanée, soit comme cultivée,dans la région <strong>de</strong> l'Egypte, la Nubie et l'Abyssinie. Il n'y aaucune trace d'ancienne culture en Egypte.L'espèce a été envoyée souvent <strong>de</strong>s Antilles, <strong>de</strong> la Nouvelle-Grena<strong>de</strong>, du Brésil et autres localités d'Amérique; mais on n'apas d'indice qu'elle y soit ancienne, ni même qu'elle s'y trouveà distance <strong>de</strong>s jardins, dans un état vraiment spontané.Les conditions ou probabilités d'origine et <strong>de</strong> date <strong>de</strong> culturesont, comme on voit, semblables pour les <strong>de</strong>ux Luffa cultivés.A l'appui <strong>de</strong> l'hypothèse que ces <strong>de</strong>rniers ne sont pas originaires1. Naudin,Ann. sc. nat., sér. 4, v. 12,p. 122;Cogniaux,dansUonogr.Phaner.,3, p. 459.2. Linné,Species,p. 1436,sousle nom <strong>de</strong>Cucumis acutangulus.3. Rhee<strong>de</strong>,Hort.malab.,8, p. 13,t. 7.4. Thwaites,Enum. Ceylan., p. 126;Kurz,Contrib.,2, p. 101 Loureiro,FI. Cocltinch., p. 727.5. Rumphius,Amboin.,5, p. 408,t. 1496. Clarke,dans Flora ofbritishIndia, 2, p. 614.7. Bojer,Sortiesmauritianus.8. Schweinfurthet Ascherson,Aufzuhlung,p. 268.


CHAYOTE 217d'Afrique, je dirai que les quatre autres espèces du genre sontou asiatiques ou américaines, et, comme indice <strong>de</strong> plus que laculture <strong>de</strong>s Luffa n'est pas très ancienne, j'ajoute que la formedu fruit a varié beaucoup moins que dans les autres Cucurbitacées<strong>cultivées</strong>.Trichosanthes serpent. Trichosanthes anguina, Linné.Cucurbitacée annuelle, grimpante, remarquable par sa corollefrangée. Onl'appelle dans l'île Maurice Petole, d'un nom usitéà Java. Le fruit, allongé en quelque sorte comme un légumecharnu <strong>de</strong> Légumineuse, est recherché dans l'Asie tropicalepour être mangé cuit, comme <strong>de</strong>s concombres.Les botanistes du xvae siècle l'ayant reçu <strong>de</strong> Chine, se sontfigurés que la plante y est indigène, mais elle y était probablementcultivée. Le Dr Bretschnei<strong>de</strong>r 1 nous apprend que le nomchinois, Mankua, signifie Concombre <strong>de</strong>s barbares du sud. Lapatrie doit être l'In<strong>de</strong> ou l'archipel indien. Aucun auteur cependantn'affirme l'avoir trouvée dans un état clairement spontané.Ainsi M. Clarke se borne à dire dans la flore <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> anglaise(2 p. 610) « In<strong>de</strong>, cultivé. » M..Naudin 2, avant lui, disait« Habite l'In<strong>de</strong> orientale, où on la cultive beaucoup pour sesfruits. Elle se présente rarement à l'état sauvage. » Rumphius 3n'est pas plus affirmatif pour Amboine. Loureiro et Kurz ence qui concerne la Cochinchine et le pays <strong>de</strong>s Birmans, Blumeet Miquel pour les îles au midi <strong>de</strong> l'Asie, n'ont vu que la plantecultivée. Les 39 autres espèces du genre sont toutes <strong>de</strong> l'ancienmon<strong>de</strong>, entre la Chine ou le Japon, l'In<strong>de</strong> occi<strong>de</strong>ntale et l'Australie.Elles sont surtout dans l'In<strong>de</strong> et l'archipel. Je regar<strong>de</strong>l'origine indienne comme la plus probable.L'espèce a été portée à l'île Maurice, où elle se sème autour<strong>de</strong>s cultures. Ailleurs elle s'est peu répandue. On ne lui connaîtaucun nom sanscrit.Chayote. Sechium edule, Swartz.On cultive cette Cucurbitacée, dans l'Amérique intertropicale,pour ses fruits, qui ont une forme <strong>de</strong> Poire et le goût d'unConcombre. Ils ne contiennent qu'une graine, <strong>de</strong> sorte que lachair est abondante.L'espèce constitue à elle seule le genre Sechium. On en trouve<strong>de</strong>s échantillons dans tous les herbiers, mais ordinairement lescollecteurs n'ont pas indiqué s'ils étaient cultivés, naturalisésou vraiment spontanés, avec l'apparence d'être originaires dupays. Sans parler d'ouvrages dans lesquels on prétend quecette plante vient <strong>de</strong>s In<strong>de</strong>s orientales, ce qui est tout à faitfaux, plusieurs <strong>de</strong>s plus estimés mentionnent pour origine la1. Bretschnei<strong>de</strong>r,Oitstudy, etc., p. 17.2. Naudin,Ann.se. nat., série 4, vol. 18,p 190.3. Rmphius, Amboin.,5, pl. 148.


218 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS FRUITSJamaïque 1. Cependant P. Browne2, dans le milieu du siècle<strong>de</strong>rnier, disait positivement qu'elle y est à l'état <strong>de</strong> culture, etavant lui Sloane n'en a pas parlé. Jacquin 3 dit qu'elle« habite et qu'on la cultive à Cuba », et Richard a copié cettephrase dans la flore <strong>de</strong> R. <strong>de</strong> La Sagra, sans ajouter quelquepreuve. M. Naudin 4 a dit « Plante du Mexique », mais il nedonne pas les motifs <strong>de</strong> son assertion. M. Gogniaux 5,dans sa récentemonographie, cite un grand nombre d'échantillons recueillisdu Brésil aux Antilles, sans dire qu'il en ait vu aucunqualifié <strong>de</strong> spontané. Seemann 6 a vu la plarie cultivée à Panama,et il ajoute une remarque importante, ti elle est exactec'est que le nom <strong>de</strong> Chayote, usité dans l'isthme, est une corruptiond'un nom atztec, Chayotl. Toilà un indice d'ancienneexistence au Mexique, mais je ne trouve pas ce nom dans Hernan<strong>de</strong>z,l'auteur classique sur les <strong>plantes</strong> mexicaines antérieuresà la conquête. La Chayote n'était pas encore cultivée à Gayenneil y a dix ans T. Au Brésil, rien ne fait présumer une ancienneculture. L'espèce n'est pas mentionnée dans les anciens auteurs,tels que Piso et Marcgraf, et le nom Chuchu, donné comme brésilien8, me paraît venir <strong>de</strong>-Chocho, usité à la Jamaïque, lequelest peut-être une corruption du mot mexicain.Les probabilités sont, en résumé 10 une origine du Mexiqueméridional et <strong>de</strong> l'Amérique centrale 2° un transport auxAntilles et au Brésil à peu près dans le xvnie siècle.On a introduit plus tard l'espèce dans les jardins <strong>de</strong> l'îleMaurice et récemment en Algérie, où elle réussit à merveille 9-Opuntia Figue d'In<strong>de</strong>. Opuntia Ficus indica, Miller.La plante grasse, <strong>de</strong> la famille <strong>de</strong>s Cactacées, sur laquellevient le fruit appelé dans le midi <strong>de</strong> l'Europe Figue d'In<strong>de</strong>, n'aaucun rapport avec les Figuiers, ni le fruit avec la figue. Iln'est pas originaire <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, mais d'Amérique. Tout est fauxet ridicule dans ce- nom vulgaire. Cependant Linné en ayantfait un nom botanique, Cactus Ficus indica, rapporté ensuite augenre Opuntia, il a fallu conserver le nom spécifique, pour éviterles changements, sources <strong>de</strong> confusion, et rappeler la dénominationpopulaire. Les formes épineuses et plus ou moins dépourvuesd'épines ont été désignées par quelques auteurs comme <strong>de</strong>sespèces distinctes, mais un examen attentif porte à les réunir i0»1. Grisebach,Flora of hrit. W. India Islands,p. 286.2. Browne,Jamaica,p. 355.3. Jacquin,Stirp. amer.hist., p. 259.4. Naudin,Ann.sc.nat., série4,vol. 18,p. 205.5. DansMonogi:Phaner.,3, p. 902.6. Seemann,Bot.ofHerald,p. 12S.7. Sagot, Journal<strong>de</strong> la Soc.â'hortic.<strong>de</strong> France,1872.8. Cognianx, Flora brasil.,fase.78.9. Sajiot,l. c, 19.10.Webbet Berthelot,Phytographiacanariensisșeet. I, p. 208.


GROSEILLIER A MAQUEREAUX 219L'espèce existait, à létat spontané et cultivé, au Mexique,avant l'arrivée <strong>de</strong>s Espagnols. Hernan<strong>de</strong>z 1 en décrit neuf variétés,ce qui montre l'ancienneté <strong>de</strong> la culture. L'une d'elles, àpeu près sans épines, paraît avoir nourri plus spécialement queles autres l'insecte appelé cochenille, qu'on a transporté avecla plante aux îles Canaries et ailleurs. On ne peut pas savoirjusqu'où s'étendait l'habitation en Amérique avant que l'hommeeût transporté les fragments <strong>de</strong> la plante, en forme <strong>de</strong> raquette,et les fruits, qui sont <strong>de</strong>ux moyens faciles <strong>de</strong> propagation. Peutêtreles individus sauvages dans la Jamaïque et autres îlesAntilles dont parlait Sloane 2, en 1725, étaient-ils le résultatd'une introduction par les Espagnols. Assurément l'espèce s'estnaturalisée dans cette direction aussi loin que le climat le lui permet,par exemple jusqu'à la Flori<strong>de</strong> méridionale 3.C'est une <strong>de</strong>s premières <strong>plantes</strong> que les Espagnols aient transportéesdans le vieux mon<strong>de</strong>, soit en Europe, soit en Asie. Sonapparence singulière frappait d'autant plus l'attention qu'aucuneespèce <strong>de</strong> la famille n'avait encore été vue 4. Tous lesbotanistes du xvre siècle en ont parlé, et en même temps laplante s'est naturalisée dans le midi <strong>de</strong> l'Europe et en Afrique àmesure qu'on se mettait à la cultiver. C'est en Espagne quel'Opuntia a d'abord été connu sous le nom américain <strong>de</strong> Tuna,et probablementse sont les Maures qui l'ont porté en Barbarie,quand on les a chassés <strong>de</strong> la Péninsule. Ils le nommaient Figue<strong>de</strong> chrétien 5. L'usage d'entourer les propriétés <strong>de</strong> Figuiersd'In<strong>de</strong>, comme clôture, et la valeur nutritive <strong>de</strong>s fruits, assezfortement sucrés, ont déterminé l'extension autour <strong>de</strong> la merMéditerranée et en général dans les pays voisins <strong>de</strong>s tropiques.L'élève <strong>de</strong> la cochenille, qui nuisait à la production <strong>de</strong>s fruits 6,est en pleine déca<strong>de</strong>nce <strong>de</strong>puis la fabrication <strong>de</strong>s matières colorantespar <strong>de</strong>s procédés chimiques.Groseillier à maquereaux. – Jtlbes Grossularia et R. Uvacrispa,Linné.Les formes <strong>cultivées</strong> présentent ordinairement un fruit lisseou qui porte quelques gros poils rai<strong>de</strong>s, tandis que le fruit <strong>de</strong>la forme sauvage (R. Uva-crispa) a <strong>de</strong>spoils mous et moinslongs;mais on a constaté souvent <strong>de</strong>s intermédiaires, et il a été prouvé,par expérience, qu'en semant <strong>de</strong>s graines du fruit cultivé onobtient <strong>de</strong>s pieds ayant <strong>de</strong>s poils ou sans poils 7. Il n'y a, parconséquent, qu'une seule espèce, qui a donné par la culture une1. Hernan<strong>de</strong>zȚhesaurusNovsHispaniss,p.78.2. Sloane,Jamaica,2, p. 130.3. Chapman,Flora of south.Unitedstates,p. 144.4. Le Cactos<strong>de</strong>s Grecsétait tout autre,chose.5.Steinheil,dansBoissier,Voyagebot. enEspagne,1,p. 2",6.Webb et Berthelot,Phyt.canar.7, Robson,cité dans English botany,planche2037.


220 PLANTES CULTIVÉESPOURLEURS FRUITSvariété principale et plusieurs sous-variétés quant à la grosseur,la couleur ou la saveur du fruit.Ce Groseillier croît spontanément dans toute l'Europe tempérée,<strong>de</strong>puis la Suè<strong>de</strong> méridionale jusque dans les parties montueuses<strong>de</strong> l'Espagne centrale, <strong>de</strong> l'Italie et <strong>de</strong> la 'Grèce 1. On lementionne aussi dans l'Afrique septentrionale, mais le <strong>de</strong>rniercatalogue publié <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> d'Algérie 2 l'indique seulementdans les montagnes d'Aurès, et M. Bail en a trouvé une variétéassez distincte dans l'Atlas du Maroc 3. Il existe dans le Caucaseet, sous <strong>de</strong>s formes plus ou moins différentes, dans l'Himalayaocci<strong>de</strong>ntal B.Les Grecs et les Romains n'ont pas parlé <strong>de</strong> cette espèce, quiest rare dans le midi et qu'il ne vaut guère la peine <strong>de</strong> planterlà où les raisins mûrissent. C'est surtout en Allemagne, en.Hollan<strong>de</strong> et en Angleterre qu'on l'a cultivée, <strong>de</strong>puis le xvie siècle6, principalement pour assaisonnement, d'où viennent lesnoms <strong>de</strong> Gooseberry en anglais et <strong>de</strong> Groseille à maquereaux enfrançais. On en fait aussi une sorte <strong>de</strong> vin.La fréquence <strong>de</strong> la culture dans les îles Britanniques et leslieux où on le trouve, qui sont souvent près <strong>de</strong>s jardins, ont faitnaître chez plusieurs botanistes anglais l'idée d'une naturalisationacci<strong>de</strong>ntelle. C'est assez probable pour l'Irlan<strong>de</strong> 7 mais,comme il s'agit d'une espèce essentiellement européenne, jevois nepas pourquoi en Angleterre, où la plante sauvage est pluscommume, elle n'aurait pas existé <strong>de</strong>puis l'établissement <strong>de</strong> laplupart <strong>de</strong>s espèces <strong>de</strong> la flore britannique, c'est-à-dire <strong>de</strong>puisla fin <strong>de</strong> l'époque glaciaire, avant la séparation <strong>de</strong> l'île d'avec lecontinent. Phillips cite un vieux nom anglais tout particulier,Feaberry ou Feabes, qui vient à l'appui d'une ancienne existence,<strong>de</strong> même que <strong>de</strong>ux noms gallois 8, dont je ne puis cependantpas attester l'originalité.Groseillier rouge. -Ribes rubrum, Linné.Le Groseillier ordinaire, rouge, est spontané dans l'Europeseptentrionale et tempérée, <strong>de</strong> même que dans toute la Sibérie 8jusqu'au Kamtschatka, et en Amérique du Canada et du Vermontà l'embouchure <strong>de</strong> la rivière Mackensie 10.Comme le précé<strong>de</strong>nt, il était inconnu aux Grecs et aux Ro-1. Nyman, Conspectus fi. europess,p. 266 Boissier,Fl. or., 2, p. 815.2. Munby,Catal., éd. 2, p. 15.3. Bail.Spicilegiumfl. marocc,p. 449.4. Le<strong>de</strong>bôur.Fl. ross., 2, p. 194;Boissier,l. c.5. Clarke,dans Hooker,Fl. brit. Indice,2,p. 410.6.Phillips,Accountof fruits, p. 174.7.Mooreet More,Contrib.to the Cybebehibernica,p. H3.8.Davies,Welslibotanology,p.~24.9.Le<strong>de</strong>bour,Fl. ross.,2, p. 199.10. Torrey et Gray,Fl. N. Am.,1, p. 130.


GROSEILLIER ROUGE 221mains, et la culture s'en est introduite dans le moyen âge seulement.La plante cultivée diffère à peine <strong>de</strong> la plante sauvage.L'origine étrangère pour le midi <strong>de</strong> l'Europe est attestée par lenom Groseille d'outremer, donné en France au xvr siècle. AGenève, la Groseille se nomme encore vulgairement Raisin <strong>de</strong>mare, et, dans le canton <strong>de</strong> Soleure, Meertrilbli. Je ne sais pourquoion s'est imaginé, il y a trois siècles, que l'espèce venait d'outremer.Peut-être doit-on l'entendre dans ce sens, qu'elle auraitété importée par les Danois et les Normands, ou que ces peuplesdu nord, venus par mer, en auraient introduit la culture. J'endoute, cependant, car le Ribes rubrum est spontané dans presquetoute la Gran<strong>de</strong>-Bretagne 2 et en Normandie 3 les Anglais, quiont eu <strong>de</strong>s rapports fréquents avec les Danois, ne le cultivaientpas encore en 1557, d'après une liste <strong>de</strong>s fruits <strong>de</strong> cette époquerédigée par Th. Tusser et publiée par Phillips 4, et même dutemps <strong>de</strong> Gerar<strong>de</strong>, en i597 B, la culture en était rare et laplante n'avait pas <strong>de</strong> nom particulier 6; enfin, il y a <strong>de</strong>s nomsfrançais et bretons qui font supposer une culture antérieure auxNormands dans l'ouest <strong>de</strong> la France.Les vieux noms <strong>de</strong> cette contrée nous sont indiqués dans leDictionnaire <strong>de</strong> Ménage. Selon lui, on appelait les groseillesrouges, à Rouen Gar<strong>de</strong>s, à Caen Gra<strong>de</strong>s, dans la basse NormandieGradilies, et dans son pays, en Anjou, Castilles. Ménagefait venir tous ces noms <strong>de</strong> rubius, rubicus, etc., par une suite <strong>de</strong>transformations imaginaires, du mot ruber, rouge. Legoni<strong>de</strong>c 7nous apprend que les Groseilles rouges se nomment aussi Kastilez(avec l mouillée) en Bretagne, et il fait venir ce nom <strong>de</strong>Castille, comme si un fruit fort peu connu en Espagne et abondantdans le nord pouvait venir <strong>de</strong> la péninsule. Ces mots,répandus à la fois en Bretagne et hors <strong>de</strong> Bretagne, me semblentd'une origine celte, et à l'appui je dirai que, dans le Dictionnaire<strong>de</strong> Legoni<strong>de</strong>c lui-même, gardiz signifie en breton ru<strong>de</strong>, âpre,piquant, aigre, etc., ce qui fait <strong>de</strong>viner l'étymologie. Le nomgénérique Ribes a donné lieu à d'autres erreurs. On avait crureconnaître une plante appelée ainsi par les Arabes; mais ce motvient plutôt d'un nom très répandu dans le nord pour le Groseillier,Ribs en danois 8, Risp et Resp en suédois 9. Les nomsslaves sont tout différents et assez nombreux.1. Dodoneus,p.2. 748.Watson, Cybele brit.3. Brebisson,Flore<strong>de</strong>Normandie,p. 99.4. Phillips, Accountof fruits, p. 136.5. Gérard,fierbal,p. H43..6. Celui<strong>de</strong>SanF'est venu plus tard, par suite <strong>de</strong> l'analogie avec lesraisins <strong>de</strong> Corinthe(Phillips,ib.).7. Legoni<strong>de</strong>c, Diction. celto-breton.8. Moritzi, Dict.inéd. <strong>de</strong>snomsvulgaires.9.Linné,Florasuecica, n. 197.


222 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS FRUITSGroseillier noir. Cassis. Ribes nigrum, Linné.Le Cassis existe à l'état spontané dans l'Europe septentrionale,<strong>de</strong>puis l'Ecosse et la Laponie jusque dans le nord <strong>de</strong> la Fian.ceet <strong>de</strong> l'Italie en Bosnie S en Arménie 2, dans toute la Siberie,et la région du fleuve Amour, et dans l'Himalaya occi<strong>de</strong>ntalIl se naturalise souvent, par exemple, dans le centre <strong>de</strong> laFrance 4.Les Grecs et les Romains ne connaissaient pas cet arbuste,qui est propre à <strong>de</strong>s pays plus froids que les leurs. D'après ladiversité <strong>de</strong> ses noms dans toutes les langues, même antérieuresaux Aryens, du nord <strong>de</strong> l'Europe, il est clair qu'on en recherchaitles fruits à une époque ancienne, et qu'on a probablementcommencé à le cultiver avant le moyen âge. J. Bauhin ditqu'on le plantait dans les jardins en France et en Italie, mais laplupart <strong>de</strong>s auteurs du xvie siècle n'en parlent pas. On trouvedans YHistoire<strong>de</strong>la vie privée <strong>de</strong>sFinançais, par Le Grand d'Aussy,publiée en 1782, vol. 1, p. 232, cette phrase assez curieuse « LeCassis n'est guère cultivé que <strong>de</strong>puis une quarantaine .d années,et il doit cette sorte <strong>de</strong> fortune à une brochure intitulée Culturedu cassis, dans laquelle l'auteur attribuait à cet arbuste toutesles vertus imaginables. » Plus loin (vol. 3, p. 80), l'auteur revientsur l'usage fréquent du ratafia <strong>de</strong> cassis <strong>de</strong>puis la brochure enquestion. Bose, toujours exact dans ses articles du Dictionnaired'agriculture, parle bien <strong>de</strong> cet engouement, au nom Groseillier,mais il a soin <strong>de</strong> dire « On le cultive <strong>de</strong> très ancienne date, pourson fruit, qui a une o<strong>de</strong>ur particulière, agréable aux uns, désagréableaux autres et passe pour stomachique et diurétique. »Il est employé dans la fabrication <strong>de</strong>s liqueurs appelées ratafiaet cassis 6.Olivier. – Olea europsea, Linné.L'Olivier sauvage, désigné dans les livres <strong>de</strong> botanique commevariété sylvestris ou Oleaster, se distingue <strong>de</strong> l'arbre cultivé parun fruit plus petit, dont la chair est moins épaisse. On obtient1. Watson, Compend.Cybele,1,p. 177;Fries,Summaveg.Scandinavie,p. 39 Nyman,Conspectusflors europex,p. 266.2. Boissier.FI. or., 2, p. 81S.3. Le<strong>de</strong>bour,Fl. ross., p. 200 Maximovicz,Vrimitiœfl. Amur,p. liaClarke,dans Hooker,Fl. brit. India, 2,p. 411.4. Boreau,Floredu centre<strong>de</strong> la France,éd. 3, p. 262.5. Bauhin,Hist.plant., 2, p. 99.6. Cenom <strong>de</strong> cassisest assezsingulier.Littré, danssonDictionnaire, ditqu'il sembleêtre entré tardivementdans la langue et qu'il n'en connaîtpasl'origine. Je ne l'ai pas trouvé dans les livres <strong>de</strong> botaniqueavantlemilieu du xvm°siècle.Monrecueilmanuscrit<strong>de</strong> nomsvulgairesne présentepas,sur plus <strong>de</strong> quarante noms <strong>de</strong> cette espècedans différenteslanguesoupatois,un seul nom analogue.Buchoz,dansson Dictionnaire<strong>de</strong>s<strong>plantes</strong>,1770,1, p. 289,appelle la plante le cassisou cassetwr<strong>de</strong>sPoitevins.L'anciennomfrançaisétaitpoivrier ou groseillier noir. Le Dictionnaire<strong>de</strong> Laroussedit qu'on fabriquait<strong>de</strong>s liqueurs estimées à Cassis,enProvence.Serait-cel'originedu nom?


OLIVIER 223<strong>de</strong> meilleurs fruits par le choix <strong>de</strong>s graines, les boutures ou lesgreffes <strong>de</strong> bonnes variétés.•UOleaster existe aujourd'hui dans une vaste région à l'estet à l'ouest <strong>de</strong> la Syrie, <strong>de</strong>puis le Punjab et le Belouchistanjusqu'en Portugal et même à Madère, aux îles Canaries et auMaroc 2; et, dans la direction du midi au nord, <strong>de</strong>puis l'Atlasjusqu'au midi <strong>de</strong> la France, l'ancienne Macédoine, la Griméeet le Caucase 3. Si l'on compare ce que disent les voyageurset les auteurs <strong>de</strong> flores, il est aisé <strong>de</strong> voir que sur les frontières<strong>de</strong> cette habitation on a souvent <strong>de</strong>s doutes à l'égard <strong>de</strong> laqualité spontanée et indigène, c'est-à-dire très ancienne, <strong>de</strong>l'espèce. Tantôt, elle se présente à l'état <strong>de</strong> buissons, qui fructifientpeu ou point, et tantôt, par exemple en Crimée, les piedssont rares, comme s'ils avaient échappé, par exception, auxeffets<strong>de</strong>structeurs d'hivers trop rigoureux qui ne permettent pas unétablissement définitif. En ce qui concerne l'Algérie et le midi<strong>de</strong> la France, les doutes se sont manifestés dans une discussion,entre <strong>de</strong>s hommes très compétents, au sein <strong>de</strong> la Société botanique4. Ils reposent sur le fait incontestable que. les oiseauxtransportent fréquemment les noyaux d'olives dans les endroitsnon cultivés et stériles, où la forme sauvage <strong>de</strong> l'Oleaster seproduit et se naturalise.iLa question n'est pas bien posée lorsqu'on se <strong>de</strong>man<strong>de</strong> si lesOliviers <strong>de</strong> telle ou telle localité sont vraiment spontanés. Dansune espèce ligneuse qui vit aussi longtemps et qui repousse dupied quand un acci<strong>de</strong>nt l'a atteinte, il est impossible <strong>de</strong> savoirl'origine <strong>de</strong>s individus qu'on observe. Ils peuvent avoir été seméspar l'homme ou les oiseaux à une époque très ancienne, caron connaît <strong>de</strong>s Oliviers <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> mille ans. L'effet <strong>de</strong> ces semisest une naturalisation, qui revient à dire une extension <strong>de</strong> l'habitation.Le point à examiner est donc <strong>de</strong> savoir quelle a été lapatrie <strong>de</strong> l'espèce dans les temps préhistoriques très anciens, etcomment cette patrie est <strong>de</strong>venue <strong>de</strong> plus en plus gran<strong>de</strong> à lasuite <strong>de</strong>s transports <strong>de</strong> toute nature. Ce n'est pas la vue <strong>de</strong>sOliviers actuels qui peut résoudre cette question. Il faut chercherdans quels pays a commencé la culture et comment elle s'estpropagée. Plus elle a été ancienne dans une région, plus il estprobable que l'espèce s'y trouvait à l'état sauvage <strong>de</strong>puis lesévénements géologiques antérieurs aux faits <strong>de</strong> l'homme préhistorique.L Aitchison,Catalogue,p. 86.2. ^Mà^tZ^IfMà<strong>de</strong>ira, 2, p. 20; Webb et Berthelot,Rist.nat. <strong>de</strong>s Canaries,Géogr.bot., p. 48 Ball,Spieilegiuinfions marocmna;,p. 565 Ṗ"3S6Cos3On, Bull.Soc.bot.France,4,p. 107,et 7, p. 31 Grisebach,Splcilemumilorxrumelicx,2, p. 71 Steven,Verzeichmssd. taunschcnHalbinseln,p.248 Le<strong>de</strong>bour,Fl. ross., p. 38.4.Bulletin,4,p. 107.


224 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS FRUITSLes plus anciens livres hébreux parlent <strong>de</strong> l'Olivier, Sait ouZeit, sauvage et cultivé C'était un <strong>de</strong>s arbres promis <strong>de</strong> laterre <strong>de</strong> Canaan. La plus ancienne mention est dans la Genèse,où il est dit que la colombe lâchée par Noé rapporta une feuilled'Olivier. Si l'on veut tenir compte <strong>de</strong> cette tradition accompagnée<strong>de</strong> détails miraculeux, il faut ajouter que, d'après les découvertes<strong>de</strong> l'érudition mo<strong>de</strong>rne, le mont Ararat <strong>de</strong> laBible <strong>de</strong>vaitêtre à l'orient du mont Ararat actuel d'Arménie, qui s'appelaitanciennement Masis. En étudiant le texte <strong>de</strong> la Genèse, FrançoisLenormand 2 reporte la montagne en question jusqu'à l'Hindoukousch,et même aux sources <strong>de</strong> l'Indus. Mais alors il la supposeprès du pays <strong>de</strong>s Aryas, et cependant l'Olivier n'a pas <strong>de</strong> nomsanscrit, pas même du sanscrit dont les langues indiennes sontdérivées 3. Si l'Olivier avait existé dans le Punjab, comme maintenant,les Aryo-Indiens, dans leurs migrations vers le midi, l'auraientprobablement nommé, et s'il avait existé dans le Mazandéran,au midi <strong>de</strong> la mer Caspienne, comme aujourd'hui, lesAryens occi<strong>de</strong>ntaux l'auraient peut-être connu. A ces indicesnégatifs, on .peut objecter seulement que l'Olivier sauvage n'attirepas beaucoup l'attention et que l'idée d'en extraire <strong>de</strong> l'huileest peut-être venue tardivement dans cette partie <strong>de</strong> l'Asie.D'après Hérodote 4,la Babylonie ne produisait pas d'Olivierset ses habitants se servaient d'huile <strong>de</strong> Sésame. Il est certainqu'un pareil pays, souvent inondé, n'était pas du tout favorableà l'Olivier. Le froid l'exclut <strong>de</strong>s plateaux supérieurs et <strong>de</strong>smontagnes du nord <strong>de</strong> la Perse.J'ignore s'il existe un nom zend, mais le nom sémitique Saitdoit remonter à une gran<strong>de</strong> ancienneté, car il se retrouve à lafois enpersanmo<strong>de</strong>rne, Seitun 5, et en arabe, Zeitun, Sj'etun6 ilest même dans le turc et chez les Tartares <strong>de</strong> Crimée, Seitunce qui pourrait faire présumer une origine touranienne ou <strong>de</strong>l'époque très reculée du mélange <strong>de</strong>s peuples sémitiques et touraniens.Les anciens Egyptiens cultivaient l'Olivier, qu'ils appelaientTat 8. Plusieurs botanistes ont constaté la présence <strong>de</strong> rameauxou <strong>de</strong> feuilles d'Olivier dans les cercueils <strong>de</strong> momies 9. Rien1. Rosenmüller, Handbuch <strong>de</strong>r biblischen Alterthumskun<strong>de</strong>, vol. 4, p. 258,et Hamilton, Botanique <strong>de</strong> la Bible, p. 80, où les passages sont indiqués.2. Fr. Lenormand, Manuel <strong>de</strong> l'histoire ancienne <strong>de</strong> l'Orient, 1869,vol. 1,p. 3i.3. Fick, Wôrterbuch.– Piddington, In<strong>de</strong>x, ne mentionne qu'un nom hindoustani,Julpai. i-4. Hérodote, Hist., 1. 1, c. 193.5. Boissier, Flora or., 4, p. 36.6. Ebn Baïthar, trad. allem., p. 569 Forskal, Plant. Egypt., p. 49.7. Boissier, l. c. Steven, l. c.8. Unger, Die Pflanzen d. alten JEgyptens, p. 45.9. De <strong>Candolle</strong>, Physiol. végét., p. 696; Al. Braun, l. c., p. 12; Pleyte,cité par Braun et par Ascherson, Sitzber. Natwfor. Ges., 15 mai 1877.


OLIVIER 225n'est plus certain, quoique M. Hehn ait dit récemment le contraire,sans alléguer aucune preuve à l'appui <strong>de</strong> son opinionIl serait intéressant <strong>de</strong> savoir sous quelle dynastie avaient étédéposés les cercueils les plus anciens dans lesquels on a trouvé<strong>de</strong>s rameaux d'Olivier. Le nom égyptien, tout différent dunom sémite, indique une existence plus ancienne que les premièresdynasties. Je citerai tout à l'heure un fait à l'appui <strong>de</strong>cette gran<strong>de</strong> antiquité.Selon Théophraste 2,il y avait beaucoup d'Oliviers et l'onrécoltait beaucoup d'huile dans la Cyrénaïque, mais il ne dit pasque l'espèce y fût sauvage, et la circonstance qu'on récoltaitbeaucoup d'huile fait présumer une variété cultivée. La contréebasse et très chau<strong>de</strong> entre l'Egypteetl'Atlas n'est guère favorableà une naturalisation <strong>de</strong> l'Olivier hors <strong>de</strong>s plantations. M. Kralik,botaniste très exact, dans son voyage à Tunis et en Egypte, nel'a vu nulle part à l'état sauvage 3, bien qu'on le cultive dansles oasis. En Egypte, il est seulementcultivé, d'après MM Ṣchweinfurthet Ascherson, dans leur résumé <strong>de</strong> la flore <strong>de</strong> la région duNilLa patrie préhistorique s'étendait probablement <strong>de</strong> la Syrievers la Grèce, car l'Olivier sauvage est très commun sur la côteméridionale <strong>de</strong> l'Asie Mineure. Il y forme <strong>de</strong> véritables forêts 5.C'est sans doute là et dans l'Archipel que les Grecs ont pris <strong>de</strong>bonne heure connaissance <strong>de</strong> cet arbre. S'ils ne l'avaient pas vuchez eux, s'il l'avaient reçu <strong>de</strong>s peuples sémites, ils ne lui auraientpas donné un nom spécial, Elaia, dont les Latins ont faitOlea. L'Ilia<strong>de</strong> et l'Odyssée mentionnent la dureté du bois d'Olivieret l'usage <strong>de</strong> s'oindre le corps avec son huile. Celle-ci étaitd'un emploi habituel pour la nourriture et l'éclairage. La mythologieattribuait à Minerve la plantation <strong>de</strong> l'Olivier dansl'Attique, ce qui signifie probablement l'introduction <strong>de</strong> variétés<strong>cultivées</strong> et <strong>de</strong> procédés convenables pour l'extraction <strong>de</strong> l'huile.Aristée avait introduit ou perfectionné la manière <strong>de</strong> presser lefruit.Ce même personnage mythologique, du nord <strong>de</strong> la Grèce,avait porté, disait-on, l'Olivier en Sicile et en Sardaigne. LesPhéniciens, à ce qu'il semble, ont pu s'en acquitter comme luiet <strong>de</strong> très bonneheure, mais, à l'appui <strong>de</strong> l'introduction <strong>de</strong> l'espèceou d'une variété perfectionnée par les Grecs, je dirai que dansles îles <strong>de</strong> la Méditerranée le nom sémite Zeit n'a laissé aucunetrace. C'est le nom gréco-latin qui existe comme en Italie 6,tandis que sur la côte voisine d'Afrique et en Espagne ce sont1. Hehn,Kulturpflanzen,éd. 3, p. 88,ligne 9.2. Theophrastes,Hist.plant., 1. 4, c. 3, à la fin.3. Kralik,dans Bull.Soc. bot.Fr., 4, p. 108.4. Schweinfurthet Ascherson,Beilr'àgezur floraJEtldopiens,p. 281.5. Balansa,Bull. Soc.bot.<strong>de</strong> France,4, p. 107.6. Moris,Flora sardoa, 3, p. 9; Bertoloni,Flora ital., 1, p. 46.DE CANDOLLE. IS


226 PLA.NTESCULTIVÉES POUR LEURS FRUITS<strong>de</strong>s noms égyptien ou arabe, comme je l'expliquerai dans uninstant.Les Romains ont connu l'Olivier plus tard que les Grecs.D'après Pline 1, ce serait seulement à l'époque <strong>de</strong> Tarquinl'Ancien, en 627 avant J.-C, mais probablement l'espèce existaitdéjà dans la Gran<strong>de</strong> Grèce, comme en Grèce et en Sicile.D'ailleurs Pline voulait parler peut-être <strong>de</strong> l'Olivier cultivé.Un fait assez singulier, qui n'a pas été remarqué et discutépar les philologues, est que le nom berbère <strong>de</strong> l'Olivier et <strong>de</strong>l'olive a pour racine Taz ou Tas, analogue au Tat <strong>de</strong>s anciensEgyptiens. Les Kabaïles <strong>de</strong> la division d'Alger, d'après le Dictionnairefrançais-berbère, publié par le gouvernement français,appellent l'Olivier sauvage Tazebboujt, Tesettha Ou' Zebbouj etl'Olivier greffé Tazemmou?% Tasettha Ou'xemmour, Les Touaregs,autre peuple berbère, disent Tamahinet2, Ce sont bien <strong>de</strong>s indicesd'ancienneté <strong>de</strong> l'Olivier en Afrique. Les Arabes ayant conquiscette contrée et refoulé les Berbères dans les montagnes et ledésert, ayant également soumis l'Espagne à l'exception du paysbasque, les noms dérivés du sémitique Zeit ont prévalu mêmedans l'espagnol. Les Arabes d'Alger disent Zenboudje pourl'Olivier sauvage, Zitoun pour l'olivier cultivé Zit pour l'huiled'olive. Les Andalous appellent l'olivier sauvage Azebuche etle cultivé Aceytuno 4. Dans d'autres provinces, on emploieconcuremment le nom d'origine latine, Olivio, avec les nomsarahes5. L'huile se dit en espagnol aeeyte, qui est presque lenom hébreu; mais les huiles saintes s'appellent oleos santos,parce qu'elles se rattachent à Rome. Les Basques se servent dunom latin <strong>de</strong> l'Olivier.D'anciens voyageurs aux îles Canaries, par exemple Bontier,en 1403, mentionnent l'Olivier dans cet archipel, où les botanistesmo<strong>de</strong>rnes le regar<strong>de</strong>nt comme indigène 6.Il peut avoir été introduitpar les Phéniciens, s'il n'existait pas antérieurement. Onignore si les Guanches avaient <strong>de</strong>s mots pour olivier et huile.Webb et Berthelot n'en indiquent pas dans leur savant chapitresur la langue <strong>de</strong>s aborigènes T. On. peut donc se livrer à différentesconjectures. Il me semble que l'huile aurait joué un rôleimportant chez les Guanches s'ils avaient possédé l'Olivier, etqu'il en serait resté quelque trace dans la langue actuelle populaire.A ce point <strong>de</strong> vue, la naturalisation aux Canaries n'estpeut-être pas aussi ancienne que les voyages <strong>de</strong>s Phéniciens.Aucune feuille d'Olivier n'a été trouvée jusqu'à présent dans1.Pline,Hist.,1.15,c. 1.2. Duveyrier,LesTouaregsdu nord (1864),p. 173.3. Munby, Flore <strong>de</strong> l'Algérie,p. 2 Debeaux, Catal. Boghar,p. 68*4.Boissier,Voyagebot.enEspagne, éd. 1, 2, p. 407.5.Willkommet Lange,Prodp.fl. hispan.,2, p. 672.6. Webbet Berthelot, Hist.nat. <strong>de</strong>s Canaries,Géog.Sot.,p. 47 et 48.7.Webbet Berthelot,Ibid., Ethnographie,p, 188..


CAÏNITIER 227les tufs <strong>de</strong> la France méridionale, <strong>de</strong> la Toscane et <strong>de</strong> la Sicile, oùl'on a constaté le laurier, le myrte et autres arbustes actuellementvivants. C'est un indice, jusqu'à preuve contraire, <strong>de</strong> naturalisationsubséquente.L'Olivier s'accommo<strong>de</strong> bien <strong>de</strong>s climats secs, analogues à celui<strong>de</strong> la Syrie ou <strong>de</strong> l'Algérie. Il peut réussir au Cap, dans plusieursrégions <strong>de</strong> l'Amérique, en Australie, et sans doute il y <strong>de</strong>viendraspontané quand on le plantera plus souvent. La lenteur <strong>de</strong> sacroissance, la nécessité <strong>de</strong> le greffer ou <strong>de</strong> choisir <strong>de</strong>s rejetonsd'une bonne variété, surtout la concurrence d'autres espècesoléifères ont retardé jusqu'à présent son expansion, mais unarbre qui donne <strong>de</strong>s produits sur les sols les plus ingrats nepeut pas être négligé indéfiniment. Même dans notre vieuxmon<strong>de</strong>, où il existe <strong>de</strong>puis tant <strong>de</strong> milliers d'années, on doublerasa production quand on voudra prendre la peine <strong>de</strong> greffer lespieds sauvages, à l'imitation <strong>de</strong>s Français en Algérie.Caïnitier. Chrysophyllum Caïnito, Linné.Le Caïnitier ou Caïmitier Star apple <strong>de</strong>s Anglais appartientà la famille <strong>de</strong>s Sapotacées. Il donne un fruit assezestimé dans l'Amérique tropicale, quoique les Européens nel'aiment pas beaucoup. Je ne vois pas qu'on se soit occupé <strong>de</strong>l'introduire dans les colonies d'Afrique ou d'Asie. De Tussac ena donné une bonne figure dans sa flore <strong>de</strong>s Antilles, vol. 2, pi. 9.Seemann 1 a vu le Cliysophyllum Caïnito sauvage dans plusieursendroits <strong>de</strong> l'isthme <strong>de</strong> Panama. De Tussac, colon <strong>de</strong>Saint-Domingue, le regardait comme spontané dans les forêts<strong>de</strong>s Antilles, et Grisebach 2 le dit spontané et cultivé à la Jamaïque,Saint-Domingue, Antigoa et la Trinité. Avant lui, Sloanele considérait comme échappé <strong>de</strong>s cultures à la Jamaïque, etJaequin s'est servi d'une expression vague en disant « Habiteà la Martinique et à Saint-Domingue s. »Caïmito. – Lucuma Caïmito, Alph. <strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>Il nefaut pas confondre ce Gaïmito, du Pérou, avec le ChrysophyllumCaïnito <strong>de</strong>s Antilles. Tous <strong>de</strong>ux appartiennent à lafamille <strong>de</strong>s Sapotacées, mais leurs fleurs et leurs graines diffèrent.Celui-ci est figuré dans Ruiz et Pavon, Flora peruviana,vol. 3, pi. 240.Cultivé au Pérou on l'a transporté à Ega, sur le fleuve <strong>de</strong>sAmazones, et à Para, où communément on le nomme Abi ouAbiuD'après Ruiz et Pavon, il est sauvage dans les parties chau<strong>de</strong>sdu Pérou, au pied <strong>de</strong>s An<strong>de</strong>s.1. Seemann,BofanyofHerald,p. 166.2. Grisebach,Flora of britisk Ind. aslands,p. SOS.3. Sloane.Jamaïque,2, p. 170 Jacquin,Amer.,p. 32.4. Flora brasil.,vol. 7, p. 88.


228 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS FRUITSMammei ou Mammei-Sapote. Lucuma mammosa,Geertner.Cet arbre fruitier, <strong>de</strong> l'Amérique tropicale et <strong>de</strong> la famille <strong>de</strong>sSapotacées, a donné lieu dans les ouvrages <strong>de</strong> botanique à plusieursméprises l. Il n'a pas encore été figuré d'une manièrecomplète et satisfaisante, parce que les colons et les voyageursle croient trop connu pour en envoyer <strong>de</strong>s échantillons bienchoisis, qu'on puisse décrire dans les herbiers. C'est du reste unenégligence assez fréquente lorsqu'il s'agit <strong>de</strong> <strong>plantes</strong> <strong>cultivées</strong>.Le Mammei est cultivé aux Antilles et dans certaines régionschau<strong>de</strong>s du continent américain. M. Sagot nous dit qu'il nel'est pas à Cayenne, mais bien dans le Venezuela 2. Je ne voispas qu'on l'ait transporté en Afrique ou en Asie, si ce n'est auxîles Philippines 3. C'est à cause, probablement, <strong>de</strong> la saveurtrop fa<strong>de</strong> <strong>de</strong> son fruit. r -nHumtoldt et Bonpland l'ont trouvé sauvage dans les forêts<strong>de</strong>s missions <strong>de</strong> l'Orénoque 4. Tous les auteurs l'indiquent dansles Antilles, mais comme cultivé, ou sans affirmer qu'il soitspontané. Au Brésil il est uniquement dans les jardins.Sapotillier Sapota Achras, Miller. r


AUBERGINE. PIMENTS 229Aubergine. Solanum Melongena, Linné. -Solanum esculentum,Dunal.L'Aubergine a un nom sanscrit, Vartta, et plusieurs noms quePiddington, dans son In<strong>de</strong>x, regar<strong>de</strong> comme à la fois sanscritset bengalis, tels que Bong, Bartakou, Mahoti, Hingoli. Wallich,dans son édition <strong>de</strong> la flore indienne <strong>de</strong> Roxburgh, indiqueVartta, Varttakou, Varttaka, Bunguna, d'oùl'industaniBungan.On ne peut douter, d'après cela, que l'espèce ne fût connuedans l'In<strong>de</strong> <strong>de</strong>puis un temps très reculé. Rumphius 1 avait vuedans les jardins <strong>de</strong>s îles <strong>de</strong> la Son<strong>de</strong> et Loureiro dans ceux <strong>de</strong>la Cochinchine. Thunberg ne la mentionne pas au Japon,quoique maintenant on en cultive plusieurs variétés dans cepays. Les Grecs et les Romains n'en avaient pas connaissance,et aucun botaniste n'en a parlé en Europe avant le commencementdu xyii6 siècle 1, mais la culture a dû se propager versl'Afrique avant le moyen âge. Le mé<strong>de</strong>cin arabe Ebn Bai.tb.arqui écrivait au xme siècle, en a parlé, et il cite Rhasès, qui vivaitdans le rx.esiècle. Rauwolf 3 avait vu la plante dans les jardinsd'Alep à la fin du xvie siècle. On l'appelait Melanzana et Be<strong>de</strong>ngiam.Ce nom arabe, que Forskal écrit Badindjan, est communavec l'hindustani Badanjan, donné par Piddington. Un indiced'ancienneté dans l'Afrique septentrionale estl'existence chez lesBerbères ou Kabyles <strong>de</strong> la province d'Alger 4 d'un nom, Tabendjalts,qui s'éloigne asssez du nom arabe. Les voyageurs mo<strong>de</strong>rnesont trouvé l'Aubergine cultivée dans toute la région duNil et sur la côte <strong>de</strong> Guinée 5. On l'a transportée en Amérique.La forme cultivée du Solanum Melongena n'a pas été trouvéeiuscru'à présent à l'état sauvage, mais les botanistes sont assezd'accord pour considérer les Solanum insanum, Roxburgh, etS. incanum, Linné, comme appartenant à la même espèce. Onajoute même d'autres synonymes, conformément à une étu<strong>de</strong>faite par Nees d'Esenbeck sur <strong>de</strong> nombreux échantillons 6. Orle S. insanum paraît avoir été trouvé sauvage dans la province<strong>de</strong> Madras et à Tong-Dong, chez les Birmans. La publicationprochaine <strong>de</strong>s Solanées dans la flore <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> anglaise <strong>de</strong> sirJ. Hooker donnera probablement sur ce point <strong>de</strong>s détails plusprécis.Piments. Poivre <strong>de</strong> Cayenne. Capsicum.Le genre Capsicum, dans les meilleurs ouvrages <strong>de</strong> botanique,•est encombré d'une multitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> formes <strong>cultivées</strong>, qu on n a1. Dunal,Histoire<strong>de</strong>sSolanum,p. 209.2. Ebn Baithar,trad. alleman<strong>de</strong>,1, p. 116.3. Rauwolf,Flora orient.,édit. Groningue,p. 26.4. Dictionnḟrançais-berbère,publié par le gouvernementfrançais.5. Thonning, sous le nom <strong>de</strong> S. edule; Hooker,NigerFloa, p. 4736. Transactionsof theLinneansociety,17,p. 48; Baker,Flo- o/ Mauntius,p. 215.


230 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS FRUITSpas vues a l'état sauvage et qui diffèrent surtout par la durée <strong>de</strong>latige chose assez variable ou par la forme du fruit, caractère<strong>de</strong> peu <strong>de</strong> valeur dans <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> <strong>cultivées</strong> précisémentpour les fruits. Je parlerai <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux espèces le plus souvent <strong>cultivées</strong>,mais je ne puis m'empêcher d'émettre l'opinion qu'aucunCapsicum n'est originaire <strong>de</strong> l'ancien mon<strong>de</strong>. Je les croistous d'origine américaine, sans pouvoir le démontrer d'une manièrecomplète. Voici mes motifs.Des fruits aussi apparents, aussi faciles à obtenir dans les jardins,et d'une saveur si agréable aux habitants <strong>de</strong>s pays chaudsse seraient répandus très vite dans l'ancien mon<strong>de</strong> s'ils avaientexisté au midi <strong>de</strong> l'Asie, comme on le suppose quelquefois. Ilsauraient <strong>de</strong>s noms dans plusieurs <strong>de</strong>s langues anciennes. Cependantles Romains, les Grecs et même les Hébreux n'en avaientpas connaissance. Ils ne sont pas mentionnés dans les ancienslivres chinois Les insulaires <strong>de</strong> la mer Pacifique ne les cultivaientpas lors du voyage <strong>de</strong> Cook 2, malgré leur proximité <strong>de</strong>sîles<strong>de</strong> la Son<strong>de</strong>, où Rumphius mentionnait leur emploi trèshabituel. Le mé<strong>de</strong>cin arabe Ebn Baithar, qui a recueilli auxine siècle tout ce que les Orientaux avaient dit sur les <strong>plantes</strong>officinales, n'en parle pas.Roxburgh ne connaissait aucun nom sanscrit pour les Capsicum.Plis tard, Piddington a cité pour le C. frwtescens unnom,Bran-marieka, qu'il dit sanscrit 3; mais ce nom, qui roule surcomparaison avec le poivre noir (ÊîuricAa, Murickung)^ est-ilvraiment ancien? Comment n'aurait-il laissé aucune trace danslesnoms <strong>de</strong>s langues indiennes dérivées du sanscrit 4?La qualité spontanée, ancienne, <strong>de</strong>s Capsicum est toujoursincertaine, à cause <strong>de</strong> la fréquence <strong>de</strong>s cultures; mais elle meparaît plus souvent douteuse en Asie que dans l'Amérique méridionale.Les échantillons indiens décrits par les auteurs les plusdignes d'attention viennent presque tous <strong>de</strong>s herbiers <strong>de</strong> la compagnie<strong>de</strong>s In<strong>de</strong>s, dans lesquels on ne sait jamais si une planteparaissaitvraiment sauvage, si elle était loin <strong>de</strong>s habitations,dans les forêts, etc. Pour les localités <strong>de</strong> l'archipel asiatique, lesauteursindiquent souvent les décombres, les haies, etc.Examinons <strong>de</strong> plus près chacune <strong>de</strong>s espèces ordinairement<strong>cultivées</strong>.Piment annuel. Capsicum annuum, Linné.Cette espèce a reçu dans nos langues européennes une infinité<strong>de</strong>noms différents s, qui indiquent tous une origine étrangère etla ressemblance <strong>de</strong> saveur avec le poivre. En français, on dit1.Bretschnei<strong>de</strong>r,Onthestudy,etc.,p. 17.2. Forster,Deplantisesculentis insularum, etc.3.Piddington,In<strong>de</strong>x.4. Pid>iinglon,au mot Capsicum.5. Nemnich,Lexicon,indique douzenoias français et huit allemands».


PIMENT- – TOMATE 231souvent Poivre <strong>de</strong> Guinée mais aussi Poivre du Biesxl 2din<strong>de</strong> etc., dénominations auxquelles il est impossible d attribuer<strong>de</strong> l'importance. La culture s'en est répandue en Europedès le m» siècle. C'est un <strong>de</strong>s Piments que Piso et Marcgraf iavaient vus cultivés auBrésil sousienom<strong>de</strong>~~ou~~ Ils nedisent rien sur sa provenance. L'espèce paraît avoir été cultivéeAncienne date aux Antilles, où elle est désignée par plusieursnoms caraïbes 2.Les botanistes qui ont le plus étudié les Capsicums 3 ne paraissentpas avoir rencontré dans les herbiers un seul échantillonqu'on puisse croire spontané. Je n'ai pas été plus heureux.Selon les probabilités,la patrie originaire est le Brésil.Le C. grossum Will<strong>de</strong>now paraît une forme <strong>de</strong> la même espèceOn le cultive dans l'In<strong>de</strong>, sous le nom <strong>de</strong> Kafree-munchet Ka/free-ckiUy,mais Roxburgh ne le regardait pas commed'origine indienne 4.Piment aririssean. Capsicum fruteseens, Will<strong>de</strong>now.Cette espèce, plus élevée et plus ligneuse à la base que leC. annuum, est généralementcultivée dans les régions chau<strong>de</strong>sdu nouveau et <strong>de</strong> l'ancien mon<strong>de</strong>. On en tire la glu-s gran<strong>de</strong>partie du Poivre <strong>de</strong> Cayenne à l'usage <strong>de</strong>s Anglais, mais ce noms'étend quelquefois aux produits d'autres Piments.L'auteur le plus attentif à l'origine <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> indiennes, Roxburgh,ne le donne point pour spontané dans l'In<strong>de</strong>. SelonBlume, il s'est naturalisé dans l'archipel indien, dans les haies 5.Au contraire, en Amérique, où la culture est ancienne, on laatrouvé plusieurs fois dans <strong>de</strong>s forêts, avec l'apparence indigène.De Martius l'a apporté <strong>de</strong>s bords <strong>de</strong> l'Amazone, Pœppig <strong>de</strong> laprovince <strong>de</strong> Maynas du Pérou oriental, et Blanchet <strong>de</strong> la province<strong>de</strong> Bahia Ainsi la patrie s'étend <strong>de</strong> Bahia au PérouSntat ce qui explique la diffusion dans l'Amérique méridionaleen général.Tomate. Lycopersicum esculentum, Miller.La Tomate ou Pomme d'amour appartient à un genre <strong>de</strong>Solanées dont toutes les espèces sont américaines Elle napoint <strong>de</strong> nom dans les anciennes langues d'Asie, ni même dansles langues mo<strong>de</strong>rnes indiennes 8. Elle n'était pas encore cultivéeau Japon du temps <strong>de</strong> Thunberg, c'est-à-dire il y a un1. Piso, p. 107 Marcgraf, p 39.2. Descourtilz, Flore médicale <strong>de</strong>s Antilles 6, pl. 423.3. Fingerhuth, Monographia gen. Capsm, p. 1^5 Sendtner, dana*W)u.br


232 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS FRUITSsiècle, et le silence <strong>de</strong>s anciens auteurs sur la Chine montre quel'introduction y est mo<strong>de</strong>rne. Rumphius 1 l'avait vue dans lesjardins <strong>de</strong> l'archipel asiatique. Les Malais l'appelaient Tomatte;mais c'est un nom américain, car C. Bauhin désigne l'espècecomme Tumatle Americanorum. Rien ne fait présumer qu'ellefût connue en Europe avant la découverte <strong>de</strong> l'Amérique.Les premiers noms donnés par les botanistes, au xvie siècle,font supposer qu'on avait reçu la plante du Pérou 2.Elle a étécultivée sur le continent américain avant <strong>de</strong> l'être aux Antilles,car Sloane ne la mentionne pas à la Jamaïque, et Hughes 3 ditqu'elle a été apportée du Portugal à la Barba<strong>de</strong>, il n'y a guèreplus d'un siècle. Humboldt regardait la culture <strong>de</strong>s Tomatescomme ancienne au Mexique 4. Je remarque cependant que lepremier ouvrage sur les <strong>plantes</strong> <strong>de</strong> ce pays (Hernan<strong>de</strong>z, Historia)n'en fait pas mention. Les premiers auteurs sur le Brésil, Pisoet Marcgraf, n'en parlent pas non plus, quoique l'espèce soitaujourd'hui cultivée dans toute l'Amérique intertropicale. Nousrevenons ainsi, par exclusion, à l'idée d'une origine péruvienne,au moins pour la culture.De Martius 5 a trouvé la plante spontanée dans les environs<strong>de</strong> Rio-<strong>de</strong>-Janeiro et <strong>de</strong> Para, mais échappée peut-être <strong>de</strong>s jardins.Je ne connais aucun botaniste qui l'ait trouvée vraimentsauvage, dans l'état que nous connaissons, avec ses fruits plusou moins gros, bosselés et à côtes renflées; mais il n'en est pas<strong>de</strong> même <strong>de</strong> la forme à petits fruits sphériques, appelée L. cerasiforme dans certains ouvrages <strong>de</strong> botanique et considérée, ce me.semble 6, avec raison, dans d'autres ouvrages, comme appartenantà la même espèce. Celle-ci est sauvage sur le littoral duPérou 7, à Tarapoto, dans le Pérou oriental et sur les confinsdu Mexique et <strong>de</strong>s Etats-Unis vers la Californie 9. Elle se naturalisequelquefois dans les déblais, près <strong>de</strong>s jardins 10.C'est ainsiprobablement que l'habitation s'est étendue, du Pérou, au nor<strong>de</strong>t au midi.Avocatier. Persea gratissima, Gsertner.IS Avocat,Alligator pear <strong>de</strong>s Anglais, est un <strong>de</strong>s fruits les plus-1. Rumphius, Amboin.,5, p. 416.2. Malaperuviana,Pomi<strong>de</strong>lPeru, dansBauhin,Hist.,3, p. 621.3. Hughes,Barbadoes,p. 148.4. Humboldt,Nouv.Espagne,éd. 2, vol. 2, p. 472.5. Flora brasil.,vol. 10,p. 126.6. Lesproportionsdu calice et <strong>de</strong> la corollesont les mêmes que dansla Tomate cultivée, maisellessontdifférentesdansl'espècevoisine,L.Humboldtii,dontonmangeaussile fruit,d'après<strong>de</strong>Humboldt,et qu'ila trouvéesauvagedansle Vénézuéla.7.Ruizet Pavon,Flov.peruv.,2, p. 37.8. Spruce,n. 4143,dans l'HerbierBoissier.9. AsaGray,Bot.ot California,1,p. 538.10. Baker, Flora of Mauritius,p. 216.


AVOCATIER. PAPAYER 233T~–i-j?-j--estimés dans les pays tropicaux. Il appartient à la famille <strong>de</strong>sLauracées. Son apparence est celle d'une poire contenant ungros noyau, comme cela se voit bien dans les figures <strong>de</strong> Tussac,Flore <strong>de</strong>s Antilles, 3, pl. 3, et du Botanical Magazine, pl. 4580.Rien <strong>de</strong> plus ridicule que les noms vulgaires. Celui d'Alligatorvient on ne sait d'où. Celui d'Avocat est une corruption d'unnom mexicain, Akuaca ou Aguacate. Le nom botanique Persean'a rien <strong>de</strong> commun avec le Persea <strong>de</strong>s Grecs, qui était unCordia.D'après Clusius en 1601, l'Avocatier était un arbre fruitierd'Amérique, introduit en Espagne, dans un jardin; mais, commeil s'est beaucoup répandu dans les colonies <strong>de</strong> l'ancien mon<strong>de</strong> etque parfois il <strong>de</strong>vient presque spontané 2, on peut se trompersur l'origine. Cet arbre n'existait pas encore dans les jardins<strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> anglaise au commencement du xixe siècle. On l'avaitapporté dès le milieu du xvme dans l'archipel <strong>de</strong> là Son<strong>de</strong>3,et en 1750 aux îles Maurice et Bourbon 4.En Amérique, l'habitation actuelle, à l'état spontané, est singulièrementvaste. On a trouvé l'espèce dans les forêts, au bord<strong>de</strong>s fleuves et sur le littoral <strong>de</strong> la mer <strong>de</strong>puis le Mexique et lesAntilles jusqu'à la région <strong>de</strong>s Amazones 5. Elle n'a pas toujourseu cette gran<strong>de</strong> extension. P. Browne dit formellement quel'Avocatier a été introduit du continent à la Jamaïque, et Jacquinpensait <strong>de</strong> même pour les Antilles en général G._PisoetMarcgraf ne l'ont pas mentionnée au Brésil, et <strong>de</strong> Martius n'indiqueaucun nom brésilien.Lors <strong>de</strong> la découverte <strong>de</strong> l'Amérique, l'Avocatier était certainementcultivé et indigène au Mexique, d'après Hernan<strong>de</strong>z. AuPérou, d'après Acosta 7, on le cultivait sous le nom <strong>de</strong> Palto,qui était celui d'un peuple du Pérou oriental, chez lequel ilabondait 8. Je ne connais pas <strong>de</strong> preuve qu'il fût spontané surle littoral péruvien.Papayer. Carica Papaya, Linné. Papaya vtilgaris, <strong>de</strong><strong>Candolle</strong>.Le Papayer est une gran<strong>de</strong> espèce vivace, plutôt qu'un arbre.Il a une sorte <strong>de</strong> tronc juteux, terminé par une touffe <strong>de</strong>1. Clusius,Historia,p. 2.2. Par exempleà.Madère,d'aprèsGrisebach,FI. ofbrit. W.India, p. 280;aux iles Maurice,Seychelleset Rodriguez,d'aprèsBaker,Flora, p. 290.3. Il n'est pas dans Rumphius.4.Aublet,Guyane,1, p. 364.5. Meissner,dans Prodromus,vol. 15, seet. 1, p. 52, et Flora brasil.,vol. 5, p. 158.Pour le Mexique Hernan<strong>de</strong>z,p. 89.Pour le VenezuelaetPara Nees,Laurines, p. 129.Pour le Pérou oriental Pœppig, Exsicc.,tu par Meissner.6. P. Browne,Jamaïca,p. 214;Jacquin,Obs.,i, p.7. Acosta,Hist. nat. <strong>de</strong>sIn<strong>de</strong>s, édit. 38.1508,p.8. 17tf.Laet, Hist.nouv.mon<strong>de</strong>,1,p. 325, 341.


234 PLANTES CULTIVÉESPOURLEURS FRUITSfeuilles dans le genre <strong>de</strong>s choux-cavaliers, et les traits, qui ressemblentaux melons, sont suspendus au-<strong>de</strong>ssous <strong>de</strong>s feuillesOn le cultive maintenant dans tous les pays tropicaux, mêmejusqu'aux 30e-32e <strong>de</strong>grés <strong>de</strong> latitu<strong>de</strong>. Il se naturalise facilementhors <strong>de</strong>s plantations. C'est une <strong>de</strong>s causes pour lesquelles on l'adit et on persiste à le dire originaire d'Asie ou d'Afrique, tandisque Robert Brown et moi avons démontré, en 1818 et 18§5,son origine américaine 2. Je répéterai les arguments contre l'originesupposée <strong>de</strong> l'ancien mon<strong>de</strong>.L'espèce n'a pas <strong>de</strong> nom sanscrit. Dans les langues mo<strong>de</strong>rnes<strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, on la nomme d'après le nom américain Papaya,qui dérive du nom caraïbe Ababai 8.D'après Rumphius les habitants<strong>de</strong> l'archipel indien la regardaient comme d'origineexotique, introduite par les Portugais, et lui donnaient <strong>de</strong>s nomsexprimant l'analogie avec d'autres <strong>plantes</strong> ou une importation<strong>de</strong> l'étranger. Sloane 5, au commencement du xvme siècle, citeplusieurs <strong>de</strong> ses contemporains d'après lesquels on l'avait transportée<strong>de</strong>s In<strong>de</strong>s occi<strong>de</strong>ntales en Asie et en Afrique. Forster nel'avait pas aperçue dans les plantations <strong>de</strong>s îles <strong>de</strong> la mer Pacifiquelors du voyage <strong>de</strong> Cook. Loureiro 6, au milieu du xviir*siècle,l'avait vue dans les cultures <strong>de</strong> la Chine, <strong>de</strong> la Cochinchine etdu Zanguehar. Une plante aussi avantageuse et aussi particulièred'aspect se serait répandue <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s milliers d'années dansl'ancien mon<strong>de</strong> si elle y avait existé. Tout porte à croire qu'ellea été introduite sur les côtes occi<strong>de</strong>ntales- et orientales d'Afriqueet en Asie, <strong>de</strong>puis la découverte <strong>de</strong> l'Amérique.Toutes les espèces <strong>de</strong> la famille sont américaines. Celle-cidoit avoir être cultivée du Brésil aux Antilles et au Mexiqueavant l'arrivée <strong>de</strong>s Européens, puisque les premiers auteurs surles productions du nouveau mon<strong>de</strong> en ont parlé 7.Marcgraf avait vu souvent <strong>de</strong>s pieds mâles (toujours plus nombreuxque les femelles) dans les forêts du Brésil, tandis que lespieds femelles étaient dans les jardins. Clusius, qui a donné lepremier une figure <strong>de</strong> la plante 8, dit qu'elle avait été <strong>de</strong>ssinéeen 1607 à la « baie <strong>de</strong>s Todos Santos (province <strong>de</strong>Bahia). Je neconnais pas d'auteur mo<strong>de</strong>rne qui ait confirmé l'habitation au1. Voirles bellesplanches <strong>de</strong> Tussae,Flore <strong>de</strong>sAntilles,3,p. 45,pl. 10-et 11 Le Papayer appartient à la petite famille <strong>de</strong>s Papayacées, réuniepar auelques botanistes auxPassilloreeset par d'autresaux Bixacées.2. R. Brown,Botanyof Congo,p. 52; A. <strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>,Géogr.bot.raitonnée,P.917.3. Sagot, Journal<strong>de</strong> la Sociétécentraled'horticulture<strong>de</strong> France,1872.4. Rumphius,Amboin.,1, p. 147.5. Sloane,Jamaïca,p. 165.6. Loureiro,Flora CocUnch., p. 772. -,““. ;7. Marcsraf,Brasil.,p. 103,et Piso,p. 159,pour le Brésil,Ximenes,dansJlarcgrafet Hernan<strong>de</strong>z,Thesaurus,p. 99,p.ourleMexique; ce <strong>de</strong>rnier pour-Saint-Dominguet le Mexique.8. Clusius,Curx posterions,p. 79,80


FIGUIER 235Brésil. De Martius ne mentionne pas l'espèce dans son dictionnairesur les noms <strong>de</strong> fruits en langue <strong>de</strong>s Tupis On ne lacite pas comme spontanée à la Guyane et dans la Colombie.P. Browne 2 affirme, au contraire, la qualité spontanée à laJamaïque, et avant luiXimenes et Hernan<strong>de</strong>z l'avaient affirméepour Saint-Domingue et le Mexique. Oviedo paraît avoir vu lePapayer dans l'Amérique centrale, et il cite pour Nicaragua lenom vulgaire Olocoton. Cependant MM. Correa <strong>de</strong> Mello etSpruce, dans leur mémoire important sur les Papayacées, aprèsavoir beaucoup herborisé dans la région <strong>de</strong>s Amazones, .auPérou et ailleurs, regar<strong>de</strong>nt le Papayer comme originaire <strong>de</strong>siles Antilles et ne pensent pas qu'il soit sauvage nulle part surle continent. J'ai vu 4 <strong>de</strong>s échantillons rapportés <strong>de</strong>s bouches<strong>de</strong> la rivière Manate en Flori<strong>de</strong>, <strong>de</strong> Puebla au Mexique et <strong>de</strong>Colombie; mais les étiquettes ne portent aucune remarque surla qualité spontanée. Les indices, comme on voit, sont nombreuxpour les -bords du golfe du Mexique et les Antilles. L'habitationau Brésil, fort isolée, est suspecte,Figuier. Ficus Carica, Linné.L'histoire du Figuier présente beaucoup d'analogie avec celle<strong>de</strong> l'Olivier en ce qui concerne l'origine et les limites géographiques.Son habitation, comme espèce spontanée, a pu s'étendrepar un effet <strong>de</strong> la dispersion <strong>de</strong>s graines à mesure que laculture s'étendait. Cela paraît probable, car les graines traversentintactes les organes digestifs <strong>de</strong> l'homme et <strong>de</strong>s animaux.Cependant on peut citer <strong>de</strong>s pays dans lesquels on cultivele figuier <strong>de</strong>puis au moins un siècle sans .qu'il se soitnaturalisé <strong>de</strong> cette manière. Je ne parle pas <strong>de</strong> l'Europe au nord<strong>de</strong>s Alpes, où l'arbre exige <strong>de</strong>s soins particuliers et mûrit malses fruits, même ceux <strong>de</strong> la première portée, mais par exemple<strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, du midi <strong>de</strong>s Etats-Unis, <strong>de</strong> l'île Maurice et du Chili,où, d'après le silence <strong>de</strong>s auteurs <strong>de</strong> flores, les faits <strong>de</strong> quasispontanéité paraissent rares.De nos jours, le Figuier est spontané ou presque spontané dansune vaste région dont la Syrie est à peu près le milieu, savoir<strong>de</strong> la Perse orientale ou même <strong>de</strong> l'Afghanistan, au travers <strong>de</strong>toute la région <strong>de</strong> la Méditerranée, jusqu'aux îles Canaries s.Du midi au nord, cette zone varie <strong>de</strong> 23 à 40-42° <strong>de</strong> latitu<strong>de</strong>environ, suivant les circonstances locales. En général, le Figuier1. Martius,Beitr.s. Ethnographe,2, p, 418.2. P. Browne,Jamaïca, ed. 2, p. 360.La premièreédition, que je n'aipas vue, est <strong>de</strong> 1756.3. Lepassage d'Oviedoest traduit en anglaispar Correa <strong>de</strong> MelloetSpruee, dans leur mémoire, Journal of the proceedingsof the LinneanSociety,10,p. 1.4. Prodr., 15,s. 1, p. 414.5. Boissier,Flora orientalis,4, p. 1154 Brandis,Forest flora of India,p. 418 Webbet Berthelot,Hist.nat. <strong>de</strong>sCanaries,Botanique,3, p. 287.


236 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS FRUITSs'arrête, comme l'Olivier, au pied du Caucase et <strong>de</strong>s montagnes<strong>de</strong> l'Europe qui bor<strong>de</strong>nt le bassin <strong>de</strong> la mer Méditerranée, maisil se montre à l'état presque spontané, sur la côte sud-ouest <strong>de</strong>la France, grâce à la douceur <strong>de</strong>s hiversVoyons si les documents historiques et linguistiques font présumerdans l'antiquité une habitation moins vaste.Les anciens Egyptiens appelaient la figue Teb 2, et les plusanciens livres <strong>de</strong>s Hébreux parlent du Figuier, soit sauvage, soitcultivé, sous le nom <strong>de</strong> Teenak 3, qui a laissé sa trace dansl'arabe Tin 4. Le nom persan est tout autre, Unjir; mais je nesais s'il remonte au zend. Piddington mentionne, dans sonIn<strong>de</strong>x, un nom sanscrit, Udumvara, que Roxburgh, très soigneuxdans ces sortes <strong>de</strong> questions, n'indique pas, et qui n'auraitlaissé aucune trace dans les langues mo<strong>de</strong>rnes <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, à enjuger d'après quatre noms cités par ces auteurs. L'anciennetéd'existence à l'orient <strong>de</strong> la Perse me semble un peu douteusejusqu'à ce que le nom attribué au sanscrit ait été vérifié. LesChinois ont reçu le Figuier <strong>de</strong> Perse, mais seulement au huitièmesiècle <strong>de</strong> notre ère 6. Hérodote dit que les Perses ne manquaientpas <strong>de</strong> figues, et Reynier, qui a fait <strong>de</strong>s recherchesscrupuleuses sur les usages <strong>de</strong> cet ancien peuple, ne mentionnepas le Figuier. Cela prouve seulement que l'espèce n'était pasutilisée et cultivée, mais elle existait peut-être à l'état sauvage.Les Grecs appelaient le Figuier sauvage Erineos et les LatinsCaprificus. Homère mentionne dans l'Ilia<strong>de</strong> un pied <strong>de</strong> cet arbre


FIGUIER 237<strong>de</strong> l'autre l. Laremarque faite par plusieurs érudits qu'il n'est pasquestion dans YIlia<strong>de</strong> <strong>de</strong> la figue cultivée, Sukai, ne prouve doncpas l'absence du Figuier en Grèce à l'époque <strong>de</strong> la guerre <strong>de</strong>Troie.C'est dans l'Odyssée que la figue douce est mentionnée parHomère, et encore d'une manière assez vague. Hésio<strong>de</strong>, ditM. Hehn, n'en parle pas, et Archilochus (700 ans avantJ.-C.) est le premier qui en ait mentionné clairement la culturechez les Grecs, à Paros. D'après cela, l'espèce existait à l'étatsauvage en Grèce, au moins dans l'Archipel, avant l'introduction<strong>de</strong> variétés <strong>cultivées</strong> originaires d'Asie. Théophraste etDioscori<strong>de</strong> mentionnent <strong>de</strong>s Figuiers sauvages et cultivés2.'Remus et Romulus, selon la tradition, auraient été nourrissous un pied <strong>de</strong> Ficus qu'on appelait ruminaïis, <strong>de</strong> rumen, mamelle3.Le nom latin Ficus, que M. Hehn, par un effort d'érudition,fait venir du grec Sukai fait aussi présumer une existenceancienne en Italie, et l'opinion <strong>de</strong> Pline est positive à cet égard.Les bonnes variétés <strong>cultivées</strong> ont été introduites plus tard chexles Romains. Elles venaient <strong>de</strong> Grèce, <strong>de</strong> l'Asie Mineure et <strong>de</strong>Syrie. Du temps <strong>de</strong> Tibère, comme aujourd'hui, les meilleuresfigues venaient <strong>de</strong> l'Orient.Nous avons appris au collège comment Caton avait exhibé enplein sénat <strong>de</strong>s figues <strong>de</strong> Carthage encore fraîches, commepreuve <strong>de</strong> la proximité du pays qu'il détestait. Les Phéniciensavaient dû transporter <strong>de</strong> bonnes variétes sur la côte d'Afriqueet dans les autres colonies <strong>de</strong> la mer Méditerranée, même jusqu'auxîles Canaries, mais le Figuier sauvage peut avoir existéantérieurement dans ces pays.Pour les Canaries, nous en avons une preuve par <strong>de</strong>s nomsguanches, Arahormaze et Achormaze, figues vertes, laharemenenet Tehahunemen, figues sèches. Les savants Webb et Berthelot5, qui ont cité ces noms et qui avaient admis l'unité d'origine<strong>de</strong>s Guanches et <strong>de</strong>s Berbères, auraient vu avec plaisir chezles Touaregs, peuples berbères, le mot Tahart pour Figuier 6, etdans le dictionnaire français-berbère, publié <strong>de</strong>puis eux, les nomsTabeksist pour figue fraîche et Tagrourt pour Figuier. Ces vieuxnoms, d'origine plus ancienne et plus locale que l'arabe, parlenten faveur d'une habitation très ancienne dans le nord <strong>de</strong> l'Afriquejusqu'aux Canaries.Le résultat <strong>de</strong> notre enquête est donc <strong>de</strong> donner pour habi-1. Gussone,Enum.plant. Inarimensium,p. 301.2. Pourl'ensemble<strong>de</strong>l'histoiredu Figuieret <strong>de</strong> l'opération,d'une utilitédouteuse,qui consisteà répandre <strong>de</strong>s Caprificus à insectes parmi les piedscultivés(capriflcation), voir la dissertation<strong>de</strong> M. le comte<strong>de</strong> Solms.3. Pline, Hist, 1.15,c. 18.4. Hehn,l. c., p. 512.5. Webb et Berthelot,l. c., Ethnographie,p. 136,187; Phytograplne,3, p.6. 237.D'aprèsDuveyrier, Les Touaregsdu nord,p. 193.


238 PLANTES CULTIVÉES POURLEURS FRUITStation préhistorique du Figuier la région moyenne et méridionale<strong>de</strong> la mer Méditerranée, <strong>de</strong>puis la Syrie jusqu'aux îlesCanaries.On peut avoir du doute sur l'ancienneté <strong>de</strong>s Figuiers maintenantdans le midi <strong>de</strong>là France mais un fait bien curieux doit êtrementionné. M. Planchon a trouvé dans les tufs quaternaires <strong>de</strong>Montpellier et M. le marquis <strong>de</strong> Saporta dans ceux <strong>de</strong>s Aygala<strong>de</strong>s,près <strong>de</strong> Marseille, et dans le terrain quaternaire <strong>de</strong> LaCelle, près <strong>de</strong> Paris, <strong>de</strong>s feuilles et même <strong>de</strong>s fruits du FicusCarica sauvage avec <strong>de</strong>s <strong>de</strong>nts d'Elephas primigenius, et <strong>de</strong>sfeuilles <strong>de</strong> végétaux, dont les uns n'existent plus, et d'autrescomme leLawus canariensis, sont restés aux îles Canaries. Ainsile Figuier a peut-être existé sous sa forme actuelle, dans untemps aussi reculé. Il est possible qu'il ait péri dans le midi<strong>de</strong> la France, comme cela est arrivé certainement à Paris; aprèsquoi il serait revenu à l'état sauvage dans les localités du midi.Peut-être les Figuiers dont Webbet Berthelot avaient vu <strong>de</strong> vieuxindividus dans les endroits les plus sauvages <strong>de</strong>s Canaries <strong>de</strong>scendaient-ils<strong>de</strong> ceux qui existaient à l'époque quaternaire.Arbre à pain. Artocarpus incisa, Linné.L'Arbre à pain était cultivé dans toutes les îles <strong>de</strong> Parchipelasiatique et du grand Océan voisines <strong>de</strong> l'équateur, <strong>de</strong>puis Sumatrajusqu'aux iles Marquises, lorsque les Européens ontcommencé <strong>de</strong> les visiter. Son fruit est constitué, comme dansl'Ananas, par un assemblage <strong>de</strong> feuilles florales et <strong>de</strong> fruitssoudés en une masse charnue plus ou moins sphérique, et, commedans l'Ananas encore, les graines avortent dans les variétés<strong>cultivées</strong> les plus productives 2. On fait cuire <strong>de</strong>s tranches <strong>de</strong>cette sorte <strong>de</strong> fruit pour les manger.Sonnerat 3 avait transporté l'Arbre à pain à l'île Maurice, où.l'intendant Poivre avait eu soin <strong>de</strong> le répandre. Le capitaineBligh avait pour mission <strong>de</strong> le transporter dans les Antilles anglaises.On sait qu'une révolte <strong>de</strong> son équipage l'empêcha <strong>de</strong>réussir la première fois, mais dans un second voyage il fut plusheureux. En janvier 1793, il débarqua l§0 pieds dans l'île <strong>de</strong>Saint-Vincent, d'où l'on a répandu l'espèce dans plusieurs localités<strong>de</strong> l'Amérique équinoxiale i.Rumphius avait vu l'espèce à l'état sauvage dans plusieurs1. Planchon, Etu<strong>de</strong> sur les tufs <strong>de</strong> Montpellier,p. 63; <strong>de</strong>.Saporta, Laflore <strong>de</strong>s tufs quaternaires en Provence,dans les Comptesrendus<strong>de</strong> la33»sessiondu Congrèscientifique<strong>de</strong>France,et à paît, p. 27,Bull.Sac.geolog.,1873-74,p. 442.2. Voir les belles planches publiées dans Tussac,Flore <strong>de</strong>s Antilles,vol. 2, pl. 2 et 3 et Hooker,Botanicalmagazineț. 2869-2871,3. Voyageà la Nouvelle-Guinée, p. 100..4. Hooker,l. c.5. Rumphius,Herb.Amboin.j1,p. 112,pL33.


ARBRÈ A PAIN. –JACQUIER<strong>de</strong>s îles <strong>de</strong> la Son<strong>de</strong>. Les auteurs mo<strong>de</strong>rnes, moins attentifs oun'ayant observé que <strong>de</strong>s pieds cultivés, ne s'expliquent pas à cetégard. Pour les îles Fidji, Seemam 1 dit « Cultivé et selon toutesles apparences sauvage dans quelques localités ». Sur le continentdu midi <strong>de</strong> l'Asie il n'est pas même cultivé, le climat n'étantpas assez chaud.Evi<strong>de</strong>mment, l'Arbre à pain est originaire <strong>de</strong> Java, Amboineet îles voisines; mais l'ancienneté <strong>de</strong> sa culture dans toute larégion insulaire, prouvée par la multitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s variétés, et lafacilité <strong>de</strong> sa propagation par <strong>de</strong>s drageons et <strong>de</strong>s bouturesempêchent <strong>de</strong> connaître exactement son histoire. Dans les îles<strong>de</strong> l'extrémité orientale, comme O-Taïti, certaines fables et traditionsfont présumer une introduction qui ne serait pas trèsancienne, et l'absence <strong>de</strong> graines le confirme 2.Jacquier ou Jack. Artocarpus iniegrifatia, Linné.Le fruit du Jacquier, plus gros que celui <strong>de</strong> l'Arbre à pain,car il pèse jusqu'à 80 livres, est suspendu aux branches d'unarbre <strong>de</strong> 30 à 50 pieds <strong>de</strong> hauteur 3.Si le bon La Fontaine Lavaitconnu, il n'aurait pas écrit sa fable du gland et <strong>de</strong> la citrouille.Le nom vulgaire est tiré <strong>de</strong>s noms indiens Jaea oa/sja.a.Le Jacquier est cultivé <strong>de</strong>puis longtemps dans 1 Asie méridionale,du Punjab à la Chine, <strong>de</strong> l'Himalaya aux îles Moluques.Il ne s'est pas introduit encore dans les petites îles plus a 1 orient,comme 0-Taïti, ce qui faitprésumerune date moins ancienne dansl'archipel indien que sur le continent asiatique. Du côté nordouest<strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, la culture ne date peut-être pas non plus d uneépoque très reculée, car on n'est pas certain <strong>de</strong> l'existence d'unnom sanscrit. Roxburgh en cite un, Punma, mais après luiPiddington ne l'admet pas dans son In<strong>de</strong>x. Les Persans et lesSes ne semblent pas avoir connu l'espèce. Son fruit énormeles aurait pourtant frappés si l'espèce avait été cultivée près <strong>de</strong>leurs frontières. Le Dr Bretschnei<strong>de</strong>r ne parle pas d'Artocarpusdans son opuscule sur les <strong>plantes</strong> connues <strong>de</strong>s anciens Chinois,d'où l'on peut inférer que vers la Chine, comme dans les autresdirections, le Jacquier n'est pas un arbre répandu <strong>de</strong>puis uneépoque très ancienne.La première notionsur son existence à l'état sauvage estdonnée par Rhee<strong>de</strong> dans <strong>de</strong>s termes contestables « Cet arbrecroît partout au Malabar et dans toute l'In<strong>de</strong>. » Le vénérableauteur confondait peut-êtrel'arbre planté et l'arbre spontané.Après lui cependant, Wight a trouvé l'espèce, à plusieurs re-1. Seemann,Flora Vitiensis,p. 255.2. Seemann,fS^Etag inum.'<strong>de</strong>, <strong>plantes</strong>indigènes <strong>de</strong> TaUl,p. 44;Id., Plantesusuelles<strong>de</strong>sTahitiens,p. 24.V^LJ^â^n^'Flrt^Antilles,pl. 4, et Hooker, Botatiicalmagazine ț. 2833, 2834.239


240 PLANTES CULTIVÉES POURLEURS FRUITSprises, dans la péninsule indienne, notamment dans les Ghatsocci<strong>de</strong>ntaux,avec toute l'apparence d'un arbre indigène sauvage.On le plante beaucoup à Geylan; mais Thwaites, la meilleureautorité pour la flore <strong>de</strong> cette île, ne le reconnaît pas commespontané. Dans l'archipel au midi <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, il ne l'est pas nonplus, selon l'opinion générale. Enfin, Brandis en a trouvé <strong>de</strong>spieds dans les forêts du district d'Attaran, pays <strong>de</strong>s Birmans,à l'est <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, mais il ajoute que c'est toujours à proximitéd'établissements abandonnés. Kurz ne l'a pas trouvé spontanédans le Burman anglaisAinsi l'espèce est originaire du pied <strong>de</strong>s montagnes occi<strong>de</strong>ntales<strong>de</strong> la péninsule indienne, et son extension dans le voisinage,à l'état cultivé, ne remonte probablement pas plus haut quel'ère chrétienne. Il a été apporté à la Jamaïque en 1782, parl'amiral Rodney, et <strong>de</strong> là à Saint-Domingue 2. On l'a introduitaussi au Brésil, dans les îles Maurice, Seychelles et Rodriguez 3.Dattier. – Phœnixdactylifera, Linné.Le Dattier existe, <strong>de</strong>puis les temps préhistoriques, dans lazone sèche et chau<strong>de</strong> qui s'étend du Sénégal au bassin <strong>de</strong>l'Indus, principalement entre les 15e et 30e <strong>de</strong>grés <strong>de</strong> latitu<strong>de</strong>.On le voit çà et là plus au nord, en raison <strong>de</strong> circonstancesexceptionnelles et du but qu'on se propose en le cultivant. Eneffet, au <strong>de</strong>là du point où les fruits mûrissent chaque année, ily a une zone dans laquelle ils mûrissent mal ou rarement, etune <strong>de</strong>rnière limite jusqu'à laquelle l'arbre vit encore, mais sansfructifier ni même fleurir. Le tracé <strong>de</strong> ces limites a été donnéd'une manière complète par <strong>de</strong> Martius, Carl Ritter et moimême4. Il est inutile <strong>de</strong> les reproduire ici, le but du présentouvrage étant d'étudier les origines.En ce qui concerne le Dattier, nous ne pouvons guère nousappuyer sur l'existence plus ou moins constatée d'individusvraiment sauvages ou, comme on dit, aborigènes. Les dattes setransportent facilement; leurs noyaux germent quand on lessème dans un terrain humi<strong>de</strong>, près d'une source ou d'unerivière, et même dans <strong>de</strong>s fissures <strong>de</strong> rochers. Les habitants <strong>de</strong>soasis ont planté ou semé <strong>de</strong>s Dattiers dans <strong>de</strong>s localités favorablesoù l'espèce existait peut-être avant les hommes, et quandun voyageur rencontre <strong>de</strong>s arbres isolés, à distance <strong>de</strong>s habitations,il ne peut pas savoir s'ils ne viennent pas <strong>de</strong> noyaux jetéspar les caravanes. Les botanistes admettent bien une variété1.Rhee<strong>de</strong>,Malabar,3,p. 18;Wight,Icônes,2,num. 678;Brandis,Forestflora of India, p. 426 Kurz,Forestflora of brit. Burma,p. 432.2. Tussac, Le.3. Baker,Flora of Mauritius,etc.,p 282.4. De Martius, Gêneraet species C.Ritter, Erdkun<strong>de</strong>,13,p. 760 Alph. Palmarum, <strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>,Gêoqraphîebotaniqueia-folio,vol. 3, p. -257:raisonnée,p. 343.f 2


DATTIER 241sylvestris, c'est-à-dire sauvage, àbaies petites et acerbes; mais c'estpeut-être l'effet d'une naturalisation peu ancienne dans un- soldéfavorable. Les faits historiques et linguistiques auront plus <strong>de</strong>valeur dans le cas actuel, quoique sans doute, vu l'ancienneté <strong>de</strong>scultures, ils ne puissent donner que <strong>de</strong>s indications probables.D'après les antiquités égyptiennes et assyriennes, ainsi que lestraditions et les ouvrages les plus anciens, le Dattier existait enabondance dans la région qui s'étend <strong>de</strong> l'Euphrate au Nil. Lesmonuments égyptiens contiennent <strong>de</strong>s fruits et <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ssins <strong>de</strong>cet arbre l. Hérodote, à une époque moins reculée (v° siècleavant Jésus-Christ), parle <strong>de</strong>s bois <strong>de</strong> Dattiers qui existaient enBabylonie; plus tard Strabons'est exprimé d'une manière analoguesur ceux d'Arabie, par où il semble quel'espèceétait plus communequ'à présent et plus dans les conditions d'une essence forestièrenaturelle. D'un autre côté Carl Ritter fait la remarque ingénieuseque les livres hébreux les plus anciens ne parlent pas <strong>de</strong>sDattiers comme donnant un fruit recherché pour la nourriture<strong>de</strong> l'homme. Le roi David, vers l'an 1000 avant Jésus-Christ,environ sept siècles après Moïse, n'énumère pas le Dattier aunombre <strong>de</strong>s arbres qu'il convient <strong>de</strong> planter dans ses jardins. Ilest vrai qu'en Palestine, sauf à Jéricho, les dates ne mûrissentguère. Plus tard, Hérodote dit <strong>de</strong>s Dattiers <strong>de</strong> Babylonie, que lamajorité seulement <strong>de</strong>s pieds donnait <strong>de</strong> bons fruits, dont onfaisait usage. Ceci paraît indiquer le commencement d'une cultureperfectionnée au moyen <strong>de</strong> la sélection <strong>de</strong>s variétés et dutransport <strong>de</strong>s fleurs mâles au milieu <strong>de</strong>s branches <strong>de</strong> pieds femelles,mais cela signifie peut-être aussi qu'Hérodote ne connaissaitpas l'existence <strong>de</strong>s pieds mâles.A l'occi<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l'Egypte, le Dattier existait probablement<strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s siècles ou <strong>de</strong>s milliers d'années quand Hérodote les amentionnés. Il parle <strong>de</strong> la Libye. Aucun document historiquen'existe pour les oasis du Sahara, mais Pline 2 mentionne lesDattiers <strong>de</strong>s îles Canaries.Les noms <strong>de</strong> l'espèce témoignent d'une gran<strong>de</strong> ancienneté soiten Asie, soit en Afrique, attendu qu'ils sont nombreux et fortdifférents. Les Hébreux appelaient le Dattier Tamar et les anciensEgyptiens Beq 3. L'extrême diversité <strong>de</strong> ces mots, d'une gran<strong>de</strong>antiquité, fait présumer que les peuples avaient trouvé l'espèceindigène et peut-être déjà nommée dans l'Asie occi<strong>de</strong>ntale eten Egypte. La multiplicité <strong>de</strong>s noms persans, arabes et berbères,est incroyable 4. Les uns dérivent du mot hébreu, lesautres <strong>de</strong> sources inconnues. Ils s'appliquent souvent à <strong>de</strong>s états•différents du fruit ou à <strong>de</strong>s variétés <strong>cultivées</strong> différentes, ce qui1. Unger,Pflanzend. alt. Mgimtms.p. 38,2.r


242 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITSTmontre encore d'anciennes cultures dans divers pays. WefiJ*et Berthelot n'ont pas découvert un nom du Dattier dans lalangue <strong>de</strong>s Guanches, et c'est bien à regretter. Le nom grec,Phœnix, se rapporte simplement à la Phénicie et aux Phéniciens,possesseurs du Dattier 1. Les noms Dactylus et Datte sont <strong>de</strong>sdérivés <strong>de</strong> Dachel, dans un dialecte hébreu 2. On ne cite aucunnom sanscrit, d'où l'on peut inférer que les plantations<strong>de</strong> Dattiersne sont pas très anciennes dans l'In<strong>de</strong> occi<strong>de</strong>ntale. Le climatindien ne convient pas à l'espèce 3.Le nom hindustani, Khurma,est emprunté au persan. “ m.Plus à l'est, le Dattier a été longtemps inconnu. Les Chinoisl'ont reçu <strong>de</strong> Perse, au me siècle <strong>de</strong> notre ère, et plus tard à différentesreprises, mais aujourd'hui ils l'ont abandonné 4. Engénéral, hors <strong>de</strong> la région ari<strong>de</strong> qui s'étend <strong>de</strong> lEuphrate aumidi <strong>de</strong> l'Atlas et aux Canaries, le Dattier n'a pas réussi sous<strong>de</strong>s latitu<strong>de</strong>s analogues, ou du moins il n'est pas <strong>de</strong>venu unobjet important <strong>de</strong> culture. Il aurait <strong>de</strong> bonnes conditions d'existenceen Australie et au Cap, mais les Européens, qui ont coloniséces pays, ne se contentent pas, comme les Arabes, <strong>de</strong> figues et <strong>de</strong>dattes pour leur nourriture. J'estime, en définitive, que dans lestemps antérieurs aux premières dynasties égyptiennes le Dattierexistait déjà, spontané ou semé çàet là par <strong>de</strong>s tribus errantes,dans la zone <strong>de</strong> l'Euphrate aux Canaries, et qu'on s'est mis à 1&cultiver plus tard jusqu'au nord-ouest <strong>de</strong> 1 In<strong>de</strong>, d'un côte, etaux îles du Cap-Vert s, <strong>de</strong> l'autre, <strong>de</strong> sorte que l'habitation naturelleest restée à peu près la même environ 5000 ans. Qu'était-elleà une époque antérieure? C'est ce que <strong>de</strong>s découvertes paléontologiquesapprendront peut-être un jour.Bananier. Musa sapientum et M. paradisiaca, Linné.M. sapientum, Brown.On regardait assez généralement le Bananier, ou les Bananiers,comme originaires <strong>de</strong> l'Asie méridionale et comme transeportés en Amérique par les Européens, lorsque M. <strong>de</strong> Humboldtest venu jeter <strong>de</strong>s doutes sur l'origine purement asiatique. Il acité, dans son ouvrage sur la Nouvelle-Espagne 6, d'anciensauteurs d'après lesquels le Bananier aurait été cultivé en Amériqueavant la découverte.Il convient que, d'après Oviedo 7, le Père Thomas <strong>de</strong> Ber-1. Hehn,Culturpflanzen, ed. 3, p. 234.2. C. Ritter, l. c., p.3. D'aprèsRoxburgh,Royle,etc.828.4. Bretschnei<strong>de</strong>r,Onstucty,etc., p 31.5. $$$fê^iffllLc£r%*u*. p. 168,le Dattierestrar*dans cesîleset n'y est certainementpas sauvageques-unes<strong>de</strong>sliesCanaries,il Ạucontraire,dansquel-atoutes les apparences d'un arbre indigène,d'après Webb et Berthelot, Hist.nat. <strong>de</strong>s Canaries,Botanique, 3,p. 289.6. De Humboldt,Nouvelle-Espagne, 1''°édit., II, p. 360.7. Oviedo,Hist.nat., 1556,p. 112-li4. Le premier ouvrage d'Oviedo est


BANANIER 243langas aurait transporté, en 1516, <strong>de</strong>s îles Canaries à Saint-Domingue, les premiers Bananiers, introduits <strong>de</strong> là dans d'autresîles et sur la terre ferme 1.Il reconnaît que, dans les. relations<strong>de</strong> Colomb, Alonzo Negro, Pinzon, Vespuzzi et Cortez, il n'estjamais question <strong>de</strong> Bananier. Le silence <strong>de</strong> Hernan<strong>de</strong>z, quivivait un <strong>de</strong>mi-siècle après Oviedo, l'étonné et lui paraît unenégligence singulière, « car, dit-il s, c'est une tradition constanteau Mexique et sur toute la terre ferme que le Platanoarton et le Dominico y étaient cultivés longtemps avant l'arrivée<strong>de</strong>s Espagnols. » L'auteur qui a marqué avec le plus <strong>de</strong> soinles différentes époques auxquelles l'agriculture américaine s'estenrichie <strong>de</strong> productions étrangères, le Péruvien Garcilasso <strong>de</strong> laTega 3, dit expressément que, du temps <strong>de</strong>s Incas, le maïs, lequinoa, la pomme <strong>de</strong> terre, et dans les régions chau<strong>de</strong>s et tempéréesles bananes faisaient la base dj la nourriture <strong>de</strong>s indigènes.Il décrit le Musa <strong>de</strong> la vallée <strong>de</strong>s An<strong>de</strong>s; il distinguemême l'espèce plus rare, à petit fruit sucré et aromatique, leDominico, <strong>de</strong> là banane commune ou Arton. Le Père Acosta 4affirme aussi, quoique moins positivement, que le Musa étaitcultivé par les Américains avant l'arrivée <strong>de</strong>s Espagnols. EnfinM. <strong>de</strong> Humboldt ajoute d'après ses propres observations « Surles rives <strong>de</strong> l'Orénoque, du Cassiquaire ou <strong>de</strong> Beni, entre lesmontagnes <strong>de</strong> l'Esmeralda et les rives du fleuve Carony, aumilieu <strong>de</strong>s forêts les plus épaisses, presque partout où l'on découvre<strong>de</strong>s peupla<strong>de</strong>s indiennes qui n'ont pas eu <strong>de</strong>s relationsavec les établissements européens, on rencontre <strong>de</strong>s plantations<strong>de</strong> Manioc et <strong>de</strong> Bananiers. » M. <strong>de</strong> Humboldt, en conséquence,a émis l'hypothèse qu'on aurait confondu plusieurs espèces ouvariétés constantes <strong>de</strong> Musa, dont quelques-unes seraient originairesdu nouveau mon<strong>de</strong>.Desvaux s'empressa d'examiner la question spécifique, etdans un travail vraiment remarquable publié en 1814 5 il aregardé tous les Bananiers cultivés pour leurs fruits comme uneseule espèce. Dans cette espèce, il distingue 44 variétés, qu'ildispose en <strong>de</strong>ux séries, les Bananes à gros fruits (7 à 15 pouces<strong>de</strong> longueur) et celles à petits fruits (1 à 6 pouces) appelées vulgairementfigues bananes. R. Brown en 1818, dans son ouvragesur les <strong>plantes</strong> du Congo, p..51, soutient aussi qu'aucuneconstance dans la cir-structure <strong>de</strong>s Bananiers cultivés en Asie et enAmérique n'empêche <strong>de</strong> les considérer comme appartenant à<strong>de</strong> 1526.C'est le plus ancien voyageur naturaliste cité par Dryan<strong>de</strong>r(Bibi.banks.)pour l'Amérique.1.J'ailu ce passageégalement dansla traductiond'Oviedo par Rainusio,vol. 3, p. 115.2. De Humboldt,Nouvelle-Espagne, 2e édit., p. 385.3. Garcilasso<strong>de</strong> la Vega, Commentarios reaies, 1, p. 282.4. Acosta,Hist.nat. <strong>de</strong> Indias, 1608,p. 250.5. Desvaux,Journ. bot.,IV, p. 5.


244 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS FRUITSune seule espèce. Il adopte le nom <strong>de</strong> Musa sapientum, qui meparaît effectivement préférable à celui <strong>de</strong> M. paradisiaca,adopté par Desvaux, parce que les variétés à petits fruits fertilesrapportées au M. sapientum L. semblent plus près <strong>de</strong> 1 état<strong>de</strong>s Musa spontanés qu'on a trouvés en Asie.Brown remarque, sur la question d'origine, que toutes lesautres espèces du genre Musa sont <strong>de</strong> l'ancien mon<strong>de</strong>; que personnene dit avoir trouvé en Amérique, dans l'état sauvage, <strong>de</strong>svariétés à fruits fertiles, comme cela est arrivé en Asie; enfin,que Piso et Marcgraf ont regardé le Bananier comme introduitdu Congo au Brésil. Malgré la force <strong>de</strong> ces trois arguments,M. <strong>de</strong> Humboldt, dans la secon<strong>de</strong> édition <strong>de</strong> son Essai sur laNouvelle-Espagne (2, p. 397), n'a pas renoncé complètement àson opinion. Il dit que le voyageur Galdcleugb i a trouvé chezles Puris la tradition établie que, sur les bords du Prato, on cultivait,longtemps avant les communications avec les Portugais,une petite espèce <strong>de</strong> banane. Il ajoute qu'on trouve dans leslangues américaines <strong>de</strong>s mots, non importés, pour distinguerle fruit du Musa, par exemple Paruru en tamanaque, etc.,Arata en maypure. J'ai lu aussi dans le voyage <strong>de</strong> Stevenson 2qu'on aurait trouvé dans les huacas, ou tombeaux péruviensantérieurs à la conquête, <strong>de</strong>s lits <strong>de</strong> feuilles <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux Bananierscultivés habituellement en Amérique; mais, comme ce voyageurdit avoir vu dans ces huacas <strong>de</strong>s fèves 3 et que la fève est certainement<strong>de</strong> l'ancien mon<strong>de</strong>, ses assertions ne méritent guèreconfiance. M. Boussingault pensait que le Platano arton aumoins est originaire d'Amérique, mais il n'en a pas donné <strong>de</strong>preuve. Meyen, qui avait aussi été en Amérique, n'ajoute aucunargument à ceux qui étaient connus avant lui 5. Il en est <strong>de</strong>même du géographe Ritter 6, qui reproduit simplement pourl'Amérique les faits indiqués par <strong>de</strong> Humboldt.D'un autre côté, <strong>de</strong>s botanistes qui ont visité l'Amérique plusrécemment n'hésitent pas sur l'origine asiatique. Je citeraiSeemann pour l'isthme <strong>de</strong> Panama, Ernst pour le Venezuelaet Sagot pour la Guyane 7.Les <strong>de</strong>ux-premiers insistent sur l'absence<strong>de</strong> noms pour le Bananier dans les langues du Pérou etdu Mexique. Piso ne connaissait aucun nom brésilien. De JWartius8 a indiqué <strong>de</strong>puis, dans la langue tupi du Brésil, les nomsPacoba ou Bacoba. Ce fiiême nom Bacove est usité, selon1. CaldcleughȚrav. in S. Amer.,1825,1, p. 23.2. Stevenson,Trav.in S. Amer.,1, p. 32S.3.Stevenson,Trav.in S. Amer.,1, p. 3G3.4.Boussingault, dans C. r. Acad.sc. Paris, 9mai lo-u.5. Meyen,P flanz.geog.,1836,p. 383.6.Ritter,Erdkun<strong>de</strong>,4, p. 870et suiv.7. ~utt~ ofHerald,p. 213;Ernst, dans Seemann,Journalofbotany, 1867,p. 289; Sagot, dans Journal <strong>de</strong> la Sociétéd'hortie. <strong>de</strong>France,1872,p. 226. ,M8.Martius,Ethnogr.Sprachenkun<strong>de</strong>Amencas,p. 123.


BANANIER 245M. Sagot, par les Français à la Guyanne. Il a peut-être pourorigine le nom Bala ou Palan, du Malabar, à la suite d'uneintroduction par les Portugais, <strong>de</strong>puis le voyage <strong>de</strong> Piso.L'ancienneté et la spontanéité du Bananier en Asie sont <strong>de</strong>sfaits incontestables. Il a plusieurs noms sanscrits l. Les Grecs,les Latins et ensuite les Arabes en ont parlé comme d'un arbrefruitier remarquable <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>. Pline 2 en parle assez clairement.Il dit que les Grecs <strong>de</strong> l'expédition d'Alexandre l'avaientvu dans l'In<strong>de</strong>, et il cite le nom Pala, qui existe encore au Malabar.Les sages se reposaient sous son ombre et en mangeaientles fruits. De là le nom <strong>de</strong> Musa sapientum <strong>de</strong>s botanistes. Musaest tiré <strong>de</strong> l'arabe Mouz ou Mauwz, qu'on voit déjàauxnr2 siècledans Ebn Baithar. Le nom spécifique paradisiacavient <strong>de</strong>shypothèses ridicules qui faisaient jouer au Bananier un rôledans l'histoire d'Eve et du paradis.Il est assez singulier que les Hébreux et les anciens Egyptiens 3n'aient pas connu cette plante indienne. C'est un indice qu'ellen'était pas dans l'In<strong>de</strong> <strong>de</strong>puis un temps très reculé, mais plutôtoriginaire <strong>de</strong> l'archipel indien.Le Bananier offre dans le midi <strong>de</strong> l'Asie, soit sur le continent,soit dans les îles, un nombre <strong>de</strong> variétés immense; la culture<strong>de</strong> ces variétés remonte dans l'In<strong>de</strong>, en Chine, dans l'archipelindien à une époque impossible à apprécier; elle s'était étenduejadis, même dans les îles <strong>de</strong> la mer Pacifique 4 et sur la côteocci<strong>de</strong>ntale d'Afrique s; enfin les variétés portaient <strong>de</strong>s nomsdistincts dans les langues asiatiques les plus séparées, comme lesanscrit, le chinois, le malais. Tout cela indique une anciennetéprodigieuse <strong>de</strong> culture, par conséquent une existence primitiveen Asie, et une diffusion contemporaine avec celle <strong>de</strong>s racesd'hommes ou antérieure.On dit avoir trouvé le Bananier spontané en plusieurs points.Cela mérite d'autant plus d'être noté que les variétés <strong>cultivées</strong>ne donnant souvent pas <strong>de</strong> graines et se multipliant par division,l'espèce ne doit guère se naturaliser par semis hors <strong>de</strong>scultures. Roxburgh l'avait vu dans les forets <strong>de</strong> Chittagong 6,sous la forme du Al. sapientum. Rumphius 7 décrit une variétéà petits fruits sauvage dans les îles Philippines. Loureiro parleprobablement<strong>de</strong> la même sous le nom <strong>de</strong> M. seminifera agrestis,qu'il oppose au M. seminifera domestica, et qui serait donc1. Roxburghet "Wallich,Fl. ind., 2, p. 485; Piddington, In<strong>de</strong>x.2. Pline, Hist.,1.12.c. 6.3.Unger, l. c., et Wilkinson,2, p. 403,ne le mentionnentpas. Le Banamierse cultiveaujourd'huien Egypte.4. Forster,Plant. esc.,p. 28.5. Clusius,Exot.,p. 229 Brown,Bot.Congo,p. 51.6.Roxburgh,Corom.țab. 275;Fl. ind., L c.7. Rumphius.Amb.,5, p. 139.8. Loureiro,Fl. coch.,p. 791.


246 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS FRUITSspontanée en Cochinchine. Blanco indique aussi un Bananiersauvage aux Philippines i, mais sa <strong>de</strong>scription est insuffisante.Finlayson 2 a trouvé le Bananier sauvage, en abondance, dansla petite île <strong>de</strong> Pulo Ubi, à l'extrémité sud du pays <strong>de</strong> Siam.Thwaites 3 a vu la forme du M. sapientum dans les forêts rocailleusesdu centre <strong>de</strong> l'île <strong>de</strong> Ceylan et n'hésite pas à direque c'est la souche <strong>de</strong>s Bananiers cultivés. Sir J. Hooker etThomson 4 l'ont trouvé sauvage à Khasia.En Amérique, les faits sont tout autres. On n'y a jamais vu leBananier sauvage, excepté à la Barba<strong>de</strong> s, mais là c'est unarbre qui ne mûrit pas ses fruits et qui est par conséquent,selon les probabilités, le résultat <strong>de</strong> variétés <strong>cultivées</strong> peu abondantesen semences. Le TVild plantain <strong>de</strong> Sloane G paraît uneplante très différente <strong>de</strong>s Musa. Les variétés qu'on prétend pouvoirêtre indigènes en Amérique sont au nombre <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux seulement,et en général on y cultive infiniment moins <strong>de</strong> variétésqu'en Asie. La culture du Bananier est, on peut dire, récentedans une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> l'Amérique, car elle ne remonte guèreà plus <strong>de</strong> trois siècles. Piso 7 dit positivement que la plante aété importée au Brésil et n'avait pas <strong>de</strong> nom brésilien. Il nedit pas d'où elle venait. Nous avons vu que, d'après Oviedo,l'espèce a été apportée <strong>de</strong>s Canaries à Saint-Domingue. Ceci,joint au silence <strong>de</strong> Hernan<strong>de</strong>z, généralement si exact pour les<strong>plantes</strong> utiles, spontanées ou <strong>cultivées</strong>, du Mexique, me persua<strong>de</strong>que le Bananier manquait lors <strong>de</strong> la découverte <strong>de</strong> l'Amériqueà toute la partie orientale <strong>de</strong> ce continent.Existait-il dans la partie occi<strong>de</strong>ntale, sur les bords <strong>de</strong> la merPacifique? C'est très invraisemblable quand on pense aux communicationsqui existaient entre les <strong>de</strong>ux côtes, vers l'isthme <strong>de</strong>Panama, et à l'activité avec laquelle les indigènes avaient répandudans toute l'Amérique les <strong>plantes</strong> utiles, comme le manioc,le maïs, la pomme <strong>de</strong> terre, avant l'arrivée <strong>de</strong>s Européens.Le Bananier, dont ils font tant <strong>de</strong> cas <strong>de</strong>puis trois siècles, qui semultiplie si aisément par les drageons, qui a une apparence sifrappante pour le vulgaire, n'aurait pas été oublié dans quelquesvillages au milieu <strong>de</strong>s forêts ou sur le littoral.Je conviens que l'opinion <strong>de</strong> Garcilasso, <strong>de</strong>scendant <strong>de</strong>s Incas,auteur qui a vécu <strong>de</strong> 1530 à 1568, est d'une certaine importancelorsqu'il dit que les indigènes connaissaient le Bananier avantla conquête. Ecoutons cependant un autre écrivain très digned'attention, Joseph Acosta, qui avait été au Pérou et que M. <strong>de</strong>1. Blanco,FI., i1' édit., p. 247.2.Finlayson, Journ.to Siam,1826,p. 86,d'aprèsRitter,Erdlc, 4,p. 878.3.Thwaites,Enumṗlant. Ceylan,ta. 321.4. D'aprèsAitchison, Catal. of Piinjab,p. 147.5. Hughes,Barb.,p. 182 Maycock,FI. Bavb.,p. 396.6. Sloane,Jamaica,2, p. 148.7. Piso,édit. 1648,Hist.nat., p. 75.


BANANIERfil1 1 r__Humboldt invoque à l'appui du précé<strong>de</strong>nt. Ses expressions me•conduisent plutôt à une opinion différente 1. Il s'exprime ainsidans la traduction française <strong>de</strong> i598 2 « La cause pour laquelleles Espagnols l'ont appelé plane (car les naturels n'avaientpoint <strong>de</strong> tel nom) a été, comme es autres arbres, pour autantqu'ils ont trouvé quelque ressemblance <strong>de</strong> l'un à l'autre ». Ilmontre combien le plane (Platanus) <strong>de</strong>s Anciens était différent.II décrit très bien le Bananier, et ajoute que cet arbre est trèscommun aux In<strong>de</strong>s (ici, cela veut dire en Amérique), « quoiqu'ilsdisent (les Indiens) que son origine soit venue d'Ethiopie. Il ya une espèce <strong>de</strong> petits planes blancs et fort délicats, lesquelsils appellent en FEspagnolle 3 Dominique. Il y en d'autres quisont plus forts et plus gros, et d'une couleur rouge. Il n encroît point au Pérou, mais on les y apporte <strong>de</strong>s In<strong>de</strong>s commeau Mexique <strong>de</strong> Cuernavaca et <strong>de</strong>s autres vallées. En la terreferme et en quelques îles, il y a <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s planares, quisont comme bosquetaux (bosquets) très épais. » Assurément, cen'est pas ainsi que s'exprimerait l'auteur pour un arbre fruitierd'origine américaine. Il citerait <strong>de</strong>s noms américains, <strong>de</strong>s usagesaméricains. Il ne dirait surtout pas que les indigènes les regar<strong>de</strong>ntcomme d'origine étrangère. La diffusion dans les terreschau<strong>de</strong>s du Mexique pourrait bien avoir eu lieu entre l'époque<strong>de</strong> la conquête et celle où écrivait Acosta, puisque Hernan<strong>de</strong>z,dont les recherches consciencieuses remontent aux premierstemps <strong>de</strong> la domination espagnole à Mexico (quoique publiéesplus tard à Rome), ne dit pas un mot du Bananier 5. L historienPrescott a vu d'anciens ouvrages ou manuscrits, selon lesquelsles habitants <strong>de</strong> Tumbez auraient apporté à Pizarre <strong>de</strong>sbananes lorsqu'il débarqua sur la côte du Pérou, et il croitaux feuilles trouvées dans les huacas, mais il ne cite pas sespreuves 6.. ,«Quant à l'argument <strong>de</strong>s cultures faites par les indigènes, à1 De Humboldta cité l'éditionespagnole <strong>de</strong> 1608.La premièreéditionest <strong>de</strong> 1591.Je n'ai pu consulter que la traduction française<strong>de</strong> Regnault,qui est <strong>de</strong> 1598et qui a tous les caractères<strong>de</strong> l'exactitu<strong>de</strong>,indépendammentdu mériteau point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> la languefrançaise.2. Acosta,traduction,1. 4, c. 21.3. C'est-à-direprobablement à Hi=paniola șoit Saint-Domingue, car, s ilavaitvoulu dire en langue espagnole, on aurait traduit par castillanetsanslettre capitale.Voyez d'ailleurs la page 168<strong>de</strong> l'ouvrage.4.II Ya ici probablement une faute d'impressionpourAn<strong>de</strong>s,car le motIn<strong>de</strong>sn'a pas <strong>de</strong> sens dans ce passage. Le mêmeouvragedit, page 166,qu'il ne vient pas d'Ananas au Pérou,maisqu'on les y apporte<strong>de</strong>s An<strong>de</strong>s,et, page173quele cacaovient <strong>de</strong>sAn<strong>de</strong>s.Celasignifiait doncles régionschau<strong>de</strong>s.Le mot An<strong>de</strong>sa été appliqué ensuite à la chaîne<strong>de</strong>s montagnes,par une transposition bizarre et malheureuse.5. J'ai parcourul'ouvrage en entier pour m'en assurer.6. Prescott, Conquête du Pérou,édit. <strong>de</strong> Baudry, 164,183.L'auteur aconsulté<strong>de</strong>ssourcesprécieuses, entre autres un manuscrit<strong>de</strong> Montesinos,<strong>de</strong> 1527,mais il ne cite pas ses autorités pour chaquefait, et se borne à<strong>de</strong>s indicationsvagues et collectives qui sontloin <strong>de</strong> suffire.


248 PLANTES CULTIVÉESPOURLEURS FRUITSl'époque actuelle, dans <strong>de</strong>s contrées <strong>de</strong> l'Amérique très séparées<strong>de</strong>s établissements européens, il m'est difficile d'admettreque <strong>de</strong>puis trois siècles <strong>de</strong>s peupla<strong>de</strong>s soient restées absolumentisolées et n'aient pas reçu un arbre aussi utile, par l'intermédiaire<strong>de</strong>s pays colonisés.En résumé, voici ce qui me paraît le plus probable uneintroduction faite <strong>de</strong> bonne heure par les Espagnols et les Portugaisà Saint-Domingue et au Brésil, ce qui suppose, j'en conviens,une erreur <strong>de</strong> Garcilasso quant aux traditions <strong>de</strong>s Péruviens.Si cependant <strong>de</strong>s recherches ultérieures venaient àprouver que le Bananier existait dans quelques parties <strong>de</strong>l'Amérique avant la découverte par les Européens, je croirais àune introduction fortuite, pas très ancienne, par l'effet d'unecommunication inconnue avec les îles <strong>de</strong> la mer Pacifique ouavec la côte <strong>de</strong> Guinée, plutôt qu'à l'existence primitive etsimultanée du Bananier dans les <strong>de</strong>ux mon<strong>de</strong>s. La géographiebotaniquetout entière rend cette <strong>de</strong>rnière hypothèse improbable,je dirai presque impossible à admettre, surtout dans ungenre non partagé entre les <strong>de</strong>ux mon<strong>de</strong>s.Enfin, pour terminer ce que j'ai à dire du Bananier, jeremarquerai combien la distribution <strong>de</strong>s variétés est favorableà l'opinion <strong>de</strong> l'espèce unique, adoptée, dans <strong>de</strong>s vues <strong>de</strong> botaniquepure, par Roxburgh, Desvaux et R. Brown. S'il existait<strong>de</strong>ux ou trois espèces, probablement l'une serait représentéepar les variétés qu'on a soupçonnées originaires <strong>de</strong> l'Amériqueune autre serait sortie, par exemple, <strong>de</strong> l'archipel indien ou <strong>de</strong>la Chine, et la troisième <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>. Au contraire, toutes les variétéssont géographiquement mélangées. En particulier, les<strong>de</strong>ux qui sont le plus répandues en Amérique diffèrent sensiblementl'une <strong>de</strong> l'autre et se confon<strong>de</strong>nt chacune avec <strong>de</strong>s variétésasiatiques,ou s'en rapprochent beaucoup.Ananas. Ananassa sativa, Lindley. Bromelia AnanasTLinné.Malgré les doutes énoncés par quelques auteurs l'Ananas doitêtre une plante d'Amérique, introduite <strong>de</strong> bonne heure, par les,Européens, en Asie et en Afrique.Nana était le nom brésilien d'où les Portugais avaient faitAnanas. Les Espagnols avaient imaginé le nom <strong>de</strong> Pinas, àcause <strong>de</strong> l'analogie <strong>de</strong> forme avec le cone du Pin pignon Tousles premiers écrivains sur l'Amérique en parlent 3. Hernan<strong>de</strong>zdit que l'Ananas habite les endroits chauds <strong>de</strong> Haïti et duMexique. Il mentionne un nom mexicain, Matzatli. On avait1. Marcgraf,Brasil.,p. 33.2. Oviedoțrad. <strong>de</strong> Ramusio,3, p. 113 Jos.Acosta,Hist.nat. <strong>de</strong>sIn<strong>de</strong>s,,trad. franç.,p. 166.3. Thevet,Pison,etc. Hernan<strong>de</strong>zȚhés,p. 341.


ANANAS 249apporté un fruit d'Ananas à Charles-Quint, qui s'en défia et nevoulut pas le goûter. v. c i.Les ouvrages <strong>de</strong>s Grecs, <strong>de</strong>s Romains et <strong>de</strong>s Arabes ne fontaucune allusion à cette espèce, introduite évi<strong>de</strong>mment dansl'ancien mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>puis la découverte <strong>de</strong> l'Amérique. Rheé<strong>de</strong>au xviie siècle, en était persuadé mais ensuite Rumphius 2 acontesté, parce que, disait-il, l'Ananas était cultivé <strong>de</strong> sontemps dans toutes les parties <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, et qu'on en trouvait <strong>de</strong>sauvages aux Célèbes et ailleurs. Il remarque cependant l'absence<strong>de</strong> nom asiatique. Celui indiqué par Rhee<strong>de</strong> au Malabarest tiré évi<strong>de</strong>mment d'une comparaison avec le fruit du Jacquieret n'a rien d'original. C'est sans doute par erreur quePiddington attribue un nom sanscrit à l'Ananas, car ce nommême, Anarush, parait venir d'Ananas. Roxburgh n'en connaissaitpoint, et le dictionnaire <strong>de</strong> Wilson ne mentionne pas lenom d'Anarush. Royle 3 dit que l'Ananas a été introduit dans leBengale en 1394. D'après Kircher les Chinois le cultivaient dansle XVIIesiècle, mais on pensait qu'il leur avait été apporté duPérou.Clusius 5, en 1899, avait vu <strong>de</strong>s feuilles d'Ananas apportées<strong>de</strong> la côte <strong>de</strong> Guinée. Cela peut s'expliquer par une introduction<strong>de</strong>puis la découverte <strong>de</strong> l'Amérique. Robert Brown parle <strong>de</strong>l'Ananas à l'occasion <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> <strong>cultivées</strong> du Congo, mais ilregar<strong>de</strong> l'espèce comme américaine.Quoique l'Ananas cultivé ait ordinairement point ou peu <strong>de</strong>graines, il se naturalise quelquefoisdans les pays chauds. On encite <strong>de</strong>s exemples aux îles Maurice, Seychelles et Rodriguezdans l'archipel indien, dans l'In<strong>de</strong> et dans quelques parties <strong>de</strong>l'Amérique où probablement il n'était pas indigène, par exempleaux Antilles.On l'a trouvé sauvage dans les terres chau<strong>de</strong>s du Mexique(si l'on peut se fier à la phrase d'Hernan<strong>de</strong>z), dans la province<strong>de</strong> Veraguas 8, près <strong>de</strong> Panama, dans la vallée du Haut-Orénoque9, à la Guyane 10 et dans la province <strong>de</strong> Bahia1.Rhee<strong>de</strong>,Hort.malab.,11,p. 6.2. Rumphius,Amboin.,5, p. 228.3.Royle,Ill., p. 376.4. Kircher,Chineillustréețrad. <strong>de</strong> 1670,p. 253.5. Clusius,Exotie.,cap.44.6. Baker,Flora of Mauritius.7. Royle,l. c.8. Seemann,Bot.of Herald,p. 215.9. Humboldt,Nouv.-Esp.,2eédit., 2, p. 478.10. Gar<strong>de</strong>ner'schron.,1881,vol. 1, p. 657.11.Martius,lettre à A. <strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>,Géogr.bot.rais.,p. 027-


CHAPITREVPLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINESArt. 1er Graines nutritives.Cacaoyer. Theobroma Cacao, Linné.Les Theobroma, <strong>de</strong> la famille <strong>de</strong>s Byttnériacées, voisine <strong>de</strong>sMalvaeées, forment un genre <strong>de</strong> 15 à 18 espèces, toutes <strong>de</strong>l'Amérique intertropicale, principalement <strong>de</strong>s parties les pluschau<strong>de</strong>s du Brésil, <strong>de</strong> la Guyane et <strong>de</strong> l'Amérique centrale.Le Cacaoyer ordinaire, Theobroma Cacao, est un petit arbre,spontané dans les forêts du fleuve <strong>de</strong>s Amazones, <strong>de</strong> tl'Orénoque1et <strong>de</strong> leurs affluents jusqu'à une élévation d'à peu près 400 mètres.On le cite également, comme sauvage, dans l'ile <strong>de</strong> la Trinité,voisine <strong>de</strong>s bouches <strong>de</strong> l'Orénoque 2. Je ne trouve pas. d'epreuve qu'il soit indigène dans les Guyanes, bien que cela paraisseprobable. Beaucoup d'anciens auteurs l'indiquent commespontané et cultivé, à l'époque <strong>de</strong> la découverte <strong>de</strong> l'Amérique,<strong>de</strong> Panama à Guatimala et Campèche mais les nombreusescitations réunies par Sloane 3 font craindre qu'ils n'aient pasvérifié suffisamment la condition spontanée. Les botanistes mo<strong>de</strong>rness'expriment vaguement à cet égard, et en général ils nementionnent le Cacaoyer dans cette région et aux Antilles qu'àl'état cultivé. G. Bernoulli 4, qui avait résidé à Guatimala, seborne à ces mots « Spontané et cultivé dans toute l'Amériquetropicale, » et Hemsley 3, dans sa revue <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> du Mexiqueet <strong>de</strong> l'Amérique centrale, faite en 1879, d'après les riches1. Humboldt, Voy.,2, p. 511;Kunth, dans Humboldtet Bonpland,Novagênera,5, p. 316 Martius,Ueber<strong>de</strong>n Cacao,dansBttehner,Repert.Pharm.2. Sehach,dans Grisebach,Flora ofbritish W.India islands,p.3. 91.Sloane,Jamaïque,2, p. 15.4. G. Bernoulli,Uebersicht<strong>de</strong>r ArtenvonTheobroma, p. 5.5. Hemsley,Biologiacentrali-americana, part. 2, p. 133.


CACAOYER LI-TSCHI 251matériaux <strong>de</strong> l'herbier <strong>de</strong> Kew, ne cite aucune localité où l'espècesoit indigène. Elle a peut-être été introduite dans l'Amériquecentrale et dans les parties chau<strong>de</strong>s du Mexique, par lesIndiens, avant la découverte <strong>de</strong> l'Amérique. La culture peutl'avoir naturalisée çà et là, comme on dit que cela est arrivé àla Jamaïque A l'appui <strong>de</strong> cette hypothèse, il faut remarquerque M. Triana 2 indique le Cacaoyer seulement comme cultivédans les parties chau<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la Nouvelle-Grena<strong>de</strong>, pays situéentre la région <strong>de</strong> l'Orénoque et Panama.Quoi qu'il en soit, l'espèce était cultivée dans l'Amérique centraleet le Yucatan lors <strong>de</strong> la découverte <strong>de</strong> l'Amérique. Lesgraines étaient envoyées dans les régions hautes du Mexique, etmême elles y servaient <strong>de</strong> monnaie, tant on en faisait cas.L'usage <strong>de</strong> boire du chocolat était général. Le nom <strong>de</strong> cetteexcellente boisson est mexicain.Les Espagnols ont transporté le Cacaoyer d'Acapulco aux îlesPhilippines en 1674 et 1680 3. Il y réussit à merveille. On lecultive aussi dans les îles <strong>de</strong> la Son<strong>de</strong>. Je présume qu'il réussiraitsur les côtes <strong>de</strong> Zanzibar et <strong>de</strong> la Guinée, mais il ne convientpas <strong>de</strong> l'essayer- dans les pays qui ne sont pas très chauds ethumi<strong>de</strong>s.Une autre espèce, le Theobroma bicolor, Humboldt et Bonland,se trouve mélangée avec le Cacaoyer ordinaire dans lescultures américaines. Ses graines sont moins estimées.^D'unautre côté, elle n'exige pas autant <strong>de</strong> chaleur et peut vivre jusqu'à950 mètres d'élévation dans la vallée <strong>de</strong> la Mag<strong>de</strong>lana. Elleabon<strong>de</strong>, à l'état spontané, dans la Nouvelle-Grena<strong>de</strong> 4. Bernoulliassure qu'elle est seulement cultivée à Guatimala, quoique leshabitants la nomment « Cacao <strong>de</strong> montagne ».Li-Tschi. NepheliumLit-chi, Cambessè<strong>de</strong>s.La graine <strong>de</strong> cette espèce et <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux qui suivent est revêtued'une excroissance charnue (arille),très sucrée et parfumée,qu'on mange volontiers en prenant du thé.Comme, en général, les Sapindacées, les Nephelium sont <strong>de</strong>sarbres. Celui-ci est cultivé dans la Chine méridionale, l'In<strong>de</strong> etl'archipel asiatique, <strong>de</strong>puis un temps qu'on ne peut préciser. Lesauteurs chinois ayant vécu à Peking n'ont connu le Li-Tsaiique tardivement, au me siècle <strong>de</strong> notre ère 5.L'introduction dansle Bengale date <strong>de</strong> la fin du xvme siècle 6.Tout le mon<strong>de</strong> admet que l'espèce est du midi <strong>de</strong> la Chine, etBlume 7 ajoute <strong>de</strong> la Cochinchine et <strong>de</strong>s Philippines, mais il nei. Grisebach,l. c. “2. Trianaet Planchon,Prodi:Flora:Novo-Grcmatensis, p. 2Us.3. Blanco,Flora <strong>de</strong> Filipinas, ed. 2, p. 420.4. Kunth, dans Humboldtet Bonpland,l. c.; Trana, l. c.5. Bretschnei<strong>de</strong>r,lettre du 23 août 1881.6. Roxburgh, FI. indica,2, p. 269.7. Blume,Rumphia,3, p. 106.


232 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINESparaît pas qu'aucun botaniste l'ait trouvée dans les conditionsd'un arbre vraiment spontané. Cela tient probablement à ceque les parties méridionales <strong>de</strong> la Chine, du côté <strong>de</strong> Siam, ontété peu visitées. En Cochinchine, et dans le pays <strong>de</strong> Burma, àChittagong, le Li-Tschi est seulement cultivé l.Longan. Nephelium Longana, Gambessè<strong>de</strong>s.Cette secon<strong>de</strong> espèce, très souvent cultivée dans l'Asie méridionale,comme le Li-Tschi, est sauvage dans l'In<strong>de</strong> anglaise, <strong>de</strong>Ceylan et Goncan jusque dans les montagnes à l'est du Bengaleet au Pégou 2.Les Chinois l'ont transportée dans l'archipel asiatique <strong>de</strong>puisquelques siècles seulement.Ramboutan. Nephelium lappaceum, Linné.On le dit sauvage dans l'archipe indien, où il doit être cultivé<strong>de</strong>puis longtemps, d'après le nombre considérable <strong>de</strong> ses variétés.Un nom malais, cité par Blume, signifie arbre sauvage.Loureiro le dit spontané en Cochinchine et à Java. Cependant jene vois pas <strong>de</strong> confirmation pour la Cochinchine dans les ouvragesmo<strong>de</strong>rnes, ni même pour les îles. La nouvelle. flore <strong>de</strong>l'In<strong>de</strong> anglaise 3 l'indique à Singapore et Malacca, sans affirmerla qualité indigène, sur laquelle les étiquettes d'herbiers n'apprennentordinairement rien. Assurément, l'espèce n'est passpontanée sur le continent asiatique, malgré les expressionsvagues <strong>de</strong> Blume et Miquel à cet égard 4, mais il est plus probablequ'elle est originaire <strong>de</strong> l'archipel malais.Malgré la réputation <strong>de</strong>s Li-Tschis et Ramboutans, dont lesfruits peuvent s'exporter, il ne paraît pas qu'on ait introduit cesarbres dans les colonies tropicales d'Afrique ou d'Amérique, sice n'est peut-être dans quelques jardins, comme objets <strong>de</strong> curiosité.Pistachier. Pistacia vera, Linné.Le Pistachier, arbrisseau <strong>de</strong> la famille <strong>de</strong>s Térébintacées, croîtnaturellement en Syrie. M. Boissier 5 l'a trouvé au nord <strong>de</strong>Damas, dans l'Antiliban. Il en a vu <strong>de</strong>s échantillons <strong>de</strong> Mésopotamie,mais sans pouvoir affirmer leur qualité spontanée. Lemême doute existe sur <strong>de</strong>s rameaux recueillis en Arabie, dontquelques auteurs ont parlé. Pline et Galien 6 savaient déjà que1. Loureiro,Flora Cochincit., p. 233;Kurz,ForestfloraofbrilishBurma,t> 2932.Roxburgh, Flora indica,2, p. 271 Thwaites,Enum.Zeylanix,p. 88;ltiern, dans Flora of bnit. India, 1, p. 688.3. Hiern,dansFlora of brit. India, 1, p. 687.4. Blume,Rumphia,3, p. 103;Miquel,Flora indo-batava,i, p. 554.5. Boissier.Flora orient.,2, p. 5.6. Pline,Hist.nat., 1.13,c.15 1.15,c.22; Galien, De alimente,1. 2, c.30.


PISTACHIER FÈVE 283la plante est <strong>de</strong> Syrie. Le premier nous dit qu'elle a été introduiteen Italie, par Vitellius, à la fin du règne <strong>de</strong> Tibère, et <strong>de</strong>là en Espagne, par Flavius Pompée. “ u.Il n'y a pas <strong>de</strong> raison <strong>de</strong> croire que la culture du Pistachierfût ancienne dans son pays d'origine, mais elle est pratiquée <strong>de</strong>nos jours en Orient, <strong>de</strong> même qu'en Sicile et à Tunis. Dans lemidi <strong>de</strong> la France et en Espagne, elle n'a guère d'importance.Fève. Faba vulgaris, Moench. Vicia Faba, Linné.Linné, dans son meilleur ouvrage <strong>de</strong>scriptif, YBortus cliffortianus,convient que l'origine <strong>de</strong> cette espèce est obscure,comme celle <strong>de</strong> beaucoup <strong>de</strong> <strong>plantes</strong> anciennement <strong>cultivées</strong>.Plus tard, dans son Species, qu'on cite davantage, il a dit, sansen donner aucune preuve, que la fève « habite en Egypte ». Unvoyageur russe <strong>de</strong> la fin du siècle <strong>de</strong>rnier, Lerche, l'a trouvéesauvage dans le désert Mungan, du Mazan<strong>de</strong>ran, au midi <strong>de</strong> la merCaspienne 1. Les voyageurs qui ont herborisé dans cette régionl'ont quelquefois rencontrée*, mais ils ne la mentionnent pas dansleurs ouvrages 3, si ce n'est Le<strong>de</strong>bour, qui n'est pas exact dansla citation sur laquelle il s'appuie 4.Bosc 5 a prétendu qu'Olivieravait trouvé la Fève sauvage en Perse. Je n'en vois pas laconfirmation dans le Voyage d'Olivier, et en général Bose paraîtavoir cru un peu légèrement que ce voyageur avait trouvé beaucoup<strong>de</strong> nos <strong>plantes</strong> <strong>cultivées</strong> dans l'intérieur <strong>de</strong> la Perse. Il ledit du Sarrasin et <strong>de</strong> l'Avoine, dont Olivier n'a pas parlé.La seule indication, outre celle <strong>de</strong> Lerche, que je découvredans les flores, est d'une localité bien différente. Munby 6 mentionnela Fève, comme spontanée, en Algérie, à Oran. Il ajoutequ'elle y est rare. Aucun auteur, à ma connaissance, ne l'a citéedans l'Afrique septentrionale. M. Cosson, qui connaît mieux quepersonne la flore d'Algérie, m'a certifié n'avoir vu ou reçuaucun échantillon <strong>de</strong> Fève sauvage du Nord <strong>de</strong> l'Afrique. Je mesuis assuré qu'il n'y en a pas dans l'herbier <strong>de</strong> Munby, mainte-1 Lerche,Novaacta Acad. essar eo-Leopold., vol. 5, appendix,p. 203,publié en 1773.M.Maximowicz(lettre du 23 février 1882)m'apprendquel'échantillon<strong>de</strong>Lercheexiste dans l'herbierdu jardin impérial <strong>de</strong> Saint-Pétersbourg. Il est en fleuret ressembleen tout à la Fèvecultivée,moinsla taille,qui est à peu près d'un <strong>de</strong>mi-piedḶ'étiquette mentionne la localitéet la spontanéité, sans autre observation.2. Il y a dans le même herbier <strong>de</strong>s échantillonstranscaucasiens,maisplus grands <strong>de</strong> taille et qu'on ne dit pas spontanés.3.MarschallBieberstein,Flora Caucaso-Taurica;C.-A.Meyer,VerzeichnissHohenacker, Enum. fiant. Talysch;Boissier,FI. orientalis,p. 57b;Buhseet Boissier,Plant. Transcaucasiœ. “ “ o -)"/4 Le<strong>de</strong>bour,Fl. ross.,1, p. 664,cite <strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>,Prodromus,2, p. io'tor c'est Seringequi a rédigé l'article Faba du Prodromus,danslequelestindiqué le midi <strong>de</strong> la mer Caspienne,probablementd aprèsLerche,dansWill<strong>de</strong>now.5. Bosc,Dict.d'agric, 5, p. 312.6. Munby,Catalogusplant. in Algeriaspontenascenhiim,ed. 2, p. 12.


2S4 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINESrr 7. t __7_ -1'1- 7_ 7_ TT1~_ _1nant à Kev. Comme les Arabes cultivent beaucoup la Fève, ellese rencontre peut-être acci<strong>de</strong>ntellement hors <strong>de</strong>s cultures. Il nefaut pas oublier cependant que Pline (LIS, c. 12)parle d'une Fèvesauvage en Mauritanie; mais il ajoute qu'elle est dure et qu'onne peut pas la cuire, ce qui fait douter <strong>de</strong> l'espèce. Les botanistesqui ont écrit sur l'Egypte et la Cyrénaïque, en particulierles plus récents donnent la Fève pour cultivée.Cette plante est seule à constituer le genre Faba. On ne peutdonc invoquer aucune analogie botanique pour présumer sonorigine. C'est à l'histoire <strong>de</strong> la culture et aux noms <strong>de</strong> l'espècequ'il faut recourir si l'on veut <strong>de</strong>viner le pays où elle était anciennementindigène.Mettons d'abord <strong>de</strong> côté une erreur qui venait d'une mauvaiseinterprétation <strong>de</strong>s ouvrages chinois. Stanislas Julien avait cruque la fève était une <strong>de</strong>s cinq <strong>plantes</strong> que l'empereur Chin-Nong,il y a 4600 ans, avait ordonné <strong>de</strong> semer en gran<strong>de</strong> solennitéchaque année â. Or, d'après le Dr Bretschnei<strong>de</strong>r 3, qui est entouréà Peking <strong>de</strong> toutes les ressources possibles pour savoir lavérité, la graine, analogue à une fève, que sèment les empereursdans la cérémonie ordonnée est celle du Soja (Dolicho Soja), etla Fève a été introduite en Chine, <strong>de</strong> l'Asie occi<strong>de</strong>ntale, un siècleseulement avant l'ère chrétienne, lors <strong>de</strong> l'ambassa<strong>de</strong> <strong>de</strong> Chang-Kien. Ainsi tombe une assertion qu'il était difficile <strong>de</strong> concilieravec d'autres faits, par exemple avec l'absence <strong>de</strong> culture ancienne<strong>de</strong> la Fève dans l'In<strong>de</strong> et <strong>de</strong> nom sanscrit, ou même <strong>de</strong>quelque langue mo<strong>de</strong>rne indienne.Les anciens Grecs connaissaient la Fève, qu'ils appelaientKuamos et quelquefois Kuamos <strong>de</strong> Grèce,Kuamos ellenikos, pourla distinguer <strong>de</strong> celle d'Egypte, qui était la graine d'une espèceaquatique toute différente, le Nelumbium. L'Ilia<strong>de</strong> parle déjà<strong>de</strong> la Fève comme d'une plante cultivée 4, et M. Virchow en atrouvé <strong>de</strong>s graines dans les fouilles faites à Troie 5. Les Latinsl'appelaient Faba. On ne trouve rien dans les ouvrages <strong>de</strong> Théophraste,Dioscori<strong>de</strong>, Pline, etc., qui puisse faire croire que laplante fût indigène en Grèce ou en Italie. Elle y était anciennementconnue, puisque dans le vieux culte <strong>de</strong>s Romains on <strong>de</strong>vaitmettre <strong>de</strong>s fèves dans les sacrifices le jour <strong>de</strong> la déesse Carna,d'où le nom <strong>de</strong> Fabarise calendse6. Les Fabius tiraient peut-êtreleur nom <strong>de</strong> Faba, et le chapitre XII du livre 18 <strong>de</strong> Plinemontre, à n'en pouvoir douter, le rôle ancien et important <strong>de</strong> lafève en Italie.1. Schweinfurthet Ascherson,Aufzdhlung,p. 236 Rohlfs,Kllfra,unvol. in-8°.2. Loiseleur-Deslongchamps, Considérationsur les céréales part. 1,p. 29.3. Bretschnei<strong>de</strong>r, Onstudy and vallleof chinesebot.worhs,p. 7 et 15.4. Ilia<strong>de</strong>,13,v. 589.5. Wittmack,Sitz. berichtVereins,Bran<strong>de</strong>nb.,1879.6. NovitiusDictionnarhim,au mot Faba.


FÈVE2S5Le mot Faba se retrouve dans plusieurs <strong>de</strong>s langues aryennes<strong>de</strong> l'Europe, avec <strong>de</strong>s modifications que les philologues seulsoeuYentreconnaître. N'oublions cependant pas 1 observationtrès juste d'Adolphe Pictet 1 que, pour les graines <strong>de</strong> céréales et<strong>de</strong> Légumineuses,on a souvent transporté <strong>de</strong>s noms d'une espèceà l'autre, ou que certains noms étaient tantôt génériques et tantôtspécifiques. Plusieurs graines, <strong>de</strong> forme analogue, ont été appeléesKuamos par les Grecs; plusieurs haricots différents (Phaselus,Dolichos) portent le même nom en sanscrit, et Faba, enancien slave Bobu en ancien prussien Babo en armoricainFav, etc., peut fort bien avoir été employé pour <strong>de</strong>s pois, haricots,ou autres graines <strong>de</strong> ce genre. Ne voyons-nous pas <strong>de</strong> nosjours appeler, en style commercial, le café une fève? C'est doncavec raison que Pline ayant parlé d'îles fabanz, où se trouvaient<strong>de</strong>s Fèves en abondance, et ces îles étant situées dansl'océan septentrional, on a pensé qu'il s'agissait d'un certainpois sauvage appelé en botanique Pisum maritimum.Les anciens habitants <strong>de</strong> la Suisse et <strong>de</strong> l'Italie, à 1 époque dubronze, cultivaient une variété à petites graines du Faba vulaarisM Reer 2 la désigne sous le nom <strong>de</strong> Celtica nana, parceque la graine a <strong>de</strong> 6 à 9 millimètres <strong>de</strong> longueur, tandis que celle<strong>de</strong> notre Fève actuelle <strong>de</strong>s champs (Fèverolle) en a 10 à 12. Il acomparé les échantillons <strong>de</strong> Montelier sur le lac <strong>de</strong> Morat et <strong>de</strong>l'île <strong>de</strong> Saint-Pierre du lac <strong>de</strong> Bienne, avec d'autres <strong>de</strong> Parme<strong>de</strong> la même époque. M. <strong>de</strong> Mortillet a trouvé dans les lacustrescontemporains du lac du Bourget la même petite fève, qu'il ditfort semblable à une variété cultivée aujourd'hui en Espagne 3.La Fève était cultivée chez les anciens Egyptiens 4.Il est vraique Jusqu'à présent, on n'en a pas trouvé <strong>de</strong>s graines ou vu <strong>de</strong>sfigures dans les cercueils ou monuments. La cause en est, dit-on,qu'elle était réputée impure s. Hérodote G s'exprime ainsi « LesEgyptiens ne sèment jamais <strong>de</strong> Fèves dans leurs terres, et, s'ilen vient ils ne les mangent ni crues ni cuites. Les prêtres ri enpeuvent pas même supporter la vue; ils s'imaginent que celégume est impur. » La Fève existait donc en Egypte, et probablementdans les endroits cultivés, car les terrains qui pouvaientlui convenir étaient généralement en culture. Peut-être la populationpauvre et celle <strong>de</strong> certains districts n'avaient pas lesmêmes préjugés que les prêtres. On sait que les superstitionsdifféraient suivant les nomes. Plutarque et Diodore <strong>de</strong> Sicile onti. Ad.Pictet,Lesoriginesindo-européennes, ed. 2, vol. 1, p. 353.2. Heer,Pflanzen, <strong>de</strong>r PfaJMm<strong>de</strong>n,p. 22,fig.44-47.3. Perrin, Etu<strong>de</strong>préhistorique sur la Savoie,p. 2.4 Delile,Plant, cuit, enEgypte,p. 12 Reymer, Economie <strong>de</strong>s EjPIP^fet Carthaginois,p. 340 Unger, Pflanzen d. alten Mgyptens,p. 64; \m1-kinson,Mannersand customsof ancientEgyptians,2, p. 402.5. Reynier, l. c., chercheà en <strong>de</strong>vinerles motifs.6. Hérodote,Histoirețraduction <strong>de</strong> Larcher,vol. 2, p. 32.


2o6PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS GRAINESmentionné la culture <strong>de</strong> la Fève en Egypte, mais ils écrivaient500 ans après Hérodote.On trouve <strong>de</strong>ux fois dans l'Ancien Testament 1 le mot Pol, quia été traduit par fève, à cause <strong>de</strong>s traditions conservées par leTalmud et du nom arabe foul, fol ou ful, qui est celui <strong>de</strong> lafève. Le premier <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux versets fait remonter la connaissance<strong>de</strong> l'espèce par les Hébreux à l'an mille avant Jésus-Christ.Je signalerai enfin un indice d'ancienne existence <strong>de</strong> la Fèvedans le nord <strong>de</strong> l'Afrique. C'est le nom berbère Ibiou, au plurielIabouen, usité chez les Kabyles <strong>de</strong> la province d'Alger Il neressemble nullement au nom sémitique et remonte peut-être àune gran<strong>de</strong> antiquité. Les Berbères habitaient jadis la Mauritanie,où Pline prétend que l'espèce était sauvage. On ignore siles Guanches, peuple berbère <strong>de</strong>s îles Canaries, connaissaientla fève. Je doute que les Ibères l'aient eue, car leurs <strong>de</strong>scendantssupposés, les Basques, se servent du nom Baba 3, répondant auFaba <strong>de</strong>s Romains.D'après ces documents, la culture <strong>de</strong> la fève est préhistoriqueen Europe, en Egypte et en Arabie. Elle a été introduite en Europe,probablement par les Aryens occi<strong>de</strong>ntaux, lors <strong>de</strong> leurspremières migrations (Pélasges, Celtes, Slaves). C'est plus tardqu'elle a été portée en Chine, un siècle avant l'ère chrétienne,plus tard encore au Japon; et tout récemment dans l'In<strong>de</strong>.Quant à l'habitation spontanée, il est possible qu'elle ait étédouble il y a quelques milliers d'années, l'un <strong>de</strong>s centres étantau midi <strong>de</strong> la mer Caspienne, l'autre dans l'Afrique septentrionale.Cessortes d'habitations, que j'ai appelées disjointes et dontje me suis beaucoup occupé naguère 4, sont rares dans les<strong>plantes</strong> Dicotylédones; mais il en existe <strong>de</strong>s exemples précisémentdans les contrées dont je viens <strong>de</strong> parler 5. Il est probableque l'habitation <strong>de</strong> la Fève est <strong>de</strong>puis longtemps en voie <strong>de</strong> diminutionet d'extinction. La nature <strong>de</strong> la plante appuie cettehypothèse, car ses graines n'ont aucun moyen <strong>de</strong> dispersion, etles rongeurs ou autres animaux peuvent s'en emparer avec facilité.L'habitation dans l'Asie occi<strong>de</strong>ntale était peut-être moinslimitée jadis que maintenant, et celle en Afrique, à l'époque <strong>de</strong>Pline, s'étendail peut-être plus ou moins. La lutte pour l'existence,défavorable à cette plante, comme au Maïs, l'aurait cantonnéepeu à peu et l'aurait fait disparaître, si l'homme nel'avait sauvée en la cultivant.La plante qui ressemble le plus à la Fève est le Vicia narbonensis.Les auteurs qui n'admettent pas le genre Faba, dont les1. Samuel,II, c. 17,v. 28; Ezechiel,c. 4,v. 9.2. Dict. français-berbère,publiépar le gouvernementfrançais.3. Note communiquée à M.Clospar M.d'Abadie.4. A.<strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>, Géographiebotaniqueraisonnée,chap.X.5. Le Rhodo<strong>de</strong>ndronponticumne setrouveplusquedansl'AsieMineureet au midi<strong>de</strong>la péninsule espagnole.


LENTILLE 257caractères sont assez peu distincts du Vicia, rapprochent ces <strong>de</strong>uxespèces dans une même section. Or le Vicia narbonensis estspontané dans la région <strong>de</strong> la mer Méditerranée et en Orient,jusqu'au Caucase, à la Perse septentrionale et la Mésopotamie t.Son habitation n'est pas disjointe, mais elle rend probable, paranalogie, l'hypothèse dont j'ai parlé.Lentille. Ervum Lens, Linné. -Lens esculenta, Moench.Les <strong>plantes</strong> qui ressemblent le plus à la Lentille sont classéespar les auteurs tantôt dans le genre Ervum, tantôt dans un genredistinct, Lens, et quelquefois dans le genre Cicer; mais les espèces<strong>de</strong> ces groupes mal définis sont toutes <strong>de</strong> la région méditerranéenneou <strong>de</strong> l'Asie occi<strong>de</strong>ntale. C'est une indication pour l'origine<strong>de</strong> la plante cultivée. Malheureusement, on ne retrouve plusla Lentille dans un état spontané, du moins qu'on puisse affirmerêtre tel. Les flores du midi <strong>de</strong> l'Europe, <strong>de</strong> l'Afrique septentrionale,d'orient et <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> la citent toujours comme cultivée,ou venant dans les champs, après ou parmi d'autres cultures. Unbotaniste l'a vue dans les provinces au midi du Caucase, « cultivéeet presque spontanée çà et là autour <strong>de</strong>s villages. » Unautre 3 l'indiquait vaguement dans la Russie méridionale, maisles flores plus récentes ne le confirment pas.Voyons si l'histoire et les noms <strong>de</strong> cette plante indiquent plusclairement son origine.Elle est cultivée <strong>de</strong>puis un temps préhistorique en Orient,dans larégion <strong>de</strong> la merMéditerranée, et même en Suisse. D'aprèsHérodote, Théophraste, etc., les anciens Egyptiens en faisaientun grand usage. Si leurs monuments n'en ont pas fourni lapreuve, c'est peut-être que la graine en était réputée communeet grossière, comme la fève. L'Ancien Testament la mentionnetrois fois, sous le nom à'Adaschum ou Adaschim, qui doit biensignifier Lentille, car le nom arabe est Ads ou Adas 5.La couleurrouge du fameux potage d'Esaü n'a pas été comprise par laplupart <strong>de</strong>s auteurs. Reynier 6, qui avait séjourné en Egypte,confirme une explication donnée jadis par l'historien Josèpheles lentilles étaient rouges, parce qu'elles étaient mondées. Lapratique <strong>de</strong>s Egyptiens, dit Reynier, est encore <strong>de</strong> dépouiller cesgraines <strong>de</strong> leur écorce, et dans ce cas elles sont d'un rouge pâle.Les Berbères ont reçu <strong>de</strong>s Sémites pour la lentille le nom Adès 7.Les Grecs cultivaient la Lentille Fakos ou Fakai. Il en est1. Boissier,FI. orient.,2, p. 577.2. C.-A.Aleyer,Verzeichnisspi. caucas.,p. 147.3. Georgi, dansLe<strong>de</strong>bour,Fl. ross.4. Fors£al,FI. segypt.;Delile,Plant. cult. enEgypte,p. 13.5. EbnBaithar,2, p. 134.6. Reynier, Economie publique et rurale <strong>de</strong>sArabeset <strong>de</strong>sJuifs, Genève1820,p. 429.7.Dictionnḟrançais-berbère, in-8",1844.DE <strong>Candolle</strong>. 1?


2o8PLANTES CULTIVÉESPOURLEURS GRAINESquestion déjà dans Aristophane, comme servant <strong>de</strong> nourritureaux pauvresLes Latins l'appelaient Lens, mot d'une origineinconnue, qui est évi<strong>de</strong>mment lié au nom ancien slave Lesha,illyrien Lechja, lithuanien Lenszie 2. La diversité <strong>de</strong>s noms grecet latin est une indication que l'espèce a peut-être existé enGrèce et en Italie, avant d'y être cultivée. Une autre preuved'existence ancienne en Europe est qu'on a trouvé <strong>de</strong>s lentillesdans les habitations lacustres <strong>de</strong> l'île Saint-Pierre, du lac <strong>de</strong>Bienne 3, qui sont, il est vrai, <strong>de</strong> l'époque du bronze. L'espècepeut avoir été tirée d'Italie.D'après Théophraste les habitants <strong>de</strong> la Bactriane (Bouckharieactuelle) ne connaissaient pas le Fakos <strong>de</strong>s Grecs. AdolphePictet cite un nom persan, Mangu ou Margu; mais il ne dit passi c'est un nom ancien, qui se trouve, par exemple, dans le Zendavesta.Il admet pour la Lentille plusieurs noms sanscrits, Masura,Renuka, Mangalya, etc., tandis que les botanistes angloindiens,Roxburgh et Piddington, n'en connaissaient aucun 5Comme ceux-ci mentionnent un nom analogue hindustani etbengali, lIussour, on peut croire que Masura exprime bien laLentille, tandis que Mangu <strong>de</strong>s Persans rappelle l'autre nom,Manqalva. Roxburgh et Piddington ne donnant aucun nom dansles autres langues <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, on peut présumer que la lentillen'était pas connue dans ce pays avant l'arrivée du peuple <strong>de</strong>langue sanscrite. Il n'est pas question <strong>de</strong> l'espèce dans les anciensouvrages chinois; du moins, le Dr Bretschnei<strong>de</strong>r n'en parle nidans son opuscule <strong>de</strong> 18T0, ni dans les lettres plus détailléesqu'il m'a écrites récemment. .1En résumé, la lentille paraît avoir existé dans 1 Asieocci<strong>de</strong>ntaletempérée, en Grèce et en Italie quand les hommes ont eu l'idée<strong>de</strong> la cultiver dans un temps préhistorique très ancien, etl'ont portée en Egypte. La culture paraît s'être étendue, à uneépoque moins reculée, mais à peine historique, à l'ouest et a.l'est, c'est-à-dire en Europe et dans l'In<strong>de</strong>.Pois chiche. Cicer arietinum, Linné.On connaît quinze espèces du genre Gicer, qui sont toutes <strong>de</strong>l'Asie occi<strong>de</strong>ntale ou <strong>de</strong> la Grèce, à l'exception d'une, qui estd'Abyssinie. La probabilité est donc très gran<strong>de</strong> que l'espècecultivée vient <strong>de</strong>s pays entre la Grèce et l'Himalaya, appelésvaguement l'Orient. 7Elle n'a pas été trouvée, d'une manière certaine dans lesconditions d'une plante spontanée.Toutes les flores du midi <strong>de</strong>1. Hehn,Culturpflanzen,etc., ed. 3,vol. 2, p. 188. “,2. Ad. Pictet, Les origines indo-européennes, éd. 2, vol. 1, p. à°±rHehn,l. c.3. Heer,Pflansend. Pfahlbauten,p. 23,fig.4. 49.Theophra«tes. Hint-, 1. 4, c. 5.r6. Roxburgh.FI.ind., ed. 1832,v. 3, p. 324 Piddington, In<strong>de</strong>x.


POISCHICHE 259l'Europe, d'Egypte et <strong>de</strong> l'Asie occi<strong>de</strong>ntale jusqu'à la mer Caspienneet l'In<strong>de</strong> en parlent comme d'une espèce cultivée ou <strong>de</strong>schamps et <strong>de</strong> terrains cultivés. On l'a indiquée quelquefois l enCrimée, et au nord et surtout au midi du Caucase, comme à peuprès spontanée mais les auteurs mo<strong>de</strong>rnes bien informês ne lecroient pas 2. Cette quasi spontanéité peut faire présumer seulementune origine d'Arménie et <strong>de</strong>s pays voisins.La culture et les noms <strong>de</strong> l'espèce jetteront peut-être quelquejour sur la question.Le Pois chiche était cultivé chez les Grecs, déjà du temps sd'Homère, sous le nom <strong>de</strong> Ereb-izzthos3 et aussi <strong>de</strong> Iirios 4, àcause <strong>de</strong> la ressemblance <strong>de</strong> la graine avec une tête <strong>de</strong> bélier.Les Latins l'appelaient Cicer, origine <strong>de</strong>s noms mo<strong>de</strong>rnes dansle midi <strong>de</strong> l'Europe. Ce nom existe aussi chez les Albanais, <strong>de</strong>scendants<strong>de</strong>s Pélasges, sous la forme <strong>de</strong> Ktkere 5. L'existence<strong>de</strong> noms aussi différents indique une plante très anciennementconnue et peut-être indigène dans le sud-est <strong>de</strong> l'Europe.Le Pois chiche n'a pas été trouvé dans les habitations lacustres<strong>de</strong> Suisse, Savoie ou Italie. Pour les premières, ce n'est pas singulierle climat n'est pas assez chaud.Un nom commun chez les peuples du midi du Caucase et <strong>de</strong>la mer Caspienne est en géorgien Nachuda, en turc et arménienNachius, Nachunt, en persan A'ochot 6. Les linguistes pourrontdire si c'est un nom très ancien et s'il a quelque rapport avecle nom sanscrit Chennuka.Le Pois chiche est si souvent cultivé en Egypte <strong>de</strong>puis lespremierstemps <strong>de</strong> l'ère chrétienne qu'on le suppose avoir étéégalement connu <strong>de</strong>s anciens Egyptiens. Il n'en existe pas <strong>de</strong>preuve dans les figures ou les dépôts <strong>de</strong> graines <strong>de</strong> leurs monuments,mais on peut supposer que cette graine, comme la fèveet la lentille, était réputée vulgaire ou impure. Reynier 8 pensaitque le Ketsech, mentionné par Esaïe dans l'Ancien Testament,était peut-être le pois chiche; mais on attribue ordinairement cenom à la Nielle (Nigella sativa) ou au Vicia sativa, sans en êtresûr 9. Commeles Arabes appellent le Pois chiche d'un nom toutdifférent, Omnost lïamos, qui se retrouve chez les Kabyles sous1. Le<strong>de</strong>bour, FI. ross., 1, p. 660, d'après Pallas, Falk et C. Koch.2. Boissier, Fl. onent. 2, p. 560; Steven, Verzeichniss<strong>de</strong>s taurisehen Hablinseln,p. 134.3. Ilia<strong>de</strong>, 1. 13, v. 589 Theophrastes, Hist., 1. 8, c. 3.4. Dioscori<strong>de</strong>s, 1. 2, c. 126.5. Heldreich, Nutzpflanzen Griechenlands, p. 71.6. Nemnieû, Polyglott. Lexicon, 1, p. 1037 Bunge, dans GœbelsReise,2, p. 328.7. Clément d'Alexandrie, Strom., I. 1, cité d'après Reynier, Economie<strong>de</strong>sEgyptiens et Carthaginois, p. 343.8. Reynier, Economie<strong>de</strong>s Arabes et <strong>de</strong>s Juifs, p. 430.9. Rosenmüller, Bibl. Alterth., ï, p. 100; Hamilton, Botanique <strong>de</strong> la Bible,p. 180s


260 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS GRAINESla forme Hammez 1, il n'est pas probable que le Ketsech <strong>de</strong>sJuifs fut la même plante. Ces détails me font soupçonner quel'espèce était inconnue aux anciens Egyptiens et Israélites.Elle s'est peut-être répandue chez eux <strong>de</strong> Grèce ou d'Italie,vers îe commencement <strong>de</strong> notre ère.L'introduction a été plus ancienne dans l'In<strong>de</strong>, car on connaîtun nom sanscrit et plusieurs noms, analogues ou différents,dans les langues mo<strong>de</strong>rnes 2. Bretschnei<strong>de</strong>r ne mentionne pasl'espèce en Chine.Je ne connais aucune preuve <strong>de</strong> l'ancienneté <strong>de</strong> la culture enEspagne cependant le nom castillan Garbanzo, usité aussi parles Basques sous la forme Garbantzua et en français sous celle<strong>de</strong> Garvance, n'étant ni latin ni arabe, peut remonter à une dateplus ancienne que la conquête romaine.Les données botaniques, historiques et linguistiques s'accor<strong>de</strong>ntà faire présumer une habitation antérieure à la culturedans les pays au midi du Caucase et au nord <strong>de</strong> la Perse. LesAryens occi<strong>de</strong>ntaux (Pélasges, Hellènes) ont peut-être introduitla plante dans l'Europe méridionale, où cependant il y a quelqueprobabilité qu'elle était également indigène. Les Aryensorientaux l'ont portée dans l'In<strong>de</strong>. La patrie s'étendait peut-être<strong>de</strong> la Perse à la Grèce, et maintenant l'espèce n'existe plus quedans les terrains cultivés, où l'on ne sait pas si elle provient <strong>de</strong>pieds originairement sauvages, ou <strong>de</strong> pieds cultivés.Lupin. Lupinus albus, Linné.Les anciens Grecs et Romains cultivaient cette Légumineusepour l'enfouir, comme engrais vert, et à cause <strong>de</strong>s graines, quisont bonnes pour nourrir les bœufs et dont l'homme fait aussiusage. Les expressions <strong>de</strong> Théophraste, Dioscori<strong>de</strong> CatonVarron, Pline, etc., citées par les mo<strong>de</strong>rnes, se rapportent à laculture ou aux propriétés médicales <strong>de</strong>s graines et n'indiquentpas s'il s'agissait du Lupin à fleurs blanches (L. albus) ou <strong>de</strong>celui à fleurs bleues (L. hirsutus), qui croît spontanément dansle midi <strong>de</strong> l'Europe. D'après Fraas ce <strong>de</strong>rnier est cultivé aujourd'huidans la Morée mais M. <strong>de</strong>Heldreich dit que dans l'Attiquec'est le L. albus. Comme en Italie on cultive <strong>de</strong>puis longtempscelui-ci, il est probable que c'est le Lupin <strong>de</strong>s anciens. On le cultivaitbeaucoup dans le xvie siècle, surtout en Italie 6, et <strong>de</strong>l'Ecluse constate l'espèce, car il la nomme Lupinus sativus alboflore 6. L'ancienneté <strong>de</strong> la culture en Espagne est indiquée par1. Rauwolf,Fl. orient.,n. 220;Forskal,Fi. œgypt, p. Si; Dictionnairefrançais-berbère.2. Roxburgh,Fl. ind., 3,p. 324 Piddington, In<strong>de</strong>x.3.VoirFraas,FI. class.,p 51 Lenz,Bot.<strong>de</strong>r Allen,p. 73.4. Heldreich,NutzpflanzenGriechenl.,p. 69.5. Olivier<strong>de</strong>Serre*,Théâtre<strong>de</strong> l'agric, éd. 1529,p. 88.6. Clusius,Historiaplant., 2, p. 228.


LUPIN TERMIS 261l'existence <strong>de</strong> quatre noms vulgaires différents, suivant les provincesmais la plante y existe seulement à l'état cultivé ou presquespontané, dans les champs et les endroits sablonneux l.En Italie, l'espèce a été indiquée, par Bertoloni, sur les collines<strong>de</strong> Sarzane. Cependant M. Caruel ne pense pas qu'elle y soitspontanée, non plus que dans d'autres localités <strong>de</strong> la péninsuleGussone s est très affirmatif pour la Sicile. Il indique laplante « sur les collines ari<strong>de</strong>s et sablonneuses, et dans lesprés (in herbidis) ». Enfin Grisebach 4 l'a trouvée dans la Turquied'Europe, près <strong>de</strong> Ruskoï, et d'Urville B, en abondance,dans <strong>de</strong>s bois près <strong>de</strong> Constantinople. Castagne le confirmedans un catalogue manuscrit que je possè<strong>de</strong>. M. Boissier ne citeaucune localité pour l'Orient il n'est pas question <strong>de</strong> l'espècedans l'In<strong>de</strong>, mais <strong>de</strong>s. botanistes russes l'ont recueillie au mididu Caucase, sans que Von sache si c'était bien dans <strong>de</strong>s conditions<strong>de</strong> spontanéité 6.On découvrira peut-être d'autres localitésentre la Sicile, la Macédoine et le Caucase.Termis. Lupinus Termis, Forskal.On cultive beaucoup en Egypte, et même dans l'île <strong>de</strong> Crète,cette espèce <strong>de</strong> Lupin, si voisine du L. albus qu'on a proposéquelquefois <strong>de</strong> les réunir 7. La différence la plus apparente estque la fleur du Termis est bleue dans sa partie supérieure. Latige est plus haute que dans le L. albus. On fait usage <strong>de</strong>s graines,comme <strong>de</strong> celles du Lupin ordinaire, après les avoir faitmacérer, à cause <strong>de</strong> leur amertume.Le L. Termis est spontané dans les sables et sur les collinesen Sicile, en Sardaigne et*en Corse*; en Syrie et en Egypte, suivantM. Boissier 9 mais, selon MM. Schweinfurth et Acherson,il serait seulement cultivé en Egypte 10.Hartmann l'a vu sauvagedans la haute Egypte ".Unger12 l'indique parmi les espèces<strong>cultivées</strong> chez les anciens Egyptiens, mais il ne cite ni échantillonni figure. Wilkinson 13 se borne à dire qu'on l'a trouvédans les tombeaux.Aucun Lupin n'est cultivé dans l'In<strong>de</strong> et n'a <strong>de</strong> no-n en sanscriton en vend <strong>de</strong>s graines dans les bazars sous le nom <strong>de</strong>Tourmus (Royle, 11L,p. 194).1.Willhommet Lange, Fl. kisp.,3,p. 566.2. Caruel,FI. toscana,p. 136.3. Gussone,Florsesiculsesynopsis, ed. 2, vol. 2, p. 266.4. Grisebach,Spicil. Fl. rumel.,p. ii.5. D'Urville,Enum.,p. 86.6. Le<strong>de</strong>bour,FI. ross., 1, p. 510.7. Caruel,Fl. tosc, p. 136.8. Gussone,Fl. sic.syn.,2, p. 267 Moris,Fl. Sardoa,1,p. 596j9. Boissier,Fl. orient.,2, p. 2910.Sehweinfurthet Aschersou,Aufzahlung,etc., p. 257.11.Schweinfurth,Plantainilot.a Hartmanncoll.,p. 6.12. Uoser,Pflanzend. ait. jËgypten.,p. 6513.Wilkinson,Mannersand customsof ancientEgyptiens,2,p. 403.


262 PLANTES CULTIVÉESPOURLEURS GRAINESLe nom Termis ou Termus, <strong>de</strong>s Arabes, est celui du Lupin<strong>de</strong>s Grecs, Termos. On peut soupçonner que les Grecs l'ont reçu<strong>de</strong>s Egyptiens. L'espèce ayant été connue dans l'ancienne Egypte,il est assez singulier qu'on ne mentionne aucun nom hébreu 1.Elle a peut-être été introduite en Egypte après l'époque du séjour<strong>de</strong>s Juifs.Pois <strong>de</strong>s champs. Pois gris. Bisaille. -Pisum arvense,Linné.Il s'agit ici du Pois que l'on cultive en grand, pour ses graines,et quelquefois comme fourrage. Bien que son apparence etses caractères botaniques permettent <strong>de</strong> le distinguer assez facilementdu Pois <strong>de</strong>s jardins potagers, les auteurs grecs et romainsle confondaient ou ne se sont pas expliqués clairementà son égard. Leurs ouvrages ne prouvent pas qu'il fût cultivé<strong>de</strong> leur temps. On ne l'a pas trouvé dans les lacustres <strong>de</strong> Suisse,Savoie et Italie. Une légen<strong>de</strong> <strong>de</strong> Bobbio, en 930, dit que lespaysans italiens appelaient un grain Herbilia, et l'on a conclu<strong>de</strong> là que c'était le Rubiglia actuel, soit Pisum sativum <strong>de</strong>s botanistes2. L'espèce est cultivée en Orient et jusque dans l'In<strong>de</strong>septentrionale 3. Pour ce <strong>de</strong>rnier pays, ce n'est pas une cultureancienne, car on ne connaît pas <strong>de</strong> nom sanscrit, et Piddingtoncite un seul nom dans une <strong>de</strong>s langues mo<strong>de</strong>rnes.Quoi qu'il en soit <strong>de</strong> l'introduction <strong>de</strong> la culture, l'espèceexiste, à l'état bien spontané, en Italie, non seulement dansles haies et près <strong>de</strong>s cultures, mais aussi dans <strong>de</strong>s forêts et lieuxincultes <strong>de</strong>s montagnes i. Je ne découvre aucune indication analoguepositive dans les flores d'Espagne, d'Algérie, <strong>de</strong> Grèce etd'Orient. On a dit la plante indigène dans la Russie méridionalemais tantôt la qualité spontanée est très douteuse et tantôtc'est l'espèce elle-même qui n'est pas certaine, par confusionavec le Pisum sativum ou le P. elatius. Royle admettait l'indigénatdans l'In<strong>de</strong> septentrionale, mais il est le seul parmi lesbotanistes anglo-indiens.Pois <strong>de</strong>s jardins, petit Pois. Pisum sativum, Linné.Le pois <strong>de</strong> nos jardins potagers est plus délicat que celui <strong>de</strong>schamps. Il craint la gelée et la sécheresse. Probablement sonhabitation naturelle, avant la culture, était plus méridionale etrestreinte.Le fait est qu'on ne l'a pas encore trouvé dans un état spontané,soit en Europe, soit dans l'Asie occi<strong>de</strong>ntale d'où l'on pré-1. Rosenmûller,Bibl.Alterth.,vol. 1.2. Muratori,Antich.ital., 1, p. 347;Diss.,24; citépar Targioni,Cennistorici,p. 31.3.Boissier,Fl. orient.,2, p. 623 Royle,m. Himal.,p. 200.4. Bertoloni,FI ital., 7, p. 419; Caruel, FI. tosc., p. 184; Gnssone,Fl. siculs synopsis,2, p. 279 Moris,Fl. sardoa,1, p. 577.


POIS DES JARDINS 263sume qu'il est sorti. L'indication <strong>de</strong> Bieberstein pour la Griméen'est pas exacte, selon Steven, qui a résidé dans le pays 1.Peutêtreles botanistes ont passé à côté <strong>de</strong> son habitation. Peut-êtrela plante a disparu <strong>de</strong> son lieu d'origine. Peut-être encore ellen'est qu'une modification du Pisum arvense, obtenue dans lescultures. Cette <strong>de</strong>rnière opinion était celle d'Alefeld 2, mais cequ'il a publié est si bref qu'on ne peut rien en conclure. Cela seborne à dire qu'ayant cultivé un grand nombre <strong>de</strong> formes <strong>de</strong>pois <strong>de</strong>s champs et <strong>de</strong>s jardins, il a jugé qu'elles appartiennentà la même espèce. Darwin 3 avait appris, par un intermédiaire,que André Knight avait croisé le Pois <strong>de</strong>s champs avec unPois <strong>de</strong> jardin appelé Pois <strong>de</strong> Prusse, et que les produits avaientparu complètement fertiles. Ce serait bien une preuve <strong>de</strong> 1 unitéspécifique, mais il faudrait pourtant plus d'observations et plusd'expériences. Provisoirement, dans cette recherche <strong>de</strong>s originesgéographiques, je suis obligé <strong>de</strong> considérer les <strong>de</strong>ux formesséparément, et dans ce but j'examinerai la question du Pisumsativum <strong>de</strong>s jardins.iLes botanistes qui distinguent beaucoup d espèces dans legenre Pisum, en admettent huit, qui sont toutes d'Europe oud'Asie.Le Pisum sativum était cultivé chez les Grecs, du temps <strong>de</strong>Théophraste 4. Ils l'appelaient Pisos ou Pisan. Les Albanais,<strong>de</strong>scendants <strong>de</strong>s Pelasges, l'appellent Pizelle 5. Les Latins disaientPisum 6. Cette uniformité <strong>de</strong> nomenclature fait supposerque les Aryens arrivés en Grèce et en Italie connaissaient laplante et l'avaient peut-être apportée avec eux. Les autres languesd'origine aryenne présentent plusieurs mots pour le sensgénérique <strong>de</strong> Pois; mais il est évi<strong>de</strong>nt, d'après la savante dissertationd'Adolphe Pictet qu'on ne saurait appliquer aucun<strong>de</strong> ces noms au Pisum sativum en particulier. Même quand une<strong>de</strong>s. langues mo<strong>de</strong>rnes, slave ou bretonne, a limité le sens auPois <strong>de</strong>s jardins, il est très possible que jadis, à l'origine <strong>de</strong>«es langues, le mot ait signifié Pois <strong>de</strong>s champs ou Lentille ouquelque autre Légumineuse.On a retrouvé le petit Pois 8 dans les restes <strong>de</strong>s habitationslacustres <strong>de</strong> l'âge <strong>de</strong> bronze, en Suisse et en Savoie. La graineest sphérique, en quoi l'espèce diffère du Pisum arvense. Elle.est plus petite que celle <strong>de</strong> nos Pois actuels. M.Heer dit l'avoir1. Steven, Verzeichniss, p. 134.2. Alefeld,BotanischeZeitimg,1860,p. 204.3. Darwin,Variationsof animaisandplants un<strong>de</strong>r domestication,p. 326.4. Theophrastes,Hist.,1.8, c. 3, 5.5. Heldreich,NattpfCanzen G~MC/Mn/ant!?, p. 71t,au-Pline,Hist.,1. 18,c. 7, 12. Il's'agit bien du Pisumsativum,car aateurdit qu'il supporte très malle froid,i < “ -~n7. Ad. Pictet,Lesoriginesindo-européennes, éd.2, vol. 1,p. oo.i..&.Heer,Pflanzen<strong>de</strong>rPfalUbauten,23,iig. 48; Pernn, Elu<strong>de</strong>sprehistonq.sur la Savoie,p. 22.


264 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS GRAINES-vueaussi <strong>de</strong> l'âge <strong>de</strong> la pierre, à Moosseedorf mais il est moinsaffirmatif et ne donne <strong>de</strong>s figures que du Pois moins ancien <strong>de</strong>l'île <strong>de</strong> Saint-Pierre. Si l'espèce remonte à l'âge <strong>de</strong> pierre enSuisse, ce serait une raison <strong>de</strong> la regar<strong>de</strong>r comme antérieureaux peuples aryens.Il n'y a pas d'indication <strong>de</strong> culture du Pisum sativum dansl'ancienne Egypte ou chez les Hébreux. Au contraire, il a étécultivé <strong>de</strong>puis longtemps dans l'In<strong>de</strong> septentrionale, s'il avait,comme le dit Piddington, un nom sanscrit, Harenso, et s'il estdésigné par plusieurs noms, très différents <strong>de</strong> celui-ci, dans leslangues indiennes actuelles'. On l'a introduit en Chine <strong>de</strong> l'Asieocci<strong>de</strong>ntale. Le Pent-sao, rédigé à la fin du xvie siècle <strong>de</strong> notreère, le nomme Pois mahométan 2.En résumé, l'espèce paraît avoir existé dans l'Asie occi<strong>de</strong>ntale,peut-être du midi du Caucase à la Perse, avant d être cultivée.Les peuples aryens l'auraient introduite en Europe, mais elleétait peut-être dans l'In<strong>de</strong> septentrionale avant l'arrivée <strong>de</strong>sAryens orientaux.Elle n'existe peut-être plus à l'état spontané, et quand elles'offre dans les champs, quasi spontanée, on ne dit pas qu'elleait une forme modifiée qui se rapproche <strong>de</strong>s autres espèces.Soja. – Dolichos Soja, Linné. Glycine Soja, Bentham.La culture <strong>de</strong> cette Légumineuse annuelle remonte, en Chineet au Japon, à une antiquité reculée. On pouvait le présumerd'après la multitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s emplois <strong>de</strong> la graine et le nombre immense<strong>de</strong>s variétés. Mais, en outre, on estime que c'est un <strong>de</strong>sfarineux nommés Shu dans les ouvrages chinois contemporains<strong>de</strong> Confucius, quoique le nom mo<strong>de</strong>rne <strong>de</strong> la plante soit Ta-tou3.Les graines sont à la fois nutritives et fortement oléagineuses,ce qui permet d'en tirer <strong>de</strong>s préparations analogues au beurre,à l'huile et au fromage dans la cuisine japonaise et chinoise 4.Le Soja est cultivé aussi dans l'archipel indien, mais à la fin duxvne siècle il était encore rare à Amboine5, etForster ne l'avaitpas vu dans les îles <strong>de</strong> la mer Pacifique, lors du voyage <strong>de</strong>Cook. Dans l'In<strong>de</strong>, il doit être d'une introduction mo<strong>de</strong>rne, carRoxburgh n'avait vu la plante qu'au jardin botanique <strong>de</strong> Calcutta,où elle provenait <strong>de</strong>s Moluques 6. On ne .connaît pas <strong>de</strong>noms vulgaires indiens 7. D'ailleurs si la culture était ancienne1. Piddïnfrton, In<strong>de</strong>x. Roxburgh ne parle pas d'un nom sanscrit.2. Bretschnei<strong>de</strong>r, Study and value of chinese botanical works, p. 16.3. Bretschnei<strong>de</strong>r, ibid., p. 9.4. Voir Pailleux, dans le Buïïelin <strong>de</strong> la Société d'acclimatation, sept. etoet. 1880.5. Rumphius, Amb., vol. 5, p. 388.6. Roxburgh, Flora indica, 3, p. 314.7. Piddington, In,<strong>de</strong>x


SOJA 265dans l'In<strong>de</strong>, elle se serait propagée vers l'ouest, en Syrie et enEgypte, ce qui n'est pas arrivé.Keempfer 1 avait publié jadis une excellente figure du Soja, eton le semait <strong>de</strong>puis un siècle dans les jardins botaniques d'Europe,lorsque <strong>de</strong>s renseignements plus nombreux sur la Chine etle Japon suscitèrent, il y a une dizaine d'années, un zèle extraordinairepour l'introduire dans nos pays. C'est surtout dansl'Autriche-Hongrie et en France que <strong>de</strong>s essais ont été faits engrand et qu'on les a résumés dans <strong>de</strong>s ouvrages très dignesd'être consultés 2. Faisons <strong>de</strong>s vœux pour que le succès répon<strong>de</strong>à ces efforts, mais nous ne <strong>de</strong>vons pas nous écarter du but <strong>de</strong>nos recherches. Occupons-nous donc ici <strong>de</strong> l'origine probable<strong>de</strong> l'espèce.Linné a dit dans son Species « Habitat in India; » après quoiil renvoie à Ksempfer, qui a parlé <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> du Japon, et à sapropre flore <strong>de</strong> Ceylan, où l'on voit que la plante était cultivéedans cette île. La flore mo<strong>de</strong>rne <strong>de</strong> Ceylan, par Thwaites, n'enfait aucune mention. Evi<strong>de</strong>mment il faut avancer vers l'Asieorientale pour trouver 1 origine à la fois <strong>de</strong> la culture et <strong>de</strong>l'espèce. Loureiro dit qu'elle habite en Cochinchine et qu'on lacultive souvent en Chine 3. Je ne vois pas <strong>de</strong> preuve qu'on l'aittrouvée sauvage dans ce <strong>de</strong>rnier pays, mais on l'y découvrirapeut-être, vu l'ancienneté <strong>de</strong> la culture. Les botanistes russesne l'ont rencontrée dans le nord <strong>de</strong> la Chine et vers le fleuveAmour qu'à l'état <strong>de</strong> plante cultivée. Elle est certainementspontanée au Japon 5.i:nfin, Junghuhn 6 l'a récoltée à Java surle mont Gunung-Gamping, et l'on rapporte à la même espèceune plante envoyée aussi <strong>de</strong> Java par Zollinger, sans qu'onsache si elle était vraiment spontanée 7. Un nom malais, Ka<strong>de</strong>lee8, tout à fait différent <strong>de</strong>s noms vulgaires japonais et chinois,appuie l'indigénat à Java.En résumé, d'après les faits connus et les probabilités historiqueset linguistiques, le Soja était spontané <strong>de</strong> la Cochinchineau Japon méridional et à Java lorsque d'anciens habitants,à une époque très reculée, se sont mis à le cultiver, àl'employer <strong>de</strong> différentes manières pour leur nourriture, et enont obtenu <strong>de</strong>s variétés, dont le nombre est remarquable, surtoutau Japon.1. Kaempfer, Amœn.exot.,p. 837,pi. 838.2. Haberlandt,DieSojabohne,in-8»,Vienne,1878,extrait en françaisparM.Pailleux,l. c.3.'Loureiro,Fl. coch.,2. p.338.4. Bunge, Enum.plant. Chin.,n° 118 Maximowicz,Printlinefl. Amur.,p. 875. Miquel,Prolusio,dans Ann. Mus. Lugd.-Bat.,3, p. 52; Franchet etSavatier,Enum.plant. Jap., 1, p. 108.6. Junghuhn.PlantœJungh..p. 233.7. Le Soja angustifolia,Miquel;voirHooker,FI. bnt. Ind.,2,p. 184.8. Rumphius, l. c.


266 PLANTES CULTIVÉES POURLEURS GRAINESCajan. Cajanus indiens, Sprengel. Cytisus Cajan,Linné.Cette Légumineuse, très souvent cultivée dans les pays tropicaux,est <strong>de</strong> la nature <strong>de</strong>s arbustes; mais elle fructifie dèsla première année, et dans quelques pays on aime mieux la cultivercomme une plante annuelle. Ses graines sont un article important<strong>de</strong> la nourriture <strong>de</strong>s nègres ou <strong>de</strong>s indigènes, tandis queles colons européens ne les recherchent guère, si ce n'est pourles manger avant maturité, comme nos petits pois.La plante se naturalise avec une gran<strong>de</strong> facilité dans <strong>de</strong> mauvaisterrains, hors <strong>de</strong>s cultures, même aux Antilles, d'où ellen'est certainement pas originaire 1A l'île Maurice, elle se nomme Ambreva<strong>de</strong>; dans les coloniesanglaises, Doll, Pigeon-Pea, et dans les Antilles anglaises oufrançaises, Pois d'Angola, Pois <strong>de</strong> Congo, Pois pigeon.Chose singulière, pour une espèce répandue dans les troiscontinents, les variétés ne sont pas nombreuses. On en signale<strong>de</strong>ux, basées uniquement sur la couleur jaune ou teintée <strong>de</strong>rouge <strong>de</strong>s fleurs, qui ont été regardées quelquefois comme <strong>de</strong>sespèces distinctes, mais que <strong>de</strong>s observations plus attentivesramènent à une seule, conformément à l'opinion <strong>de</strong> Linné 2. Lepetit nombre <strong>de</strong>s variations obtenues, même dans l'organe pourlequel on cultive l'espèce, est un indice <strong>de</strong> culture pas très ancienne.C'est cependant ce qu'il faut chercher, car l'habitationpréculturale est incertaine. Lés meilleurs botanistes ont supposétantôt l'In<strong>de</strong> et tantôt l'Afrique intertropicale. M. Bentham,qui a beaucoup étudié les Légumineuses, croyait en 1861 àl'origine africaine, et en 1865 il inclinait plutôt vers l'origineasiatique 3. Le problème est donc assez intéressant.Et d'abord il ne peut pas être question d'une origine américaine.Le Cajan a été introduit aux Antilles <strong>de</strong> la côte d'Afriquepar la traite <strong>de</strong>s nègres, comme l'indiquent les noms vulgairesdéjà cités et l'opinion unanime <strong>de</strong>s auteurs <strong>de</strong> flores américaines.On l'a porté également au Brésil, à la Guyane et danstoutes les régions chau<strong>de</strong>s du continent américain.La facilité avec laquelle cet arbuste se naturalise empêcherait,à elle seule, d'accor<strong>de</strong>r beaucoup <strong>de</strong> poids au dire <strong>de</strong>s collecteurs,qui l'ont trouvé plus ou moins spontané en Asie ou enAfrique, et <strong>de</strong> plus ces assertions ne sont pas précises. Généralementelles sont accompagnées <strong>de</strong> doutes. La plupart <strong>de</strong>s1. De Tussac,Flore <strong>de</strong>s Antilles, vol. 4, p. 94,pl. 32 Grisebach,FI. ofbrit. w.Ind., 1,p.2. Voir sur cette 191.question Wight et Arnott, Vrodi\ fl. penins. ind.,p. 256;Klotzsch,dans Peters,ReisenachMozambique, 1,p. 36. La variétéà fleurjaune est figuréedansTussac,l. c.; celleà fleurcolorée<strong>de</strong> rouge,daus le Botanicalregister,1845,pl:3. Bentham,Flora 31.Honglcongensis, p. 89; Flora brasil.,vol. 1SSp. 199;Benthamet Hooker,Gen.,I, p. SU.4. DeTussae,Flore<strong>de</strong>sAntilles;Jacquin,Obs.,p. 1.


CAJAN 267auteurs <strong>de</strong> flores <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> continentale n'ont vu la plante qu'àl'état cultivé 1. Aucun, à ma connaissance, n'affirme la qualitéspontanée. Pour l'île <strong>de</strong> Ceylan, Thwaites 2 s'exprime ainsi« On dit qu'elle n'est pas réellement sauvage, et les noms dupays paraissent le confirmer. » Sir Jos. Hooker, dans sa flore<strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> anglaise, dit « Sauvage ? et cultivée jusqu'à 6000 piedsdans l'Himalaya. » Loureiro 3 l'indique cultivée et non cultivée« en Cochinchine et en Chine. » Les auteurs chinois neparaissent pas en avoir parlé, car l'espèce n'est pas nomméedans l'opuscule du Dr Bretschnei<strong>de</strong>r, On study, etc. Dans les îles<strong>de</strong> la Son<strong>de</strong>, elle est mentionnée comme cultivée, et même assezrarement à Amboine, à la fin du dix-septième siècle, d'aprèsRumphius 4.Forster ne l'avait pas vue dans les îles <strong>de</strong> la merPacifique lors du voyage <strong>de</strong> Cook, mais Seemam nous apprendque les missionnaires l'ont introduite <strong>de</strong>puis peu dans les jarclins<strong>de</strong>s îles Fidji 5. Tout cela fait présumer une extension peuancienne <strong>de</strong> la culture à l'est et au midi du continent asiatique.Outre la citation <strong>de</strong> Loureiro, je vois qu'on indique l'espèce surla montagne <strong>de</strong> Magelang, <strong>de</strong> l'île <strong>de</strong> Java 6; mais, en supposantune véritable et ancienne spontanéité dans ces <strong>de</strong>ux cas, il seraitbien extraordinaire qu'on ne trouvât pas également l'espècedans beaucoup d'autres localités asiatiques.L'abondance <strong>de</strong>s noms indiens et malais 7 montre une cultureassez ancienne. Piddington indique même un nom sanscrit,Arhuku, que Roxburgh ne connaissait pas, mais il ne donne aucunepreuve à l'appui <strong>de</strong> son assertion. Le nom peut avoir étésimplement supposé, d'après les noms hindou et bengali Urur etOrol. On ne connaît pas <strong>de</strong> nom sémitique.En Afriqne, le Cajan est signalé souvent <strong>de</strong> Zanzibar à la côte<strong>de</strong> Guinée s. Les auteurs le disent cultivé, ou ne s'expliquent pasà cet égard, ce qui semble indiquer <strong>de</strong>s échantillons quelquefoisspontanés. En Egypte, la culture est toute mo<strong>de</strong>rne, duxixe siècle 9.En résumé, je doute que l'espèce soit vraiment spontanée enAsie et qu'elle s'y trouve <strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong> 3000 ans. Si les ancienspeuples l'avaient connue, elle serait arrivée à la connaissance <strong>de</strong>sArabes et <strong>de</strong>s Egyptiens avant notre époque. Au contraire, dansl'Afrique équatoriale, il est possible qu'elle existe, sauvage oucultivée, <strong>de</strong>puis un temps très long, et qu'elle soit arrivée en1. Rhee<strong>de</strong>,Roxburgh,Knrz,Burm.flora,etc.2. Thwaites,Enum.plant. Ceylan.3. Loureiro,Fl. cachinch.,p. 565.4. Rumphius,Amb.,vol. 5,t.-135.5. Seemann,Flora Vitiensis,p. 74.6.Junahuim,Plants Jungh fasc. 1,p. 241.7. Pidclington,In<strong>de</strong>x; Rhee<strong>de</strong>,Malab.,6, p. 23; etc.8.'PIckerîng,Chronolȧrrangementof plants,p. 442;Peters,Reise,p. 36;R. Brown,Bot.of Congo,p. 53 Oliver,Flora of tropicalAfrica,2, p. 216.9. Bulletin<strong>de</strong> la Soc.d'acclimatation,1S71,p. 663.


268 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS GRAINESAsie par d'anciens voyageurs faisant le trafic <strong>de</strong> Zanzibar àl'In<strong>de</strong> et Ceylan.Le genre Cajanus n'a qu'une espèce, <strong>de</strong> sorte qu'on ne peutinvoquer aucune analogie <strong>de</strong> distribution géographique pour lecroire d'Asie plutôt que d'Afrique, ou vice versa.Caroubier 1. Ceratonia Siliqua, Linné.On sait à quel point les fruits ou légumes du Caroubier sontrecherchés dans les parties chau<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la région <strong>de</strong> la mer Méditerranée,pour la nourriture <strong>de</strong>s animaux et même <strong>de</strong> l'homme.De Gasparin 2 a donné <strong>de</strong>s détails intéressants sur le traitement,les emplois et l'habitation <strong>de</strong> l'espèce, envisagée comme arbrecultivé. Il note qu'elle ne dépasse pas au nord la limite où l'onpeut avoir l'oranger sans abri. Ce bel arbre, à feuilles persistantes,ne s'accommo<strong>de</strong> pas non plus <strong>de</strong>s pays très chauds, surtoutquand ils sont humi<strong>de</strong>s. Il aime le voisinage <strong>de</strong> la meret les terrains rocailleux. Sa patrie, d'après <strong>de</strong> Gasparin, est« probablement le centre <strong>de</strong> l'Afrique. Denham et Clapperton,dit-il, l'ont trouvé dans le Bournou. » Cette preuve me paraîtinsuffisante, car, dans toute la région du Nil et en Abyssinie, leCaroubier n'est pas sauvage ou même n'est pas cultivé 3.R. Brown n'en parle pas dans son mémoire sur les <strong>plantes</strong> duvoyage <strong>de</strong> Denham et Clapperton. Plusieurs voyageurs l'ont vudans les forêts <strong>de</strong> la Cyrénaïque, entre le littoral et le plateau;mais les habiles botanistes qui ont dressé le catalogue <strong>de</strong>s<strong>plantes</strong> <strong>de</strong> ce pays ont eu soin <strong>de</strong> dire 4 « Peut-être indigène. »La plupart <strong>de</strong>s botanistes se sont contentés <strong>de</strong> mentionner l'espècedans le centre et le midi <strong>de</strong> la région méditerranéenne,<strong>de</strong>puis le Maroc et l'Espagne jusqu'à la Syrie et l'Anatolie, sansscruter beaucoup si elle est indigène ou cultivée, et sans abor<strong>de</strong>rla question <strong>de</strong> la véritable patrie, antérieure à la culture.Ordinairement, ils indiquent le Caroubier comme a cultivé etsubspontané ou presque naturalisé ». Cependant il est donnépour spontané en Grèce, par M. <strong>de</strong> Heldreich; en Sicile, parGussone et Bianca; en Algérie, par Munby 8, et je cite là <strong>de</strong>sauteurs qui ont vécu assez dans ces divers pays pour se formerune opinion vraiment éclairée.M. Bianca remarque cependant que le Caroubier n'est pastoujours vigoureux et productif dans les localités assez res-1. Enuméréici pour ne pas le séparer d'autreslégumineuses <strong>cultivées</strong>pour les graines2. DeGasparin,Coursd'agriculture,4,p. seulement.328.3. Schweinfurthet Ascherson,Aufzàhlung,p. 255 Richard,Tentamenflors abyssinics.4. Ascberson,etc., dansRohls,Kufra, 1, vol. in 8°,1881,p.5. 519.Heldreich,NutzpflanzenGriechenlands, p. 73, DiePflanzen<strong>de</strong>r attischenEbenep. 477; Gussone,Synopsisfl. sieuls, p. 646; Bianca,IlCarrubo,dans Giornaled'agricoltura,italiana, 1881 Munby,Catal.pi. inAlger,spont.,p. 13.


CAROUBIER 269treintes où il existe en Sicile, dans les petites lies adjacentes etsur la côte d'Italie. Il s'appuie, en outre, sur le nom italienCarrubo, presque semblable au nom arabe, pour émettre ridéed'une introduction ancienne dans le midi <strong>de</strong> lEurope, l'espèceétant originaire plutôt <strong>de</strong> Syrie ou <strong>de</strong> l'Afrique septentrionale.A cette occasion, il soutient, comme probable,l'opinion <strong>de</strong> Hœfer et <strong>de</strong> Bonné 1,d'après laquelle le Lotos <strong>de</strong>sLotophages était le Caroubier, dont la fleur est sucrée et le fruitd'un goût <strong>de</strong> miel, conformément aux expressions d'Homère.Les Lotophages habitant la Cyrénaïque, le Caroubier <strong>de</strong>vaitcroître en masse dans leur pays. Pour admettre cette hypothèse,il faut croire qu'Hérodote et Pline n'ont pas connu laplante d'Homère, car le premier a décrit le Lotos comme ayantune baie <strong>de</strong> Lentisque et le second comme un arbre qui perdses feuilles en hiver 2..Une hypothèse sur une plante douteuse dont a parlé jadis unpoète ne peut guère servir <strong>de</strong> point d'appui dans un raisonnementsur <strong>de</strong>s faits d'histoire naturelle. Après tout, le Lotos d'Homèreétait peut-être. dans le jardin fantastique <strong>de</strong>s Hespéri<strong>de</strong>s.Je reviens à <strong>de</strong>s arguments d'un genre plus sérieux, dontM. Bianca a touché quelques mots.Le Caroubier est désigné dans les langues plus ou moinsanciennes par <strong>de</strong>ux noms l'un grec, Keraunia ou Kerateia 3;l'autre arabe, Chirnub ou Charûb. Le premier exprime la formedu légume, analogue à certaines cornes médiocrement recourbées.Le second signifie un fruit allongé (légume), car on voitdans l'ouvrage <strong>de</strong> Ebn Baithar que quatre autres Légumineusessont désignées par ce même nom, avec une épithète. Les Latinsn'avaient pas <strong>de</strong> nom spécial pour le Caroubier. Ils se servaientdu mot grée, on <strong>de</strong> l'expression Siliqua, Siliqua grmca, c'est-àdirefruit allongé <strong>de</strong> Grèce 5. Cette pénurie <strong>de</strong> noms est l'indiced'une habitation jadis restreinte et d'une culture qui ne remonteprobablement pas à <strong>de</strong>s temps préhistoriques. Le nom grec s'estconservé en Grèce. Le nom arabe existe aujourd'hui chez lesKabyles, qui disent Kharroub pour le fruit, Takharrout pourl'arbre 6, comme les Espagnols disent Algarrobo. Chose singulière,les Italiens ont pris aussi le nom arabe, Currabo, Carubio,d'où vient notre nom français Caroubier. Il semble qu'une introductionse serait faite, par les Arabes, dans le moyen âge,1. Hœfer,Histoire<strong>de</strong> la botanique, <strong>de</strong> la minéralogie et <strong>de</strong> la géologie,1 vol. in-12, p. 20 Bonne, Le Caroubier ou l'arbre <strong>de</strong>s Lotophages,Alger,1869(citéd'aprèsHœfer).Voir,ci-<strong>de</strong>ssus,l'articleduJujubier.2.Pline,Hist.,1.16,c. 30.3.Théophraste,Hist plant, 1.1, c. 11; Dioscori<strong>de</strong>s,1. 1, c. 155 Fraas,Sim.fl. class.,p. 654.Ebn Baithar,trad. allem..1,p. 354;Forskal,Flora œgypt.,p. 77.5. Columna,cité dans Lenz,Bot.<strong>de</strong>r ÂltenGriech.und Rœm.,p. 733Pline, Hist.,1.13,c. 8.6. Dict.français-berbère, au mot Caroube.


270 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS GRAINES<strong>de</strong>puis l'époque romaine, où l'on employait un nom différent.Ces détails appuient l'idée <strong>de</strong> M. Bianca d'une origine plusméridionale que la Sicile. D'après Pline, l'espèce était <strong>de</strong> Syrie,Ionie, Gni<strong>de</strong> et Rho<strong>de</strong>, mais il ne dit pas si dans ces localités elleétait sauvage ou cultivée.Selon le même auteur, le Caroubier n'existait pas en Egypte.On a cru cependant le reconnaître dans <strong>de</strong>s monuments bienantérieurs à l'époque <strong>de</strong> Pline, et même <strong>de</strong>s égyptologues luiont attribué <strong>de</strong>ux noms égyptiens, Kontrates ou Jiri 1. Lepsiusa donné la figure d'un légume qui paraît bien une caroube, etle botaniste Kotschy ayant rapporté une canne, sortie d'uncercueil, s'est assuré, par l'observation au microscope, qu'elleest <strong>de</strong> bois <strong>de</strong> Caroubier 2. On ne connaît aucun nom hébreu<strong>de</strong> cette espèce, dont l'Ancien Testament ne parle pas. Le Nouveauen fait mention, avec le nom grec, dans la parabole <strong>de</strong>l'enfant prodigue. La tradition <strong>de</strong>s chrétiens d'Orient porte quesaint Jean se serait nourri <strong>de</strong> Caroubes dans le désert, et c'est<strong>de</strong> là que dans le moyen âge on a tiré <strong>de</strong>s noms, commePain<strong>de</strong>Saint-Jean, et Johannis brodbaum, pour le Caroubier.Evi<strong>de</strong>mment, cet arbre a pris <strong>de</strong> l'importance au commencement<strong>de</strong> l'ère chrétienne, et ce sont les Arabes qui l'ont surtoutpropagé vers l'Occi<strong>de</strong>nt. S'il avait existé antérieurement enAlgérie, chez les Berbères, et en Espagne, on aurait conservé<strong>de</strong>s noms antérieurs à l'arabe, et l'espèce aurait probablementété introduite aux Canaries par les Phéniciens.Je résume l'ensemble <strong>de</strong>s données comme suitLe Caroubier était spontané à l'orient <strong>de</strong> la mer Méditerranée,probablement sur la côte méridionale d'Anatolie et en Syrie,peut-être aussi dans la Cyrénaïque. Sa culture a commencé <strong>de</strong>puisles temps historiques. Les Grecs l'ont étendue dans leur pays eten Italie mais plus tard les Arabes s'en sont occupés davantageet l'ont propagée jusqu'au Maroc et en Espagne. Dans tous cespays, l'espèce s'est naturalisée çà et là, sous une forme moins productive,qu'on est obligé <strong>de</strong> greffer pour avoir <strong>de</strong> meilleurs fruits.Jusqu'à présent, on n'a pas trouvé le Caroubierfossile dans lestufs et dépôts quaternaires <strong>de</strong> l'Europe méridionale. Il est seul<strong>de</strong> son espèce, dans le genre Ceratonia, qui est assez exceptionnelparmi les Légumineuses, surtout en Europe. Rien nepeut faire supposer qu'il ait existé dans les anciennes flores tertiairesou quaternaires du sud-ouest <strong>de</strong> l'Europe.Haricot commun. Phaseolus vulgaris Savi.Lorsque j'ai voulu m'occuper, en 18553, <strong>de</strong> l'origine <strong>de</strong>s Pha-1.Lexiconoxon.,citédansPickering,Chronological kist.of plants,p. 141.2. Le <strong>de</strong>ssin est reproduit dans Unger,Pflanzen<strong>de</strong>s alten JEgyptens,fig. 22.L'observationqu'il cite<strong>de</strong> Kotschyaurait besoin d'être confirméepar un anatomiste spécial.3.A. <strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>.Géogrḅot.raisonnée,p. 961.


HARICOT COMMUN 271seolus et Bolichos, la distinction <strong>de</strong>s espèces était si peu avancéeet les flores <strong>de</strong> pays tropicaux si rares que j'avais dû laisser <strong>de</strong>côté plusieurs questions. Aujourd'hui, grâce à <strong>de</strong>s mémoires <strong>de</strong>M. Bentham et <strong>de</strong> M-George von Martens 1 complétant ceux antérieurs<strong>de</strong> Savi 2, les Légumineuses <strong>de</strong>s pays chauds sont mieuxconnues; enfin tout récemment <strong>de</strong>s graines tirées <strong>de</strong>s tombeauxpéruviens d'Ancon, examinées par M. Wittmack, ont modifiécomplètement le problème <strong>de</strong>s origines.Voyons d'abord ce qui concerne le Haricot commun. Je parleraiensuite d'autres espèces, sans énumérer toutes celles qui secultivent, car plusieurs d'entre elles sont encore mal définies.Les botanistes ont cru pendant longtemps que le Haricot commumétait originaire <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>. Personne ne l'avait trouvé sauvage,ce qui est encore le cas actuellement; et l'on s'était figuréune origine indienne, quoique l'espèce fût cultivée aussi enAfrique et en Amérique dans les régions tempérées ou chau<strong>de</strong>s,du moins dans celles qui ne sont pas d'une chaleur excessive ethumi<strong>de</strong>. Je fis remarquer qu'elle n'a pas <strong>de</strong> nom sanscrit et queles jardiniers du x\ie siècle appelaient souvent le Haricot fèveturque. Persuadé en outre, comme tout le mon<strong>de</strong>, que les Grecsavaient cultivé cette plante, sous les noms <strong>de</strong>Fasioloset Bolichos,j'émis l'hvpothèse qu'elle était originaire <strong>de</strong> l'Asie occi<strong>de</strong>ntale,non <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>. George <strong>de</strong> Martens adopta cette manière <strong>de</strong> voir.Il s'en faut <strong>de</strong> beaucoup cependant que les mots Dolichos <strong>de</strong>Théophraste, Fasiolos <strong>de</strong> Dioscori<strong>de</strong>, Faseolus et Phasiolus <strong>de</strong>sRomains 3 soient assez définis dans les textes pour qu'on puisseles attribuer avec sûreté au Phaseolus vulgaris. Plusieurs Légumineuses<strong>cultivées</strong> se soutiennent par les vrilles dont parlent lesauteurs et présentent <strong>de</strong>s gousses et <strong>de</strong>s graines qui se ressemblent.Le meilleur argument pour traduire ces noms par Phaseolusvulgaris est que les Grecs actuels et les Italiens ont <strong>de</strong>smots dérivés <strong>de</strong> Fasiolos pour notre haricot commun. Les Grecsmo<strong>de</strong>rnes disent Fasoulia et les Albanais (Pélasges ?)Fasulé; lesItaliens Fagiolo. On peut craindre pourtant une transposition <strong>de</strong>nom d'une espèce <strong>de</strong> Pois, <strong>de</strong> Vesce, <strong>de</strong> Gesse ou d'un Haricotanciennement cultivé au Haricot commun actuel. Il faut êtreassez hardi pour déterminer une espèce <strong>de</strong> Phaseolus d'aprèsune ou <strong>de</strong>ux épithètes dans un auteur ancien, quand on voit lapeine que donne la distinction <strong>de</strong>s espèces aux botanistes mo<strong>de</strong>rnesavec les <strong>plantes</strong> mêmes sous les yeux. On a voulu cependantpréciser que le Dolichos <strong>de</strong> Théophraste était notre haricotà rames, et le Fasiolos le haricot nain <strong>de</strong> nos cultures, qui cons-1. Bentham,dans Ann.wienerMuséum,vol. 2; Martens (Georgevon),DieG


272 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS GRAINEStituent les <strong>de</strong>ux races actuelles principales du Haricot commun,avec une immense quantité <strong>de</strong> sous-races quant aux gousses etaux graines. Je me contenterai <strong>de</strong> dire C'est probable.Si le Haricot commun est arrivé jadis en Grèce, il n'a pas étéune <strong>de</strong>s premières introductions, car le Faseolus n'était pascore à Rome du en-temps <strong>de</strong> Caton, et c'est seulement au commencement<strong>de</strong> l'empire que les auteurs latins en ont parlé.M. Virchow a rapporté <strong>de</strong>s fouilles faites à Troie plusieursgraines <strong>de</strong> Légumineuses, que M.Wittmack certifie être les espècessuivantes Fève (Faba vulgaris), Pois <strong>de</strong>s jardins (Pisumsativum), Ers {Ervum Èruilia), et peut-être Jarosse? [LathyrusCice.ro), mais aucun Haricot. De même, dans les habitations <strong>de</strong>sanciens lacustres <strong>de</strong> Suisse, Savoie, Autriche et Italie, on n'apas encore trouvé le Haricot.Il n'y a pas non plus <strong>de</strong> preuves ou d'indices <strong>de</strong> son existencedans l'ancienne Egypte. On ne connaît pas <strong>de</strong> nom hébreu répondantà ceux <strong>de</strong> Dolichos ou Phaseolus <strong>de</strong>s botanistes. Un nommoins ancien, car il est arabe, Loubia, se trouve en Egypte,pour le Dolichos Lubia, et en Mndoustani, sous la forme Loba,pour le Phaseolus vulgaris 2. Quant à cette <strong>de</strong>rnière espèce, Piddingtonn'indique dans les langues mo<strong>de</strong>rnes <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> que <strong>de</strong>uxnoms, tous <strong>de</strong>ux hindoustanis, Loba et Bailla. Ceci, joint àl'absence <strong>de</strong> nom sanscrit, fait présumer une introduction peuancienne dans l'Asie méridionale. Les auteurs chinois ne mentionnentpas le Haricot commun (Ph. vulgaris) 3, nouvel indiced'une introduction peu ancienne dans l'In<strong>de</strong>, et aussi en Bactriane,d'où les Chinois ont tiré <strong>de</strong>s légumes dès le ne siècleavant notre ère.Toutes ces circonstances me font douter que l'espèce ait étéconnue en Asie avant l'ère chrétienne. L'argument <strong>de</strong>s nomsgrec mo<strong>de</strong>rne et italien pour le Haricot, conformes à Fasiolos, abesoin d'être appuyé <strong>de</strong> quelque manière. On peut dire en sa faveurqu'il a été employé dans le moyen âge, probablement pourle Haricot commun. Dans la liste <strong>de</strong>s légumes que Charlemagneordonnait <strong>de</strong> semer dans ses fermes," on trouve le Fasiolumsans explication. Albert le Grand décrit sous le nom <strong>de</strong> Faseolusune Légumineuse qui paraît êtrele Haricot nain <strong>de</strong>notre époque B.Je remarque d'un autre côté que <strong>de</strong>s auteurs du xve siècle neparlent d'aucun Faseolus ou nom analogue. C'est le cas <strong>de</strong> Pierre1. Wittmack,Bot.VereinsBran<strong>de</strong>nb.,19déc.1879.2. Delile,Plantes<strong>cultivées</strong>enEgypte,p. 14 Piddington, In<strong>de</strong>x.3. Bretschnei<strong>de</strong>rn'en fait mentionni dans son opuscule On study, etc.,ni dans les lettresqu'il m'a adressées.4. E. Meyer, Geschichle<strong>de</strong>r Botanik,3,p. 404.5.« Faseolusest speciesleguminis et grani,quo<strong>de</strong>st in quantitate parumminus quam Faba,etin figuraest columnaresicutfaba,et herbaejusminorest aliquantulumquam herba FabaeEt sunt faseolimultorum colorum,sed quodlibetgranorumhabet maculamnigram in loco cotyledonis. »(Jessen,Alberti Magni,Devegetabilibus, ed. critica,p. 515.)


HARICOT COMMUN 273Crescenzio etMacer Moridus2. Au contraire, après la découverte<strong>de</strong> l'Amérique, dès le xyp siècle, tous les auteurs publient <strong>de</strong>sfigures et <strong>de</strong>s <strong>de</strong>scriptions du Phaseolus vulgaris, avec une infinité<strong>de</strong> variétés.Il est douteux que sa culture soit très ancienne dans l'Afriquetropicale. Elle y est indiquée moins souvent que celle d'autresespèces <strong>de</strong>s genres Dolichos et Phaseolus.Personne ne songeait à chercher l'origine du Haricot communen Amérique, lorsque tout récemment<strong>de</strong>s découvertes singulièresont été faites <strong>de</strong> fruits et <strong>de</strong> graines dans les tombeaux péruviensd'Ancon, près <strong>de</strong> Lima. M. <strong>de</strong> Rochebrune 3 a publié une liste<strong>de</strong>s espèces <strong>de</strong> diverses familles d'après une collection <strong>de</strong> MM.<strong>de</strong>Cessac et L. Savatier. Dans le nombre se trouvent trois Haricots,dont aucun, selon l'auteur, n'est le Phaseolus vulgaris; maisM- Wittmack qui a étudié les Légumineuses rapportées <strong>de</strong>ces mêmes tombeaux parles voyageurs Reiss et Stubel, dit avoirconstaté la présence <strong>de</strong> plusieurs variétés du Haricot commun,parmi d'autres graines appartenant au Phaseolus lunatuslAnné.H les a i<strong>de</strong>ntifiées avec les variétés duPh. vulgaris appelées parles botanistes oblongus purpureus (Martens) ellipticus prsecox(Alefeld et ellipticus atro fusais (Alefeld), qui sont <strong>de</strong> la catégorie<strong>de</strong>s Haricots nains ou sans rames.Il n'est pas certain que les sépultures en question soient toutesantérieures à l'arrivée <strong>de</strong>s Espagnols. L'ouvrage <strong>de</strong> MM. Reisset Stubel, actuellement sous presse, donnera peut-être <strong>de</strong>s explicationsà cet égard; mais M. Wittmack admet, d'après eux,qu'une partie <strong>de</strong>s tombeaux n'est pas ancienne. Je suis frappécependant d'un fait qui n'a pas été remarqué. Les cinquanteespèces <strong>de</strong> la liste <strong>de</strong> M. Rochebrune sont toutes américaines.Je n'en vois pas une seule qu'on puisse soupçonner d'origineeuropéenne. Evi<strong>de</strong>mment, ou ces <strong>plantes</strong> et graines ont été déposéesavantla conquête, ou dans certains tombeaux, qui sont peutêtred'une époque subséquente, les habitants ont eu soin <strong>de</strong> nepas mettre <strong>de</strong>s espèces d'origine étrangère. C'était assez naturel,selon leurs idées, puisque l'usage <strong>de</strong> ces dépôts <strong>de</strong> <strong>plantes</strong>n'est pas venu <strong>de</strong> la religion catholique, mais remonte aux coutumeset opinions <strong>de</strong>s indigènes. La présence du Haricot communparmi ces <strong>plantes</strong> uniquement américaines me paraît donc significative,quelle que soit la date <strong>de</strong>s tombeaux.On peut objecter que <strong>de</strong>s graines sont insuffisantes pour déterminerl'espèce d'un Phaseolus, et qu'on cultivait dans l'Amé-1. P. Crescensțraductionfrançaise<strong>de</strong> 1539.2. MacerFloridus,éd. 1485,et commentairepar Chonlant,1832.3. De Rochebrune,Actes<strong>de</strong> la Sociétélinnêenne<strong>de</strong> Bor<strong>de</strong>aux,vol. 33,janvier 18S0,dont j'ai va l'analyse dans BotanischesCentralùlalt.1880,p. 1633.4. Wiltmaeb,Silzungshericht <strong>de</strong>s bot. VereinsBran<strong>de</strong>nburg,19déo.1879,et lettre particulière <strong>de</strong> lui.De <strong>Candolle</strong>. 18


â14PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS GRAINESrique méridionale, avant l'arrivée <strong>de</strong>s Espagnols, plusieurs<strong>plantes</strong> <strong>de</strong> ce genre, qui ne sont pas encore bien connues.Molina 1 parle <strong>de</strong> treize ou quatorze espèces (ou variétés?) <strong>cultivées</strong>jadis, au Chili seulement.M. Wittmack insiste sur l'emploi fréquent et ancien <strong>de</strong>sHaricots dans divers pays <strong>de</strong> l'Amérique méridionale. Celaprouveau moins que plusieurs espèces y étaient indigènes et <strong>cultivées</strong>.Il cite le témoignage <strong>de</strong> Joseph Acosta, un <strong>de</strong>s premiers écrivainsaprès la conquête, d'après lequel les Péruviens « cultivaient <strong>de</strong>slégumes qu'ifs appelaient Frisohs et Palares, dont ils usaientcomme les Espagnols <strong>de</strong> GEarbanzos (Pois cMehe), Fèves et Lentilles.Je n'ai point reconnu, ajoute-t-il, que ceux-ci ni autreslégumes d'Europe s'y soient trouvés avant que les Espagnols yentrassent. »Frisole, Fajol, Fasoler sont <strong>de</strong>s noms espagnols duharicot commun, parcorruption dulatin Faselm,Fasolm, Faseolus.Palier est américain.Qu'il me soit permis à l'occasion <strong>de</strong> ce&noms d'expliquer l'originedu nom français Hmncot. Je Faï cherchée autrefois 2, sansla trouver; mais je signalais le fait que Tournefort (Instiï. p. 415)s'en est servi le premier 3. Je faisais remarquer en outre l'existencedu mot Arachas (apooco;) dans Théophraste, pour une sorte<strong>de</strong> Vicia probablement, et du mot Marenso, en sanscrit, pour lePois commun.Je repoussais l'idée, peuvraisemblable, que le nomd'un légume vînt du plat <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> appelé haricot ou larïpat <strong>de</strong>mouton, comme l'avait dit un auteur anglais. Je critiquais ensuiteBescherelle, qui faisait venir Haricot du celte, tandis que lesnoms bretons <strong>de</strong> la plante diffèrent totalement et signifient fèvemenue (fa-mumidj, ou sorte <strong>de</strong> pois {Pis-rani). Littré, dans sonDictionnaire, a cherché aussi Têtymologie <strong>de</strong> ce nom. Sans avoireu connaissance <strong>de</strong> mon article, il inclinevers la supposition queharicot, légume, vient du ragoût» attendu que ce <strong>de</strong>rnier estplus ancien dans la langue et qu'on peut voir une certaine ressemblanceentre la graine du haricot et les morceaux <strong>de</strong> vian<strong>de</strong>du ragoût, ou encore que cette graine convenait à l'assaisonnementdu plat. Il est sûr que le légume s'appelait en françaisFazéole ouFaséole du nom latin, jusque vers la fin du xvip sièclemais le hasard m'a fait tomber sur la véritable origine du motharicot. C'est un nom italien, Araco, qui se trouve dans Duranteet dans Matthioli, en latin Araeus niger*, pour une Pégumineuseque les mo<strong>de</strong>rnes rapportent à la GesseOchrus {Lathyrus Ochms)Il n'est pas surprenant qu'un nom italien du xviie siècle ait été1. Molina(Essai sur l'hist. nat. du Chili, tra.d. française, p.. 101)citeles Phaseolus,qu'il nommePallar et Asellus,et la Flore du Chili<strong>de</strong>Cl.Gayajoute,avecpeu d'éclaircissement, le Ph. CumingiitBentham.2. A. <strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>,Géogr. bot.raisonnâeT p. 691.3.Tournefort,Eléments(1694),1, p. 328;InsHUp. 415.4. Durante,Herbarionuova,1385,p. 39;blatthioli,ed. Valgris,p. 322;Targioni, Dizionariobot. ital., 1, p. 13.


HARICOT DE LIMA 275transporté par <strong>de</strong>s cultivateurs français du siècle suivant à uneautre légumineuse et qu'on ait changé ara en an. C'est dans lalimite <strong>de</strong>s erreurs qui se font <strong>de</strong> nos jours. D'ailleurs YAraeos ouArachos a été attribué parles commentateurs à plusieurs légumineuses<strong>de</strong>s genres Lathyrus, Vicia, etc. Durante donne pour synonymeà son Araco l'apaxoç <strong>de</strong>s Grecs, par où l'on voil bienl'étymologie. Le Père Feuillée* écrivait en français Aricot. Avantlui, Tournefort mettait Haricot. Il croyait peut-être que Fa dumot grec avait un accent ru<strong>de</strong>, ce qui n'est pas le cas, du moinsdans les bons auteurs.Je résume cet article en disant 1° Le Phaseolus mdgaris n'estpas cultivé <strong>de</strong>puis longtemps dans l'In<strong>de</strong>, le sud-ouest <strong>de</strong> l'Asieet l'Egypte. 2° On n'est pas complètement sûr qu'il fut connu enEurope avant la découverte <strong>de</strong> l'Amérique. 3° A cette époque lenombre <strong>de</strong>s variétés s'est accru subitement dans les jardins d'Europeet tous les auteurs ont commencé d'en parler. 4° La majorité<strong>de</strong>s espèces du genre existe dansl'Amérique méridionale. 5" Desgraines qui paraissent appartenir à cette espèce ont été trouvéesdans <strong>de</strong>s tombeaux péruviens d'une date un peu incertaine, mélangéesavec beaucoup d'espèces toutes américaines.Je n'examine pas si le Phaseolus vulgaris existait, avant la miseen culture, dans l'ancien et le nouveau mon<strong>de</strong> également, parceque les exemples <strong>de</strong> cette nature sont excessivement raresparmi les <strong>plantes</strong> phanérogames, non aquatiques, <strong>de</strong>s pays tropicaux.Il n'en existe peut-être pas une sur mille, et encore onpeut soupçonner souvent quelque transport du fait <strong>de</strong> l'homme2.Il faudrait du moins, pour abor<strong>de</strong>r cette hypothèsePh. à l'égard duvulgaris, qu'il eût été trouvé en apparence sauvage dansl'ancien et le nouveau mon<strong>de</strong>, mais cela n'est pas arrivé. S'ilavait eu une habitation aussi vaste, on en aurait <strong>de</strong>s indices<strong>de</strong>s parindividus vraiment spontanés dans <strong>de</strong>s régions très éloignéesles unes <strong>de</strong>s autres sur le même continent. C'est ce qu'on voitdans l'espèce suivante, Ph. lunatus.Haricot courbé. -Phaseolus lunatus, Linné.Haricot <strong>de</strong> Lima. Phaseolus lunatus macrocarpus, Bentham.Phas. inamœnus, Linné.Ce Haricot, <strong>de</strong> même que la variété dite <strong>de</strong> Lima, est sidans tous répandules pays tropicaux qu'on l'a décrit, sans s'en douter,sous plusieurs noms Toutes ses formes se rapportent à <strong>de</strong>uxgroupes, dont Linné faisait <strong>de</strong>ux espèces. La plus communemaintenant dans les jardins est celle appelée, <strong>de</strong>puis le commencementdu siècle, Haricot <strong>de</strong> Lima, Elle se distingue par sa1. Feuillée,Hist.<strong>de</strong>s<strong>plantes</strong>médicinalesdu Pérou,etc., in-4»,i72ô,p. 54.2. A. <strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>,Géogr.bot,raisonnée,chapitre<strong>de</strong>s espèeesdisjointes.3. Phaseolus bipunctatns Jacq., inamcenuaLinné, pufieruïiiaJiunth,saccharatus Mao-Fadyen, etc., etc.


276 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS GRAINEStaille élevée et par la gran<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> ses légumes et <strong>de</strong> ses graines.Sa durée est <strong>de</strong> plusieurs années dans les pays qui lui sont favorables.Linné croyait son Phaseolus lunatus du Bengale, et l'autreforme, d'Afrique, mais il n'en a donné aucune preuve. Pendantun siècle, on a répété ce qu'il avait dit. Maintenant, M. Bentham i,attentif à ces questions d'origine, regar<strong>de</strong> l'espèce et sa variétécomme certainement américaines; il émet seulement <strong>de</strong>s doutessur la présence en Afrique et en Asie comme plante spontanée.Je ne vois aucun indice quelconque d'ancienneté d'existenceen Asie. Non seulement la plante n'a jamais été trouvée sauvage,mais elle n'a pas <strong>de</strong> noms dans les langues mo<strong>de</strong>rnes <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>ou en sanscrit 2. Elle n'est pas mentionnée dans les ouvrageschinois. Les Anglo-Indiensl'appellent, commele Haricot commun,French bean 3, ce qui montre à quel point la culture en est mo<strong>de</strong>rne.En Afrique, elle est cultivée à peu près partout entre les tropiques.Cependant MM. Schweinfurth et Ascherson 4 ne la mentionnentpas en Abyssinie, Nubie ou Egypte. M. Oliver 5 citebeaucoup d'échantillons <strong>de</strong> Guinée et <strong>de</strong> l'Afrique intérieure,sans préciser s'ils étaient spontanés ou cultivés. Si l'on supposel'espèce originaire ou d'introduction très ancienne en Afrique,elle se serait répandue vers l'Egypte et dans l'In<strong>de</strong>.Les faits sont tout autres dans l'Amérique méridionale.M. Bentham cite <strong>de</strong>s échantillons spontanés <strong>de</strong> la région dufleuve <strong>de</strong>s Amazones et du Brésil central. Ils se rapportent surtoutà la gran<strong>de</strong> forme (macrocarpus). Cette même variété estabondante dans les tombeaux péruviens d'Ancon, d'après M.Wittmack6. C'est évi<strong>de</strong>mment une espèce du Brésil, que la culturea répandue et peut-être naturalisée çà et là, <strong>de</strong>puis longtemps,dans l'Amérique tropicale. Je croirais volontiers qu'elle a étéintroduite en Guinée par le commerce <strong>de</strong>s esclaves, et qu'elle agagné <strong>de</strong> cette côte l'intérieur du pays et la côte <strong>de</strong> Mozambique.Haricot à feuille d'Aconit. Phaseolus aconitifoliusWill<strong>de</strong>now.Espèce annuelle, cultivée dans l'In<strong>de</strong>, comme fourrage, etdont les graines sont comestibles, mais peu estimées. Le nomhindustani est Mout, chez les Sikhs Moth. Elle ressemble au Pltaseolustrilobus, qui est cultivé pour la graine.i. Bentham,dansFlora brasil.,vol.15,p. 181.2.Roxbnrgh,Piddington, etc.3. Royle, fil. Himalaya,p. It't.4. Aufzahlung,p. 257.5. Oliver,Floraof tropicalAfrica,p. i92.6. Wittmack, Sitz.ber.bot.VereinsBran<strong>de</strong>nburg, 19déc.1879.


LABLAB 277Le Phaseolns aconitifolius est spontané dans l'In<strong>de</strong> anglaise,<strong>de</strong> Ceylan à l'Himalaya 1.L'absence <strong>de</strong> nom sanscrit et <strong>de</strong> noms divers dans les languesmo<strong>de</strong>rnes <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> fait présumer une culture peu ancienne.Haricot trilobé. Phaseolus triïobus, Will<strong>de</strong>now.Une <strong>de</strong>s espèces le plus ordinairement <strong>cultivées</strong> dans l'In<strong>de</strong> s,du moins <strong>de</strong>puis quelques années, car Roxburgh 3, à la fin duxvme siècle, ne l'avait vue qu'à l'état spontané. Tous les auteurss'accor<strong>de</strong>nt à dire qu'elle est sauvage au .pied <strong>de</strong> l'Himalayaet jusqu'à Ceylan. Elle existe aussi en Nubie, en Abyssinie et auZambèse 4, et l'on ne dit pas si elle y est cultivée ou spontanée.Piddington cite un nom sanscrit et plusieurs noms dans leslangues mo<strong>de</strong>rnes <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, ce qui fait présumer une culture ouune connaissance <strong>de</strong> l'espèce <strong>de</strong>puis au moins trois mille ans.Mungo. Phaseolus Mungo, Linné.Espèce généralement cultivée dans l'In<strong>de</strong> et dans la région duNil. Le nombre considérable <strong>de</strong> ses variétés et l'existence <strong>de</strong>trois noms différents dans les langues indiennes actuelles fontprésumer une date <strong>de</strong> mille ou <strong>de</strong>ux mille ans au moins pour laculture, mais on ne cite aucun nom sanscrit 5.En Afrique, elle estprobablement peu ancienne.Les botanistes anglo-indiens s'accor<strong>de</strong>nt à dire quelle estspontanée dans l'In<strong>de</strong>.Lablab. Dolichos Lablab, Linné.On cultive beaucoup cette espèce dans l'In<strong>de</strong> et l'Afrique tropicale.Roxburgh compte jusqu'à sept variétés, ayant <strong>de</strong>s nomsindiens. Piddington cite, dans son In<strong>de</strong>x, un nom sanscrit,Schimbi, qui se retrouve dans les langues mo<strong>de</strong>rnes. La culturea donc peut-être au moins trois mille ans <strong>de</strong> date. Cependantl'espèce ne s'est pas répandue anciennement en Chine et dansl'Asie occi<strong>de</strong>ntale ou l'Egypte, du moins je n'en découvre aucunetrace. Le peu d'extension <strong>de</strong> plusieurs <strong>de</strong> ces Légumineuses comestibleshors <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, dans les temps anciens, est un fait assezsingulier. Il est possible que leur culture ne remonte pas bienhaut. ~T j. tLe Lablab est incontestablement spontané dans l'In<strong>de</strong> etmême, dit-on, à Java 6, Il s'est naturalisé aux îles Seychelles, à1. Roxburgh. Fl. ind., ed. 1832,v. 3, p. 299;Aitchison, Catal. of Punjab,p. 48;sir J. Hooker,Fl. ofbrit. lndia, 2, p. 202.2. Sir J. Hooker,Flora of britishIndia, 2,p. 201.3. Roxburgh, Floz·a indica,3,p. 299.4. Scbweinfiîrth,Beitr.z.' Flora JElhiopiens,p. 13; Aufzâhlung,p. 257;Oliver Flora of tropicalAfriea,p. 194.5. Voirles auteurscitésponrle P. triïobus.6. Sir J. Hooker,Flora of brit. India, 2, p. 209;Jungbulm,PlanUeJunghun.,fase.2, p. 240.


278 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS GRAINESla suite <strong>de</strong> cultures 1. Les indications <strong>de</strong>s auteurs ne permettentpas <strong>de</strong> dire qu'il soit spontané en Afrique 2,Lubia. Dolichos Lubia, ForskaLCette espèce, cultivée en Egypte sous le nom<strong>de</strong> Lubia, LoubyaLoubyé, d'après Forskal etDelile 3, est peu connue <strong>de</strong>s botanistes.D'après le <strong>de</strong>rnier <strong>de</strong> ces auteurs, elle existe aussi en Syrie, enPerse et dans l'In<strong>de</strong>; mais je n'en vois nullement la confirmationdans les ouvrages mo<strong>de</strong>rnes sur ces <strong>de</strong>ux pays, MM. Schweinfurthet Ascherson 4 l'admettent bien comme espèce distincte,cultivée dans la région du Nil. Jusqu'à présent, personne ne l'atrouvée à l'état spontané.On ne connaît aucun Dolichos ou Phaseolus dans les monuments<strong>de</strong> l'ancienne Egypte. Nous verrons d'autres indices, tirés<strong>de</strong>s noms vulgaires, conduisant aussi à l'idée que ces <strong>plantes</strong>se sont introduites dans l'agriculture égyptienne après l'époque<strong>de</strong>s Pharaons.Le nom Lubia est appliqué par les Berbères, sans changement,et en Espagne sous la forme Alubia, au Haricot commun, Phaseolusvidgaris b. Quoique les <strong>de</strong>ux genres Dolichos et Phaseolusse ressemblent beaucoup, c'est un exemple du peu <strong>de</strong> valeur <strong>de</strong>snoms vulgaires pour la constatation <strong>de</strong>s espèces.Je rappellerai ici que Loba est un <strong>de</strong>s noms du Phaseolus vulgarisen hindustani, et que Lobia est celui du Dolichos sinensisdans la même langue e.Les orientalistes feront bien <strong>de</strong> chercher si Lubia est anciendans les langues sémitiques. Je ne vois pas qu'on cite un nomanalogue en hébreu et il se pourrait que les Araméens ou lesArabes eussent pris Lubia du Lobos (Àofioc) <strong>de</strong>s Grecs, qui signifiaitune partie saillante, comme le lobe <strong>de</strong> l'oreille, un fruit <strong>de</strong>la nature <strong>de</strong> ceux <strong>de</strong>s légumineuses et plus particulièrement,selon Galien, le Phaseolus vulgaris. Lobion (Xojïccv), dans Dioscori<strong>de</strong>,est le fruit du Phaseolus vulgaris, du moins selon l'opinion<strong>de</strong>s commentateurs 7. Il a continué clans le grec mo<strong>de</strong>rne aveele même sens, sous la forme <strong>de</strong> Loubïon 8.Voandzou. Glycine subterranea, Linné fils. Voandzeiasubterranea, du Petit-Thouars.i. Baker, FI. of Mauritius,p. 83.2. Oliver,FI. oftrop. Africa,2, p. 210.3. Forskal,Descript.,p. 133;Delile,Plant. mît. en Egypte,p. 14.4. Schweinfurthet Ascherson,Àufzàlilung,p. 2565. Dictionn. français-berbère, au mot haricot; Willkomin etProclr.Lange,fl. hisp.. 3, p. 324.Le Haricotcommunn'a pas moins <strong>de</strong>nomscinqfliffprentsdansla péninsuleespagnole.6. Piddington,In<strong>de</strong>x.7. Lenz,Itatanik<strong>de</strong>ralteti Griechenund Rômer,p. 732.S.'Langkavel,Botanik<strong>de</strong>r spàterenGriechen, p. 4; Heldreich, Nutzpfiansen.Griechenland's, p. 72.


SARRASINOU BLÉ NOIR 279Les plus anciens voyageurs à Madagascar avaient remarquécette Légumineuse annuelle, que les habitants cultivent pour enmanger le fruit on les graines, comme <strong>de</strong>s pois, haricots, etc.Elle ressemble à l'Arachi<strong>de</strong>, en particulier par la circonstanceque le support <strong>de</strong> la fleur se recourbe et enfonce le jeune fruitou légume dans le sol. La culture en est répandue dans les jardins,surtout <strong>de</strong> l'Afrique tropicale, et moins communément <strong>de</strong>l'Asie méridionale 1. Une semble pas qu'on la pratique beaucoupen Amérique 2, si ce n'«st au Brésil, où elle se nomme Mandubid'Angola 3.Les anciens auteurs sur l'Asie ne la mentionnent pas. C'estdonc en Afrique qu'il faut chercher l'origine. Loureiro l'avaitvue sur la côte -orientale <strong>de</strong> ce continent et du Petit-Thouars àMadagascar, mais ils ne disent pas qu'elle y fût spontanée. Lesauteurs <strong>de</strong> la flore <strong>de</strong> Sénégambie 5 l'ont décrite comme cultivéeet « probablement spontanée » dans le pays <strong>de</strong> Galam. EnfinMM. Schweinfurth et Ascherson 6 l'ont trouvée à l'état sauvage,au bord du Nil, <strong>de</strong> Chartum à Gondokoro. Malgré la possibilitéd'une naturalisation par suite <strong>de</strong> la culture, il est extrêmementprobable que la plante est spontanée dans l'Afrique intertropicale.Sarrasin ou blé noir. Polygonum Fagopyrum, Linné.Fagopyrum. esculentum, Moench.L'histoire <strong>de</strong> cette espèce est <strong>de</strong>venue très claire <strong>de</strong>puis quelquesannées.Elle croît naturellement en Mandschourie, sur les bords dufleuve Amour 7, dans la Daourie et près du lac Baïkal 8. Onl'indique aussi en Chine et dans les montagnes <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> septentrionale°, mais je ne vois pas que la qualité <strong>de</strong> plante sauvagey soit certaine. Roxburgh ne l'avait vue dans le nord <strong>de</strong>l'In<strong>de</strong> qu'à l'état cultivé, et le DrBretschnei<strong>de</strong>r" regar<strong>de</strong> l'indigénatcomme douteux pour la Chine. La culture n'y est pasancienne, car le premier auteur qui en a parlé écrivait dans lapério<strong>de</strong> du Xeau xne siècle <strong>de</strong> l'ère chrétienne»Dans l'Himalaya, on cultive le Sarrasin, sous les noms <strong>de</strong> Ogali. Sir J. Jîûoker,Flora of brit. India, 2 p. 205; Miguel, Flora indobatavia,1p.175.2. Linné fils, Decad.,2, pl. 19,parait avoir confondul'espèce aveuVAvachis, et il indique, à cause <strong>de</strong> cela peut-être, le Yoandzeiacommecultivé <strong>de</strong> son temps à Surinam.Les auteurs actuels sur l'Amérique nel'ont pas vu ou ont négligéd'en parler.3. Gar<strong>de</strong>ner'sChronicle-, 4 sept. 1880.4. Lonreiro,Floracochinch.,2, p.5. Guillemin,Perrottet,Richard,Flora 323.SenegmiMsetentamett,p. Zoi.6. Aufzâklung,p. 259.7. Maximowicz, Priwitùc fL amur., p. 236.8. Le<strong>de</strong>bour,Fl. ross.,3, p. 517.9. Meissner,dansProdr.,14,p. 143.10.Bretschnei<strong>de</strong>r,Onstudy, etc., p. 9.


280 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS GRAINESou Ogla et Kouton l. Comme il n'existe pas <strong>de</strong> nom sanscritpour cette espèce, ni pour les suivantes, je doute beaucoup <strong>de</strong>l'ancienneté <strong>de</strong> leur culture dans les montagnes <strong>de</strong> l'Asie centrale.Il est certain que les Grecset les Romains ne connaissaientpas les Fagopyrum. Ce nom grec a été fait par les botanistesmo<strong>de</strong>rnes, à cause <strong>de</strong> la ressemblance<strong>de</strong> forme <strong>de</strong> la graine avecle fruit du Hêtre, <strong>de</strong> la même façon qu'on dit en allemandBuctzweitzen et en italien Faggina.Les langues européennes d'origine aryenne n'ont aucun nom<strong>de</strong> cette plante indiquant une racine commune. Ainsi les Aryensocci<strong>de</strong>ntaux ne connaissaient pas plus l'espèce que les orientaux<strong>de</strong> langue sanscrite, nouvel indice qu'elle n'existait pas autrefoisdans l'Asie centrale. Aujourd'hui encore, elle n'est probablementpas connue dans le nord <strong>de</strong> la Perse et en Turquie, puisque lesflores ne la mentionnent pas 3. Bose a mis dans le Dictionnaired'agriculture qu'Olivier l'avait vue sauvage en Perse, mais je nepuis en trouver la preuve dans la relation imprimée <strong>de</strong> ce naturaliste.L'espèce est arrivée en Europe, au moyen âge, par laTartarieet la Russie. La première mention <strong>de</strong> sa culture en Allemagne,se trouve dans un registre du Mecklembourg, en 1436 4. Auxvie siècle, elle s'est répandue vers le centre <strong>de</strong> l'Europe, et dansles terrains pauvres, comme ceux <strong>de</strong> la Bretagne, elle apris uneplace importante. Reynier, ordinairement très exact, s'étaitfiguré que le nom Sarrasin venait du celte 5; mais M.Le Gall m'aécrit naguère que les noms bretons signifient simplement blé <strong>de</strong>couleur noire [Ed-du) ou froment noir (Gwinis-du). Il n'y a pas<strong>de</strong> nom original dans les langues celtiques, ce qui nous paraîtnaturel aujourd'hui que nous connaissons l'origine <strong>de</strong> l'espèce 6.Quand la plante s'est introduite en Belgique, en France, etqu'on l'a connue même en Italie, c'est-à-dire au xvie siècle, lenom <strong>de</strong> Blé sarrasin ou Sarrasin a été communément adopté.Les noms vulgaires sont quelquefois si ridicules, si légèrementdonnés, qu'on ne peut pas savoir, dans le cas actuel, si le nomvient <strong>de</strong> la couleur <strong>de</strong> la graine, qui était celle attribuée auxSarrasins, ou <strong>de</strong> l'introduction, qu'on supposait peut-être venir<strong>de</strong>s Arabes ou <strong>de</strong>s Maures. On ignorait alors que l'espèce n'estpas du tout connue dans les pays au sud <strong>de</strong> la mer Méditerranée,ni même en Syrie et en Perse. Il est possible qu'on ait adoptél'idée d'une origine méridionale, à cause du nom Sarrasin,1. Mad<strong>de</strong>nȚramsȯfEdinb. bot.Soc.,5, p. 118.2. Le nom anglaisBuckwheatet le nomfrançais<strong>de</strong> quelqueslocalités,Buseail,viennent<strong>de</strong> l'allemand.3.Boissier,Fl. orientalis Buhseet Boissier,PflanzenTranscaucasien.4. Pritzel,Sitzun.gsbenchtNalurforsch.freun<strong>de</strong>zu Berlin,15mai 1866.5. Reynier,Economie<strong>de</strong>sCeltes,p. 425.6. J'ai discutéplus endétaillesnomsvulgairesdans la Géographiebotaniqueraisonnée,p953.


SARRASIN ÉMARGINÉ 281motivé parla couleur. L'origine méridionale a été admise jusqu'àla fin du siècle <strong>de</strong>rnier et même dans le siècle actuel 1. Reynierl'a combattue le premier, il y a plus <strong>de</strong> cinquante ans.Le Sarrasin s'échappe quelquefois <strong>de</strong>s cultures et <strong>de</strong>vient quasispontané. Plus on avance vers son pays d origine plus cela sevoit fréquemment, et il en résulte qu'on aurait <strong>de</strong> la peine àdéterminer la limite, comme plante spontanée, sur les confins<strong>de</strong> l'Europe et <strong>de</strong> l'Asie, dans l'Himalaya ou en Chine. Au Japon,ces <strong>de</strong>mi-naturalisations ne sont pas raresSarrasin ou Blé noir <strong>de</strong> Tartarie. Polygonum tataricum,Linné. Fagopyrum tataricum, Gaertner. #Moins sensible au froid que le Sarrasin ordinaire, mais donnantun grain médiocre, on le cultive quelquefois en Europe eten Asie, par exemple dans l'Himalaya 3. C'est une culture peuancienne. Les auteurs <strong>de</strong>s xve et xvii* siècles n'ont pas mentionnéla plante; c'est Linné qui en a parlé, un <strong>de</strong>s premiers,comme originaire <strong>de</strong> Tartarie. Roxburgh et Hamilton ne l'avaientpas vue dans l'In<strong>de</strong> septentrionale au commencement du siècleactuel, et je ne la trouve pas indiquée en Chine et au Japon.Elle est bien spontanée en Tartarie et en Sibérie, jusqu'enDaourie ; mais les botanistes russes ne l'ont pas trouvée plus àl'est par exemple dans la région du fleuve Amour ».Comme cette plante est arrivée par la Tartarie dans l'Europeorientale, après le Sarrasin ordinaire, c'est celui-ci qui portedans plusieurs langues slaves le nom <strong>de</strong> Tatrika, 1 "tarte ouTattar, qui conviendrait mieux, vu l'origine, au Sarrasin <strong>de</strong> Tartarie.Il semble que les peuples aryens ont dû connaître cette espèce,et cependant on ne mentionne aucun nom dans les languesindo-européennes. Jusqu'à présent on n'en a pas trouvé <strong>de</strong>trace dans les restes <strong>de</strong>s habitations lacustres en Suisse -ou enSavoie.Sarrasin émarginé. – Polygonum emarginatum, Roth. –Faqopyrum emarginatum, Meissner.“.Cette troisième espèce <strong>de</strong> Sarrasin est cultivée dans les partieshautes et orientales du nord <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, sous le nom <strong>de</strong> 1 !iaphraou Phaphar e, et en Chine7.Je ne vois pas <strong>de</strong> preuve positive qu'on l'ait trouvée sauvage.1. Nemnich,PolyglottḶexicon,p. 1030Bose,Dict.d'asriç., il, p. 379.2. Franchet et Savatier, Enum~ plant. Japomx,1, p. 403.3.Royle, Ill. Himal.,p. 317.ï\°£Sin!lhvTâi%cïïl p. 64; Le<strong>de</strong>bour,Flora rossica,3 p. 516.5.mSàwicz,Pnmit^g&l, Opitflori,etc.;Schmidt,ReisenmAmur,n'en parlentpas.^Boyle^rW, p. 317;Mad<strong>de</strong>n,Tmns.bot. Soc.Edirib.,5, p. 118.7. Roth, Catalectabotanica,1, p. 48.


282 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINESTV_• JI »a 1 x )_TÎ_ 1.1. • f rit •Roth dit seulement qu'elle « habite en Chine » et que ses grainessont employées pour la nourriture. Don l, qui en a parlé le premierparmi les botanistes anglo-indiens, dit qu'on la regar<strong>de</strong> àpeine comme spontanée. Elle n'est pas indiquée dans les ouvragessur la région du fleuve Amour, ni au Japon. D'après lepays où on la cultive, il est probable qu'elle est sauvage dansi'fi;milaya oriental et le nord-ouest <strong>de</strong> la Chine.Le genre Pagopyrum a huit esjpèces, qui sont toutes <strong>de</strong> l'Asietempérée.Quinoa. – CAenopodium Quinva, "Will<strong>de</strong>now.Le Quinoa était une <strong>de</strong>s bases <strong>de</strong> la nourriture <strong>de</strong>s indigènes<strong>de</strong> la Nouvelle-Grena<strong>de</strong>, du Pérou et au. Chili, dans les partiesélevées et tempérées, à l'époque <strong>de</strong> la conquête. La culture ena continué dans ces pays; par .habitu<strong>de</strong> et à cause <strong>de</strong> l'abondancedu produit.On a distingué <strong>de</strong> tout temps le Quinoaà feuillage coloré etle Quinoa à feuillage vert et graines blanches 2. Celui-ci a étéconsidéré par Moquin comme une variété d'une espèce, malconnue, qu'on croit asiatique; mais j'estime avoir bien démontréque les <strong>de</strong>ux Quinoa d'Amérique sont <strong>de</strong>s races, probablementfort anciennes, d'une même espèce 4. On peut soupçonner quela moins colorée, qui est en même temps la plus farineuse, .estune dérivation <strong>de</strong> l'autre,Le Quinoa blanc -donne une graine très recherchée à Lima,d'après les informations contenues dans le Botanical magazine^•oùl'on, peut en voir une bonne figure (pl. 3QM). Les feuillessont un légume analogue à l'épinard s.Aucun auteur n'a mentionné le Quinoa dans un état spontanéou quasi spontané. L'ouvrage le plus récent et le pluscomplet sur un <strong>de</strong>s pays dans lesquels on cultive l'espèce, laflore du Chili par Cl. Gay, n'en parle que comme d'une plantecultivée. Le Père Feuillée et Humboldt se sont exprimés <strong>de</strong> lamême manière, en ce qui concerne le Pérou et la Nouvelle-Grena<strong>de</strong>. Cependant M. Fe<strong>de</strong>rico Philippi, dans une lettre touterécente, me certifie que l'espèce est sauvage au Chili, d'Aconcaguaà €bilœ.Kiery. – Amarantus frumentaceus, Roxburgh.Plante annuelle, cultivée dans la péninsule indienne, pour sapetite graine farineuse, qui est dans quelques localités la prin-1. Don,Prodi'.fl. nepal.,p. 74.2. Molina,Ilist. nat. du Chili,p. 101.3. Moquin, dans Prodromus,13,sect. 1,p. fi7.4. A.<strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>,Géogrḅot.raisotinée,p. 9S2.5. Bonjardinier, 18S0;p. 562.


CHATAIGNIERS8Ïeipale nourriture <strong>de</strong>s habitants 1. Les champs <strong>de</strong> cette espèce,<strong>de</strong> couleur rouge ou dorée, produisent un très bel effet 2.D'après ce que dit Roxburgh, le Dr Buchanan l'avait « dëeou-« verte sur les collines <strong>de</strong> Mysore et Coimbatore ï>, ce qui paraîtindiquer un état sauvage.Jj'Amam?itus speciosus, cultivé dans les jardins et figuré dansle Botanical Magazine^pl. 2227, paraîtla même espèce. HamiltonVa trouvé au Népaul 3.On cultive sur les pentes <strong>de</strong> l'Himalaya une variété, ou espècevoisine, appelée Amarantus Anardana, Wallich jusqu'à présentmal définie par les botanistes.D'autres espèces sont employées comme légumes. Voir ci-<strong>de</strong>ssus, page 80, Amarantus gangéticus.Châtaignier. Castanea vulgaris, Lamarck.Le Châtaignier, <strong>de</strong> la famille <strong>de</strong>s Cupulifères, a une habitationnaturelle assez étendue, mais disjointe. Il constitue <strong>de</strong>s forêts ou<strong>de</strong>s bois dans les pays montueux <strong>de</strong> la zone tempérée, <strong>de</strong> la merCaspienne au Portugal. Onl'a trouvé aussi dans les montagnes <strong>de</strong>l'Edough en Algérie et, plus récemment, vers la frontière <strong>de</strong> Tunisie(lettre <strong>de</strong> M. Letourneux). Si l'on tient compte <strong>de</strong>s variétésappelées Japonica et Americana, il existe aussi au Japon etdans la partie tempérée <strong>de</strong> l'Amérique septentrionale s. Qn l'asemé ou planté dans plusieurs localités <strong>de</strong> l'Europe méridionaleet occi<strong>de</strong>ntale, et maintenant il est difficile <strong>de</strong> savoir s'il y estspontané ou cultivé. La culture principale cependant consistedans l'opération <strong>de</strong> greffer <strong>de</strong> bonnes variétés .sur l'arbre <strong>de</strong>qualité médiocre. Dans ce but, on recherche surtout la variétéqui donne les marrons, c'est-à-dire les fruits contenant une seulegraine, assez grosse, et non <strong>de</strong>ux ou trois petites séparées par <strong>de</strong>smembranes, commecela se voit dans Tétât naturel <strong>de</strong> l'espèce.Les Romains, du temps <strong>de</strong> Pline 6, distinguaient déjà huitvariétés, mais on ne peut pas savoir, d'après le texte <strong>de</strong> cetauteur, s'ils possédaient le marron. Les meilleures châtaignesvenaient <strong>de</strong> Sar<strong>de</strong> (Asie Mineure) et du pays napolitain. Olivier<strong>de</strong> Serres 7, dans le xvie siècle, vante les châtaignes Sardonne etTuscanes, qui donnaient les marrons dits <strong>de</strong> Lyon 8.Il regar<strong>de</strong>1.Roxburgh,Flora indiea,ed. 2, v. 3, p. 609; Wight, Icones,pl. 720;.Aitchison,Punjab,p.2. Mad<strong>de</strong>n,frans. 130.of the Edinb.bot.Soc., 5,p. 118.3. Don,Prodr.fl. nepal.,p. 76.4. Wallich,List,n° 6903;Mqquin,dans D C. Prùdr., t3, sect.3, -p.256.5. Pour plus <strong>de</strong> détails,voirmon article dans le Prodromus,"vol.16,sect. 2, p. 114,et Boissier,FLorient.,4, p. 1175.6. Pline,Hist.nat., 1.19,c. 23.7. Olivier<strong>de</strong>'Serres, Théatre<strong>de</strong> VagricuUure, p. 114.8. Aujourd'hui,les marrons <strong>de</strong> Lyon viennent surtout du Daapliinédu Vivarais.On en récolte aussi dans le etVar, au Luc (Gasparin, Xraitëd'agrieult.,4, p. 744J.


284 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS GRAINESces variétés comme venant d'Italie, et Targioni 1 nous apprendque le nom marrone ou marone était usité dans ce -pays déjà aumoyen âge (en ii70).Froment et formes ou espèces voisines.Les innombrables races <strong>de</strong> blé proprement dit, dont les grainsse détachent naturellement à maturité <strong>de</strong> leur enveloppe, ontété classées par Vilmorin 2 en quatre groupes, quisuivant les auteurs <strong>de</strong>s constituentespèces distinctes ou <strong>de</strong>s modificationsdu froment ordinaire. Je suis obligé <strong>de</strong> les distinguer pourl'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> leur histoire, mais celle-ci, comme on le verra, appuiel'opinion d'une espèce unique 3.I. Froment ordinaire. Triticum vulgare, Yillars. Triticumhybemum et Tr. sestivum, Linné.D'après les expériences <strong>de</strong> l'abbé Rozier et, plus tard, <strong>de</strong>Tessier, la distinction <strong>de</strong>s blés d'automne et <strong>de</strong> mars n'a pasd'importance, « Tousles froments, dit ce <strong>de</strong>rnier agronome 4,suivant les pays, sont ou <strong>de</strong> mars ou d'automne. Ils passenttous, avec le temps, à l'état <strong>de</strong> blé d'automne ou <strong>de</strong> blé <strong>de</strong> mars,comme je m'en suis assuré. Il ne s'agit que <strong>de</strong> les y accoutumerpeu à peu, en semant graduellement plus tard qu'on ne le faitles blés d'automne et plus tôt les blés <strong>de</strong> mars ». Le fait est que,dans le nombre immense <strong>de</strong>s races <strong>de</strong> blé que l'on cultive, quelques-unessouffrent davantage <strong>de</strong>s froids <strong>de</strong> l'hiver, et alorsl'habitu<strong>de</strong> s'est établie <strong>de</strong> les semer auprintemps 6. Pour la questiond'origine, nous n'avons guère à nous occuper <strong>de</strong> ces distinctions,d'autant plus que la plupart <strong>de</strong>s races obtenues remontentà <strong>de</strong>s temps très reculés.La culture du froment peut être qualifiée <strong>de</strong> préhistoriquedans l'ancien mon<strong>de</strong>. De très vieux monuments <strong>de</strong> l'Egypte,antérieurs à l'invasion, <strong>de</strong>s Pasteurs, et les livres hébreux montrentcette culture déjà établie, et, quand les Egyptiens ou lesGrecs ont parlé <strong>de</strong> son origine, c'est en l'attribuant à <strong>de</strong>s personnagesfabuleux, Isis, Cérès, et Triptolème 6. En Europe, les1. Targioni, Cennistorici,p. 180.2. L. Vilmorin,Essai d'un catalogueméthodiquet synonymigue<strong>de</strong>sfroments,Paris,1850.3. Les meilleures figures <strong>de</strong> ces formes principales <strong>de</strong> froment setrouventdans Metzger,EuropieUcheCerealien,in-folio,Hei<strong>de</strong>lberg,1824;et dansEost,'Graminem, in-fol.,vol.3.4. Tessier,Dict.d'agric, G,p. 198.5. Loiseleur-Deslongchamps, Considérationsur les céréales,1 vol.in-8°,p. 219.6. Ces pointsd'éruditionont été traités d'une manièretrès savanteettrès judicieuse par quatre auteurs Link, Ueberdie iilteie Gesnhichte<strong>de</strong>r Gelrei<strong>de</strong>Ai'ten,dans Abhandl.<strong>de</strong>r Berlin.Akad.,1816,vol.17,p. 122;1826,p. 67, et dans Die Vrweltund das Allerthum,<strong>de</strong>uxièmeédit.,Berlin,1834,p. 399 Reyuier,Economie<strong>de</strong>s Celteset <strong>de</strong>s Germains,1818,


FROMENT ORDINAIRE 283-» 1 Lplus anciens lacustres <strong>de</strong> la Suisse occi<strong>de</strong>ntale cultivaient unb]é à petits grains que M. Heer 1 a décrit attentivement et figurésous le nom <strong>de</strong> Triticum vulgare antiquorum. D après un ensemble<strong>de</strong> divers faits, les premiers lacustres <strong>de</strong> Rohenhausenétaient au moins contemporains <strong>de</strong> la guerre <strong>de</strong> Troie et peutêtreplus anciens. La culture <strong>de</strong> leur blé s'est maintenue en Suissejusqu'à la conquête romaine, d'après <strong>de</strong>s échantillons trouvésà Buchs. M. Regazzoni l'a découvert également dans les débris<strong>de</strong>s lacustres <strong>de</strong> Varèze et M. Sor<strong>de</strong>lli dans ceux <strong>de</strong> Lagozza,en Lombardie 2.Unger a trouvé la même forme dans une brique<strong>de</strong> la pyrami<strong>de</strong> <strong>de</strong> Dashur, en Egypte, qui date, selon lui, <strong>de</strong>l'année 3359 avant Jésus-Christ (Unger, Bot. Streifznge, VII;Ein Ziegel, etc., p. 9). Une autre variété (Triticum vulgare compactummuticum, Heer) était moins commune en Suisse, dans lepremier âge <strong>de</strong> la pierre, mais on l'a trouvée plus souvent chez<strong>de</strong>s lacustres moins anciens <strong>de</strong> la Suisse occi<strong>de</strong>ntale et d'Italie 3.Enfin une troisième variété intermédiaire a été trouvée à Aggtelek,en Hongrie, cultivée lors <strong>de</strong> l'âge <strong>de</strong> pierre Aucune n'esti<strong>de</strong>ntique avec les blés cultivés <strong>de</strong> nos jours. On leur a substitué<strong>de</strong>s formes plus avantageuses.Pour les Chinois, qui cultivaient le froment 2700 ans avantnotre ère, c'était un don du ciel 5. Dans la cérémonie annuelledu semis <strong>de</strong> cinq graines instituée alors par l'empereur Shen-Nung ou Chin-Nong, le froment est une <strong>de</strong>s espèces, les autresétant le Riz, le Sorgho, le Setaria italica et le Soja.L'existence <strong>de</strong> noms différents pour le blé dans les languesles plus anciennes confirme la notion d'une très gran<strong>de</strong> antiquité<strong>de</strong> culture. Il y a <strong>de</strong>s noms chinois Mai, sanscrits Sumanaet Gâdhûma, hébreu Chittah, égyptien Br, guanche Ynchen,sans parler <strong>de</strong> plusieurs noms dans les langues dérivées dusanscrit primitif ni d'un nom basque Ogaia ou Okhaya, quiremonte peut-être aux Ibères6, et <strong>de</strong> plusieurs noms finlandais,tartare, turc, etc. qui viennent probablement<strong>de</strong> noms touraniens.Cette prodigieuse diversité s'expliquerait par une vastehabitation s'il s'agissait d'une plante sauvage très commune,mais le blé est dans <strong>de</strong>s conditions tout opposées. On a <strong>de</strong> lad 417- Bureau <strong>de</strong> La Malle,Ann. <strong>de</strong>s se. nat., vol. 9, 1826;et LoiseleurDeslougehamps, Considération sur lescéréales,18i21> partie 1, p. 52.1. 0. Heer,Pflanzen <strong>de</strong>s Pfahlbauten,p. 13,pl. 1,iig. 14-18.2. Sor<strong>de</strong>lli,Sullepiante <strong>de</strong>llatorbieradi Lagozza,p. il.3.Heer, l. c. Sor<strong>de</strong>lli,l. c.4. Nyary, cité par Sor<strong>de</strong>lli,Le. ,,•»«. o5. Bretschnei<strong>de</strong>r,Studyand valueof chinese botanical works,p. 7 et 8.6. Bretschnei<strong>de</strong>r, c.; Ad. Pictet, Lesoriginesindo-européennes, ed. 2,vol. 1, p. 328; Rosenumller,BMiscHeNaturgesch,1, p. 77; Pickering,Chronolȧrrangement,p. 78; Webb et Berthelot, Canaries,part. Ethnographie,p.187;d'Abadie,Notesmss.sur les nomsbasques; <strong>de</strong> Charencey,Recherchesur les noms basques,dans ActesSoc.philolog.j 1" mars 1869-7. Nemaicli,Lexicon,p. 1492.


286 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS GRAINESpeine à constater sa présence à l'état sauvage dans quelquespoints <strong>de</strong> l'Asie occi<strong>de</strong>ntale, comme nous allons le voir. S'ilavait été très répandu avant d'être mis en culture, il en seraitresté <strong>de</strong>s <strong>de</strong>scendants, çàetlà, dans <strong>de</strong>s pays éloignés. Les nomsmultiples <strong>de</strong>s langues anciennes doivent donc tenir plutôt àl'ancienneté extrême <strong>de</strong> la culture dans les régions tempéréesd'Asie, d'Europe et d'Afrique, ancienneté plus gran<strong>de</strong> que celle<strong>de</strong>s langues réputées les plus anciennes.Quelle était la patrie <strong>de</strong> l'espèce, avant sa mise en culture,dans l'immense zone qui s'étend <strong>de</strong> la Chine aux îles Caaaries?On ne peut répondre à cette question que par <strong>de</strong>ux moyens1° rl'opinion <strong>de</strong>s auteurs <strong>de</strong> l'antiquité- 2° la présence plusou moins démontrée, du blé à l'état sauvage, dans tel ou telpays.D'après le plus ancien <strong>de</strong> tous les historiens, Bérose, prêtre<strong>de</strong> Ghaldée, dont Hérodote a conservé dés fragments, on voyaitdans la Mésopotamie, entre le Tigre et FEuplirate, le fromentsauvage (Frumentum agreste) Les versets <strong>de</strong> la Bible surl'abondance du blé dans le pays <strong>de</strong> Canaan, en Egypte, etc.,ne prouvent rien, si ce n'est qu'on cultivait la plante et qu'elleproduisait beaucoup. Straboa né cinquante ans avant Jésus-Christ, dit que, d'après Aristobulus, dans le pays <strong>de</strong>sMusicani (aubord <strong>de</strong> l'Indus par 250 Iat.), il croissait spontanément ara graintrès semblable au froment. n dit aussi 3 qu*en Hireanie (le Mazan<strong>de</strong>ranactuel) le blé qui tombe <strong>de</strong>s épis se semait <strong>de</strong>- lui-même.Cela se voit un peu partout aujourd'hui, et l'auteur ne précisepas le point important <strong>de</strong> savoir si ces semis acci<strong>de</strong>ntels continuaientsur place <strong>de</strong> génération en génération* D'après l'Odyssée4Ie_blé croissait en Sicile sans le secours <strong>de</strong> l'homme. yuepeut signifier ce mot d'un poète et encore d*nn poète dontl'existence est contestée Diodore <strong>de</strong> Sicile, au commencement<strong>de</strong> Père chrétienne, dit la même chose et mérite plus <strong>de</strong>confiance, puisqu'il était Sicilien. Cependant il peut bien s'êtreabusé sur la qualité spontanée, le- bléétant cultive généralementalors en Sicile. Un autre passage <strong>de</strong> Diodore 5 mentionne latradition qu'Osiris trouva le blé et l'orge croissant au hasardparmi les autres <strong>plantes</strong>, à Nisa, et Dureau <strong>de</strong> La Malle a prouvéque cette ville était en Palestine. De tous ces témoignages, ilme paraît que ceux <strong>de</strong> Bérose et Strabon, pour la Mésopotamieet l'In<strong>de</strong> occi<strong>de</strong>ntale, sont les seuls ayant quelqueLes valeur,cinq espèces <strong>de</strong> graines <strong>de</strong> la cérémonie instituée parl'empereur Chin-Nong sont regardées par les. érudits chinois1.G. Syncelli, Chronogr.,foL1652,p. 28.2. Strahon, ed. 17&7, vol.2, p. 1M7.3. Ibid., vol. i, p. 124,et 2, p. 176.4. Odyssée,1.S, v. Î09.5. Diodorețraduction<strong>de</strong> Terasson, 2,p. 186,i90.


FROMENT ORBIN4ÏRE. 287comme natives <strong>de</strong> leur pays 4, et le B*Bretschnei<strong>de</strong>r monte queles communications <strong>de</strong> la Chine avec l'Asie occi<strong>de</strong>ntale datentseulement <strong>de</strong> l'ambassa<strong>de</strong> <strong>de</strong> Chang-Men, dans le <strong>de</strong>uxièmesiècle avant Jésus-Christ. Il faudrait cependant une assertionplus positive pour croire le blé indigène en Chine, car uneplante qui était cultivée dans l'Asie occi<strong>de</strong>ntale <strong>de</strong>ux ou troismille ans avant l'époque <strong>de</strong> Ghin-Nong et dont les graines sontsi faciles à transporter a pu s'introduire dans le nord <strong>de</strong>- laChine, par <strong>de</strong>s voyageurs isolés et inconnus, <strong>de</strong> la même manièreque <strong>de</strong>s noyaux d'abricot et <strong>de</strong> pêche ont probablementpassé <strong>de</strong> Chine en Perse, dans les temps préhistoriques.Les botanistes ont constaté que le froment n existe pas aujourd'huien Sicile à l'état sauvage2. Quelquefois il s'échappe hors<strong>de</strong>s cultures, mais on ne l'a pas vu persister indéfiniment Laplante que les habitants appellent froment sauvage, Frmamtusarvaggiu, qui couvre <strong>de</strong>s districts non cultivés, est Ij&gilopmata, selon le témoignage <strong>de</strong> M. Inzenga r r “.Un zélé collecteur, M.Balansa, croyait avoir trouvé le blé, aumont Sipyle,. <strong>de</strong> l'Asie Mineure, « dans <strong>de</strong>s circonstances où ilétait impossible <strong>de</strong> ne pas le croire spontané s, » mais la plantequ'il a rapportée est un Epeautre, le Tritimm manocaccum,d'après un botaniste très exact qui l'a examinée B. Avant lui,Olivier T, étant sur la rive droite <strong>de</strong> FEuphrate, au nord-ouestd'Anah, pays impropre à la culture, « trouva dans une sorte <strong>de</strong>ravin le froment, l'orge et l'epeautre, » et il ajoute c que nousavions déjà vus plusieurs fois en Mésopotamie. »D'après Linné 8, Heintzelmann avait trouvé le blé dans le pays<strong>de</strong>s Baschkirs, mais personne n'a confirmé cette assertion,, etaucun botaniste mo<strong>de</strong>rne n'a vu l'espèce vraiment spontanéeautour du Caucase ou dans le nord <strong>de</strong> la Perse. M. <strong>de</strong> Eungedont l'attention avait été provoquée sur ce point, déclare qu'iln'a vu aucun indice faisant croire que les céréales soient originaires<strong>de</strong> ces pays. Il ne paraît même pas que le blé ait une tendance,dans ces régions, à lever acci<strong>de</strong>ntellement hors <strong>de</strong>s cultures.Je n'ai découvert aucune mention <strong>de</strong> spontanéité dansl'In<strong>de</strong> septentrionale, la Chine ou la Mongolie.En résumé, il est remarquable que <strong>de</strong>ux assertions aient étédonnées <strong>de</strong> l'indigénat en Mésopotamie, à un intervalle <strong>de</strong> vingttroissiècles, l'une jadis par Bérose et l'autre <strong>de</strong> nos jours par1. Bretschnei<strong>de</strong>r,l. c., p. i5.2. BParlaKd$. «& l £'*? et 508.Son assertion est d'autant plusdigne d'attention qu'il était Sicilien.3. Strobl,dansFlora, 1880,p. 348.4. Inzenga, Annal. agrieult. sicil.5.Bull. <strong>de</strong> la Soc. bot.<strong>de</strong> France,1834,p. 108.6. J. Gay,Bull.Soc.bot.<strong>de</strong> France,1860,p 30.7. Olivier,Voy. dans l'Empireothoman(ISftî), vol. 3,p. 46B.8 Linné,Sp. plant., ed. 2,vol. 1, p. 121.9. Bunge,Bull.Soc. bot. France,lb60,p. 29.


288 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS GRAINESOlivier. La région <strong>de</strong> l'Euphrate étant à peu près au milieu <strong>de</strong> lazone <strong>de</strong> culture qui s'étendait autrefois <strong>de</strong> la Chine aux îlesCanaries, il est infiniment probable qu'elle a été le point principal<strong>de</strong> l'habitation dans <strong>de</strong>s temps préhistoriques très anciens.Peut-être cette habitation s'étendait-elle vers la Syrie, vu laressemblance du climat; mais à l'est et à l'ouest <strong>de</strong> l'Asie occi<strong>de</strong>ntalele blé n'a probablement jamais été. que cultivé, antérieurement,il est vrai, à toute civilisation connue.II. Gros blé, Petanielle ou Poulard. -Triticum turgidumet Tr. compositum, Linné.Parmi les noms vulgaires, très nombreux, <strong>de</strong>s formes <strong>de</strong> cettecatégorie, on remarque celui <strong>de</strong> Blé d'Egypte. Il paraît qu'on lecultive beaucoup actuellement dans ce pays et dans toute larégion du Nil. A.-P. <strong>de</strong> <strong>Candolle</strong> dit avoir reconnu ce blé parmi<strong>de</strong>s graines tirées <strong>de</strong>s cercueils <strong>de</strong> momies anciennes, mais iln'avait pas vu les épis. Unger 2 pensequ'il était cultivé par les anciensEgyptiens et n'en donne cependant aucune preuve baséesur <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ssins ou <strong>de</strong>s échantillons retrouvés. Le fait qu'on n'apu attribuer à cette espèce aucun nom hébreu ou araméen 3 meparaît significatif. Il prouve au moins que les formes si étonnantes,à épis rameux, appelées communément Blé <strong>de</strong> miracle,Blé d'abondance, n'existaient pas encore dans les temps anciens,car elles n'auraient pas échappé à la connaissance <strong>de</strong>s Israélites.On ne connaît pas davantage un nom sanscrit ou même <strong>de</strong>snoms indiens mo<strong>de</strong>rnes, et je ne découvre aucun nom persan.Les noms arabes que Delile 4 attribue à l'espèce concernent peutêtred'autres formes <strong>de</strong> blé. Il n'existe pas <strong>de</strong> nom berbère B.Decet ensemble il me paraît découler que les <strong>plantes</strong>sous le nom <strong>de</strong> Triticum réuniesturgidum, et surtout leurs variétés àépis rameux, ne sont pas anciennes dans l'Afrique septentrionaleou dans l'Asie occi<strong>de</strong>ntale.M. Oswald Heer °, dans son mémoire si curieux sur les<strong>plantes</strong> <strong>de</strong>s lacustres <strong>de</strong> l'âge <strong>de</strong> pierre en Suisse, attribue auTr. turgidum <strong>de</strong>ux épis non ramifiés, l'un à barbes, l'autre à peuprès sans barbes, dont il a publié <strong>de</strong>s figures. Plus tard, dansune exploration <strong>de</strong>s palafittes <strong>de</strong> Robenhausen, M. Messicommerne l'a pas rencontré, quoique les provisions <strong>de</strong> grains ytrès abondantes 7. fussentMM. Strœbel et Pigorini disent avoir trouvé« le blé à grano grosso duro » (Tr. turgidum) dans les palafittes1. De<strong>Candolle</strong>,Pliysiol.bot., 2,p. 696.2. Unger, diePflanzend. altenEgyptens,-p.3. VoirRosenmüller,Dibl.Naturgesch.,et 31.Lôw,AramseisehePflanzennamen,1881.4.Delile,Plantescuit,enEgypte,p. 3; floressEgt/pt.illustr., p. 5.5. Diet français-berbère, publiépar le gouvernement.6. Heer,Pflanzend. Pfahlbauten,p. 5, fig. 4; p. 52,flg. 20.7. Messicommer, dansFlora,1869,p. 320.


BLÉ DE POLOGNE 289du Parmesan 1.Du reste, M. Heer 2 regai'<strong>de</strong> cette forme commeune race du- froment ordinaire, et M. Sor<strong>de</strong>lli paraît inclinervers la même opinion.Fraas soupçonne que le Krithanias <strong>de</strong> Théophraste était leTritieum turgidum, mais ceci est absolument incertain. D'aprèsM. <strong>de</strong> Heldreich 3, le Gros blé est d'introduction mo<strong>de</strong>rne enGrèce. Pline a parlé brièvement d'un blé à épis rameux, donnantcent grains, qui <strong>de</strong>vait être notre Blé <strong>de</strong> miracle.Ainsi les documents historiques et linguistiques concourent àfaire regar<strong>de</strong>r les formes du Trzticum turgidum comme <strong>de</strong>s modificationsdu froment ordinaire, obtenues dans les cultures. Laforme à épis rameux ne remonte peut-être pas beaucoup plushaut que l'époque <strong>de</strong> Pline.Ces déductions seraient mises à néant si l'on découvrait leTriticum turgidum à l'état sauvage, ce qui n'est pas encorearrivé d'une manière certaine. Malgré G. Koch B,personne n'admetqu'il croisse, hors <strong>de</strong>s cultures, à Constantinople et dansl'Asie Mineure. L'herbier <strong>de</strong> M. Boissier, si riche en <strong>plantes</strong>d'Orient, n'en possè<strong>de</strong> pas. Il est indiqué comme spontané enEgypte par MM. Schweinfurth et Ascherson, mais c'est parsuite d'une erreur typographique 6.III. Blé dur. Triticum durum, Desfontaines.Cultivé <strong>de</strong>puis longtemps en Barbarie, dans le midi <strong>de</strong> laSuisse et quelquefois ailleurs, il n'a jamais été trouvé à l'étatsauvage.Dans les différentes provinces d'Espagne, il ne porte pas moinsd'une quinzaine <strong>de</strong> noms 7, et aucun ne dérive du nom arabeQuemah, usité en Algérie et en. Egypte 9. L'absence <strong>de</strong> nomsdans plusieurs autres pays et surtout <strong>de</strong> noms originauxest bien frappante. C'est un indice <strong>de</strong> plus en faveur d'unedérivation du froment ordinaire, obtenue en Espagne et dansle nord <strong>de</strong> l'Afrique, à une époque inconnue, peut-être <strong>de</strong>puisl'ère chrétienne.IV. Blé <strong>de</strong> Pologne. Triticum polonicum, Linné.Cet autre blé dur, à grains encore plus allongés, cultivé surtoutdans l'Europe orientale, n'a pas été trouvé sauvage.1. Cités d'après Sor<strong>de</strong>lli,Notiziesull. Lagozza,p. 32.2. Heer, t. c., p. 50.3. Heldreich,DieNutzpflanzenGriechenlands, p. 5.Pline, Hist.,1. 18, c. 10.5. Koch,Linnxa,21,p. 427.6. Lettre<strong>de</strong> M.Ascherson,en 1881.7. DK~'onn.MM7KMC7'!tDktionn.manuscrit<strong>de</strong>s d&?KOHMru~a:nM.nomsvulgaires8. Debeaux,Catal.<strong>de</strong>s<strong>plantes</strong> <strong>de</strong> Boghar,p. ṗ. 110. •>9.D'aprèsDelile,l. c., le blé se nommeQamh,et un blé corné,rouge,Qamh-ahmar.DE CANDOLLE. 19


290 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS GRAINESIl a, en allemand, un nom original, Ganer, Gommer, Gûmmer1,et en d'autres langues <strong>de</strong>s noms qui ne se rattachent qu'à <strong>de</strong>spersonnes ou à <strong>de</strong>s pays <strong>de</strong>squels on avait tiré les semences. Onne peut douter que ce ne soit une forme obtenue dans les cultures,probablement dans l'Europe orientale, à une époqueinconnue, peut-être assez mo<strong>de</strong>rne.Conclusionsur Punité spécifique <strong>de</strong> ces races principales.Nous venons <strong>de</strong> montrer que l'histoire et les noms vulgaires<strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s races <strong>de</strong> froments sont en faveur d'une dérivation,contemporaine <strong>de</strong> l'homme, probablement pas très ancienne, <strong>de</strong>la forme du blé ordinaire, peut-être du blé à petits grains cultivésjadis par les Egyptiens et par les lacustres <strong>de</strong> Suisse etd'Italie. M.Alefeld2était arrivé à l'unité spécifique <strong>de</strong>s Triticumvulgare, twgidum et durum au moyen <strong>de</strong> l'observation attentive<strong>de</strong> leurs formes <strong>cultivées</strong> dans <strong>de</strong>s conditions semblables.Les expériences <strong>de</strong> M. Henri Vilmorin 3 sur les fécondationsartificielles <strong>de</strong> ces blés conduisent au même résultat. Quoiquel'auteur n'ait pas encore vu les produits <strong>de</strong> plusieurs générations,il s'est assuré que les formes principales les plus distinctesse croisent sans peine et donnent <strong>de</strong>s produits fertiles. Si lafécondation est prise pour une mesure du <strong>de</strong>gré intime d'affinitéqui motive le groupement d'individus en une seule espèce, onne peut pas hésiter dans le cas actuel, surtout avec l'appui<strong>de</strong>s considérations historiques dont j'ai parlé.Sur les prétendus Blés <strong>de</strong> momie.Avant <strong>de</strong> terminer cet article, je crois convenable <strong>de</strong> dire quejamais une graine quelconque sortie d'un cercueil <strong>de</strong> l'ancienneEgypte et semée par <strong>de</strong>s horticulteurs scrupuleux n'a germé. Cen'est pas que la chose soit impossible, car les graines se conserventd'autant mieux qu'elles sont plus à l'abri <strong>de</strong> l'air et <strong>de</strong>svariations <strong>de</strong> température ou d'humidité, et les monumentségyptiens présentent assurément ces conditions; mais, en fait,les essais <strong>de</strong> semis <strong>de</strong> ces anciennes graines n'ont jamais réussi.L'expérience dont on a le plus parlé est celle du comte <strong>de</strong> Sterberg,à Prague Il avait reçu <strong>de</strong>s graines <strong>de</strong> blé qu'un voyageur,digne <strong>de</strong> foi, assurait provenir d'un cercueil <strong>de</strong> momie.Deux <strong>de</strong> ces graines ont levé, disait-on; mais je me suis assuréqu'en Allemagne les personnes bien informées croient à quelquesupercherie, soit <strong>de</strong>s Arabes, qui glissent quelquefois <strong>de</strong>s graines1.Nemnich,Lexicon,p. 1488.2. Alefeld, BotanischeZeitung,1865,p. 9.3.H. Vilmorin,Bulletin<strong>de</strong>la Sociétébotanique <strong>de</strong> France,1881,p. 3oG.4.JournalFlora,1835,p. 4.


L'EPEAUTRE 291mo<strong>de</strong>rnes dans les tombeaux (même du Maïs, plante américaine!),soit <strong>de</strong>s employés <strong>de</strong> l'Honorable comte <strong>de</strong> Sternberg.Les graines répandues dans le commerce sous le nom <strong>de</strong> Blé <strong>de</strong>momie n'ont été accompagnées d'aucune preuve quant à l'anciennetéd'origine.Epeantoe et formes ou espèces voisines 1.Louis Vilmorin à l'imitation <strong>de</strong> Seringe dans son excellenttravail sur les Céréales 3, a réuni en un groupe les blésdont les grains, à maturité, sont étroitement contenus dansleur enveloppe, ce qui oblige à faire une opération spécialepour les en dégager, caractère plus agricole que botanique.11énumère ensuite les formes <strong>de</strong> ces blés vêtus, sous trois noms,qui répon<strong>de</strong>nt à autant d'espèces <strong>de</strong> la plupart <strong>de</strong>s botanistes.I. Epeautre, Gran<strong>de</strong> Epeautre. Triticum Spelta, Linné.L'Epeautre n'est plus guère cultivé que dans le midi <strong>de</strong> l'Allemagneet la Suisse alleman<strong>de</strong>. Autrefois, il n'en était pas <strong>de</strong>même.Les <strong>de</strong>scriptions <strong>de</strong> céréales par les auteurs grecs sont tellementbrèves et insignifiantes qu'on peut toujours hésiter sur lesens <strong>de</strong>s noms qu'ils emploient. Cependant, d'après les usagesdont ils parlent, les érudits 4 estiment que les Grecs ont appelél'Epeautre d'abord Olyra, ensuite Zeia, noms qui se trouventdans Hérodote et Homère. Dioscori<strong>de</strong> 5 distingue <strong>de</strong>ux sortes <strong>de</strong>Zeia, qui paraissent répondre aux Triticum Spelta et Tr. monococcum.On croit que l'Epeautre était le Semen (grain par excellence)et le Far, <strong>de</strong> Pline, dont il dit que les Latins se sontnourris pendant 360 ans, avant <strong>de</strong> savoir confectionner dupain 6. Comme l'Epeautre n'a pas été trouvé chez les lacustres<strong>de</strong> Suisse ou d'Italie, et que les premiers cultivaient <strong>de</strong>s formesvoisines, appelées Tr. dicoccum et Tr. monococcum 7, il estpossible que le Far <strong>de</strong>s Latins fut plutôt une <strong>de</strong> celle-ci.L'existence du véritable Epeautre dans l'ancienne Egypte etdans les pays voisins me paraît encore plus douteuse. L'Olyra<strong>de</strong>s Egyptiens, dont parle Hérodote, n'était pas YOlyra <strong>de</strong>s Grecs.Quelques auteurs ont supposé que c'était le riz, Ùryza 8. Quantà l'Epeautre, c'est une plante qu'on ne cultive pas dans <strong>de</strong>s paysaussi chauds. Les mo<strong>de</strong>rnes, <strong>de</strong>puis Rauwolf jusqu'à nos jours,1. Voirles planches<strong>de</strong> Metzger et <strong>de</strong>Host,dansles ouvragescités toutà l'heure.2. Essai d'un catalogueméthodique <strong>de</strong>sfroments,Paris, 1850.3. Seringe,Monographie <strong>de</strong>s céréales<strong>de</strong> la Suisse,in-8°,Berne,1818.4. Fraas, Synopsisfl. class.,p. 307; Lenz,Botanikd. Aïten,p. 237.5. Dioscori<strong>de</strong>s,Mat. med.,2, 111-113.6.Pline, Hist.,1. 18,c. 7; Targioni,Cennistorici,p. 6.7. Heer,l. c, p. 6; Unger,Pflanzend. alten JEgypt.,p. 32.8. Delile,Plantes<strong>cultivées</strong>en Egypte, p. 5.


£921-) PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINESne l'ont pas vue dans les cultures d'Egypte 1. On ne l'a pastrouvée dans les monuments égyptiens. C'est ce qui m'avait faitsupposer 2 que le mot hébreu Kussemeth, qui se trouve troisfois dans la Bible 3, ne <strong>de</strong>vrait pas s'appliquer à l'Epeautre, contrairementà l'opinion <strong>de</strong>s hébraïsants J'avais présumé quec'était peut-être la forme voisine appelée Tr. monococcum, maiscelle-ci n'est pas non plus cultivée en Egypte.L'Epeautre n'a pas <strong>de</strong> nom en sanscrit ni même dans les languesmo<strong>de</strong>rnes <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> et en persan 5,à plus forte raison en chinois.Les noms européens, au contraire, sont nombreux et témoignentd'une ancienne culture, surtout dans l'Europe orientale rSpelta en ancien saxon, d'où Epeautre; Dirikel en allemandmo<strong>de</strong>rne; Orhsz en polonais, Pobla en russe sont <strong>de</strong>s noms quiparaissent venir <strong>de</strong> racines bien différentes. Dans le midi <strong>de</strong>l'Europe, les noms sont plus rares. Il faut citer cependant unnom espagnol, <strong>de</strong>s Asturies, Eseandia mais je ne connais pas<strong>de</strong> nom basque.Les probabilités historiques et surtout linguistiques sont enfaveur d'une origine <strong>de</strong> l'Europe orientale tempérée et d'unepartie voisine <strong>de</strong> l'Asie. Voyons si la plante a été découverte àl'état spontané.Olivier, dans un passage déjà cité 8, dit l'avoir trouvée plusieursfois en Mésopotamie, en particulier sur la rive droite <strong>de</strong>l'Euphrate, au nord d'Anah, dans une localité impropre à laculture. Un autre botaniste, André Michaux, l'avait vue, en 1783,près <strong>de</strong> Hamadan, ville <strong>de</strong> la région tempérée <strong>de</strong> Perse. D'aprèsDureau <strong>de</strong> La Malle, il en avait envoyé <strong>de</strong>s graines àBosc, qui lesayant semées à Paris en avait obtenu l'Epeautre ordinaire;mais ceci me paraît douteux, car Lamarck en 1786 9 et Bosc luimême,dans le Dictionnaire d' agriculture, article Epeautre, publiéen 1809, n'en disent pas un mot. Les herbiers du Muséum,à Paris, ne contiennent aucun échantillon <strong>de</strong>s céréales dontparle Olivier.Il y a, comme on voit, beaucoup d'incertitu<strong>de</strong> sur l'origine <strong>de</strong>l'espèce à titre <strong>de</strong> plante spontanée. Ceci m'engage à donnerplus d'importance à l'hypothèse que l'Epeautre serait dérivé,par la culture, du froment ordinaire, ou serait sorti d'unei. Reynier,Econ. <strong>de</strong>sEgyptiens,p. 337;Dureau<strong>de</strong> La Malle,Ann.se.nat., 9, p. 72; Schweinfurthet Ascherson,l. c. Le Tr Spelta <strong>de</strong> Forsfcaln'est admispar aucun auteur subséquent.2. Géogrḅot. raisonnée,p. 933.3. Exo<strong>de</strong>, IX,32; Esaie, XXVIII,25; Ezéchiel,IV,9.4. Rosenmüller, Bibl.Altedhumskun<strong>de</strong>,4, p. 83;Second,trad. <strong>de</strong>lancerTest., 1874.5.Ad. Pictet.Lesoriginesindo-européennes, éd. 2, vol. 1,p. 348.6. Ad.Pictet,l. c.; Nemmich,Lexicon.7. Willkouiinet Lange,Prodr.fl. hùp., 1, p. 107.8. Olivier,Voyage,1807,vol. 3, p. 4C0.9. Lamarck, Dict. encycl.,2,p. 560.


LOCULAR 293forme intermédiaire, à une époque préhistorique pas très ancienne.Les expériences <strong>de</strong> M. H. Vilmorin 1 viennent à l'appui,car les croisements <strong>de</strong> l'Epeautre par le Blé blanc velu et viceversa ont donné <strong>de</strong>s « métis, dont la fertilité est complète, avecmélange <strong>de</strong>s caractères <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux parents, ceux <strong>de</strong> l'Epeaulreayant cependant quelque prépondérance 2.II. Amidonier. Triticum dicoccum, Schrank. Triticumamyleum, Seringe.Cette forme {Emmer ou JSmer, <strong>de</strong>s Allemands), cultivée surtouten Suisse' pour l'amidon, supporte bien les hivers rigoureux.Elle contient <strong>de</strong>ux graines dans chaque épillet, comme levéritable Epeautre. “,M. Heer 2 rapporte à une variété du Tr. dicoccum un épitrouvé, en mauvais état, dans la station lacustre <strong>de</strong> Wangen,•en Suisse. M. Messikommer en a trouvé <strong>de</strong>puis à Robenhausen.On ne l'a jamais vu spontané. La rareté <strong>de</strong> noms vulgaires estfrappante. Ces <strong>de</strong>ux circonstances, et le peu <strong>de</strong> valeur <strong>de</strong>s caractèresbotaniques propres à le distinguer du Tr. Spelta, doiventle faire considérer comme une ancienne race cultivée <strong>de</strong> celui-ci.III. Locula,r, Bagrain. – Triticum monococcum, Linné.Le Locular, Engrain commun ou Petit Epeautre, Einkorn <strong>de</strong>sAllemands, se distingue <strong>de</strong>s précé<strong>de</strong>nts par une seule grainedans l'épillet et par d'autres caractères, qui le font considérerpar la majorité <strong>de</strong>s botanistes comme une espèce véritablementdistincte. Les expériences <strong>de</strong> M. H. Vilmorin appuient jusqu'àprésent cette opinion, car il n'est pas parvenu à croiser le Inticummonococcum avec les autres Epeautres ou froments. Celapeut tenir, comme il le remarque lui-même. à quelque détaildans la manière d'opérer. Il se propose <strong>de</strong> renouveler les tentatives,et réussira peut-être. En attendant, voyons si cette formed'Epeautre est d'ancienne culture et si on l'a trouvée quelquepart dans un état spontané.Le Locular s'accommo<strong>de</strong> <strong>de</strong>s sols les plus mauvais et les plusrocailleux. Il est peu productif, mais donne d'excellents gruaux.On le sème surtout dans les pays <strong>de</strong> montagnes, en Espagne,en France et dans l'Europe orientale, mais je ne le vois pasmentionné en Barbarie, en Egypte, dans l'Orient, ou dans l'In<strong>de</strong>et en Chine.On a cru le reconnaître, d'après quelques mots, dans le lipliai<strong>de</strong> Théophraste 3. Dioscori<strong>de</strong> 4 est plus facile à invoquer, car ildistingue <strong>de</strong>ux sortes <strong>de</strong> Zeia, l'une ayant <strong>de</strong>ux graines, l'aul. c1. H. Vilmorin,Bull. <strong>de</strong> la Soc. bot.<strong>de</strong> France,1881,p. 838.2. Heer,Pflanzen d. PfahlOaiiten, fig., p. 5, fij. 23,et p. io.3. Fraas.Synopsisfl. class.,p. 307.4. Dioscori<strong>de</strong>s,lllat. med.}2, c. III, 155.


294 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS GRAINESune seule. Celle-ci serait le Loeular. Rien ne prouve qu'il fût habituellementcultivé chez les Grecs et les Latins. Leurs <strong>de</strong>scendantsne l'emploient pas aujourd'huiI] n'a pas <strong>de</strong> nom s'inscrit, ni même persan ou arabe. J'aiémis jadis l'hypothèse que le Kussemeth <strong>de</strong>s Hébreux pourraitse rapporter à cette plante, mais cela me paraît maintenantdifficile à soutenir.Marschall Bieberstein 2 avait indiqué le Tr. monococcum spontané,au moins sous une forme particulière, en Crimée et dansle Caucase oriental. Aucun botaniste n'a confirmé cette assertion.Steven 3, qui vivait en Crimée, déclare qu'il n'a jamais vul'espèce autrement que cultivée par les Tartares. D'un autre côté,la plante que M. Balansa a récoltée, dans un état spontané,près du mont Sipyle, en Anatolie, est le Tr. monococcum, d'aprèsJ. Gay lequel assimile à cette forme le Triticum èœotieum,Boissier, spontané dans la plainne <strong>de</strong> Béotie 5 et en Servie 6.En admettant ces faits, le Triticum monococcumserait originaire<strong>de</strong> Servie, Grèce et Asie Mineure, et, comme on n'est pasparvenu à le croiser avec les autres Epeautres ou les froments,on a raison <strong>de</strong> l'appeler une espèce, dans le sens linnéen.Quant à la séparation <strong>de</strong>s froments à grains libres et <strong>de</strong>s Epeautres,elle serait antérieure aux données historiques et peut-êtreaux commencements <strong>de</strong> toute agriculture. Les froments seseraient montrés les premiers, en Asie; les Epeautres ensuite,plutôt dans l'Europe orientale et FAnatolie. Enfin, parmi lesEpeautres, le Tr. monococcumserait la forme la plus ancienne,dont les autres se seraient éloignées, à la suite <strong>de</strong> plusieursmilliers d'années <strong>de</strong> culture et <strong>de</strong> sélection.Orge à, <strong>de</strong>ux rangs. – JBorâeum distichon, Linné.Les Orges sont au nombre <strong>de</strong>s plus anciennes <strong>plantes</strong> <strong>cultivées</strong>.Comme elles ont à peu près la même manière <strong>de</strong> vivre et les.mêmes emplois, il ne faut pas s'attendre à trouver chez les auteurs<strong>de</strong> l'antiquité et dans les langues vulgaires la précisionqui permet <strong>de</strong> reconnaître les espèces admises parlesbotanistes.Dans beaucoup <strong>de</strong> cas, le nom Orge a été pris dans un sens vaguei. Heldreich,Nutsiifîanzend. Grickenlands-2. M. Bieberstein,Floratauro-caucasica, vol. 1,p. SS.3. Steven, Yerzeichniss taur. HalbinselaPflanzen,p. 334.4. Bull.Soc.bot.<strong>de</strong>France,1860,p. 30.5. Boissier,Diagnosesșériel, vol.2, fasc.13,p. 69.6. Balansa,1854,n. 137,dans l'HerbierBomiei; où l'on voit aussi unéchantillontrouvé dans les champsen Servie et une variété à barbesbrunesenvoyéepar M. Pancic,croissantdansles prés <strong>de</strong> Servie.Le inOmebotaniste<strong>de</strong> Belgra<strong>de</strong>vient <strong>de</strong> m'envoyer <strong>de</strong>s échantillonsspontanés<strong>de</strong>Servie que je ne saurais distinguerdu Tr. monococcum.11me certifiequ'on ne cultivepas celui-cien^Serrie. M. Benthamm'écrit que le Tr.bœoficum,dont il a vuplusieurséchantillonsd'AsieMineure,est,selonlui,la monococcum.


ORGEA.DEUXRANGS 295ou générique. C'est une difficulté dontnous <strong>de</strong>vons tenir compte.Par exemple, les expressions <strong>de</strong> l'Ancien Testament, <strong>de</strong> Bérose,<strong>de</strong> Moïse <strong>de</strong> Ghorène, Pausanias, Marco Polo, et plus récemmentd'Olivier, qui indiquent a'orge spontanée ou cultivée dans telou tel pays, ne prouvent rien, parce qu'on ne sait pas <strong>de</strong> quelleespèce il s'agit. Même obscurité pour la Chine. Le D' Bretschnei<strong>de</strong>rdit que, d'après un ouvrage publié en l'an 100 <strong>de</strong>notre ère, les Chinois cultivaient une « Orge », maisil n'expliquepas laquelle. A l'extrémité occi<strong>de</strong>ntale <strong>de</strong> 1 ancien mon<strong>de</strong>les Guanches cultivaient aussi <strong>de</strong> l'Orge dont on connaît le nom,pas l'espèce.^L'O^ifTà<strong>de</strong>ux rangs, sous sa forme ordinaire dans laquelleles grains sont couverts à maturité, a été trouvée sauvage dansl'Asie occi<strong>de</strong>ntale, savoir dans l'Arabie Pétrée autour dumont Sinaï 3, sur les ruines <strong>de</strong> Persépolis 4, près <strong>de</strong> la mer CaspienneB, entre Lenkoran et Baku, dans le désert <strong>de</strong> Chirvan etAwhasie, également au midi du Caucase 6 et en TurcomameAucun auteur ne l'indique en Crimée, en Grèce, en Egypte ouà l'orient <strong>de</strong> la Perse. Will<strong>de</strong>no-w s l'indique à Samara, dans lesud-est <strong>de</strong> la Russie; ce que les auteurs plus récents ne confirmentpas. La patrie actuelle est donc <strong>de</strong> la mer Rouge au Caucaseet à la mer Caspienne.D'après cela l'Orge à <strong>de</strong>ux rangs <strong>de</strong>vait être une <strong>de</strong>s formes<strong>cultivées</strong> par les peuples sémitiques et touramens. Cependant onne Va pas trouvée dans les monuments d'Egypte. Il semble queles Aryas ont dû la connaître, mais je n'en vois pas <strong>de</strong> preuvedans les noms vulgaires ou dans l'histoire.Théophraste parle <strong>de</strong> l'Orge à <strong>de</strong>ux rangs Les lacustres <strong>de</strong>la Suisseorientale la cultivaient avant <strong>de</strong> possé<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s métauxmais l'Orge à six rangs était plus commune chez eux.La race dans laquelle le grain est nu à maturité (H. d^Hehonnudum, Linné), qu'on appelle en français <strong>de</strong> toutes sonos <strong>de</strong>noms absur<strong>de</strong>s, Orge à café, 0. du Pérou, etc., n'a jamais ététrouvée sauvage.L'Orge enéventail (Hor<strong>de</strong>um Zeocriton, Linné) me paraît uneforme cultivée <strong>de</strong> l'Orge à<strong>de</strong>ux rangs. On ne la connaît pas à 1 état1. Bcetschnei<strong>de</strong>r,Onthe sfudy,etc., p. 8.2. HerbierBoissier,échantillon biendéterminé, par Reuter.3. Figari et <strong>de</strong> Notaris,Agrostolo,gix~gypt.fi'agm.,p. iS.4. Plantetrès maigre,recneilliepar Kotschy, n° 290,dontje possè<strong>de</strong>unéchantillon.M.Boissier l'a d6terLainéecommeH. distichon,vaozetas:5. C.-A. Meyer, Yerzeicleni.ss, p. 26,d'après <strong>de</strong>s échantillonsvus aLIssipar Le<strong>de</strong>bour, Fl.ross.,i, p. 327.6. Le<strong>de</strong>bour,l. c. ~n. j. “,i Resel, Descrṗlant, nov., 1881,fasc. 8, p. il.8. Will<strong>de</strong>now,Sp.plant., 1, p. 473.9. Thooplir-istes, Hist. Plant 1.8,e. -1,.Flora bot.Zeitaflr,1869,pfoTO^P^sMessioon.mer,320.


296 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINESspontané. Elle n'a pas été trouvée dans les monuments égyptiens,ni dans les débris lacustres <strong>de</strong> Suisse, Savoie et Italie.Orge commune. Hor<strong>de</strong>um vulgare, Linné.L'Orge commune, à quatre rangs, est mentionnée par Théophrastemais il paraît que dans l'antiquité on la cultivaitmoins que celles à <strong>de</strong>ux et surtout à six rangs.Elle n'a pas été trouvée dans les monuments égyptiens, nidans les débris <strong>de</strong>s lacustres <strong>de</strong> Suisse, Savoie et Italie.Will<strong>de</strong>no-w2 ditqu'elle croît en Sicile et dans le sud-est <strong>de</strong> laRussie, à Samara; mais les flores mo<strong>de</strong>rnes <strong>de</strong> ces pays ne leconfirment nullement. On ne sait pas quelle Orge Olivier avaitvue sauvage en Mésopotamie; par conséquent, Y Hor<strong>de</strong>umvulgaren'a pas encore été trouvé à l'état spontané, d'une manièrecertaine.La multitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s noms vulgaires qu'on lui attribue ne signifierien comme indication d'origine, car il est impossible <strong>de</strong> savoirdans la plupart <strong>de</strong>s cas si ce sont <strong>de</strong>s noms <strong>de</strong> l'Orge, en général,ou d'une Orge en particulier cultivée dans tel ou tel pays.Orge à, six rangs, Escourgeon.- Hor<strong>de</strong>um hexastichon,Linné.C'était l'espèce le plus souvent cultivée dans l'antiquité. Nonseulement les Grecs en ont parlé, mais encore elle a été trouvéedans les monuments les plus anciens <strong>de</strong> l'Egypte 3 et dans lesrestes <strong>de</strong>s lacustres <strong>de</strong> Suisse (âge <strong>de</strong> pierre), <strong>de</strong> Savoie et d'Italie(âge <strong>de</strong> bronze) 4. M. Heer a même distingué <strong>de</strong>ux variétés dansl'espèce cultivée jadis en Suisse. L'une d'elles répond à l'orge àsix rangs figurée sur les médailles <strong>de</strong> Métaponte, ville <strong>de</strong> l'Italieméridionale, six siècles avant J.-C.D'après Roxburgh 5,c'était la seule Orge cultivée dans l'In<strong>de</strong>à la fin du siècle <strong>de</strong>rnier. Il lui attribue le nom sanscrit Yuva,<strong>de</strong>venu en bengali Juba. Adolphe Pictet 6 a étudié avec soin lesnoms sanscrits et <strong>de</strong>s langues indo-européennes qui répon<strong>de</strong>ntau mot générique Orge, mais il n'a pas pu suivre dans les détailsce qui concerne chacune <strong>de</strong>s espèces.L'Orge a six rangs n'a pas été vue dans les conditions d'uneplante spontanée dont un botaniste aurait constaté l'espèce. Jene l'ai pas trouvée dans l'herbier <strong>de</strong> M. Boissier, si riche enï Théophraste,Bist, 1.8, c. 4.2. "VVill<strong>de</strong>uo-w, Speciesplant.,1,p. 472.3. Unger, Pflanzen <strong>de</strong>s alten mgyptens,p. 33;Ein Ziegel<strong>de</strong>r DasliurPyrami<strong>de</strong>,p.4. Heer,Pflanzen<strong>de</strong>r 109.Pfahlbauten,p. 5, flg. 2 et 3; p. 13,fig. 9; Florabot.Zeitung,1869,p. 320;<strong>de</strong>Mortillet,d'aprèsPerrin,Etu<strong>de</strong>spréhistoriquessur la Savoie,p. 23; Sor<strong>de</strong>lli,Sullepiante <strong>de</strong>llatorbiera.di Lagozza,p. 33.5. Roxburgh, Fl. ind., ed. 1832ț. 1, p. 338.6. Ad.Pictet,<strong>Origine</strong>sindo-européennes, ed. 2, vol.1, p. 333.


SEIGLE 297<strong>plantes</strong> d'Orient. Il est possible que les Orges sauvages mentionnéespar d'anciens auteurs et par Olivier aient été VEor<strong>de</strong>umhexastichon, mais on n'en a aucune preuve.Sur les Orges en général.Nous venons <strong>de</strong> voir que la seule forme trouvée aujourd'huispontanée est la plus simple, la moins productive, VEor<strong>de</strong>umdistichon, dont la culture est préhistorique, comme celle <strong>de</strong>l'H. hexastichon. Peut-être Y H. vulgare est-il moins ancien <strong>de</strong>culture que les <strong>de</strong>ux autres?On peut tirer <strong>de</strong> ces données <strong>de</strong>ux hypothèses" 1° Une dérivation<strong>de</strong>s Orges à quatre et à six rangs <strong>de</strong> celle à <strong>de</strong>ux rangs,dérivation qui remonterait aux cultures préhistoriques, antérieuresà celles <strong>de</strong>s anciens Egyptiens constructeurs <strong>de</strong>s monuments.2° Les Orges à quatre et à six rangs seraient <strong>de</strong>s espècesjadis spontanées, éteintes <strong>de</strong>puis l'époque historique. Il seraitsingulier, dans ce cas, qu'il n'en restât aucune trace dans lesflores <strong>de</strong> la vaste région comprise entre l'In<strong>de</strong>, la mer Noireet l'Abyssinie, où l'on est à peu près assuré <strong>de</strong> la culture, aumoins <strong>de</strong> l'Orge à six rangs.Seigle. Secale cereale, Linné.Le Seigle n'est pas d'une culture très ancienne, si ce n'estpeut-être en Russie et en Thrace.On ne l'a pas trouvé dans les monuments égyptiens, et il n'apas <strong>de</strong> noms dans les langues sémitiques, même mo<strong>de</strong>rnes. Ilen est <strong>de</strong> même en sanscrit et dans les langues indiennes quidérivent du sanscrit. Ces faits concor<strong>de</strong>nt avec la circonstanceque le Seigle réussit mieux dans les pays septentrionaux quedans ceux du Midi, où généralement, à notre époque, il n'estpas cultivé. Le Dr Bretschnei<strong>de</strong>r 1 pense qu'il est inconnu auxagriculteurs chinois. Il doute <strong>de</strong> l'assertion contraire d'un auteurmo<strong>de</strong>rne et fait remarquer qu'une céréale mentionnéedans les mémoires <strong>de</strong> l'empereur Kanghi, qu'on peut soupçonnerêtre cette espèce, signifie d'après son nom Blé apporté <strong>de</strong> Russie.Or le Seigle, dit-il, est cultivé beaucoup en Sibérie. Il n'en estpas question dans les flores japonaises.Les anciens Grecs ne le connaissaient pas. Le premier auteurqui l'ait mentionné dans l'empire romain est Pline 2, qui parledu Secale, cultivé à Turin, au pied <strong>de</strong>s Alpes, sous le nom <strong>de</strong>Asia. Galien 3, né en 131 <strong>de</strong> notre ère, l'avait vu cultivé, enThrace et en Macédoine, sous le nom <strong>de</strong> Briza. Ces culturesparaissent peu anciennes, du moins en Italie, car on n'a pas1.Bretschnei<strong>de</strong>r,Onstudy,etc., p. 18,4i.2. Pline,Hist.,1.18,c. 16.3. Galenus,Dealimentis,1, 13, cité d'aprèsLenz,Bot.d. Alien, p. --jv.


298 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS GRAINEStrouvé <strong>de</strong> Seigle dans les débris <strong>de</strong>s habitations lacustres du nord<strong>de</strong> ce pays, <strong>de</strong> Savoie et <strong>de</strong> Suisse, même à l'époque du bronze.M. Jetteles en a recueilli, près d'Olmutz, avec <strong>de</strong>s instruments<strong>de</strong> ce métal, et M. Heer 1, qui a vu les échantillons, en mentionned'autres, <strong>de</strong> l'époque romaine, en Suisse.A défaut <strong>de</strong> preuves archéologiques, les langues européennesmontrentune ancienne connaissance du Seigle dans les paysgermains, celtes et slaves. Le nom principal, selon AdolphePictet 2, appartient aux peuples du nord <strong>de</strong> l'Europe anglosaxonJîyge, Rig, scandinave Mgr, ancien allemand Roggo^ ancienslave Éuji, Roji, polonais Rez, illyrien Raz, etc. L'origine<strong>de</strong> ce nom, dit-il, doit remonter à une époque antérieure à laséparation <strong>de</strong>s Germains et <strong>de</strong>s Lithuano-Slaves. Le mot Secale<strong>de</strong>s Latins se trouve sous une forme presque semblable chezles Bretons, Segal, et les Basques,Cekela, Zekhalea; mais on nesait pas si les Latins l'ont emprunté aux Gaulois et Ibères ou siinversement ces <strong>de</strong>rniers ont recu le nom <strong>de</strong>s Romains. Cettesecon<strong>de</strong> hypothèse paraît probable, puisque les Gaulois cisalpinsdu temps <strong>de</strong> Pline se servaient d'un nom tout différent. Je voisaussi mentionnés un nom tartare, Aresch3, et un nom ossète,Syl, SU 4, qui font présumer une ancienne culture à l'orient <strong>de</strong>l'Europe.Ainsi les données historiques et linguistiques montrent uneorigine probable <strong>de</strong>s pays au nord du Danube, et une culturequi remonte à peine au <strong>de</strong>là <strong>de</strong> l'ère chrétienne pour l'empireromain, mais plus ancienne peut-être en Russie et en Tartarie.L'indication du Seigle spontané telle que la donnent plusieursauteurs ne doit presque jamais être admise, car il est arrivésouvent qu'on a confondu avec le Secale cereale <strong>de</strong>s espècesvivaces ou dont l'épi se brise facilement, que les botanistes mo<strong>de</strong>rnesont distinguées avec raison B. Beaucoup d'erreurs qui enprovenaient ont été éliminées sur l'examen <strong>de</strong>s échantillonsoriginaux. D'autres peuvent être soupçonnées. Ainsi je ne saisce qu'il faut penser <strong>de</strong>s assertions <strong>de</strong> L. Ross, qui disait avoirtrouvé le Seigle sauvage dans plusieurs localités- <strong>de</strong> l'Anatolie 6,et du voyageur russe, Ssaewerzoff, qui l'aurait vu dans le Turkestan7. Ce <strong>de</strong>rnier fait est assez probable, mais on ne dit pasqu'un botaniste ait vérifié la plante. Kunth avait déjà indiquéd. Heer,DiePflanzen<strong>de</strong>rPfahlbauten, 16.2. Ad. Pictet,<strong>Origine</strong>sindo-européennes, éd. 2, vol. 1,p. 344.3. Nemnich,LexiconNaturgesch.4.Pictet,l. c.5. Secalef agile, Bieberstein;S. anatolicum,Boissier;S. montanum,Gussone;S. villosum,Linné.J'ai expliqué dansla GéotjranMebotanique,p. 936,les erreurs qui résultaient<strong>de</strong> cette confusion,lorsqu'ondisait leSeiglespontanéen Sicile,en Crèteet quelquefoisenRussie.6. Flora, bot.Zeitung,1850,p. 520.7.Flora, bot.Zeitung,1860,p. 93.8.Kunth,Enum.,1,p. 449.


AVOINEORDINAIR ET AVOINEB'ORIENT 29&« le désert entre la mer Noire et la mer Caspienne », sans dired'après quel voyageur ou quels échantillons. L'herbier <strong>de</strong> M.Boissierne m'a révélé aucun Secale céréale spontané, mais il m'adonné la persuasion qu'un voyageur doit facilement prendreune autre espèce <strong>de</strong> Seigle pour celle-ci et que les assertionsdoivent être vérifiées soigneusement.A défaut <strong>de</strong> preuves suffisantes pour <strong>de</strong>s pieds spontanés j'aifait valoir autrefois, dans ma Géographie botanique raisonnêe,un argument <strong>de</strong> quelque valeur. Le Secale céréale se sème hors<strong>de</strong>s cultures et <strong>de</strong>vient presque spontané dans les pays <strong>de</strong> l'empired'Autriche ce qu'on ne voit guère ailleurs 2.Ainsi dans lapartie orientale <strong>de</strong> l'Europe, où l'histoire indique une cultureancienne, le Seigle trouve aujourd'hui les conditions les plus favorablespour vivre sans le secours <strong>de</strong> l'homme. On ne peut guèredouter, d'après cet ensemble <strong>de</strong> faits. qu'il ne soit originaire <strong>de</strong>la région comprise entres les Alpes d'Autriche et le nord <strong>de</strong> lamer Caspienne. C'est d'autant plus probable que les cinq ou sixautres espèces connues du genre Secale habitent l'Asie occi<strong>de</strong>ntaletempérée ou le sud-est <strong>de</strong> l'Europe.En admettant cette origine, les peuples aryens n'auraient pasconnu l'espèce, comme la linguistique le montre déjà; maisdans leurs migrations vers l'ouest ils ont dû la rencontrer ayant<strong>de</strong>s noms divers, qu'ils auraient transportés çà et là.Avoine ordinaire et Avoine d'Orient. – Avena sativa,Linné, et Avena orientalis, Schreber.L'Avoine n'était pas cultivée chez les anciens Egyptiensles etHébreux, mais aujourd'hui -on la sème en Egypte 3. Ellen'a pas <strong>de</strong> nom sanscrit, ni même dans les langues mo<strong>de</strong>rnes<strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>. Ce sont les Anglais qui la sèment quelquefois dansce pays, pour en nourrir leurs chevaux La plus ancienne mention<strong>de</strong> l'Avoine en Chine est dans un ouvrage historiqueles années 618 à 907 <strong>de</strong> l'ère surchrétienne; elle s'applique à lavariété appelée par les botanistes Avena sativa nuda 5. Les anciensGrecs connaissaient bien le genre Avoine, qu'ils appelaientBromos 6, comme les Latins l'appelaient Avena; mais cesnoms s'appliquaient ordinairement aux espèces qu'on ne cultivepas et qui sont <strong>de</strong> mauvaises herbes mélangées avec les céréales.Rien ne prouve qu'ils aient cultivé l'Avoine ordinaire. La re-1. Sadler,Fl. pesth., 1, p. 80; Host,Fl. austr., 1, p. 177;Bamngarfen,Fl.tl'ans.1llu., 3,p.223 Neilreich,Fl. Wien,-p.58 Visiani,FI.dalmat.,1.p. 97Farkas,FI. eroatiea,p. 1288.2. M. Strobll'a vu cependant autour <strong>de</strong> l'Etna, dans lessuite <strong>de</strong>bois, parl'introductiondans la culture au xvaiesiècle. [GEsterḅot. zeit.1881,p. 139.)3. Schweinfurthet Ascherson,Beitrâqezut FloraJEtkiopien.%p. 29S.4. Royle,III, p. 419.5. Bretschnei<strong>de</strong>r,Onstudy, etc.,p. 18,44.6. Fraas, Synopsisfl. class.,p. 303;Lenz,Botanikâer Allen,p. 2S3.


300 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINESmarque <strong>de</strong> Pline que les Germains se nourrissaient <strong>de</strong> îarine.tirée <strong>de</strong> cette plante fait comprendre que les Romains ne lacultivaient pas.La culture <strong>de</strong> l'Avoine -était donc pratiquée anciennement aunord <strong>de</strong> l'Italie et <strong>de</strong> la Grèce. Elle s'est propagée plus tard, etpartiellement dans le midi <strong>de</strong> l'empire romain. Il est possiblequ'elle fût plus ancienne dans l'Asie Mineure, car Galien 2 ditque l'Avoine abondait en Mysie, au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> Pergame; qu'onla donnait aux chevaux et que les hommes s'en nourrissaientdans les années <strong>de</strong> disette. L'Asie Mineure avait reçu jadis unecolonie gauloise.On a trouvé <strong>de</strong> l'Avoine dans les restes <strong>de</strong>s habitationslacustres suisses <strong>de</strong> l'époque du bronze 3, et en Allemagne, près<strong>de</strong> Wittenberg, dans plusieurs tombeaux <strong>de</strong>s premiers siècles <strong>de</strong>l'ère chrétienne ou un peu plus anciens Jusqu'à présent, leslacustres du nord <strong>de</strong> l'Italie n'en ont pas présenté, ce qui confirmel'absence <strong>de</strong> culture <strong>de</strong> l'espèce dans le temps <strong>de</strong> la républiqueromaine.Les noms prouvent encore une ancienne existence au nord età l'ouest <strong>de</strong>s Alpes et sur les confins <strong>de</strong> l'Europe, vers le Caucaseet la Tartarie. Le plus répandu <strong>de</strong> ces noms est indiqué par lelatin Avena, l'ancien slave Ovisu, Ovesu, Ovsa, le russe Ovesu, lelithuanien Awiza, le letton Ausas, l'ostiaque Abis 5. L'anglaisOats vient, d'après Ad. Pictet, <strong>de</strong> l'anglo-saxon Ata ou Ate. Lenom basque Olba ou Oloa s fait présumer une culture trèsancienne par les Ibères.Les noms celtiques diffèrent <strong>de</strong>s autres irlandais, Coirce,Cuirce, Corea; armoricain Kerch. Les noms tartare Sulu, géorgienKari, hongrois Zab, croate Zob, esthonien Kaer et autressont indiqués par Nemnich comme s'appliquant au mot génériqueAvoine, mais il n'est pas probable qu'il y eût <strong>de</strong>s nomsaussi variés s'il ne s'agissait pas d'une espèce cultivée. Commesingularité, je note un nom berbère Zekkoum 9, quoique rien nepuisse faire présumer une ancienne culture en Afrique.Tout ce qui précè<strong>de</strong> montre combien était fausse l'opinion quel'Avoine est originaire <strong>de</strong> l'île <strong>de</strong> Juan Fernan<strong>de</strong>z, opinion quirégnait dans le siècle <strong>de</strong>rnier 10 et qui paraît venir d'une assertiondu navigateur Anson Ce n'est pas dans l'hémisphère1. Pline,Eist.,1. 18, e. 17.2. Galenus,Dealimentis,1.,c. 12.3. Heer,Pflanzen <strong>de</strong>r Pfahlbauten,p. 6, fig. 24.4. Lenz,l. c., p. 245.5. Ad.Pictet,Lesoriginesindo-européennes, éd.2, vol. 1, p. 330.6.Notescommuniquéespar M.Clos.7.Ad.Pictet, l. c.8. Nemnich,VolyqlottḶexiconNaturgesch.,p. 548.9. Dict.françaisberbère,publiépar le gouvernement fra!j;3.10. Linné,Species,p. 118;Lamarck, Dict. enc.,l,ioi.11.Phillips,Cult.veget.,2, p. 4.


AVOINE ORDINAIRE ET AVOINE D'ORIENT 301austral qu'ils faut chercher la patrie <strong>de</strong> l'espèce, mais évi<strong>de</strong>mmentdans les pays <strong>de</strong> l'hémisphère boréal où on l'a cultivéeanciennement. Voyons si elle s'y trouve encore dans un étatspontané.L'Avoine se sème dans les décombres, au bord <strong>de</strong>s cheminset près <strong>de</strong>s endroits cultivés, plus facilement que les autrescéréales, et se maintient quelquefois <strong>de</strong> manière à sembler spontanée.Cette remarque a été faite dans <strong>de</strong>s localités très éloignées,comme l'Algérie et le Japon, Paris et le nord <strong>de</strong> la Chine 1.Ce genre <strong>de</strong> faits doit nous rendre sceptiques sur l'Avoine queBové dit avoir trouvée dans le désert du mont Sinaï. On a prétenduaussi 2 que le voyageur Olivier avait vu l'Avoine sauvageen 'Perse, mais il n'en parle pas dans son ouvrage. D'ailleursplusieurs espèces annuelles qui ressemblent beaucoup à l'Avoineordinaire peuvent tromper un voyageur. Je ne puis découvrir nidans les livres ni dans les herbiers l'existence <strong>de</strong> pieds vraimentspontanés, soit en Asie, soit en Europe, et M. Bentham m'acertifié qu'il n'y en a pas dans les riches herbiers <strong>de</strong> Kew; maiscertainement, comme pour les formes dont je parlerai tout àl'heure, la condition quasi spontanée ou quasi naturalisée estplus fréquente dans les Etats autrichiens, <strong>de</strong> Dalmatie en Transylvanie3, que nulle part ailleurs. C'est une indication <strong>de</strong>l'origine, à ajouter aux probabilités historiques et linguistiquesen faveur <strong>de</strong> l'Europe orientale tempérée.L'Avena strigosa, Schreber, paraît une forme <strong>de</strong> l'Avoineordinaire, d'après <strong>de</strong>s expériences <strong>de</strong> culture dont parle M. Bentham,en ajoutant, il est vrai, qu'elles méritent confirmation 4.On peut voir une bonne figure <strong>de</strong> cette plante dans Host, IconesGraminum austriacorum, 2, pl. 56, qui est intéressante à compareravec la pl. 59 <strong>de</strong> l'A. sativa. Du reste, l'Avena strigosa n'a pasété trouvée à l'état spontané. Elle est en Europe dans les champsabandonnés, ce qui appuie l'hypothèse d'une forme dérivée, parsuite <strong>de</strong> la culture.L'Avena orientalis, Schreber, dont les épillets penchent d'unseul côté, est aussi cultivée en Europe <strong>de</strong>puis la fin du xviiie siècle.On ne la connaît pas à l'état spontané. Mélangée souvent avecl'Avoine ordinaire, elle se distingue au premier coup d'œil. Lesnoms qu'elle porte en Allemagne, Avoine <strong>de</strong> Turquie ou <strong>de</strong>Hongrie, montrent une introduction mo<strong>de</strong>rne venant <strong>de</strong> l'est. Hosten a donné une excellente figure [Gram. austr., 1, pl. 44).1. Munby,Catal.Alger.,éd. 2, p. 36; Franchetet Savatier.Enum.plant.Jap.,2, p. Ï75 Cosson;jFÏṖaris, 2.p. 637;Bunge,Enum.ohm.,p. 71,pourla variéténuda.2. Lamarck,Dict.encycl.,l, p. 331.3. Visiani,Fl. dalmat., 1, p. 69; Host,Fi. austr., 1, p. 133;Neilreiel',Fl. Wien.,p. 85;Baumgarten,ÊnumṪransylv.,3,p. 239Farkas,FI. croatica,p. 1277.4. Bentham,Handbookofbrilishflora, ed. à, p. S44.


302 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS GRAINESToutes ces Avoines étant <strong>cultivées</strong> sans qu'on ait découvert niles unes ni les autres à l'état vraiment spontané, il est bien probablequ'elles proviennent d'une seule forme préhistorique, dontla patrie était l'Europe tempérée orientale et la Tartarie.Millet commun. Panicum miliaceum, Linné.La culture <strong>de</strong> cette Graminée est préhistorique dans le midi<strong>de</strong> l'Europe, en Egypte et en Asie. Les Grecs en ont parlé sousle nom <strong>de</strong> Kegchros et les Latins sous celui <strong>de</strong> Milium 1. Leslacustres suisses, à l'époque <strong>de</strong> la pierre, faisaient grand usagedu Millet 2. On l'a trouvé aussi dans les restes <strong>de</strong>s palafittes dulac <strong>de</strong> Varèse en Italie 3. Comme on ne retrouve pas ailleurs <strong>de</strong>séchantillons <strong>de</strong> ces anciens temps, il est impossible <strong>de</strong> savoir quelétait le Panicum ou le Sorghum mentionné par les auteurs latins,dont les habitants <strong>de</strong> la Gaule, <strong>de</strong> la Pannonie et autres pays senourrissaient.Unger 4 compte le P. miliaceum parmi les espèces <strong>de</strong> l'ancienneEgypte, mais il ne paraît pas qu'il en eût <strong>de</strong>s preuvespositives, car il n'a indiqué ni monument ou <strong>de</strong>ssin ni grainetrouvée dans les tombeaux. On n'a pas non plus <strong>de</strong> preuves matériellesd'ancienne culture en Mésopotamie, dans l'In<strong>de</strong> et enChine. Pour ce <strong>de</strong>rnier pays, la question s'est élevée <strong>de</strong> savoir sile Shu, une <strong>de</strong>s cinq céréales que les empereurs sèment en gran<strong>de</strong>cérémonie chaque année, est le Panicummiliaceum une espèce voisine,ou le Sorgho; mais il paraît que le sens du mot Sku a varié,et que jadis on semait peut-être le Sorgho 5.Les botanistes anglo-indiens ° attribuent à l'espèce actuelle <strong>de</strong>uxnoms sanscrits, Unoo (prononcez Ounou) et Vreehib-heda (prononcezVrikib-heda), quoique le nom mo<strong>de</strong>rne hindou et bengaliet le nom telinga Worga soient tout autres, Cheena (prononcezChina) Si les noms sanscrits sont réels, ils indiquent une ancienneculture dans l'In<strong>de</strong>. On ne connaît pas <strong>de</strong> nom hébreu ni berbèremais il y a <strong>de</strong>s noms arabes, Bokhn, usité en Egypte, et Kosjœjben Arabie8. Les noms européens sont variés. Outre les <strong>de</strong>ux nomsgrec et latin, il y a un nom vieux slave, Proso9, conservé en Russieet en Pologne, un nom vieux allemand, Hirsi, et un nom lithuanien,Sora 10.L'absence <strong>de</strong> noms celtiques est remarquable. Il1. Les passages <strong>de</strong> Théophraste,Caton et autres sont traduits dansLenz, Botanih<strong>de</strong>r Alten,p.2. 232.Heer,Pflanzen <strong>de</strong>r Pfahlbauten,p. 17.3. Regazzoni,Riv.arch.prov. di Como,1880,fasc.1.4. Unger,Pflanzen <strong>de</strong>salten jEgyptens,v-5. Bretschnei<strong>de</strong>r,Studyand valueof chinesebot.works,p. 34.7, 8, 45.6. Roxburgh,Fl. ind., ed. 1832,p. 310 Piddington,In<strong>de</strong>x.7.Rosenmûller,bibl.Alterth.; Dictionn.français-be/'bère.8.Delile,FI. sgypt., p. 3; Forskal,Arab cit.9.Ad.Pictet, Orzginesindo-européennes, éd. 2,v. 1, p.10.Ad.Pictet,l. c.381»


MILLET PANIC D'ITALIE 303semble que l'espèce aurait été cultivée spécialement dans l'Europeorientale et se serait répandue vers l'ouest à la fin <strong>de</strong> ladomination gauloise. Voyons si elle est spontanée quelque part.Linné 1 disait qu'elle habite dans l'In<strong>de</strong>, et la plupart <strong>de</strong>s auteursle répètent; mais les botanistes anglo-indiens 1 indiquenttoujours comme cultivée. Elle n'est pas dans les flores du Japon.Au nord <strong>de</strong> la Chine, M. <strong>de</strong> Bunge l'a vue seulement cultivée 3 etM Maximowicz près <strong>de</strong> l'Ussuri, au bord <strong>de</strong>s prés et dans <strong>de</strong>s localitésvoisines <strong>de</strong>s habitations chinoises D'après Le<strong>de</strong>bour elle estpresque spontanée dans la Sibérie altaïque et la Russie moyenne,et spontanée au midi du Caucase et dans le pays <strong>de</strong> Talysch.Pour cette <strong>de</strong>rnière localité il cite Hohenaker.Celui-ci cependantdit « presque spontanée» 6.En Crimée, où elle fournit le pain<strong>de</strong>s Tartares, on la trouve çà et là presque spontanée ce quiarrive également dans le midi <strong>de</strong> la France, en Italie et en Autriche8. Elle n'est pas spontanée en Grèce 9, et personne ne 1atrouvée en Perse, ou en Syrie. Forskal et Delile l'ont indiquée enEgypte; mais M. Ascherson ne l'admet pas «, et Forskal l'indiqueen Arabie u.L'espèce pourrait s'être naturalisée dans ces régions, à la suited'une culture fréquente, <strong>de</strong>puis les anciens Egyptiens. Cependantla qualité spontanée est si douteuse ailleurs que la probabilitéest bien pour une origine égypto-arabique.Panie d'Italie ou Millet à grappe. Panicum italkum,Linné. Setaria italica, Beauvois.La culture <strong>de</strong> cette espèce a été une <strong>de</strong>s plus répandues dansles parties tempérées <strong>de</strong> l'ancien mon<strong>de</strong>, à l'époque préhistorique.Ses graines servaient à la nourriture <strong>de</strong> 1 homme, tandisque maintenant on les donne surtout aux oiseaux.En Chine, c'est une <strong>de</strong>s cinq <strong>plantes</strong> que l'empereur doit semerchaque année dans une cérémonie publique, selon les ordresdonnés par Chen-nung, 2700 ans avant Jésus-Christ 12. Le nomordinaire est Siao-mi (petit grain), et le nom plus ancien était Kit,mais celui-ci paraît s'être appliqué aussi à une espèce bien dif-1.Linné,Speciesplant. 1, p. 86.2. Roxburgh,l. c.; Aitchison,Punjab, p. 139.3. Bunge,Emaner. n. 400.4. Maximowicz, PrimitveAmur.,p. 330.5. Le<strong>de</strong>bour,Fl. ross., 4,p. 469.6. Hohenacker,Plant. Talysch.,p. 13,7. Steven,VerzeichnissHalbins.Tour.,p. 371.8 hiutel,FI. franç.,i, p. 20; Partatpre. K. iftrf., 1,p. 122;Visiani,Fl. dalmatl, 1,p. 60;Neilreich, Fl. Nied. Œ/err., p. 32.9. Heldreich,Nutzpfl-GrieehenL,p. 3; PflanzenAttisehẸbene,p. 516.10 M.Aschersonm'avertitdans une lettre que, dans lAufzahlung, on aomispar erreur le mot cuit, après le Panicum miliaceum.11. Forskal,Fl. arab., p. civ.12.Bretschnei<strong>de</strong>r,Onthestndy and value of chinesebot. worlts,\>.1,s.


304 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINESférente Pickering dit l'avoir reconnue dans <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>ssins <strong>de</strong>l'ancienne Egypte 2 et qu'elle est cultivée aujourd'hui sous lenom <strong>de</strong> Dokn, mais c'est le nom du Panicum miliaceum. Il estdonc très douteux que les anciens Egyptiens l'aient cultivée.On l'a trouvée dans les débris <strong>de</strong>s habitations lacustres <strong>de</strong>Suisse, dès l'époque <strong>de</strong> pierre, et à plus forte raison chez leslacustres <strong>de</strong> l'époque subséquente en Savoie 3.Les anciens Grecs et les Latins n'en ont pas parlé, ou du moinson n'a pas pu le certifier d'après ce qu'ils disent <strong>de</strong> plusieursPanicum ou Milium. Denos jours, l'espèce est rarement cultivéedans le midi <strong>de</strong> l'Europe; elle ne l'est pas du tout en Grèce 4 parexemple, et je ne la vois pas indiquée en Egypte, mais elle estfréquente dans l'Asie méridionale 5.On attribue à cette Graminée <strong>de</strong>s noms sanscrits IiCungoo (prononcezKoungou) et Priyungoo (Priyoungou), dont le premiers'est conservé en bengali 6. Piddington mentionne dans sonIn<strong>de</strong>x plusieurs autres noms <strong>de</strong>s langues indiennes. Ainslies Tindique un nom persan, Arzun, et un nom arabe; mais celui-ciest attribué ordinairement au Panicum miliaceum. Il n'y a pas <strong>de</strong>nom hébreu, et la plante n'est pas mentionnée dans les ouvrages<strong>de</strong> botanique sur l'Egypte et l'Arabie. Les noms européens n'ontaucune valeur historique. Ils ne sont pas originaux et se rapportentcommunément à la transmission <strong>de</strong> l'espèce ou à saculture dans tel ou tel pays. Le nom spécifique italicum en estun exemple assez absur<strong>de</strong>, la plante n'étant guère cultivée etpoint du tout spontanée en `Italie.Rumphius la dit spontanée dans les îles <strong>de</strong> la Son<strong>de</strong>, sans êtrebien affirmatif 8. Linné est parti probablement <strong>de</strong> cette basepour exagérer et même avancer une erreur en disant« Habite les In<strong>de</strong>s 9. » Elle n'est certainement pas <strong>de</strong>s In<strong>de</strong>socci<strong>de</strong>ntales. Bien plus, Roxburgh assure qu'il ne l'a jamais vuesauvage dans l'In<strong>de</strong>. Les Graminées <strong>de</strong> la flore <strong>de</strong> sir J. Efookern'ont pas encore paru; mais, par exemple, Aitchison 10 indiquel'espèce comme uniquement cultivée dans le nord-ouest <strong>de</strong>l'In<strong>de</strong>. La plante d'Australie que Rob. Brown avait dit être cetteespèce appartient à une autre ll. Au Japon, le P. italicum paraît1. Bretschnei<strong>de</strong>r, l. e.,p. 9.2. D'après Unger, c., p. 34.3. Heer, Pflanzen <strong>de</strong>r Pfahlhauten, p. S, fig. 7; p. 17, flg. 28, 29; Perrin,Etu<strong>de</strong>s préhistor. sur la Savoie, p. 22.4. Heldreich, Nutzpftanz. Grieehenlands5. Roxburgh, Fl. ind., ed. 1S32, vol. 1, p. 302; Rumphius, Amboyn., 5,p. 202, t. 75.6. Roxburgh, l. c.7. Ainslies, Mat. med. ind., 1, p. 226.8. Obcnrritin Baleya, etc. (Rumph., 5, p. 202).9. Habitat in Indiis (Linné, Sp., 1, p. 83).10. Aitchison, Catal. of Punj'ab, p. 162.11. Bcfithanij Flora austral., 7, p. 493.


SORGHO COMMUN30bêtre spontané, du moins sous la forme appelée germanica pardivers auteurs 1 et les Chinois regar<strong>de</strong>nt les cinq céréales <strong>de</strong> lacérémonie annuelle comme originaires <strong>de</strong> leur pays. CependantMM. <strong>de</strong> Bunge, dans le nord <strong>de</strong> la Chine, et Maxirno-wicz,dansla région du fleuve Amur, n'ont vu l'espèce que cultivée en gran<strong>de</strong>t toujours sous la forme <strong>de</strong> la variété germanica 2. Pour laPerse 3, la région du Caucase et l'Europe, je ne vois dans lesflores que l'indication <strong>de</strong> plante cultivée, ou cultivée et s'échappantquelquefois hors <strong>de</strong>s cultures dans les décombres, les bords<strong>de</strong> chemins, les terrains sablonneux, etc. 4.L'ensemble <strong>de</strong>s documents historiques, linguistiques et botaniquesme fait croire que l'espèce existait, avant toute culture, ily a <strong>de</strong>s milliers d'années, en Chine, au Japon et dans l'archipelindien. La culture doit s'être répandue anciennement vers l'ouest,puisque l'on connaît <strong>de</strong>s noms sanscrits, mais il ne paraît pasqu'elle se soit propagée vers l'Arabie, la Syrie et la Grèce, etc'est probablement par la Russie et l'Autriche qu'elle est arrivée,<strong>de</strong> bonne heure, chez les lacustres <strong>de</strong> l'âge <strong>de</strong> pierre en Suisse.Sorgho commun. – Hblcus Sorghum, Linné. – AndropogonSorghum, Brotero. Sorghum vulgare, Persoon.Les botanistes ne sont pas d'accord sur la distinction <strong>de</strong>plusieurs <strong>de</strong>s espèces <strong>de</strong> Sorgho et même sur les genres à établirdans cette division <strong>de</strong>s Graminées. Un bon travail monographiqueserait désirable, ici comme pour les Panicées. En attendant,je donnerai quelques renseignements sur les principalesespèces, à cause <strong>de</strong> leur extrême importance pour la nourriture<strong>de</strong> l'homme, l'élève <strong>de</strong>s volailles, et comme fourrages.Prenons pour type <strong>de</strong> l'espèce le Sorgho cultivé en Europe,tel qu'il est figuré, par Host, dans ses Graminese austriacse(4, pl. 2). C'est une <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> le plus habituellement <strong>cultivées</strong>par les Egyptiens mo<strong>de</strong>rnes, sous le nom <strong>de</strong> Dourra, dansl'Afrique équatoriale, l'In<strong>de</strong>, et la Chine B.Elle est si productivedans les pays chauds que d'immenses populations <strong>de</strong> l'ancienmon<strong>de</strong> s'en nourrissent.Linné et tous les auteurs, même nos contemporains, disentqu'elle est <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>; mais, dans la première édition <strong>de</strong> la flore<strong>de</strong> Roxburgh, publiée en 1820, ce savant, qu'on aurait bien fail<strong>de</strong> consulter, affirme qu'il ne l'a pas vue autrement que cultivée.Il fait la même remarque pour les formes voisines (ôicolor, sac-1.Franchetet Savatier,Enum. Japon., 2,p. 262.2. Bunge,Enum.,n. 399;Maxiinowiez, PrimitiseAmur.,p. 330.3. Buhse,Aufzàklung,p.4. VoirParlatore,Fl. ital., 232.1,p. U3 Mntel,FI.franc., 4,p. 20,etc etc.5.Delile,Plantes<strong>cultivées</strong>en Eg>/i>ie, p. 7; Roxburgh, FL īnd., éd. 1832,t. i, p. 2G9;Aitchison,Gâtai.Punjab,p. 175;Bretschnei<strong>de</strong>r,Onvalue,etc.,p. 9.DE <strong>Candolle</strong>. 20


306 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINEScharatus, etc.), qu'on regar<strong>de</strong> souvent comme <strong>de</strong> simples variétés.Aitchison n'a vu aussi le Sorgho que cultive. L'absence<strong>de</strong> nom sanscrit rend également l'origine indienne très douteuse.Bretsehnei<strong>de</strong>r, <strong>de</strong> son côté, dit le Sorgho indigène en Chine,quoique les anciens auteurs chinois, selon lui, n'en aientpas parlé.Il est vrai qu'il cite le nom, vulgaire à Péking, <strong>de</strong> Kao-hang(haut Millet), qui s'applique aussi à VHoloussacckaratus, pourlequel il convient mieux.iLe Sorgho n'a pas été trouvé dans les restes <strong>de</strong>s palafittes <strong>de</strong>Suisse et d'Italie. Les Grecs n'en ont pas parlé. La phrase <strong>de</strong>Pline 1 sur un Milium introduit <strong>de</strong> son temps <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> en Itaiiea fait croire qu'il s'agissait du Sorgho, mais c'était une planteplus élevée, peut-être YHolcus saccharatus. Le Sorgho n'a pas ététrouvé en nature et d'une manière certaine dans les tombeaux<strong>de</strong> l'ancienne Egypte. Le Dr Hannerda cru le reconnaître d'aprèsquelques graines écrasées que Rosellini avait rapportées <strong>de</strong>Thèbes2 mais le conservateur <strong>de</strong>s antiquités égyptiennes duMuséebritannique, M.Birch, a déclaré plus récemment qu'on n apas découvert l'espèce dans les anciens tombeaux s. Pickeringdit en avoir reconnu <strong>de</strong>s feuilles, mêlées avec celles du Papyrus.Il dit aussi en avoir vu <strong>de</strong>s peintures,et Lepsius a figure <strong>de</strong>s<strong>de</strong>ssins qu'il prend, ainsi que Unger et Wilkinson, pour le Durra<strong>de</strong>s cultures mo<strong>de</strong>rnes 4. La taille et la forme <strong>de</strong> l'épi sont biendu Sorgho. Il est possible que cette espèce soit le Bochan, mentionnéune fois dans l'Ancien Testament s comme une céréaleavec laquelle on faisait du pain. Cependant le mot arabe actuelDochn s'applique au Sorgho sucré.Les noms vulgaires ne m'ont rien appris, a cause <strong>de</strong> leur sensou parce que souvent le même nom a été appliqué à différentsPanicum et Sorghum. Je ne puis en découvrir aucun qui soitcertain dans les langues anciennes <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> ou <strong>de</strong> l'Asie occi<strong>de</strong>ntale,ce qui fait présumer une introduction antérieure <strong>de</strong> peu<strong>de</strong> siècles à l'ère chrétienne. “Aucun botaniste n'a mentionné le Durra comme spontané enEgypte ou en Arabie. Une forme analogue est sauvage dansl'Afrique équatoriale; mais R. Brown n'a pas pu la déterminerexactement et la flore <strong>de</strong> l'Afrique tropicale qui se publie àKew ne contient pas encore l'article <strong>de</strong>s Graminées. II reste doncuniquement l'assertion du Dp Bretsehnei<strong>de</strong>r que le Sorgho, <strong>de</strong>gran<strong>de</strong> taille, est indigène en Chine. Si c'est bien l'espèce, elle1.Pline,Hist.,1.18, c. 7. “ “,2. Cité par Unger, Die Pflanzen <strong>de</strong>salten hgyptens,p. 34.3. S. Bireh,dans Wilkinson,Mannersand customsof ancientJ£gyptiansyi878,vol. 2, p.4.' Les <strong>de</strong>ssins 427.<strong>de</strong> Lepsius sont reproduits dans Unger, l. c., et dans.WIlkinsoD, 1.c.5.Ezechiel,4, 9.6.Brown,Bot.of Congo, p. 54.


SORGHOSUCRÉ30Yse serait répandue tardivement vers l'ouest. Mais les anciensEgyptiens la possédaient, et l'on se <strong>de</strong>man<strong>de</strong> alors comment ilsl'auraient reçue <strong>de</strong> Chine sans que les peuples intermédiaires enaient eu connaissance? Il est plus facile <strong>de</strong> comprendre l'indigénatdans l'Afrique équatoriale, avec transmission préhistoriqueen Egypte, dans l'In<strong>de</strong> et finalement en Chine, où laculture ne paraît pas très ancienne, car le premier ouvrage quien parle date du rve siècle <strong>de</strong> notre ère.A l'appui d'une origine africaine, je citerai l'observation <strong>de</strong>Schmidt que l'espèce abon<strong>de</strong> dans l'île San Antonio <strong>de</strong> l'archipeldu Cap-Vert, dans <strong>de</strong>s localités rocailleuses. Il la croit« complètement naturalisée », ce qui peut-être cache une véritableorigine.Sorgho sucré. Holcus saccharatus, Linné. Andropagonsaccharatus, Roxburgh. Sorghum saccharatum, Persoon.Cette espèce, plus haute que le Sorgho ordinaire, et à paniculediffuse2, est cultivée dans les pays tropicaux pour le grain,qui ne vaut cependant pas celui du Sorgho ordinaire, et dansles régions moins chau<strong>de</strong>s comme fourrage, ou même pour lesucre assez abondant que renferme la tige. Les Chinois en tirent<strong>de</strong> l'alcool, mais non du sucre.L'opinion <strong>de</strong>s botanistes et du public la fait venir <strong>de</strong> lln<strong>de</strong>mais, d'après Roxburgh, elle est seulement cultivée dans cetterégion. Il en est <strong>de</strong> même aux îles <strong>de</strong> la Son<strong>de</strong>, où le Battariest bien l'espèce actuelle. C'est le Kao-liang (grand Millet) <strong>de</strong>sChinois. Onne le dit pas spontané en Chine. Il n'est pas mentionnédans les auteurs plus anciens que l'ère chrétienne D'après cesdivers témoignages et l'absence <strong>de</strong> tout nom sanscrit, l'origineasiatique me paraît une illusion.La plante est cultivée maintenant en Egypte moins que leSorgho ordinaire, et en Arabie, sous le nom <strong>de</strong> Dochna ou Dochn.Aucun botaniste ne l'a vue spontanée dans ces pays 4. On n'a pas<strong>de</strong> preuve que les anciens Egyptiens l'aient cultivée. Hérodote Ba parlé d'un Millet en arbre, <strong>de</strong>s plaines d'Assyrie. Ce pourraitêtre l'espèce actuelle, mais comment le prouver?Les Grecs et les Latins n'en avaient pas connaissance, du moinsavant l'époque <strong>de</strong> l'empire romain, mais il est possible que cefût le Millet, haut <strong>de</strong> sept pieds, dont Pline fait mention 6 commeayant été introduit <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, <strong>de</strong> son vivant.1. Schmidt,Beitrdge zur Flora capvevdischen Inseln,p. 158.2. VoirHost,draminexaustriacœ,vol. 4, pi. 4. “,3.Roxburgh, FI. ind. éd.2,vol.1, p. 271 Kumphius,Amboin.,a, p. i\)i,pi. 75, fig. 1; Miquel,FI. indo-batava,3, p. 503;Bretschnei<strong>de</strong>r,On thevalue,etc., p. 9 et 46; Loureiro,FI. cocfdnch.,2, p. 792.4. Forskal,Delile,Schweinfurthet Ascherson,l. c.5.Hérodote,1. 1, c. 193.6. Pline, Hist.,1.18, c. 7. Cepourrait être aussila variétéon espèceappeléebicolor.


308 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS GRAINESProbablement il faut chercher l'origine dans l'Afrique intertropicale,où l'espèce est généralement cultivée. Sir W.Hooker1 1cite <strong>de</strong>s échantillons <strong>de</strong>s bords du fleuve Nun, qui étaient peutêtresauvages. La publication prochaine <strong>de</strong>s Graminées dans laFlore <strong>de</strong> l'Afrique tropicale jettera probablement du jour surcette question.L'expansion <strong>de</strong> la culture do l'Afrique intérieurs à 1 Egypte,<strong>de</strong>puis les Pharaons, à l'Arabie, l'archipel indien, et, aprèsl'époque du sanscrit, à l'In<strong>de</strong>, enfin à la Chine, vers le commencernent<strong>de</strong>notre ère, concor<strong>de</strong>rait avec les indications historiqueset n'est pas difficile à admettre. L'hypothèse inverse, d'une transmission<strong>de</strong> l'est à l'ouest, présente une foule d'objections.Plusieurs autres formes <strong>de</strong> Sorgho sont <strong>cultivées</strong> en Asie et enAfrique, par exemple le cernuus, à épis penchés, dont parleRoxburgh et que Prosper Alpin avait vu en Egypte: le bicolor,qui par sa taille ressemble au saccharatus; et les niger, rubens,qui paraissent encore plus <strong>de</strong>s variétés <strong>de</strong> culture. Aucune n'aété trouvée sauvage, et il est probable qu'un monographe lesrattacherait comme <strong>de</strong> simples dérivations aux espèces sus-mentionnées.Coracan. Eleusine Coracana, Gsertner.Cette Graminée annuelle, qui ressemble aux Millets, est <strong>cultivées</strong>urtout dans l'In<strong>de</strong> et l'archipel indien. Elle l'est aussi enEgypte 2 et en -Abyssinie3 mais le silence <strong>de</strong> beaucoup <strong>de</strong>botanistes qui ont parlé <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> <strong>de</strong> l'Afrique intérieure ouocci<strong>de</strong>ntale fait présumer que la culture en est peu répanduesur ce continent. Au Japon 4 elle s'échappe quelquefois hors<strong>de</strong>s endroits où on la cultive. Les graines mûrissent dans lemidi <strong>de</strong> l'Europe; mais la plante y est sans mérite, excepté commefourrage 5.Aucun auteur ne dit l'avoir trouvée à l'état spontané, en Asieou en Afrique. Roxburgh B,le plus attentif à ces sortes <strong>de</strong> questions,après avoir parlé <strong>de</strong> sa culture, ajoute « Je ne l'aijamais vue sauvage. » Il distingue, sous le nom &' Eleusine stricta,une forme encore plus fréquemment cultivée dans l'In<strong>de</strong>, quiparaît une simple variété du Coracana, et qu'il n'a égaiementpas rencontrée hors <strong>de</strong>s cultures.La patrie nous sera indiquée par d'autres moyens.Et d'abord les espèces du genre Eleusine sont plus nombreusesdans l'Asie méridionale que dans les autres régions tropicales.1.W. Hooker,NigerFlora.2. Schweinfurthet Asch.er.on,Aufz'àhlung, p.3. Bonjardinier, 1880,p. S85.299.4. Frauchetet Savatier,Enum.plant. Japon.,2,p.5. Bonjardinier, ibid.172-6. Boxburgh, Flora indica,ed. 2, vol. 1,p. 343.


RIZ 309Outre la plante cultivée, Royle mentionne d'autres espècesdont les habitants pauvres <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> recueillent les graines dansla campagne.D'après l'In<strong>de</strong>x <strong>de</strong> Piddington, il y a un nom sanscrit, Rajika,et plusieurs autres noms dans les langues mo<strong>de</strong>rnes <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>.Celui <strong>de</strong> Coracana vient du nom usité à Ceylan, Kourahhan 2.Dans l'archipel indien, les noms paraissent moins nombreux etmoins originaux.En Egypte, la culture <strong>de</strong> cette espèce ne peut pas être ancienne.Les monuments <strong>de</strong> l'antiquité n'en indiquent aucune trace. Lesauteurs gréco-romains, qui connaissaient le pays, n'en ont pasparlé, ni plus tard Prosper Alpin, Forskal, Delile. Il faut arriverà un ouvrage tout récent, comme celui <strong>de</strong> MM.Schweinfurth etAscherson, pour trouver l'espèce mentionnée, et je ne puis mêmedécouvrir un nom arabe 3.Ainsi toutes les probabilités botaniques, historiques et linguistiquesconcourent à démontrer une origine indienne.La flore <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> anglaise, dont les Graminées n'ont pasencore paru, nous dira peut-être si l'on a trouvé la plante spontanéedans <strong>de</strong>s explorations récentes.On cultive en Abyssinie une espèce très voisine, EleusmeTocussa, Fresenius plante fort peu connue, qui est peut-êtreoriginaire d'Afrique.Riz. Oryza sativa, Linné.Dans la cérémonie instituée par l'empereur Chin-Nong, 2800ans avant Jésus-Christ, le Riz joue le rôle principal. C'est 1 empereurrégnant qui doit le semer lui-même, tandis que les quatreautres espèces sont ou peuvent être semées par les princes <strong>de</strong> safamille b.Les cinq espèces sont regardées par les Chinois commeindigènes, et il faut convenir que c'est bien probable pour le riz,vu son emploi général et ancien, dans un pays coupé <strong>de</strong> canauxet <strong>de</strong> rivières, si favorable aux <strong>plantes</strong> aquatiques. Les botanistesn'ont pas assez herborisé en Chine pour qu'on sache jusqu'àquel point le Riz s'y trouve hors <strong>de</strong>s cultures; mais Loureiro 6l'a vu dans les marais <strong>de</strong> la Cochinchine.Rumphius et les auteurs mo<strong>de</strong>rnes sur l'archipel indien l'indiquentseulement comme cultivé. La multitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s noms et <strong>de</strong>svariétés fait présumer une très ancienne culture. Dans l'In<strong>de</strong>i. Rovle,IU. Himal.plants.2. Thwaites,Enumṗlant. Zesjl, p. 371.3. Plusieurs <strong>de</strong>s synonymes et le nom arabe dansLinné, Delile,etc..s'appliquent au DÛtylJctentim rgyptiaeum, Will<strong>de</strong>now, soit Eleusincsoi/utiaca, <strong>de</strong> quelquesauteurs,qu'on ne cultivepas.4. Fresenius, Catal. sem. hooti Francof., 1834; Beitrage zur Floia9bg.ssin.,p. 141.^Stanislas Julien, dansLoiseleur,Consià.surles céréales,part. 1,p.29;Bretsehneidw,Onthestudyand wilue of botanical chineseworlct,, p. 8 et J.6.Loureiro,FI.cochïnch.,1, p. 267.


310 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINESbritannique, elle date au moins <strong>de</strong> l'invasion <strong>de</strong>s Aryas, puisquele Riz a <strong>de</strong>s noms en sanscrit, Vrihi, Arunya 1, d'où viennentplusieurs noms <strong>de</strong>s langues mo<strong>de</strong>rnes <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, et Oruza, ouOruzon <strong>de</strong>s anciens Grecs, Rouz ou Arous <strong>de</strong>s Arabes. Théophrastea parlé du Riz comme cultivé dans l'In<strong>de</strong>. Les Grecsl'avaient connu par l'expédition d'Alexandre. « D'après Aristobule,dit Strabon 3, le Riz croît dans la Bactriane, la Babylonie,la Susi<strong>de</strong>, » et il ajoute «Nous dirons, nous, dans la basse Syrieaussi. » Plus loin, il note que les Indiens s'en nourrissent et entirent une sorte <strong>de</strong> vin. Ces assertions, douteuses peut-êtrepour la Bactriane, montrent une culture bien établie au moins<strong>de</strong>puis le temps d'Alexandre (400 ans avant Jésus-Christ) dansla région <strong>de</strong> l'Euphrate, et <strong>de</strong>puis le commencement <strong>de</strong> notreère dans les endroits chauds et arrosés <strong>de</strong> la Syrie. L'Ancien Testamentn'a pas parlé du Riz; mais un auteur toujours exact etjudicieux, L. Reynier 4, a relevé dans les livres du Talmud plusieurspassages relatifs à sa culture. On est conduit par ces faitsà supposer que les Indiens ont employé le Riz après les Chinois,et qu'il s'est répandu vers l'Euphrate encore plus tard, antérieurementcependant à l'invasion <strong>de</strong>s Aryas dans l'In<strong>de</strong>. Depuisl'existence <strong>de</strong> cette culture en Babylonie, il s'est écoulé plus <strong>de</strong>mille ans jusqu'au transport en Syrie, et l'introduction en Egyptea suivi celle-ci, <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ou trois siècles probablement. En effet,il n'y a aucune indication du Riz dans les graines ou les peintures<strong>de</strong> l'ancienne Egypte 5. Strabon, qui avait vu ce pays, comme laSyrie, ne dit pas que le Riz fût cultivé <strong>de</strong> son temps en Egypte,mais que les Garamantes le cultivaient, et ce peuple est considérécomme ayant habité une oasis au midi <strong>de</strong> Carthage.L'avaient-ils reçu <strong>de</strong> Syrie? C'est possible. En tout cas, l'Egyptene pouvait pas tar<strong>de</strong>r à possé<strong>de</strong>r une culture si bien appropriéeà ses conditions particulières d'arrosement. Les Arabes ontintroduit l'espèce en Espagne, comme l'indique le nom espagnolArroz. Les premières cultures <strong>de</strong> Riz en Italie datent <strong>de</strong> 1468,près <strong>de</strong> Pise7.. Celles <strong>de</strong> la Louisiane sont mo<strong>de</strong>rnes.Lorsque j'ai présumé la culture moins ancienne dans l'In<strong>de</strong>qu'en Chine, je n'ai pas entendu que la plante n'y fût passpontanée. Elle appartient à une famille où les habitations <strong>de</strong>s1. Piddington,In<strong>de</strong>x; Hehn,Culturpflanzen,ed. 3, p. 437.2. Theophrastes,Hist.,1.4, c. 4, 10.3. Strabon, Géographie, trad. <strong>de</strong> Tardieu,1.15, c. 1, §18; 1. 15,c. 1,§ 53.4. Reynier, Economie<strong>de</strong>s Arabeset <strong>de</strong>s Juifs (1820),p. £50 Economiepubliqueet rurale<strong>de</strong>sEgyptiens et <strong>de</strong>s Carthaginois(1823),p. 324.5. Ungern'en cite aucune. M.S. Biivh,en 4878,a mis une note dansl'ouvrage <strong>de</strong> Wilkinson,Mannersand customsof the ancientEgyptians,2,p. 402,pourdire «Onn'a aucunepreuve<strong>de</strong> la culturedu riz, donton n'apas trouvé<strong>de</strong> graines.6. Reynier,Lc.»7.Targioni,Cenni,p. 24.


MAÏS 311espèces sont étendues, et en outre les <strong>plantes</strong> aquatiques ontSinairement <strong>de</strong> plus vastes habitations que les autres. Le Rizexistaitpeut-êtreavant toute culture dans l'Asie méridionale, <strong>de</strong>la Chine au Bengale, comme l'indique la diversité <strong>de</strong>s nomsdans les langues monosyllabiques <strong>de</strong>s peuples entre l'In<strong>de</strong> et laChine 1. Onl'a trouvé hors <strong>de</strong>s cultures dans plusieurs localités2<strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>. Roxburgb. l'affirme. Il raconte que le Riz sauvage,tveteNeivaïee par les Telingas, croît en abondance aux bords<strong>de</strong>s lacs dans le pays <strong>de</strong>s Circars. Le grain en est recherhé parles riches Tndo^; mais on ne le sème pas, parce qu'il est peuproductif. Roxburgh ne doute pas que ce ne soit la plante originelle.Thomso^agrecueilliunRiz sauvage à Moradabad dans laprovince <strong>de</strong> Dehli. Les raisons historiques appuient l'idée queces échantillons sont indigènes. Sans cela, on pourraitles supposerun effet <strong>de</strong> la culture habituelle <strong>de</strong> l'espèce, d'autant plusqu'on a <strong>de</strong>s exemples<strong>de</strong> la facilité avec laquelle le Riz se sèmeet se naturalise dans les pays chauds et humi<strong>de</strong>s 4. Toutefois lacombinaison <strong>de</strong>s indices historiques et <strong>de</strong>s probabilités botaniquestend à faire admettre pour l'In<strong>de</strong> une existence antérieureà la culture.Maïs. Zea Mays, Linné. -) -) ““« Le Maïs est originaire d'Amérique et n'a été introduit dansl'ancien mon<strong>de</strong> que <strong>de</strong>puis la découverte du nouveau. Je regar<strong>de</strong>ces <strong>de</strong>ux assertions comme positives, malgré l'opinion contraire<strong>de</strong> quelques auteurs et le doute émis parle célèbre agronomeBonafous, auquel nous <strong>de</strong>vons le traité le plus complet sur leMaïs 3 » C'est ainsi que je m'exprimais en 18SS après avoirdéjà combattu l'idée <strong>de</strong> Bonafous au moment <strong>de</strong> la publication<strong>de</strong> son ouvrage 6. Les preuves se sont renforcées <strong>de</strong>puis en faveur<strong>de</strong> l'origine américaine. Cependant on a fait <strong>de</strong>s tentativesdans un sens opposé, et, comme le nom <strong>de</strong> Blé <strong>de</strong> Turquie entretientuneerreur, il est bon <strong>de</strong> reprendrela discussion avec <strong>de</strong>nouveaux documents.Personne ne conteste que le Maïs était inconnu en Europe dutemps <strong>de</strong> l'empire romain, mais on a prétendu qu'il avait étéapporté d'Orient, au moyen âge. fument principal reposaitsur une charte du mP siècle, publiée par Molinan d après1 Crawfurd,dansJournal of botany,1S66,p. 324.2. Roxburgh, Fl. ind., ed. 1832,v. 2, p. 200.3. D'aprèsAitchison,Catal.Punjab,p. loi.4. Nees,dans Martius,Fl. brasil., ia-8»,2, p. 518;Baker, FI. of Mauritius,p. 458.5.Bonafous, Hist. nat. agric. et économique dv, Maù. un vol. in-folio,Paris et Turin, 1836.Pa6Î\â<strong>de</strong>acïndoiïtBibliothèqueuniverselle<strong>de</strong> Genève, aoûtl836; Géogr.iot. raisonnêe,p. 942.1.MolinariȘtoria d'incisa,Asti, 1810.


312 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS GRAINESlaquelle <strong>de</strong>ux croisés, compagnons d'armes <strong>de</strong> Boniface 111,marquis<strong>de</strong> Monferrat, auraient donné en 1204, à la ville d'Incisa,un morceau <strong>de</strong> la vraie croix plus une bourse contenant unesorte <strong>de</strong> grains <strong>de</strong> couleur d'or et en partie blancs, inconnusdans le pays, qu'ils rapportaient d'Anatolie, où ils s'appelaientMeliga, etc. L'historien <strong>de</strong>s croisa<strong>de</strong>s, Michaux, et ensuite Daruet <strong>de</strong> Sismondi, ont beaucoup parlé <strong>de</strong> cette charte; mais le botanisteDelile, ainsi que Targioni-Tozzetti et Bonafous lui-mêmeont pensé qu'il s'agissait <strong>de</strong> quelque Sorgho et non du Maïs. Cesvieilles discussions sont <strong>de</strong>venues risibles, car M. le comte Riant la découvert que la charte d'Incisa est une pure fabrication d'unimposteur du siècle actuel! Je cite cet exemple pour montrercombien les érudits, qui ne sont pas naturalistes, peuvent setromper dans l'interprétation <strong>de</strong>s noms <strong>de</strong> <strong>plantes</strong>, et aussi combienil est dangereux dans les questions historiques <strong>de</strong> s'appuyersur une preuve isolée.Les noms <strong>de</strong> Blé <strong>de</strong> Turquie, Blé turc donnés au Maïs danspresque toutes les langues mo<strong>de</strong>rnes d'Europe ne démontrentpas mieux que la charte d'Incisa une origine orientale. Ce sont<strong>de</strong>s noms aussi faux que celui du Coq d'In<strong>de</strong>, en anglais Turkey,donné à un oiseau venu d'Amérique. Le Maïs a été appelé enLorraine et dans les Vosges Blé <strong>de</strong> Rome, en Toscane Blé <strong>de</strong> Sicile,en Sicile Blé d'In<strong>de</strong>, dans les Pyrénées Blé d'Espagne, enProvence Blé <strong>de</strong> Barbarie ou <strong>de</strong> Guinée. Les Turcs le nommentBlé d'Egypte, et les Egyptiens Dourah <strong>de</strong> Syrie. Dans ce <strong>de</strong>rniercas, cela prouve au moins qu'il nJest ni d'Egypte ni <strong>de</strong> Syrie. Lenom si répandu <strong>de</strong> Blé <strong>de</strong> Turquie date du svie siècle. Il estvenu d'une erreur sur l'origine <strong>de</strong> la plante, entretenue peutêtrepar les houppes qui terminent les épis <strong>de</strong> Maïs, qu'on auraitcomparées à la barbe <strong>de</strong>s Turcs, ou par la vigueur <strong>de</strong> la plante,qui motivait une expression analogue à celle <strong>de</strong> « fort commeun Turc ». Le premier botaniste chez lequel on trouve le nom<strong>de</strong> Blé turc est Ruellius 2 en 1536. Bock ou Tragus 3, en 1552,après avoir donné une figure <strong>de</strong> l'espèce, qu'il nomme l'rumentumturcicum, Welschkom <strong>de</strong>s Allemands, ayant appris par <strong>de</strong>smarchandsqu'elle venait <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, eut l'idée malheureuse <strong>de</strong>supposer que c'était un certain Typha <strong>de</strong> Bactriane, dont lesanciens avaient parlé vaguement. Dodoens en 1583, Camerariusen 1388 et Matthiole 4 rectifièrent ces erreurs et affirmèrentpositivement l'origine américaine. Ils adoptèrent le nom <strong>de</strong>Mays, qu'ils savaient américain.1. Riant, La charted'Incisa,broch. m-8",1S77țirée à part <strong>de</strong> la Revue<strong>de</strong>squestionshistoriques.2. Ruelliu*,Deratura stirpium,p. 428 « Hane quoniam nostrorumœtate e Graeciavel Asiavenerit Turcicumfnimenlumnominant.» Fuchsius,p..824,répètecettephrase, en 1543.3. Tragus,Stirpium,etc., ed. 1552,p. 630.4. Dodopns,Pemptadcs,p. 509: Canier.v.-ii:?, Uart., p. 9i: MattMole,ed1570,p. 305.


MAÏS 313Nous avons vu (p. 291) que le Zza <strong>de</strong>s Grecs était 1 Epeautre.Bien certainement les anciens n'ont pas connu le Maïs. Les voyageurs4 qui décrivirent les premiers les productions du nouveaumon<strong>de</strong> furent très surpris -à sa vue, preuve évi<strong>de</strong>nte qu'ils nel'avaient pas connu en Europe. Hernan<strong>de</strong>z 2, parti d'Europe en1571, suivant les uns, en 1593, suivant d'autres 3, ne savaitpas qu'à Seville, dès l'année 1500, on avait reçu beaucoup <strong>de</strong>graines <strong>de</strong> Maïs pour le mettre en culture. Le fait, attesté parFée, qui avait vu les registres <strong>de</strong> la municipalité 4, montre bienl'origine américaine, en raison <strong>de</strong> laquelle Hernan<strong>de</strong>z trouvaitle nom <strong>de</strong> blé <strong>de</strong> Turquie très mauvais.On dira, peut-être, que le Maïs, nouveau pour l'Europe auxvie siècle, existait quelque part en Asie ou en Afrique avant ladécouverte <strong>de</strong> l'Amérique? Voyons ce qu'il faut en penser.Le célèbre orientaliste d'Herbelot 5 avait accumulé plusieursrreurs, relevées par Bonafous et moi-même, au sujet d'un passage<strong>de</strong> l'historien persan Mirkoud, du xvesiècle, sur une céréaleque Rous, fils <strong>de</strong> Japhet, aurait semée sur les bords <strong>de</strong> la merCaspienne et qui serait le Blé <strong>de</strong> Turquie <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>rnes. Il nevaut pas la peine <strong>de</strong> s'arrêter à ces assertions d'un savant quin'avait pas eu l'idée <strong>de</strong> consulter les ouvrages <strong>de</strong>s botanistes <strong>de</strong>son époque ou antérieurs. Ce qui est plus important, c'est lesilence absolu, au sujet du Maïs, <strong>de</strong>s voyageurs qui ont visitél'Asie et l'Afrique avant la découverte <strong>de</strong> l'Amérique c'est aussil'absence <strong>de</strong> nom hébreu ou sanscrit pour cette plante; et enfinque les monuments <strong>de</strong> l'ancienne Egypte n'en présentent aucunéchantillon ou <strong>de</strong>ssin 6.Rifaud, il est vrai, a trouvé une foisun épi <strong>de</strong> Maïs dans un cercueil <strong>de</strong> Thèbes, mais on éroit quec'est l'effet <strong>de</strong> quelque supercherie d'Arabe. Si le Maïs avaitexisté dans l'ancienne Egypte, il se verrait dans tous les monumentset aurait été lié à <strong>de</strong>s idées religieuses, comme les autres<strong>plantes</strong> remarquables. Une espèce aussi facile à cultiver se seraitrépandue dans les pays voisins. La culture n'aurait pas été abandonnée,et nous voyons, au contraire, que Prosper Alpin, visitantl'Egypte en 1592, n'en a pas parlé, et que Porskal 7, à la fin duxviue siècle, mentionnait le Maïs comme encore peu cultivé enEgypte, où il n'avait pas reçu un nom distinct <strong>de</strong>s Sorghos. EbnBaithar, mé<strong>de</strong>cin arabe du xrae siècle, qui avait parcouru lespays situés entre l'Espagne et la Perse, n'indique aucune plantequ'on puisse supposer le Maïs.1.P. Martyr,Ercilla,Jean <strong>de</strong> Lery,etc., <strong>de</strong> 1516à 1578.2. Hernan<strong>de</strong>z,Thés,mexic p. 242.3. Lasègue,MuséeDelessert,p. 467.4. Fée, Souvenirs<strong>de</strong> la guene d'Espagne,p. 128.5. Bibliothèque orientale,Paris,1697,au motRoos.6. Kanth, gnn. sc. nat., sér. 1, vol. 8, p. 418 Raspail,ibid. Unger,Pflanzen<strong>de</strong>saltenMgyptens; A. Braun,Pflnnzenresteœgypt Ṃus.in Berlin;"Wîlkinson,Mannersand customsofancientEgyptians.7.Forskal,p. LIII.


314 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS GRAINESJ. Cra-wfurd1,après avoirvuleMaïs généralement cultivé dansl'archipel indien, sous un nom, Jarung, qui lui paraissait indigène,a cru l'espèce originaire <strong>de</strong> ces îles. Mais alors commentRumphius n'en aurait-il pas dit un.mot? Le silence d'un pareilauteur fait présumer une introduction <strong>de</strong>puis le xvir3siècle. Surle continent indien, le Maïs était si peu répandu dans le siècle<strong>de</strong>rnier, que Roxburgh écrivait dans sa flore, publiée longtempsaprès avoir été rédigée « Cultivé dans différentes parties <strong>de</strong>l'In<strong>de</strong> dans les jardins et seulement comme objet <strong>de</strong> luxe; maisnulle part sur le continent indien comme objet <strong>de</strong> culture engrand. » Nous avons vu qu'il n'y a pas <strong>de</strong> nom sanscrit.En Chine, le Maïs est fréquemment cultivé aujourd'hui, enparticulier autour <strong>de</strong> Pélring <strong>de</strong>puis plusieurs générationsd'hommes 3, quoique la plupart <strong>de</strong>s voyageurs du siècle <strong>de</strong>rniern'en aient fait aucune mention. Le Dr Bretschnei<strong>de</strong>r, dans sonopuscule <strong>de</strong> 1870, n'hésitait pas à dire que le Maïs n'est pasoriginaire <strong>de</strong> Chine mais quelques mots <strong>de</strong> sa lettre <strong>de</strong> 1881me font penser qu'il attribue maintenant <strong>de</strong> l'importance à unancien auteur chinois dont Bonafous et après lui MM. Hance etMayers ontbeaucoup parlé. Il s'agit <strong>de</strong> l'ouvrage <strong>de</strong> Li-chi-Tchinintitulé Phen-thsao-Kang-Mou ou Pên-tsao-kung-mu espèce<strong>de</strong> traité d'histoire naturelle, que M. Bretschnei<strong>de</strong>r 4 dit être <strong>de</strong>la fin du xvie siècle. Bonafous précise davantage. Selon lui, il aété terminé en 1578. L'édition qu'il en avait vue, dans la bibliothèquelluzard, est <strong>de</strong> 1637. Elle contient la figure du Maïs, avecle caractère chinois. Cette planche est copiée dans l'ouvrage <strong>de</strong>Bonafous, au commencement du chapitre sur la patrie du Maïs.Il est évi<strong>de</strong>nt qu'elle représente la plante. Le Dr Hance paraîts'être appuyé sur <strong>de</strong>s recherches <strong>de</strong> M.Mayers, d'après lesquellesd'anciens auteurs chinois préten<strong>de</strong>nt que le Maïs aurait été importé<strong>de</strong> Sifan (Mongolie inférieure, à l'ouest <strong>de</strong> la Chine), longtempsavant la fin du quinzième siècle, à une date inconnue. Lemémoire contient une copie <strong>de</strong> la figure du Pên-tsa-kung-mu,auquel il attribue la date <strong>de</strong> 1597.L'importation par la Mongolie est tellement invraisemblablequ'il ne vaut pas la peine d'en parler, et, quant à l'assertionprincipale <strong>de</strong> l'auteur chinois, il faut remarquer les dates ou incertainesou tardives qui sont indiquées. L'ouvrage a été terminéen 1578, selon Bonafous, et selon Mayers en 1597. Si celaest vrai, surtout si la secon<strong>de</strong> <strong>de</strong> ces dates est certaine, on peutadmettre que le Maïs aurait été apporté en Chine <strong>de</strong>puis la dé-1. Crawfurd,Historyof theindianarchipelago,Edinburgh,1820,vol. i;Journalof bot.,1866,p. 326.2. Roxburgh, Flora indica,ed. <strong>de</strong> 1832,vol.3, p. 568.3. Bretschnei<strong>de</strong>r,Onstudyand value,etc.,p. 1, 18.4.Bretschnei<strong>de</strong>r,l. c., p. 50.5. L'articleest dansle Pharmaceulicaljournal<strong>de</strong> 1810.Je ne le connaisque par un court extrait,dansSeemann,Journalof batany,1871,p. 62.


MAÏS 318couverte <strong>de</strong> l'Amérique. Les Portugais sont venus à Java en1511, c'est-à-dire dix neuf années après la découverte <strong>de</strong> l'Amérique,et en Chine dès l'année 1516 '.Le voyage <strong>de</strong> Magellan<strong>de</strong> l'Amérique australe aux îles Philippines a eu lieu en 1320.Pendant les 58 ou 77 années entre 1516 et les dates attribuéesaux éditions <strong>de</strong> l'ouvrage chinois, <strong>de</strong>s graines <strong>de</strong> Maïs ont puêtre portées en Chine par <strong>de</strong>s voyageurs venant d'Amériqueou d'Europe. Le Dr Bretschnei<strong>de</strong>r m'écrivait récemment que lesChinois n'ont point eu connaissance du nouveau mon<strong>de</strong> avantles Européens, et que les terres situées à l'orient <strong>de</strong> leur pays,dont il est quelquefois question dans leurs anciens ouvrages,étaient le Japon. Il avait déjà cité l'opinion d'un savant chinoisque l'introduction du Maïs près <strong>de</strong> Peking date <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rnierstemps <strong>de</strong> la dynastie Ming, laquelle a fini en 1644. Voilà unedate qui s'accor<strong>de</strong> avec les autres probabilités.L'introduction au Japon est probablement plus tardive, puisqueKsempfer n'a pas mentionné l'espèce 2.D'après cet ensemble <strong>de</strong> faits, le Maïs n'était pas <strong>de</strong> l'ancienmon<strong>de</strong>. Il s'y est répandu rapi<strong>de</strong>ment après la découverte <strong>de</strong>l'Amérique, et cette rapidité même achève <strong>de</strong> prouver que, s'ilavait existé quelque part, en Asie ou en Afrique, il y aurait joué<strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s milliers d'années un rôle très important.Nous allons voir en Amérique <strong>de</strong>s faits qui contrastent avecceux-ci.Au moment <strong>de</strong> la découverte <strong>de</strong> ce nouveau continent, le Maïsétait une <strong>de</strong>s bases <strong>de</strong> son agriculture, <strong>de</strong>puis la région <strong>de</strong> laPlatajusqu'aux Etats-Unis. II avait <strong>de</strong>s noms dans toutes les langues3. Les indigènes le semaient autour <strong>de</strong> leurs <strong>de</strong>meures temporaires,quand ils ne formaient pas une population agglomérée.Les sépultures appelées mounds <strong>de</strong>s indigènes <strong>de</strong> l'Amérique duNord antérieurs à ceux <strong>de</strong> notre temps, les tombeaux <strong>de</strong>s Incas,les catacombes du Pérou renferment <strong>de</strong>s épis ou <strong>de</strong>s grains <strong>de</strong>Maïs, <strong>de</strong> même que les monuments <strong>de</strong> l'ancienne Egypte <strong>de</strong>sgrains d'Orge, <strong>de</strong> blé ou <strong>de</strong> Millet. Au Mexique, une déesse quiportait un nom dérivé <strong>de</strong> celui du Maïs (Cinteutl, <strong>de</strong> Cintli),.était comme la Cérès <strong>de</strong>s Grecs, car elle recevait les prémices<strong>de</strong> la récolte du Maïs, comme la déesse grecque <strong>de</strong> nos céréales.A Cusco, les vierges du soleil préparaient du pain <strong>de</strong> Maïs pourles sacrifices. Rien ne montre mieux l'antiquité et la généra ité<strong>de</strong> la culture d'une plante que cette fusion intime avec les usagesreligieux d'anciens habitants. Il ne faut cependant pas attribuerà ces indications en Amérique la même importance que dansnotre ancien mon<strong>de</strong>. La civilisation <strong>de</strong>s Péruviens, sous les1. Malte-Brun, Géographie,1, p. 493.2. Une plante gravée sur une ancienne arme que Sielold avait prise pourle Maïs est un Sorgho, d'après Rein, cité par Wittmaek, Ueb antiken Mais.3. Voir Martius, Beitrâge zur Ethnographie Amerika's, p. 127.


316 PLA.NTESCULTIVÉES POUR. LEURS GRAINESIncas, et celle <strong>de</strong>s Toltecs et Atztecs au Mexique ne remontentpas à l'antiquité extraordinaire <strong>de</strong>s civilisations <strong>de</strong> la Chine, <strong>de</strong>la Chaldée et <strong>de</strong> l'Egypte. Elle date tout au plus <strong>de</strong>s commencements<strong>de</strong> l'ère chrétienne; mais la culture du Maïs est plusancienne que les monuments d'après toutes les variétés <strong>de</strong>l'espèce qui s'y trouvaient et leur dispersion dans <strong>de</strong>s régionsfort éloignées.Voici une preuve plus remarquable d'ancienneté découvertepar Darwin. Cet illustre savant a trouvé <strong>de</strong>s épis <strong>de</strong> Maïs et18 espèces <strong>de</strong> coquilles <strong>de</strong> notre époque enfouis dans le terraind'une plage du Pérou, qui est maintenant à 85 pieds au moinsau-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> la mer'. CeMaïs n'était peut-être pas cultivé, maisdans ce cas ce serait encore plus intéressant comme indication<strong>de</strong> l'origine <strong>de</strong> l'espèce.Quoique l'Amérique ait été explorée par un grand nombre <strong>de</strong>botanistes, aucun n'a rencontré le Maïs dans les conditions d'uneplante sauvage.Auguste <strong>de</strong> Saint-Hilaire 2 avait cru reconnaître le type spo n-tané dans une forme singulière dont chaque grain est caché en<strong>de</strong>dans <strong>de</strong> sa bâle ou bractée. On la connaît à Buenos-Ayres,sous le nom <strong>de</strong> Pinsigallo. C'est le ZeaMays tunicata <strong>de</strong> Saint-Hilaire, que Bonafous a figuré dans sa planche 5 bis, sous lenom <strong>de</strong> Zea cryptosperma Lindley 3 en a aussi donné une <strong>de</strong>scriptionet une figure, d'après <strong>de</strong>s graines venues, disait-on, <strong>de</strong>smontagnes Rocheuses, origine qui n'est pas confirmée par lesflores récemment publiées <strong>de</strong> Californie. Un jeune Guarany, nédans le Paraguay ou sur ses frontières, avait reconnu ce Maïset dit à Saint-Hilaire qu'il croissait dans les forêts humi<strong>de</strong>s <strong>de</strong>son pays. Comme preuve d'indigénat, c'est très insuffisant. Aucunvoyageur, à ma connaissance, n'a vu cette plante au Paraguayou au Brésil. Mais, ce qui est bien intéressant, onl'a cultivée en Europe, et il a été constaté qu'elle passe fréquemmentà l'état ordinaire du Maïs. Lindley l'avait observé après<strong>de</strong>ux au trois années seulement <strong>de</strong> culture, et le professeur vonRadie a obtenu d'un même semis 225 épis <strong>de</strong> la forme tunicataet 105<strong>de</strong> forme ordinaire, à grains nus4.Evi<strong>de</strong>mment cetteforme,qu'on pouvait croire une véritable espèce, mais dont la patrieétait cependant douteuse, est à peine une race. C'est une <strong>de</strong>sinnombrables variétés, plus ou moins héréditaires, dont les botamstesles plus accrédités ne font qu'une seule espèce, à cause<strong>de</strong> leur peu <strong>de</strong> fixité et <strong>de</strong>s transitions qu'elles présentent fréquemment.Sur l'état du Zea Mays et sur son habitation en Amérique,i. Darwin,Variationsof animals andplantsun<strong>de</strong>rdomestication, 1, p. 320.2.A. <strong>de</strong> Saint-Hilaire,Ann.se.nat., 16,p; 143.3.Lindley,Journalof thehortic.Society,1, p. 114.4. Je citeces faits d'après Wittmack,UeberanlikenMaïsans NordundSud Àmerika,p. 87, dansBerlin, antfiropolog.Ges.,10nov. 1879»


MAÏS 317avant que l'homme se fût mis à le cultiver, on ne peut faire que<strong>de</strong>s conjectures. Je les énoncerai, selon ma manière <strong>de</strong> voir,parce qu'elles conduisent pourtant à certaines indicaticns probables.Je remarque d'abord que le Maïs est une plante singulièrementdépourvue <strong>de</strong> moyens <strong>de</strong> dispersion et <strong>de</strong> protection. Lesgraines se détachent difficilement <strong>de</strong> l'épi, qui est lui-mêmeenveloppé. Elles n'ont aucune aigrette ou aile dont le vent puisses'emparer. Enfin, quand l'homme ne recueille pas l'épi, ellestombent enchâssées dans leur gangue, appelée rafle, et alors lesrongeurs et autres animaux doivent les détruire en qualité,d'autant mieux qu'elles ne sont pas assez dures pour traverserintactes les voies digestives. Probablement, une espèce aussi malconformée <strong>de</strong>venait <strong>de</strong> plus en plus rare, dans quelque régionlimitée, et allait s'éteindre, lorsqu'une tribu errante <strong>de</strong> sauvages,s'étant aperçue <strong>de</strong> ses qualités nutritives, l'a sauvée <strong>de</strong> sa perteen la cultivant. Je crois d'autant plus à une habitation naturellerestreinte que l'espèce est unique, c'est-à-dire qu'elle constituece qu'on appelle un genre monotype. Evi<strong>de</strong>mment les genres <strong>de</strong>peu d'espèces et surtout les monotypes ont, en moyenne, unehabitation plus étroite que les autres. La paléontologie apprendrapeut-être un jour s'il a existé en Amérique plusieursZea ou Graminées analogues, dont notre Maïs serait le <strong>de</strong>rnier.Au temps actuel le genre Zea, non seulement est monotype,mais encore est assez isolé dans sa famille. On peut mettre àcôté <strong>de</strong> lui un seul genre, Euchlxna, <strong>de</strong> Schra<strong>de</strong>r, dont uneespèce est au Mexique et l'autre à Guatemala, mais c'est ungenre bien particulier et sans transitions avec le Zea.M. Wittmack a fait <strong>de</strong>s recherches curieuses pour <strong>de</strong>vincrquelle variété du Maïs représente, avec une certaine probabilité,la forme d'une époque antérieure aux cultures. Dans ce but, il acomparé <strong>de</strong>s épis et <strong>de</strong>s grains extraits <strong>de</strong>s Mounds <strong>de</strong> l'Amériquedu Nord, et <strong>de</strong>s tombeaux du Pérou. Si ces monumentsavaient montré une seule forme <strong>de</strong> Maïs, le résultat aurait étésignificatif; mais il s'est trouvé plusieurs variétés différentes,soit dans les fflounds, soit au Pérou. Il ne faut pas s'en étonner.Ces monuments ne sont pas très anciens. Le cimetière d'Ancon,au Pérou, dont M. Wittmack a obtenu les meilleurs échantillons,est à peu près contemporain <strong>de</strong> la découverte <strong>de</strong> l'Amérique1. Or, à cette époque, le nombre <strong>de</strong>s variétés était déjàconsidérable, selon tous les auteurs, ce qui prouve une culturebeaucoup plus ancienne.Des expériences dans lesquelles on sèmerait, plusieurs annéesl. Rochebrnne,Recherches ethnographiques sur les sépulturespéruviennesd'Ancon,d'après un extrait par Wittmack, dans Uhhvorm,Bot. Centralblatt,1880,p. 1633,où l'on voit quele cimetièrea serviavant et <strong>de</strong>puisla découverte<strong>de</strong> l'Amérique.


318 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS GRAINES<strong>de</strong> suite, <strong>de</strong>s variétés <strong>de</strong> Maïs, dans <strong>de</strong>s terrains non cultivés,montreraient peut-être un retour à quelque forme commune,qu'on pourrait alors considérer comme la souche. Rien <strong>de</strong> pareiln'a été fait. On a seulement observé que les variétés sont peustables, malgré leur gran<strong>de</strong> diversité.Quant à l'habitation <strong>de</strong> la forme primitive inconnue, voici lesraisonnements qui peuvent la faire entrevoir jusqu'à un certainpoint.Les populations agglomérées n'ont pu se former que dans lespays où se trouvaient naturellement <strong>de</strong>s espèces nutritivesfaciles à cultiver. La pomme <strong>de</strong> terre, la batate et le maïs ontjoué sans doute ce rôle en Amérique, et les gran<strong>de</strong>s populations<strong>de</strong> cette partie du mon<strong>de</strong> s'étant montrées d'abord dans lesrégions situées à une certaine élévation, du Chili au Mexique,c'est là probablement que se trouvait le Maïs sauvage. Il nefaut pas chercher dans les régions basses, telles que le Paraguay,les bords du fleuve <strong>de</strong>s Amazones, ou les terres chau<strong>de</strong>s <strong>de</strong> laGuyane, <strong>de</strong> Panama et du Mexique, puisque leurs habitantsétaient jadis moins nombreux. D'ailleurs les forêts ne sont nullementfavorables aux <strong>plantes</strong> annuelles, et le Maïs ne prospèreque médiocrement dans les contrées chau<strong>de</strong>s et humi<strong>de</strong>s où l'oncultive le Manioc i.D'un autre côté, sa transmission, <strong>de</strong> proche en proche, est plusfacile à comprendre si le point <strong>de</strong> départ est supposé au centreque si on le place àl'une <strong>de</strong>s extrémités <strong>de</strong>l'étendue dans laquelleon cultivait l'espèce du temps <strong>de</strong>s Incas et <strong>de</strong>s Toltecs, ou plutôt<strong>de</strong>s Mayas, Nahuas et Chibchas qui les ont précédés. Les migrations<strong>de</strong>s peuples n'ont pas marché régulièrement du nord aumidi ou du midi au nord. On sait qu'il y en a eu dans <strong>de</strong>s sensdivers, selon les époques et les pays 2. Les anciens Péruviensavaient à peine connaissance <strong>de</strong>s Mexicains et vice versa, commele prouvent leurs croyances et <strong>de</strong>s usages extrêmement différents.Pour qu'ils aient cultivé <strong>de</strong> bonne heure, les uns et lesautres, le Maïs, il faut supposer un point <strong>de</strong> départ intermédiaireou à peu près. J'imagine que la Nouvelle-Grena<strong>de</strong> répondassez bien à ces conditions. Le peuple appelé Chibcha, qui occupaitle plateau <strong>de</strong> Bogota lors <strong>de</strong> la conquête par les Espagnolset se regardait comme autochtone, était cultivateur. Il jouissaitd'un certain <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> civilisation, attesté par <strong>de</strong>s monumentsque l'on commence à explorer. C'est peut-être lui qui possédaitle Maïs et en avait commencé la culture. Il touchait d'un côtéaux Péruviens, encore peu civilisés, et <strong>de</strong> l'autre aux Mayas, qui1. Sagot, Culture<strong>de</strong>scéréales<strong>de</strong> la Guyanefrançaise(Journal <strong>de</strong> la Soc.centr.d'hortic.<strong>de</strong>France,1872,p. 94).2.M.<strong>de</strong> Nadaillac,dans son ouvrageintitulé Les premiershommesetles tempspréhistoriques,donneun abrégédupeu que l'on sait aujourd'huisur ces migrations et engénéralsur les ancienspeuplesd'AmériqueṾoiren particulierle vol. 2, chap. 9.


PAVOT 319occupaient l'Amérique centrale et le Yucatan. Ceux-ci eurentsouvent <strong>de</strong>s conflits du côté du nord avec les Nahuas, prédécesseursau Mexique <strong>de</strong>s Toltecs et <strong>de</strong>s Aztecs. Une traditionporte que Nahualt, chef <strong>de</strong>s Nahuas, enseignait la culture duMaïs l.Je n'ose pas espérer qu'on découvre du Maïs sauvage, quoiqueson habitation préculturale fût probablement si petite queles botanistes ne l'ont peut-être pas encore rencontrée. L'espèceest tellement distincte <strong>de</strong> toutes les autres et si apparente queles indigènes ou <strong>de</strong>s colons peu instruits l'auraient remarquée eten auraient parlé. La certitu<strong>de</strong> sur l'origine viendra plutôt <strong>de</strong>découvertes archéologiques. Si l'on étudie un plus grand nombred'anciens monuments dans toutes les parties <strong>de</strong> l'Amérique, sil'on parvient à déchiffrer les inscriptions hiéroglyphiques <strong>de</strong>quelques-uns d'entre eux, et si l'on arrive à connaître les dates<strong>de</strong>s migrations et <strong>de</strong>s faits économiques, notre hypothèse serajustifiée, modifiée ou renversée.Article 2. Graines servant à tïtïers usages.Pavot. Papaver somniferum, Linné.On cultive le Pavot ordinairement pour l'huile, dite huiled'œillette, produite par les graines, et quelquefois, surtout enAsie, pour le suc, qu'on extrait en incisant les capsules et quifournit l'opium.La forme cultivée <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s siècles s'échappe facilement hors<strong>de</strong>s cultures, ou se naturalise à peu près dans certaines localitésdu midi <strong>de</strong> l'Europe s. On ne peut pas dire qu'elle existe à l'étatvraiment sauvage, mais les botanistes s'accor<strong>de</strong>nt à la considérercomme une modification du Pavot appelé Papaver setigerum,qui est spontané dans la région <strong>de</strong> la mer Méditerranée,notamment en Espagne, en Algérie, en Corse, en Sicile, enGrèce et dans l'île <strong>de</strong> Chypre. On ne l'a pas rencontré dans l'Asieorientale 3; par conséquent, si c'est bien l'origine <strong>de</strong> la formecultivée, la culture doit avoir commencé en Europe ou dansl'Afrique septentrionale.A l'appui <strong>de</strong> cette réflextion, il se trouve que les lacustres <strong>de</strong>l'âge <strong>de</strong> pierre, en Suisse, cultivaient un Pavot qui se rapprocheplus du P. setigerum que du som.nife.rum. M. Heer 4 n'a pas pudécouvrir ses feuilles, mais la capsule est surmontée <strong>de</strong> huit stig-1.De Nadaillac,2, p. 69, qui citel'ouvrageclassique <strong>de</strong> Bancroft,Thenativeracesof the Pacificstates.2. Willkommet Lance, Prodr. fl. hisp.,3, p. 872.3.Boissier,Fl. orient.; Tchiliatcheff, Asie Mineure;Le<strong>de</strong>bour,Fl. rossica,et autres.4. Hser>,Pflanzen <strong>de</strong>r Pfahlbauten,p. 32,fig. 65,66.


320 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS GRAINESmates, comme dans le setigerum, et non <strong>de</strong> 10 à 12, comme dansle Pavot cultivé. Cette <strong>de</strong>rnière forme, inconnue dans la nature,paraît donc s'être manifestée plus tard, dans les temps historiques.On cultive encore le P. setigerum dans le nord <strong>de</strong> la France,conjointement avec le somniferum, pour l'huile d'oeillette 1.Les anciens Grecs connaissaient très bien le Pavot cultivé.Homère, Théophraste et Dioscori<strong>de</strong> en ont parlé. Ils n'ignoraientpas les propriétés somnifères du suc et Dioscori<strong>de</strong> 2mentionne déjà la variété à graines blanches. Les Romains cultivaientle Pavot avant l'époque républicaine, comme le prouvel'anecdote sur Tarquin. Ils en mêlaient les graines avec la farinedans la panification.Les Egyptiens, du temps <strong>de</strong> Pline 3, se servaient du suc <strong>de</strong>pavot comme médicament, mais nous n'avons aucune preuveque cette plante ait été cultivée en Egypte plus anciennement 4.Dans le moyen âge s et aujourd'hui, c'est une <strong>de</strong>s principales cultures<strong>de</strong> ce pays, en particulier pour l'opium. Les livres hébreuxne mentionnent pas l'espèce. D'un autre côté, il existe unou <strong>de</strong>ux noms sanscrits. Piddigton indique Chosa et AdolphePictet Khaskhasa, qui se retrouve, dit-il, dans le persan Chashchâsh,l'arménien Chashchash et l'arabe 6. Un autre nom persanest Kouknar 7. Ces noms et d'autres que je pourrais citer,très différents du Maikôn (Mïpaav) <strong>de</strong>s Grecs, sont un indice <strong>de</strong>l'ancienneté d'une culture répandue en Europe et dans l'Asieocci<strong>de</strong>ntale. Si l'espèce a été cultivée, dans un temps préhistorique,d'abord en Grèce, comme cela paraît probable, elle a puse répandre vers l'est avant l'invasion <strong>de</strong>s Aryens dans l'In<strong>de</strong>;mais il est singulier qu'on n'ait pas <strong>de</strong> preuve <strong>de</strong> son extensionen Palestine et en Egypte avant l'époque romaine. Il est possibleencore qu'en Europe on ait cultivé premièrement la formesauvage appelée Papaver setigerum, usitée par les lacustres <strong>de</strong>Suisse, et que la forme <strong>de</strong>s cultures actuelles soit venue <strong>de</strong>l'Asie Mineure, où l'espèce était cultivée il y a au moins troismille ans. Ce qui peut le faire supposer, c'est l'existence du nomgrec Maikôn, en dorien Makon, dans plusieurs langues slaves et<strong>de</strong>s peuples au midi du Caucase, sous la forme <strong>de</strong> Mack 8.La culture du Pavot a augmenté, <strong>de</strong> nos jours, dans l'In<strong>de</strong>, àcause <strong>de</strong> l'exportation <strong>de</strong> l'opium en Chine, mais les Chinois1.De Lanessan, dansla traduction <strong>de</strong> Flûclriger et Hanbury, Histoire<strong>de</strong>sdroguesd'originevégétale,1, p. 129.2. Dioscori<strong>de</strong>s, Hist.plant., 1.4,c 65.3. Pline,Hist.plant., 1.20,c. 18.4.Unger,Die Pflanze als Erregungsund Betaûbungsmittel, p. 47; DiePflanzen<strong>de</strong>saltenjBgyptens,p. 50.5. Ebn Baithar,trad. allem.,1,p.6. Ad.Pictet, 64.<strong>Origine</strong>sindo-européennes j.éd. 3,vol. 1,p. 366a7. Ainslies,Mat.med.indica,1, p. 326.8.Nemnich,Polygl.Lexicon,p. 848.


PAVOT 321cesseront bientôt <strong>de</strong> chagriner les Anglais en leur achetant cepoison, car ils se mettent à le produire avec ar<strong>de</strong>ur. Plus <strong>de</strong> lamoitié <strong>de</strong> leur territoire cultive actuellement le Pavot. L'espècen'est nullement spontanée dans les régions orientales <strong>de</strong> l'Asie, etmême, pour ce qui est <strong>de</strong> la Chine,- la culture n'en est pas ancienne2.Le nom Opzum, appliqué au médicament tiré <strong>de</strong> la capsule,remonte aux auteurs grecs et latins. Dioscori<strong>de</strong> écrivait Opos(Oiroç). Les Arabes en ont fait Afiun 3 et l'ont propagé dansl'Orient, jusqu'en Chine.MM. Flückiger et Hanbury ont donné <strong>de</strong>s détails trèsdéveloppés et intéressants sur l'extraction, le commerce etl'emploi <strong>de</strong> l'opium dans tous les pays, en particulier en Chine.Cependant je présume que nos lecteurs liront avec plaisir lesfragments qui suivent <strong>de</strong> lettres <strong>de</strong> M.le Dr Bretschnei<strong>de</strong>r, datées<strong>de</strong> Péking, 23 août 1881, 28 janvier et 18 juin 1882. Elles donnentles renseignements les plus certains que les livres chinois.bien interprétés, puissent fournir.« L'auteur du Pent-sao-kang-mou, qui écrivait en 1552 et1578, donne quelques détails concernant le a-fou-yong (c'estAfioun, Opium), drogue étrangère produite par une espèce <strong>de</strong>Ying sou à fleurs rouges dans le pays <strong>de</strong> Tien fang (l'Arabie) etemployée récemment comme médicament en Chine. Du temps<strong>de</strong> la dynastie précé<strong>de</strong>nte (mongole, 1280-1368), on n'avait pasbeaucoup entendu parler du a-fou-yong. L'auteur chinois donnequelques détails sur l'extraction <strong>de</strong> l'Opium dans son pays natal,mais ne dit pas qu'il soit aussi produit en Chine. Il ne parle pasnon plus <strong>de</strong> l'habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> le fumer. Dans le DescriptiveDictionary o f the Indian Islands by Crawfurd, p. 312 jetrouve le passage suivant « The earliest account we have ofthe use of Opium, not only from the Archipelago, but also forIndia and China, is by the faithful and intelligent Barbosa B.Hewrites the word amfiam, and in his account of Malacca, enumeratesit among the articles brought by the Moorish and gentilemerchants of Western India, to exchange for the cargos of Chinesejunks. »« Il est difficile <strong>de</strong> fixer d'une façon exacte l'époque à laquelleles Chinois commencèrent à fumer l'Opium et à cultiver le Pavotqui le produit. Comme je l'ai dit, il y a beaucoup <strong>de</strong> confusion àpropos <strong>de</strong> cette question, et pas seulement les auteurs européens,mais aussi les Chinois <strong>de</strong> nos jours appliquent le nom <strong>de</strong>1.Martin, dansBull. Soc.d'acclimatation,1872,p.2. Sir J. Hooker,Flora 200.of british India, 1, p. 117andBretschnei<strong>de</strong>r,Studyvalue,etc., 47.3. Ebn Baithar,1,4.p. 64.Flûcldger et Hanbury, Histoire <strong>de</strong>s droguesd'originevégétalețraductionfrançaise, 2 vol.in-8, 1878,vol. 1, p. 97-130.5. Barbosapublia son ouvrage en 1316.DECANDOLLE. 21


322 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINESYing sou aussi bien au P. somniferum qu'au P. 'Rhœas. LeP. somniferum, à présent, est largement cultivé dans toutes lesprovinces <strong>de</strong> l'empire chinois et aussi en Mantchourie et en Mongolie.Williamson \Joumeys in North China, Manchuria, Monçolia,1868, 2, p. 65) l'a vu cultivé partout en Mantchourie. Onlui racontait que la culture du Pavot rapporte <strong>de</strong>ux fois plusque celle <strong>de</strong>s céréales. Potanin, voyageur russe, qui visita en1876 la Mongolie septentrionale, a vu d'immenses plantations<strong>de</strong> Pavot dans la vallée <strong>de</strong> Kiran (entre 47° et 48° la t.). Celaeffraie beaucoup le gouvernement chinois et encore plus les Anglais,qui craignent la concurrence du Knative opium ».« Vous n'ignorez pas probablement que dans l'In<strong>de</strong> et enPerse on mange l'opium, mais on ne le fume pas. L'habitu<strong>de</strong><strong>de</strong> fumer cette drogue paraîtrait une invention chinoise et quin'est pas ancienne. Rien ne prouve que les Chinois aient fumél'opium avant le milieu du siècle passé. Les missionnaires jésuitesen Chine aux dix-septième et dix-huitième siècles n'enparlent pas. Seul le Père d'Incarville dit, en 1750, que la vente<strong>de</strong> l'opium est défendue, parce que souvent on en fait usagepour s'empoisonner.« Deux édits défendant <strong>de</strong> fumer l'opium datent d'avant 17^0,et un autre, <strong>de</strong> 1796, parle <strong>de</strong>s progrès du vice en question.Don Sinibaldo <strong>de</strong> Mas, qui a publié en 1858 un très bon livresur la Chine, pays qu'il avait habité pendant <strong>de</strong> longues annéesen qualité <strong>de</strong> ministre d'Espagne, prétend que les Chinois ontpris cette habitu<strong>de</strong> du peuple d'Assam, dans le pays où on lefumait <strong>de</strong>puis longtemps. »Une aussi mauvaise habitu<strong>de</strong> est faite pour se répandre,comme l'absinthe et le tabac. Elle s'introduit peu à peu dansles pays qui ont <strong>de</strong>s rapports fréquents avec la Chine. Souhaitonsqu'elle ne gagne pas une proportion aussi forte que chez leshabitants d'Aînoy, par exemple, où les fumeurs d'opium constitituentle chiffre <strong>de</strong> 15 à 20 0/0 <strong>de</strong> la population adulteRocou. Bixa Orellana, Linné.La matière tinctoriale appelée Rocou en français, Arnotto en;anglais, se tire d'une pulpe <strong>de</strong> la partie extérieure <strong>de</strong>s graines.Les habitants <strong>de</strong>s Antilles, <strong>de</strong> l'isthme <strong>de</strong> Darien et du Brésils'enservaient, à l'époque <strong>de</strong> la découverte <strong>de</strong> l'Amérique, pourse teindre le corps en ronge, et les Mexicains pour diverses peintures2.Le Bixa, petit arbre <strong>de</strong> la famille <strong>de</strong>s Bixacées, croît naturellementaux Antilles et sur une gran<strong>de</strong> partie du continent améi.Hughes, Tra<strong>de</strong> Report, cité dans Flûckiger et Hanbury.2. Sloane,Jamaica,2, p. 53,3. Sloane,ibid. Clos,Ann. se. nat, série 4,voL 8, p. 260 Gnsebaeh,FI. of brit. W.India islands,p. 20.


COTONNIERHERBACÉ 323ricain, entre les tropiques. Les herbiers et les flores abon<strong>de</strong>nten indications <strong>de</strong> localités mais ordinairement on né dit passi l'espèce était cultivée, spontanée ou naturalisée. Je remarquecependant l'assertion <strong>de</strong> l'indigénat, par Seemann pour la côtenord-ouest du Mexique et Panama, par M. Triana à la Nouvelle-Grena<strong>de</strong>, par M. Meyer dans la Guyane hollandaise, et par Pisoet Claussen au Brésil 1. Avec une habitation aussi vaste, il n'estpas surprenant que les noms <strong>de</strong> l'espèce aient été nombreux dansles langues américaines. Celui <strong>de</strong>s Brésiliens, Uruçu, est l'origine<strong>de</strong> Rocou.II n'était pas bien nécessaire <strong>de</strong> planter cet arbre pour enobtenir le produit; cependant Piso raconte que les Brésiliens,au xvie siècle, ne se contentaient pas <strong>de</strong>s pieds sauvages, et àla Jamaïque, dans le xvne siècle, les plantations <strong>de</strong> Rocou étaientcommunes. C'est une <strong>de</strong>s premières espèces transportées d'Amériquedans le midi <strong>de</strong> l'Asie et en Afrique. Elle s'est naturaliséequelquefois au point que Roxburgh 2 l'avait crue aborigènedans l'In<strong>de</strong>.Cotonnier herbacé. – Gossypium herbaceum, Linné.Lorsque je cherchais, en 1855, l'origine <strong>de</strong>s cotonniers cultivés3, il régnait une gran<strong>de</strong> incertitu<strong>de</strong> sur la distinction <strong>de</strong>sespèces. Depuis cette époque, il a paru en Italie <strong>de</strong>ux excellentsouvrages sur lesquels on peut s'appuyer, l'un <strong>de</strong> Parlatoreancien directeur du jardin botanique <strong>de</strong> Florence, l'autre <strong>de</strong>M. le sénateur Todaro B, <strong>de</strong> Palerme. Ces <strong>de</strong>ux ouvrages sontaccompagnés <strong>de</strong> planches coloriées magnifiques. Pour les cotonnierscultivés, on ne peut rien désirer <strong>de</strong> mieux. D'un autrecôté, la connaissance <strong>de</strong>s véritables espèces, j'entends <strong>de</strong> cellesqui existent dans la nature, à l'état spontané, n'a pas fait lesprogrès qu'on pouvait espérer. Cependant la définition <strong>de</strong>s espècesest assez précise dans les publications du Dr Masters 6.Je la suivraidonc <strong>de</strong> préférence. L'auteur se rapproche <strong>de</strong>s idées <strong>de</strong>Parlatore, qui admettait sept espèces bien connues et <strong>de</strong>uxdouteuses, tandis que M. Todaro en compte 54, dont <strong>de</strong>ux seulementdouteuses, donnant ainsi pour espèces <strong>de</strong>s formes dis-1. Seemann,Bot. of Herald, p. 79, 268; Triana et Planehon,Prodr. fl.novo-granat,p. 94; Meyer,Essequebo,p. 202; Piso, Hist. nat. BrasiL,ed.dèïS,p. 65 Claussen,dansClos,l. c.2. Roxburgh, Flora indica,2,p. 581 Oliver, Flora of tropicalAfrica,i,p. 114.3. Géographiebotaniqueraisonnée,p. 971.4. Parlatore, Le specie <strong>de</strong>i cotoni, texte in-4, planches in-folio, Firenze,1866.5. Todaro,Relazione<strong>de</strong>llacoltura<strong>de</strong>icotoniin Italia seguitada una monografia<strong>de</strong>l génèreGossypium, texte grand in-8, planchesin-folio,Romeet Palerme.1877-78ouvrageprécédé<strong>de</strong> plusieurs autres moinsétendus,dont Parlatoreavaiteu connaissance.6. Masters,dans Oliver,Flora of tropical Africa,p. 210 et dans sirJ. Hooker,Flora of britishIndia, 1, p. 346.


324 PLANTES CULTIVÉESPOURLEURS GRAINEStinctes par quelque caractère, mais nées et conservées dans lescultures.Les noms vulgaires <strong>de</strong>s Cotonniers ne peuvent être d'aucunsecours. Ils risquent même <strong>de</strong> tromper complètement sur lesorigines. Tel coton dit <strong>de</strong> Siam vient quelquefois d'Amérique;tel autre est appelé coton du Brésil ou d'Ava selon la fantaisieou la croyance erronée <strong>de</strong>s cultivateurs.Parlons d'abord du Gossypium herbaceum espèce ancienne<strong>de</strong>s cultures asiatiques, la plus répandue maintenant en Europeet aux Etats-Unis. Dans les pays chauds, d'où elle provient, satige dure quelques années; mais, hors <strong>de</strong>s tropiques, elle <strong>de</strong>vientannuelle, par l'effet du froid <strong>de</strong>s hivers. Sa fleur est ordinairementjaune, avec un fond rouge. Son coton est jaune ou blanc,selon les variétés.Parlatore a examiné plusieurs échantillons d'herbiers spontanéset en a cultivé d'autres provenant d'individus sauvagesdans la péninsule indienne. Il admet en outre l'indigénat dansJe pays <strong>de</strong>s Birmans et l'archipel indien, d'après <strong>de</strong>s échantillons<strong>de</strong> collecteurs qui n'ont peut-être pas assez vérifié la qualité <strong>de</strong>plante sauvage.M. Masters regar<strong>de</strong> comme certainement spontané, dans leSindh, une forme qu'il a appelée Gossypium Stocksii, laquelle,dit-il, est probablement l'état sauvage du Gossypium herbaceumet <strong>de</strong>s autres Cotonniers cultivés dans l'In<strong>de</strong> <strong>de</strong>puis longtemps.M. Todaro, qui n'est pas disposé à réunir beaucoup <strong>de</strong> formesen une seule espèce, admet cependant l'i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> celle-ci et duG. herbaceum ordinaire. La couleur jaune du coton serait doncl'état naturel <strong>de</strong> l'espèce. La graine ne présente pas le duvetcourt qui existe entre les poils allongés dans le G. herbaceumcultivé.La culture a probablement étendu l'habitation <strong>de</strong> l'espècehors du pays primitif. C'est le cas, je suppose, pour les îles <strong>de</strong>la Son<strong>de</strong> et la péninsule malaise, où certains individus paraissentplus ou moins spontanés. Kurz l, dans sa flore <strong>de</strong> Burma, mentionnele G. herbaceum, à coton jaune ou blanc, comme cultivé,et en même temps comme sauvage dans les endroits déserts etles terrains négligés.Le Cotonnier herbacé se nomme Kapase en bengali, Kapasen hindoustani, ce qui montre que le mot sanscrit Karpassi répondbien à l'espèce 2. La culture s'en était répandue <strong>de</strong> bonneheure dans la Bactriane, où les Grecs l'avaient remarquée lors<strong>de</strong> l'expédition d'Alexandre. Théophraste 3 en parle d'une manièrequi ne peut laisser aucun doute. Le Cotonnier en arbre <strong>de</strong>l'île <strong>de</strong> Tylos, dans le golfe Persique, dont il fait mention plus1. Kurz, Forest flora of british Burma, 1, p. 129.2. Piddington, In<strong>de</strong>x.3. Theophrastes, Hist. plant., J. 4, c. 5.


COTONNIERARBORESCENT32Sloin 1, était probablement aussi le Gossypium herbaceum, carTylos n'est pas éloigné <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, et sous un climat aussi chaudle Cotonnier herbacé est un arbuste.L'introduction d'un Cotonnier quelconque en Chine a un lieuseulement au ixe ou xe siècle <strong>de</strong> notre ère s, ce qui fait présumerune habitation jadis peu étendue du G. kerbaceum au midi et àl'orient <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>.La connaissance et peut-être la culture du Cotonnier asiatiques'était propagée dans le mon<strong>de</strong> gréco-romain après l'expéditiond'Alexandre, mais avant les premiers siècles <strong>de</strong> l'ère chrétienne.Si le Byssos <strong>de</strong>s Grecs était le Cotonnier, comme le pensent laplupart <strong>de</strong>s érudits, on le cultivait en Grèce, à Elis, d'après Pausaniaset Pline mais Curtius et C. Ritter 4 considèrent le motByssos comme un terme général exprimant <strong>de</strong>s fils, et selon euxil s'agissait dans ce cas d'un lin <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> finesse. Il est évi<strong>de</strong>ntque la culture du Cotonnier ou manquait, ou n'était pas communechez les anciens. Or, d'après son utilité, elle serait <strong>de</strong>venuefréquente si elle avait été introduite dans une seule localité <strong>de</strong>la Grèce, par exemple. Ce sont les Arabes qui l'ont propagéeplus tard autour <strong>de</strong> la mer Méditerranée, comme l'indique lenom Qutn ou Kutn s, qui a passé dans les langues mo<strong>de</strong>rnes dumidi <strong>de</strong> l'Europe, sous la forme <strong>de</strong> Cotone, Coton, Algodon.Eben el Awan, <strong>de</strong> Séville, qui vivait dans le xii° siècle, décrit laculture telle qu'on la pratiquait <strong>de</strong> son temps en Sicile, en Espagneet dans l'Orient 6.Le Gossypium herbaceumest l'espèce la plus cultivée aux Etats-Unis7. Elle a été probablement apportée d'Europe. C'était uneculture nouvelle il y a cent ans, car on confisqua à Liverpool,en 1774, un ballot <strong>de</strong> coton venant <strong>de</strong> l'Amérique septentrionale,par le motif que le Cotonnier, disait-on, n'y croissait pas 8. Lecoton à longue soie (See istand) est celui d'une autre espèce,américaine, dont je parlerai tout à l'heure.Cotonnier arborescent. Gossypium arboreum, Linné.Il est d'une taille plus élevée et d'une durée plus gran<strong>de</strong> quele Cotonnier herbacé; les lobes <strong>de</strong> la feuille sont plus étroits, et<strong>de</strong>s bractées moins laciniées ou entières. La fleur est ordinaire-1. Theophrastes, Hist.plant., 1.4, c. 9.2. Bretschnei<strong>de</strong>r,Study and valueof chinesebotanicalworks,p. 7.3. Pausanias,1. 5, c. 5; ]. 6, c. 26; Pline, 1. 19,c. 1. Voir Bran<strong>de</strong>s,Baumwolle,p. 96.4. C.Ritter, DiegeographischeVerbreitung<strong>de</strong>i'Baumwolle,p. 25.5.Il est impossible<strong>de</strong> ne pas remarquerla ressemblance<strong>de</strong> ce nomavec•celuidulin en arabe,Kattan ou Kittan; c'est un exemple<strong>de</strong> la confusionqui se fait dans lesnoms lorsqu'ilexiste<strong>de</strong>s analogiesentre les6. DeLasteyrie,Du produits.Cotonnier,p. 290. ·7. Torrey et Asa Gray,Flora of NorthAmerica,1, p. 230 Darlington,Agrieultui-albotany,p.8. 16.SchouTsr, Naturschil<strong>de</strong>rungen, p. 152.


326 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS GRAINESment rosée, avec un fond rouge. Le coton est toujours blanc,D'après les botanistes anglo-indiens, cette espèce n'est pas,dans l'In<strong>de</strong>, comme on l'avait cru, et même elle y est rarementcultivée. Sa patrie est l'Afrique intertropicale. On l'a vue spontanéedans la Guinée supérieure, l'Abyssinie, le Sennar et lahaute Egypte 1. Un si grand nombre <strong>de</strong> collecteurs l'ont rapportée<strong>de</strong> ces divers pays qu'on ne peut guère en douter, maisla culture a tellement répandu et mêlé cette espèce avec les autresqu'on l'a décrite sous plusieurs noms, dans les ouvrages surl'Asie méridionale.Parlatore avait attribué au G. arboreum <strong>de</strong>s échantillons asiatiquesdu G. kerbaceum et une plante, très peu connue, que^Forskal avait rencontrée en Arabie. Il soupçonnait, d'après cela,que les anciens avaient eu connaissance du G. arboreum aussibien que du G. herbaceum. A présent qu'on distingue mieux ces<strong>de</strong>ux espèces etqu'on sait l'origine <strong>de</strong> l'une et <strong>de</strong> l'autre, ce n'estpas probable. Ils ont connu le Cotonnier herbacé par l'In<strong>de</strong> etla Perse, tandis que l'arborescent n'a pu arriver à eux que parl'Egypte. Parlatore lui-même en a fourni une preuve <strong>de</strong>s plusintéressantes. Jusqu'à son travail <strong>de</strong> 1866, on ne savait pasbien à quelle espèce appartenaient les graines <strong>de</strong> Cotonnierque Rosellini a trouvées dans un vase <strong>de</strong>s monuments <strong>de</strong> l'ancienneThèbes Ces graines sont au musée <strong>de</strong> Florence. Parlatoreles a examinées avec soin et déclarerqu'elles appartiennentau Gossypiumarboreum,3.Rosellini affirme qu'il n'a pas pu êtrevictime d'une frau<strong>de</strong>, attendu qu'il a ouvert, t le premier, le tombeauet le vase. Après lui, aucun archéologue n'a vu ou lu <strong>de</strong>sindices <strong>de</strong> Cotonniers dans les temps anciens <strong>de</strong> la civilisationégyptienne. Comment serait-il arrivé qu'une plante aussi apparente,remarquable par ses fleurs et ses graines, n'eût été nifigurée, ni décrite, ni conservée habituellement dans les tombeauxsi elle était cultivée? Comment Hérodote, Théophrasteet Dioscori<strong>de</strong> n'en auraient-ils pas parlé à l'occasion <strong>de</strong> l'Egypte?Les ban<strong>de</strong>s avec lesquelles toutes les momies sont enveloppées,et qu'on supposait autrefois <strong>de</strong> coton, sont uniquement <strong>de</strong> lin,,d'après Thomson et une foule d'observateurs habitués à manierle microscope. Je conclus <strong>de</strong> là que, si les graines trouvées parRosellini étaient véritablement antiques, elles <strong>de</strong>vaient être unerareté, une exception aux coutumes, peut-être le produit d'unarbre cultivé dans un jardin, ou encore elles pouvaient venir<strong>de</strong> la haute Egypte, pays où nous savons que le Cotonnier arborescentest sauvage. Pline4n'a pas dit que le Cotonnier fût cultivé1. Master, dans Oliver,Flora of tropicalAfrica,p. 211 Hoolcer,FI. ofbrit. India, 1, p. 347 Schweinfurthet Ascherson,Aufzâhlung.,p. 265.(sousle nom <strong>de</strong> Gossypiumnigrum);Parlatore,Specie<strong>de</strong>i Cotoni,p. 25.2.Rosellini,Monum.<strong>de</strong>llaEgizia,p. 2; Mon.civ., 1,p. 60.3. Parlatore,Specie<strong>de</strong>i Cotoni,p. 16.4. Pline,Hist.plant., 1.19,c. 1.


COTONNIERARBORESCENT 327dans la basse Egypte; mais voici la traduction du passage trèsremarquable, <strong>de</strong> lui, qu'on cite souvent « Lapartie supérieure<strong>de</strong> VEKVPte. du côté <strong>de</strong> l'Arabie, produit un arbuste appelé parquelques-uns Gossipion et par plusieurs autres Xylon, ce qui afait appeler xylinalœ fils qu'on en obtient. Il est petit et porte eun fruit, semblable à celui <strong>de</strong> la noix barbue, dont on tisse lalaine extraite <strong>de</strong> l'intérieur. Aucune ne lui est comparable pourla blancheur et la mollesse. »~=Pline ajoute « Les vêtements qu'on en fait sont les plusrecherchés par les prêtres égyptiens.» Peut-être le coton <strong>de</strong>stinéà cet usage était-il envoyé <strong>de</strong> la Haute Egypte, ou bienl'auteur, qui n'avait pas vu la fabrication et ne possédait pasnos microscopes, s'est-il trompé sur la nature <strong>de</strong>s vêtementssacerdotaux, comme nos contemporains qui ont manié <strong>de</strong>s centainesd'enveloppes <strong>de</strong> momies avant <strong>de</strong> se douter quellesn'étaient pas <strong>de</strong> coton. Chez les Juifs, les robes <strong>de</strong>s prêtres <strong>de</strong>vaient,d'après la règle, être en lin, et il n'est pas probable quel'usage à cet égard fût différent <strong>de</strong> celui <strong>de</strong>s Egyptiens.PolluxS né un siècle après Pline et en Egypte, s'exprimeclairement sur le Cotonnier, dont les fils étaient employés parses compatriotes; mais il ne dit pas d'où l'arbuste était originaire,et l'on ne peut pas savoir si c'était le Gossypium arbormmou Vkerbaceum On ne voit même pas si la plante était cultivéedans la basse Egypte ou si l'on recevait le coton <strong>de</strong> la régionsituée au midi. Malgré ces doutes, on peut soupçonner qu un.Cotonnier, probablement celui <strong>de</strong> la haute Egypte, s'était introduitrécemment dans le Delta. L'espèce que Prosper Alpin avaitvue cultivée en Egypte au iff siècle était le Cotonnier arborescent.Les Arabes et ensuite les Européens ont préféré et onttransporté en divers pays le Cotonnier herbacé plutôt quel'arborescent, qui donne un moins bon produit et <strong>de</strong>man<strong>de</strong> plus<strong>de</strong> chaleur..Dans ce qui précè<strong>de</strong>, au sujet <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux Cotonniers <strong>de</strong> l'ancienmon<strong>de</strong>, je me suis servi le moins possible d'arguments tirés <strong>de</strong>snoms grecs, tels que powos, «*&», ?uXov,Wm etc, ou <strong>de</strong>s nomssanscrits et dérivés du sanscrit, comme Carbasa, Carpas, ou<strong>de</strong>s noms hébreux Se hesch, Buz, qu'on attribue, avec doute, aucoton. C'est un sujet sur lequel on a disserté énormément 2,mais la distinction plus nette <strong>de</strong>s espèces et la découverte <strong>de</strong>leur pays d'origine diminuent beaucoup l'importance <strong>de</strong> cesquestions,du moins pour les naturalistes qui préfèrent les faitsaux mots. D'ailleurs, Reynier et après lui C. Ritter sont arrivésdans leurs recherches à une conclusion qu'il faut se rappeleri. Pollux, Onomasticon,cité dans G. lUtter, i. c., p. zu.2. Re~nier,Economie<strong>de</strong>s Arabeset <strong>de</strong>s Jzsif.s,p, 363 Bertoloni, Nov. acx.Acad. i~onon.,2, p. 213, et OTi.scellḃot., 6; Viviani, in Bibl. ilal., vol. 81,p 94 C.Ritter,~Si,s-~=-.in-4 Targioni, Cenniëo~,p.93 Brandis, Derl3azarnwolleim ~/i


328 PLANTES CULTIVÉES POURLEURS GRAINES1c'est que les mêmes noms, chez les anciens, ont été appliquéssouvent à <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> ou <strong>de</strong>s tissus différents, par exempleLin et au Coton. Dans ce aucas, comme dans plusieurs autres, labotanique mo<strong>de</strong>rne explique les mots anciens, tandis que lesmots et les commentaires <strong>de</strong>s linguistes peuvent égarer.Cotonnier <strong>de</strong>s Barba<strong>de</strong>s. Gossypium barba<strong>de</strong>nse, Linné.Lors <strong>de</strong> la découverte <strong>de</strong> l'Amérique, les Espagnols trouvèrentla culture et l'emploi du coton établis généralement <strong>de</strong>sAntilles au Pérou et du Mexique au Brésil. C'est un fait constatépar tous les historiens <strong>de</strong> l'époque. Mais <strong>de</strong> quelles espècesvenaient ces cotons américains et dans quelles contrées étaientellesindigènes? C'est ce qu'il est encore très difficile <strong>de</strong> savoir.La distinction botanique <strong>de</strong>s espèces ou variétés américainesest embrouillée au plus haut <strong>de</strong>gré. Les auteurs, même ceux quiont vu <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s collections <strong>de</strong> Cotonniers vivants, ne s'accor<strong>de</strong>ntpas sur les caractères. Ils sont gênés aussi par la difficulté<strong>de</strong> savoir quels noms spécifiques <strong>de</strong> Linné doivent êtreconservés, car les définitions primitives ne sont pas suffisantes.L'introduction <strong>de</strong> graines américaines dans les cultures d'Afriqueet d'Asie a compliqué encore les questions, les botanistes <strong>de</strong>Java, Calcutta, Bourbon, etc., ayant décrit souvent les formesaméricaines comme <strong>de</strong>s espèces, sous <strong>de</strong>s noms divers. M.Todaroadmet une dizaine d'espèces d'Amérique; Parlatore les réduisaità trois, qui selon lui répon<strong>de</strong>nt au Gossypium hirsutum, G. barba<strong>de</strong>nseet G. religios <strong>de</strong> Linné; enfin le Dr Masters réunittoutes les formes américaines en une seule qu'il nomme G. barba<strong>de</strong>nse,et il lui donne pour caractère principal que la graineporte uniquement <strong>de</strong> longs poils, tandis que les espèces <strong>de</strong> l'ancienmon<strong>de</strong> ont un duvet court au-<strong>de</strong>ssous <strong>de</strong>s poils allongésLa fleur est jaune, avec un fond rouge. Le coton est blanc oujaune. Parlatore s'est efforcé <strong>de</strong> classer 50 ou 60 <strong>de</strong>s formes<strong>cultivées</strong> dans les trois espèces qu'il admettait, sur le vu <strong>de</strong>s<strong>plantes</strong> dans les jardins ou les herbiers. Le DcMasters mentionnepeu <strong>de</strong> synonymes, et il est possible que certaines formes dontil n'a pas eu connaissance ne rentrent pas dans la définition <strong>de</strong>son espèce unique.Avec une pareille confusion, le mieux serait pour les botanistes<strong>de</strong> chercher avec soin les Gossypiumspontanés en Amérique, <strong>de</strong>constituer les espèces, ou l'espèce, uniquement sur eux, et <strong>de</strong>laisser aux formes <strong>cultivées</strong> leurs noms baroques, souvent absur<strong>de</strong>s,qui trompent sur l'origine. J'émets ici cette. opinion,parce que dans aucun autre genre <strong>de</strong> <strong>plantes</strong> <strong>cultivées</strong> je n'aisenti aussi fortement que l'histoire naturelle doit se baser surles faits naturels et non sur les produits artificiels <strong>de</strong> la culture.1. Masters, dans Oliver,Flora of-tropical Africa, 1, p. 322,et dansHooker,Floraofbrit. India, i, p. 347.


COTONNIERDES BARBA.DES 329Si l'on veut partir <strong>de</strong> ce point <strong>de</strong> vue, qui ale mérite d'êtreune métho<strong>de</strong> vraiment scientifique, il faut constater malheureusementque, pour les Cotonniers indigènes en Amérique, lesconnaissances sont encore bien peu avancées. C'est tout au plussi l'on peut citer <strong>de</strong>ux collecteurs ayant trouvé <strong>de</strong>s Gossypiumvraiment spontanés, semblables ou très analogues à telle outelle forme <strong>de</strong>s cultures.Il est rare qu'on puisse se fier aux anciens botanistes et voyageurspour la qualité <strong>de</strong> plante spontanée. Les Cotonniers lèventquelquefois dans le voisinage <strong>de</strong>s plantations et se naturalisentplus ou moins, le duvet <strong>de</strong> leurs graines facilitant les transportsacci<strong>de</strong>ntels. L'expression ordinaire <strong>de</strong>s vieux auteurs le Cotonnier<strong>de</strong> tel nom croît dans tel pays, signifie souvent une plantecultivée. Linné lui-même, en plein xvnie siècle, dit souvent d'uneespèce cultivée «. Habitat, » et même il le dit quelquefoisà la légère Parmi les auteurs du xvic siècle, un <strong>de</strong>s plus exacts,Hernan<strong>de</strong>z, est cité pour avoir décrit et figuré un Gossypiumsauvage au Mexique; mais le texte fait douter un peu <strong>de</strong> la conditionspontanée 2 <strong>de</strong> cette plante que Parlatore rapporte auG. hirsutum, Linné. Dans son catalogue <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> du Mexique,M. Hemsley 3 se borne à dire d'un Gossypium qu'il nomme barba<strong>de</strong>nse« cultivé et sauvage. » De cette <strong>de</strong>rnière condition, ilne fournit aucune preuve. Mac Fadyen parle <strong>de</strong> trois formessauvages et <strong>cultivées</strong> à la Jamaïque. Il-leur attribue <strong>de</strong>s nomsspécifiques et ajoute qu'elles rentrent, peut-être dans le G. hirsutum,Linné. Grisebaeh 5 admet la spontaneité d'une espèce,G. barba<strong>de</strong>nse, aux Antilles. Quant aux distinctions spécifiques,il déclare ne pas pouvoir les établir sûrement.Pour la Nouvelle-Grena<strong>de</strong>, M. Triana 6 décrit un Gossypium,qu'il appelle G. barba<strong>de</strong>nse, Linné, qu'il dit « cultivé et subspontanéle long du Rio Seco, province <strong>de</strong> Bogota, et dans lavallée du Cauca, près <strong>de</strong> Cali; » et il ajoute une variété hirsutumcroissant (il ne dit pas si c'est spontanément) le long duRio Seco.Je ne puis découvrir aucune assertion analogue pour lePérou, la Guyane et le Brésil 7 mais la flore du Chili, publiéepar Cl. Gay 8, mentionne un Gossypium « quasi spontané dans laprovince <strong>de</strong> Copiapo », que l'auteur rapporte à la forme duG. peruvianum, Cavanilles. Or cet auteur ne dit pas la plante1. Il a dit, par exemple,du Gossypiumherbaceum,qui est certainement<strong>de</strong> l'ancienmon<strong>de</strong>,d'aprèsles faitsconnusavant lui Habitatin America.2. Nasciturin calidis,humidisque, cultis praecipue, locis. (Hernan<strong>de</strong>z,NovssSispaniiethésaurus,p. 308.)3. Hemsley,Biologiacentrali-americana,1, p. 123.4. MacFadyen,Flora of Jamaica,p. 72.5. Grisebach, Flora ofbrit. W.Indiaislands,p. 86.6. Trianaet Planchon,Prodr. fl. novo-(Jl'anatensis, p. 170.7. LesMalvacéesn'ont pas encoreparu dansle Flora brasiliensis*8. CI.Gay,Florachilena,1, p. 312.


330 PLANTES CULTIVÉES POURLEURS GRAINESspontanée, etParlatore la classe-dans le G. reKgiosumt-Linné.Une forme importante dans la culture est celle du coton àlongue soie, appelé par les Anglo-Américains Sea island, ou Longstaple cotton, que Parlatore rapporte au G. barba<strong>de</strong>nse, Linné.On la regar<strong>de</strong> comme américaine d'origine, mais personne nedit l'avoir vue sauvage.En résumé, si les documents historiques sont positifs en cequi concerne un emploi du coton en Amérique <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s tempsbien antérieurs à l'arrivée <strong>de</strong>s Européens, l'habitation spontanée<strong>de</strong> la plante ou <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> qui fournissaient cette matièreest encore très peu connue. On s'aperçoit, dans cette occasion,<strong>de</strong> l'absence, pour l'Amérique tropicale, d'ouvrages analoguesaux flores <strong>de</strong>s colonies anglaises et hollandaises d'Afrique etd'Asie.Arachi<strong>de</strong>, Pistache <strong>de</strong> terre. Arachis kypogœa, Linné.Rien <strong>de</strong> plus curieux que la manière <strong>de</strong>fructifier <strong>de</strong> cette Légumineuseannuelle, qu'on cultive dans tous les pays chauds, soitpour en manger la graine, soit surtout pour extraire l'huile,contenue dans ses cotylédons M. Bentham a publié dans laFlore brésilienne, in-folio, vol. 15, planche 23, <strong>de</strong>s détails trèscomplets, où l'on voit comment le pédoncule <strong>de</strong> la fleur se recourbeaprès la floraison et enfouit le légume dans le terrain.L'origine <strong>de</strong> l'Arachi<strong>de</strong> a été contestée pendant un siècle,même par <strong>de</strong>s botanistes qui employaient <strong>de</strong> bonnes métho<strong>de</strong>spour la découvrir. Il n'est pas inutile <strong>de</strong> voir comment on estarrivé à la vérité. Cela peut servir <strong>de</strong>.direction pour les cas analogues.Je citerai donc ce que j'ai dit en 1855 et termineraien donnant <strong>de</strong> nouvelles preuves, à la suite <strong>de</strong>squelles aucundoute ne peut subsister


ARACHIDE, PISTACHE DE TERRE 331en particulier sur le Pérou et le Brésil. D'après Sprengel, elleserait mentionnée dans Théophraste comme cultivée en Egypte;mais il n'est pas du tout évi<strong>de</strong>nt que l'Arachis soit la plante àlaquelle Théophraste fait allusion dans le passage cité. Si elleavait été cultivée autrefois en Egypte, elle se trouverait probablementencore dans ce pays or elle n'est ni dans le Catalogue<strong>de</strong> Forskal, ni dans la flore plus étendue <strong>de</strong> Delile. Il n'y a rien<strong>de</strong> très invraisemblable, continue Brown, dans l'hypothèse queL'Àrachisserait indigène en Afrique et même en Amérique; mais,si l'on veut la regar<strong>de</strong>r comme originaire <strong>de</strong> l'un <strong>de</strong> ces continentsseulement, il est plus probable qu'elle aurait été apportée<strong>de</strong> Chine, par l'In<strong>de</strong>, en Afrique, que d'avoir marché dans lesens contraire. » Mon père, en 182b, dans le Prodromus (2,p. 474), revint à l'opinion <strong>de</strong> Linné. Il admit l'origine américainesans hésiter. Reprenons la question, disais-je en 485S, avec lesdonnées actuelles <strong>de</strong> la science.« L'Arachis hypogœa était la seule espèce <strong>de</strong> ce genre singulierconnue du temps <strong>de</strong> Brown. Depuis, on a découvert six autresespèces, toutes du Brésil 1. Ainsi, en appliquant la règle <strong>de</strong> probabilité,dont Brown a tiré le premier un si grand parti, nousinclinerons à priori vers l'idée d'une origine américaine. Rappelons-nousque Marcgraf 2 et Pison3 décrivent et figurent la plantecomme usitée au Brésil, sous le nom <strong>de</strong> Mandubi, qui paraît indigène.Ils citent Monar<strong>de</strong>s, auteur <strong>de</strong> la fin du xvr2 siècle,comme l'ayant indiquée au Pérou, avec un nom différent,Anchic. Joseph Acosta 4 ne fait que mentionner l'un <strong>de</strong> cesnoms usités en Amérique, Mani, et en parle à l'occasion <strong>de</strong>s espècesqui ne sont pas d'origine étrangère en Amérique. L'Arachisn'etait pas ancienne à la Guyane, aux Antilles et au MexiqueAublet 5 la cite comme plante cultivée, non à la Guyane,mais à l'île <strong>de</strong> France. Hernan<strong>de</strong>z n'en parle pas. Sloane 6 nel'avait vue que dans un jardin et provenant <strong>de</strong> graines <strong>de</strong>Guinée. Il dit que les négriers en chargeaient leurs vaisseauxpour nourrir les esclaves pendant la traversée, ce qui indiqueune culture alors très répandue en Afrique. Pison, dans la secon<strong>de</strong>édition (1638, p. 236), non dans celle <strong>de</strong> 1648, figure unfruit très analogue, importé d'Afrique au Brésil, sous le nom <strong>de</strong>Mandobi, bien voisin du nom <strong>de</strong> l'Arachis, Mundubi. D'après lestrois folioles <strong>de</strong> la plante, ce serait le Voaîidzeia, si souvent cultivéen Afrique; mais le fruit me paraît plus allongé qu'on nel'attribue à ce genre, et il a <strong>de</strong>ux ou trois graines au lieu d'une1. Bentham,dans Trans. Linn. Soc.,XVIII,p. 159 Walper?,Reperto-Hum,1, p. 727.2. Marcgrafet Pison, Bras.,p. 37, édit. 164b.3. Marcgraf et Pison,Bras edit. 1638,p. 256.4.Acosta,Hist.nat. Ind., trad. franc., 1398,p. 16o.5. Aublet,Pl. Guyan.,p. 765.6. Sloane,Jamaica, p. 184.


332 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS GRAINESou <strong>de</strong>ux. Quoi qu'il en soit, la distinction établie par Pisonentre ces <strong>de</strong>ux graines souterraines, l'une brésilienne, l'autred'Afrique, tend à faire penser que l'Arachis est du Brésil.« L'ancienneté et la généralité <strong>de</strong> sa culture en Afrique estcependant un argument <strong>de</strong> quelque force, qui compense jusqu'àun certain point l'ancienneté au Brésil et la présence <strong>de</strong> sixautres Arachis dans ce seul pays. Je lui donnerais beaucoup <strong>de</strong>valeur si l'Arachis avait été connue <strong>de</strong>s anciens Egyptiens et <strong>de</strong>sArabes; mais le silence <strong>de</strong>s auteurs grecs, latins et arabes, commel'absence <strong>de</strong> l'espèce en Egypte du temps <strong>de</strong> Forskal, me fontpenser que sa culture en Guinée, au Sénégal et sur la côteorientale d'Afrique 2 ne remonte pas à une date fort ancienne.Elle n'a pas non plus <strong>de</strong>s caractères d'antiquité bien gran<strong>de</strong> enAsie. En effet, on ne lui connaît aucun nom sanscrit 3, mais seulementun nom hindustani. D'après Rumphius 4, elle aurait étéimportée du Japon dans plusieurs <strong>de</strong>s îles <strong>de</strong> l'archipel indien.Elle n'aurait eu alors que <strong>de</strong>s noms étrangers, comme, parexemple, le nom chinois qui signifie seulement fève <strong>de</strong> terre.A la fin du siècle <strong>de</strong>rnier, elle était cultivée généralement enChine et en Cochinchine. Cependant malgré cette idée <strong>de</strong> Rumphiusd'une introduction dans les îles par le Japon ou la Chine,je vois que Thunberg n'en parle pas dans sa Flore japonaise. Orle Japon a eu <strong>de</strong>puis seize siècles <strong>de</strong>s rapports avec la Chine,et les <strong>plantes</strong> <strong>cultivées</strong> originaires <strong>de</strong> l'un <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux pays ont ordinairementpassé <strong>de</strong> bonne heure dans l'autre. Elle n'est pas indiquéepar Forster parmi les <strong>plantes</strong> usitées dans les petites îles<strong>de</strong> la mer Pacifique. L'ensemble <strong>de</strong> ces données fait présumerl'origine américaine, j'ajouterai même brésilienne.


CAFÉIER 333-Toutes les flores récentes d'Asie et d'Afrique mentionnentl'espèce comme cultivée, etla plupart<strong>de</strong>s auteurs pensent qu'elleest d'origine américaine. M. Bentham, après avoir constatéqu'on ne l'a. pas trouvée sauvage en Amérique ou ailleurs,ajoute qu'elle est peut-être une forme dérivée d'une <strong>de</strong>s six autresespèces du genre spontanées au Brésil, mais il n'indiquepas <strong>de</strong> laquelle. C'est assez probable, car une plante douée d'unmoyen efficace et très particulier <strong>de</strong> germer ne paraît pas <strong>de</strong>nature à.s'éteindre. On l'aurait trouvée sauvage au Brésil, dansle même état que la plante cultivée, si cette <strong>de</strong>rnière n'était pasun produit <strong>de</strong> la culture. Les ouvrages sur la Guyane et autressgions <strong>de</strong> l'Amérique indiquent l'espèce comme cultivée. Grisebach1 nous dit en outre que dans plusieurs <strong>de</strong>s îles Antilles ellese naturalise hors <strong>de</strong>s cultures.Un genre dont toutes les espèces bien connues sont ainsi cantonnéesdans une seule région <strong>de</strong> l'Amérique ne peut guère avoirune espèce commune entre le nouveau mon<strong>de</strong> et l'ancien. Ceserait une exception par trop forte aux données ordinaires <strong>de</strong> lagéographie botanique. Mais alors comment l'espèce (ou formecultivée) a-t-elle passé du continent américain à l'ancien mon<strong>de</strong>?C'est ce qu'on ne peut guère <strong>de</strong>viner. Je ne suis pas éloigné <strong>de</strong>croire à un transport du Brésil en Guinée par les premiers négriers,et à d'autres transports du Brésil aux îles du midi <strong>de</strong>l'Asie par les Portugais <strong>de</strong>puis la fin du xve siècle.Caféier. Coffea arabica, Linné.Ce petit arbre, <strong>de</strong> la famille <strong>de</strong>s Rubiacées, est sauvage enAbyssinie 2, dans le Soudan et sur les <strong>de</strong>ux côtes opposées <strong>de</strong>Guinée et Mozambique Peut-être, dans ces <strong>de</strong>rnières localités,éloignées du centre, s'est-il naturalisé à la suite <strong>de</strong>s cultures.Personne ne l'a encore trouvé en Arabie, mais cela peut s'expliquerparla difficulté <strong>de</strong> pénétrer dans l'intérieur du pays. Si onl'y découvre, on aura <strong>de</strong> la peine à constater la qualité spontanée,car les graines, qui per<strong>de</strong>nt vite leur faculté <strong>de</strong> germer,lèvent souvent autour <strong>de</strong>s cultures et naturalisent l'espèce. Celas'est vu au Brésil et aux Antilles 5, où l'on est sûr que le Caféiern'a jamais été indigène.r..L'usage du café paraît fort ancien en Abyssinie. ShehabeddinBen, auteur d'un manuscrit arabe du xve siècle (n° 944 <strong>de</strong> laBibl. <strong>de</strong> Paris), cité dans l'excellente dissertation <strong>de</strong> John Ellis1.Grisebach, Flora ofbrit. W. Indian islands,p. 180. “2. Richard, Tentamenfl. abyss.,1, p. 349; Oliver, Flora of tropicalAfrica, 3, p.3.Kitter, citédans 180.Flora, 1846,p. 704. ““, r4. Meyen,Géogr.bot., traduction anglaise,p. 384; Grisebach, Flora of fbriiish W. India islands, p. 338.5.H. Welter,Essai sur l'histoiredu café,1 vol. in-8.,Paris, 1808.6. Ellis, Anhistoricalaccountof Coffee,1774.


334 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS GRAINESdit qu'on employait le café en Abyssinie <strong>de</strong>puis un temps immémorial.L'usage, même médical, ne s'en était pas propagé dansles pays voisins, car les croisés n'en eurent aucune connaissance,et le célèbre mé<strong>de</strong>cin Ebn Baithar, né à Malaga, qui avait parcourule nord <strong>de</strong> l'Afrique et la Syrie au commencement duxme siècle <strong>de</strong> l'ère chrétienne, ne dit pas un mot du café 1. En1596, Bellus envoyait à <strong>de</strong> L'Ecluse <strong>de</strong>s graines dont les Egyptienstiraient la boisson du Cavé 2. A peu près à la même époque,Prosper Alpin en avait eu connaissance en Egypte même.Il désigne l'arbuste sous le nom <strong>de</strong> « arbor Bon, eum fructu suoBuna. » Le nom <strong>de</strong> Bon se retrouve aussi dans les premiers auteurssous la forme <strong>de</strong> Bunnu, Buncho, Bunca 3. Les noms dCakue, Cahua, Chaubé 4, Cavé s'appliquaient, en Egypte et enSyrie, plutôt à la boisson préparée, et sont <strong>de</strong>venus l'origine dumot Café. Le nom Bunnu, ou quelque chose d'analogue, est sibien le nom primitif <strong>de</strong> la plante, que les Abyssins l'appellentaujourd'hui encore Boun 6.Si l'usage du café est plus ancien enAbyssinie qu'ailleurs, celane prouve pas que la culture y soit bien ancienne. Il est trèspossible que pendant <strong>de</strong>s siècles on ait été chercher les baiesdans les forêts, où elles étaient sans doute très communes. Selonl'auteur arabe cité plus haut, ce serait un muphti d'A<strong>de</strong>n, à peuprès son contemporain, appelé Gemaleddin, qui, ayant vu boiredu café en Perse, aurait introduit cette coutume à A<strong>de</strong>n, et <strong>de</strong>là elle se serait répandue à Moka, en Egypte, etc. D'après cetauteur, le Caféier croissait en Arabie Il existe d'autres fables outraditions, d'après lesquelles ce seraient toujours <strong>de</strong>s moines ou<strong>de</strong>s prêtres arabes qui auraient imaginé la boisson du café 8,mais elles nous laissent également dans l'incertitu<strong>de</strong> sur la datepremière <strong>de</strong> la culture. Quoi qu'il en soit, l'usage du café s'étantrépandu dans l'Orient, puis en Occi<strong>de</strong>nt, malgré une foule <strong>de</strong>prohibitions et <strong>de</strong> conflits bizarres 9, la production en est <strong>de</strong>venuebientôt un objet important pour les colonies. D'après Boerhaave,le bourgmestre d'Amsterdam, Nicolas Witsen, directeur <strong>de</strong> laCompagnie <strong>de</strong>s In<strong>de</strong>s, pressa le gouverneur <strong>de</strong> Batavia, VanHoorn, <strong>de</strong> faire venir <strong>de</strong>s graines <strong>de</strong> Caféier d'Arabie à Bataviace qui fut fait et permit à Van Hoorn d'en envoyer <strong>de</strong>s piedsvivants à Witsen, en 1690. Ceux-ci furent soignés dans le jardinbotanique d'Amsterdam, fondé par Witsen. Ils y portèrent <strong>de</strong>s1. Ebn Baithar,trad. <strong>de</strong> Sordtheimer,2 vol. m-S°,1842.2. Bellus, Epist. ad Clus.,p. 309.3. Rauwolf,Clusius.4. Rauwolf;Bauhin,HîsL,1, p. 422.5. Bellus, l. c.6. Richard, Tentamenfl. abyss.,p. 350."l. Un extrait du même auteur dans Plavtair, Rist. of Ârabïa Félix,Bombay,1839,ne mentionnepas cette assertion.8. Nouv.dict. d'hist.nat., IV,p. 552.9. Ellis, l. c.; Nouv.dict., L c.


CAFÉIER.33%fruits. En 1714, les magistrats <strong>de</strong> cette ville en envoyèrent unpied en bon état et couvert <strong>de</strong> fruits à Louis XIV, qui le déposadans son jardin <strong>de</strong> Marly. On multiplia aussi le Caféier dans lesserres du jardin du roi à Paris. L'un <strong>de</strong>s professeurs<strong>de</strong> cet établissement,Antoine <strong>de</strong> Jussieu, avait déjà publié, en 1713, danslés JTéyrioires<strong>de</strong> l'Académie <strong>de</strong>s sciences, une <strong>de</strong>scription intéressante<strong>de</strong> la plante, d'après un pied que Paneras, directeur dujardind'Amsterdam, lui avait envoyé.Les premiers Caféiers plantés en Amérique furent introduits àSurinam par les Hollandais, en 1718. De la Motte-Aigron, gouverneur<strong>de</strong> Cayenne, ayant été à Surinam, en obtint quelques-unsen cachette et les multiplia en 1725 1. Le Caféier fut introduit àla Martinique par <strong>de</strong> Clieu2, officier <strong>de</strong> marine, en 1720 d'aprèsDeleuze en 1723 d'après les Aotices statistiques sur les coloniesfran,~aises 4.On l'introduisit <strong>de</strong> là dans les autres îles françaises,par exemple à la Gua<strong>de</strong>loupe en 17305. Sir Nicolas Lawes le cultivale premier à la Jamaïque 6. Dès 1718, la Compagnie française<strong>de</strong>s In<strong>de</strong>s avait envoyé <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> <strong>de</strong> café Moka à île Bourbon7, et même, selon d'autres 8, ce fut en 1717 qu'un nomméDufougerais-Grenier fit venir <strong>de</strong> Moka dans cette île <strong>de</strong>s pieds <strong>de</strong>Caféier On sait combien la culture <strong>de</strong> cet arbuste s'est répandueà Java, à Ceylan, aux Antilles et au Brésil. Rien ne 1 empêche<strong>de</strong> s'étendre dans la plupart <strong>de</strong>s pays intertropicaux, d autantplus que le Caféier s'accommo<strong>de</strong> <strong>de</strong>s terrains en pente et assezari<strong>de</strong>s où d'autres produits ne peuvent pas réussirll est dansl'agriculture tropicale un équivalent <strong>de</strong> la vigne en Europe et duthé en Chine.Onpeut trouverd'autres détails dans le volume publié parM. H. Welter sur l'histoire économique et commerciale du café.L'auteur a même ajouté un chapitre intéressant sur les diverssuccédanés, au moyen <strong>de</strong>squels on remplace, passablement ou1. Ce détail est empruntéà Ellis,Diss. Caf.,p. 16. Les lhoticesstatistiqxcesur les coloniesfranFaises,2, p. 46,disent "Vers 1716ou 1721, <strong>de</strong>ssemencesfraiches <strong>de</strong> café ayant été apportées secrètement <strong>de</strong> Surinam,malgréla surveillance <strong>de</strong>s Hollandais, la culture <strong>de</strong> cette <strong>de</strong>nréecolonialese naturalisa à Cayenne. »2. Le nom<strong>de</strong> ce marin a été écrit <strong>de</strong> plusieursmanières,Declieux,Ducliexc~,Desclieux,selonles ouvrages.D'après les informations que j'aiprises au ministère <strong>de</strong> la guerre, <strong>de</strong> Clieux était un gentilhomme allié aucomte <strong>de</strong> Maurepas ẹn ètait néaprès une carrière entré dansla marineenen4T02,et s'était retiré en 1760,après une carrièretrès honorable.J'ai donnéses états <strong>de</strong> service dans une note <strong>de</strong> ma Géographiebotanique,p. 97Ln est mort en 1.775. Lesrapports officiels n'ont pas omis <strong>de</strong>mentionnerlefait important qu'il avait introduitla Caféierdans les coloniesfrançaises.3. Delenze, Hist. du hfuséacrn, 1, p. 20.4. Noticesstatist.sur lescoloniesfrançaises,i, p. 30.5: Noticestatist.col./)' 1,p. 209.6. Martin,Statist. colon.Boit.Exrap.7. NouuḌict.hist. nat., IV, p. 135.8..N~M;e~M.co~a~2,p.St. o. D.~ «!M9. H. Welter,Essaisur l icistoiredu café, 1 vol. Paris, 1S6S.


336 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINESfort mal, une graine qu'on ne saurait trop apprécierétat naturel.dans sonCaféier <strong>de</strong> Libérie. Coffea liberica, Hiern l.Depuis quelques années, le jardin royal <strong>de</strong> Kew a envoyéles danscolonies anglaises <strong>de</strong>s pieds <strong>de</strong> cette espèce, qui croît spontanémentà Libéria, dans l'Angola, à Golungo alto 2 et probablementdans plusieurs autres localités <strong>de</strong> l'Afrique tropicale occi<strong>de</strong>ntale.La végétation en est plus vigoureuse que celle du Caféierordinaire, et les graines, d'une dimension plus gran<strong>de</strong>, donnentun excellent produit. Les Rapports officiels du jardin <strong>de</strong> Kewpar sir Joseph Hooker, son savant directeur, font connaître leprogrès <strong>de</strong> cette introduction, qui jouit d'une gran<strong>de</strong> faveur,surtout à la Dominique.Madia. Madia sativa, Molina.Les habitants du Chili, avant la découverte <strong>de</strong> l'Amérique,cultivaient cette espèce <strong>de</strong> Composée annuelle pour l'huile contenuedans les graines. Depuis qu'on a planté beaucoup d'Oliviers,le Madia est méprisé par les Chiliens, qui se plaignentseulement <strong>de</strong> la plante comme mauvaise herbe incommo<strong>de</strong> dansleurs jardins 3. C'est alors que les Européens se sont mis à la'cultiver avec un succès médiocre, vu la mauvaise o<strong>de</strong>ur <strong>de</strong>scapitules.Le Madia est indigène au Chili et, en même temps, en Californie4.On a d'autres exemples <strong>de</strong> cette disjonction d'habitationentre les <strong>de</strong>ux pays 5.Muscadier. – Myristica fragrans, Houttuyn.Le Muscadier, petit arbre <strong>de</strong> la famille <strong>de</strong>s Myristicées, estspontané aux Moluques, principalement dans les îles <strong>de</strong> Banda8.Il y est cultivé <strong>de</strong>puis un temps très long, à en juger par lenombre considérable <strong>de</strong> ses variétés.Les Européens ont reçu la noix musca<strong>de</strong>, par le commerce <strong>de</strong>l'Asie, <strong>de</strong>puis le moyen âge; mais les Hollandais se sont assuréslongtemps le monopole <strong>de</strong> sa culture. Quand les Anglais ontpossédé les Moluques, à la fin du siècle <strong>de</strong>rnier, ils ont porté<strong>de</strong>s Muscadiers vivants à Bencoolen et dans l'île du Prince-Edouard 7. Il s'est répandu ensuite à Bourbon, Maurice, Mada-1. Dans Hiern, Transactionsof thelinneanSocietyșérie2, vol. 1, p. 171,pl. 24.Cette planche estreproduitedansle Rapportdujardin royal<strong>de</strong>Kewpour 1876.2. Oliver, Flora oftropicalAfrica,3, p. 181.3. CI. Gay, Flora chitena,4,p. 268.4. AsaGray,Botanyof California,1,p. 359.5. A. <strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>,Géogrḅot.raisonnée,p. 1047.6. Rumphius, Amboin.2, p. 17 Blume,Rumphia,1,p. 180.7.Roxburgh,Flora indica,3, p. 845.


SÉSAME 337gascar, et dans certaines colonies <strong>de</strong> l'Amérique tropicale, maisavec un succès médiocre au point <strong>de</strong> vue commercial.Sésame. – Sesamum indicum, <strong>de</strong> <strong>Candolle</strong> (S. indicum et S.orientale, Linné).Le Sésame est cultivé, <strong>de</strong>puis très longtemps, dans les régionschau<strong>de</strong>s <strong>de</strong> l'ancien mon<strong>de</strong>, pour l'huile qu'on extrait <strong>de</strong> sesgraines.La famille <strong>de</strong>s Sésamées, à laquelle appartient cette planteannuelle, se compose <strong>de</strong> plusieurs genres, distribués dans lesrégions tropicales d'Asie, d'Afrique et d'Amérique. Chaque genren'a qu'un petit nombre d'espèces. Le Sesamum, pris dans lesens le plus large en a une dizaine, toutes d'Afrique, saufpeut-être l'espèce cultivée, dont nous allons chercher l'origine.Celle-ci compose à elle seule le vrai genre Sesamum, qui est unesection dans l'ouvrage <strong>de</strong> MM. Bentham et Hooker. L'analogiebotanique indiquerait une origine africaine, mais on sait qu'ily a bon nombre <strong>de</strong> <strong>plantes</strong> dont l'habitation s'étend <strong>de</strong> l'Asieméridionale à l'Afrique.Le Sésame présente <strong>de</strong>ux races, l'une à graines noires, l'autreà graines blanches, et plusieurs variétés quant à la forme <strong>de</strong>sfeuilles. La différence <strong>de</strong> couleur <strong>de</strong>s graines remonte à unegran<strong>de</strong> antiquité, comme cela se voit dans le Pavot.Les graines <strong>de</strong> Sésame se répan<strong>de</strong>nt souvent hors <strong>de</strong>s cultureset naturalisent plus ou moins l'espèce. On l'a remarqué dans<strong>de</strong>s régions très éloignées les unes <strong>de</strong>s autres, par exemple dansl'In<strong>de</strong>, les îles <strong>de</strong> la Son<strong>de</strong>, l'Egypte et même aux Antilles,où certainement la culture est d'introduction mo<strong>de</strong>rne 2. C'estpeut-être la cause pour laquelle aucun auteur ne prétendtrouvé la avoirplante à l'état sauvage, si ce n'est Blume 3, observateurtrès digne <strong>de</strong> foi, qui mentionne une variété à fleurs plusrouges qu'à l'ordinaire croissant dans les montagnes <strong>de</strong> Java.Voilà sans doute un indice d'origine, mais il en faut d'autrespour une véritable preuve. Je les chercherai dans l'histoire <strong>de</strong>la culture. Le pays où elle a commencé doit être l'ancienne habitation<strong>de</strong> l'espèce, ou s'être trouvé en rapport avec cette anciennehabitation.Que la culture remonte en Asie, à une époque très reculée,c'est assez clair d'après la diversité <strong>de</strong>s noms. Le Sésame senomme en sanscrit 7ï/a. en malais Widjin, en chinois Moa(d'après Rumphius) ou Chi-ma (d'après Bretschnei<strong>de</strong>r) en1. Benthamet Hooker,Genera,2,p. 1059.2. Pickering,Chronolḣistoryof plants, p. 223;Rumphius,Herb.amboinense,5,p. 204 Miquel,Flora indo-hatava,2, p. 760; SchweinfurthetAscherson,Aufzahlung,p. 273;Grisebach,Flora of brit. W.India, p. 458.3.Blume,Bijdragen,p. 778.4. Roxburgh,Fl. ind., éd. 1832,v. 3, p. 100 Piddington, In<strong>de</strong>x.DE Gandolle. 22


338 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS GRAINES-m f*T «^«_^M«* Af%japonais Koba ». Le nom <strong>de</strong> Sesam est commun au grec, aulatin et à l'arabe, sauf <strong>de</strong>s variations insignifiantes <strong>de</strong> lettres.On pourrait en inférer que l'habitation était très étendue etqu'on aurait commencé à cultiver la plante dans plusieurs paysséparément. Mais il ne faut pas donner trop d'importance à unargument <strong>de</strong> cette nature. Les ouvrages chinois font présumerque le Sésame n'a pas été introduit en Chine avant 1 ère chrétienne.La première mention suffisamment certaine se trouvedans un livre du -Veou -viesiècle, intitulé Tsi min yao chouAntérieurement, il y avait un peu <strong>de</strong> confusion <strong>de</strong> nom avec leLin, dont la graine donne aussi <strong>de</strong> l'huile et qui n'est pas d'anciennedate en Chine 3..Théophraste et Dioscori<strong>de</strong> disent que les Egyptiens cultivaientune plante appelée Sésame, pour en tirer <strong>de</strong> 1 huile, etPline ajoute qu'elle venait <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> i. Il parle aussi dunSésame sauvage en Egypte, dont on tirait <strong>de</strong> l'huile, mais c étaitprobablement le Ricin s. Il n'est pas prouvé que les anciensEgyptiens, avant l'époque <strong>de</strong> Théophraste, aient cultivé leSésame. On n'en a pas trouvé <strong>de</strong> figure ni <strong>de</strong> graines dans lesmonuments. Un <strong>de</strong>ssin du tombeau <strong>de</strong> Ramses III montrel'usage <strong>de</strong> mêler <strong>de</strong> petites graines avec la farine <strong>de</strong>s pâtisseries,et <strong>de</strong> nos jours cela se fait en Egypte avec les graines <strong>de</strong> Sésame,,mais on se sert aussi d'autres graines (Garvi, Nielle), et il n estpas possible <strong>de</strong> reconnaître dans le <strong>de</strong>ssin celles <strong>de</strong> Sésame enparticulier 6. Si les Egyptiens avaient connu l'espèce au temps<strong>de</strong> l'Exo<strong>de</strong>, 1100 ans avant Théophraste, il est probable que leslivres hébreux l'auraient mentionnée, à cause <strong>de</strong>s usages variés<strong>de</strong> la graine et surtout <strong>de</strong> l'huile. Cependant les commentateursn'en ont trouvé aucune trace dans l'Ancien Testament. Le nomSemsem ou Simsim est bien sémitique, mais seulement <strong>de</strong>l'époque, moins ancienne, du Talmud et du traité d'agricultured'Alawwam 8, rédigé <strong>de</strong>puis l'ère chrétienne. Ce sont peut-êtreles Sémites qui ont porté la plante et le nom Semsem (d ouSesam <strong>de</strong>s Grecs) en Egypte, après l'époque <strong>de</strong>s grands monumentset <strong>de</strong> l'Exo<strong>de</strong>. Ils ont pu la recevoir, avec le nom, <strong>de</strong> laBabylonie, où l'on cultivait le Sésame, d'après Hérodote °.Une ancienne culture dans la région <strong>de</strong> l'Euphrate se conciliei. TImmberg,Fl.iap., p.2. Bretschnei<strong>de</strong>r,lettre du 254.23août 1881.3. Bretsehnei<strong>de</strong>r,Onstudy,etc., p. 16.4. Théophraste, 1. 8, c. 1, S Dioscori<strong>de</strong>s,I. 2, c. 1£1;Pline, List., I. 18,C.10.5.Pline, Hist.,1.45,c. 7.6'. WHMnson/Mannersand customs,etc., vol. 2; Unger, Pflanzen <strong>de</strong>saltenfEg:~ptens,p. 45.ax\JfnierllEconomiepublique <strong>de</strong>s Arabeset <strong>de</strong>s Juifs, p. 431; Lô-w,AfamiiischePflanzennamen,p. 376.8.E. TMeyer,GescHchte<strong>de</strong>r Botanik,3, p. 75.9. Hérodote,1. 1,c. 193.


RICINCOMMUN 339bien avec l'existence d'un nom sanscrit, Iila, le lilu <strong>de</strong>s Branmines(Rhee<strong>de</strong>, Malabar, 1, 9, p. 10b; 407), mot dont il y a <strong>de</strong>srestes dans plusieurs langues mo<strong>de</strong>rnes <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, en particulierà Cevian Ainsi nous sommes ramenés vers l'In<strong>de</strong>, conformémentà l'origine dont parlait Pline, mais il est possible quel'In<strong>de</strong> elle-même ait reçu l'espèce <strong>de</strong>s îles <strong>de</strong> la Son<strong>de</strong> avantl'arrivée <strong>de</strong>s conquérants aryens. Rumphius indique pour cesîles trois noms du Sésame, très différents entre eux et tout autresque le nom sanscrit, ce qui appuie l'idée d'une existence plusancienne dans l'archipel que sur le continent.En définitive, d'après la spontanéité à Java et les argumentshistoriques et linguistiques, le Sésame paraît originaire <strong>de</strong>s îles<strong>de</strong> la Son<strong>de</strong>. Il a été introduit dans l'In<strong>de</strong> et la région <strong>de</strong> l'Euphrate<strong>de</strong>puis <strong>de</strong>ux ou trois mille ans et en Egypte à uneépoque moins ancienne, <strong>de</strong> 1000 à 500 ans avant J.-G.On ignore <strong>de</strong>puis quelle époque il est cultivé dans le reste <strong>de</strong>l'Afrique, mais les Portugais l'ont transporté <strong>de</strong> la côte <strong>de</strong>Guinée au Brésil 2.Ricin commun. Ricinus communis, Linné.Les ouvrages les plus mo<strong>de</strong>rnes et les plus estimés donnentpour pays d'origine <strong>de</strong> cette Euphorbïacée l'Asie méridionale;quelquefois ils indiquent certaines variétés en Asie, d'autresen Afrique ou en Amérique, sans distinguer les pieds cultivés<strong>de</strong>s spontanés. J'ai lieu <strong>de</strong> croire que la véritable origine estdans l'Afrique intertropicale, conformément à l'opinion émisepar M. Ball 3.Les difficultés qui entourent la question viennent <strong>de</strong> l'ancienneté<strong>de</strong> la culture en divers pays, <strong>de</strong> la facilité avec laquelle leRicin se sème et se naturalise dans les décombres et même dans<strong>de</strong>s endroits incultes, enfin <strong>de</strong> la diversité <strong>de</strong> ses formes, qu'ona décrites souvent comme espèces. Ce <strong>de</strong>rnier point ne doit pasnous arrêter, car la monographie soignée du Dr J. Mûller 4 constatel'existence <strong>de</strong> seize variétés, à peine héréditaires, qui passent<strong>de</strong>s unes aux autres par <strong>de</strong> nombreuses transitions et constituentpar conséquent, dans leur ensemble, une seule espèce.Le nombre <strong>de</strong> ces variétés est l'indice d'une culture tresancienne. Elles diffèrent plus ou moins par les capsules, lesgraines, l'inflorescence, etc. En outre, ce sont <strong>de</strong> petits arbresdans les pays chauds, mais elles ne supportent pas facilement lagelée et <strong>de</strong>viennent, au nord <strong>de</strong>s Alpes et dans les régions analogues,<strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> annuelles. On les sème alors pour l'ornement<strong>de</strong>s jardins, tandis que dans les régions tropicales et même1.Thwaites,Emim.,p. 209.2. Piso,Brasil.,éd. 1658,p. 2ii.3.Bail,Florœmaroccamespicilegium,p. 684.4. Mûller,Argov., dans DC, Prodi'omus,vol. 13,sect. 2, p. 1017.


340 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS GRAINESen Italie c'est pour l'huile contenue dans la graine. Cette huile,plus ou moins purgative, sert à l'éclairage -au Bengale et ailleurs.Dans aucune région le Ricin n'a été trouvé spontané d'unemanière aussi certaine qu'en Abyssinie, dans le Sennaar et leCordofan. Les expressions <strong>de</strong>s auteurs ou collecteurs sont catégoriques.Le Ricin est commun dans les endroits rocailleux<strong>de</strong> la vallée <strong>de</strong> Chiré, près <strong>de</strong> Goumalo, dit Quartin Dillon; ilest spontané dans les localités du Sennaar supérieur qui sontinondées pendant les pluies, dit Hartmann 1. Je possè<strong>de</strong> unéchantillon <strong>de</strong> Kotschy, n° 243, recueilli du côté septentrionaldu mont Kohn, en Cordofan. Les indications <strong>de</strong>s voyageurs auMozambique et sur la côte opposée <strong>de</strong> Guinée ne sont pas aussiclaires, mais il est très possible que l'habitation spontanées'éten<strong>de</strong> sur une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> l'Afrique tropicale. Commeil's'agit d'une espèce utile, très apparente et facile à propager, lesnègres ont dû la répandre <strong>de</strong>puis longtemps. Toutefois, quandon se rapproche <strong>de</strong> la mer Méditerranée, il n'est plus questiond'indigénat. Déjà, pour l'Egypte, MM. Schweinfuth et Ascherson 2disent l'espèce seulement cultivée et naturalisée. Probablementen Algérie, en Sardaigne, au Maroc, et même aux îles Canaries,où elle se voit surtout dans les sables au bord <strong>de</strong> la mer, elleest naturalisée <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s siècles.J'en dirai autant <strong>de</strong>s échantillons rapportés <strong>de</strong> Djedda, enArabie, par Schimper, qui ont été recueillis près d'une citerne.Forskal a cependant recueilli le Ricin dans les montagnes <strong>de</strong>l'Arabie Heureuse, ce qui peut signifier une station spontanée.M. Boissier l'indique dans le Belouchistan et la Perse méridionale,mais comme « subspontané », <strong>de</strong> même qu'en Syrie,Anatolie et Grèce.Rhee<strong>de</strong> 6 parle du Ricin comme cultivé au Malabar et croissantdans les sables, mais les auteurs mo<strong>de</strong>rnes anglo-indiensn'admettent nullement la spontanéité. Plusieurs passent l'espècesous silence. Quelques-uns parlent <strong>de</strong> la facilité <strong>de</strong> naturalisationhors <strong>de</strong>s cultures. Loureiro avait vu le Ricin en Cochinchineet en Chine, « cultivé et non cultivé », ce qui signifiepeut-être échappé <strong>de</strong>s cultures. Enfin, pour les îles <strong>de</strong> la Son<strong>de</strong>,Rumphius est, comme toujours, un <strong>de</strong>s plus intéressants àconsulter. « Le Ricin, dit-il, croît surtout à Java, où il constitued'immenses champs et produit une gran<strong>de</strong> quantité d'huile. AAmboine, on le plante çà et là près <strong>de</strong>s habitations et dans les1. Richard,Tentamenflorssabyssinics,2, p. 250;Schweinfurth, PlantaniloticiBa Hartmann,etc., p.2. Sclrweinfiirth. et Ascherson,Aufzàhlung,p. 13.262.3. Forskal,Fl. arab., p.4.Boissier,Fl. orient, 71.4, p. 1143.5. Rhee<strong>de</strong>,Malabar,2, p. 57, t. 32.6. Rumphius, Eerb.Amboin.,vol. 4, p. 93.


RICIN COMMUN 341champs, plutôt pour l'usage médicinal. L'espèce sauvage croîtdans les jardins abandonnés (in <strong>de</strong>sei'tis hortis) elle provientsans doute <strong>de</strong> la plante cultivée (sine dubio <strong>de</strong>generatio domesticse).» Au Japon, le Ricin se voit parmi les buissons et sur lespentes du mont Wunzen, mais MM. Franchet et Savatier 1 ajoutent« Probablement introduit. » Enfin le Dr Bretschnei<strong>de</strong>r nementionne pas l'espèce dans son opuscule <strong>de</strong> 1870, ni dans leslettres qu'il m'a adressées, ce qui me fait supposer une introductionpeu ancienne en Chine.On cultive le Ricin dans l'Amérique'intertropicale. Il s'y natulisefacilement dans les taillis, les décombres, etc. mais aucunbotaniste ne l'a trouvé avec les conditions d'une plante vraimentindigène. L'introduction doit remonter au premier temps <strong>de</strong> ladécouverte <strong>de</strong> l'Amérique, car on cite aux Antilles un nom vulgaire,Lamourou, et Pison en indique un autre au Brésil, Nhambu-Guacu,Figuero inferno <strong>de</strong>s Portugais. C'est <strong>de</strong> Bahia quej'ai reçu le plus grand nombre d'échantillons. Aucun n'est accompagnéd'une assertion <strong>de</strong> véritable indigénat.En Egypte et dans l'Asie occi<strong>de</strong>ntale, la culture du Ricin dated'époques si reculées qu'elles ont fait illusion sur l'origine.Les anciens Egyptiens la pratiquaient largement, d'apresHérodote, Pline, Diodore, etc. Il n'y a pas d'erreur sur l'espèce,car on a trouvé dans les tombeaux <strong>de</strong>s graines qui lui appartiennent2. Le nom égyptien était Kiki. Théophraste et Dioscori<strong>de</strong>l'ont mentionné, et les Grecs mo<strong>de</strong>rnes l'ont conservé 3,tandis que les Arabes ont un nom tout différent, Kerua, Kerroa,CharuaRoxburgh et Piddington citent un nom sanscrit Eranda,Erunda, qui a laissé <strong>de</strong>s <strong>de</strong>scendants dans les langues mo<strong>de</strong>rnes<strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>. A quelle époque du sanscrit remonte ce nom ? C'estce que les botanistes ne disent pas. Comme il s'agit d'uneplante <strong>de</strong>s pays chauds, les Aryas n'ont pas dû en avoir connaissanceavant leur arrivée dans l'In<strong>de</strong>, c'est-à-dire à uneépoque moins ancienne que les monuments égyptiens.La rapidité extrême <strong>de</strong> la croissance du Ricin a motivé diversnoms dans les langues asiatiques et celui <strong>de</strong> Wun<strong>de</strong>rbaum enallemand. La même circonstance et l'analogie avec le nomégyptien, Kiki, ont fait présumer que le Kikajon <strong>de</strong> l'AncienTestament 5, qui avait crû, disait-on, dans une nuit, était leRicin.Je passe une infinité <strong>de</strong> noms vulgaires plus ou moins absur<strong>de</strong>s,comme Palma Christi, Girasole <strong>de</strong> quelques Italiens, etc., mais il1.Franchet et Savatier,Enum.Japon., 1,p. 424.2. Unger, Pflanzen<strong>de</strong>salten Mgyptens,p. 61:3. Théophraste,Hist.,1.1, c. 19 Dioscori<strong>de</strong>s, 1. 4, c. 171 Fraas,Synopsisfl. class.,p. 92.4. Nemnich,Polyglott.Lexicon;Forskal,Fl. sgypt., p. 75.5. Jonas,IV,6; Pickering,Chronolḥist.of plants,p. écrit Kykvpjn.


342 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS GRAINESest bon <strong>de</strong> noter l'origine du nom Castor et Castor-oU <strong>de</strong>s Anglais,comme une preuve <strong>de</strong> leur manière d'accepter sansexamen et <strong>de</strong> dénaturer quelquefois <strong>de</strong>s noms. Il paraît quedans le siècle <strong>de</strong>rnier, à la Jamaïque, où l'on cultivait beaucouple Ricin, on l'avait confondu avec un arbuste complètementdifiérent, le Yitex Agnus caslus, appelé Agno casto par les Portugaiset les Espagnols. De Casto, les planteurs anglais et lecommerce <strong>de</strong> Londres ont fait Castor 1-Noyer. – Juglans régla, Linné.Il v a quelques années, on connaissait le noyer, à l'état sauvage,en Arménie, dans la région au midi du Caucase et <strong>de</strong> lamer Caspienne, dans les montagnes du nord et du nord-est <strong>de</strong>l'In<strong>de</strong> et le pays <strong>de</strong>s Birmans 2. L'indigénat au midi du Caucaseet en Arménie, nié par C. Koch s, est prouvé par plusieursvoyageurs. On a constaté <strong>de</strong>puis l'existence spontanée auJapon ce qui rend assez probable que l'espèce est aussi dansle nord' <strong>de</strong> la Chine, comme Loureiro et M. <strong>de</strong> Bunge l'avaientdit 5, sans préciser suffisamment la qualité spontanée. Récemment,M. <strong>de</strong> Heldreich s a mis hors <strong>de</strong> doute que le Noyer abon<strong>de</strong>,à l'état sauvage, dans les montagnes <strong>de</strong> la Grèce, ce qui s'accor<strong>de</strong>avec <strong>de</strong>s passages <strong>de</strong> Théophraste J qu'on avait négligés.Enfin, M.Heuffel l'a vu, sauvage également, dans les montagnesdu Banat 8. r nr~L'habitation actuelle, hors <strong>de</strong>s cultures, s étend donc <strong>de</strong> 1 liuropetempérée orientale jusqu'au Japon.Elle a été unefois plus occi<strong>de</strong>ntale en Europe, car on a trouvé<strong>de</strong>s feuilles <strong>de</strong> notre Noyer dans les tufs quaternaires <strong>de</strong> Provence9. Il existait beaucoup d'espèces <strong>de</strong> Juglans dans notrehémisphère, aux époques dites tertiaires et quaternaires; maintenantelles sont réduites à une dixaine au plus, distribuées dansl'Amérique septentrionale et l'Asie tempérée.L'emploi <strong>de</strong>s fruits du Noyer et la plantation <strong>de</strong> l'arbre ont pucommencer dans plusieurs <strong>de</strong>s pays où se trouvait l'espèce, etl'agriculture a étendu, graduellement mais faiblement, son habi-1. HtteMkeret Hanbury, Histoire<strong>de</strong>s drogues,trad, française,2, p. 320.2.C.<strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>,Pradr., 16, sect. 2,p. 136;Tchihatcheff,AsieMineure,1, p. 172; Le<strong>de</strong>bour, Fl. tous.,1, p. 507-,Roxburgk,FI. ind., o, p. 630Boissier,FI. orient, 4,p. 1160;Brandis,Forestfloraoflndia, p. 498 Kurz,Forestfl. ofbrit. Burma,p. 390.3. C. Koeh,Dendrologie,1, p. 584..4. Franchetet Savatier,Enum.plant Jap., i, p. 453.5.Loureiro,Fl. coch.,p. 702;Bunge,Enum.,p. 62.6. De Heldreich,VerkandLbot. VereinsBran<strong>de</strong>nburg,fur 1879,p..147.7. Theophrastes, Hist. plant, 1.3,c. 3, 6.Cespassages et autres <strong>de</strong>s ancienssont cités et interprétéspar M. Heldreich,mieux que par Heha etautresérudits.8. Heuffel,Âbhandl.zool. bot. Ges.m Wien,18a3,p. 194.DeSaporta, 33»session du Congrèscientiûque <strong>de</strong>France.,


NOYER 343tation artificielle. Le Noyer n'est pas un <strong>de</strong> ces arbres qui sesèment et se naturalisent avec facilité. La nature <strong>de</strong> ses grainess'y oppose peut-être, 'etd'ailleurs il lui faut <strong>de</strong>s climats où il negèle pas beaucoup et d'une chaleur modérée. Il ne dépasse guèrela limite septentrionale <strong>de</strong> la vigne et s'avance beaucoup moinsqu'elle au midi.Les Grecs, habitués à l'huile d'olive, ont négligé plus oumoins le Noyer, jusqu'à ce qu'ils aient reçu <strong>de</strong> Perse unemeilleure variété, dite du roi, Karuan basilikon 1 ouPersihorz2.Les Romains ont cultivé le Noyer dès l'époque <strong>de</strong> leurs rois;ils le regardaient comme d'origine persane 3. On connaît leurvieux usage <strong>de</strong> jeter <strong>de</strong>s noix dans la célébration <strong>de</strong>s noces.L'archéologie a confirmé ces détails. Les seules noix qu'on aittrouvées jusqu'à présent sous les habitations <strong>de</strong>s lacustres <strong>de</strong>Suisse, Savoie ou Italie se réduisent à une localité <strong>de</strong>s environs<strong>de</strong> Parme, appelée Fontinellato, dans une couche <strong>de</strong> 1 époque dufer Or ce métal, très rare du temps <strong>de</strong> la guerre <strong>de</strong> Troie, n adû entrer dans les usages <strong>de</strong> la population agricole d'Italiequ'au va ou vie siècle avant J.-C, époque à laquelle au <strong>de</strong>là <strong>de</strong>sAlpes on ne connaissait peut-être pas même le bronze. Dans lastation <strong>de</strong> Lagozza, les fruits dunoyer ont été trouvés dans unecouche tout à fait supérieure et nullement ancienne du solEvi<strong>de</strong>mment les Noyers d'Italie, <strong>de</strong> Suisse et <strong>de</strong> France ne <strong>de</strong>scen<strong>de</strong>ntpas <strong>de</strong>s individus fossiles <strong>de</strong>s tufs quaternaires dont j'aiparlé. ^Il'est impossible <strong>de</strong> savoir à quelle époque on a commencé <strong>de</strong>planter le Noyer dans l'In<strong>de</strong>. Ce doit être anciennement, car ilexiste un nom sanscrit Akschôda, Akhoda ou AIMta. Les auteurschinois disent que le Noyer a été introduit chez eux, du Thibet,sous la dynastie Han, par Chang-Kien, vers l'année 140-150avant J.-C. s. Il s'agissait peut-êtred'une variété perfectionnée.D'ailleurs il est probable, d'après les documents actuels <strong>de</strong>sbotanistes, que le Noyer spontané est rare dans le nord <strong>de</strong> laChine et qu'il manque peut-être dans la partie orientale. La date<strong>de</strong> la culture au Japon est inconnue.Le Noyer et les noix ont reçu chez d anciens peuples une infinté<strong>de</strong> noms, sur lesquels la science et l'imagination <strong>de</strong>s linguistesse sont déployées 7, mais l'origine <strong>de</strong> l'espèce est tropclaire pour que nous ayons à nous en occuper.1. Dioscori<strong>de</strong>s,1.1, e. 176.2.Pline,Hist.plant., 1. lii,3.Pline,Ibid.g.22.4. Heer,Pflanzen <strong>de</strong>r Pfahlbaulen,p. 31.5.Sor<strong>de</strong>lli,Suiteplante délia torbiem,etc.,p. 30.6. Bretschnei<strong>de</strong>r, On the study and value, etc., p. 16, et lettre du23août 1881..7. Ad.Pictet, Lesoriginesindo-européennes, éd. 2, vol. i, p. 289;HehnCuiturpflanzen undHaùUhiere, éd. 3, p. 341.


344 PLANTES CULTIVÉES POURLEURS GRAINESArec. Areca Catechu, Linné.On cultive beaucoup ce palmier dans le pays où l'usage <strong>de</strong>mâcher le bétel est répandu, c'est-à-dire dans toute l'Asie méridionale.La noix, ou plutôt l'aman<strong>de</strong> qui forme la partie principale<strong>de</strong> la graine contenue dans le fruit, est ce qu'on recherche,pour le goût aromatique. Coupée par fragments, mêlée à <strong>de</strong>la chaux et enveloppée d'une feuille <strong>de</strong> poivrier bétel, c'est unexcitant agréable, qui fait saliver et noircit les <strong>de</strong>nts à la satisfaction<strong>de</strong>s indigènes.L'auteur du principal ouvrage sur les palmiers, <strong>de</strong> Martiuss'exprime ainsi sur l'origine <strong>de</strong> l'espèce La patrie n'est pas certaine(non constat); c'est probablement l'île <strong>de</strong> Sunda. » Voyonss'il est possible d'affirmer quelque chose, en recourant surtoutaux auteurs mo<strong>de</strong>rnes.Sur le continent <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> anglaise, à Ceylan et la Cochinchine,l'espèce est toujours indiquée comme cultivée 2. De même pourles îles <strong>de</strong> la Son<strong>de</strong>, Moluques, etc., au midi <strong>de</strong> l'Asie. Blume 3,dans son bel ouvrage intitulé Rum,ph,ia, dit que la patrie est lapresqu'île <strong>de</strong> Malacca, Siam et les îles voisines. Il ne paraitcependant pas avoir vu les pieds indigènes dont il parle. LeDr Bretschnei<strong>de</strong>r 4 croit que l'espèce est originaire <strong>de</strong> l'archipelmalais, principalement <strong>de</strong> Sumatra, car, "dit-il, ces îles et lesPhilippines sont les seules localités où on la trouve sauvage. Lepremier <strong>de</strong> ces faits n'est pas confirmé par Miquel, ni le secondpar Blanco 5, qui résidait aux Philippines. L'opinion <strong>de</strong> Blumeparaît la plus probable, mais on peut encore dire avec <strong>de</strong> Martiusla patrie n'est pas constatée.L'existence d'une multitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> noms malais, Pinang,Jambe, etc., et d'un nom sanscrit, Gouvaka, <strong>de</strong> même que <strong>de</strong>svariétés fort nombreuses, montrent l'ancienneté <strong>de</strong> la culture.Les Chinois l'ont reçue, en l'an 111 avant J.-C, <strong>de</strong>s pays méridionaux,sous le nom malais écrit Pin-lang. Le nom telingaArek est l'origine du nom botanique A1'eca.Elaeis <strong>de</strong> Guinée. Elaeis guineensis, Jacquin.Les voyageurs qui ont visité la côte <strong>de</strong> Guinée dans la premièremoitié du xvic siècle6 remarquaient déjà ce Palmier, dontles nègres tiraient <strong>de</strong> l'huile en exprimant la partie charnue du1. Martius, Hist. nat. Palmarum,in-folio,vol. 3, p. 170(publiésans dateprécise,maisavant1851).2. Roxburgh,FI. ind., 3, p. 616 Brandis,Forestflora of India, p. 351Kurz,Forestflora of british Burma,p. 537; Thwaites,Enum. Zeylan.*p. 327 Loureiro,FI. cochinch.,p. 695.3.Blume,Runzphia,2, p. 67 Aliquel,Fl. indo-batava,3, p. 9; Suppl. <strong>de</strong>Sumatra,p. 253.4. Bretschnei<strong>de</strong>r,Valueandstudy,p. 28.5. Blanco,Flora <strong>de</strong> Filipinas,ed. 2.G.Da Mosto, dans Ramusio,1, p. 104,cité par R. Brown.


COCOTIER 345fruit. C'est un arbre indigène sur toute la côte i. On le planteaussi, et l'exportation <strong>de</strong> l'huile, dite <strong>de</strong> Palme (Palm oil <strong>de</strong>sAnglais), est l'objet d'un grand commerce.Comme il se présente également à l'état sauvage dans le Brésilet peut-être à la Guyane 2, un doute s'était élevé sur la véritableorigine. On pouvait d'autant mieux la supposer américaineque la seule espèce constituant, avec celle-ci, le genre Elaeis, est<strong>de</strong> la Nouvelle-Grena<strong>de</strong> 3. Robert Brown cependant, et les auteursqui se sont le plus occupés <strong>de</strong> la famille <strong>de</strong>s Palmiers, sontunanimes à considérer l'Elaeis guineensis comme introduit enAmérique, par les nègres et les négriers, lorsqu'ils passaient <strong>de</strong>la côte <strong>de</strong> Guinée à la côte opposée américaine. Beaucoup <strong>de</strong>faits appuient cette opinion. Les premiers botanistes qui ontvisité le Brésil, comme Piso et Marcgraf, n'ont pas parlé <strong>de</strong>l'Elaeis. Il se trouve seulement sur le littoral, <strong>de</strong> Rio-<strong>de</strong>-Janeiroà l'embouchure <strong>de</strong>s Amazones, jamais dans l'intérieur. Il estsouvent cultivé ou avec l'apparence d'une espèce. échappée <strong>de</strong>splantations. Sloane , qui avait exploré la Jamaïque dans lexviie siècle et avait examiné en Europe <strong>de</strong>s fruits venantd'Afrique, raconte qu'on avait introduit cet arbre, <strong>de</strong> son temps,<strong>de</strong> Guinée dans une plantation qu'il désigne. Il s'est naturalisé<strong>de</strong>puis dans quelques localités <strong>de</strong>s Antilles 5.Cocotier. Cocos nuci fera, Linné.Le Cocotier est peut-être <strong>de</strong> tous les arbres <strong>de</strong>s pays intertropicauxcelui qui donne les produits les plus variés. Son bois etses fibres sont utilisés <strong>de</strong> plusieurs manières. La sève, extraite<strong>de</strong> la partie inférieure <strong>de</strong> l'inflorescence, donne une boisson alcooliquetrès recherchée. La coque du fruit sert <strong>de</strong> vase; le lait<strong>de</strong> la graine avant maturité est une boisson agréable; enfinl'aman<strong>de</strong> contient une forte proportion d'huile. Il n'est pas surprenantqu'on ait semé et transporté, le plus possible, un arbreaussi précieux. D'ailleurs sa dispersion est aidée par <strong>de</strong>s causesnaturelles. Les noix <strong>de</strong> coco, grâce à leur enveloppe fibreuse,peuvent flotter dans l'eau salée sans que la partie vivante <strong>de</strong> lagraine en soit atteinte. De là résulte une possibilité <strong>de</strong> transportsà <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s distances par les courants et une naturalisation surles côtes, quand la température est favorable. Malheureusementcet arbre exige un climat chaud et humi<strong>de</strong>, tel qu'on le trouve1. R. Brown,Botanyof Congo,p. 55.2. Martius,Eut nat. Palmarum,2, p. 62 Dru<strong>de</strong>, dans Flora brasil.,fasc. 85,p. 457.Je ne vois pas d'auteur qui affirmela qualitéspontanéeàla Guyane,comme<strong>de</strong> Martiusle fait pour le Brésil.3. Elaeismelanocarpa,Gaertner.Le fruit contient également<strong>de</strong> l'huile;maisil ne paraît pas qu'on cultivel'espèce,le nombre<strong>de</strong>s <strong>plantes</strong>oléagineusesétant considérableen tous pays.4. Sloane,Natwal historyof Jamaica,2, p. 113.5. Grisebach,Flora of british W.India islands,p. 522.


346 PLANTES CULTIVÉESPOUR LEURS GRAINESseulement entre les tropiques ou dans <strong>de</strong>s localités voisines anpeu exceptionnelles. En outre, il ne réussit pas loin <strong>de</strong> la mer.Le Cocotier abon<strong>de</strong> sur le littoral <strong>de</strong>s régions chau<strong>de</strong>s <strong>de</strong> l'Asie<strong>de</strong>s îles au midi <strong>de</strong> ce continent, et dans les pays analogues enAfrique et en Amérique, mais on peut affirmer qu'il date d'uneintroduction <strong>de</strong> moins <strong>de</strong> trois cents ans au Brésil, aux Antilleset sur la côte occi<strong>de</strong>ntale d'Afrique.Pour le Brésil, Piso et Marcgraf 1 semblent admettre une origineétrangère, sans le dire positivement. De Martius, qui a publiésur les Palmiers un ouvrage très important 2 et a parcourules provinces <strong>de</strong> Bahia, Pernambouc et autres, où le Cocotierabon<strong>de</strong>, ne dit pas qu'il y soit spontané. Ce sont les missionnairesqui l'ont introduit à la Guyane 8. Sloane 4 le dit d'origineétrangère aux Antilles. Un vieux auteur du xvie siècle, Martyr,cité par lui, parle <strong>de</strong> cette introduction. Elle a eu lieu probablementpeu d'années après la découverte <strong>de</strong> l'Amérique, car Joseph.Acosta 5 avait vu le Cocotier à Porto-Rico, dans le xvie siècle.D'après <strong>de</strong> Martius, ce sont les Portugais qui l'ont introduit surla côte <strong>de</strong> Guinée. Beaucoup <strong>de</strong> voyageurs ne l'ont pas mêmementionné dans cette région, où il joue apparemment un petitrôle. Plus commun sur la côte orientale et à Madagascar, il n'estpourtant pas nommé dans plusieurs ouvrages sur les <strong>plantes</strong> duZanzibar, les Seychelles, Maurice, etc., peut-être parce qu'onl'a considéré comme cultivé dans cette région.Evi<strong>de</strong>mment le Cocotier ne peut-être originaire ni d'Afriqueni <strong>de</strong> la partie orientale <strong>de</strong> l'Amérique intertropicale. Ces paysétant éliminés, il reste la côte occi<strong>de</strong>ntale <strong>de</strong> l'Amérique tropicale,les îles <strong>de</strong> la mer Pacifique, l'archipel Indien et le midi ducontinent asiatique où l'arbre abon<strong>de</strong>, avec toute l'apparenced'être plus ou moins spontané et d'ancienne existence.Les navigateurs Dampier et Yancouver 6 l'ont trouvé au commencementdu xvir3 siècle, constituant <strong>de</strong>s forêts, dans les îlesprès <strong>de</strong> Panama, non sur la terre ferme, et dans l'île <strong>de</strong>s Cocos,située à 300 milles anglais du continent dans la mer Pacifique.A cette époque, ces îles n'étaient pas habitées. On a trouvé plustard le Cocotier sur la côte occi<strong>de</strong>ntale, du Mexique au Pérou,mais en général les auteurs n'affirment pas qu'il y fût spontané,à l'exception cependant <strong>de</strong>rSeemann 7, qui a vu le Cocotier à lafois sauvage et cultivé dans l'isthme <strong>de</strong> Panama. D'après Her-1. Piso, Brasil., p. 65 Marcgraf, p. 13S.2. Martius, Histmia natural'.s Palmarum, 3 vol. in-folio. Voir vol. 2,p. 12S.3. Aublet, Guyane, suppl., p. 102.4. SIoane, Jamaïca, 2, p. 9.5. J. Acosta, Hist. nat. <strong>de</strong>s In<strong>de</strong>s, traduction française, 1598,p. 178.6. Vafer, Voyage<strong>de</strong> Dampie; éd. 1705,p. 186; Vanconver, éd. française,p. 325, cités par <strong>de</strong> Martius, Ilist. nat. Palm., 1, p. 188.7. Seemann, Botany of Herald, p. 204.


COCOTIER 347nan<strong>de</strong>z au xylb siècle, les Mexicains l'appelaient Loyoin, motqui n'a pas l'apparence d'un nom indigène.Oviedo 2, qui écrivait en 1§26, dès les premiers temps <strong>de</strong> laconquête du Mexique, dit que le Cocotier abondait sur la côte<strong>de</strong> la mer Pacifique, dans la province du cacique Chiman, et ildécrit clairement l'espèce. Cela ne prouve pas la qualité d'arbrespontané.Dans l'Asie méridionale, surtout dans les îles, le Cocotier semontre à l'état sauvage ou cultivé. Plus les îles sont petites, basseset sous l'influence <strong>de</strong> l'atmosphère marine, plus les Cocotiersprédominent et attirent l'attention <strong>de</strong>s voyageurs. Quelques-unesen ont tiré leur nom, entre autres <strong>de</strong>ux îles près <strong>de</strong> celles d'Andaman,et une près <strong>de</strong> Sumatra.Le Cocotier, avec toutes les apparences d'un ancien état spontané,se trouvant en Asie et dans l'Amérique occi<strong>de</strong>ntale, laquestion <strong>de</strong> l'origine est obscure. D'excellents auteurs l'ont résolued'une façon différente. De Martius regar<strong>de</strong> comme probableun transport, par les courants, <strong>de</strong>s îles situées à l'ouest <strong>de</strong>l'Amériquecentrale à celles <strong>de</strong> l'archipel asiatique. J'inclinais autrefois3 vers la même hypothèse, admise <strong>de</strong>puis sans discussion parGrisebach *mais les botanistes dux?ne siècle regardaient souventl'espèce comme asiatique, et Seemann 5, après un examenattentif, se déclare indécis. Je donnerai le pour et le contre surchacune <strong>de</strong>s hypothèses.En faveur d'une origine américaine, on peut dire i1° Les onze autres espèces du genre Cocos sont d'Amérique, etmême toutes celles que Martius connaissait bien sont du Brésil s.M. Dru<strong>de</strong> 7, qui s'occupe beaucoup <strong>de</strong>s Palmiers, a écrit un articlepour soutenir que chaque genre <strong>de</strong> cette famille est propreà l'ancien ou au nouveau mon<strong>de</strong>, excepté le genre Elaeis, et encoreil soupçonne le transport <strong>de</strong> l'E. Guineensis d'Amérique enAfrique, ce qui n'est pas du tout probable (voir ci-<strong>de</strong>ssus, p. 344).La force <strong>de</strong> cet argument est un peu atténuée par la circonstanceque le Cocos nucifera est un arbre du littoral et <strong>de</strong>s lieuxhumi<strong>de</strong>s, tandis que les autres espèces vivent dans <strong>de</strong>s conditionsdifférentes fréquemment loin <strong>de</strong> la mer ou <strong>de</strong>s rivières. Les<strong>plantes</strong> maritimes, <strong>de</strong> marais ou d'endroits humi<strong>de</strong>s ont en généralune habitation plus vaste que leurs congénères.2° Les vents alizés <strong>de</strong> la mer Pacifique, au sud et encore plus1. Hernan<strong>de</strong>zȚhésaurusmexic, p. 71. Il attribue le même nom, p. 75,au Cocotiercroissantauxîles Philippines.2. Oviedoțraduction<strong>de</strong> Ramusio,3, p. 53.3.A. <strong>de</strong> <strong>Candolle</strong>,Gêogr.bot.vais., p. 976.4. Grisebach,Vegetation <strong>de</strong>r Er<strong>de</strong>,p. il, 323.5. Seemann,Flora Vitiensis,p. 275.6.Le Cocodit <strong>de</strong>s Maldivesappartient au genre Lodoicea.Le Coco mamillarisBlanco,<strong>de</strong>sPhilippines, est une variété du Cocosnuciferacultivé.7. Dru<strong>de</strong>, dansBot.Zeitung,1876,p. 801, et Flora brasiliensi!fasc.85,p. 405.


348 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINESau nord <strong>de</strong> l'équateur, poussent les corps nouants a Amériqueen Asie, contrairement à la direction <strong>de</strong>s principaux courants 1.On sait d'ailleurs, par l'arrivée imprévue sur différentes côtes <strong>de</strong>sbouteilles contenant <strong>de</strong>s avis, que le hasard joue un grand rôledans ces transports.Les arguments en faveur <strong>de</strong> l'origine asiatique, ou contre l'origineaméricaine, sont les suivants1° Un courant sous les 3-3° lat. N. porte directement <strong>de</strong>sîles <strong>de</strong> l'archipel indieh à Panama 2. Il y a bien au nord et aumidi d'autres courants en sens opposé, mais ils proviennent <strong>de</strong>régions trop froi<strong>de</strong>s pour le Cocotier et ne touchent pas à l'Amériquecentrale où on le suppose indigène d'ancienne date.2° Les habitants <strong>de</strong>s îles asiatiques ont été <strong>de</strong>s navigateursbeaucoup plus hardis que les Indiens d'Amérique. Il est trèspossible que <strong>de</strong>s pirogues, contenant <strong>de</strong>s noix <strong>de</strong> coco en provision.aient été jetées par les tempêtes ou par <strong>de</strong> fausses manœuvres<strong>de</strong>s archipels d'Asie sur les îles ou sur la côte occi<strong>de</strong>ntaled'Amérique. L'inverse est infiniment peu probable.3° L'habitation, <strong>de</strong>puis trois siècles, est bien plus vaste enAsie qu'en Amérique, et avant cette époque la différence étaitplus gran<strong>de</strong>, car nous savons que le Cocotier n'était pas anciendans l'orient <strong>de</strong> l'Amérique tropicale.4° Les peuples <strong>de</strong> l'Asie insulaire possè<strong>de</strong>nt un nombre immense<strong>de</strong> variétés <strong>de</strong> cet arbre, ce qui fait présumer une culturetrès ancienne. Blume, dans son Rumphia, énumère 18 variétés <strong>de</strong>Java ou <strong>de</strong>s îles voisines et 39 <strong>de</strong>s îles Philippines. Rien <strong>de</strong> semblablen'a été constaté en Amérique.5° Les emplois du Cocotier sont également plus variés et plushabituels en Asie. C'est à peine si les indigènes d'Amérique savaientl'utiliser autrement que pour le lait et l'aman<strong>de</strong> du fruit,sans en tirer <strong>de</strong> l'huile.6° Les noms vulgaires, très nombreux et originaux en Asie,comme nous le verrons plus loin, sont rares et d'origine souventeuropéenne en Amérique.7° II n'est pas probable que les anciens Mexicains et habitants<strong>de</strong> l'Amérique centrale eussent négligé <strong>de</strong> répandre le Cocotierdans plusieurs directions s'il avait existé <strong>de</strong>puis une époque trèsreculée sur leur continent. Le peu <strong>de</strong> largeur <strong>de</strong> l'isthme <strong>de</strong> Panamaaurait facilité le transport d'une côte à l'autre, et l'espècese serait vite établie aux Antilles, à la Guyane, etc., comme elles'est naturalisée à la Jamaïque, Antigua 3 et ailleurs <strong>de</strong>puis ladécouverte <strong>de</strong> l'Amérique.8° Si le Cocotier, en Amérique, remontait à <strong>de</strong>s temps géologiquesplus anciens que les dépôts pliocènes ou même éocènes en1.Stieler,HandAtlas,éd. 1867,carte3.2. Stieler,ib., carle 9.Grisebach, Flora of british W. India islands,p. 522.


COCOTIER 349Europe, on l'aurait probablement trouvé sur toutes les côtes etîles orientales et occi<strong>de</strong>ntales, assez uniformément.9° Nous ne pouvons avoir aucune date ancienne sur l'existencedu Cocotier en Amérique; mais sa présence en Asie, il y a troisou quatre mille ans, est constatée par plusieurs noms sanscrits.Piddington, dans son In<strong>de</strong>x, n'en cite qu'un, Narikela. C'est leplus sûr, car il se retrouve dans les langues mo<strong>de</strong>rnes <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>.Les érudits en comptent une dizaine, qui, d'après leur signification,paraissent s'appliquer à l'espèce ou à son fruit i. Narikelaa passé, avec modification, en arabe et en persan 2. On le trouvemême à 0- Taïti sous la forme <strong>de</strong> Ari ou Haari 3, concurremmentavec un nom malais.10° Les Malais ont un nom très répandu dans l'archipel, Ka-Mpa. Klâpa, Klôpo. A Sumatra etNicobar, on trouve le nom NjîorNieo'r, aux Philippines Niog, à Bali Niuh, Njo, à Tahiti Mufi, etdans d'autres îles Nu, Nidju, Ni, même à Madagascar Wua-niuLes Chinois disent Ye,soit Ye-tsu (arbre Ye). Avec le nom sanscritprincipal, cela constitue quatre racines différentes, qui fontprésumer une existence ancienne en Asie. Cependant l'uniformité<strong>de</strong> nomenclature dans l'archipel jusqu'à Taïti et Madagascarindique un transport par les hommes <strong>de</strong>puis l'existence<strong>de</strong>s langues connues.Le nom chinois signifie tête du roi <strong>de</strong> Yiie. Il remonte à unelégen<strong>de</strong> ridicule dont parle le Dr Bretschnei<strong>de</strong>r 5. La premièremention du Cocotier, d'après ce savant, se trouve dans un poèmedu n° siècle avant Jésus-Christ; mais les <strong>de</strong>scriptions plus reconnaissablessont dans les ouvrages postérieurs au ixe siècle <strong>de</strong>l'ère chrétienne. Il est vrai que les anciens écrivains connaissaientà peine le midi <strong>de</strong> la Chine, seule partie <strong>de</strong> l'empire où leCocotier puisse vivre.Malgré les noms sanscrits, l'existence du Cocotier dans 1 île <strong>de</strong>Ceylan, où il est bien établi sur le littoral, date d'une époqueà peu près historique. Près <strong>de</strong> Point-<strong>de</strong>-Galle, nous dit Seemann6,on voit gravée sur un rocher la figure d'un prince indigène KottahRaya, auquel on attribue la découverte <strong>de</strong>s emplois du Cocotier,inconnu avant lui, et la plus vieille chronique <strong>de</strong> Geylarî,le Marawansa, ne parle pas <strong>de</strong> cet arbre, bien qu'elle cite minutieusementles fruits importés par divers princes. Remarquonsaussi que les anciens Grecs et Egyptiens, malgré leurs rapportsavec l'In<strong>de</strong> et Ceylan, n'ont eu connaissance <strong>de</strong> la noix <strong>de</strong> coco1.M.Eugène Fournier m'aindiquépar exemple Dïdapala (à fruit dur),Palakecara(à fruit chevelu),Jalakajka(réservoird'eau),etc.2. Blume,Rumphia,3,p. 82.3. Forster,De plantis.esculentis, p. 48;Na<strong>de</strong>aud, Enum.<strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> <strong>de</strong>Tahiti,p. 41.4. Blume,Ibid.5. Bretschnei<strong>de</strong>rȘtuduand value,etc.,p. 2i.6. Seemann,Flora Vitiensis,p. 276.


350 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINESt.. Il- _T! x_·que tardivement, comme d'une curiosité indienne. Apollonius<strong>de</strong> Tyane l'avait vu dans I'Hindustan, au commencement <strong>de</strong> l'èrechrétienne i.D'après ces faits, l'habitation la plus ancienne en Asie seraitdans l'archipel plutôt que sur le continent ou à Ceylan; et, enAmérique, dans les îles à l'ouest <strong>de</strong> Panama.Que faut-il penser <strong>de</strong> ces indications variées et contradictoires?J'ai cru jadis que les arguments en faveur <strong>de</strong> l'Amérique occi<strong>de</strong>ntaleétaient les plus forts. Maintenant, avec plus <strong>de</strong> renseignementset plus d'expérience dans ces sortes <strong>de</strong> questions, j'inclineà l'idée d'une origine <strong>de</strong> l'archipel indien.L'extension vers la Chine, Ceylan et l'In<strong>de</strong> continentale nedate pas <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> trois ou quatre mille ans, mais les transportspar mer sur les côtes d'Amérique et d'Afrique remontent peutêtreà <strong>de</strong>s temps plus anciens, quoique postérieurs aux époquesdans lesquelles existaient <strong>de</strong>s conditions géographiques et physiquesdifférentes <strong>de</strong> celles d'aujourd'hui.I. Pickering,Chronological arrangement,p. 428.


TROISIÈMEPARTIERÉSUMÉ ET CONCLUSIONSCHAPITRE PREMIERTABLEAUGÉNÉRALDES ESPÈCES AVEC L'INDICATIONDE LEUR ORIGINEET DE L'ÉPOQUE DE LEUR MISE EN CULTURELe tableau qui suit renferme quelques espèces dont le détailn'a pas été donné dans ce qui précè<strong>de</strong>, par le motif que leurorigine est bien connue et leur importance médiocre.Espèces originaires <strong>de</strong> l'ancien mon<strong>de</strong>.CULTIVÉES POURLA PARTIESOUTERRAINENomset dorée. Date. <strong>Origine</strong>.Radis. Raphanus sativus. ©• B Asie tempérée.Cran. Cochlearia Armoracia. 7Jf. C Europe orientale tempérée.Rave. Brassica Rapa. ©. A Europe, Sibérie occi<strong>de</strong>ntale (2).Navet. Brassica Napus. @. A Europe, Sibérie occi<strong>de</strong>ntale^).Carotte. Daucus Carota. @. B Europe, Asie occid. tempérée {>.).Panais. Pastinaca sativa. ©. C Europe moyenne et méridionale.Cerfeuil bulbeux. Chœrophyllum C Europe moyenne. Caucase.bulbosum. ©.1 Les signes <strong>de</strong> durée sont: ® plante annuelle, © bisannuelle, Ijî vivae'e,3 arbrisseau, $ arbuste, 5 petit arbre, 5 grand arbre.Les lettres indiquent l'époque certaine ou probable <strong>de</strong> la mise en culture,savoirtUp«Wes espèce» <strong>de</strong> l'ancien mon<strong>de</strong>. -A, une espèce cultivée <strong>de</strong>puis plus<strong>de</strong> quatremille ans (d'après les anciens historiens, les monuments <strong>de</strong>l'antenne Egypte, les ouvrages chinois, et les indices botaniques ou linguistiques).B, cultivée <strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux mille ans (indiquée dansThéophraste, ou trouvée dans les restes <strong>de</strong>s lacustres, ou d unedate connue<strong>de</strong>s anciens, ou présentant <strong>de</strong>s indices variés, comme d'avoir <strong>de</strong>s noms hébreuxou sanscrits). C, cultivée <strong>de</strong>puis moins <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux mille ans (citéepar Dioscori<strong>de</strong>, non par Théophraste, vue dans les <strong>de</strong>ssins <strong>de</strong> Pompeia,Introduite à une date connue, etc.) “Pour les espèces américaines. D, culture très ancienne en Amérique(d'après sa gran<strong>de</strong> extension et le nombre <strong>de</strong>s variétés). E, espèce cultivéeavant la découverte <strong>de</strong> l'Amérique, sans offrir <strong>de</strong>s indices d'une trèsgran<strong>de</strong> ancienneté <strong>de</strong> culture. F, espèce mise en culture <strong>de</strong>puis la découverte<strong>de</strong> l'Amérique.


3S2TABLEAU GÉNÉRALDES ESPÈCESNomset durée. Date. <strong>Origine</strong>.Chervis. Sium Sisarum. T(f. C Sibériealtaïque,Perseseptentnon.Garance. Rubia tinctorum. Tjf.. B Asie occid. tempérée, sud-est <strong>de</strong>l'Europe.Salsifis.TragopogonporrifoIium.©.C(?) Sud-est <strong>de</strong> l'Europe, Algérie.Scorzonère. Scorzonera hispanica. C Sud-ouest <strong>de</strong> l'Europe. Midi duCaucase.Raiponce.CampanulaRapunculus.@.C Europe tempérée et méridionale.f Légume. egum B Canaries, région <strong>de</strong> la Méditerra-Bette. Betavulg. ©, ip. jnée, Asie occid. tempérée.( Betterave. B Dérivée dans la culture.Ail. Allium sativum. Tf!. B Désert <strong>de</strong>s Kirghis, dans l'Asieocci<strong>de</strong>ntale tempérée.Oignon. Allium Cepa. ®. A Perse, Afghanistan, Belouchistan,Palestine (?).Ciboule. Allium fistulosum. Tlf. C Sibérie (du pays <strong>de</strong>s Kirghis auBaïcal).Echalotte. Allium ascalonicum. Tjf. CModification du Cepa(?). Inconnuspontané.Rocamboie. Allium Scorodopra- C Europe tempérée.sum. Tjf.Ciboulette. Allium Schœnopra C(?)Europe tempérée et sept., Sibérie,sum. Ijf. Kamtchatka. Amérique sept;(lac Huron).Colocase. Coiocasiaantiquorum. Tjf. B In<strong>de</strong>. Archipel indien. Polynésie.Alocase. Alocasia macrorhiza. Tff. (?) Ceylan.Archipel indien.Polynésie.Konjak. Amorphophallus Konjak. (?) Japon (?).Tjfİgnames. Dioscorea sativa. Tjf. B(?) Asie mérid. [spécialement Malabar(?), Ceylan (?), Java (?)].Dioscorea Batatas. Tjf. B(?) Chine (?).Dioscorea japonica. Tjf. (?) Japon (?).Dioscorea alata. ip. (?) Archipel asiatique oriental.CULTIVÉES POURLESTIGESOULESFEUILLES1° Légumes.Chou. Brassica oleracea. ©, d), 5". A Europe.Chou <strong>de</strong> Chine. Brassica chinen- (?) Chine (?), Japon (?).sis. @.Cresson <strong>de</strong> fontaine. Nasturtium (?) Europe, Asie septentrionale.officinale. TÇ.Cresson alénois. Lepidium sati- B Perse (?).vum. ®.Sea-Kale. Crambe maritima. Tjf. C Europe occi<strong>de</strong>ntale tempérée.Pourpier. Portulaca oleracea. ®. A De l'Himalaya occid. à la Russiemérid. et la Grèce.Tetragone étalée. Tetragonia ex- C Nouvelle-Zélan<strong>de</strong> et Kouvellepansa.(p.Hollan<strong>de</strong>.Céleri. Apium graveolens. ©. B Europe temp. et mérid., Afriquesept., Asie occi<strong>de</strong>ntale.Cerfeuil. Anthriscuscerefolium.®. C Sud-Est <strong>de</strong> la Russie, Asie occi<strong>de</strong>ntaletempérée.


LEUR ORIGINE ET LEUR MISE EN CULTURE3S3Nomset durée. Date. <strong>Origine</strong>.Persil. Petroselinum sativum. ©. C Europe mérid., Algérie, Liban.Ache. Smyrnium Olus-atrum. Q. C Europe mérid., Algérie, Asie occi<strong>de</strong>ntaletempérée.Mache. Valerianella olitoria. ®. C Sardaigne, Sicile.“ ni. Europe méridionale, Afrique sep-Cardon. Cynara Car- Cardon. Caar on.tentrionale, Canaries, l\ladè¡'e.dunculus.Madère,©.e- ip. Artichaut. CG Dérivé du Cardon.Laitue. Lactuca Scariola. ®. @. B Europe mérid., Afrique septentrionale,Asie occi<strong>de</strong>ntale.«Chicoréesauvage. Cichorium Inty- C Europe, Afrique septentr., Asiebus. Tji. occi<strong>de</strong>ntale tempérée.Chicorée Endive. Cichorium Endi- C Région <strong>de</strong> la Méditerranée, Cauvia.(D.case, Turkestan.Epinard. Spinacia oleracea. ®. C Perse (?).Arroche. Atriplex hortensis. (D. C Europe septentrionale et Sibérie.Brè<strong>de</strong> <strong>de</strong> Malabar. Amarantus gan- (?) Afrique tropicale In<strong>de</strong> (?).geticus. ®.Oseille. Rumex acetosa.(?) Europe. Asie septentrionale, montagnes<strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>.Patience. Rumex Patientia. Tjf. (?) Turquie d'Europe. Perse.Asperge. Asparagus orficinalis. 7jf. B Europe, Asie occid. tempérée.Poireau. Allium ampeloprasum. T{î. B Région <strong>de</strong> la Méditerranée.2° Fourrages.Luzerne. Medicago sativa. Tjf. B Asie occi<strong>de</strong>ntale tempérée.Sainfoin. Onobrychis sativa. Ifi. C Europe tempérée. Midi du Caucase.Sulla. Hedysarum coronarium. T/f. C Région <strong>de</strong> la Méditerranée centraleet occi<strong>de</strong>ntale.Trèfle. Trifolium pratense. 1{f. C Europe, Algérie, Asie occi<strong>de</strong>ntaletempérée.Trèfle hybri<strong>de</strong>. Trifolium hybri- C Europe tempérée.dum. ©.Trèfle incarnat. Trifolium incar- C Europe méridionale.natum. ®.Trèfle d'Alexandrie. Trifolium C Syrie, Anatolie.alexandrinum. ®.Ers. Ervum Ervilia. ®. B Région <strong>de</strong> la Méditerranée (?)Vesce. Vicia sativa. ®. B Europe, Algérie. Midi du Caucase.Jarosse. Lathyrus Cicera. ®. B Del'EspagneetrAlgérieàlaGrèce.Gesse. Lathyrus sativus. ®. B Midi du Caucase (?).Gesse Ochrus. Lathyrus Ochrus.©. B Italie. Espagne.Fenu-grec. Trigonella fœnum-gree- B N.-E. <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> et Asie occi<strong>de</strong>ncum.©.tale tempérée.Serra<strong>de</strong>lle. Ornithopus sativus. ®.B(?) Portugal, midi <strong>de</strong> l'Espagne, Algérie.Lupuline. Medicago lupulina.® ®. C Europe. Afrique sept. (?).Asie tempérée.Spergule. Spergula arvensis. ®. B(?)Europe.Herbe <strong>de</strong> Guinée. Panicum maxi- C(?)Afrique intertropicale.mum. Tjî.DE CANDOLLE. 23


354 TABLEAU GÉNÉRA.LDES ESPÈCES3° Emplois divers.Nomset durée. Date. <strong>Origine</strong>.Thé. Thea sinensis. J.A Assam, Chine, Mandschourie.Lin anciennement cultivé. Linum A Région <strong>de</strong> la Méditerranée.angustifolium. Ttf. @. ©.Lin actuellement cultivé. Linum A(?) Asie occi<strong>de</strong>ntale (?). Dérivé duusitatissimum.@. précé<strong>de</strong>nt (?).Jute. Corchorus capsularis. Q. C(?) Java. Ceylan.Jute. Corchorus olitorius. @. C(?) Nord-ouest <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>. Ceylan.Sumac. Rhus Coriaria. 5. C Région <strong>de</strong> la Méditerranée. Asieocci<strong>de</strong>ntale tempérée.Cat. Celastrus edulis. ?j. (?) Abyssinie Arabie (?).Indigotier <strong>de</strong>s teinturiers. Indigo- B In<strong>de</strong> (?).fera tinctoria. 5.Indigotier argenté. Indigofera ar- (?) Abyssinie, Nubie, Cordofan, Sengenteanaar – In<strong>de</strong> (?).Henné. Lawsonia alba. $. A Asie occid. tropicale. Nubie (?).Eucalyptus globulus. S-C Nouvelle-Hollan<strong>de</strong>.Cannelier. Cinnamomum zeylani- C Ceylan. In<strong>de</strong>.cum.5.Ramié (China grass). Boehineria (?) Chine. Japon.nivea. 7£>.


LEUR ORIGINE ET LEUR MISE EN CULTURENomset durée. Date. <strong>Origine</strong>.SjoS;Vigne. Vitis vinifera. 5- A Asie occi<strong>de</strong>ntale tempérée, région<strong>de</strong> la Méditerranée.Jujubier commun. Zizyphus vul- B Chine.garis. 5.Jujubier Lotus. Zizyphus Lotus. S- (?) D'Egypte au Maroc.Jujubier <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>. Zizyphus Ju-A(?) Pays <strong>de</strong>s Birmans, In<strong>de</strong>.juba. 5.Manguier. Mangîfera indica. ff. A(?)In<strong>de</strong>.Evi. Spondias dulcis. ff. (?) Iles <strong>de</strong> la Société, <strong>de</strong>s Amis, Fidji.Framboisier. Rubus i<strong>de</strong>eus. g. Europe et Asie tempérées.Fraisier ordinaire. Fragaria ves- C Europe et Asie occid. tempérées.ca. 7j;Amérique sept. à l'est.Cerisier <strong>de</strong>s oiseaux. Prunus B Asie occi<strong>de</strong>nt. tempéree, Europeavium. g.tempérée.Cerisier commun. Prunus Cera- B De la Caspienne à l'Anatolie occisus.5.<strong>de</strong>ntale.Prunier domestique. Prunus do- B Anatolie, midi du Caucase, Persemestica. $.septentrionale.Prunier proprement dit. Prunus (?) Europe mérid., Arménie, midi duinsititia. S- Caucase, Talysch.Abricotier. Prunus Armeniaca. 5". A Chine.Amandier. Amygdalus commu- A Région <strong>de</strong> la Méditerranée, Asienis. 5.occi<strong>de</strong>ntale tempérée.Pêcher. Amygdalus Persica. $. A Chine.Poirier commun. Pyrus commu- A Europe et Asie tempérées.nis. 5.Poirier <strong>de</strong> Chine. Pyrus sinensis. 5. (?) Mongolie, Mandschourie.Pommier. Pyrus Malus. 5. A Europe,AnatoIie,mididuCaucase.Cognassier. Cydonia vulgaris. 5. A Perse septentrion., midi du Caucase,Anatolie.Bibassier. Eriobotrya japonica. 5"- (?) Japon.Grenadier. Punica Granatum. if. A Perse, Afghanistan, Belouchistan.Pomme-rose. Jambosa vulgaris. 5. B Archipel indien, Cochinchine, 1Birma, nord-est <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>.Jamalac. Jambosa malaccensis. 5. B Archipel indien, Malacca.Gour<strong>de</strong>. Cucurbita Lagenaria. ®. G In<strong>de</strong>, Moluques Abyssinie.Potiron. Cucurbita maxima. ©. C(?) Guinée.Melon. Cucumis Melo. (D. C In<strong>de</strong>. Belouchistan Guinée.Pastèque. Citrullus vulgaris. ©. A Afrique intertropicale.Concombre. Cucumis sativus. @. A In<strong>de</strong>.Concombre Anguria. Cucumis An-C(?)Afrique intertropicale (?).guria. @.Benincasa. Benincasa hispida. ©. (?) Japon. Java.Luffa cylindrique. Luffa cylin- C In<strong>de</strong>.`drica. @.Luffa anguleux. Luffa acutangula. C In<strong>de</strong>. Archipel indien.®·Trichosanthes serpent. Trichosan- C In<strong>de</strong> (?).thes anguina. ®.Liane Joliffe. Joliffia (ou TeIfai- C(?) Zanzibar.ria). 7~Groseillier à maquereaux, Ribes C Europe temp., Afrique sept., Cau-Grossularia. $. case, Himalaya occid.


3S6TABLEAU GÉNERALDES ESPÈCESNomset durée. Dale. origine.Groseillier rouge. Ribes rubrum. 3. C Europe sept. et temp., Srbérie,Caucase, Himalaya- Nord-est<strong>de</strong>s Etats-Unis.Groseillier noir. Ribes nigrum. 3. C Europe sept. et moyenne, Arménie,Sibéria, Mandscliourie, Himalayaoccid.Kaki. Diospyros Kaki. 5. (?) Japon, Chine sept. (î).Diospyros Lotus. $.(?) Chine, In<strong>de</strong>, Afghanistan, Perse,Arménie, Anatolie.Olivier. Olea europœa. jj. A Syrie, Anatolie mérid. et îles voisines.Aubergine. Solanum Melongena.®. A In<strong>de</strong>.Figuier. Ficus Carica. 5. A Région moyenne et mérid. <strong>de</strong> lamer Méditerranée (<strong>de</strong> la Syrieaux Canaries).Arbre à pain. Artocarpus incisa. J. (?) Iles <strong>de</strong> la Son<strong>de</strong>.Jacquier. Artocarpus integrifolia. ;J. B(?) hi<strong>de</strong>.Dattier. Phœnix dactylifera. 3. A Asie occïd. et Afrique occid. (<strong>de</strong>l'Euphrate aux Canarie ).Bananier. Musa sapientum. 5- A Asie méridionale.Elaeis guineensis. S-(?) Guinée.CULTIVÉES POURLESGRAINES1° NutiHtives.Li-Tschi. Nephelium Lit-chi. 5. (?) Chine méridion. Cochinchine (?).Longan. Nephelium Longana. 5. (?) ln<strong>de</strong>- Pegu.Ramboutan Nephelium lappa- (?) In<strong>de</strong>. Pegu.ceum. 5-Pistachier. Pistaciavera. J. C Syrie.Fève. Faba vulgaris. ®. A Midi <strong>de</strong> la mer Caspienne (?).Lentille. Ervum Lens. ®. A Asie occid. tempérée, Grèce, Italie.Pois chiche. Cicer arietinum. ®. A Midi du Caucase et <strong>de</strong> la merCaspienne.Lupin. Lupinus albus. ®. B Sicile.Macédoine.MididuCaucase.Termis. Lupinus Termis. ®. A De la Corse à la Syrie.Pois gris. Pisum arvense. ©. C(?) Italie.Pois <strong>de</strong>s jardins. Pisum sativum.(D. B Du midi du Caucase à la Perse (?).In<strong>de</strong> septentrionale (?).Soja. Dolichos Soja. ®. A Cochinchine. Japon. Java.Cajan. Cajanus indicus. $. C Afrique équatoriale.Caroubier. Ceratonia Siliqua. $. A(?) Côte méridion. d'Anatolie, SyrieCyrénaïque (?).Haricot à feuille d'Aconit. Phaseo- C In<strong>de</strong>.lus aconitifolius. ®.Haricot trilobé. Phaseolus trilo- B In<strong>de</strong>. Afrique tropicale.bus. TP ®.Mungo. Phaseolus Mungo. ®. B(?)In<strong>de</strong>.Lablab. Phaseolus Lablab. Tjf.®. B In<strong>de</strong>.Lubia. Phaseolus Lubia. ®. C Asie occi<strong>de</strong>ntale (?).Voandzou. Voandzeia subterra- (?) Afrique intertropicale.nea. ®.


LEUR ORIGINE ET LEUR MISE EN CULTURE3a7Nomset durée. Date. <strong>Origine</strong>.Sarrasin. Fagopyrum esculen- C Mandschourie, Sibérie centrale.tum. ®.Sarrasin <strong>de</strong> Tartarie. Fagopyrum C Tartarie, Sibérie jusqu'en Daoutataricum.®. rie.Sarrasin émargiué. Fagopyrum (?) Chine occid. Himalaya oriental.emarginatum. ®.Kiery.Amarantusfrumentaceus.®. (?) In<strong>de</strong>.Châtaignier. Castaneavulgaris. 5. (?) Du Portugal à la mer Caspienne.Algérie orientale. VariétésJapon, Amérique septentrion.Froment. Triticum vulgare, et A Région <strong>de</strong> l'Euphrate.variétés (?). ®- ,“>Epcautre. Triticum Spelta. ®. A Dérivé du précé<strong>de</strong>nt (?).Locular. Triticum monococcum.(?) Servie, Grèce, Anatolie (si l'onadmet l'i<strong>de</strong>ntité avec le Tr. boeoticum).Orge à <strong>de</strong>ux rangs. Hor<strong>de</strong>um di- A Asie occi<strong>de</strong>ntale tempérée.stichon. (D.Orge commune (à quatre rangs). (?) Dérivé du précé<strong>de</strong>nt (?).Hor<strong>de</strong>um vulgare. ®.Orge à six rangs. Hor<strong>de</strong>um hexa- A Dérivé du précé<strong>de</strong>nt (?).stichon. ®«,#«Seigle. Secale cereale. ®. B Europe orientale tempérée (?).Avoine ordinaire. Avena sativa. ©. B Europe orientale tempérée (?).Avoine d'Orient. Avena orienta- C(?) Asieocci<strong>de</strong>ntale (?).lis. ®.Millet commun. Panicum milia- A Egypte. Égv Arabie.ceum. (î).Panie d'Italie. Panicumitalicum.©. A Chine. Japon. Archipel indien (?).Sorgho. Holcus Sorghum. @. A Afrique tropicale (?).Sorgho sucré. Holcus sacchara- (?) Afrique tropicale (?).tus. ®.Coracan.Eleusine Coracana.®. B In<strong>de</strong>.Riz. Oryza sativa. ©. A In<strong>de</strong>. Chine méridionale (?).2° Emplois divers.Pavot..Papaver somniferum. ®. B Dérivé du P. setiferum, <strong>de</strong> larégion méditerranéenne.Sinapis alba. ®. B Europe temp. et mérid., Afriquesept., Asie occid. temp.Sinapis nigra. ®. B Mêmes régions.Cameline. Camelina sativa. ®. B(?)Europe temp. Caucase. Sibérie.Cotonnier herbacé. Gossypium her- B In<strong>de</strong>.baceum. 3- ©•Cotonnier arborescent. Gossypium B(?) Haute Egypte.arboreum. §.Caféier d'Arabie. Coffea arabica. 5. C Afrique tropicale (Mozambique,Abyssinie, Guinée).Caféier <strong>de</strong> Libérie. Coffea liberi- C Guinée, Angola.ca. $.Sésame. Sesamum indicum. ®. A Iles <strong>de</strong> la Son<strong>de</strong>.Muscadier. Myristica tograns. ff. B Moluques.


388 TABLEAU GÉNÉRAL DES ESPÈCESNomset durée. Date. <strong>Origine</strong>.Ricîn commun. Ricinus commu- A Abyssinie, Sennaar, Cordofan.nis. J.Noyer. Juglans regîa. £ Europe tempérée orient. Asietempérée.Poivrier noir. Piper nigrum. J. B In<strong>de</strong>.Poivrier long. Piper longum. j. B In<strong>de</strong>.Poivrier officinal. Piper officina- B Archipel indien.rum. $.Poivrier Bétel. Piper Betle. J. B Archipel indien.Arec. Areca Catechu.5. B Archipel indien.Cocotier. Cocos nncifera. J. (?) Archipel indien (?). Polynésie (?).Espèces originaires' d'Amérique.CULTIVÉES POURLA PARTIESOUTERRAINEArracacha.Arracachaesculenta. E Nouvelle-Grena<strong>de</strong> (?).©•Topinambour. Helianthus tubero-E(?) Amérique sept. (Indiana.)sus. 1{f.Pomme <strong>de</strong> terre. Solanum tubero- E Chili. Pérou (?).sum. ip.Batate. Convolvulus Batatas. Ifi. D Amérique tropicale (où ?).Manioc. Manihot utilissima. J. E Brésil oriental intertropical.Arrow-root. Maranta arundina- (?) Amérique tropicale (continencea.Tjf.tale ?).CULTIVÉES POURLESTIGESOULESFEUILLESMaté. Ilex paraguariensis. 5. D Paraguay et Brésil occi<strong>de</strong>ntal.Coca. Erythroxylon Coca. $. D Pérou oriental, Bolivie orientale.Quinquina Calisaya. Cinchona Ca- F Bolivie, Pérou méridional.lisaya. 5-Quinquina officinal. Cinchona offi- F Equateur (province <strong>de</strong> Loxa).cinalis. 5.Quinquina rouge. Cinchona succi- F Equateur (province <strong>de</strong> Cuenca).rubra. g.Tabac ordinaire. Nicotiana Taba- D Equateur. Pays adjacents (?).cum. (1).Tabac rustique. Nicotiana rusti- E Mexique(?).Texas (?).Californîe(?).ca. ©.Maguay. Agave americana. $. E Mexique (?).CULTIVÉES POURLESFRUITSPomme canelle. Anona squamo- (?) Antilles.sa. 5.Corossol. Anona muricata. 5. (?)Cœur <strong>de</strong> bœuf. Anona reticulata. Antilles.ff. (?) Antilles. Nouvelle-Grena<strong>de</strong>.Cherimolia. Anona Cherimolia. 5. E Equateur. Pérou (?).Abricotier d'Amérique. Mammea (?) Antilles.americana. 5-


LEUR ORIGINE ET LEUR MISE EN CULTURE 359Nomset durée. Date. <strong>Origine</strong>.Pommier d'Acajou. Anacardium (?) Amérique intertropicale.occi<strong>de</strong>ntale. 5.Fraisier <strong>de</strong>Virginie. Fragaria vir- F Amérique sept. tempérée.ginica. 7~Fraisier du Chili. Fragaria chi- F Chili.loensis. 7~GovaS&iumGuayava.5. E Amérique tropicale continentale.•Courge Pepon, Citrouille. Cucurbita E Amérique septentr. tempérée.Pepo et Melopepo. ®Figue d'In<strong>de</strong>. Opuntia Ficus-in- E Mexique.dica.5.Chayotte. Sechiumedule. ©. E Mexique (?). Amérique centrale.Caïnitier. Chrysophyllum Caini- E Antilles. Panama.to. 5.Lucuma Caimito. ;5. E Pérou.S «– ost*. E Région <strong>de</strong> l'Orénoque.Sapotillier. Sapota Achras. 5. ECampèche, isthme <strong>de</strong> Panama,Venezuela.Persimmon. Diospyros virgini- F États-Unis orientaux.ca. 5.Piment annuel. Capsicum an- E Brésil (?).nuum. Q1.Piment arbrisseau. Capsicum fru- E Du Pérou oriental à Bahia.tescens. ^»Tomate. Lycopersicum esculen- E Pérou.tum. OE).SaSftaSya^SS"?^' I S&mérique centralePapayer. Papaya vulgaris. 5. E Antilles. Amérique centrale.Ananas. Ananassa sativa. V.E «^^g^g^:nama, 1Nouvelle-Grena<strong>de</strong>,Guyane(?), Bahia (?).CULTIVÉES POURLESGRAINESi° Nutritives.Cacaoyer. Theobroma Cacao. 5- D *$J^i££$.noque. Panama Yucatan (?).Haricot courbé. Phaseolus luna- E Brésil.tus.Quinoa. Chenopodium Quinoa. ©. E Nouvelle-Grena<strong>de</strong> (?). Pérou (?).Chili.Maïs. Zea Mays. ©.D Nouvelle-Grena<strong>de</strong> (?).2° De divers emplois.Rocou. Bixa Orellana. -T. D Amérique intertropicale.Cotonnier <strong>de</strong>s Barba<strong>de</strong>s. Gossy- (?) Nouvelle-Grena<strong>de</strong> (?). Mexique (?).pium barba<strong>de</strong>nse. 5.Antilles (?).Arachi<strong>de</strong>. Arachis liypogoea. ®. E Brésil W-Madia. Madia sativa. ®.E Chili – Californie.


360 TABLEAU GÉNÉRALDES ESPÈCESCRYPTOGAME CULTIVÉEPOURTOUTELAPLANTEChampignon <strong>de</strong>s couches. Agari- C Hémisphère boréal.cus campestris. Tjf.Espèces d'une origine complètement inconnueou incertaine.Haricot commun. Phaseolus vulgaris. ©.Courge musquée. Cucurbita moschata. ®-Courge à feuilles <strong>de</strong> figuier. Cucurbita ficifolia. ip.


CHAPITREIIOBSERVATIONS GÉNÉRALES ETCONCLUSIONSArticle 1. – Réglons d'où sont sortiesles <strong>plantes</strong> <strong>cultivées</strong>Au commencement du xixe siècle, on ignorait encore l'origine<strong>de</strong> la plupart <strong>de</strong>s espèces <strong>cultivées</strong>. Linné ne s'était donné aucunepeine pour la découvrir, et les auteurs subséquents n'avaientfait que copier les expressions vagues ou erronées dont ils'était servi pour indiquer leurs habitations. Alexandre <strong>de</strong>Humboldt exprimait donc le véritable état <strong>de</strong> la science en 1807lorsqu'il disait « L'origine, la première patrie <strong>de</strong>s végétaux lesplusutiles à l'homme et qui le suivent <strong>de</strong>puis les époques lesplus reculées, est un secret aussi impénétrable que la <strong>de</strong>meure<strong>de</strong>tous les animaux domestiques. Nous ne savons pas quellerégion a produit spontanément le froment, l'orge, l'avoine et leseigle.Les <strong>plantes</strong> qui constituent la richesse naturelle <strong>de</strong> tousles habitants <strong>de</strong>s tropiques, le Bananier, le Cariea Papaya, leManihot et le Maïs n'ont jamais été trouvés dans l'état sauvage.La pomme <strong>de</strong> terre présente le même phénomène i. »Aujourd'hui, si quelques-unes <strong>de</strong>s espèces <strong>cultivées</strong> n'ont pasencoreété vues dans un état spontané, il n'en est pas <strong>de</strong> même<strong>de</strong> l'immense majorité. Nous savons au moins, le plus souvent,<strong>de</strong> quels pays elles sont originaires. Cela résultait déjà <strong>de</strong> montravail <strong>de</strong> 1855, que les recherches actuelles plus étendues confirmentpresque toujours. Celles-ci ont porté sur 247 espèces<strong>cultivées</strong> soit en grand par les agriculteurs, soit dans les jardinspotagers ou fruitiers. J'aurais pu en ajouter quelques-unes rarement<strong>cultivées</strong>, ou mal connues, ou dont 1s,culture a été aban-1. Essaisur la geographie<strong>de</strong>s<strong>plantes</strong>,p. 28.2. En comptant<strong>de</strong>ux outrois formesqui sont plutôt <strong>de</strong>sraces très distinctes..


362 OBSERVATIONS GÉNÉRALESdonnée; mais les résultats statistiques auraient été sensiblementles mêmes.Sur les 247 espèces que j'ai étudiées, l'ancien mon<strong>de</strong> en afourni 199, l'Amérique 45, et 3 sont encore douteuses à cet égard.Aucune espèce n'était commune aux parties tropicales ouaustrales <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux mon<strong>de</strong>s avant d'être mises en culture. L'AZliumSchœnopraswm, le Fraisier (Fragaria vesca), le Groseillier(Ribes rubrum), le Châtaignier (Castanea vulgaris) et le Champignon<strong>de</strong> couches (Agaricus campestris) étaient communs auxrégions septentrionales <strong>de</strong> l'ancien et du nouveau mon<strong>de</strong>. Je lesai comptés comme <strong>de</strong> l'ancien mon<strong>de</strong>, parce que c'est là qu'estleur habitation principale, et qu'on a commencé <strong>de</strong> les cultiver.Un très grand nombre d'espèces sont originaires à la foisd'Europe et <strong>de</strong> l'Asie occi<strong>de</strong>ntale, d'Europe et <strong>de</strong> Sibérie, <strong>de</strong> larégion méditerranéenne et <strong>de</strong> l'Asie occi<strong>de</strong>ntale, <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> et <strong>de</strong>l'Archipel asiatique, <strong>de</strong>s Antilles et du Mexique, <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux régionset <strong>de</strong> la Colombie, du Pérou et du Brésil^ ou du Pérou et<strong>de</strong> la Colombie, etc., etc. Onpourrait les compter dans le tableau.-C'estune preuve <strong>de</strong> l'impossibilité <strong>de</strong> subdiviser les continents et<strong>de</strong> classer les îles en régions naturelles bien définies. Quel quesoit le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> division, il y aura toujours <strong>de</strong>s espèces communesà <strong>de</strong>ux, trois ou quatre régions, et d'autres cantonnées dansune petite partie d'un seul pays. Les mêmes faits se présententpour les espèces non <strong>cultivées</strong>.Une chose vaut la peine d'être notée c'est l'absence ou l'extrêmerareté <strong>de</strong> <strong>plantes</strong> <strong>cultivées</strong> originaires <strong>de</strong> certains pays.Par exemple, aucune n'est venue <strong>de</strong>s régions arctiques ou antarctiques,dont les flores, il est vrai, se composent d'un petitnombre d'espèces. Les États-Unis, malgré leur vaste territoire,qui fera vivre bientôt <strong>de</strong>s centaines <strong>de</strong> millions d'hommes, neprésentaient, en fait <strong>de</strong> <strong>plantes</strong> nutritives, dignes d'être <strong>cultivées</strong>,que le Topinambour et <strong>de</strong>s Courges. Le Zizania aquatica,que les indigènes récoltaient à l'état sauvage, est une Graminéetrop inférieure à nos céréales et au Riz pour qu'il valût la peine<strong>de</strong> la semer. Ils avaient quelques bulbes et baies comestibles,mais ils n'ont pas essayé <strong>de</strong> les cultiver, ayant reçu, <strong>de</strong> honneheure le Mais, qui valait infiniment mieux.La Patagonie et le Cap n'ont pas fourni une seule espèce. LaNouvelle-Hollan<strong>de</strong> et la Nouvelle-Zélan<strong>de</strong> ont donné un arbre,Eucalyptus globulus, et un légume, peu nourrissant, le Tetrugonia.Leurs flores manquaient essentiellement <strong>de</strong> Graminées,analogues aux céréales, <strong>de</strong> Légumineuses à graines comestibles,et <strong>de</strong> Crucifères à racines charnues 1. Dans la partie tropicaleet humi<strong>de</strong> <strong>de</strong> la Nouvelle-Hollan<strong>de</strong>, on a trouvé le Riz et l'Alocasiamacrorkiza sauvages, ou peut-être naturalisés; mais la plusi. Voirla liste <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong> utiles d'Australie,par sir J. Hooker,FloraTasmanniie, p. ex,et Bentham,Floraaustraliensis,7,p. 150,156.


OBSERVATIONSGÉNÉRALES383Il~ilgran<strong>de</strong> partie du pays souffre trop <strong>de</strong> la sécheresse pour que cesespèces aient pu s'y répandre.En général, les régions australes avaient fort peu <strong>de</strong> <strong>plantes</strong>annuelles, et, dans leur nombre si restreint, aucune n'offrait <strong>de</strong>savantages évi<strong>de</strong>nts. Or, les espèces annuelles sont les plus facilesà cultiver. Elles ont joué un grand rôle dans les anciennes cultures<strong>de</strong>s autres pays.En définitive, la distribution originelle <strong>de</strong>s espèces <strong>cultivées</strong>était extrêmement inégale. Elle n'avait <strong>de</strong> rapport ni avec les besoins<strong>de</strong> l'homme ni avec l'étendue <strong>de</strong>s territoires.Article 2. Nombre et nature <strong>de</strong>s espèces cnltivées<strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s époques différentes.On doit considérer comme d'une culture très ancienne les espècesmarquées A dans le tableau <strong>de</strong> la page 351. Elles sont aunombre <strong>de</strong> 44. Quelques-unes <strong>de</strong>s espèces marquées B sont probablementaussi anciennes, sans qu'on ait pu le constater. Enfinles cinq espèces américaines marquées D sont probablementd'une ancienneté <strong>de</strong> culture à peu près aussi gran<strong>de</strong> que celles<strong>de</strong> la catégorie A ou que les plus vieilles <strong>de</strong> la catégorie B.Comme on pouvait le prévoir, les espèces A sont surtout <strong>de</strong>s<strong>plantes</strong> pourvues <strong>de</strong> racines, fruits ou graines propres à la nourriture<strong>de</strong> l'homme. Viennent ensuite quelques espèces ayant<strong>de</strong>s fruits agréables au goût, ou textiles, tinctoriales, oléifères,ou donnant <strong>de</strong>s boissons excitantes par infusion ou fermentation.Elles présentent seulement <strong>de</strong>ux légumes verts et n'ontpas un seul fourrage. Les familles qui prédominent sont lesCrucifères, Légumineuses et Graminées.Le nombre <strong>de</strong>s espèces annuelles est <strong>de</strong> 22 sur 44, soit §0 0/0.Dans les cinq espèces américaines marquées D, il y en a <strong>de</strong>uxannuelles. Dans la catégorie A se trouvent trois espèces bisannuelles,et D n'en a aucune. Dans l'ensemble <strong>de</strong>s Phanérogames,les espèces annuelles ne dépassent pas 15 0/0, et les bisannuelless'élèvent à 1 ou au plus 2 0/0. Il est clair qu'au début <strong>de</strong> la civilisationles <strong>plantes</strong> dont le produit ne se fait pas attendre sontcelles qu'on recherche le plus. Elles offrent d'ailleurs l'avantagequ'on peut répandre et multiplier leur culture, soit à cause<strong>de</strong> l'abondance <strong>de</strong>s graines, soit parce qu'on cultive la mêmeespèce en été dans le nord et en hiver ou toute l'année dans lespays tropicaux.Les <strong>plantes</strong> vivaces sont bien rares dans les catégories A etD. Elles ne s'élèvent pas à plus <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux, soit 4 0/0, à moinsqu'on ne veuille ajouter le Brassica oleracea et la forme duLin, ordinairement vivace (L. angustifolium), que cultivaient


364 OBSERVATIONS GÉNÉRALESles lacustres suisses. Dans la nature, les espèces vivaces constituentà peu près 40 0/0 <strong>de</strong>s Phanérogames l.A et D renferment 20 espèces ligneuses, sur 49, soit près <strong>de</strong>41 0/0. Dans l'ensemble <strong>de</strong>s Phanérogames, elles entrent pourenviron 43 0/0.Ainsi, les premiers cultivateurs ont employé surtout <strong>de</strong>s<strong>plantes</strong> annuelles ou bisannuelles, un peu moins <strong>de</strong> <strong>plantes</strong> ligneuses,et beaucoup moins encore d'espèces vivaces. Ces différencesdoivent tenir à la facilité <strong>de</strong>s cultures, combinée avecla proportion d'espèces évi<strong>de</strong>mment utiles <strong>de</strong> chacune <strong>de</strong>sdivisions.Les espèces <strong>de</strong> l'ancien monere marquées B sont <strong>cultivées</strong><strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong> 2000 ans, mais quelques-unes appartiennent peutêtreà la catégorie A sans qu'on le sache. Les américaines marquéesE étaient <strong>cultivées</strong> avant Christophe Colomb, <strong>de</strong>puis peutêtreplus <strong>de</strong> 2000 ans. Beaucoup d'autres espèces marquéesd'un(?) dans les tableaux datent probablement aussi d'une époqueancienne; mais, comme elles existent surtout dans <strong>de</strong>s payssans littérature et sans aucun document archéologique, onignore leur histoire. II est inutile d'insister sur <strong>de</strong>s catégoriesaussi douteuses; au contraire, les <strong>plantes</strong> qu'on sait avoir été<strong>cultivées</strong> dans l'ancien mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>puis moins <strong>de</strong> 2000 ans, ou enAmérique <strong>de</strong>puis l'époque <strong>de</strong> la découverte, méritent d'être1comparées avec les <strong>plantes</strong> très anciennement <strong>cultivées</strong>.Ces espèces, <strong>de</strong> culture mo<strong>de</strong>rne, s'élèvent à 61 <strong>de</strong> l'ancienmon<strong>de</strong>, marquées C, et 6 d'Amérique, marquées F; en tout 67.Classées selon leur durée, elles comptent 37 0/0 annuelles,7 à 8 0/0 bisannuelles, 33 0;0 vivaces et 22 à 23 0/0 ligneuses.La proportion <strong>de</strong>s annuelles ou bisannuelles est encore iciplus forte que pour l'ensemble <strong>de</strong>s végétaux, mais elle estmoins gran<strong>de</strong> que parmi les espèces <strong>de</strong> culture très ancienne.Les proportions <strong>de</strong> <strong>plantes</strong> vivaces ou ligneuses sont moindresque dans le règne végétal tout entier, mais elles sont plus élevéesque parmi les espèces A, <strong>de</strong> culture très ancienne.Les <strong>plantes</strong> <strong>cultivées</strong> <strong>de</strong>puis moins <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux mille ans sontsurtout <strong>de</strong>s fourrages artificiels, que les anciens connaissaient àpeine; ensuite quelques bulbes, légumes, <strong>plantes</strong> officinales.(Cinchonas), <strong>plantes</strong> à fruits comestibles, ou à graines nutritives[Sarrasins), ou aromatiques (Caféier), etc. Les hommes n'ont pasdécouvert <strong>de</strong>puis 2000 ans et cultivé une seule espèce qui puisserivaliser avec le Maïs, le Riz, la Batate, la Pomme <strong>de</strong> terre,l'Arbre à pain, le Dattier, les Céréales, les Millets, les Sorghos,le Bananier, le Soja. Celles-ci remontent à trois, quatre oucinq mille ans, peut-être même, dans certains cas, à six millei. Lesproportionsquej'indiquepourl'ensemble<strong>de</strong>s Phanérogamesontbaséessur un calculapproximatif,faitau moyen<strong>de</strong>s<strong>de</strong>uxcentspremièrespages duNamenctator<strong>de</strong> Steu<strong>de</strong>l.Ellessontjustifiéespar la comparaison-<strong>de</strong>quelquesfiores.


OBSERVATIONS GÉNÉRALES36Sans. Pendant la durée <strong>de</strong> la civilisation gréco-romaine et <strong>de</strong>puis,les espèces mises en culture répon<strong>de</strong>nt presque toutes à <strong>de</strong>sbeso'ns plus variés ou plus raffinés. Il s'est fait aussi un grandtravail d'extension <strong>de</strong>s espèces anciennes d'un pays à l'autre, eten même temps <strong>de</strong> sélection <strong>de</strong> variétés meilleures survenuesdans chaque espèce.Les introductions <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>ux mille ans ont eu lieu d'unefaçon très irrégulière et intermittente. Je ne pourrais pas citerune seule espèce mise en culture <strong>de</strong>puis cette date par les Chinois,ces grands cultivateurs <strong>de</strong>s temps anciens. Les peuples <strong>de</strong>l'Asie méridionaleou occi<strong>de</strong>ntale ont innové, dans une certainemesure, en cultivant les Sarrasins, plusieurs Cucurbitacées,quelques Allium, etc. En Europe, les Romains, et, dans lemoyen âge, divers peuples, ont introduit la culture <strong>de</strong> certainslégumes ou fruits et celle <strong>de</strong> plusieurs fourrages. En Afrique,un petit nombre <strong>de</strong> cultures ont commencé alors, isolément. Lorsqueles voyages <strong>de</strong> Vasco <strong>de</strong> Gama et Christophe Colomb sontsurvenus, l'effet produit a été une diffusion rapi<strong>de</strong> <strong>de</strong>s espècesdéjà <strong>cultivées</strong> dans l'un ou l'autre hémisphère. Les transportsont continué pendant trois siècles, sans qu'on se soit occupésérieusement <strong>de</strong> cultures nouvelles. Dans les <strong>de</strong>ux ou trois centsans qui ont précédé la découverte <strong>de</strong> l'Amérique et les <strong>de</strong>ux centsqui ont suivi, le nombre <strong>de</strong>s espèces <strong>cultivées</strong> est resté presquecomplètementstationnaire. Les Fraisiersd' Amérique,le Diospyrosvirginiana, le Sea-Kale (Crambe maritima) et le Tetragonia expansa,introduits dans le xvme siècle, n'ont guère eu d'importance.Il faut arriver au milieu du siècle .actuel pour constater<strong>de</strong> nouvelles cultures <strong>de</strong> quelque valeur au point <strong>de</strong> vue utilitaire.Je rappellerai l'Eucalyptus globulus d'Australie et lesCinchonas <strong>de</strong> l'Amérique méridionale.Le mo<strong>de</strong> d'introduction <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rnières espèces montre lechangement énorme qui s'est fait dans les moyens <strong>de</strong> transport.Précé<strong>de</strong>mment, la culture d'une plante commençait dans le paysoù elle existait, tandis que l'Eucalyptus d'Australie a été plantéet semé d'abord en Algérie, et les Cinchonas d'Amérique, dansl'Asie méridionale. Jusqu'à l'époque actuelle, les jardins botaniqueou d'ama'eurs avaient répandu <strong>de</strong>s espèces déjà <strong>cultivées</strong>quelque part. Maintenant ils introduisent <strong>de</strong>s cultures absolumentnouvelles. Le jardin royal <strong>de</strong> Kew se distingue sous cerapport, et d'autres jardins botaniques ou <strong>de</strong>s sociétés d'acclimatation,en Angleterre et ailleurs, font <strong>de</strong>s tentatives analogues.Il est probable que les pays tropicaux en profiteront largementd'ici à un siècle. Les autres y trouveront aussi leuravantage, vu les facilités croissantes pour le transport <strong>de</strong>s<strong>de</strong>nrées.Lorsqu'une espèce a été répandue dans les cultures, il est rare,et peut-être même sans exemple, qu'on l'abandonne complètement.Elle continue plutôt d'être cultivée çà et là dans <strong>de</strong>s


366 OBSERVATIONS GÉNÉRALESpays arriérés ou dont le climat lui est particulièrement favorable.J'ai laissé <strong>de</strong> côté dans mes recherches quelques-unes <strong>de</strong>cesespèces à peu près abandonnées, comme le Pastel (Isatistinctoria), la Mauve (Malva sylvestris), légume usité chez lesRomains, certaines <strong>plantes</strong> officinales fort employées autrefois,comme le Fenouil, le Cumin, la Nigelle, etc., mais il est certainqu'on les cultive encore partiellement.La concurrence <strong>de</strong>s espèces fait que la culture <strong>de</strong> chacune augmenteou diminue. En outre, les <strong>plantes</strong> tinctoriales et officinalessont fortement menacées par les découvertes <strong>de</strong>s chimistes.Le Pastel, la Garance, l'Indigo, la Menthe et plusieurs simplesdoiventcé<strong>de</strong>r <strong>de</strong>vant l'invasion <strong>de</strong>s produits chimiques. Il estpossible qu'on parvienne à faire <strong>de</strong> l'huile, du sucre, <strong>de</strong> lafécule, comme on fait déjà du miel, du beurre et <strong>de</strong>s gelées,sans se servir <strong>de</strong>s êtres organisés. Rien ne changerait plus le&conditions agricoles du mon<strong>de</strong> que la fabrication, par exemple,<strong>de</strong> la fécule, au moyen <strong>de</strong> ses éléments connus et inorganiques.Dans l'état actuel <strong>de</strong>s sciences, il y a encore <strong>de</strong>s produits.qu'on <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ra, je présume, <strong>de</strong> plus en plus au règne végétalce sont les matières textiles, le tannin, le caoutchouc, la guttaperchaet certaines épices. A mesure qu'on détruit les forêts d'oùon les tire et que ces matières seront en même temps plus <strong>de</strong>mandées,on sera plus tenté <strong>de</strong> mettre en culture certainesespèces.Elles appartiennent généralement aux flores <strong>de</strong>s pays tropicaux.C'est aussi dans ces régions, en particulier dans l'Amériqueméridionale, qu'on aura l'idée <strong>de</strong> cultiver certains arbresfruitiers, par exemple <strong>de</strong> la famille <strong>de</strong>s Anonacées, dont lesindigènes et les botanistes connaissent déjà le mérite. On augmenteraprobablement les fourrages et les arbres forestiers <strong>de</strong>nature à vivre dans <strong>de</strong>s pays chauds et secs. Les additions neseront pas nombreuses dans les régions tempérées, ni surtoutdans les régions froi<strong>de</strong>s.D'après ces données et ces aperçus, il est probable qu'à la findu xixe siècle les hommes cultiveront en grand et pour leur utilitéenviron 300 espèces. C'est une petite proportion <strong>de</strong>s 120-ou 140 000du règne végétal; mais dans l'autre règne, la proportion<strong>de</strong>s êtres soumis à l'homme est bien plus faible. Il n'y apeut-être pas plus <strong>de</strong> 200 espèces d'animaux domestiqués ousimplement élevés pour notre usage, et le règne animal compte<strong>de</strong>s millions d'espèces. Dans la gran<strong>de</strong> classe <strong>de</strong>s Mollusques, onélève l'huître, et dans celle <strong>de</strong>s Articulés, qui compte dix fois.plus d'espèces que le règne végétal, on peut citer l'abeille et<strong>de</strong>ux ou trois insectes produisant <strong>de</strong> la soie. Sans doute le nombre<strong>de</strong>s espèces animales ou végétales qu'on peut élever oucultiver pour son plaisir ou par curiosité est immense témoinsles ménageries et les jardins zoologiques ou botaniques; mais


OBSERVATIONSGÉNÉRALES 367*t iique <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong>et <strong>de</strong>s animaux utiles, d'unet habituel.em-je ne parleploi généralArticle 3. Plantes <strong>cultivées</strong> qu'on connaîton ne connaît pas à l'état sauvage.La science est parvenueà constater l'origine géographique<strong>de</strong> presque toutes les espèces <strong>cultivées</strong>, mais elle a fait moins<strong>de</strong> progrèsdans la connaissance <strong>de</strong> ces espècesà l'état spontané,c'est-à-dire sauvages, loin <strong>de</strong>s cultures et <strong>de</strong>s habitations.Il y a <strong>de</strong>s éspèces qu'on n'a pas trouvées dans cet état et d'autrespour lesquelles les conditions d'i<strong>de</strong>ntité spécifique ou <strong>de</strong>véritable spontanéité sont douteuses.Dans l'énumération qui suit, j'ai classé les espèces en catégoriesd'après le <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> certitu<strong>de</strong> sur la qualité spontanée et lanature <strong>de</strong>s doutes, lorsqu'il en existeI. Espèces spontanées, c'est-à-dire sauvages, vues par plusieurs botanistesloin <strong>de</strong>s habitations et <strong>de</strong>s cultures, avec toutes les apparences<strong>de</strong> <strong>plantes</strong> indigènes, et sous une forme i<strong>de</strong>ntique aveclune <strong>de</strong>svariétés <strong>cultivées</strong>. Ce sont les espèces qui ne sont pas énuméréesci-<strong>de</strong>ssous. Leur nombre est <strong>de</strong>lbJParmi ces '169 espèces, 31 appartiennent aux catégories marquées Aou D <strong>de</strong> culture très ancienne 56 sont <strong>cultivées</strong> <strong>de</strong>puis moins <strong>de</strong>2000ans (C), et les autres sont d'une date moyenne ou inconnue.II. Vues et récoltées dans les mêmes conditions, mais par un seulbotaniste et dans une seule localitéàCucurbita maxima, Faba vulgarù, Nicotiana Tabacum.III Vues et mentionnées, .mais non récoltées, dans les mêmes conditions,par un ou <strong>de</strong>ux auteurs non botanistes, plus ou moins anciens,qui peuvent s'êtreÀtrompésCarthamus tinctarius, Triticum vulgare.IV. Récoltées sauvages, par <strong>de</strong>s botanistes, dans plusieurs localités,sous une forme légèrement différente <strong>de</strong> celles qu on cultive, maisque la plupart <strong>de</strong>s auteurs n'hésitent pas à classer dans l'espèce. 4Olea europœa, Oryza sativa, Solanum tuberosum, Vitis vinifera.V. Sauvages, récoltées par <strong>de</strong>s botanistes, dans plusieurs localités, sous<strong>de</strong>s formes considérées par quelques auteurs comme <strong>de</strong>vant constituer<strong>de</strong>s espèces différentes, tandis que d'autres les traitent comme <strong>de</strong>svariétés *•4~AlIium Ampeloprasum Porrum, Cichorium Endivia var CrocKSsativus var., Cucumis Melo Gueurbita Pepo, Hekanûms tuberosus,Lactuca Scariola sativa, Linum usitatissinzum annuum, Lycopersicumeseulentum, Papaver somniferum, Pyrus nivalis var., Ribes GrossulariaSolanum Melongena, Spinacia oleracea var Tritieum monococcum.ï. Les espèces en italiques sont <strong>de</strong> culture très ancienne (A ou D); cellesmarquées sont <strong>cultivées</strong> <strong>de</strong>puis moins <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux mille ans (C ou F).


368 OBSERVATIONSGÉNÉRALESVI. Subspontanées, c'est-à-dire presque sauvages, semblables à l'une<strong>de</strong>s formes <strong>cultivées</strong>, mais avec la chance que ce soient <strong>de</strong>s <strong>plantes</strong>échappées <strong>de</strong>s cultures, d'après les circonstances locales 24Agave americana, Amarantus gangeticus, Amygdalus Persica, ArecaCatechu, Avena orientalis Avenaṡativa, Cajanus indicus Cicerarietinum,Citrus <strong>de</strong>cumana. Cucurbita moschata, Dioscorea japonica,Ervum Ervilia, Ervum Lens, Fagopyrum emarginatum, Gossypiumbarba<strong>de</strong>nse, Holcus saccharatus, Holcus Sorghum,Indigofera tinctoria,Lepidium sativum, Maranta arundinacea, Nicotiana rustica, Panicummûiaceum, Raphanus sativus, Spergula arvensis.VII. Subspontanées comme les précé<strong>de</strong>ntes, mais ayant une forme assezdifférente <strong>de</strong>s variétés <strong>cultivées</strong> pour que la majorité <strong>de</strong>s auteurs lesonsidèrent comme <strong>de</strong>s espèces distinctes 3Allium ascalonicum (forme <strong>de</strong> VA. Ceps ?), Allium Scorodoprasum(forme <strong>de</strong> l'A. sativum2), Secale cereale (forme <strong>de</strong> l'un <strong>de</strong>s Secalevivaces?).VIII. Non découvertes dans un état sauvage. ni même dans un étatsubspontané, issues peut-être <strong>de</strong>puis le commencement <strong>de</strong>s culturesd'espèces <strong>cultivées</strong>, mais trop différentes pour n'être pas appeléesordinairement <strong>de</strong>s espèces 3Hor<strong>de</strong>um hexastichon (dérivé <strong>de</strong> 177.distichon?). Hor<strong>de</strong>um vulgare (dérivé<strong>de</strong> l'B. distichon ?), Tnticum Spelta (dérivé du T. vulgare?).IX. Non découvertes dans un état sauvage, ni même subspontané, maisoriginaires <strong>de</strong> pays qui ne sont pas suffisamment explorés, et qu'onsoupçonne <strong>de</strong>voir être plus tard réunies à <strong>de</strong>s. espèces sauvages encoremal connues <strong>de</strong> ces pays 6Arachis hypogaea, Caryophyllus aromaticus, ConvolvolusBatatas, DolichosLubia Manihotutilissima, Phaseolus vulgaris.X. Non découvertes dans un état sauvage, ni même subspontané, maisoriginaires <strong>de</strong> pays qui ne sont pas suffisamment explorés, ou <strong>de</strong> pays<strong>de</strong> même nature qu'on ne peut pas préciser, plus distinctes que lesprécé<strong>de</strong>ntes <strong>de</strong>s espèces connues 18Amorphophallus Konjak, Arracacha esculenta, Brassica ebinensis, Capsicumannuum, Chenopodinm Quinoa^Citrus nobilis, Cucnrbita ficifolia,Dioscorea alata, Dioscorea Batatas, Dioscorea sativa, EleusineCoracana, Lucuma mammosa, Nephelium Litchi, Pisum sativumSaccharum offieinarum, Sechium edule, Trichosanthes anguinaZea Maïs.Total 247D'après ces chiffres, il y a 193 espèces reconnues sauvages,27 douteuses, en tant que subspontanées, et 27 qu'on n'a pastrouvées sauvages.Il est permis <strong>de</strong> croire qu'on découvrira tôt ou tard ces <strong>de</strong>rnières,si ce n'est sous une <strong>de</strong>s formes <strong>cultivées</strong>, au moins sousune forme voisine, appelée espèce ou variété, selon l'idée <strong>de</strong>chaque auteur. Il faudra pour y parvenir que les pays tropicauxaient été mieux explorés, que les collecteurs aient fait plus d'attentionaux localités et qu'on ait publié beaucoup <strong>de</strong> flores <strong>de</strong>spays actuellement mal connus et <strong>de</strong> bonnes monographies <strong>de</strong>i. Depuis l'impression <strong>de</strong> cette liste, j'ai reçu l'avis que le Quinoa estsauvage au Chili. Quelques-uns <strong>de</strong>s chiffres <strong>de</strong>vraient être modifiés enconséquence d'une unité.


OBSERVATIONS GÉNÉRALES 369certains genres, en s'appuyant sur les caractères qui varient lemoins dans la culture.Quelques espèces originaires <strong>de</strong> pays assez bien explorés etimpossibles à confondre avec d'autres, parce qu'elles sont uniqueschacune dans son genre, n'ont pas été trouvées à l'état sauvage,ou l'ont été une fois seulement, ce qui peut faire présumerqu'elles sont éteintes dans la nature, ou en voie d'extinction. Jeveux parler du Maïs et <strong>de</strong> la Fève (voir p. 311 et 253). J'indiqueaussi, dans l'article 4, d'autres <strong>plantes</strong> qui paraissent en voied'extinction <strong>de</strong>puis quelques milliers d'années. Ces <strong>de</strong>rnièresappartiennent à <strong>de</strong>s genres nombreux en espèces, ce qui rendl'hypothèse moins vraisemblable 1; mais, d'un autre côté, ellesse montrent rarement loin <strong>de</strong>s cultures, et on ne les voitse guèrenaturaliser, j'entends <strong>de</strong>venir sauvages, ce qui montreune certaine faiblesse ou trop <strong>de</strong> facilité à <strong>de</strong>venir la proie d'animauxet <strong>de</strong> parasites.Les 67 espèces mises en culture <strong>de</strong>puis moins <strong>de</strong> 2000 ansse trouvent toutes à l'état (C, F)sauvage excepté onze marquéesqu'on n'a pas rencontrées ou sur lesquelles on a <strong>de</strong>sdoutes. C'estune proportion <strong>de</strong> 83 0/0.Ce qui est plus singulier, la gran<strong>de</strong> majorité <strong>de</strong>s espèces <strong>cultivées</strong><strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong> 4000 ans (A), ou en Amérique <strong>de</strong>puis 3 ou4000 (D), existent encore sauvages, dans un état i<strong>de</strong>ntique avecl'une <strong>de</strong>s formes <strong>cultivées</strong>. Leur nombre est <strong>de</strong> 31, sur 49, c'est-àdire63 0/0. Si l'on ajoute celles <strong>de</strong>s catégories II, III, IV etla Yproportion est <strong>de</strong> 81 à 82 0/0. Dans les catégories IX et X, onne compte plus que <strong>de</strong>ux <strong>de</strong> ces espèces très anciennes <strong>de</strong> culture,soit 4 0/0, et ce sont <strong>de</strong>ux espèces qui n'existent peut-êtreplus comme <strong>plantes</strong> spontanées.Je croyais, à priori, qu'un beaucoup plus grand nombre <strong>de</strong>sespèces <strong>cultivées</strong> <strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong> 4000 ans auraient dévié <strong>de</strong> leurétat ancien, à un <strong>de</strong>gré tel qu'on ne pourrait plus les reconnaîtreparmi les <strong>plantes</strong> spontanées. Il paraît, aules formes contraire, queantérieures à la culture se sont ordinairement conservéesà côté <strong>de</strong> celles que les cultivateurs obtenaient et propageaient<strong>de</strong> siècle en siècle. On peut expliquer ceci par <strong>de</strong>uxcauses l°La pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> 4000 ans est courte relativement à ladurée <strong>de</strong> la plupart <strong>de</strong>s formes spécifiques dans les <strong>plantes</strong>phanérogames. 2" Les espèces <strong>cultivées</strong> reçoivent, hors <strong>de</strong>scultures, <strong>de</strong>s renforts incessants par les graines que l'homme,les oiseaux et divers agents naturels dispersent ou<strong>de</strong> mille manières. Les transportentnaturalisations ainsi produites confon<strong>de</strong>ntsouvent les pieds issus <strong>de</strong> <strong>plantes</strong> sauvages, avec ceuxissus <strong>de</strong> <strong>plantes</strong> <strong>cultivées</strong>, d'autant mieux qu'ils se fécon<strong>de</strong>ntmutuellement, puisqu'ils sont <strong>de</strong> même espèce. Ce fait est claii.Par <strong>de</strong>sraisons queje ne puisdévelopper ici, les genresmonotypessontordinairementen voied'extinction.De Casdolle. £$


370 OBSERVATIONS GÉNÉRALESa 1rement démontré quand il s'agit d'une espèce <strong>de</strong> l'ancien mon<strong>de</strong>cultivée en Amérique, dans les jardins, et qui s'établit plus tar<strong>de</strong>n masse dans la campagne ou les forêts, comme le Cardon àJBuenos-Ayres et les Orangers dans plusieurs contrées amé--ricaines. La culture étend les habitations. Elle supplée aux déficitsque peut avoir la reproduction naturelle <strong>de</strong>s espèces.Quelques-unes cependant font exception, et il vaut la peined'en parler dans un article spécial.Article 4. – Plantes <strong>cultivées</strong> qui sont en voied'extinction on éteintes hors <strong>de</strong>s cuH4aaa«es.Les espèces auxquelles je viens <strong>de</strong> faire allusion présententtrois caractères assez remarquables1° Elles n'ont pas été découvertes à l'état sauvage, ou nel'ont été qu'une fois ou <strong>de</strong>ux, souvent même d'une manière contestable,bien que les régions d'où elles sont sorties aient étévisitées par plusieurs botanistes.2° Elles n'ont pas la faculté <strong>de</strong> se semer et <strong>de</strong> se propagerindéfiniment hors <strong>de</strong>s terrains cultivés. En d'autres termes ellesne dépassent pas en pareil cas la condition <strong>de</strong> <strong>plantes</strong> adventives.3° On ne peut pas soupçonner qu'elles sont issues, <strong>de</strong>puis'époque historique, <strong>de</strong> certaines espèces voisines.Ces trois caractères se trouvent réunis dans les espèces suivantesFève(Fabavillgaris).Pois chiche(Cicerarielinum)Ers (Enum Ervilia).Lentille(ErvumLens).Tabac(NicotianaTabacum).Froment(Triticumvulgare).Maïs(ZeaMays).Il faudrait ajouter la Batate (Convolvulus Batatas), si lesespèces voisines étaient mieux connues comme distinctes, et leCarthame {Carthamus tinetorius), si l'intérieur <strong>de</strong> l'Arabie avaitété exploré et qu'on n'y eût pas trouvé cette plante indiquéejadis par un auteur arabe.Toutes ces espèces, et probablement d'autres <strong>de</strong> pays peuconnus ou <strong>de</strong> genres mal étudiés, paraissent en voie d'extinctionou éteintes. A supposer que la culture cessât dans le mon<strong>de</strong>,elles disparaîtraient, tandis que la majorité <strong>de</strong>s autres <strong>plantes</strong><strong>cultivées</strong> se seraient naturalisées quelque part et resteraient àllétat sauvage.Les sept espèces mentionnées tout à l'heure, excepté le Tabac,ont <strong>de</strong>s graines remplies <strong>de</strong> fécule, qui sont recherchées par lesoiseaux, les rongeurs et divers insectes, sans pouvoir traverserintactes leurs voies digestives. C'est probablementla cause, uniqueou principale, <strong>de</strong> leur infériorité dans la lutte pour l'existence.Ainsi, mes recherches sur les <strong>plantes</strong> <strong>cultivées</strong> montrent que


OBSERVATIONS GÉNÉRALES 371certaines espècesvégétalessont en voie d'extinction ou éteintes<strong>de</strong>puis l'époque historique, et cela, non dans <strong>de</strong> petites îles,mais sur <strong>de</strong> vastes continents, sans qu'on ait constaté <strong>de</strong>smodifications<strong>de</strong> climat. C'estun résultat important pour l'histoire<strong>de</strong>s règnes organisés, à toutes les époques.Article 5. Réflexion» diverses.Je mentionnerai sommairement les suivantesi° Les <strong>plantes</strong> mises en culture n'appartiennent pas à une catégorieparticulière, car elles se classent dans cinquante etune familles différentes. Ce sont toutes cependant <strong>de</strong>s Phanérogames,excepté le Champignon <strong>de</strong>s couches (Agaricus campestrls)20 Les caractères qui ont le plus varié dans la culture sont,en commençant par les plus variables A, la grosseur, la formeet la couleur <strong>de</strong>s parties charnues, quelle que soit leur situation{racine, bulbe, tubercule, fruit ou graine), et l'abondance <strong>de</strong> lafécule, du sucre et autres matériaux, qui se déposent dans cesparties; B, l'abondance <strong>de</strong>s graines, qui est souvent inversedu développement <strong>de</strong>s parties charnues <strong>de</strong> la plante; C, laforme, la gran<strong>de</strong>ur ou la pubescence <strong>de</strong>s organes floraux quipersistent autour <strong>de</strong>s fruits ou <strong>de</strong>s graines; D, la rapidité<strong>de</strong>s phénomènes <strong>de</strong> végétation, <strong>de</strong> laquelle résulte souvent laqualité <strong>de</strong> plante ligneuse ou herbacée et <strong>de</strong> plante vivace, bisannuelleou annuelle.Les tiges, feuilles et fleurs varient peu dans les <strong>plantes</strong> <strong>cultivées</strong>pour ces organes. Ce sont les <strong>de</strong>rnières formations <strong>de</strong>chaque pousse annuelle ou bisannuelle qui varient le plus; end'autres termes, les résultats <strong>de</strong> la végétation varient plus queles organes qui en sont la cause.3° Je n'ai pas aperçu le moindre indice d'une adaptation aufroid. Quand la culture d'une espèce avance vers le nord (Maïs,Lin, Tabac, etc.), cela s'explique par la production <strong>de</strong> variétéshâtives qui ont pu mûrir' avant la saison froi<strong>de</strong>, ou par l'usage<strong>de</strong> cultiver dans le nord, en été, <strong>de</strong>s espèces qu'on. sème dansle midi en hiver. L'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s limites boréales <strong>de</strong>s espèces spontanéesm'avait conduit jadis au même résultat, car elles n'ont paschangé <strong>de</strong>puis les temps historiques, bien que les graines soientportées fréquemment et continuellement au nord <strong>de</strong> chaque limite.Il faut, paraît-il, pour une modification permettant <strong>de</strong>supporter <strong>de</strong>s <strong>de</strong>grésplus intenses <strong>de</strong> froid, <strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s beaucoupplus longues que -4 ou 3000 ans, ou <strong>de</strong>s changements <strong>de</strong> formeet <strong>de</strong> durée.4° Les classifications <strong>de</strong> variétés faites par les agriculteurs ethorticulteurs reposent ordinairement sur les caractères qui varientle plus (forme, grosseur, couleur, saveur <strong>de</strong>s parties charjaues,barbes <strong>de</strong>s épis, etc.). Les botanistes se trompent quand ils


372 OBSERVATIONS GÉNÉRALESsuivent cette voie. Ils <strong>de</strong>vraient consulter les caractères, plusfixes, <strong>de</strong>s organes pour lesquels on ne cultive pas les espèces.S0Une espèce non cultivée étant un groupe <strong>de</strong> formes plus oumoins analogues, parmi lesquelles on peut distinguer souvent<strong>de</strong>s groupes subordonnés (races, variétés, sous-variétés), il a puarriver qu'on ait mis en culture <strong>de</strong>ux ou plusieurs <strong>de</strong> ces formesun peu différentes. C'est ce qui a dû se passer surtout quandl'habitation d'une espèce est vaste, et plus encore quand elle estdisjointe. Le premier cas est probablement celui <strong>de</strong>s Choux(Brassica), du Lin, du Cerisier <strong>de</strong>s Oiseaux (Prunus avium), duPoiriercommun, etc. Le second s'est présenté probablement pourla Gour<strong>de</strong>, le Melon et le Haricot trilobé, qui existaient à la foisdans l'In<strong>de</strong> et l'Afrique, avant la culture.6° On ne connaît pas <strong>de</strong> caractère distinctif entre une plantenaturalisée issue, <strong>de</strong>puis quelques générations, <strong>de</strong> pieds cultivés,et une plante sauvage issue <strong>de</strong> pieds anciennement sauvages.Toutefois, dans la transition <strong>de</strong> plante cultivée à plante spontanée,les traits particuliers qui se propagent par la greffe dansles cultures ne se conservent pas <strong>de</strong> semis. Par exemple, l'Olivier<strong>de</strong>venu sauvage est à l'état d'Oleaster, le Poirier a <strong>de</strong>s fruitsmoins gros, le Châtaignier marron donne un fruit tout ordinaire.Du reste, on n'a pas encore observé suffisamment, <strong>de</strong> générationen génération, les formes naturalisées d'espèces sorties<strong>de</strong>s cultures. M. Sagot l'a fait pour la vigne. Il serait intéressant<strong>de</strong> comparer <strong>de</strong> la même manière avec leurs formes <strong>cultivées</strong>les Citrus, le Persica et le Cardon naturalisés en Amérique,loin <strong>de</strong> leur pays d'origine, <strong>de</strong> même que l'Agave et laFigue d'In<strong>de</strong> sauvages en Amérique avec leurs variétés naturaliséesdans l'ancien mon<strong>de</strong>. On saurait exactement ce qui persisteaprès un état temporaire <strong>de</strong> culture.7° Une espèce peut avoir eu avant la culture une habitationrestreinte et occuper ensuite une immense étendue commeplante cultivée et quelquefois naturalisée.8° Dans l'histore <strong>de</strong>s végétaux cultivés, je n'ai aperçu aucunindice <strong>de</strong> communications entre les peuples <strong>de</strong> l'ancien et dunouveau mon<strong>de</strong> avant la découverte <strong>de</strong> l'Amérique par Colomb.Les Scandinaves, qui avaient poussé leurs excursions jusquedans le nord <strong>de</strong>s États-Unis, et les Basques du moyen âge, quiavaient suivi <strong>de</strong>s baleines peut-être jusqu'en Amérique, ne pa--raissent pas avoir transporté une seule espèce cultivée. Le courantdu Gulf-Stream n'a produit également aucun effet. Entrel'Amérique et l'Asie, <strong>de</strong>ux transports <strong>de</strong> <strong>plantes</strong> utiles ont peutêtreeu lieu, l'un par l'homme (Batate), l'autre par l'homme oupar la mer (Cocotier).1. Sagot,Sur une vignesauvagecivissanten abondancedanslesboisautour<strong>de</strong> Belley.FIN.


ADDITIONSET CORRECTIONSPage 23. Radis. Raphanus sativus, L. Le Dr Bretschnei<strong>de</strong>rm'a écrit, le 22 septembre 1882, que cette espèce est mentionnéedans le Rya, ouvrage <strong>de</strong>l'an 1100avant J.-C. D'après cela,il est difficile <strong>de</strong> savoir si elle est venue <strong>de</strong> Chine ou <strong>de</strong> l'Asie occi<strong>de</strong>ntale.Dans l'un et l'autre cas ce serait <strong>de</strong> l'Asie tempérée.P. 35. Topinambour. Helianthus tuberosus, L. -Après <strong>de</strong>nombreuses hésitations sur l'état spontané, le DrAsa Gray (Synopticalflora, l, part. 2, p. 280) attribue à cette espèce une partie <strong>de</strong>Y Helianthus doronicoi<strong>de</strong>s Gray et Torrey, qui croît spontanémentau Canada et dans les États-Unis, jusqu'à l'Arkansas et la Géorgie.P. 36-42. Pomme <strong>de</strong> terre. Solanum tuberosum, L.Depuis ma rédaction, M. Baker a publié dans le Journal o f theLinnean Society, XX, p. 489, une revue détaillée <strong>de</strong>s Solanum àtubercules <strong>de</strong> l'Amérique septentrionale et méridionale, et sirJoseph Hooker, dans le Botanical Magazine, pl. 6756, a adoptéen partie ses opinions. Ni l'un ni l'autre n'admet, comme origine<strong>de</strong> la Pomme <strong>de</strong> terre cultivée, la plante du Chili que Sabine,Lindley, Darwin et moi avons pensé être sa souche primitive. Ilsconsidèrent la forme commune sur la côte du Chili comme étantle Solanum Maglia, <strong>de</strong> Molina et <strong>de</strong> Dnnal, Prodr. 13, part. I,p. 36, qu'ils tiennent pour une espèce différente du S. tuberosumcultivé.Au premier coup d'oeil jeté sur la planche 41 <strong>de</strong> Baker appeléeS. tuberosum j'ai pensé que c'était une espèce bien différenteet j'adressai alors à M. Goeze une note qu'il a mise dans le HamburgerGa1'ten undBlumenzeitung,<strong>de</strong> 1884, p. 289. J'insistais surce que les lobes du calice sont ovales et obtus dans la planche,tandis qu'ils sont lancéolés, plus ou moins aeuminés dans leS. tuberosum cultivé, du moins dans la fleur ouverte, car dans lebouton ils sont peu développés. Cette forme obtuse ou aiguë <strong>de</strong>slobes du calice, lorsque la fleur est épanouie, m'a paru plus caractéristique<strong>de</strong>s Solanum qu'on ne le pense communément. C'estun détail d'organisation qui n'entraîne aucune conséquence pour


374 ADDITIONSET CORRECTIONSles tubercules, d'où il résulte que les cultivateurs ne s'en sont pasoccupés et n'ont pas propagé les formes nouvelles qui ont pu seproduire acci<strong>de</strong>ntellement, comme ils l'ont fait pour les tubercules.D'après Darwin, les organes ou caractères inutiles à uneplante dans l'état spontané, ou à son produit dans la culture, sontceux qui doivent être les plus durables. J'en ai eu la confirmationpour le calice <strong>de</strong> la pomme <strong>de</strong> terre cultivée. M. le Dr Masters aeu l'obligeance d'examiner les lobes <strong>de</strong> cet organe dans 150 variétés<strong>cultivées</strong> au jardin <strong>de</strong> Kew, et il a sollicité le même examenchez MM. Sutton, les plus-grands cultivateurs <strong>de</strong> pommes <strong>de</strong>terre qui existent. Le résultat a été que toutes les formes <strong>cultivées</strong>ont les lobes aigus ou acuminés, jamais obtus. La fixité étantainsi reconnue,j'ai cherchéquel est le calice dans les formes spontanéesplus ou moins comparables aux S. tuberosum. Pour celaj'ai <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> nouveaux documents à M. Philippi, <strong>de</strong> Santiago,en ce qui concerne le Chili, et à M. Hieronymus, pour les formes<strong>de</strong> la république Argentine. Les échantillons qu'ils ont bienvoulu me donner ou prêter, joints à ceux <strong>de</strong> mon herbier, m'ontpermis <strong>de</strong>.connaître exactement plusieurs formes rapportées parM. Baker aux S. tuberosum et S. Maglia <strong>de</strong>s auteurs, et à d'autresanalogues. Le résultat <strong>de</strong> ce travail est exposé en détail dans unarticle <strong>de</strong> botanique pure qu'il serait inutile <strong>de</strong> reproduire ici,mais qu'on peut consulter dans les Archives <strong>de</strong>s sciences physiqueset naturelles, <strong>de</strong> mai 1886.Après avoir éliminé du S. tuberosum, tel que M. Baker l'admet,beaucoup <strong>de</strong> formes qui se'distinguent par <strong>de</strong> bons caractèreset parmi lesquelles <strong>de</strong>ux sont, à mon avis, <strong>de</strong>s espèces d'importanceanalogue à celles du genre Solanum en général, j'ai été conduità maintenir mon opinion résumée à la page 42.La plante spontanée la plus semblable au S. tuberosum.<strong>cultivées</strong>t un échantillon recueilli en 1862, par M. Philippi dans l'île <strong>de</strong>Chiloe, qui avait été égaré dans mon herbier. Je l'ai trouvé encoreplus semblable à la pomme <strong>de</strong> terre <strong>de</strong> nos cultures que leS. tuberosum <strong>de</strong> Sabine, Darwin, etc., appelé S. Maglia parBaker et sir Joseph Hoocker. De ce type on passe facilement aux<strong>plantes</strong> <strong>de</strong> ces auteurs pour arriver au S. Maglia <strong>de</strong> Schlechtendalet <strong>de</strong> Dunal, qui s'éloigne un peu plus <strong>de</strong> la plante cultivée.J'ai admis, en conséquence, quatre variétés dans l'espèce duS. tuberosum, a. Chiloense, $. culturn, y. Sabini, 8. Maglia. Laforme a, typique, et les <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rnières, croissent sur le littoraldu Chili. Je n'ai pas rencontré <strong>de</strong>s échantillons plus semblablesà la plante cultivée venant <strong>de</strong>s régions sèches et élevées du Chiliou du Pérou.L'exemplaire recueilli par Clau<strong>de</strong> Gay à Talcagoué que j'avaiscru, avec Dunal, appartenir au S. tuberosum, est, à mon avis, douteuxparce qu'il n'a pas <strong>de</strong> fleur ouverte et que d'après le bouton,où les lobes du calice sont obtus, il appartient plutôt au S. Bu&-tillosi <strong>de</strong> Philippi, dont j'ai un échantillon authentique. Le So-


ADDITIONS ET CORRECTIONS37blanum 719 <strong>de</strong> Bridges, du Chili, qui est le S. tuberosum figurépar Baker, est pour moi une nouvelle espèce, S. Bridgesii. Celui<strong>de</strong> Bolivie, n° 397 <strong>de</strong> Mandon, rapporté aussi au S. tuberosum parBaker, est une espèce nouvelle, S. Mandoni, où les segments <strong>de</strong>la feuille sont sessiles. Dans mon herbier et dans celui <strong>de</strong> Boissierje n'ai vu aucun S. tuberosum croissant au nord du Chili; etje doute qu'il y en ait dans l'herbier <strong>de</strong> Kew, d'après toutes lesformes éliminées ci-<strong>de</strong>ssus et l'opinion <strong>de</strong> M. Hemsley (Journalof the hortie. soc., vol. V) qui a vu cet herbier.Tous les Solanum d'Amérique à tubercules, et quelques-unssans tubercules, sont <strong>de</strong>s formes extrêmement voisines, qu'on peutappeler <strong>de</strong>s espèces d'ordre secondaire, comme il y en a dans lesRosa. Rubus, etc. Quelques botanistes croient élu<strong>de</strong>r les difficultésen constituant <strong>de</strong> vastes espèces, par exemple un Solanum tuberculeuxvarié, répandu <strong>de</strong>puis le Chili jusqu'au Mexique et l'Etatd'Arizona, mais si l'on veut être exact, il faut alors distinguer <strong>de</strong>sVariétés, et pour la question d'origine <strong>de</strong> la plante cultivée il fautchercher <strong>de</strong> quelle variété elle est provenue. Le changement d'unterme <strong>de</strong> nomenclature ne change pas le fond <strong>de</strong> la question:P. 45. Batate. Convolvulus Batatas, L. Après avoir lumon article, M.le Dr B,etsehn i<strong>de</strong>r m'a écrit <strong>de</strong> Pékin, que certainementla Batate cultivée en Chine est d'origine étrangèred'après les ouvrages chinois. Le manuel d'agriculture <strong>de</strong> NungChaig TNuan Shu, dont l'auteur est mort en 1633, l'affirme, et ilmentionne aussi une batate sauvage en Chine, Chu, l'espèce cultivéeétant Kan-chu (batate douce). Le Min Shu, publié dans leXVIesiècle, dit que l'introduction a eu lieu entre 1573 et lbdu.P 69. Pourpier. -Portulaca oleracea, L. -On regardait auxÉtats-Unis le pourpier comme d'origine étrangère (A. Gray, FI.of. n. st. éd. 5 Bot. o f Calif. 1, p. 74), mais dans une publicationrécente (Amer. journ. of se. 1883, p. 253), MM. A. Gray et Trumbulldonnent <strong>de</strong>s raisons pour croire qu'il est spontané en Amérique,comme dans l'ancien mon<strong>de</strong>. Christophe Colomb l'avaitremarqué à San Salvador et à Cuba; Oviédo le mentionne àSaint-Domingue et J. <strong>de</strong> Léry au Brésil. Cene sont pas, il est vrai,<strong>de</strong>s témoignages <strong>de</strong> botanistes, mais Nuttall et autres l'ont trouvésauvagedans le haut Missouri, le Colorado et le Texas, où pourtant,vu la date, il peut avoir été importé et naturalisé.P. 82. Luzerne. Medicago sativa, L. Certainement spontanéedans la région du Volga inférieur et du fleuve Oural, où onne la cultive pas. (Lettre <strong>de</strong> M. le conseiller Danilewski.)P. 83. Sainfoin. Onobrychis. Certainement spontané dansla Russie centrale. (Lettre du même.)


376 ADDITIONS ET CORRECTIONSP. 88. Gesse. Lathyrus sativus, L. Était cultivée en Hongriedans l'âge <strong>de</strong> pierre, d'après les catacombes <strong>de</strong> Aggtelek(Engler Bot. Jahrb. 3, p. 282).P. 85. Thé. – Thea sinensis. Est spontané dans l'île <strong>de</strong>Hainan (Hance, Journ. of bot. 1885, p. 321). Abel l'avait déjàtrouvé, en apparence sauvage, près <strong>de</strong> See-chow (Griffith, Tea ofUpper Assam).P. 129. Giroflier. Caryophyllus aromaticus, L. MM.Fluckigeret Hanbury (Hist. <strong>de</strong>s drogues, trad. franç. 1, p. 498) ontprouvé que le commerce introduisait cette épice en Europe déjàdans le vi° siècle. M. Fluekiger (Journ. <strong>de</strong> pharm., nov. 1885) avu <strong>de</strong>ux clous <strong>de</strong> girofle tirés d'une boîte <strong>de</strong> cette époque venantdu château ruiné <strong>de</strong> Horburg.P. 129. Houblon. Humulus Lupulus, L. -Croit spontanémentà Yédo, Japon, et en Amérique, du Canada au Nouveau-Mexique (A.Gray, Bot. ofn. st., éd. 2; Watson, Calif., 2, p. 63),comme en Europe. C'est par erreur que dans le Prodromus j'ai citéA. Gray pour avoir dit cette espèce naturalisée en Amérique.P. 171. Abricotier. Prunus Armeniaca, L. M. Capus(Ann.sc.nat., série 6, vol. 16,p>280)l'avu sauvage en Tu.kestan.Il est impossible <strong>de</strong> savoir s'il y est indigène ou naturalisé par<strong>de</strong>s noyaux rejetés hors <strong>de</strong>s cultures. M. le conseiller <strong>de</strong> Danilewskim'afait savoir qu'il l'a cherché inutilement dans les forêts<strong>de</strong> Talysch.P. 174. Amandier. Amygdalus communis, L.. M. Capus(Ann. se. nat., série 6, vol. 16, p. 281) l'a trouvé « subspontané »en Turkestan, avec une variété spontanée.P. 199. Gour<strong>de</strong>. Lagenaria vulgaris, Seringe. MM. AsaGray et Trumbull (Amer. journ. of se., 1883, p. 370) donnent<strong>de</strong>s raisons pour supposer l'espèce connue et indigène dans lenouveau mon<strong>de</strong> avant l'arrivée <strong>de</strong>s Européens. Les premiers voyageurssont cités par eux plus en détail que je ne l'ai fait. Il résulte<strong>de</strong> leur témoignage que les habitants du Pérou, du Brésil et duParia, possédaient <strong>de</strong>s gour<strong>de</strong>s, en espagnol calabazas, mais jene vois pas <strong>de</strong> preuve que ce fût l'espèce appelée par les bo tanistesCucurbita lagenaria, maintenant Lagenaria vulgaris. Le seulcaractère indépendant <strong>de</strong> la forme si variable du fruit est la couleurblanche <strong>de</strong>s fleurs, et il n'est pas indiqué.P. 201. Potiron. Cucurbita maxima, Duchesne. Auxraisons <strong>de</strong> soupçonner une origine américaine il faut ajouter que


ADDITIONS ET CORRECTIONS 377<strong>de</strong>s graines du cimetière d'Ancon, au Pérou, ont été reconnues,par M. Naudin, pour appartenir au C. maxima. (Lettre <strong>de</strong> M. Wittmack,15 oct. 1882). Au sujet <strong>de</strong> ce cimetière voyez ci-<strong>de</strong>ssus p. 273.Les témoignages <strong>de</strong>s anciens voyageurs sur le C. maxima enAmérique avant l'arrivée <strong>de</strong>s Européens, ont été réunis avee beaucoup<strong>de</strong> soin par MM. A. Gray et Trumbull (Amer. journ. ofsc,1883, p. 372). Ils confirment que les indigènes cultivaient <strong>de</strong>scourges Cucurbita, sous <strong>de</strong>s noms américains, dont quelques-unssubsistent dans le langage actuel <strong>de</strong>s États-Unis. Aucun <strong>de</strong>s anciensvoyageurs n'a constaté les caractères botaniques (ci-<strong>de</strong>ssus p. 199)par lesquels Naudin a établi la distinction <strong>de</strong>s C. maxima etC. Pepo, par conséquent on <strong>de</strong>meure dans le doute sur l'espècedont ils ont parlé. D'après différents motifs, j'avais admis l'origineaméricaine pour le C. Pepo (p. 203), mais je conserve mes doutespour le C. maxima. En lisant Tragus et Matthiole plus attentivementque je ne l'avais fait, MM.A. Gray et Trumbull remarquentqu'ils appelent indien ce qui venait d'Amérique. Mais si ces botanistesne confondaient pas les In<strong>de</strong>s orientales et occi<strong>de</strong>ntales,plusieurs autres et le publie le faisaient, ce qui a produit <strong>de</strong>serreurs répétées ensuite par <strong>de</strong>s savants.P. 204. Courge musquée. – Cucurbita moschata, Duchesne.-Des graines <strong>de</strong> cette espèce, reconnues par M. Naudin, ont ététrouvées dans le cimetière d'Ancon (d'après ce que m'écritM. Wittmack). La question <strong>de</strong> l'origine américaine serait ainsitranchée, si ce n'était certains doutes sur l'époque <strong>de</strong>s tombeauxd'Ancon. (Voir ci-<strong>de</strong>ssus p. 199.)P. 210. Concombre. Cucumis sàtivus, L. Des graines <strong>de</strong>concombre ont été trouvées dans les cendres préhistoriques <strong>de</strong>Szilahom, en Hongrie (Fotini, cité dans Engler Bot. Jahrb. 3,p. 287).P. 222. Groseillier noir. Cassis. Depuis que j'ai signaléle nom <strong>de</strong> cassis comme peu ancien et d'origine inconnue, plusieurspersonnes m'ont communiqué <strong>de</strong>s recherches sur ce point,mais elles ne sont pas parvenues à un résultat positif. M. Schuermann,prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la cour d'appel en Belgique, érudit distingué,n'a pas découvert le nom <strong>de</strong> cassis avant la date <strong>de</strong> 1712, qui estcelle d'un opuscule intitulé Propriété admirable du cassis,plante <strong>de</strong> la Tourraine, du Poitou, etc. Le charlatanisme s'étaitemparé <strong>de</strong> ce nom nouveau, comme aujourd'hui <strong>de</strong>s noms <strong>de</strong>revalescière, revalenta, etc. Peut-être avait-on voulu imiter lesliqueurs parfumées avec la Cassia lignea, vulgairement Cassie,dont il est beaucoup question dans BÏuckiger et Hanbury. (Drogues,trad. franc., 2, p. 238.)


378 ADDITIONS ET CORRECTIONSP. 253. Fève. Faba vulgaris, Mœnch.– D'après une. lettre<strong>de</strong> M. le conseiller Danilewski le désert dit <strong>de</strong> Mungan dans le&ouvrages est celui <strong>de</strong>Mughan, au S.-O. <strong>de</strong> la merCaspienne, entreles fleuves Koura et Arosc. La plus ancienne culture <strong>de</strong> fève connueest celle <strong>de</strong> la variété celtica <strong>de</strong> Heer, dans les souterrainsd'Aggtelek, <strong>de</strong> l'âge <strong>de</strong> pierre en Hongrie. (Cité dans Engler,Bot. Jahrb. 3, p. 283).P. 257. Lentille. Ervum Lens, L. Cultivée en Hongrie,à l'époque <strong>de</strong> l'âge <strong>de</strong> pierre, d'après les graines du souterraind'Aggtelek (Engler, Bot. Jahrb. 3, p. 284).P. 258. Pois chiche. Cicer arietlnum, L. Était connuen Chine déjà dans le xive siècle, sous <strong>de</strong>s noms qui indiquent uneorigine occi<strong>de</strong>ntale (Bretschnei<strong>de</strong>r, lettre <strong>de</strong> Pékin, en 1862)'.P. 260. Lupin. Lupinus albus. L. M. Danileswki estimaitqu'il est bien spontané au Caucase parce qu'on ne lé cultive pasdans cette région. (Lettre <strong>de</strong> 1862.)P. 262. Pois <strong>de</strong>s jardins. Pisum sativum, L. Cultivé enHongrie à l'époque <strong>de</strong> l'âge <strong>de</strong> pierre, d'après <strong>de</strong>s graines du souterraind'Aggtelek {Engler, Bot. Jahrb. 3, p. 284).P. 293. Locular. Triticummonococcian, L. – M. H. Vilmorin(Bull. soc. bot. fr., 1883, p. 62) n'a pas réussi mieux la 3°.et4eannée dans <strong>de</strong>s croisements entre cette espèce et d'autres Triticum.On le cultivait déjà lors <strong>de</strong> l'âge <strong>de</strong> la pierre, en.Hongrie,.d'après les graines trouvées à Aggtelek. (Staub, dans Enqler, Bot./a&-6.3,p.282.)P. 294-297. Orge. Hor<strong>de</strong>um. Le colonel Steward (Soc^écoss. <strong>de</strong> géogr:, février 1886) a trouvé' une gran<strong>de</strong> abondanced'orge sauvage autour du puits d'Agar Chah, entre Hérat etNerve. Etait-ce l'orge à <strong>de</strong>ux rangs? ou à quatre rangs? qui n'a.pas été vue spontanée d'une manière certaine.P. 297. Seigle. Secale cereale, L. – Était cultivé en Hongrieà une époque préhistorique antérieure à l'âge <strong>de</strong> bronze,d'après les découvertes faites dans la vallée <strong>de</strong> Szadoeler (citédans Engler, Bot. Jahrb. 3, p. 287).P. 299. Avoine. Avena. -Le nom russe est Owess. (Lettre<strong>de</strong>M»Danilewski.)P. 302. Millet commun. – Panicum miliaceum, L. – D'aprèsune lettre <strong>de</strong> M. Danilewski, les Tatars ne font pas du pain avec.le millet, comme l'a dit Steven, mais ils en tirent une boisson.


ADDITIONS ET CORRECTIONS 379P. 305. Sorgho commun. Holcus Sorghum, L. C'est parerreur que j'ai cité Bretschnei<strong>de</strong>r comme ayant dit, d'après d'anciensouvrages, le sorgho spontané en Chine.P. 309. Riz. Oryza sativa, L. M. Ferd. <strong>de</strong> Mueller m'aécrit que le riz est certainement sauvage dans l'Australie tropicale.Reste à savoir s'il n'a point été naturalisé par <strong>de</strong>s grainesapportées par l'homme.P. 311. Maïs. Zea Mays, L. On trouve <strong>de</strong>s détails sur letraité du Pen Tsao Kang mu, par Li Sehi chen, dans Bretschnei<strong>de</strong>r,Botanicon sinicum, p. 34. L'ouvrage a été rédigé <strong>de</strong> 1552 à1558. Il ne dit pas que le maïs soit ancien en Chine. M. Bretschnei<strong>de</strong>r(lettre du 28 déc. 1882) affirme que les anciens auteurschinois disent l'espèce venue <strong>de</strong> l'ouest, ce qui peut avoir eu lieu<strong>de</strong>puis la découverte <strong>de</strong> l'Amérique.P. 328. Cotonnier <strong>de</strong>s Barba<strong>de</strong>s. Gossypium barha<strong>de</strong>nse,L. M. le Dr Masters (Journ. Linn. soc., 1882, vol. XIX, p. 212)affirme que l'espèce généralement cultivée dans l'Afrique intertropicaleest le G. harba<strong>de</strong>nse, mais il n'en a vu que <strong>de</strong>s échantillonscultivés. On dit l'espèce américaine, sans en avoir lapreuve par <strong>de</strong>s échantillons spontanés ou par <strong>de</strong>s cultures antérieuresà la découverte <strong>de</strong> l'Amérique.P. 341, ligne 7. Ricin. Le Dr Bretschnei<strong>de</strong>r en a parlé dansune note <strong>de</strong> son Study, etc. <strong>de</strong> 1870, p. 22, mais ce qu'il dit etune lettre <strong>de</strong> lui, en 1881, ne font pas présumer une cultureancienne en Chine.P. 362, ligne 9. Houblon. Ajouter cette espèce à celles quisont indigènes dans l'ancien et le nouveau mon<strong>de</strong>.


INDEX2V B Tontes les espèces sont reproduites dans le tableau <strong>de</strong>s page*351-359,sans qu'on l'ait indiqué ici. 11en est <strong>de</strong> même <strong>de</strong> celles mentionnéesdans les pages 360-372.Abri 1. 171, 376A-bricatien £A.1periqçLe.150Ache · 72Agaricua eatapesh-is. 359Agave. amecieam.12ZAU.u.u.50232Alligator oear.Aliium AmpeIoprasum, Porrum. 81– AscatQntcum. 5552Cepa.–.ûstatosam.– sativum.~0– SBhœnopraanm.5756.– Scorodoprasum.AJooMia D3-acrprhjza. 60Amandier 174, 376Amarantns, div.·esp,········80frumentaeens.·.·.X''2gangetieus80Amidomer. 29361AmorphaphaUnsKonjak.–_ Rivieri. 61Amyg<strong>de</strong>lus communis.174, 376Persica. 176Auacardium occi<strong>de</strong>ntale 153Ananas. 248Andropogon saccharattl 307–~ Sorghum.305Anona Cherim4lia 138– murioala. 137– ratiCtitata. 138sqnaniosa.133Anthrisous CereMinm. 7171Apinm graveolens.·Arachi<strong>de</strong>, Arachis hypogiBa.320Arbre a pain.238Arec, Areca. 344Armeniaca vulgaris 171Arracacha esoalenta. 32Arroehe. 353A~7ow-root6iArtichaut. 73Artocarpus mosa. 238integrifolia.239Arum eseulentum. 58– maerorhizon. 60Asparagus ofacinaUs. 35335TAsperge.Atriplex hortonsfs. 353229Aubergine.Avena. 299Avocatier 232Avoines: 299, 378Bananier .xu-. 242Batatas edniis, Batate.4S. 3;5Baumwaichsel. 165Benincasa. 213Beta vnlgaris.46Bette, Betterave. 46Bibassier.3ü5Bisaille 2 62B:xa Orellana 322Blé <strong>de</strong> momie. 290<strong>de</strong> 289Pologne<strong>de</strong> Tartarie. 281<strong>de</strong>3"Turquiedur 289noir. 279Bœhmerianivea. 116Brassica29campestris.chinensis. 3~3Napus29– oteraoea. 29, 6629RapaBrè<strong>de</strong><strong>de</strong> Malabar 80Bromelia Ananas 2\8Bullocks heart. 138250CacaoyerCaféier 333Caféier <strong>de</strong> Libérie 336Caimito227CaMtier. ~7Cajan, Cajanus indicus. 266Calebasse195Cameline. 357352CampanulaHapononins.Cannabis sativa 117Canne à sucre. 122Caunelier. 116Capsicum.229, 230Cardon. 732nCanoaPapaya.


382Carotte.Caroubier.Carthame, Carthamus tinctorius.Caryophyllusaromaticus. 128,CaSSIS..2--rCastanea vulgaris.· ··.Cat, Cathaedulis.CédratierCelastrns edniis.Céteri.Cerasus Tntgaris-Ceratonia Siiiqaa.Cerfeuil.Cerisier commun<strong>de</strong>s oiseaux.Champignon <strong>de</strong>s conches.Chanvre.Châtaignier"ChayÓte.Chenopodium Quinoa. 282,Cherimolia.Chervis.ChicoréeChina grass.Chou '0'Chou <strong>de</strong> Chioe.Choux-raves.Chrysophyllum ~ïni~o,·Giboule.8..[0" 8!"Ciboulette.Cicer arietinum. *258,CichoriumCinchona.?_1'CinnamomumCitronnier.139,Citrouille.Citros.–Citruszeyi~mieftm.AnrantmtB.<strong>de</strong>.cu.mana."8;"8;~I~8;– DoMIis.Citrnllus yntgaris.Civotte.Cooa.Coehtearia.Armor.aeia,Cocos nucifera,. Cocotier.CœnrCoffea–<strong>de</strong>arabica.Cognassier.0," o_o.o~o.~o.o.o.Colocasia a0.tiquPl`um,···Concombie. 3i0,Concombre Anguria.yConvclmlns B¡¡.tatas"42,Coracan.t~Corchorus.Corossol-Cotonnier, arborescent,<strong>de</strong>:3 Bazba<strong>de</strong>s. 22à"berb¡¡C!3.o'CoNgonr<strong>de</strong>.Courge à. feuilles <strong>de</strong> fi~~uieriBBtonee.nmsq.uée.20~,Pépon.Cran, J;I1aci~lmao" .u.Cran, Cranson..o.Cresson alénois,<strong>de</strong> fontaineCrocus sativtls. o. o.Cucumis Auguria, ·– Mélo"– satîvns.310,INDEX351 Cucurbita Citrullus 209268 – fioifolia 20a130 – Lagenaria19»S76 maximà 199, 376377 – Melopepo, pepo 200283 mosclmta 204, 377106 Cnreuma 65angustifolia.141 Custard appleJ3S106 Cydonia vulgaris1=»71 "»Cynara Cardunculus105 – Scolymns73268 CytisusCajan26671 Dattier 240.165 Daucus Carota • *»163 Dioscorea, div. esp°1359 Diospyros Kaki. Sofa117 – Lotus. 3o6283 – virginica.3oa217 Dolichos Lablab 27736S – Lubia 27813S – Soja.264 r31 Doucette 7377 “116 Echalote 5~66 Elœis gnineensis.344352 Eleusine Coracanai. 3o729 End.iv& 77227 Engrain:v.w-.vi29Î54 Epçautte.29157 Epinard.7837S Eriobotrya japonica.35577 Ers, ErvumErvilia. 85358 Lens. 257, 37S116 Erythroxylon Coca. 10/141 Escourgeon.v.• •• -296200 Espareette.-83139 Eucalyptasglobulns. -354144 Eugenia' Jambos-•••191140 – maJacceasis 192141 Evi. 161H9£09 Faba vulgaris.v .253,37857 Fagopyram. ••279107 – i • Bmarginatum.••. *oi26 – tatarioum. 281345 Fenu 89grecs.138 Fève.T S53, 378333 Ficus Cariea. £3d336 Figue d'In<strong>de</strong>. 21818S Figuier.•23558 Fragaria chiloensis 163377 vesca. 161212 – virginiana;163373 Fraisier.•. loi357 Fraisier duChili; -Ira103 <strong>de</strong> Virginie.163137 Framboisier 3ro3SÏ5 Froments2Si379323 Garance: 33195 Garcinia Mangostana. 149205 Garousss. «T377 Gesse. s&> »'>>ÏU0 Gesse Ochrus. 893~2 352 Gessette. : "'0" 87 »6m Glycine Soja. 26J r352 – sublerrauca 27S132 Gombo. 1212 Gossypiora-arboreum325205 – • barba<strong>de</strong>nse..328, 379377 – herbaceum 323


INDEX3833,6'Cmr<strong>de</strong>.––MS,Goyavier 193 189Grenadier165ttriottier.Gros blé 288Groseillier à 2Wmaquereaux.noir 222,377220rouge.92Gninea grass.378I.np:nusaU)us.260,Lupinus Termis.< 261353LnpuHne.Luzerne 1. 81, 375231Lycopersicum esculentum.Macel'on. 72Mâche.73Madia.336Maguey.–170 Maïs.311, 379 9Haferschlehen.Marnmei 228Haricot.–Haricot à feuille d'Aconit. 276 Mammea.ameriMna.150Haricot courbé. 275 Mandarine.149-<strong>de</strong> Lima. 275 Mangifera indida. 159 149– trilobé.2 77 Mangostan.159Hedysarum corouarium. 83 Manguier.M Manioc, Manihot utitissima. 47Onobrychis.iieiianthus tuberosus. 34,373 Maranta artindinacca S4Henné.109 Maté. 101353Herbe <strong>de</strong> Guinée g2 MedicagoLnpu'ina.–Hibiscus eseuientus. 150satÍva.81, 375205379 Melon.Holcus Sorghum.305,303Hor<strong>de</strong>um distichon. 294, 378 MiUetagrappe.hexastiehon. 290 commun. 302, 378l'if378 MomordicaéyUn-drica.fulgare. S98,HouNon.°.1S9,376 Morus alba119119Humulus376 nigra.Lupulus.129,Moutar<strong>de</strong>_27761 Munge.Igname.107 Mûrier blanc. 119Ilexparagnanenas.103 noir.121Indigofera, Indigotiers.Musa paradisiaea et sapientum.242239 Muscadier,336Jack, Jacquier.Jamatae.192Jambosa malaccensis 192Nastnrtianiofflomale.352Navets. 28191– fulgaris.Jarosse.87 Nephelium tappa'o'euTn.252Lit-chi. 251Jatropha Manihot. 47Louga-na.252Joliffia 1553j2 Nicotiana, 8i'v:'esp. 112-116Joliffla Jugtans regia.Tabaeum. 111Jujubier commun. 15i342– <strong>de</strong>FIn<strong>de</strong>. 156`Noyer:Lotus.13G) Oignon. o. Õ2Jute.–"103o~ea222europœa..OMer. 222KaH.–.– 356S2 OnobrychM sat~va. 4. 83, 2 375Kiery. o. "4.Opuntia Ficus mdica. ~18H4Koujak. -61 L Oranger.139,294Orgea<strong>de</strong>uxrangs.Lablab 277à sia rangs. 296, 378Lactuea SoarMaYar. 75? –commune.?6, 378Lagenarla vulgaris, 3-16 Ornithopus isthmocarpus.90Laitue.5 5 – saHvas. 9D87ïLathyrusCieera.Oryza sativa,3.79LathyrusOchrus. 893 Oseille.353sath'as.––.SS, 376 '6 Panais.3;;)1Lawsonia..·9 Panicd'Haiie.303109Lens esculenta 257panicumitaticiim.303Lentille 257,37t '8 .maximum. 92Lepidium sativum.– 6SS miiiaeonm.302, 378Liane Joliffe. 35:5 5 Papaver setigerum.3..ULimonier.141 1 somniferum 3199~ 5Lin, LinumPapaya vul3aris, Papayer.Li-Tsehi.– 251 ,1 Papeugay. "'H'"L 0 lar 293, 37~ 8 Pastèque 209& Pastinaeasatna. 351Longan.Lubia. 27. 78 Patate 42Lucuma Caimito.– mammosa. 221 ~c :7 Patience. 35328 Pavot.31912leLuffa aautangnta..5 Pécher. 17623221; 4 perseagratissima.cylindriea.


384 INDEXPer~ica vulgaris. 176Persit. 72Persimmon. 359PélanielIe. 288Pelit pois. 262Petroselinum sativum. 72Pflauenbaum.17CPhaseolus aconitifolius 276– in.imœnus. 1î5– lunatus. S75Mungo. 277otrilobus:R77V1l1{!c ds. 270Phénix dactylifera 210Piments. 229Piper BetIe. 0" 357–longum. 357nigrum. 357olficinarum. 357Pisiaehe da terre. 3a)Pio:1achier, Pi$lacia vera. 252Pisum arvense.M2Oohrus. 89sativum.262,378Poireau. 81Poirée. 86Poirier <strong>de</strong> Chine. 186commun. 183– sanger. 185Pois cbiche. 258, 378<strong>de</strong>s champs.262. 378<strong>de</strong>s jardins.26! 3-8gris.26~, 378Poivre <strong>de</strong> Cayenne. 229Poivrier Bétel. 357"lôn~.`:– noir. 357–'6f6c:nat. 357Polygonnm émarginatum. S8t–Fagopyrum. 279tat 281Pomme canneHe. 133Pomme d'amour. 231Pomme <strong>de</strong> 373Pomma 1'O.8e. 191Pommier 186Pommier d'Acajon. i58Pompelmouse. 140Porreao. 81Portulaca oleracea 69, 375Potiron.199, 376Potilard 2~8Pourpier 69, 375Pruniers. 168Prunier domeslique. 169proprement dit. 170Prunus Amygdalus. 174Armeniaca 171, 376avium 163Cerasus. 165domesLica. 169'– insitttia. 170Persiea 176Psidium -Guayava. 193Punica Granatum 189Pyrns communis. 183– Ma~ns. 186nivalis. 185– sinensis. 186Quinoa. 282, 368Quinquina 358Rad!s.S3, 373Raifort. 23Raifort sauvage. 26Raiponee. 352Ramhontan. 252Ramié. 116Raphanns ~Raphanistrum, 25Raphanns sativus. 23Kaves. 28RhusCorîaria. 106Ribes Grossuiarîa. 219222–rabrum. 220Uva.crisna.21gRioin, Ricinus.339, 379Rn.309 379Ro.;ambole. 56Rocou.3~Rubia tinetorum. 33Rnbus Idoeus 1. 355Rumex acetosa. 353– Patientia. 353Rutabaga. 29Saccharum offiemarum. 12!1 Safrau. 132Sainfoin.Sainfoin d'Espagne.83,-g7g83Salsifis 35Salsifis d'Espagne. 35Sapota Aohras. 228Sapotilliec. 228Sarrasin. 279Sarrasin <strong>de</strong> Tarlarie. 281– emargine. 2siSauerkischen. 165Soandix CereMinm. 71Scorzonère d'Espagne. 35Scorzonera hispaniea. 34Sea-Kale. 352Secale eerea)e.g97, 378Sechium edule 217Seigle 297, 378Serra<strong>de</strong>lle 90Sesame, Sesamum. 337Setaria itatica. 303Sliaddock 140Sinapis alba 357nigra. 357Sium Sisarum 31Smyrnium OIus-atrnm. 72Soianum,~div. esp.39, 264Sotanum, div.esp. 39, 42– escutentum. 229– Metongena. 229tuberosum. 36, 373Sorgho commun. 305.- 379– sncré. 3075orghum-saccharatum. 307– .vatgare.303 379Sonr Cherry. 165Sour sop. 137Spargoole~ 90Spergula arvensis. 91Spergule. 91Spinacia oleracea. 78Spondias 161Sugar agple. 133Sulla. 83Susskirsehhaum. 163Sumac. 106Sweet Potatoe.h. 42Sweetsop. 133


INDEX 385Tabac.Telfairia.Termis.Tetragone, Tetragonia expansa.Thé, Thea sinensis.93,Theobroma Cacao.Tomate.Topinambour.Tragopogon porrifolium.TrèfleTrèfle d'Alexandrie.Farouchhybri<strong>de</strong>.incarnat.TrichosanthesTrifoliam aleaandrinnm.hybridum.incarnalum.pratenae.Trigonella Fœnum-grœonm.TriLiGani eompositum.dicoccnm.durum.111 Triticum monocoeeam.293, 378355 polonicnm. 289261 turgidum. 28871 vulgare. 2843'6Tnrnep. 29250231 Valerianella olitoria. 73373 Vesce. 8635 Vicia Ervilia. 858i Faba. 25385 sativa. 8684 Vigne.15t353 Vitis vinifera. 15184 Voandzela 278217 Voandzou. 27885353 ZenMays.311,37984 Zizaniaaqnatiea. 36184 Ziziphus jujuba. 15589 Lotus 156288 vulgaris 154293 Zwetschen. 169289FIN DE L'INDEX


TABLEDESMATIÈRESPREMIÈRE PARTIENotions préliminaires et métho<strong>de</strong>s employées.CHAPITREPREMIER. De quelle manière et à quelles époquesla culture acommencédans divers pays. ·.··iCHAPITRE II. Métho<strong>de</strong>spour découvrirou constater l'origine <strong>de</strong>s espèces. 6§ 4. Réflexions générales.·62. Botanique.6§ 3. Archêologieetpaléontologie.Ii§ 4. Histoire. 125. Linguistique156. Nécessité <strong>de</strong> combiner les différentes métho<strong>de</strong>s. 20DEUXIÈME PARTIEÉtu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s espèces au point <strong>de</strong> vne <strong>de</strong> leur origine, <strong>de</strong>spremiers temps <strong>de</strong> leur culture et <strong>de</strong>s principaux faits <strong>de</strong>leur dispersion.CHAPITRE PREMIER. Plantes <strong>cultivées</strong>pour leurs parties souterraines, tellesque racines, bulbes ou tubercules23CHAPITREII. Plantes <strong>cultivées</strong> pourleurs tiges ou leurs feuilles. 66Article 1. Légumes.66Article 2. Fourrages. 81Article 3. Emplois divers <strong>de</strong>s tiges ou <strong>de</strong>s feuilles. 93CHAPITRE III. Plantes<strong>cultivées</strong>pourlesfleursoulesorganesquilesenveloppent. 128CHAPITRE IV. Plantes <strong>cultivées</strong>pour leurs fruits. 133CHAPITRE V. Plantes <strong>cultivées</strong>pour leurs graines. 239Article 1. Graines nutritives. 250Article 2. Graines servant à divers usages. 319TROISIÈME PARTIERésuméet conclusions.CHAPITREPnmmn. Tableaugénéral <strong>de</strong>s espèces,avec l'indication <strong>de</strong> leurorigine et <strong>de</strong> l'époque <strong>de</strong> leur mise en culture 351CHAPITRE II. Observationsgénérales et conclusions.36iArticle 1. Régions d'où sont sorties le~ <strong>plantes</strong> <strong>cultivées</strong>. 36iArticle 2. Nombre et nature <strong>de</strong>s espèces <strong>cultivées</strong> <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s époquesdifférentes.363Article 3. Plantes <strong>cultivées</strong> qu'on connaît ou ne connaît pas àl'état sauvage.367Article 4. Plantes <strong>cultivées</strong> en voie d'extinction ou éteintes hors<strong>de</strong>s cultures 370Article 5. Réflexions diverses374i'4DDMONSETCORRECTIONS. 373Coulommiers.– Imp. P. Bhodàhd et Gallois.

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