Télécharger au format PDF - Centre culturel suisse

Télécharger au format PDF - Centre culturel suisse Télécharger au format PDF - Centre culturel suisse

13.07.2015 Views

journal n° 10février – avril 2012expositions • ALAIN HUCK • VANESSA SAFAVI • PASCAL SCHWAIGHOFER / ARTS VIVANTS • TEATRO MALANDRO & ALIAS •OMAR PORRAS • FESTIVAL EXTRA BALL 2012 / ARCHITECTURE • GIGON / GUYER • ANDREA DEPLAZES / musique • ANNA AARON •HILDEGARD LERNT FLIEGEN / PORTRAIT • JACQUELINE BURCKHARDT / insert d’artiste • TAIYO ONORATO & NICO KREBS

journal n° 10février – avril 2012expositions • ALAIN HUCK • VANESSA SAFAVI • PASCAL SCHWAIGHOFER / ARTS VIVANTS • TEATRO MALANDRO & ALIAS •OMAR PORRAS • FESTIVAL EXTRA BALL 2012 / ARCHITECTURE • GIGON / GUYER • ANDREA DEPLAZES / musique • ANNA AARON •HILDEGARD LERNT FLIEGEN / PORTRAIT • JACQUELINE BURCKHARDT / insert d’artiste • TAIYO ONORATO & NICO KREBS


février-avril 2012 / le phare n° 10 • 03Théâtre Forum MeyrinThéâtre I Danse I Musique I Cirque I Famille I ExposQuartier lointain Daniel Pennac A. Ionatos et K. Fotinakiwww.forum-meyrin.chElektro KifPhilippe Torreton Room 100 Au fil d’Œdipe Des MarchesAmour et Grivoiseries Théâtre en appartement Tango y Noche Les BonnesSommaire4 / • ExpositionLe théâtre des ombres d’Alain Huck8 / • ExpositionSwiss popVanessa Safavi9 / • ExpositionEmpreintes sensoriellesPascal Schwaighofer10 / • musiqueAnna Aaron, un nom d’emprunt12 / • CONFÉRENCE / ARCHITECTUREAnnette Gigon et Mike Guyer,la cohérence d’une vision14 / • DANSE / LittératureCousine MachinePerrine Valli & Carla Demierre15 / • THÉÂTRE / DANSEUne danse de l’absurde en duoTeatro Malandro & Alias16 / • THÉÂTREOmar Porrasou l’ « Herméneute » <strong>au</strong> plate<strong>au</strong>18 / • CONFÉRENCE / ARCHITECTURELa nouvelle cabane Monte RosaAndrea Deplazes19 / • insertTaiyo Onorato & Nico Krebs23 / • musiqueUne colère baignée de piraterieet de contes nordiquesHildegard lernt fliegen24 / • Arts vivantsFestival Extra Ball 201226 / • PORTRAITJacqueline Burckhardt :la passion du sens31 / • Longue vueL’actualité <strong>culturel</strong>le <strong>suisse</strong> en FranceExpos / Scènes33 / • Made in CHL’actualité éditoriale <strong>suisse</strong>Arts / Littérature / Cinéma / Musique38 / • ÇA S’EST PASSÉ AU CCS39 / • iNFOS PRATIQUESÉtat d’alerteSébastien Grosset & Michèle Gurtner, Les Rapports or<strong>au</strong>x des services, Extra Ball 2012. © Céline MazzonDepuis quelques années, en Suisse romande, des formes scéniques hybrides mêlant performance,théâtre, danse ou musique sont développées avec des langages novateurs, défricheurset <strong>au</strong>dacieux. Dans la foulée d’artistes confirmés comme Gilles Jobin, La Ribot, Massimo Furlan,l’Alakran, Foofwa d’Immobilité ou encore Yan Duyvendak, qui ont accès à des scènesde renommée internationale, des artistes plus jeunes tracent des voies singulières. Ces dernierscommencent également à être repérés par des professionnels français, qui les considèrentcomme faisant partie intégrante d’une scène <strong>suisse</strong>, <strong>au</strong>jourd’hui appréciée et saluée en France,comme lors de la récente manifestation Made in Suisse à la Comédie de Saint-Étienne.Il est cependant important de souligner que ces artistes ont été soutenus par des institutionsqui ont fortement contribué à les faire éclore : le Grü, l’Association pour la danse contemporaine(ADC), le Théâtre de l’Usine, la Comédie ou la Bâtie (Genève), le far° – festival des arts vivants(Nyon) qui était à l’honneur <strong>au</strong> CCS en 2011 – le Théâtre Vidy ou encore l’Arsenic (L<strong>au</strong>sanne),qui sera présent <strong>au</strong> CCS en <strong>au</strong>tomne 2012. Seulement voilà, ces soutiens sont <strong>au</strong>ssi essentielsque fragiles. Les postes de direction du Grü et de la Comédie ont changé, sous l’égidedu précédent magistrat <strong>culturel</strong> genevois qui n’a malheureusement pas su comprendre etaccompagner ces évolutions primordiales. Ainsi, les nouvelles orientations de ces deux théâtressemblent vouloir privilégier des formes plus classiques, préférant revisiter le répertoire.Les engagements les plus spécifiques <strong>au</strong>x formes contemporaines hybrides semblent doncémaner de L’Usine, dotée d’un maigre budget, de l’ADC qui se bat depuis 25 ans pour l’obtentiond’un lieu permanent pour la danse, du far° qui tente de trouver des financements plus adéquats,et de l’Arsenic qui est actuellement nomade pendant les trans<strong>format</strong>ions de son bâtiment.Cette nouvelle scène romande en plein essor est donc en danger et pourrait vite battre de l’aile.Le <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong> observe attentivement ces compagnies et les soutient, en choisissantdes projets qu’il présente régulièrement. Dans cette position d’engagement continu, le festivalExtra Ball 2012, qui se déploiera dans tous les espaces du CCS, et même ailleurs, vise à renforcerla visibilité parisienne de cette scène émergente et l’accompagne activement, en coproduisantplusieurs nouve<strong>au</strong>x projets, dont certains sont conçus par des associations inédites d’artistes.En effet, les artistes, tout comme les programmateurs, se doivent d’être toujours en mouvement,en état d’alerte.Jean-P<strong>au</strong>l Felley et Olivier KaeserThéâtre Forum MeyrinPlace des Cinq-Continents 1 I 1217 Meyrin I GenèveDesign © Spirale Communication visuelle / Photos © : Quartier lointain Carole Parodi / Daniel Pennac C. Helie GallimardAngélique Ionatos et Katerina Fotinaki Julie Carretier Cohen / Elektro Kif L<strong>au</strong>rent Paillier / Philippe Torreton Claire BesseRoom 100 Freddy Tornberg / Au fil d’OEdipe Pascal Auvé / Des Marches François Lehérissier / Amour et Grivoiseries D.R.Tango y Noche Tetsu Maeda / Les Bonnes Anne Gayan / Théâtre en appartement Anne BrüschweilerCouverture : Alain Huck, L’oubli (Desdoneshadow), 2009.Fragment. Courtoisie l'artiste et galerie Skopia, Genève.La reproduction entière de cette œuvre se trouve en page 7.


04 • EXPOSITION / le phare n° 10 / février-avril 2012février-avril 2012 / le phare n° 10 / EXPOSITION • 05Le théâtre des ombresd’Alain HuckAu mois de février, le <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong> présente une expositionmonographique d’Alain Huck. Un immense dessin <strong>au</strong> fusain lui donne sontitre, Ancholia, et la place sous les signes conjoints de la mélancolie,de la médecine humorale, de Melencolia I de Dürer, mais <strong>au</strong>ssi d’une fleurdes bois, s<strong>au</strong>vage, fragile et gracile : l’ancolie… Ancholia donc, « littéralementet dans tous les sens », comme disait Rimb<strong>au</strong>d. Par Marianne D<strong>au</strong>treyEXPOSITION03.02 – 15.04.12Alain HuckAncholiaPublicationÀ l’occasion de l’exposition,le CCS publie un livre d’artisted’Alain Huck, Ancholia,290 x 440 mm, 260 p.ISBN 978-2-909230-11-5Ce livre a bénéficié du soutiende la ville de L<strong>au</strong>sanneAlain Huck construit ses œuvres et ses expositionscomme on installerait la scène d’un théâtre nu. Quelquechose s’y passe ou s’y est déjà passé. Un drame sembleavoir (eu) lieu qui libère un espace traversé de mémoires,d’histoires, de visions et de corps et, parmi eux, celui del’artiste. Au sein de chaque œuvre et entre les œuvres,une dramaturgie sourde, diffuse, actuelle et différée àla fois, se trame. Elle met en branle un jeu d’échos, dedéplacements, de reprises et de transparences, où seproduisent des affleurements, des apparitions, des effacements,des circulations de formes, des agrandissements,des permutations de supports et de langage, deséchanges d’énergies et de rythmes… Là, nul acteur, maisdes ombres. Elles ne jouent pas, mais, à travers elles, quelquechose se rejoue. Ancholia, l’exposition – le dessin<strong>au</strong> fusain éponyme ainsi que les <strong>au</strong>tres œuvres exposées– donne une fois de plus corps à ce théâtre d’ombres.Cet art de hanter, <strong>au</strong>jourd’hui si saisissant dans letravail d’Alain Huck, s’est progressivement et insensiblementemparé de ses œuvres <strong>au</strong> fil d’un long travailexpérimental sans cesse renouvelé, mais qui, d’entréede jeu, a semblé trouver sa loi dans la pratique d’un dessaisissementde soi contrôlé et dans différentes formesde discipline de la déprise : en accompagnant le travaild’<strong>au</strong>tres artistes et en réalisant des œuvres collectives(il fut l’un des cofondateurs du lieu d’exposition M/2,actif de 1987 à 1993 à Vevey), et en se soumettant à desmodes et des rythmes de création changeants ou enadoptant des genres et des styles hétéroclites sans jamaiss’attacher à <strong>au</strong>cun.Un travail d’archivageAlain Huck est peintre abstrait à ses débuts. À l’abstractionde la composition de ses table<strong>au</strong>x répond pourtantla présence concrète et sensuelle de la peinture, qui,semblable à une matière organique, s’anime à même latoile. Alain Huck opte pour la matérialité de la peinturecontre le dessin, pour l’informe de la matière contrel’esprit de la forme. Dans la série Nouvel Ordre for youand me, des coulures ruissellent d’une couche étalée parl’artiste qui inscrit sur le papier : « La passion des éponges.Et elles me le rendent bien ». Ailleurs, une massede peinture couleur chair se gonfle sous l’effet de sonpoids. Dans Union mélancolique, le papier est envahi decoulures <strong>au</strong>x teintes mélangées qui, à l’image d’une humeur,s’épanchent, informes. Humorales, ses premièrespeintures sont déjà un corps habité.Mais tout commence véritablement avec la série Vitesoyons heureux il le f<strong>au</strong>t je le veux (VSH). Entre 1993et 2007, Alain Huck réalise 269 « dessins », comme onnote régulièrement ses pensées dans un journal, commeon observe une discipline. Cette fois, il joue le dessincontre la peinture. Technique légère, rapide, directe,plus intime <strong>au</strong>ssi, le dessin rapproche le travail de l’ar-Lancement du livrele vendredi 30 mars, à 20 havec lecture scénique d’un textede l’artiste par l’acteurJean-Quentin Châtelain.tiste d’une écriture blanche et neutre qui donne à sestrav<strong>au</strong>x un tout <strong>au</strong>tre statut. Alain Huck parle d’un« travail d’archivage » du quotidien. Les dessins ne sontplus conçus comme des œuvres <strong>au</strong>tonomes, isolées del’ensemble qui les contient, mais comme les instantsquelconques d’une continuité. Ils sont des éclats, desenregistrements d’unités discrètes du temps de l’artiste,marquant des suspensions infimes de sa course. Ilsfonctionnent comme des fragments et inst<strong>au</strong>rent unecirculation entre eux. Des jeux de réponses, de répétitionset de variations s’installent de loin en loin, comme<strong>au</strong>tant de thèmes fugués : des portraits (Osamu, Klima,Torma, Medtner), La Construction du monde 1, 2, 3, 4,des textes découpés, des épanchements d’humeurs…VSH se déploie comme une fugue à plusieurs voix : « lamémoire pratique un calcul prophétique – musical »,écrivait le romancier allemand Novalis.L’injonction « Vite soyons heureux il le f<strong>au</strong>t je leveux », comme ressurgie du monde de l’enfance, énonceun vœu sur le mode de l’impératif, associe en unmontage cut une volonté subjective (« je le veux ») à unenécessité objective (« il le f<strong>au</strong>t »), et conçoit l’idée debonheur sur le mode de la vitesse. De même qu’un enfantcommande <strong>au</strong>x êtres et <strong>au</strong>x choses sans rechercherl’éternité du résultat, mais la jouissance du geste instantanésans cesse recommencé et sa puissance, demême qu’il innerve de sa vie le monde <strong>au</strong>tour de lui et,plutôt que de s’y différencier, s’y disperse, de mêmeAlain Huck y met en scène son dédoublement, puissa dispersion infinie. Un double <strong>au</strong>toportrait ouvre laAncholia, 2011, fusain sur papier, 214 x 317 cm. Courtoisie l’artiste et galerie Skopia, Genève. © David Gagnebin - de Bonssérie VSH et divise le sujet énonciateur des dessins endeux : double comme on a deux yeux pour voir, deuxmains pour dessiner, un corps et un cerve<strong>au</strong> pour percevoir.Les deux dessins Mens et Songe, qui ferment lasérie, redoublent encore ce dédoublement : deux coupestransversales d’un cerve<strong>au</strong> se font face, emplies,l’une, par l’inscription démultipliée du mot « Mens »(l’esprit, la raison) ; l’<strong>au</strong>tre, par celle du mot « Songe »(les rêves, les fantasmagories). L’association des deuxne s<strong>au</strong>rait énoncer une vérité (mens + songe = mensonge).Les 269 dessins se détachent de l’<strong>au</strong>toportraitdédoublé de l’artiste comme <strong>au</strong>tant d’altérations de soi– concrétions, sécrétions ou constructions – puis s’engouffrentde nouve<strong>au</strong> dans l’une ou l’<strong>au</strong>tre partie de soncerve<strong>au</strong> scindé.


06 • EXPOSITION / le phare n° 10 / février-avril 2012février-avril 2012 / le phare n° 10 / EXPOSITION • 07« Ces dessins ont servi de matrice à tous mes trav<strong>au</strong>xultérieurs », dit Alain Huck. Ancholia est le théâtre de cesrésurgences. L’exposition trace un cheminement entremens et songe, qui passe par une salle centrale, blancheet silencieuse, et des espaces noirset sonores, qui la ceignent, et reconduitjusqu’<strong>au</strong> vertige le partage entre« mens » et « songe ». Au départ, unerangée d’agaves dont les feuilles portent, gravée à mêmeleur chair, l’inscription du mot « Éden ». Mais cet Édenn’est pas celui, biblique, d’avant la chute où hommes,anim<strong>au</strong>x et plantes vivaient en symbiose dans le Verbede Dieu. Ces agaves portent des traces du langage humaincomme des scarifications, des blessures ouvertes maismuettes. « Éden », qui se répète de feuille en feuille, évoqueplutôt celui, trois fois répété, de l’enfer extatique etobscène de la mélopée inarticulée et hallucinée de PierreGuyotat (Éden, Éden, Éden, 1970).En écho <strong>au</strong> cri silencieux des agaves, dans l’espacesuivant plongé dans le noir, est projetée, en boucle, une« Ce murmure estune parole sans voix »vidéo 1 où l’on voit et entend les lèvres de l’artiste énumérer,dans une invocation murmurée et recommencéejusqu’à l’épuisement, les différents langages des anim<strong>au</strong>x.Ce murmure est une parole sans voix, les lèvres qui leportent sont une bouche sans visage,un organe sans corps qui pâlit dansune lumière de plus en plus crue, tandisque cette rumeur incantatoire lancinante,baptême et requiem à la fois, nomme le langagedes anim<strong>au</strong>x et révèle a contrario le silence des bêtes.La salle centrale est plongée dans le silence et le blanc.Quatre dessins monument<strong>au</strong>x <strong>au</strong> fusain se font face,Ancholia, Récidive, Acte et Ring : quatre paysages de cendres,réalisés à partir de la projection agrandie d’un assemblaged’images photographiques stratifiées, quel’artiste a reproduite <strong>au</strong> fusain, et sur laquelle il crée desjeux d’ombre et de lumière et jette un voile dans un ultimegeste de recouvrement. Au centre de la pièce, unestructure de troncs d’arbre en aluminium moulé restitueune cabane ouverte à tout vent. Son titre, Tentation,évoque la cabane où l’anachorète saint Antoine se réfugiaiten proie à des hallucinations. Point d’une perceptioncentrée, stable et panoramique sur les quatre grandsdessins, la structure n’en reste pas moins le lieu de toutesles hallucinations. L’effet blow up, l’enchevêtrementdes images ramenées à la surface du dessin, le travail dela lumière, qui crée des perspectives qui n’en sont pas,des profondeurs barrées par des aplats, tous ces élémentsconjugués font vaciller, défaillir le regard. DansAncholia, intriquée dans un fouillis d’herbes et de branchages,affleure, spectrale, la belle figure attristée deMelencolia I de Dürer. Son image, pourtant, est insaisissable.Elle n’apparaît que pour redisparaître <strong>au</strong>ssitôtdans la végétation : Ancholia, lieu d’une rencontre secrèteentre une image du passé et une <strong>au</strong>tre du présent,les pulvérise toutes deux. Les trois <strong>au</strong>tres dessins, espacesporeux à la matière cosmique comme à la forcecorrosive de l’histoire, semblent porter sur eux-mêmesla dé<strong>format</strong>ion de leur composition. Ring révèle un théâtrede ruines – Carthage détruite, suggère Alain Huck.L’oubli (Desdoneshadow), 2009, jet d’encre sur papier baryté, 74 x 111 cm. Courtoisie l’artiste et galerie Skopia, Genève.Acte, très noir, représente un espace architectural renversésur lui-même et barré par la pe<strong>au</strong> d’un animal mort(reprise du dessin de VSH n° 209 ou souvenir de la pe<strong>au</strong>de chèvre de saint Antoine ?) Récidive, enfin, montre unpaysage d’e<strong>au</strong> qui se fige, <strong>au</strong>ssi minéral que le pays desmorts. Les titres Ring, Acte, Récidive situent ces dessinssur une scène traversée par un drame insondable quireconduit la f<strong>au</strong>te comme un destin et fait apparaîtresoudainement Tentation, la cabane métallique, commeun gibet. Au sortir de cette salle blanche, on replongedans un espace noir où est projetée, en boucle, une vidéo(No See No Bomb) représentant, dans la lumière déclinantedu soir, une ville régulièrement effacée par unsouffle qui embue l’image, jusqu’à ce qu’elle soit finalementengloutie dans l’obscurité de la nuit enfin tombée.Souffle destructeur plutôt que créateur ou encorepassage initiatique <strong>au</strong> pays des morts ?Spectres dansantPour finir, une série de photos, Desdoneshadow, fait ressurgirdes dessins de la série VSH, comme on retraverseune scène primitive oubliée (L’origine est le titre del’une d’entre elles, L’oubli, celui d’une <strong>au</strong>tre). Sur lesphotos, les dessins de VSH n’apparaissent que sous laforme de projections fragiles, instables, déformées parles supports sur lesquels elles s’impriment, éclairéespar une lumière faible qui ne diffuse <strong>au</strong>cune clarté ; nerévèle pas, mais efface ; ne sculpte <strong>au</strong>cune forme maisdécoupe des ombres. Des spectres dansent dans cetoutremonde, dont celui de l’artiste qui, désormais, faitcorps avec l’image et devient un corps dans l’image. Aumilieu de ce chaos d’images translucides et tremblantes,comme surgis de derrière un miroir sans tain, entrereflets et éclats de lumière, apparaissent deux yeux.Ils pourraient annoncer une <strong>au</strong>be. Pourtant, le regardinexpressif et fixe qui en émane nous frôle mais ne noustouche pas. Il est sans destinataire et nous laisse sansdestin. Sur la dernière photo (Exit Lingua), un œil s’estchangé en pierre… « L’origine est un tourbillon dans lefleuve du devenir », écrivait Walter Benjamin. Ancholiaest l’histoire de ce tourbillon.L’impressionnante productiond’Alain Huck est rythmée parquelques mémorables expositions.Parmi celles-ci, on retient entre<strong>au</strong>tres l’exposition solo Autrechose encore <strong>au</strong> Musée Cantonaldes Be<strong>au</strong>x-Arts de L<strong>au</strong>sanneen 1990, période à laquelleil se rapproche du mouvement« néo-géo » et des héritiersde la « Radical Painting »des années 1970. Mais très vite,le travail d’Alain Huck se diversifie.Apparaissent des vidéos,des installations, des sculptures,comme en 1993 lorsqu’il exposeà Fri-Art (Fribourg), ainsi qu’en2000 à Circuit (L<strong>au</strong>sanne). Maissurtout, il présente l’expositionExcuse me… <strong>au</strong> Musée Jenischen 2006. Le public découvrealors ses dessins regroupéssous le titre Vite soyons heureuxil le f<strong>au</strong>t je le veux (VSH), quiseront publiés dans un livre.Ses expérimentations suivantesprennent la forme de vastesdessins <strong>au</strong> fusain présentés lorsde l’exposition No See No Bomben 2007, à la galerie Skopia, puisen 2009 <strong>au</strong> Mamco à Genève. Unede ses œuvres a été récemmentacquise par le <strong>Centre</strong> Pompidou.1. La pièce qui porte le titre Langage est une reprise en vidéode l’un des dessins de la série VSH où l’énumération des langagesdes anim<strong>au</strong>x était transcrite dans une écriture manuelleenvahissant toute la feuille.Acte, 2011, fusain sur papier, 214 x 317 cm. Courtoisie l’artiste et galerie Skopia, Genève. © David Gagnebin - de BonsMarianne D<strong>au</strong>trey est critique pour la revue Mouvementet traductrice de l’allemand pour plusieurs maisons d’édition.


08 • EXPOSITION / le phare n° 10 / février-avril 2012février-avril 2012 / le phare n° 10 / EXPOSITION • 09EXPOSITION03.02 – 04.03.12Vanessa SafaviLes Figures <strong>au</strong>tonomesSwiss popÉclairage sur la jeune – 31 ans – artiste <strong>suisse</strong> <strong>au</strong>x influencesminimales et <strong>au</strong>x approches très pop, passionnée de matéri<strong>au</strong>x p<strong>au</strong>vreset devenue artiste parce qu’elle savait ce qu’elle ne voulait pas faire.Par Jill GasparinaVanessa Safavi est née en 1980à L<strong>au</strong>sanne. Elle vit et travailleà Berlin. Après être sortie del’École cantonale des be<strong>au</strong>x-artsde L<strong>au</strong>sanne, elle participeen 2007-2008 à des expositionsorganisées par des artistesdans des lieux indépendants(Shark, Forde à Genève, 1 m 3 ,Espace Bellev<strong>au</strong>x à L<strong>au</strong>sanne).En 2010, elle fait partie desexpositions de groupe Lucky Draw<strong>au</strong> Sculpture Center de New Yorket Strange Comfort à la Kunsthallede Bâle et expose en soloBetween the Tree and a PlasticChair à la galerie Chert à Berlin.Elle participe <strong>au</strong>ssi <strong>au</strong>x Cahiersd’Artistes 2010 publiés parPro Helvetia. En 2011, elle esten résidence <strong>au</strong> Cap invitéepar Pro Helvetia, puis à la Citéinternationale des arts à Paris.Elle réalise Resort <strong>au</strong> Kunsth<strong>au</strong>sde Glaris, son exposition la plusimportante à ce jour.Il y a près d’un siècle, Victor Segalen constatait dansson Essai sur l’exotisme que « la tension exotique dumonde décroît ». Toutes les cultures du monde sont engagéesdésormais dans un lent processus de mélange,qui prend <strong>au</strong> mieux la forme d’une hybridation et <strong>au</strong> pirecelle de l’uniformisation. La notion même d’exotisme a<strong>au</strong>ssi changé, et elle s’est dénaturée. La décolonisationet l’émergence d’une pensée postcoloniale ont permisde déconstruire les clichés sur lesquels le goût exotiquedes débuts du modernisme était fondé.Il n’y a plus de « vérité tropicale » pour reprendre letitre de l’<strong>au</strong>tobiographie tropicaliste de Caetano Veloso.Aujourd’hui, un(e) jeune artiste engagé(e) dans un travailqui gravite <strong>au</strong>tour de cette vaste notion ne peut passe permettre de simplement rejouer la position d’unPicasso ou celle des surréalistes qui, s’intéressant <strong>au</strong>x artspremiers, croyaient puiser l’énergie créatrice à sa sourcela plus pure. Loin d’entretenir un quelconque fantasmed’<strong>au</strong>thenticité, toute une génération d’artistes se nourritet s’inspire <strong>au</strong> contraire de l’état d’artificialité maximalequi caractérise désormais l’exotisme, un imaginaireconstitué par les séries télévisées des années 1980, lesimages publicitaires les plus retouchées, les souvenirstouristiques et les paysages de cartes postales, quelquechose de parfaitement familier, commercial et facile.Vanessa Safavi utilise justement dans son travail desfeuilles de palmiers, des plantes tropicales, des ananas,des perroquets, des dégradés, des cartes de pays imaginaireset tout un tas de références <strong>culturel</strong>les (TristesTropiques, par exemple) qui dessinent un univers exotique.Certaines de ses pièces sculpturales et de ses ins-Les Figures <strong>au</strong>tonomes, courtoisie l’artiste et Chert, Berlin / Kunsth<strong>au</strong>s, Glaris. © David Aebitallations rendent visible avec une grande précision lamanière dont notre culture quotidienne est fabriquéeà partir d’appropriations en tous genres d’artefacts, dematières ou de motifs, empruntés à d’<strong>au</strong>tres culturesque celle de l’Occident.Mais cette imagerie pop séduisante importe finalementmoins que la grande sensibilité matérielle qu’elledéploie dans son travail : en collectionnant et assemblantles matières, Vanessa Safavi réinjecte dans uneculture totalement massifiée une forme poétique et bricoléed’étrangeté. Un exemple parfait de cette stratégieest la récente série des Figures <strong>au</strong>tonomes. Il s’agit d’unesérie de sculptures en métal peint dont les formes sontempruntées à des sources et à des inspirations qui vontdes dessins de Schlemmer <strong>au</strong>x gribouillages téléphoniquesen passant par les arts premiers. Ces sculpturespeuvent être regardées justement dans leur rapport àl’exotisme. Légèrement plus grandes que les spectateurs(entre 1,90 et 2,30 m), elles évoquent des divinitésprimitives qui se tiendraient debout, silencieuses,imposantes et hors du temps. Ces pièces ont d’ailleurspour caractéristique d’exister d’abord sous la forme dedessins numériques, dans la mémoire d’un ordinateur.Certaines flottent encore dans l’éther, en attente d’unematérialisation qui n’arrivera peut-être jamais.Mais par-delà cette construction imaginaire où viennentse mélanger étrangement les nouvelles technologiesde l’in<strong>format</strong>ion et les statues de l’île de Pâques,une mystique primitive et fantasmée, et la modernitétechnique, c’est la matérialité de ces pièces qui a le derniermot. Les lignes d’acier coloré se superposent, ellescréent dans l’espace un jeu graphique et poétique quiemprunte <strong>au</strong>x recherches des avant-gardes bien plusqu’à un exotisme de pacotille ou à une quelconque rechercheanthropologique. Il f<strong>au</strong>drait d’ailleurs s’intéressersérieusement à l’usage totalement abusif de ce termedans le monde de l’art actuel. Le travail de Vanessa Safaviaffirme justement avec délicatesse que la méthode del’artiste n’est pas celle de l’anthropologue.Jill Gasparina est critique d’art, commissaire d’expositionet enseignante. Elle codirige la Salle de bains à Lyon.EmpreintessensoriellesL’artiste Matteo Terzaghi explore l’univers de Pascal Schwaighofer.Par Matteo TerzaghiEXPOSITION09.03 – 15.04.12Pascal SchwaighoferLe monde nous échappepuisqu’il redevientlui-même**Albert Camus,Le Mythe de Sisyphe, 1942Pascal Schwaighofer est né en1976. Il vit et travaille à Rotterdamet à Mendrisio. Diplômé del’Accademia di Belle Arti de Milanen 2003, son parcours estnotamment jalonné par l’expositionpersonnelle In the Beginning <strong>au</strong>Kunstpanorama à Lucerne (2007)et les collectives A World isa Tissue of Lies à la Kunsthalle deLucerne (2009) ou I was Uranium<strong>au</strong> Sils Project Space à Rotterdam(2010). 2011 est une annéecharnière pour lui : en effet,il participe à Science & Fiction<strong>au</strong> Kunstmuseum de Soleure,il reçoit le prix Manor du cantondu Tessin qui est accompagnéd’une exposition personnelle<strong>au</strong> Museo cantonale d’arte deLugano, et il bénéficie d’un Cahierd’artistes édité par Pro Helvetia.Au début 2011 paraîtra Opoyaz,un ouvrage monographique publiépar Édition Fink à Zurich.Je vais essayer d'exprimer ce qui me fascine dansl'œuvre de Schwaighofer, dans ce que j'ai pu en voir ouflairer. Le verbe « flairer » doit être compris littéralement.En effet, la contribution de Schwaighofer à l’expositioncollective en plein air Môtiers 2011 (Suisse) consistaiten un parfum qu’il avait produit lui-même sur place endistillant de la résine. Un parfum plein de significationpour quiconque a visité un atelier de peintre. Perçue <strong>au</strong>cœur d’une forêt de conifères majestueux, l’essence detérébenthine convoquait à soi tous les grands maîtresde la tradition picturale occidentale, ou sinon tous, dumoins ceux du romantisme. Ceci pour le verbe « flairer ».Quant à « voir », voici une porte. Si on se lève pourl’ouvrir, on voit la masse d’air qui se déplace, pousséepar le panne<strong>au</strong> de bois. Et on voit <strong>au</strong>ssi son propre geste,ainsi que Schwaighofer l’a mis en évidence dans uneœuvre d’il y a quelques années. On dit « son » geste, maisil s’agit naturellement du geste de quiconque ouvre, oua jamais ouvert, une porte montée sur deux gonds. Lepetit tas de plâtre ou de cendre étalé en éventail parla partie inférieure du battant forme une sorte de moraineminiature, c’est-à-dire quelque chose qui évoqueles temps longs et dilatés de la géologie, comme poursuggérer que la durée d’une seconde – le temps nécessairepour ouvrir une porte et passer d’une pièce à une<strong>au</strong>tre ? – et celle de dix millénaires avaient un pointcommun : celui d’échapper à notre compréhension.Une <strong>au</strong>tre œuvre de Schwaighofer est composée d’uncertain nombre d’agglomérats de cire et de sable, semblablesà de grosses bougies irrégulières produites – ainsipourrait-on se l’imaginer – <strong>au</strong> bord de la mer, en creusantdes trous dans la plage, de nuit, à la lueur d’un feu.Le feu sert à fondre la cire qui est ensuite coulée dans lestrous, d’accord, mais pourquoi penser immédiatementà la nuit ? Quand la cire durcit, Schwaighofer tire unecorde-mèche, et ce qui lui reste entre les mains a la formed’un rêve. C’est curieux : chaque fois que quelqu’un– artiste ou chercheur scientifique – part à la recherchede la matière, de la substance physique de l’univers, ilrevient chez lui avec des échantillons qui semblent provenirdes tréfonds de la psyché, plutôt que du mondeextérieur. C’est dans cette zone intermédiaire entre laforce créatrice de l’entendement et la pure matière quese situent <strong>au</strong>ssi les formes en argile crue d’Opoyaz.Mais ici, l’accent se déplace sur la dialectique entre leslangages de l’art et ceux de la science, et sur la façon dontles formes et les images migrent d’un support à l’<strong>au</strong>tre.L’argile est la matière de la création par excellence, passeulement dans la tradition chrétienne. Et avec quellesattentes nous approchons-nous des choses qui n’ont pasencore de nom ! La stupeur et la crainte révérencieuse decette approche est ce qui unit l’expérience de l’artiste etcelle du scientifique.Après avoir donné forme par des gestes rapides à sesobjets sans nom et sans finalité apparente, Schwaighoferles a regardés comme s’ils étaient tombés du ciel. Dansses photographies, ils se détachent sur un arrière-plancoloré, <strong>au</strong> centre du cadrage, offrant à l’observateur lecôté qui les représente le mieux, disons leur « côté encyclopédique». La question de savoir si ces images pleinesde poésie sont ensuite imprimées sur papier ou projetéescomme des diapositives ne semble pas décisive. Enrevanche, quand nous les retrouvons reproduites sur lasurface polie de pierres lithographiques qui ne sont pasutilisées pour produire des tirages imprimés, mais sontexposées en tant que telles, le discours se complexifie.Quelle sorte de destination ceci constitue-t-il pour uneimage ? Plus qu’un point final, on dirait des points de suspension…La matière – l’argile – est désormais éloignée,les formes se sont modifiées, estompées, malgré le poidsdes pierres qui les soutiennent. Mais surtout, ces grossespierres lithographiques semblent refléter la matièregrise du cerve<strong>au</strong> humain et son extension la plus lisse :les yeux.C’est ici que le monde s’offre à nous pour une possiblecompréhension, et ensuite nous échappe à nouve<strong>au</strong> parceque, comme le dit Camus : « Le monde nous échappepuisqu’il redevient lui-même. »Matteo Terzaghi est un artiste <strong>suisse</strong>. Il travaille principalementen duo avec Marco Zürcher.Opoyaz, 2011. © Pascal Schwaighofer


10 • MUSIQUE / le phare n° 10 / février-avril 2012février-avril 2012 / le phare n° 10 / MUSIQUE • 11Anna Aaron,un nom d’empruntL’ovni musical identifié sous le pseudonyme Anna Aaron fera escaleen France très prochainement. L’occasion d’en savoir davantage surcette artiste à l’univers <strong>au</strong>ssi mystique qu’affirmé et sur son deuxièmealbum Dogs in Spirit. Par Arn<strong>au</strong>d RobertMUSIQUEMARDI 13 ETMERCREDI 14.03.12 / 20 HAnna AaronElle pose sur la pochette de son nouvel album, ennoir et blanc, cheveu gominé, le visage peinturluré decharbon. On dirait Patti Smith – c’est voulu – à l’époqueoù Robert Mapplethorpe croyait qu’elle resterait toujourscette poétesse pré-punk du Chelsea Hotel. AnnaAaron a des références. Patti, forcément, pour cette rockattitude ouvragée, ces refrains taillés pour des guérillasromantiques et ces textes <strong>au</strong>x veines bleu roi. PJ Harvey,<strong>au</strong>ssi, à l’époque où tout chez l’Anglaise frôlait le pré-cipice. Anna cite David Bowie, The Cure et Kate Bush,invariablement, pour se débarrasser une fois pour toutesdes jeux de miroir. Et puis elle fume.On ne sait presque rien d’elle. Pas même son nom.Anna est un sobriquet dont quelques-uns l’affublaientenfant, on ignore pourquoi. Il se lit dans les deux sens,c’est une piste. Et Aaron, parce qu’elle voulait un prénommasculin en bout de course. Aaron, le frère de Moïse,ou le frère d’Elvis, c’est <strong>au</strong> choix. Bref, un pseudonymetotal en guise de couverture. Quand elle est apparue surla scène <strong>suisse</strong>, munie du premier court album I’ll DryYour Tears Little Murderer, les rares téméraires qui serisquaient à l’interroger se prenaient des portes closes.Tel journaliste remarquait sur son bras des traces debrûlure. Elle ne s’en expliquait pas. D’<strong>au</strong>tres décelaientdans ses chants un fond d’obsession mystique. « Croyezvousen Dieu ? » « Je préfère ne pas répondre, c’est unef<strong>au</strong>sse piste. »Il y avait dans les premières scènes d’Anna un profondsentiment d’inconfort, le poids d’un mante<strong>au</strong> de feutresur des ambitions immenses, une timidité qui la faisaitenvisager le public comme une meute prête à la mettreen pièces. Elle se harnachait à son piano droit, la nuquerentrée. Mais elle avait pour elle, déjà, une sorte de fourmilièreintérieure que ses chansons abritaient. Des parolesde monde fini, de morne plaine, de chutes libres,l’éternité mythologique d’un univers qu’elle consumait.Et sa voix. Parfois, elle se lançait dans des aigus instables,des frises baroques suspendues <strong>au</strong>-dessus de sesgraves profonds. Anna Aaron a 26 ans. Elle chante déjàcomme une femme qui, dix fois, a pris la route pour nejamais revenir sur ses pas. Il f<strong>au</strong>t se faire à cette idée. Ellerévèle tout d’elle dans sa musique et le reste leurre.On aimerait comprendre, pourtant, comment se fabriqueune artiste de cet acabit. Comme tout le monde,elle a appris le piano à partir de 11 ans sans que ses parents,missionnaires, imaginent qu’elle chante un joursur une scène « Il y a le diable en moi ». Elle grandit unpeu partout, <strong>au</strong> gré des réquisitions ecclésiastiques.En Angleterre. Aux Philippines. Et puis, en Nouvelle-Zélande, là où les forêts sont habitées et que la terre esthumide en permanence. Elle vient de là. De ces îles pacifiques,revenues d’un siècle ancien où des Blancs partaientpour civiliser l’envers du monde et qui, toujours,renonçaient à leur conquête pour se laisser conquérir.Ce n’est pas un hasard si l’on songe parfois <strong>au</strong> film LaLeçon de piano en écoutant Anna Aaron. Elle est le carrefourparfait entre la pianiste muette et le s<strong>au</strong>vageérotique qui veut apprendre Bach.Sérieusement folleÀ Manille, Anna aperçoit des troupe<strong>au</strong>x de chiens quierrent. « Ils y sont très moches et très p<strong>au</strong>vres », préciset-elle.C’est pour cela que son nouvel album s’intituleDogs in Spirit. Elle a substitué à la formule biblique« Heureux les simples d’esprit », le mot « chien ». Allezcomprendre. Elle ne donne pas de mode d’emploi. Elledit juste que les choses glissent dans sa tête et prennentdes formes insoupçonnées. Comme son tatouage quepresque personne n’a vu. Il représente le mariage d’Éroset de Psyché. L’âme amoureuse, l’espritsensuel. Elle a travaillé longtemps surses nouve<strong>au</strong>x morce<strong>au</strong>x dans lesquelselle a traqué la part rituelle, la transe.À Bâle, sa ville d’origine, ses études avortées de philosophieressurgissent par inadvertance dans une écriturequi évite comme la peste l’<strong>au</strong>tofiction, les romans àl’e<strong>au</strong>-de-ronce et le gentil déroulé sentimental d’uneartiste qui s’invente. Anna menace. Elle ne min<strong>au</strong>depas. Avec son producteur, le surdoué Marcello Giuliani,elle est allée chercher des zones d’inconfort. Plutôtque l’évidence.Anna, sans le savoir vraiment, appartient à une nouvellescène helvétique. Avec Sophie Hunger, EvelinnTrouble ou Heidi Happy, elle a signé chez le label l<strong>au</strong>sannoisTwo Gentlemen. Ce n’est pas peu dire, dans cepays où les frontières sont intérieures, que toute unegénération de chanteuses alémaniques <strong>au</strong> timbre fissurévienne s’installer artistiquement dans la partie francophone.Elles y trouvent un accès facilité à la France,« Il y a le diableen moi »toujours partante pour une aventure mélomane. Et puisune sorte d’appel d’air qui les pousse à sortir de l’undergroundbon teint où elles <strong>au</strong>raient pu rester confinées.Il f<strong>au</strong>t voir les derniers concerts d’Anna Aaron. MarcelloGiuliani a réussi à extraire la diva rock d’un personnagesur lequel rôdaient des fantômes et des ombres poisseuses.Elle s’entoure de guitares brandies. De rivagespop. Elle se soucie davantage de la lisibilité, sans jamaisrien retrancher de la grâce.Et elle rigole. Comme pour Sophie Hunger, on s’étaitlaissé croire qu’Anna resterait à jamais renfrognée. Lesdeux ont découvert une distance qui met du relief dansleurs mélopées. Anna Aaron publie sur son site de petitesvidéos de bal poussière, à côté d’une fenêtre encarton-pâte où elle annonce ses projets et présente sesmusiciens. On dirait la présentatrice d’un show du matin,sur une chaîne américaine de province.Il n’est pas utile de faire la gueulepour avoir l’air sérieux. Elle rencontredes airs, <strong>au</strong>ssi, qui étoffent sa musique.Dans The Drainout, sur un lit d’orgues à soufflet, le trompettisteErik Truffaz vient prêter son tranchant. AnnaAaron mêle, dans un anglais de sonnet victorien, dessirènes et des chev<strong>au</strong>x, des prophètes vétéro-testamentaires,des monstres marins et des amies dont on connaîtà peine le prénom.Peu à peu, entre ses saturations bruitistes et ce penchantpour la berceuse de cabaret irlandais, Anna sedessine un destin à la Tori Amos. Ne rien céder du mystèremais parler à tous. Ah oui, sur les photographiesprises par Germinal Ro<strong>au</strong>x, grand rockeur de la pelliculelui-même, il y a du sable blanc sur le charbon quidégouline. La part lumineuse d’une chanteuse qui necraint pas la nuit.Arn<strong>au</strong>d Robert est journaliste, réalisateur et <strong>au</strong>teur. Il collaborerégulièrement <strong>au</strong> Temps et à la Radio Suisse Romande.Anna Aaron, Dogs in Spirit(Two Gentlemen).© Germinal Ro<strong>au</strong>x


12 • conférence / architecture / le phare n° 10 / février-avril 2012février-avril 2012 / le phare n° 10 / conférence / architecture • 13Annette Gigon et Mike Guyer :la cohérence d’une visionAussi actif dans le domaine des musées que dans celui du logement,concepteur de la fameuse Prime Tower, le bure<strong>au</strong> zurichois Gigon / Guyers’est imposé comme l’un des plus importants de Suisse. Présentationde quelques projets récents. Par Mireille DescombesARCHITECTUREVENDREDI 16.03.12 / 19 HGigon / GuyerConférence d’Annette Gigon<strong>Centre</strong> Georges Pompidou75004 Pariswww.centrepompidou.frEn partenariatavec le <strong>Centre</strong> PompidouPar leur approche et leur philosophie, les ZurichoisAnnette Gigon et Mike Guyer se situent <strong>au</strong>x antipodesde l’architecture spectaculaire d’un Frank Gehry ou d’uneZaha Hadid. Si vous leur parlez style, ils vous répondentspécificité du site, dialogue avec le contexte, recherchede cohérence avec le lieu. Même si leurs bâtiments peuventavoir parfois un air de famille, ils sont loin d’êtreattribuables <strong>au</strong> premier coup d’œil.Longtemps connu surtout des spécialistes,le bure<strong>au</strong> Gigon/Guyer afait récemment la une de l’actualité.On leur doit en effet la plus h<strong>au</strong>tetour de Suisse, la fameuse Prime Tower in<strong>au</strong>gurée en2011 et qui, avec ses 126 mètres de h<strong>au</strong>teur et ses 36 étages,se dresse tel un totem de verre dans l’ancien quartierindustriel en pleine mutation de Zurich Ouest.À l’agence, entre deux rendez-vous et la présentationd’une exposition, Annette Gigon précise : « La tour peutévoquer un torse, ou un cristal. Mais ce n’était pas notrebut premier. Ce qui d’abord nous importait était d’offrir àla ville un objet qui change son caractère, qu’on puisse« On nous demandaitde véritables machinesà exposer »voir ou ne pas voir, qui se dissolve dans le paysage urbainselon le point de vue, évolue en fonction de la lumière et desconditions atmosphériques. »Le défi consistait à placer un bâtiment <strong>au</strong>ssi imposantdans un espace relativement petit. D’où la décision decréer un édifice qui s’élargisse en montant, prenant lecontre-pied des traditionnelles tours en flèche ou enpointe. Le plan, en forme de polyèdre irrégulier, bouleverseégalement nos habitudes perceptives. Flexible,adaptable à différents usages – il s’agit de bure<strong>au</strong>x, ilpermet à la lumière de pénétrer jusqu’<strong>au</strong> cœur du bâtiment,offrant un maximum de postes de travail bienéclairés. À noter également que les fenêtres peuvents’ouvrir, ce qui contribue également<strong>au</strong> confort des usagers. Nouve<strong>au</strong> pointde repère pour le quartier, et la villetout entière, la Prime Tower est complétéepar trois bâtiments bas, égalementconstruits par Gigon / Guyer, le Cubus, le Diagonalet la Platform.Cette tour impressionnante ne doit toutefois pascacher la forêt des <strong>au</strong>tres réalisations et projets. Ellejalonne en effet un parcours riche et diversifié quidémarre à la fin des années 1980 et qui fait du bure<strong>au</strong>Gigon / Guyer l’un des plus importants de Suisse. AnnetteGigon (née en 1959 à Heris<strong>au</strong>, Suisse) et Mike Guyer (néen 1958 dans l’Ohio, États-Unis) ont étudié tous deux àComplexe immobilier, Zollikerstrasse, Zurich, Suisse 2011. © Georg Aernil’École polytechnique fédérale de Zurich (ETH). En1989, ils ouvrent leur bure<strong>au</strong> à Zurich après avoir remportéle concours pour le Musée Kirchner de Davos.Pour les curieux, précisons <strong>au</strong>ssi que, dans la vie, AnnetteGigon et Mike Guyer ne sont pas un couple.Écrin en verre, le musée Kirchner fut une réussite,un petit bijou géométrique, sobre et fonctionnel, soucieuxde s’effacer pour laisser la parole <strong>au</strong>x œuvres,attentif <strong>au</strong>x circulations intérieures et <strong>au</strong>x interactionsavec l’extérieur. Il sera suivi par toute une série d’<strong>au</strong>tresréalisations muséales de tailles très diverses : l’extensiondu Kunstmuseum de Winterthour, le musée Linerà Appenzell, le musée et parc Kalkriese à Osnabrück enAllemagne, la donation Albers-Honegger d’un be<strong>au</strong> vertvif à Mouans-Sartoux en France. Et le bure<strong>au</strong> est entrain d’achever la rénovation et trans<strong>format</strong>ion de laLöwenbräu-Areal, h<strong>au</strong>t lieu de l’art contemporain zurichoisoù l’on trouvera également une tour abritantdes appartements.Musée et habitationsSpectaculaires et origin<strong>au</strong>x, les deux bâtiments conçuspour le Musée des Transports de Lucerne (2005-2009)se caractérisent par leur parti pris radical, et par leursénormes contraintes. « On nous demandait de véritablesmachines à exposer », résume Annette Gigon. Lesarchitectes ont créé d’une part le bâtiment d’entrée quifait le pont entre des édifices préexistants et permet d’intégrerguichets, boutiques, rest<strong>au</strong>rants, zone d’expositionet <strong>au</strong>ditorium. En face, à l’<strong>au</strong>tre bout d’un vaste patio,ils ont également posé une grande boîte flexible et économique,la nouvelle halle du transport routier. Dans lesdeux cas, une attention particulière a été accordée <strong>au</strong>xfaçades qui, symboliquement, renvoient à la fonctiondu bâtiment. Telles des vitrines transparentes, cellesde l’entrée abritent toutes sortes de roues, hélices et volants.Trois cent quarante-quatre panne<strong>au</strong>x de signalisationde différentes tailles provenant de toute la Suissehabillent les murs extérieurs de la halle comme d’unecarapace accidentée. Une manière subtile de renoueravec le thème complexe et souvent problématique del’ornement en architecture.Contrairement à nombre de leurs collègues, AnnetteGigon et Mike Guyer n’ont construit ni en Asie ni dansles pays du Golfe. Ils ont toutefois réalisé plusieursprojets à l’étranger, notamment en Hollande. Il s’agissaitd’un immeuble commercial et locatif <strong>au</strong>x volumesqui, déjà, s’élargissaient vers le h<strong>au</strong>t, construit dans laville nouvelle d’Almere (2002-2007). Un changementd’échelle et de cultures qui, pour les deux Suisses, futfondamental, les amenant à se détacher du détail et dumatéri<strong>au</strong> pour porter une attention plus grande <strong>au</strong>xrelations du bâtiment avec son environnement. On yrelève <strong>au</strong>ssi une utilisation <strong>au</strong>dacieuse de la couleur, emploique l’on retrouve à la même époque dans plusieursde leurs projets d’habitation.Parallèlement <strong>au</strong>x musées, le logement représente eneffet l’un des thèmes souvent abordés par Gigon / Guyertout <strong>au</strong> long de leur carrière. L<strong>au</strong>réats de très nombreuxconcours à Zurich, où on leur areproché parfois leur omniprésence,ils y ont notamment réaliséle très bel ensemble résidentielBrunnenhof (2003-2007),du logement subventionné réservé<strong>au</strong>x familles nombreuses.Situées entre une route passanteet un parc, ces deux longuesbarres réussissent à marier esthétiqueet qualité de vie. Leschambres à coucher donnent surle côté calme du parc de mêmeque les séjours, prolongés parde profonds balcons. En façade,des panne<strong>au</strong>x de verre colorétransforment les immeubles entable<strong>au</strong>x mouvants et lumineux.Un concept chromatique développéen collaboration avec l’artisteAdrian Schiess. La preuvequ’il n’est pas nécessaire d’êtreun millionnaire ou un hommed’affaires pour pouvoir s’offrirle luxe d’habiter un immeublesigné Gigon / Guyer.Mireille Descombes estjournaliste <strong>culturel</strong>le <strong>au</strong> magazineL’Hebdo.Musée Suisse des Transports, Lucerne, Suisse 2009. © Heinrich HelfensteinPrime Tower, Zurich, Suisse 2011. © Thies Wachter


14 • danse / littérature / le phare n° 10 / février-avril 2012février-avril 2012 / le phare n° 10 / THÉÂTRE / danse • 15Cousine MachineL’année 2012 verra la sixième édition du festival concordan(s)e faireescale <strong>au</strong> CCS. Retour sur cette démarche insolite qui révèle des duoséphémères entre danseurs et écrivains. Par Simon Letellierdanse / LittératureMercredi 11.04.12 / 20 HPerrine Valli& Carla DemierreLa Cousine Machine (30’)Lionel Hoche& Emmanuel RabuDes écumes civiles (25’)Soirée dans le cadre du festivalcondordan(s)e, aventure singulièreoù un écrivain rencontreun chorégraphe.« L’art, c’est de franchir une frontière pour aller àsoi. » Cette phrase de l’écrivain québécois Roch Carrierconvient parfaitement à concordan(s)e. On connaissaitles passerelles entre les diverses formes d’arts vivantsmais la danse et l’écriture avaient une frontière floueque s’est empressé de passer Jean-François Munnier. Cetancien conseiller en danse s’est transformé en passeurde frontière entre ces deux univers pour accompagnerles danseurs et les écrivains qui étaient curieux de découvrirce nouve<strong>au</strong> paysage artistique et éphémère. « Jepense que chaque artiste a un cheminement, et l’amenerailleurs le force à se poser d’<strong>au</strong>tres questions et à appréhenderdifféremment son travail, explique-t-il. Commele chorégraphe, l’écrivain est quelqu’un de solitaire,qui travaille seul face à sa feuille et tout d’un coup, ildoit composer avec quelqu’un d’<strong>au</strong>tre donc tout doit seconstruire ensemble. »Le fait que les membres de chaque binôme ne seconnaissent pas oblige Jean-François Munnier à devenir,le temps d’une rencontre, un entremetteur. « Unefois que le chorégraphe et l’écrivain se sont rencontréset acceptent de travailler ensemble, je n’interviens pasdans le processus de création. Je ne reste pas très loin,disponible, mais dans l’ensemble je les laisse le plus librepossible. »C'est ce qui s'est passé pour le duo qui sera sur lesplanches du CCS en mars prochain. D’un côté, PerrineValli, jeune chorégraphe <strong>suisse</strong> reconnue, et de l’<strong>au</strong>tre,Carla Demierre, jeune écrivaine, <strong>au</strong>teure du magnifiqueMa mère est humoriste <strong>au</strong>x éditions Léo Scheer.Lors de notre rencontre*, il était impossible de ne pasrepenser <strong>au</strong>x mots de Jean-François Munnier « … deuxartistes qui ne se connaissent pas ». Pourtant, à la vue dela relation qu’entretiennent les deux jeunes femmes, undoute est apparu. Vite dissipé. Les deux jeunes femmesapparaissent complices comme des cousines de toujoursalors que leur rencontre ne date que de quelques mois.Mais surtout, elles ont pu créer un espace de dialoguequi leur permet d’envisager leur collaboration, en neperdant pas de vue leurs desiderata respectifs qu’ellesont échangés lors de leur rencontre. « Je ne voulais pasdanser <strong>au</strong> sens de jouer à quelque chose. Je ne voulais pasentrer sur le territoire de la danse en dansant par mimétismeou apprentissage de reproduire des gestes », expliqueCarla Demierre. Quant à Perrine Valli, elle avoueune certaine curiosité envers Carla. « J’avais un peu cetteattente de la découverte du corps, de la présence corporelle.J’avais hâte de voir Carla dans sa personne et de voirce qu’elle pouvait dégager physiquement et énergétiquement.» Car le but de cette rencontre n’est pas seulementde faire connaissance mais bien d’allier danse et écrituredans une création qui sera présentée à un public.Un joyeux bordelComment alors font deux personnes, qui ont l’habitudede travailler de manière solitaire, pour associer leursenvies et leurs méthodes de travail ? Perrine Valli nousdonne un début d’explication « C’est un lâcher prise. Eten même temps, il f<strong>au</strong>t se reprendre à certains moments. »Et Carla de compléter : « Pour ma part je reste dans le flouplus longtemps quand je travaille par rapport <strong>au</strong> sujet[…] et il y a ce cadre naturel qui est investi de ce désir defaire fructifier des zones de cette relation. » « J’accepteque Carla foute le bordel car à un certain moment je vaisle ranger. C’est un peu l’idée d’encadrer le flou », conclutPerrine. Et derrière le dépassement de soi où chacuned’entre elles se retrouve, il y a ces discussions où elles selaissent porter l’une par l’<strong>au</strong>tre pour faire surgir desidées plus folles les unes que les <strong>au</strong>tres. « On a parlé dela question du corps, des déguisements et par digressionde ce truc de soubrette puis du lapin Bunny », préciseCarla. « Notre projet, c’est un peu un machin et on met enmarche nos machines pour mettre en place ce machin. »Un machin entre cousines.Le duo du projet La Cousine Machine. © Simon Letellier© Teatro Malandro & AliasUne dansede l’absurde en duoLes Cabots, une création de la compagnie Alias et du Teatro Malandro,avec Guilherme Botelho et Omar Porras. Par Brigitte Prost* La rencontre avec Perrine Valli et Carla Demierre a eu lieuen décembre 2011. Les Cabots, dont la première est prévue à Genève 1 ,théâtre / DANSE<strong>au</strong> Théâtre Forum Meyrin le 22 février 2012, est un duosaisissant, burlesque et cruel, entre deux personnages06 – 09.03.12 / 20 Hincarnés par l’acteur et metteur en scène Omar Porras etTeatro Malandro & Alias par le danseur et chorégraphe Guilherme Botelho quiLes Cabotsnous démontrent une nouvelle fois que danse, musiqueInterprétation : Guilhermeet théâtre sont sans doute indissociables.Botelho, Omar Porras Assistant : De fait, ce spectacle nourri de musiques diverses, témoigned’une très grande intelligence du plate<strong>au</strong> desFabio BergamaschiScénographie : Gilles Lambertdeux artistes en piste, qui parviennent dans le frottementde leur savoir-faire à une synthèse d’art placée àConseiller artistique : MathieuMenghini Direction technique :Olivier Lorétan Production :son plus h<strong>au</strong>t moment de tension. Ensemble, oui, OmarCompagnie Alias, Teatro Malandro Porras et Guilherme Botelho sont parvenus à créer unCoproduction : Théâtre Forum univers personnel nourri d’un faisce<strong>au</strong> d’influences allantdu théâtre de l’absurde <strong>au</strong> burlesque américain desMeyrin. Avec l’appui de :Fondation meyrinoise pourannées 1920, en passant par le cirque, la pantomime dela promotion <strong>culturel</strong>le sportiveDebur<strong>au</strong>, voire l’univers de Tadeus Kantor.et socialeAlias est une compagnieassociée <strong>au</strong> Théâtre Forum Meyrinet <strong>au</strong> Théâtre du Crochetan.Teatro Malandro estune compagnie en résidence<strong>au</strong> Théâtre Forum Meyrin.Des clochards célestes… <strong>au</strong>x traders déchusNous sommes d’abord face à deux personnages qui viventdes métamorphoses : deux clowns ou « deux clochardscélestes », comme des traders ou youpies déchus,mais qui gardent dans leur corps l’empreinte de leurancienne fonction, avec leurs complets sombres, leurraideur et la cadence staccato de leurs gestes, ou peutêtren’ont-ils jamais été que des mafieux, sans foi ni loi.Ce couple, inséparable, tels Pozzo et Lucky, Vladimir etEstragon ou Sancho Panza et Don Quichotte, fonctionnedans une relation d’interdépendance très forte, l’unétant le bouc émissaire de l’<strong>au</strong>tre avant que la relation debourre<strong>au</strong> et de victime ne s’intervertisse en des courtscircuitsradic<strong>au</strong>x, et jusqu’à une déshumanisation quinous montre l’animal dans l’humain ou nous rappelleque l’homme a ses spécificités mais reste un animal :le mot cabot nous révèle ses premières définitions,du poisson <strong>au</strong> chien comme <strong>au</strong> petit chef mesquin ettyrannique.Un espace et une gestuelle en perpétuelrecommencementL’espace abstrait où les personnages évoluent devientl’espace tragique par excellence, et la temporalité dontces derniers dépendent semble ne suivre <strong>au</strong>cune chronologie,ce qui fait d’eux des personnages tout entiersdans l’instant.Quant à leurs actions, elles sont <strong>au</strong>ssi dignes d’unedanse de l’absurde : ou verrouillées ou itératives. Desphrases gestuelles se répètent avec des effets de reprisescomme par contamination d’un geste d’un personnageà l’<strong>au</strong>tre, mais parfois <strong>au</strong>ssi, signifiantes, elles disent ladualité des personnages – ou <strong>au</strong> contraire leur complémentarité.Quant à leurs déplacements, <strong>au</strong> corde<strong>au</strong>, ils dessinentun espace vectorisé, où l’humain disparaît pour devenirune mécanique avant tout définie par ses coordonnéesspatiales, l’un devenant le point central et référentielde l’<strong>au</strong>tre et inversement. Et cet espace, purement géométrique,possède ses lignes droites ou paraboliques etson centre, la table, point de fixation <strong>au</strong>tour duquel ousous lequel s’organisent déplacements et mouvements.Un spectacle réflexifMais ces personnages sont <strong>au</strong>ssi des créatures forainesqui se révèlent à nous dans un jeu métathéâtral commel’allégorie de l’homme ou de la bête de scène, le « cabot »ou « m<strong>au</strong>vais comédien », sujet à trans<strong>format</strong>ion, se faitmétaphore de la condition humaine. L’ensemble du dispositifdevient l’image d’un monde réduit à sa plus simpleexpression, dont on peut faire le tour en courant,mais qui peut <strong>au</strong>ssi par sa taille dérisoire s’apparenter àun lieu de cl<strong>au</strong>stration.L’espace, dénudé, se fait <strong>au</strong>ssi par ailleurs manifestedes arts du spectacle par la symbolique des rares élémentsde décor qui s’y trouvent : le ride<strong>au</strong> (métonymiquede la scène) ; le cercle circassien ; la table, élémentminimal <strong>au</strong>x multiples usages, servant de support pours’asseoir, grimper, et même se tenir dessous à l’enverspour un symposium imaginaire – où l’on entre de plainpieddans le monde inversé où les fous sont les sages.Quant <strong>au</strong>x gestes et rictus, ils participent d’une mêmethéâtralité : ils se dévident et bégaient en reprises etvariations, où s’exhibe la forme. Et ce faisant, ils transfigurentl’homme en une architecture de mouvements ;ils cherchent à combiner les lois de fonctionnementde l’être par rapport à l’espace en termes de rotations,directions linéaires, intersections… jusqu’à faire de cescorps en altercations les supports de la « surmarionnette» rêvée par Gordon Craig pour une nouvelle explorationdes rapports de l’interprète et de l’espace.In fine, c’est une épopée dérisoire de l’humanité àlaquelle nous assistons car Les Cabots nous invitent àentrer dans un absurde d’ordre métaphysique et existentiel,contrebalancé par la dimension grotesque etpleine d’humour de cette création.1. Ce texte a été écrit en novembre 2011, après que j’eus assistéà une répétition quelques semaines plus tôt et en m’appuyantsur une captation d’un temps de travail.Brigitte Prost est maître de conférences à Rennes 2-Universitéeuropéenne de Bretagne, et directrice du Départementdes arts du spectacle.


16 • THÉÂTRE / le phare n° 10 / février-avril 2012février-avril 2012 / le phare n° 10 / THÉÂTRE • 17Omar Porrasou l’« Herméneute » <strong>au</strong> plate<strong>au</strong>Comédien et metteur en scène <strong>suisse</strong> né à Bogota, Omar Porras a fondéen 1990 à Genève le Teatro Malandro, creuset de recherche théâtrale.Présentation d’un metteur en scène passionné. Par Brigitte Prostthéâtre28.02 – 01.03.12Carte blancheà Omar PorrasUn Ubu Roi, en 1991, le fait connaître et La Visite dela vieille dame dès 1993 assure sa notoriété. Il développeun répertoire de textes classiques (de Jarry à Molièreen passant par Marlowe, Dürrenmatt, Shakespeare,Lorca, Euripide, Cervantès, Tirso de Molina, Lope deVega et Brecht) qu’il présente de la Comédie de Genèveà la Comédie-Française en passant par des plate<strong>au</strong>xd’Amérique du Sud ou du Japon – tout en travaillant àToutes les images : Teatro Malandro, L’Éveil du printemps, photo de répétition (2011). © Marc Vanappelghemla mise en scène d’opéras depuis 2006 (avec L’Histoiredu soldat, L’Élixir d’amour, Le Barbier de Séville, La Flûteenchantée et La Périchole) où le sens musical de ce « poètedes sons » comme l’appelle Alain Perroux, trouve unplein épanouissement.C’est avec la même rigueur et le même enthousiasme,qu’il présente cette saison deux nouvelles mises en scène– La Grande-Duchesse de Gérolstein d’Offenbach etL’Éveil du printemps de Frank Wedekind –, ainsi qu’unepièce magnifiquement chorégraphiée, Les Cabots, avecGuilherme Botelho, et qu’il continue à façonner de multiplesprojets <strong>au</strong> Japon pour 2012.Le grotesque <strong>au</strong> revers du sublime…Et d’un spectacle à l’<strong>au</strong>tre, se dessine un style propre àOmar Porras, où le grotesque côtoie le sublime : commel’explique Victor Hugo dans sa Préface de Cromwell,« tout dans la création n’est pas humainement be<strong>au</strong>, […]le laid y existe à côté du be<strong>au</strong>, le difforme près du gracieux,le grotesque <strong>au</strong> revers du sublime, le mal avec lebien, l’ombre avec la lumière 1 . » Or précisément, l’esthétiquedu Teatro Malandro s’inscrit dans cette lignée decréateurs oxymoriques car elle joue de la mise en tensiondu laid et du sombre avec le be<strong>au</strong> et le magique etdu contraste qu’ils produisent. Et ce faisant elle relie lespersonnages, déformés par leur maquillage expressionnisteet leurs attributs, à notre propre humanité, chaquecréature ainsi réalisée appelant en nous l’humain.De fait, Omar Porras parvient toujours à faire du théâtrel’endroit d’une sublimation des univers qu’il touche,<strong>au</strong>ssi âpres soient-ils. Sublime littéralement est sonplate<strong>au</strong>, de sublimis, « qui va en s’élevant », c’est ce qu’ilprouve sur pièces avec cet Éveil du printemps créé le9 novembre 2011 à Genève, qui connaît déjà une belletournée jusqu’en juillet prochain, de Paris à Shizuoka,et dont le public sort ému <strong>au</strong> plus profond. Peut-êtreparce que ce qui est présenté <strong>au</strong> plate<strong>au</strong> par cette esthétiquedu grotesque et du sublime touche d’<strong>au</strong>tant mieuxl’indicible, l’inconscient, l’inaccessible, celle d’une périoded’entre-deux, celle où l’adolescence bascule violemmentvers l’âge adulte, <strong>au</strong> prix d’une découverteparfois angoissante de la sexualité et de la tentationde la mort.Pour un symbolisme magiqueLa création artistique de ce passeur de rêves et de c<strong>au</strong>chemarsqu’est Omar Porras ouvre à un monde où setransforme la réalité observable par une segmentationet une stylisation des gestes et des déplacements, parl’usage de la métonymie et de la suggestion toujours h<strong>au</strong>teen couleur et picturale. Son théâtre multiplie les table<strong>au</strong>xoù sont ménagées entrées et sorties, transitionsen fondus enchaînés ou en juxtapositions volontairementradicales, et après avoir travaillé avec minutie laprécision physique des acteurs, après avoir sculpté enorfèvre la composition d’un univers musical, c’est lalumière qu’il appréhende en peintre, en cherchant despleins feux, des éclairages latér<strong>au</strong>x comme chez Vermeerou des clairs-obscurs à la Titien.Par le truchement d’une esthétique somme toutesymboliste, par la fantaisie des costumes, des posticheset des perruques, comme par l’univers sonore de sesspectacles et par ses effets de prestidigitateur (pluie descintillements venue des cintres ou orage et chute d’e<strong>au</strong>,volée de serpentins ou feu de Bengale…), le cadre spatiotemporelse déréalise et les personnages sont tirés versun monde onirique.Un plate<strong>au</strong> laboratoireSublime par la force de ce qu’il parvient à déclencher chezson public, mais <strong>au</strong>ssi par son acharnement à creuser leplate<strong>au</strong> par de nouvelles expérimentations, par de nouve<strong>au</strong>xcroisements des techniques, par un sens aigu dela recherche, Omar Porras a fait de son théâtre un espacelaboratoire, presque ré<strong>format</strong>eur, où il cristallise dansune forme qui se cherche son besoin de se déprendre desconventions illusionnistes comme du geste formalisted’un théâtre mental. En ce sens, nous pouvons assurémentle porter <strong>au</strong> rang, non des faiseurs, mais des chercheursdotés d’une ferveur et d’une endurance d’artisandémiurge, de Meyerhold à Grotowski, de Stanislavskià Dullin.Et cette recherche qui se mène concomitamment avectous les ingrédients de la représentation est une professionde foi. Depuis plus de vingt ans, Omar Porras étudiela nature du jeu de l’acteur, son rituel et sa phénoménologieavec une rigueur absolue exercée sur soi-même etsur l’équipe qu’il fédère d’un projet à l’<strong>au</strong>tre, sans postulatou théorie préconçue, mais avec un empirisme quifait du plate<strong>au</strong> le lieu où se lit organiquement le textedont il se saisit.Pour une méthode de créationCette recherche a son espace privilégié dans les répétitionsqui ne sont nullement des lieux de concrétisationd’idées préalables, mais deviennent un temps engagépour l’acteur qui travaille à l’exploration d’un personnage(sans que pour <strong>au</strong>tant <strong>au</strong>cune distribution ne soitdéfinitive jusque tard dans le processus de création),comme à l’élaboration d’une méthode collective d’aborderle plate<strong>au</strong> où chacun apporte sa contribution.Mais la démarche suivie repose <strong>au</strong>ssi sur l’exercicesystématisé d’un entraînement quotidien quasi anthropologiqueoù Omar Porras sait faire siennes certainestechniques extrêmement physiques empruntées <strong>au</strong>xarts théâtr<strong>au</strong>x du Japon, de Bali ou de l’Inde, comme lesmarches de Suzuki, la précision gestuelle des mudrasdu kathakali ou d’éléments propres <strong>au</strong>x danses kandydu Sri Lanka – quand il n’intègre pas dans son trainingdu kalaripayatt 2 .De fait, ce metteur en scène <strong>au</strong> visage de Protée visepar sa direction à faire travailler constamment l’acteur,comme en Orient, sur sa présence par une conscienceaiguë de sa dynamique et de l’énergie extra-quotidiennequ’il véhicule, à lui laisser être une force de propositionà partir de laquelle il peut façonner le spectacle dont lescontours et chaque détail se dessinent progressivement,jusqu’à la première et <strong>au</strong>-delà. Et ce faisant, c’est tout sonthéâtre qui, donnant une vision très proche et pourtant<strong>au</strong>tre du monde, devient une camera obscura ou unelanterna magica – un cas d’exception dans l’histoiredu théâtre.1. Victor Hugo, Préface de Cromwell, Paris, Garnier-Flammarion,1968, p. 69.2. Le kalaripayatt est un art martial indien pratiqué dans l’Étatde Kerala.Programme28.02 – 01.03.1217 H – 19 HAtelier expérimentalet per<strong>format</strong>ifdirigé par Omar Porras(ouvert <strong>au</strong> public)À travers l’approche du jeumasqué, les participantssont invités à amener un CVet une lettre de motivationpour participer à une expérienceutopique : devenir Suisse !Plus de détails sur l’atelier :www.ccsparis.comMARDI 28.02 / 20 HProjection du film documentaireOmar Porras, sorcier de la scène(Suisse, 2008, 56’)réalisé par Miruna Coca Cozma,coproduction PointProdet Télévision Suisse RomandeJEUDI 01.03 / 20 HLa méthode PorrasOmar Porras en entretienavec Alexandre Demidoff,chef de la rubriqueCulture & Sociétédu quotidien Le Temps


18 • conférence / architecture / le phare n° 10 / février-avril 2012Dans le cas Monte Rosa, comme exercice réel, chaqueétudiant a conçu un projet. Une première sélection aété faite pour n’en développer qu’un petit nombre, puisvingt-deux étudiants, regroupés sous le nom de « ETH-Studio Monte Rosa » se sont penchés sur le dernierprojet retenu. Ils l’ont affiné puis ont travaillé sur lesmoyens à mettre en œuvre pour sa réalisation : conceptde construction, études de détail, dessin des élémentspréfabriqués en tenant compte des possibilités de transportà une telle altitude. Ce travail a duré quatre semestreset chaque étudiant y a apporté sa contribution. Ils’est agi, là, de l’apprentissage du métier d’architecte, cemétier qui va de la conception à la réalisation physique,y compris celles des installations techniques.Une construction de tous les défisEn parcourant la publication : Nouvelle cabane du MontRose CAS éditée par l’ETH Zurich, ou en visionnantle film du montage de la cabane, on saisit, à travers lesétapes de pose des éléments préfabriqués, tout le processusde conception, de planification et tout le travailde réflexion et de concertation qui ont été nécessairesà l’aboutissement de cette œuvre collective. On pense<strong>au</strong> tailleur de pierre du Moyen Âge qui, dans son atelier,dessinait puis réalisait la clef de voûte qui allait êtreposée 20 mètres <strong>au</strong>-dessus du sol et tenir l’ensembledes arcs. Là-h<strong>au</strong>t, entre rochers et glaciers, on voit laconstruction du socle puis la pose, précise, des piècesd’un grand puzzle de cinq nive<strong>au</strong>x. Tout se complète,s’ajuste sur la base des plans d’exécution. Rien n’a étélaissé <strong>au</strong> hasard car, à cette altitude, les corrections deviennenttrès difficiles. Quand on compare ce travailavec l’approximation et les bavures de nos chantiers, onse dit que cette leçon d’architecture et de constructionmériterait d’être diffusée du plus grand des architectes<strong>au</strong> plus petit des manœuvres.Dans un environnement hostile, il était indispensablede rechercher une grande <strong>au</strong>tonomie et d’aborder<strong>au</strong>ssi les problèmes des techniques du bâtiment (CVSE)de la manière la plus innovante, possible en respectantles règles de la protection de l’environnement et dudéveloppement durable.La nouvelle cabaneMonte RosaPour fêter ses 150 ans d’existence, l’ETH s’est offert un be<strong>au</strong> cade<strong>au</strong> sousla forme d’une démonstration d’architecture. À l’initiative du professeurM. K. Eberle-Haegi, les élèves du professeur Andrea Deplazes se sontmis <strong>au</strong> travail sur un thème très particulier : la réalisation d’une cabanede montagne, <strong>au</strong> milieu des glaciers, à 2 883 m, en ce début de troisièmemillénaire. Par Bernard AttingerARCHITECTUREJeudi 05.04.12 / 20 HAndrea DeplazesLa nouvelle cabaneMonte Rosa© ETH-Studio Monte Rosa / Tonatiuh AmbrosettiL’étude puis la réalisation de la cabane Monte Rosaà 2 883 m d’altitude démontrent que l’architecture peutêtre <strong>au</strong>tre chose que du bling-bling ou de l’esbroufe, quel’efficacité et l’ingéniosité peuvent primer sur le m’as-tuvu.En effet, on rencontre trop souvent, dans nos revuesd’architecture, des réalisations soi-disant contemporainesqui négligent un aspect qui doit <strong>au</strong>jourd’hui dominerla réflexion : comment construire avec le moinsd’énergie grise et consommer la quantité la plus faibled’énergie fossile.Éco cabaneLe concept – réaliser le volume le plus compact possible,avec la plus petite surface de déperdition – est un modèledu genre. L’énergie électrique est apportée par unefaçade de cellules photovoltaïques. L’<strong>au</strong>tarcie du bâtimentse situe <strong>au</strong>tour de 90 %. L’e<strong>au</strong> est fournie par lafonte des neiges, stockée dans une cavité souterraine40 mètres <strong>au</strong>-dessus de la cabane, pour ne pas avoir à lamettre sous pression, et son ch<strong>au</strong>ffage est assuré par lesoleil. La bonne orientation des vitrages, selon le principedu captage solaire passif, une ventilation contrôléeet une installation « chaleur-force » sur le réservoird’e<strong>au</strong> ch<strong>au</strong>de solaire, assurent le confort du bâtiment etde ses occupants.Cette réalisation brille par ses qualités de rationalitéesthétique, d’inventivité et par la technologie mise enplace pour lui donner son indépendance. Combien defois n’a-t-on pas dit que le be<strong>au</strong> résidait dans la logiqueet la simplicité ? Le résultat : exemple pour des générationsd’architectes, qui doivent prendre leurs responsabilitéspar rapport à l’avenir de la planète… Certainsnostalgiques regretteront la cabane construite sur placeavec les pierres du lieu et l’apport, par chaque visiteur,de sa part de bois de ch<strong>au</strong>ffage, mais n’avons-nous paschangé de siècle ?Bernard Attinger est architecte et actuellement présidentde l’association Altitude 1 400 qui traite des problèmesd’aménagement du territoire.


février-avril 2012 / le phare n° 10 / MUSIQUE • 23Une colère baignée de piraterieet de contes nordiques© Reto AndreoliTaiyo Onorato & Nico KrebsHappy Ending, 2006 et Broken Street Line, 2008Le collectif cuivré du chanteur bernois Andreas Schaerer régale des publicsd’ici et d’ailleurs sans se prendre <strong>au</strong> sérieux. Par Alexandre CaldaraMUSIQUEMercredi 28.03.12 / 20 HHildegard lernt fliegenHildegard lernt fliegenDVD/CD. Film, Tales Wander.CD, Live in Moscow.Unit RecordsSi Antoine de Saint-Exupéry était né à Berne dansles années 1970, peut-être <strong>au</strong>rait-il écrit : « Dessine-moiHildegard lernt fliegen ? » Et le nouve<strong>au</strong> petit princePeter Bäder <strong>au</strong>rait dessiné une silhouette ébouriffée à laproue d’un bate<strong>au</strong>, ou une Heidi contemporaine blottieà l’arrière d’une luge. La création d’un remue-ménagedoux-amer par un dessinateur qui donne de la vitesseà un groupe de musique. De l’improvisation dans descases. Et un crayon qui réécrit la mélodie. Reprenons.Hildegard est un personnage imaginaire créé par le funambulede la voix Andreas Schaerer afin de devenir unsextet, un cabaret, un clafoutis, une farce, un orchestre,et Peter Bäder, un illustrateur qui habille l’esthétique dugroupe, qui plante une fourchette dans le sol, qui sèmela tempête dans des univers apparemment calmes.Reprenons encore ; Hildegard depuis 2005 n’apprendpas seulement à voler. Hildegard amuse la galerie avecses saxophones hurlants et une voix parfois magistrale,souvent traînante. Donc Hildegard lernt fliegen proposedes fables plongées dans la mémoire de Kurt Weill etde Frank Zappa, puis divague, s’en va en forêt, lève lesyeux <strong>au</strong> ciel pendant les mariages et les enterrements.Hildegard, c’est <strong>au</strong>ssi une grappe de chape<strong>au</strong>x, de casquetteset un crâne lustré <strong>au</strong>tour d’une contrebasse ouune idée du jazz. Une bande de copains qui ne se prendpas <strong>au</strong> sérieux et qui pourtant salit le scat avec obstinationet régale très largement des publics d’ici et d’ailleurs,en grommelant, parfois en anglais, parfois en <strong>suisse</strong>-allemandune colère helvétique baignée de piraterie et decontes nordiques. Vous suivez ?Hildegard lernt fliegen prend <strong>au</strong> cirque sa bouffonnerieet sa gravité, et à la pop sa légèreté éthérée. Celadonne un produit à la croix blanche facilement exportableet des numéros de clowns où on attend la musique,mais… Andreas Schaerer, ce mutant de la voix qui sembleaimer <strong>au</strong>tant Sinatra que Rahzel, la boîte à rythmesvivante de The Roots, ce crooner nourri de hip-hop etde castrats, de numéro de passe-passe, compose avecvirtuosité des rengaines et parfois cela va plus loin. Ainsile morce<strong>au</strong> « A Tale From The Forest » que l’on peut entendresur le disque Vom fernen Kern der Sache proposede multiples renversements. Cela commence comme lesItaliens de Musica Nuda, en toute sobriété une contrebasseperdue dans l’immensité, puis une clarinette bassequi souffle en obscurité et quelques tintements de xylophonepour arriver sans s’en rendre compte vers unevoix claire évoquant Radiohead. On reste sur ce versantlonguement, avec des interruptions de batterie jungleet cela se termine par un épilogue langoureux à l’accordéon.Be<strong>au</strong>coup de mélancolie se cache derrière l’orgiede sons qu’on croit entendre <strong>au</strong> départ, ce n’est pas lemoindre charme du groupe. Mais le secret tient peut-être<strong>au</strong>ssi à ses souffleurs : Andreas Tschopp enroule son sousaphone<strong>au</strong>tour du corps, Matthias Wenger rechercheles aigus à travers saxophones alto et soprano, BenediktReising s’occupe de moduler les basses <strong>au</strong> baryton pendantque le contrebassiste Marco Müller et ChristophSteiner à la batterie font mieux qu’assurer la rythmique,ils dérapent et changent d’axes constamment.Delirium musicalOn croyait écouter une énième fanfare tzigane revisitéeet nous voilà dans Pierre et le Loup arrosé d’acide. Lemorce<strong>au</strong> se nomme « But A Dream Within A Dream » etse présente comme une série de souffles, d’agonies, puisle trombone se fend la gueule et se disloque. Et le climatévolue vers un big band des années 1950 de Broadway,classicisme et langueur. Évidemment, cela ne pouvaitdurer, des spasmes de free-jazz contaminent le morce<strong>au</strong>.Tout cela se joue toujours avec humour, Hildegardne vole pas et ne se brûle pas les ailes, mais propose unépuisement de tous ses rêves. Le crooner devient unpépère qui ralentit sa voix, comme une action sportiverevisitée à l’infini. Hildegard raconte des histoires, lesessaiment et donne à l’âme slave un parfum de röstispas désagréable.Alexandre Caldara est journaliste généraliste et <strong>culturel</strong> pourhotelrevue, www.theaterkritik.ch et la revue Dissonance.


24 • ARTS VIVANTS / le phare n° 10 / février-avril 2012février-avril 2012 / le phare n° 10 / ARTS VIVANTS • 25Festival Extra Ball2012FestivalExtra Ball 201225 – 28.04.12Sébastien Grosset& Michèle GurtnerLes Rapports or<strong>au</strong>x des services (30’)créationExtra Ball est le festival du <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong> dédié <strong>au</strong>x spectaclesvivants, en particulier à des projets hybrides, transdisciplinaires, de <strong>format</strong>sdivers. L’édition 2012, focalisée sur la scène romande, propose plusieurscréations, des collaborations inédites et des adaptations. D’<strong>au</strong>tres projetsviendront s’ajouter <strong>au</strong>x six propositions présentées ici. Par Simon LetellierLa compagniede GenèveAnne Delahaye & Nicolas LerescheLe Corps du trou (75’)AdaptationRemplir un spectacle en partant du videest un pari risqué. Pourtant, la danseuse AnneDelahaye et le comédien <strong>au</strong>x multiples facettesNicolas Leresche – qui forment la compagniede Genève – ne semblent pas avoir étéeffrayés par l’enjeu. Déjà en 2008, ils avaientcréé la surprise avec Magica Melodia, un premierspectacle présenté <strong>au</strong> festival de la Bâtieà Genève. Le projet, qui mêlait cirque, danse etmélodrame, questionnait la façon dont nousmettons en scène et dont nous romançons nosvies, mais également la notion du vrai et du f<strong>au</strong>xdans le cadre d’une représentation. Depuis, ilspoursuivent un travail singulier et transdisciplinaire,tout en collaborant avec différentescompagnies romandes (Maya Bösch, MassimoFurlan, Yan Duyvendak, l’Alakran, Nicole Seiler,etc.).En 2011, ils créent Le Corps du trou, spectaclechorégraphique et théâtral qui se présente sousla forme d’une installation per<strong>format</strong>ive. Le© Dorothée Théberttitre fait référence à une expression des Papousqui matérialise cette ambiguïté provoquée parle vide. Mais ce vide n’est pas le néant, il existepour se remplir de nos angoisses, de nos rêves,de nos fantasmes.Une première séquence tonitruante proposeun accéléré de l’actualité poussé jusqu’<strong>au</strong> paroxysmed’un absurde hilare, qui, par ricochet,permet de s’extraire de ce nive<strong>au</strong> de réalité. Lespectateur est ainsi préparé à se confronter <strong>au</strong>vide. Il pénètre dans un environnement bordéde fines membranes dorées et frémissantes.Autour d’un feu de camp, Anne Delahaye raconte,par bribes, une expédition mystérieuse,alors que Nicolas Leresche vient perturber cevoyage en amenant un <strong>au</strong>tre degré d’étrangeté.On est dans un temps étiré, <strong>au</strong>tonome, à millelieues des tracas du quotidien et des agitationsurbaines. Ce vide habité par différentestouches infra-minces prend une dimensionextraordinaire.Ce projet, créé en étroite collaboration avecRudy Decelière (plasticien sonore), SébastienGrosset (<strong>au</strong>teur et philosophe) et Gilles Baron(chorégraphe et concepteur lumière), est emblématiquede la créativité et de la vitalité decette scène émergente romande qui allie les artsvivants pour créer une expérience où le spectateurne ressort pas indemne mais agréablementet durablement troublé.Perrine Valli& Carla DemierreLa Cousine Machine (30’)créationen coproduction avec le festival concordan(s)eAprès un premier passage sur la scène duCCS le 14 avril 2012, le duo Perrine Valli et CarlaDemierre revient honorer le festival Extra Balld’une deuxième représentation de La CousineMachine, leur projet créé à l’occasion du festivalconcordan(s)e. La chorégraphe et l’écrivaineinvitent le spectateur à un voyage improbable,fruit de leur rencontre provoquée par Jean-François Munnier, directeur du festival concordan(s)e,mais <strong>au</strong>ssi de leurs peurs respectivesface à cette nouve<strong>au</strong>té inquiétante de la créationà deux, de leur envie et de leur curiositéface cette expérience unique. Le résultat estune <strong>au</strong>tre rencontre. Celle entre deux disciplinesdans lesquelles elles excellent respectivementet qu’elles n’hésitent pas à mettre <strong>au</strong>service de l’<strong>au</strong>tre, pour le plus grand bonheurdes spectateurs.© Simon LetellierUn « off », c'est-à-dire une discussion officieuseentre une personnalité publique et desjournalistes, est le point de départ du projet scéniqueintitulé Les Rapports or<strong>au</strong>x des services,créé par Michèle Gurtner et Sébastien Grossetspécialement pour Extra Ball. Ce projet, <strong>au</strong>xforts traits d’étude, est une plongée dans la paroled’un personnage public, en recourant exclusivement<strong>au</strong> dialogue entre une actrice etun dramaturge. L’objectif étant de traiter latranscription littérale du dialogue off de cettepersonnalité politique avec un groupe de journalistescomme s’il s’agissait d’une œuvre d’un<strong>au</strong>teur ayant construit une figure du pouvoir. Iln’est pas là question de reproduire cette conversationen imitant la gestuelle et l’intonation decette personne publique, mais d’inst<strong>au</strong>rer unemise à distance volontaire, encore <strong>au</strong>gmentéepar un texte nouve<strong>au</strong> qui reprend les mouvementssyntaxiques de la transcription et qui laprécède comme pour mieux déboucher sur elle.L’atmosphère presque délirante qui se dégagedu dialogue originel, mais sorti de son contexte,donne <strong>au</strong> rôle de l’actrice un semblant irréel,cocasse et inquiétant. En se concentrantsur la matérialité du langage, la pièce à caractèreexpérimental se rapproche de la poésie sonore.Les Rapports or<strong>au</strong>x des services révèlent uneattention particulière portée sur la sonorité etDenis MailleferAriane dans son bain (40’)Adaptation© Catherine MonneyThéâtre en flammeOubliez les salles de spectacles, le rapportentre gradins et plate<strong>au</strong>, ou bien les espacesouverts dans lesquels spectateurs et acteurss’entremêlent. Ici, vous êtes trois, quatre oucinq personnes, dans une salle de bains, etdevant vous, tout près, une jeune femme installéedans sa baignoire fait émerger sa tête àtravers une épaisse couche de mousse savonneuse.Pendant quarante minutes, la comédienneAline Papin dit le monologue d’Ariane,© Céline Mazzonla structure de la parole plus que sur le sens. Laforme sert ici un <strong>au</strong>tre fond que celui d'origine.Après sa licence en lettres de l’Université deL<strong>au</strong>sanne, Sébastien Grosset a travaillé commedramaturge pour Marcella San Pedro, SandraAmodio, Andrea Novicov, ou encore ChristianGeffroy Schlittler. Il écrit la plupart de ses piècespour le Club des arts, collectif dont il est cofondateur.Formée à l’école Dimitri <strong>au</strong> Tessin,l’actrice Michèle Gurtner a collaboré avec lesmetteurs en scène François Grem<strong>au</strong>d et OskarGomez Mata.l’héroïne de Belle du Seigneur d’Albert Cohen,plus précisément le chapitre où elle rêve et faitson spectacle en solitaire, en se préparant à retrouverSolal, son amant qui revient de voyagele soir même.Le spectateur peut être un peu gêné, se sentirvoyeur, étant si proche de la comédienne etdes <strong>au</strong>tres personnes dans cet espace confiné.Mais petit à petit, le récit permet de dépasserces contingences. La femme digresse sur la tailledu cou des girafes, l’usage et la saveur des fruitsmûrs, se rappelle le corps de son amant, se caresse,s’impatiente. Le charme opère, le proposest obsessionnel, cocasse, drôle parfois, et la fusionentre texte et contexte crée une situationdélicieusement sensuelle. Mais l’actrice <strong>au</strong> bainreste dans son propre monde, elle ne s’adressequ’à elle-même et « ignore » le public. Son délirene fait qu’accentuer sa solitude.La compagnie Théâtre en flamme, menée parson metteur en scène Denis Maillefer, a crééune quarantaine de pièces depuis sa créationen 1987, dont les récentes Quand Mamie (2009),Looking for Marilyn (and Me) (2010), ou LeCharme obscur d’un continent (2011). Ses piècessont régulièrement présentées dans desthéâtres tels que Vidy ou l’Arsenic à L<strong>au</strong>sanne,Nuithonie à Fribourg, le Théâtre populaire romandà La Ch<strong>au</strong>x-de-Fonds ou le Grü à Genève.Ariane dans son bain est présentée dans dessalles de bains privées sous l’égide de théâtresou de festivals.ensemBle baBelcréations à l’occasion du centenairede la naissance de John Cage© Sophie Ch<strong>au</strong>barouxParce que John Cage a tenté tout <strong>au</strong> long desa carrière d’inscrire l’art dans la vie, de sortirla musique de la scène moribonde pour la replacer<strong>au</strong> milieu des gens, dans leur quotidien etleur environnement, en cette année anniversairede John Cage, l’ensemBle baBel propose delui rendre hommage à travers une multitudesd’actions et de performances ayant pour objectifde faire revivre non seulement sa musique,mais sa philosophie. Plutôt que le concert traditionnel,c’est l’action concrète, l’action commando,participative, inattendue, impliquée,que l’ensemBle baBel a décidé de mettre en œuvre,en s’associant notamment avec le compositeur<strong>suisse</strong> d’origine hongroise Istvan Zelenka,afin de rappeler que l’art selon John Cage, nepeut être qu’un art vivant.Patricia & Marie-France MartinLà non plus plutôt là là oui c’est là (30’)créationEn 2011, <strong>au</strong> <strong>Centre</strong> Pompidou, les artistesplasticiennes et performeuses Patricia et Marie-France Martin avaient surpris avec la série desPatrick, des conférences – performances <strong>au</strong>xallures d’exploration <strong>au</strong>tobiographique sur fondde gémellité. Pour Extra Ball, elles cueillerontdes mots et des sons, dont ceux de l'ensemBlebaBel, elles décortiqueront le syndrome ducoucou, elles iront musarder Ramuz, Cage ouRousse<strong>au</strong> dans une création où la surprise ser<strong>au</strong>n ingrédient majeur.© Robert Hofer


26 • PORTRAIT / le phare n° 10 / février-avril 2012février-avril 2012 / le phare n° 10 / PORTRAIT • 27Jacqueline Burckhardt :la passion du sensCofondatrice de la fameuse revue Parkett, Jacqueline Burckhardt est unefigure clé, mais discrète, de la scène <strong>culturel</strong>le <strong>suisse</strong>. Nous avons rencontréchez elle à Zurich cette historienne de l’art passionnée de créationcontemporaine, d’architecture et d’art ancien. Par Mireille DescombesToute personne qui, en Suisse, s’intéresse à l’artcontemporain a sans doute croisé un jour la route deJacqueline Burckhardt. Souvent d’ailleurs sans le savoirtant cette historienne de l’art <strong>suisse</strong> alémanique est eneffet <strong>au</strong>ssi discrète qu’influente. Elle écrit, participe àde nombreux jurys et commissions, conseille les collectionneursinstitutionnels et sans doute <strong>au</strong>ssi les privés.Elle défend les jeunes créateurs et compte parmi sesamis les artistes contemporains les plus importants.Elle peut ainsi, comme s’il s’agissait d’une chose toutePortrait illustré par Cl<strong>au</strong>dia Jordi, étudiante à la H<strong>au</strong>te École de Lucernenaturelle, vous raconter ses merveilleuses rencontresavec Andy Warhol, évoquer la personnalité complexe deSigmar Polke ou se réjouir de la générosité de PipilottiRist. Autant dire qu’on l’écoute bouche bée.Le feu de l’actualité, la compétition avec ses pairs, labanalisation agressive des pages people ? Ce n’est pas satasse de thé. Jacqueline Burckhardt, née en 1947 à Bâle,préfère la discrétion des coulisses et l’intensité de la recherche.« Une sorte d’éminence grise » de la culture<strong>suisse</strong>, résument de fins connaisseurs. La définition luiplaît assez. « N’oubliez pas que j’ai une <strong>format</strong>ion de rest<strong>au</strong>ratriced’art. C’est un métier où l’on a l’habitude de resterun peu dans l’ombre » ajoute-t-elle. Elle déteste <strong>au</strong>ssil’ennui de la routine et la poussière des institutions. Satrajectoire se révèle donc bien moins rectiligne qu’onpourrait l’attendre d’une fille de diplomate issue d’unefamille patricienne bâloise. « Ma vie est un drôle de mixedgrill », admet-t-elle dans un éclat de rire. Pas toujoursfacile de la suivre quand, dans son bel appartement zurichoisde la vieille ville, à deux pas d’une paisible placeoù glougloute une fontaine, elle évoque les racines desa passion pour l’art.Départ donc pour Rome, où tout a commencé. « J’y aivécu de 6 à 10 ans. Et c’est là, dans cette cohabitation avecle passé et les strates de l’histoire, qu’est née ma passionpour l’archéologie. Car oui, <strong>au</strong> départ, je voulais devenirarchéologue de terrain. » Quand la famille rentre enSuisse et s’installe à Berne, la jeune fille passe ses vacancessur des champs de fouilles près de Naples. Demerveilleux souvenirs.Touche-à-toutEt <strong>au</strong> moment d’entamer des études supérieures, le besoinde rester en contact étroit avec la matière et les objetsest toujours là. Devenir rest<strong>au</strong>ratrice d’art lui sembleun bon moyen de le satisfaire. Afin de préparer l’entréeà l’Istituto Centrale del Rest<strong>au</strong>ro à Rome, JacquelineBurckhardt suit les cours d’histoire de l’art à l’Universitéde Zurich. « J’ai cru mourir. Les salles étaient sombres,les diapositives qu’on nous projetait affreuses, le ton desprofesseurs monotone, les étudiants s’ennuyaient. De quoim’encourager à partir <strong>au</strong> plus vite. »À Rome, l’atmosphère est tout <strong>au</strong>tre,l’équipe solidaire et soudée, les œuvresétudiées de grande qualité. « J’aimême eu l’occasion de travailler sur La Flagellation duChrist de Piero della Francesca, se souvient-elle fièrement.Bon, uniquement dans le bord, mais tout de même ! »Pour satisfaire sa soif de terrain et, déjà, son intérêtpour l’architecture, elle se spécialise en peinture murale.Dublin, Brasov dans la Roumanie de Ce<strong>au</strong>sescu,Venise, les chantiers se succèdent. Une mission très difficilede l’Unesco à Göreme, en Anatolie, sera déterminantepour la suite de sa carrière. « C’était un énormechallenge pour une femme, d’<strong>au</strong>tant plus en période deramadan. Comme il n’y avait rien à faire le soir, j’apprenaisla poterie et je donnais des cours d’allemand à desmarchands de tapis. Mais j’ai attrapé une vilaine hépatitevirale et j’ai dû rentrer pour me soigner. »Retour en Suisse donc, et retour à l’université carles médecins lui interdisent pour un certain tempstout contact avec les produits chimiques. Elle travaillesur le peintre et architecte maniériste Giulio Romano,l’élève favori de Raphaël, artiste universel à la cour deFederico Gonzaga à Mantoue – elle lui consacrera sathèse – puis entre <strong>au</strong> Kunsth<strong>au</strong>s de Zurich comme rest<strong>au</strong>ratrice.Parallèlement, elle commence à s’intéresserde plus en plus à l’art contemporain, notamment par lebiais de la performance.Plus question désormais de se limiter à l’offre <strong>culturel</strong>lezurichoise. Avec la critique et curatrice Bice Curiger,qu’elle a rencontrée en histoire de l’art à l’université, ellepart à la découverte de la scène new-yorkaise, y rencontreL<strong>au</strong>rie Anderson et bien d’<strong>au</strong>tres. Et en 1984, encollaboration avec trois <strong>au</strong>tres complices, les deuxjeunes femmes créent Parkett, une revue d’art bilingue(allemand/anglais) qui se veut un pont transatlantiqueentre l’Europe et les États-Unis. Dans ses numéros quivisent l’excellence tant dans le choix des artistes quedans celui des <strong>au</strong>teurs, on découvre Katharina Fritsch,Sigmar Polke, P<strong>au</strong>l McCarthy ou les Suisses Peter Fischliet David Weiss. Chaque collaboration débouche en outresur une édition limitée, des multiples qui, <strong>au</strong> fil des ans,vont devenir des objets de collection fort recherchés.Après quelques années, Jacqueline Burckhardt quitteson poste de rest<strong>au</strong>ratrice <strong>au</strong> musée. « Ma tâche consistaitessentiellement à jouer les policiers et à déceler le« Ma vie est un drôlede mixed grill »moindre dégât quand une œuvre partait en prêt ou nousrevenait. Un peu frustrant quand on a connu <strong>au</strong>tre chose. »L’historienne de l’art met alors son œil, son savoir etson immense rése<strong>au</strong> <strong>au</strong> service de diverses institutions,fondations et entreprises. D’abord, le département Artsvisuels de la Fédération des coopératives Migros, puisla Fondation Nestlé pour l’art. Parallèlement, elle estmembre puis présidente de la Commission fédérale desbe<strong>au</strong>x-arts où elle lutte pour que des bourses soientégalement attribuées <strong>au</strong>x architectes et <strong>au</strong>x critiques.Toujours sa passion de la globalité, son refus des cloisonsentre les disciplines.Quand Novartis lui propose, en 2006, de succéder <strong>au</strong>grand curateur Harald Szeemann en tant que conseillèreartistique, elle est ravie. Il s’agit en effet de choisirles œuvres destinées <strong>au</strong> campus de Bâle de l’entreprisepharmaceutique, des bâtiments construits par de prestigieuxbure<strong>au</strong>x d’architectes comme Sanaa, Diener &Diener, Frank Gehry et bien d’<strong>au</strong>tres. « Faire une collectionde noms ne m’intéresse pas. Ce qui me plaît, c’est dechercher le meilleur accord possible entre une œuvre etson contexte, afin qu’elle puisse parler, rayonner et fairesens. Toujours mon côté peinture murale. J’aime que lesœuvres aient un environnement qui leur convient. Ce qui,même dans les musées, est loin d’être toujours le cas. »L’accord entre les gens, <strong>au</strong>ssi, luitient à cœur. Pour éviter blocages,conflits stériles et discussions, ellea compris que, même quand on s’occuped’art dans les entreprises, il f<strong>au</strong>t toujours dialoguer<strong>au</strong> plus h<strong>au</strong>t nive<strong>au</strong>. « Ce que j’appelle ma théoriedu “ Hochnebel ” (stratus, réd.), rigole-t-elle. Aller versle soleil ou choisir de rester en bas. Mais ne jamais seplacer dans le Hochnebel. C’est le pire endroit, l’horizonest bouché, on ne voit plus rien. »Dans un monde qui court derrière la performance,Jacqueline Burckhardt se revendique d’un certain hédonisme.Elle aime notamment be<strong>au</strong>coup écrire, « pourréfléchir ». Et si <strong>au</strong>jourd’hui, l’aventure de Parkett continue(même si la parution est passée récemment de troisà deux numéros par an), c’est <strong>au</strong>ssi grâce à l’amitié. Onl’interroge donc tout naturellement sur la Biennale deVenise dirigée en 2011 par Bice Curiger et à laquelle onne doute pas un instant qu’elle ait participé. « J’ai effectivementfait plusieurs voyages avec elle, notamment <strong>au</strong>Brésil, en Colombie et à Moscou. Et j’ai passé pas mal detemps à Venise. Il n’y a rien qu’on ne discute pas ensemble.On y est tellement habituées. Et si le Tintoret était présentdans cette manifestation dédiée à l’art contemporain, jen’y suis sans doute pas totalement étrangère. »Couverture du numéro 89 de la revue ParkettJacqueline Burckhardten quelques dates1947 : Naissance à Bâle.Elle grandit à Prague, Oslo,Stockholm, Rome et Berne.1968-1972 : Istituto Centraledel Rest<strong>au</strong>ro à Rome.1979-1982 : Rest<strong>au</strong>ratriceet curatrice du programmede performances <strong>au</strong> Kunsth<strong>au</strong>sde Zurich.1983 : Cofondatriceet coéditrice du magazineParkett.1986-1989 : Directricedu département Arts visuelsà la Fédération descoopératives Migros.1989 : Collaboratricede l’exposition« Giulio Romano » à Mantoue.Cocuratrice de l’exposition« Meret Oppenheim »à la Kunsthalle de Winterthour.1992-1998 : Membre(et présidente depuis 1995)du conseil de fondationde la Fondation Nestlé pour l’art.1993 : Doctorat à l’Universitéde Zurich : « Giulio Romano :Regisseur einer verlebendigtenAntike ».1998-2006 : Présidentede la Commission fédéraledes be<strong>au</strong>x-arts.Depuis 2006 : Conseillèreartistique pour le CampusNovartis à Bâle.Depuis 2008 : Directricede la Sommerakademiedu Zentrum P<strong>au</strong>l Klee à Berne.


février-avril 2012 / le phare n° 10 / LONGUE VUE • 31L’actualité <strong>culturel</strong>le <strong>suisse</strong> en France / Expositions© Stefan Altenburger© Courtesy Galerie chez Valentin, ParisPÉRIMÈTRE ÉTENDUDelphine CoindetDavid RenggliAprès Jordi Colomer, c’est <strong>au</strong> tourde l’artiste Delphine Coindet d’exposerdans la galerie Art et Essai de l’UniversitéRennes 2. Invitée du master Métierset Arts de l’exposition, elle proposeun work in progress, <strong>au</strong>tour de l’œuvrecentrale Podium Médicis, initiéelors de sa résidence à la Villa Médicisà Rome en 2011/2012. Cette artiste<strong>au</strong> répertoire hétéroclite : formesgéométriques, objets du quotidien,textures diverses et variées, oscille entrel’industriel et la récupération, entrel’utilisation de matéri<strong>au</strong>x p<strong>au</strong>vreset luxueux. Réalisées à l’usine selondes plans et des schémas, ses sculpturesenvironnementales sont pensées selonl’espace proposé et la dimensionparticipative qu’elle souhaite y apporter.Public, performeur, acteur, danseur,musicien sont amenés à expérimenterce décor empreint d’une théâtralité.Podium Médicis, présenté en partenariatavec l’<strong>au</strong>teure et performeuseChloé Del<strong>au</strong>me, à la Villa Médicis dansle cadre du Théâtre des Expositions #2,et à la Nuit Blanche à Metz en 2011,symbolise des notions synonymesde pouvoir pour l’artiste : l’anticipation,l’émancipation, l’énonciation,l’invention, la modification, la résilienceet la séduction. Suivant un Périmètreétendu, cette sculpture modulabledialogue avec d’<strong>au</strong>tres œuvresde l’artiste, telle que la peinture surcarton Phylactère ; et avec des invitésde Delphine Coindet comme l’écrivainet <strong>au</strong>teur de nombreuses pièces dethéâtre, Narcisse Praz. Romain SalomonRennes, Galerie Art et Essai,Université Rennes 2,du 8 mars <strong>au</strong> 13 avril 2012David Renggli a quelque chosede dadaïste. Créé en 1916 à Zurich,dans l’idée de « briser les conventionsimposées dans l’art et la littératureen vouant un culte à la libertéde création sous toutes ses formes »,ce mouvement a bouleversé l’histoirede l’art et les générations suivantesd’artistes. Pour sa quatrième expositionà la galerie Chez Valentin, l’artistezurichois fait régner un sentimentde l’ordre de l’absurde. Son œuvre,qui échappe à toute logique, semblerésister à une interprétation rationnelle.Ses sculptures, photographies etpeintures renferment une contradictionpar l’assemblage de styles, élémentset matéri<strong>au</strong>x. Manufacturées, bricolées,déstructurées mais recherchées,ses sculptures/installations ne sont pasfaites <strong>au</strong> hasard. Une place pourchaque chose et chaque choseà sa place. Des matières antinomiquesse côtoient, générant plusieurs lectureset cadrages sur une même œuvre.Une fragilité, un équilibre inintelligibleparfois, créent un sentiment de forceet de légèreté. Ses expositionssont comme un cabinet de curiosités« rempli » d’objets hétérogènes :sculptures parfois posées sur socleou sous vitrine (ce qui leur donne unstatut), peintures <strong>au</strong> mur, compositionsphotographiques de natures mortes,de mises en scène et de rapprochementséphémères. David Renggli nous emmènedans un monde onirique <strong>au</strong> potentielcomique, où chacun est libre d’imaginerl’Histoire et l’histoire de ce qui luiest proposé. RSParis, Galerie Chez Valentin,du 10 mars <strong>au</strong> 21 avril 2012© Courtesy Galerie Campagne Première, Berlin© Courtesy Galerie Anne de Villepoix, ParisLe hibou tourne la tête pour regarder ailleursVittorio SantoroUrban DiamondsPeter AerschmannL’abus d’alcool est dangereux pour la santé. À consommer avec modération1963 VÉTROZ - VALAIS - SUISSE - TÉL. : +41 27 346 12 16 - FAX : +41 27 346 51 32 - INFO@JRGERMANIER.CH - JRGERMANIER.CHLa nouvelle œuvre de Vittorio Santorojoue avec et sur le langage, s’extraitde films, romans, manifestes, toutce qui peut être utile pour une nouvellemanifestation langagière. Ce termequi désigne généralement les traducteurset interprètes, convient parfaitementà son travail de mise en perspectived’un discours. Des mots et des phrasesdessinés, peints, en lettres de néon,sonores se reflètent et se font échodans des miroirs, sont illuminéspar des ampoules… Plusieurs stratessont définies, plusieurs nive<strong>au</strong>x delecture sont proposés. La lumière varieen fonction d’un langage sonore,qui lui-même change quotidiennementet se retrouve retranscrit dans la légendede Goodbye Darkness IV – ElephantsDon’t Play Chess (a loose conversationon some aspects of BWV 1001–1006with Kerwin Rolland) (2010), inspiréed’une conversation avec l’ingénieur etplasticien sonore Kerwin Rolland, <strong>au</strong>tourdes Six Sonates et Partitas pour violonseul de Jean-Sébastien Bach.Ses time based text work retracentle temps et l’espace d’un gestejournalier d’une même phrasesur la même phrase, ce qui lui donneun effet sculptural. Rechercheshistoriques, industrielles, per<strong>format</strong>ivessont caractéristiques de ce travail quel’on peut retrouver dans son nouve<strong>au</strong>livre D(a)edalus, My Father’s HorseTaken From The Mill, a tourné en rond<strong>au</strong>tour d’une statue de… et lorsdu Nouve<strong>au</strong> Festival <strong>au</strong> <strong>Centre</strong> Pompidou(22 février – 12 mars 2012) avec soninstallation sonore You Are Still Here. RSParis, Fondation d’entreprise Ricard,du 6 <strong>au</strong> 31 mars 2012Peter Aerschmann nous plonge dansun univers réel et surréaliste à la fois.À l’aide d’un logiciel in<strong>format</strong>ique,cet artiste crée un espace virtuel danslequel vient s’imbriquer de manièrealéatoire (selon la technique du loop),des images collectées à traversle monde et qui constituent une basede données. Éléments connus, tranchesde vie… sont extraits et isolésde la masse <strong>au</strong> moyen de la photographieet du film, pour être agencés dansun temps et un espace non déterminés.De manière cyclique, ses vidéos parfoisinteractives sont représentativesd’une certaine aliénation de l’individudans la société. Les gestes humainset industriels sont répétitifs, lemouvement est ralenti, ce qui laisse<strong>au</strong> spectateur la possibilité de décryptercette mécanique bien huilée.Pour son exposition dans le ProjectRoom de la galerie Anne de Villepoix,Peter Aerschmann présente ses dernièresvidéos, dont une projection muralede Urban Diamonds, réalisées en 2011lors d’une résidence <strong>au</strong> Cap età Johannesburg en Afrique du Sud.Ces vidéos, dont une partie était visiblelors de la dernière édition de ParisPhoto, dressent un panorama de scènesquotidiennes africaines hors de leurcontexte. La projection murale faitcohabiter différents ouvriers <strong>au</strong>xmouvements saccadés, dans un décor<strong>au</strong>x allures de no man’s land. Dansun temps infini, l’individualité soulignéeest replacée <strong>au</strong> sein d’un groupe, unipar un même geste mécanique similaireà une chorégraphie. RSParis, Galerie Anne de Villepoix,du 14 janvier <strong>au</strong> 25 février 2012


32 • LONGUE VUE / le phare n° 10 / février-avril 2012février-avril 2012 / le phare n° 10 / MADE IN CH • 33L’actualité <strong>culturel</strong>le <strong>suisse</strong> en France / ScènesL’actualité éditoriale <strong>suisse</strong> / ArtsLibrairiedu CCSMonsieur chasse !Robert SandozÀ 35 ans, Robert Sandoz figure parmiles metteurs en scène les plus talentueuxde Suisse romande. Qu’il monteles textes d’Olivier Py, de Murakami,de Feyde<strong>au</strong> ou de Henry B<strong>au</strong>ch<strong>au</strong>,ses réalisations ne témoignent passeulement d’un savoir-faire, mais <strong>au</strong>ssid’une humanité, d’un goût pour le récit,d’une science du rythme et de la forme,et encore d’un art de l’alternanceentre tension et répit. Certains metteursen scène sont minimalistes, agissenten creux. Lui construit des univers forts,ose des solutions spectaculaires,des univers souvent music<strong>au</strong>x,et ces paris lui réussissent. En témoigneMonsieur chasse, créé en janvier 2011<strong>au</strong> Théâtre de Carouge, à Genève.Pour le v<strong>au</strong>deville des v<strong>au</strong>devillesde Georges Feyde<strong>au</strong>, celui qui, en 1892,a permis à l’<strong>au</strong>teur comique de sortir© Stefan Altenburgerde la disette et parader sur les trottoirsdu Boulevard, Robert Sandoz a optépour la ligne claire et un décor coulissant.Pas de murs latér<strong>au</strong>x, mais des railssur lesquels glissent le divan du salon,les balcons et, surtout, les portes,véritables emblèmes claquants chezFeyde<strong>au</strong>. Joan Mompart en tête– son Moricet est simplement génial –,les comédiens adoptent cette idéede clarté et de jeu en mouvement.Pas de gras, chez ces personnages,ni de tics bourgeois. Mais une enviede comprendre comment on vitlorsqu’on a une femme et un chez-soi.Il y a dans cette mise en scènedisloquée un côté Jacques Tati. Commesi la modernité charriait un vertige.Marie-Pierre GenecandThéâtre de l’Ouest parisien, Paris,du 21 <strong>au</strong> 27 mars 2012© Augustin RebetezL’épreuve et les acteurs de Bonne foiRobert BouvierLa mise en scène est virevoltante,animée. Les acteurs, volontiersfarceurs, marchent accroupis commedes canards, se poussent en basdu sofa ou s’embrassent furtivementdans le noir. Robert Bouvier, directeurdu Théâtre du Passage à Neuchâtel,ne se limite pas à un genre théâtraldonné. Il peut tout <strong>au</strong>ssi bien orchestrerles mélancolies romantiques deLorenzaccio de Musset, déployerles longues plages inertes des Estivantsde Gorki ou encore trouver la veinecomique et populaire des Peintres<strong>au</strong> charbon de Lee Hall. Ici, avec LesActeurs de bonne foi, le metteur en scèneromand joue à jouer, c’est-à-dire qu’ilexploite à fond le procédé marivaldiende la mise en abyme dramatique.Soit une dame bien née qui demandeà son valet, Merlin, de présenter© Marc Wanappelghem© Isabelle Meister © courtesy Galerie Campagne PremiËre Berlinune comédie pour divertir une invitée.Mêlant fiction et réalité, Merlin imagineune histoire où il croise les partenairesdes couples existants et laisse la magiedu théâtre opérer. Qui sait, l’art avecses masques sait peut-être mieux quenotre esprit ce qui est bon pour nous ?Le jeu sur la fiction anime <strong>au</strong>ssiL’Épreuve, mise en scène par AgatheAlexis avec les mêmes comédiens(Robert Bouvier, Frank Mich<strong>au</strong>x,Guill<strong>au</strong>me Marquet, etc.) Un riche citadinse transforme en valet pour éprouverl’amour de sa dulcinée. Il y a toujourschez Mariv<strong>au</strong>x une cru<strong>au</strong>té à tester ainsiles limites de la probité. Mais la démarcheest diablement théâtrale et les deuxmetteurs en scène de cette soiréese font un plaisir de l’explorer. MPGThéâtre municipal de Colmar,les 22 et 23 févrierTrois films photographiés– A change of speed,A change of style,A change of scene– After birds– screen o scopePhilippe Decr<strong>au</strong>zat<strong>Centre</strong> d'édition contemporainePeintre de l’abstraction et de l'op art,réalisateur de films selon la techniquedu found footage, Philippe Decr<strong>au</strong>zatjoue avec la perception. Les lignesse meuvent pour une troisièmedimension, les images sont récupéréespuis recomposées pour de nouvellesséquences cinématographiques.À l’occasion de son exposition Nystagmus<strong>au</strong> <strong>Centre</strong> d'édition contemporaineà Genève en 2011, l’artiste passedu cinéma <strong>au</strong> livre. Il réalise un véritableobjet d’art, issu de prises de vuede la projection de trois de ses films.Romain SalomonStandingon the Beachwith a Gunin my HandEternal Tour – Jérusalem – RamallahÉditions BlackjackCette publication est la traced’une action menée depuis 2007par l’association Eternal Tour.Créée à Genève par Donatella Bernardi,artiste, Sara Dominguez-Carlucci,experte en relations internationales,Noémie Étienne, historienne de l’art,et Asuman Kardes, artiste et juriste,l’association a créé un festivalartistique et scientifique annuel.Le but est d’investir des villes commeJérusalem-Est et Ramallah en 2010,pour « repolitiser la pratique dutourisme ». Intellectuels <strong>au</strong>tochtoneset étrangers interagissent pourlivrer un événement et un livre <strong>au</strong>xmultiples visages. RSHans Was HeiriZimmermann & de PerrotUn plancher qui penche dangereusement,un miroir qui ment et ne renvoie pasl’image attendue, une porte quise dérobe… Chaque spectacle desacrobates musiciens Martin Zimmermannet Dimitri de Perrot détourne le réelet joue avec les objets usuels de notrequotidien. « Nous cherchons l’impossibledans le possible. Les objets sont pournous des êtres vivants », observe le duod’artistes helvétiques dont les productionsde danse-théâtre sont plébiscitéesen Suisse et à l’étranger. Hans wasHeiri , leur dernière création, n’échappepas à la règle de cet art inventif etludique. Dans ce spectacle dont le titresignifie « bonnet blanc, blanc bonnet »en allemand, Zimmermann et de Perrottravaillent avec un immense brasarticulé, machinerie scénique qui évoquele champ de foire plus que la scènede théâtre ou le plate<strong>au</strong> de danse.Entourés de cinq artistes de cirque— acrobates, mimes, danseurs etmusiciens – les deux facétieuxpoursuivent une grande ambition :s’intéresser à l’infiniment petit. « Nousconstruisons nos pièces en partantde ce qui est petit, de ce qui ne se voitplus, de ce qui refait surface dansles moments d’inattention, voilà ceque nous explorons et collectionnons »,expliquent les artistes qui travaillentensemble depuis 1999. Une manièretrès modeste – très <strong>suisse</strong> en fait –de décrire une déferlante d’imageset de mouvements qui, par la poésieet le talent, fascine durablement. MPGLe lieu unique, Nantes,du 28 février <strong>au</strong> 3 marsThéâtre de la Ville, Paris,du 11 <strong>au</strong> 15 avrilLa reine des NeigesJoan MompartJoan Mompart est un acteur et unmetteur en scène ailé, sensible à l'universmusical, <strong>au</strong>x mots qui claquent dansl'air et à la be<strong>au</strong>té des images. Sa Reinedes neiges reflète bien cette idée. Pourréch<strong>au</strong>ffer le glacial conte d'Andersen,Joan Mompart opte pour deux bellessolutions. D'une part, un orchestre joueles compositions du Suisse ChristopheSturzenegger. De l’<strong>au</strong>tre, un systèmede projections animées crée un décoren mouvement : ville flottante et visagesd'enfants qui se déforment sous l'effetd'un miroir maléfique. C'est magiqueet bien soutenu par trois comédiensvirtuoses dans le jeu vif et le changementde costumes. À eux seuls, ils incarnentune quinzaine de personnages, du plusdoux <strong>au</strong> plus effrayant. MPGThéâtre de Corbeil-Essonnes,les 13 et 14 mars 2012Utopie d’une mise en scène 2Christian Geffroy SchlittlerDans un entrepôt où s'entassentdes produits divers, l'homme de théâtreMeyerhold (David Gobet) et le poèteMaïakovski (Olivier Yglesias) se débattententre l'élan révolutionnaire etson application. Au milieu d'eux, NikolaïErdman (Christian Geffroy Schlittler),un intellectuel plus jeune et avidede repères, recadre le débat. ChristianGeffroy Schlittler aime faire descendreles figures tutélaires de leur piédestal.Et ce parti est jubilatoire pour lescomédiens comme pour les spectateurs.Utopie d'une mise en scène 2 explorele formidable essor artistique qui aaccompagné sinon provoqué la révolutionrusse (1917-1920). Dispersé <strong>au</strong> cœurmême du décor, le public assiste à deuxspectacles en même temps. MPGLa Fermeture Éclair, Caen,du 25 <strong>au</strong> 27 avril 2012PulsationsCatherine GfellerÉditions PeriferiaPhotographe et vidéaste, CatherineGfeller traite de la condition humaine.Sous la forme de montages,elle présente l’agitation de la ville,des instants de vie, l’individu <strong>au</strong> milieude la foule. Publié à l’occasionde son exposition Pulsations <strong>au</strong> Muséedes Be<strong>au</strong>x-Arts de La Ch<strong>au</strong>x-de-Fonds(2010), <strong>au</strong> <strong>Centre</strong> régional d’artcontemporain à Sète et <strong>au</strong>Kunstmuseum de Lucerne (2011),ce catalogue retrace les déambulationspubliques et intimes de l’artiste.Des moments, des interstices,des signes d’un évènement en trainde se passer ou à venir. RSCyanotypesChristian MarclayÉditions JRP I RingierVenise fait désormais écho à son nom.Avec son installation vidéo The Clock(2010) également présentée <strong>au</strong><strong>Centre</strong> Pompidou à Paris en septembredernier, l’artiste américano-<strong>suisse</strong>Christian Marclay s’est vu décerneren 2011 le Lion d’or du meilleur artistede la 54 e Biennale d’art contemporainde Venise. Plasticien, vidéaste,musicien, performeur, l’artiste nouslivre ses dernières expérimentationsphotographiques, sur cette surfacephotosensible bleue, plus connue sousle nom de cyanotype. RSIntro-retro/spectifRobert IrelandÉditions InfolioRobert Ireland navigue dans et horsdu cadre. Peintures dans le whitecube, interventions temporaires oupermanentes dans la sphère publiqueet privée, le définissent. Les villesde L<strong>au</strong>sanne, Genève et Fribourgaccueillent sa pensée formelle.Dans une intro-rétro/spection, texteset entretiens font un point sur l’artisteet sa pratique artistique. La genèse,le contexte de création, son rapport<strong>au</strong> monde, à l’art, à l’écriture ;son questionnement sur la mémoire,le passé, l’espace… sont dévoilés. RSValentin CarronÉditions JRP I RingierAvec ses sculptures, Valentin Carrondétourne les images et symbolespopulaires et religieux. Il s’emparenotamment de la culture <strong>suisse</strong>avec ses traditions et ses folklores.Des objets de différentes époquessemblent être récupérés, déplacéset intégrés dans une contemporanéité,comme lors de son exposition<strong>au</strong> Palais de Tokyo à Paris en 2010.Avec ce nouvel ouvragemonographique, l’artiste présenteson vocabulaire : croix en bois,sculptures à la Giacometti ou<strong>au</strong>x influences grecques, murs crépis…<strong>au</strong>tant d’éléments référentiels. RS


34 • MADE IN CH / le phare n° 10 / février-avril 2012février-avril 2012 / le phare n° 10 / MADE IN CH • 35Librairiedu CCSL’actualité éditoriale <strong>suisse</strong> / ArtsL’actualité éditoriale <strong>suisse</strong> / ArtsLibrairiedu CCSLes Frères ChapuisatÉditions <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong> de ParisL’exposition monumentale se termineà peine que les Frères Chapuisatreviennent nous envahir avec un livre,le premier qui reprend l’ensemblede leurs créations. Trente-huit projetsillustrés par des photographiesde montage qui révèlent l’enversdu décor de ces œuvres un peu folles,où les Frères Chapuisat dorment,mangent et vivent sur place. Une façonde tester ces bestiaires fantasmagoriquesavant que leurs occupants étranges(eux <strong>au</strong>ssi dans le livre), <strong>au</strong>x têtesdéformées, mais rappelant vaguementun animal familier, viennent s’y installer.S'il confirme leur nette préférence pourle bois, le livre nous révèle <strong>au</strong>ssi avecquel brio ils manipulent et utilisentd’<strong>au</strong>tres matéri<strong>au</strong>x, comme le bétonet le carton, pour assouvir leurs velléitéscréatives les plus folles. Simon LetellierMarc B<strong>au</strong>erÉditions KehrerLe travail de Marc B<strong>au</strong>er, qui fait partiedes acquisitions récentes du Cabinetd’art graphique du <strong>Centre</strong> Pompidou(Paris), exposées en 2011,mélange mémoire collective etpersonnelle. Son dessin <strong>au</strong>x alluresvives, parfois comparable à un croquis,véhicule une attitude d’urgenceet d’immédiateté. Pour son exposition<strong>au</strong> Kunstmuseum de St-Gall(Suisse), cette monographie retraceses différentes séries telles plusieursnarrations historiques, suivantsa technique de fragmentationet d’association libre des images. RSLivres de photographie SUISSESde 1927 à nos jours / Une <strong>au</strong>trehistoire de la photographieLars Müller PublishersNe cherchez pas, ce livre n’est pas uncatalogue de photographes <strong>suisse</strong>ssagement classés par ordre alphabétique.Au lieu de faire un énième livre surles photographes, Lars Müller Publishersa préféré se concentrer sur l’histoirede la photographie <strong>suisse</strong> <strong>au</strong> traversdes livres de photographie. De Aircraftde Le Corbusier, à What You Seede Luciano Rigolini en passantpar Urs Lüthi et son livre éponyme ouencore The Americans de Robert Frank,les plus be<strong>au</strong>x livres de photographie<strong>suisse</strong>s nous éclairent sur la qualité– encore et toujours – de l’éditionhelvétique et apportent un complémentd’histoire <strong>au</strong> médium photographiquedans un magnifique ouvrage. SLBD RepoRter - Du Printempsarabe <strong>au</strong>x coulisses de l’ÉlyséeChappatteÉditions GlénatAutrefois, les dessinateurs de pressese contentaient d’attendre lesactualités pour les mettre en images.Chappatte était de ceux-là. Maisdepuis 1995, il est devenu dessinateurreporter. Ce nouve<strong>au</strong> journalismeest le fruit d’une volonté de voirde plus près les visages et les lieuxqui font l’actualité. BD Reporterest le fruit de ces voyageset de ces rencontres dans un mondeoù l’actualité va toujours plus vite.Mêlant états d’âme, émotionsmais <strong>au</strong>ssi rigueur journalistique,le dessinateur reporter livre un récitpoignant et illustré sur le Printempsarabe, les bidonvilles de Nairobiet la guerre à Gaza entre <strong>au</strong>tres. SLUNIVERSENMarkus et Reto HuberÉditions Patrick FreyIn the begining it was humideBastien Aubry & Dimitri BroquardÉditions NievesIncongru - Quand l’art fait rireCoédition Infolio / Musée Cantonaldes Be<strong>au</strong>x-Arts, L<strong>au</strong>sanneConversations, volume IHans Ulrich ObristManuella ÉditionsFUC(K)Ron Rege Jr.Éditions Bülb ComixLes gratte-cielGermano Zullo/AlbertineÉditions La Joie de lireAtelier oïWorkshop GuideAveditionLectureValerio OlgiatiÉditions BirkhäuserDéjanté. Voilà comment l’on pourraitqualifier le travail des frères zurichois.Ce nouve<strong>au</strong> livre en est la preuveet nous offre l’opportunité de plongerdans leur univers surprenant. Au traversde leurs collages mêlant photographiesde paysages en noir et blancet images en couleurs d’anim<strong>au</strong>x dansdes situations impossibles. Le toutdonne une impression de visiter uneplanète tout droit sortie de l’imaginairede James Cameron, où l’on pourraitcroiser deux tigres en pleine montagne,dévorant un moine<strong>au</strong> géant sousle regard médusé d’un garçonnet.Un doux mélange entre le burlesquede Plonk et Replonk et l’imaginairedes frères Chapuisat. SLBastien Aubry et Dimitri Broquardforment un duo d’artistes inspiré parl’art brut et les arts appliqués commel’artisanat et la céramique <strong>au</strong> serviced’une folie créative débordante.Regroupés sous le nom de Studio Flag,ils travaillent <strong>au</strong>ssi bien sur desexpositions que pour des institutions<strong>culturel</strong>les ou des magazines. Ce livre– le quatrième <strong>au</strong>x éditions Nieves –présente une large sélectionde leur travail de ces dernières annéesavec la céramique. Tronçonneuse,pichets, porte-stylo en paire de mainsenchaînées, et <strong>au</strong>tres créations étrangesforment une joyeuse collection d’objetsincongrus et colorés qui font penser<strong>au</strong>x tentatives ratées d’un grouped’enfants dans un cours de poterie. SLL’art est une affaire sérieuse. Pourtantses évocations et son <strong>au</strong>dace prêtentparfois à sourire. À l’occasion del’exposition Incongru – Quand l’art faitrire <strong>au</strong> Musée cantonal des Be<strong>au</strong>x-Artsde L<strong>au</strong>sanne, sort un livre d’expositionqui fera pleurer à ch<strong>au</strong>des larmesceux qui n’ont pu y aller. Commentne pas pouffer devant Wim Delvoyeet sa petite annonce gravée dansla roche ? Comment ne pas s’esclafferà la vue du galeriste de M<strong>au</strong>rizio Cattelanscotché <strong>au</strong> mur par ce dernier ?Comment se retenir devant un RonaldReagan hilare à la face déforméepar Jim Shaw ? Un bon remède contrela sinistrose. SLCodirecteur de la prestigieuseSerpentine Gallery depuis 2006, leSuisse Hans Ulrich Obrist est considérécomme un dieu sur la planète Art.Mais parallèlement à ses activitésd’organisateur d’expositions,Hans Ulrich Orbist a commencé, <strong>au</strong>début des années 1990, une successionde conversations avec des architectes,des comédiens, des musiciens,des philosophes ou des designers.Ce premier volume regroupe 79conversations que l’<strong>au</strong>teur a euesavec Matthew Barney, Jeff Koons,Melvil Poup<strong>au</strong>d, Jamel Debbouze,Moebius et bien d’<strong>au</strong>tres, eten suivant le modèle encyclopédiquede l’entretien conçu commeun fructueux échange d’idées. SLQuand un magicien de la bandedessinée américaine Ron Rege Jr.rencontre la maison d’édition de bandedessinée <strong>suisse</strong>, cela donne Fuc(k).Avec ses personnages qui se résumentà trois traits et ses mises en pagefantasques, l’<strong>au</strong>teur arrive à rendretoute la complexité des rapportsamoureux dans des petits récitsincroyables de légèreté. L’hésitationdes premiers temps, un voyageen amoureux qui tourne <strong>au</strong> massacre,des petits moments anodins de purejoie, un passage foireux d’une femmeà une <strong>au</strong>tre, <strong>au</strong>tant de tranches de viebrillamment mises en perspectivepar un humour qui ne se fait jamais<strong>au</strong> détriment des personnages. SLDeux milliardaires construisent chacunleur nouvelle maison, de véritablesgratte-ciel où s’empilent les stylesarchitectur<strong>au</strong>x les plus diverset les plus douteux. Et c’est à celuiqui construira le plus h<strong>au</strong>t. Ils prennentl’avantage à tour de rôle, jusqu’<strong>au</strong> jouroù les architectes leur font comprendrequ’il est devenu impossiblede continuer. Les deux milliardairesétant à parfaite « égalité de h<strong>au</strong>teur »,ne veulent pas entendre raisonet décident de poursuivre seuls lacompétition. Joliment illustré, ce livreest une magnifique fable sur la foliedes hommes, une critique humoristiquedu monde moderne, de la compétitionà tout prix et du « toujours plus ».Pour enfants et adultes. SLArchitecture, design, créationde mobilier, les membres de l’atelier oïsortent un premier livre qui nouséclaire sur cette hyper-active troïka<strong>suisse</strong> – les deux voyelles du milieudésignent le nom de l’atelier –un attelage à trois pour traîne<strong>au</strong>et définit le principe de leur coopération.Le livre dévoile quelques-unesde leurs plus belles réalisations oùles matéri<strong>au</strong>x en tout genrese mélangent. Bien plus qu’unesuccession de présentation d’œuvres,le livre révèle <strong>au</strong>ssi les méthodes,les univers et le savoir-faire de cetteagence <strong>suisse</strong>. SLLa Suisse est une productriceexceptionnelle d’architectes de talent.Valerio Olgiati en fait partie. L’architectedu fameux musée La maison j<strong>au</strong>neà Flims et de l’Université de Lucerne,pour ne citer que ces réalisations,est l’<strong>au</strong>teur d’une nouvelle publicationqui ravira les architectes en devenir.Il y explique comment il développeses projets, quels paramètresinfluencent ses processus de designet comment il se place lui-même dansce contexte intellectuel d’architecture.Illustré de plans, de schémas etd’images de ses réalisations, ce livreoffre une plongée révélatrice dansle monde d’Olgiati. SL


36 • MADE IN CH / le phare n° 10 / février-avril 2012février-avril 2012 / le phare n° 10 / ARTS VISUELS • 37Librairiedu CCSL’actualité éditoriale <strong>suisse</strong> / LittératureL’actualité éditoriale <strong>suisse</strong> / DVD / DisquesLibrairiedu CCSALAIN TannerQuelques années après la sortied’un coffret de cinq films regroupantquelques-uns de ses plus grandssuccès dont La Salamandre et Jonas,voici trois nouve<strong>au</strong>x chefs-d’œuvredu réalisateur <strong>suisse</strong> qui viendrontcompléter un peu plus sa filmographieen DVD.Matines de l’oiseleurGertrud LeuteneggerÉditions Zoé, 192 p.L’Immense SolitudeFrédéric PajakÉditions Noir sur Blanc, 320 p.Chute d’un bourdonJean-Marc LovayÉditions Zoé, 158 p.Le Retour d’Afrique(1973)AV DistriNo man’s land(1984)AV Distrile femme de rose hill(1989)AV DistriUne ville de villégiature <strong>au</strong> bord d’un lacentouré de montagnes. Sur le rivage,flotte une tour en bois comme cellesque les oiseleurs construisaientdans les forêts du Tessin. Une femmeest engagée par la municipalité commeguide et gardienne des lieux, selondes règles qui rappellent le couventou la prison, contraintes qu’elles’emploie à subvertir. Elle ne reçoitqu’une visiteuse, une Péruviennesans-papiers ni domicile fixe, qui donneà la fable une dimension politique.Ce roman de Gertrud Leuteneggerdégage un charme étrange et séduisantgrâce à un alliage de réalismeet de rêve, une belle introductionà un univers très personnel où la lumière,la végétation et le monde animal jouentleur rôle. Isabelle RüfEn 1999, avec L’Immense Solitudeavec Friedrich Nietzsche et CesarePavese, orphelins sous le ciel de Turin,Frédéric Pajak invente l’<strong>au</strong>tobiographie,écrite et dessinée. L’ouvrage ressort<strong>au</strong>jourd’hui, fortement remanié :s’il a un peu perdu de son agressivitéburlesque, il a gardé sa pénétrantemélancolie. Le mot « orphelin »s’impose comme clef : ils le sont tous,Nietzsche, Pavese, et surtout Pajaklui-même, dont le père, peintre,s’est tué en voiture à l’âge de 34 ans.L’Immense Solitude est une rêveriequi se déroule en associations libres :les citations du philosophe etde l’écrivain se mêlent <strong>au</strong>x notationsde Pajak, en digressions inattendues.Les dessins sont noirs, expressifs,souvent en rupture avec le texte. IRPour entrer dans l’univers deJean-Marc Lovay, mieux v<strong>au</strong>t déposerles armes de la raison et se laisseraller à ce que le critique Jérôme Meizozappelle « le toboggan des images ».Alors, la magie agit et le sens se dégagede la musique. Depuis 1970, tousles deux ou trois ans paraît, <strong>au</strong>xÉditions Zoé, un nouve<strong>au</strong> titre, toujours<strong>au</strong>ssi radicalement éloigné de toutemode, de tout modèle. Commeles précédents, Chute d’un bourdonrésiste <strong>au</strong> résumé. Disons quele narrateur, qui se définit comme « unepetite machine », un « Machinoillon »,un « minuscule animal de genrehumain », participe à la chute d’unmonde. Le thème de la dégradationde la nature, de la finitude des individuset du monde lui-même, est récurrentchez Lovay. Il ne se décline pasen termes de combat écologique maisen fulgurances poétiques. Le narrateuragit et pense « en ne repoussantpas - ce qui malgré moi venait penseren moi ». Et cette pensée se dérouleen méandres de formules quise contredisent, d’oxymore en énigme.Le cadre : « le conglomérat expérimentalappelé l’Accordéon ». Machinoillony est l’employé de Pie-Ronde,dite La Pigeonde, qu’il secondedans son mouvement de chute en vuede « l’abolition de toutes les débâclesdes relations humaines désespérées ».Il f<strong>au</strong>t écouter Jean-Marc Lovaylire le début de son livre surwww.editionszoe.ch/chutedunbourdon.mp3. L’écho de sa voix éclaireraensuite la lecture. IRLe Retour d’Afrique (1973), troisièmelong-métrage d'Alain Tanner, racontel’histoire d’un jeune couple qui s’ennuiedans son existence genevoise et quidécide de partir vivre plus intensémenten Algérie (on sait la fascinationde Tanner pour l’Afrique). Mais les jeunesgens ne peuvent pas réaliser leur rêverimbaldien : les circonstances forcentVincent et Françoise à rester à Genève,où ils commencent par se cacherpour ne pas perdre la face devantles amis <strong>au</strong>xquels le départ avait étéannoncé. Après quelque temps,ils décident d’avoir un enfant, de vivreet de lutter pour une vie meilleure ici…Avec No Man's Land (1984), Tanner,après un passage par l’Irlandepour Les Années-Lumière (1981)et le Portugal pour Dans la ville blanche(1982), revient en Suisse, plusprécisément à la frontière franco-<strong>suisse</strong>.Il y dépeint cinq personnages quiessaient de se cacher la fin des utopiescollectives, en faisant de la contrebandede plus en plus risquée et en aidantquelques clandestins à passeren Suisse. Mais cette petite illusiond’aventure s’effondre et laisse place<strong>au</strong> terrible malaise de chacun face<strong>au</strong> monde et à la peur de la solitude…Dans La Femme de Rose Hill (1989),une jeune M<strong>au</strong>ricienne épouseun paysan qu’elle n’a vu qu’en photoet qui vit avec sa mère dans une fermeisolée de Suisse romande. Humiliéepar les préjugés et condamnéeà la solitude dans un paysage <strong>suisse</strong>glacial, Julie s’enfuit et rencontre Jean,un fils de bonne famille qui tombeamoureux d’elle, mais prend peurlorsqu’elle attend un enfant. Quand,enfin, Jean accepte l’enfant, son pèreobtient du chef de la police queJulie soit reconduite à la frontière…En voulant la défendre, Jean est abattu…Serge LachatLes Couleurs de l’hirondelleMarius D. PopescuÉditions José Corti, 185 p.Le Patient du docteurHirschfeld de Nicolas VerdanBernard Campiche Éditeur, 292 p.BON VENT CLAUDE GORETTALionel BaierBande à Part FilmsLa petite chambreStéphanie Chuatet Véronique ReymondClocks’n’CloudsF<strong>au</strong>veTwo Gentlemen/www.f<strong>au</strong>ve.infoKaleidoscopeKid ChocolatPoor Records/www.kidchocolat.chIl y avait Ionesco, Cioran, Mircea Eliade,Gherasim Luca. Et voici MariusD. Popescu, qui, Roumain comme eux,vient enrichir la langue française.En 2007, La Symphonie du loup avaitfait découvrir hors de Suisse le talentsingulier de cet immigré. En 1990,il a tourné le dos à la dictature deCe<strong>au</strong>sescu, abandonnant son métierd’ingénieur forestier, ses activitésd’éditeur et sa langue. À L<strong>au</strong>sanne,où il conduit les bus et animeune revue littéraire, Le Persil, ses amisconnaissaient ses talents de poètedu quotidien. Il s’est révélé <strong>au</strong>ssiun conteur épique. Dans Les Couleursde l’hirondelle, toujours chez José Corti,on retrouve ce qui faisait la be<strong>au</strong>té dupremier livre. Cet entrelacs de notations<strong>au</strong> ras du quotidien tisse le plus trivialde la vie quotidienne, dans la banlieued’une ville <strong>suisse</strong> avec des pansde l’existence passée sous le règnedu parti unique. Le récit fait des allerset retours entre le « tu » que l’<strong>au</strong>teurs’adresse à lui-même, le « il »,le « je » et même le « vous ». CommeLa Symphonie s’ouvrait sur la mortdu père, dans l’enfance, Les Couleursde l’hirondelle débute avec la mortde la mère, bien plus tard. Décritesavec une précision cinématographique,les démarches absurdes tiennentle chagrin à distance. Recettes decuisine, réflexions sur l’écriture, ticketsde caisse et étiquettes en quatre langues,définitions techniques : la poésie estpartout, dit Popescu. Il sait la débusquer,libérer les mots et saisir la vie danstoute sa déchirante acuité. IRNicolas Verdan aime se colleter avecdes personnages réels. Dans Saga.Le Corbusier, le vieil architecte voit défilersa vie <strong>au</strong> moment de sa mort. DansLe Patient du docteur Hirschfeld,le romancier procède d’une façon plusdistanciée : il part de faits historiquesà travers la figure un peu oubliéedu docteur Hirschfeld (1868-1935).Ce chercheur créa, en 1919, l’Institutde sexologie, sis à Berlin. Il y développ<strong>au</strong>ne théorie de l’identité sexuelle, vuecomme une échelle qui va du masculin<strong>au</strong> féminin, avec de nombreuses marchesintermédiaires. Juif, il s’exila en Suisse.Dès 1933, l’institut, fréquenté par denombreuses personnalités de tout bord,fut la cible des nazis et mis à sac. La listedes patients avait disparu. La quêtede ce document compromettant tantpour les nazis que pour les juifs quiavaient fréquenté l’institut, est <strong>au</strong> cœurde ce roman qui va et vient entre troisstrates temporelles : vers 1933, à Berlin ;<strong>au</strong> tournant de la guerre, vers 1943 ;en 1958, à Tel Aviv, où le patient du titre,avocat juif et homosexuel, a pu s’exiler,et en Argentine, sur les traces d’uncriminel de guerre coupeur de nattesrecherché par le Mossad. Très documenté,le récit rappelle le sort des homosexuelssous le régime nazi, mais <strong>au</strong>ssila discrimination dont ils ont été (et sontencore) l’objet dans le monde entier.Un ouvrage qui tient un peu du romand’espionnage, mais qui est surtoutun document à charge contre l’exclusionsous toutes ses manifestations etcontre l’assignation à une identité figée,sexuelle, religieuse, politique. IRCe film se présente comme une« déclaration d’admiration » d’un jeunecinéaste à celui dont il avait découvertL’Invitation à la télévision quandil avait 6 ans. Pour ce film-hommage,Baier refuse une approche académique :non seulement il assume le caractèretrès subjectif de sa démarche, maisc’est comme cinéaste qu’il évoquele cinéma de Goretta. Si le spectateurtrouve bien des images d’archives,des extraits de films et des témoignagesdivers comme dans un documentaire« classique », il est surtout frappépar le dialogue inhabituellement amicalet complice de Goretta et Baier. Cedernier confère à son film une dimensionludique, en faisant par exemple« rejouer » des scènes du film de 1973par des comédiens d’<strong>au</strong>jourd’hui. SLPorté par de remarquables comédiens,Florence Loiret-Caille et Michel Bouquet,ce film parle de fin de vie et detr<strong>au</strong>matisme provoqué par la mortd’un bébé à la naissance. Il tisseces deux thèmes graves, en confrontantun vieillard bougon, égoïste, réfractaireà toute aide extérieure, à une infirmièreà domicile fragilisée par le deuilqu’elle n’arrive pas à faire, mais quirefuse de se laisser manipuler par ce veufacariâtre. Tous deux finiront pars’apprivoiser : lorsque le fils du vieillardvoudra mettre celui-ci dans une maisonde retraite, l’infirmière, pour lui éviterce qu’il ressent comme une humiliation,l’invitera à occuper la chambreprévue pour l’enfant <strong>au</strong> risque de mettreson couple en péril. SLCinq ans après son premier album,F<strong>au</strong>ve délivre Clocks’n’Clouds.Un deuxième album davantage centrésur l’electro, rythmé et tranchédans ses choix esthétiques et son proposqui révèle une maturité exceptionnelle.F<strong>au</strong>ve se montre ici plus directet incisif. Les rythmiques sont parfoismême martiales, comme sur ce « CottonFields » liminaire qui dévoile les nouvellestonalités plus sombres, nébuleuses.F<strong>au</strong>ve embrasse <strong>au</strong>tant le bluesque Timbaland, l’<strong>au</strong>to-tuneque l’electro-rock, le folk que la pop,l’éther que l’enfer. Enfilant perleset prouesses, Clocks’n’Clouds ne pointequ’à la fin ses aiguilles vers le cielavec des titres plus aériens mais tout<strong>au</strong>ssi marquants. Olivier HornerPour son troisième album, le musicien,Kid Chocolat joue à s<strong>au</strong>te-moutonentre les références nourricières.Si l’on retrouve son penchant pourles BO de films sanglants, le Genevoiscannibalise <strong>au</strong>ssi habilement afrobeat,jazz, dub, rock garage, folk ouelectro-rock <strong>au</strong>x vertus dansantes.Kaleidoscope est ce dynamitageen règle d’un répertoire chéri parune suite d’évocations, d’obliques etd’uppercuts sonores. Davantage centrésur l’instrumentation, cet album touten trompe-l’œil alterne fulgurancesmélodiques et saccades rythmiquessur son tapis electro-pop. Tour à tourrafraîchissants, sombres, sensuelsou obsédants, Kaleidoscope devraitêtre promis à un bel avenir, avec ou sansboules à facettes. OH


38 • ça s’est passé <strong>au</strong> <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong> / du 16 septembre <strong>au</strong> 18 décembre 2011février-avril 2012 / le phare n° 10 • 39Le PhareEXPOSITION / Les Frères Chapuisat, Les élémentsEXPOSITION / Silvia Buonvicini, ScannerEXPOSITION / Urs Lüthi, Spaces© Simon Letellier© Marc Domage© CCS © Marc Domage © Marc DomageCONCERT / Grégoire Maret QuartetLIBRAIRIE / Accrochage Plonk & ReplonkDANSE / Alexandra Bachzetsis, A Piece Danced AloneCONCERT / lecture Thierry Romanens lit VoisardDANSE / Compagnie Philippe Saire, Black Out© CCS © Simon Letellier © Simon Letellier© Simon Letellier© Marc Domage© Simon LetellierJournal du <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong>de ParisTrois parutions par anLe tirage du 10 e numéro11000 exemplairesL’équipe du PhareCodirecteurs de la publication :Jean-P<strong>au</strong>l Felley et Olivier KaeserChargé de production de la publication :Simon LetellierGraphiste : Jocelyne FracheboudTraducteur : Cl<strong>au</strong>de AlmansiPhotograveur : Printmodel, ParisImprimeur : Deckers&Snoeck, AnversContact32 et 38, rue des Francs-BourgeoisF — 75003 Paris+33 (0)1 42 71 44 50lephare@ccsparis.comCe journal est <strong>au</strong>ssi disponible en pdfsur www.ccsparis.com/lephare© Le Phare, janvier 2012ISSN 2101-8170<strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong> de ParisExpositions / salle de spectacles38, rue des Francs-Bourgeois 75003 Parisdu mardi <strong>au</strong> dimanche : 13 h - 19 hVenez à la librairie32, rue des Francs-Bourgeois 75003 Parisdu mardi <strong>au</strong> vendredi : 10 h - 18 hsamedi et dimanche : 13 h - 19 hLa librairie du CCS propose une sélectionpointue d’ouvrages d’artistes et d’éditeurs<strong>suisse</strong>s dans les domaines du graphisme,de l'architecture, de l'art contemporain,de la photographie, de la littératureet de la jeunesse. Les livres, disques et DVDprésentés dans nos pages MADE IN CHy sont disponibles.Renseignements / réservationsccs@ccsparis.comT +33 1 42 71 95 70du mardi <strong>au</strong> dimanche : 13 h - 19 hTarifs soirées : entre 2 et 12 €Expositions, tables rondes, conférences :entrée libreRestez informésProgrammeLe programme détaillé du CCSde même que de nombreux podcasts(interviews et enregistrements de soirées)sont disponibles sur www.ccsparis.comsNewsletter mensuelle :inscription sur www.ccsparis.comou newsletter@ccsparis.comLe CCS est sur Facebook.fondation <strong>suisse</strong> pour la culturePartenaires médiaOnt collaboré à ce numéroRédacteursBernard Attinger, Alexandre Caldara,Marianne D<strong>au</strong>trey, Mireille Descombes, Jill Gasparina,Marie-Pierre Genecand, Olivier Horner, Serge Lachat,Brigitte Prost, Arn<strong>au</strong>d Robert, Isabelle Rüf,Romain Salomon, Matteo TerzaghiPhotographes et illustrateurDavid Aebi, Georg Aerni, Tonatiuh Ambrosetti, RetoAndreoli, Marc Domage, Heinrich Helfenstein, Cl<strong>au</strong>diaJordi (illustratrice), Cécile Mazzon, Germinal Ro<strong>au</strong>x,Dorothée Thébert, Marc Vanappelghem, Thies WatcherInsert d’artistes : Taiyo Onorato et Nico KrebsTaiyo Onorato (1979) et Nico Krebs (1979) ont suiviune <strong>format</strong>ion en photographie à la ZürcherHochschule der Künste. Ils travaillent ensembledepuis 2003 et vivent à Berlin. Leur approchede la photographie est extrêmement riche,puisqu’elle inclut des trucages, des maquettes,des livres et des installations. Ils ont eu des expositionspersonnelles notamment <strong>au</strong> Swiss Instituteà New York (2008), <strong>au</strong> Aarg<strong>au</strong>er Kunsth<strong>au</strong>s (2009),<strong>au</strong> Museum im Bellpark à Kriens/Lucerne (2010)et à la Kunsthalle de Mainz (2011). Ils excellentdans la réalisation de livres d’images, le plusemblématique étant The Great Unreal, paru en 2009<strong>au</strong>x Éditions Patrick Frey et primé <strong>au</strong>x Plus Be<strong>au</strong>xLivres <strong>suisse</strong>s, mais <strong>au</strong>ssi leurs deux cahiers géantsIt Must Be a Camera et As Long As It Photographs(2011). Ils ont d’ailleurs été sélectionnés par MartinParr pour l’exposition et le livre 30 Best Photobooksof the Decade, PhotoIreland, Dublin, 2011.Ils ont obtenu un prix fédéral de design en 2011.www.tonk.ch.L’équipe du CCSCodirection : Jean-P<strong>au</strong>l Felley et Olivier KaeserAdministration : Katrin Saadé-MeyenbergerCommunication : Elsa GuigoProduction : Celya LarréTechnique : Kevin Desert, Antoine CamuzetLibrairie : Emmanuelle Brom, Andrea Heller,Dominique KochProduction Le Phare : Simon LetellierAccueil : Marie Debrinay, Amélie G<strong>au</strong>lierStagiaire : Cécile StägerAssociation des amisdu <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong> de ParisCette association contribue <strong>au</strong> développementet <strong>au</strong> rayonnement du <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong> de Paris,tant en France qu’à l’étranger. Elle vise <strong>au</strong>ssià entretenir des liens vivants et durables avec tousceux qui font et aiment la vie <strong>culturel</strong>le <strong>suisse</strong>.Voyage en 2012Documenta 13, Cassel.21 - 24.06.12In<strong>format</strong>ions à suivre sur www.ccsparis.comLes avantagesEntrée gratuite <strong>au</strong>x activités organisées par le CCS.Tarifs préférentiels sur les publications.Envoi postal du Phare, journal du CCS.Voyages de l’association.Catégories d’adhésionCercle de soutien : 50 €Cercle des bienfaiteurs : 150 €Cercle des donateurs : 500 €Association des amis du <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong>c/o <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong>32, rue des Francs-BourgeoisF — 75003 Parislesamisduccsp@bluewin.chwww.ccsparis.comProchaine programmationDu 11 mai <strong>au</strong> 15 juillet 2012Adhérez !Jean-Frédéric Schnyder, Selbstbildnis mit Kreuzen, 1987. © David Aebi, BernCollection Andreas Züst, expositionChoix d’œuvres avec, entre <strong>au</strong>tres, Ian Anüll,Louise Bourgeois, Anton Bruhin, William Copley,Andreas Dobler, Peter Fischli & David Weiss,Alex Hanimann, Walter Pfeiffer, Sigmar Polke,Markus Raetz, Dieter Roth, Jean-Frédéric Schnyder,André Thomkins, Andreas Züst, mais <strong>au</strong>ssides livres, des objets, des événements.(liste sous réserve)Et un programme pluridisciplinairedans la salle de spectacles.La Fondation Pro Helvetia soutient la culture <strong>suisse</strong> et favorise sa diffusion en Suisse et dans le monde.Nuit Blanche / Yann Gross, KitintaleLIBRAIRIE / Signature du livre de René BurriTABLE RONDE / PHOTOGRAPHIE / Magazine ElsePartenaire du vernissage et des soirées


Une scène à la campagneMézières / SuisseSAISON 2012www.theatredujorat.chT +41 21 903 07 55FAITES-VOUSPL A ISI Rthéâtre | danse | opéra | concert | chanson | cirqueLe Théâtre du Jorat, entièrement construit en bois et situé en pleine campagne, à une quinzaine de kilomètresde L<strong>au</strong>sanne, a été in<strong>au</strong>guré il y a plus de 100 ans. Vu de l’extérieur, il ressemble à une vaste grange, parfaitementintégrée <strong>au</strong>x fermes du village ; on le surnomme d’ailleurs la « Grange Sublime ». De l’intérieur, il fait penserà un théâtre grec, ses gradins offrent à 1’000 spectateurs une vision parfaite de la scène. Doté d’une bonne acoustique,il est comparé à un « petit Bayreuth » ou encore à un violon. Venez découvrir les artistes <strong>suisse</strong>s et européensd’<strong>au</strong>jourd’hui et suivre des projets inédits dans ce lieu unique !

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!