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Les conditions de survenue des crises graves - Patrick Lagadec

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<strong>Patrick</strong> LAGADECXavier GUILHOUposé (la centrale nucléaire) et non choisi (l’automobile). <strong>Les</strong> opposants autabac l’ont d’ailleurs bien compris : en accentuant le discours sur le tabagismepassif, on transforme un risque “volontaire” en risque “subi” et l’on peutespérer passer à la crise, qui ouvre <strong>de</strong> nouvelles opportunités dans la confrontationavec l’industrie du tabac, dans les comportements <strong>de</strong>s consommateurs; <strong>de</strong> même, aussi longtemps que l’automobile peut être associée à la notion <strong>de</strong>liberté, on se protège <strong>de</strong> la crise – mais on entre en zone <strong>de</strong> crise si ce sont <strong>de</strong>senfants (dimension émotionnelle supérieure) qui trouvent la mort (gravité)dans un acci<strong>de</strong>nt d’autocar (nombre) affrété par leur école (risque subi).On voit ici bien <strong>de</strong>s facteurs d’extension du champ <strong>de</strong>s <strong>crises</strong> :– Le développement du mon<strong>de</strong> construit : le domaine <strong>de</strong>s “Acts ofGod”, <strong>de</strong> la “force majeure” régresse , on passe <strong>de</strong> plus en plus dans la sphèredu subi, plus propice à <strong>de</strong>s mises en cause, donc à <strong>de</strong>s <strong>crises</strong> ; l’événement,ses conséquences et ses causes sont pris en bloc et replacés dans le champ <strong>de</strong>la responsabilité. L’inondation est vue comme le résultat d’une politique <strong>de</strong>remembrement, <strong>de</strong> bétonnage ; les effets <strong>de</strong> l’ouragan comme le résultat <strong>de</strong>choix d’équipement critiquables, d’une prévision météorologique défaillante ;et on ne manque pas <strong>de</strong> mettre en cause le changement climatique – dont lamaîtrise n’est pas à la portée <strong>de</strong>s interlocuteurs immédiats, ce qui contribueencore à dramatiser le potentiel <strong>de</strong> crise puisque le sentiment d’impuissanceest particulièrement déstabilisateur.– Le développement <strong>de</strong>s outils <strong>de</strong> mesure, la multiplication <strong>de</strong>s incertitu<strong>de</strong>sscientifiques : on est capable <strong>de</strong> repérer bien <strong>de</strong>s phénomènes ou <strong>de</strong>poser <strong>de</strong>s questions dont on ne peut apprécier la signification réelle en termes<strong>de</strong> sécurité. On ouvre par là, automatiquement, <strong>de</strong>s océans <strong>de</strong> suspicions théoriques,qui dramatisent d’autant le champ potentiel <strong>de</strong>s <strong>crises</strong>.– L’accentuation <strong>de</strong>s exigences sociales (y a-t-il, oui ou non, un, <strong>de</strong>ux,trois cas <strong>de</strong> leucémie supplémentaire(s) autour <strong>de</strong> telle ou telle installation oudécharge industrielle ?) et l’impossibilité d’y répondre (en raison <strong>de</strong>s limites<strong>de</strong>s outils d’analyse, <strong>de</strong>s faibles connaissances historiques <strong>de</strong> référence, etc.)expose également à <strong>de</strong>s turbulences sévères : toute réponse simple est dénoncéecomme simpliste ; toute réponse complexe peut enclencher une crise médiatique(surtout si le sujet éclate durant l’été, et est traité par un stagiaire ou unpigiste qui voit dans l’épiso<strong>de</strong> une occasion en or pour s’assurer une attentionnationale).- 183 -

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