<strong>Patrick</strong> LAGADECXavier GUILHOUPour éviter ces échecs, il fallait comprendre. Peu à peu, on parvint àcerner les contours <strong>de</strong> ce phénomène <strong>de</strong> crise – repris dans le tableau ci-après.&5,6(–––––––––––SUREOqPHV³UpHOV´RXSHUoXV• Difficultés quantitatives : impacts <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> échelle, larges populationsconcernées, interventions lour<strong>de</strong>s, coûts économiques très importants, etc. ;• Difficultés qualitatives : problèmes hors échelle, combinés, génériques ;• Dynamiques <strong>de</strong> boule <strong>de</strong> neige : en raison <strong>de</strong> multiples phénomènes <strong>de</strong> résonance;• Dispositifs d'urgence pris à contre-pied : procédures obsolètes, inapplicables,inutiles voire contre-productives ;• Incertitu<strong>de</strong>s : extrêmes, impossibles à lever dans le temps <strong>de</strong> l’urgence, et certainementpas par les seuls experts officiels ;• Longue durée, qui épuise les hommes, les organisations ; menaces qui setransforment dans le temps ;• Convergence : irruption d’un nombre impressionnant d'institutions (qui vontévoluer dans leurs positionnements tout au long <strong>de</strong> la crise) ;• Problèmes critiques <strong>de</strong> communication : au sein <strong>de</strong>s organisations responsables,avec tous les publics : médias, victimes, administrations, professionnelsspécialisés, etc. ;• Enjeux considérables, <strong>de</strong> toute nature.8QpYpQHPHQWTXLIXVHDYHFPLVHHQUpVRQDQFHUDSLGHGXFRQWH[WHLa crise c’est l’urgence plus la déstabilisation. Elle combine déferlement<strong>de</strong> difficultés, dérèglement dans le fonctionnement <strong>de</strong>s organisations,divergences dans les choix fondamentaux.Exemple : Au moment <strong>de</strong> l’acci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la centrale nucléaire <strong>de</strong> ThreeMile Island, le gouverneur <strong>de</strong> Pennsylvanie apprend par les chaînes <strong>de</strong> radioqu’il a donné l’ordre d’évacuer 1 million <strong>de</strong> personnes, ce qui est faux (dérèglementsinternes dans l’information <strong>de</strong>s médias) ; les services officiels sontsubmergés d’appels téléphonique, à tel point qu’on ne peut plus démentir aisémentles informations erronées diffusées (déferlement) ; une question do-- 175 -
<strong>Les</strong> <strong>conditions</strong> <strong>de</strong> <strong>survenue</strong> <strong>de</strong>s <strong>crises</strong> <strong>graves</strong>mine tout : “Pourquoi du nucléaire en Pennsylvanie ? ” (divergence sur leschoix fondamentaux).La crise ne peut pas être approchée, prévenue, résolue par <strong>de</strong> simplesmesures techniques, définies par <strong>de</strong>s spécialistes, imposées par l’autorité.L’univers stratégique <strong>de</strong> l’intervention se caractérise par <strong>de</strong>s traits nouveaux :– le champ : on a affaire à <strong>de</strong>s situations <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> ampleur, on sort<strong>de</strong>s cas-types bien répertoriés ;– l’attente : au-<strong>de</strong>là d’interventions techniques efficaces, on va exiger<strong>de</strong>s processus <strong>de</strong> réponse clairs, pertinents, crédibles faisant l’objet d’uneinformation précise ;– les acteurs : on sort brutalement <strong>de</strong>s P.C. opérationnels <strong>de</strong>s responsables,nombre d’acteurs nouveaux interviennent ;– la conduite : elle se fait <strong>de</strong> façon beaucoup plus complexe, à travers<strong>de</strong> nombreux pôles <strong>de</strong> décision ou d’influence ;– le dirigeant : certes, il doit toujours donner <strong>de</strong>s instructions, conduire<strong>de</strong>s équipes d’intervention, mais il doit assumer bien d’autres fonctions : cimentinterne pour son organisation, animateur <strong>de</strong> systèmes beaucoup plusouverts, communicateur externe vers l’ensemble <strong>de</strong>s autres intervenants etdu public (au sens large : victimes, citoyens, actionnaires, marchés financiers,etc.). Et il va rapi<strong>de</strong>ment découvrir qu’il n’est plus unique.Avec la crise, la question <strong>de</strong> l’information du public <strong>de</strong>vient centrale.Il ne s’agit plus seulement d’appliquer <strong>de</strong>s solutions prêtes à l’emploi, sur<strong>de</strong>s problèmes définis. Il va falloir légitimer son action, gar<strong>de</strong>r sa crédibilité,faire montre d’efficacité dans l’ai<strong>de</strong> aux populations… en dépit <strong>de</strong> très importantsdéficits d’expertise, <strong>de</strong> règles <strong>de</strong> traitement qui ne s’imposent plusavec la force <strong>de</strong> l’évi<strong>de</strong>nce et <strong>de</strong> l’expérience.RupturesContextes et phénomènes <strong>de</strong> crise semblent aujourd’hui connaître <strong>de</strong>smutations décisives. Des événements du type “vache folle”, “sang contaminé”,OGM, passage informatique <strong>de</strong> l’an 2000, ont été <strong>de</strong>s indicateurs <strong>de</strong> ces mutations.Même si les risques spécifiques bien tangibles – telle usine, tel produit– sont encore et resteront <strong>de</strong>s “allumeurs” potentiels <strong>de</strong> crise, l’attentiontend aujourd’hui à se déplacer vers <strong>de</strong>s dangers et <strong>de</strong>s phénomènes plus globaux,systémiques, transnationaux, profondément inscrits dans <strong>de</strong>s tissus d’activités<strong>de</strong> plus en plus difficiles à isoler, radicalement liés à <strong>de</strong>s représentations- 176 -