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Dossier de presse LE DERNIER POUR LA ROUTE - Unifrance

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Le film traite <strong>de</strong> la dépendance en général, beaucoupplus vaste que la seule dépendance à l’alcool. Etait-ceune évi<strong>de</strong>nce dès l’écriture ?C’est vrai que le sujet du film est plus large quel’alcoolisme, mais honnêtement je ne peux pas direque c’était calculé. A travers un exemple, un personnageou un groupe, tout le mon<strong>de</strong> peut s’i<strong>de</strong>ntifier un petitpeu, même si on n’est pas obligé d’être alcoolique ou <strong>de</strong>souffrir <strong>de</strong> dépendance pour être sensible aux situationsvécues par les personnages. Chacun <strong>de</strong> nous, à unmoment <strong>de</strong> sa vie, peut souffrir d’une dépendance. Jecrois que le film dit surtout que c’est en s’ouvrant, enparlant, que cela peut s’arranger.Votre leitmotiv a-t-il été <strong>de</strong> faire <strong>de</strong> ce sujet grave undivertissement ?Tout à fait. J’aime le cinéma où l’on ne s’ennuie pas.J’aime bien l’idée qu’un film nous change un peu quandon sort <strong>de</strong> la salle. En tant que producteur, j’aimeégalement pouvoir travailler pendant <strong>de</strong>ux ans sur unehistoire et <strong>de</strong>s personnages qui sont à l’opposé <strong>de</strong> moi.J’étais totalement hypocondriaque quand j’ai achetéles droits du livre La mort intime <strong>de</strong> Marie <strong>de</strong> Hennezel,et son adaptation au cinéma, C’est la vie <strong>de</strong>Jean-Pierre Améris, m’a un peu changé. J’espère qu’il ensera <strong>de</strong> même pour les spectateurs du Dernier pour laroute.Sur le tournage à Aix-les-Bains, l’ambiance étaitextrêmement bienveillante. Cette cohésion était-elleimportante pour aller dans le sens du projet ?Oui je crois. Il fallait que ça nous touche d’abord pouravoir une chance <strong>de</strong> toucher les autres. François Cluzetdit très justement qu’un acteur ne peut pas être seul.C’est l’histoire d’un groupe, donc il fallait que ce groupeexiste. J’ai eu la chance que chacun amène, au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> saperformance d’acteur, sa personnalité et sa sincérité.Avant le tournage, avez-vous assisté à <strong>de</strong>s réunionsd’Alcooliques Anonymes ?Le centre <strong>de</strong> cure du film est inspiré <strong>de</strong> celui dulivre. Hervé est allé dans un centre qui applique lamétho<strong>de</strong> du Minnesota, qui ai<strong>de</strong> les gens à ne plus êtredépendants et qui pourrait servir à n’importe qui, dansla recherche d’une certaine qualité <strong>de</strong> vie. Je suis allédans cet endroit et j’y ai passé un certain temps.Le travail <strong>de</strong> thérapie <strong>de</strong> groupe est insensé. On ne peutpas l’expliquer tant qu’on ne l’a pas vécu. Chaquepersonne, en donnant d’elle-même, en faisant partagerson expérience, va ai<strong>de</strong>r l’autre à aller mieux.On a le sentiment qu’avec ce film, comme avec le livred’Hervé Chabalier, vous allez ai<strong>de</strong>r les gens.Pour moi, il y a eu un avant et un après Les nuits fauves <strong>de</strong>Cyril Collard. Après ce film, on a parlé du sida alors qu’onn’en parlait pas avant. J’espère qu’après ce film on parlera<strong>de</strong> la dépendance plus facilement.Le <strong>de</strong>rnier pour la route 07


Pouvez-vous revenir sur les difficultés que vous avezrencontrées concernant le casting ?Tous les acteurs à qui l’on a proposé le rôle d’Hervéont dit « oui » à peu près en 24 heures. Puis, ça ne s’estfinalement pas fait. Ce qui est drôle, c’est que la premièrepersonne à qui j’avais donné le livre il y a quelques annéesétait François Cluzet. Il ne l’avait alors pas lu, il n’en avaitpas envie à ce moment-là <strong>de</strong> sa vie. Je crois qu’il en avaitune mauvaise perception : il pensait qu’Hervé racontaitsa dérive. Aujourd’hui, c’est un bonheur d’avoir fait cefilm avec François, et je pense que personne n’aurait putenir ce rôle aussi bien que lui.Comment avez-vous travaillé avec François Cluzet lors<strong>de</strong> la préparation et sur le tournage ?On s’est vus environ trois semaines avant le début dutournage, et on a beaucoup parlé, <strong>de</strong> nous, <strong>de</strong> chosesassez intimes, très simplement, en confiance. Je penseque ça a permis à François <strong>de</strong> s’abandonner. Il a donnédans le film <strong>de</strong>s choses insensées sans même que je n’aià le lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r.Et votre rencontre avec Mélanie Thierry ?C’est la première personne que j’ai appelée et il se trouvequ’elle était enceinte à ce moment-là. Elle adorait lescénario, mais elle m’a dit qu’elle ne s’en sentait absolumentpas capable. Avoir un bébé et <strong>de</strong>voir, <strong>de</strong>ux mois après,jouer une alcoolique défoncée était compliqué. J’ai donccherché, rencontré beaucoup <strong>de</strong> jeunes filles, puis j’ai supar Jérôme Salle qu’elle était toujours disponible. Elle m’aalors rappelé et m’a dit « Je le fais ! ». Pendant le tournage,elle m’a fait le plus beau <strong>de</strong>s compliments, elle m’a dit :« C’est la première fois qu’on me regar<strong>de</strong> jouer ».Il y a une scène bouleversante dans le film, c’est lavisite <strong>de</strong> la femme d’Hervé au centre. Est-ce que cettescène fut particulièrement difficile à tourner ?J’ai eu la chance incroyable qu’Anne Consigny accepteun petit rôle <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux jours. Et forcément, lorsque vousréunissez dans une même scène François Cluzet, MarilyneCanto et Anne Consigny, trois très bons acteurs, après iln’y a rien <strong>de</strong> difficile.Vous disiez que ce premier film comme réalisateurn’était pas arrivé par acci<strong>de</strong>nt mais presque. Maintenantvous pensez déjà au second. Vous êtes <strong>de</strong>venuaccro ?Oui, j’en ai envie, mais je prendrai le temps. J’adore aussimon métier <strong>de</strong> producteur, je suis très proche <strong>de</strong>s talentsqui me font confiance <strong>de</strong>puis plusieurs années. Ils savaientque je faisais un film, mais je n’ai jamais abandonné macasquette <strong>de</strong> producteur.Le <strong>de</strong>rnier pour la route 08


Entretien Hervé ChabalierComment avez-vous réagi en voyant le film ?J’ai pour ainsi dire réagi en plusieurs étapes parce que j’aivu le film se construire, <strong>de</strong>s rushes au premier montagepuis au résultat final. Au <strong>de</strong>uxième visionnage <strong>de</strong> la copie35 définitive, je me suis senti spectateur, et non acteurou observateur. Je regardais une histoire et non plus monhistoire. Avant j’étais tellement occupé à décortiquer,plan par plan, mot par mot ! Je ne pouvais pas me laisserprendre par le film. Pour être totalement franc, je crois queje ne pourrai jamais voir ce film comme un cinéphile normalcar il parle d’un moment douloureux <strong>de</strong> ma vie.J’ai été absolument épaté par l’humanité et la sobriété(sans mauvais jeu <strong>de</strong> mots !) <strong>de</strong> François Cluzet. On seconnaît très peu, nous ne nous étions vus que <strong>de</strong>ux fois,et bizarrement je trouve qu’à certains moments il a <strong>de</strong>sexpressions qui me sont très personnelles. Mélanie Thierry,j’aurais bien aimé moi aussi la serrer dans mes bras ! Elleest si superbement fragile dans le film !Vous avez suivi différentes étapes du film, avez-vouscependant été surpris en le voyant ?Une <strong>de</strong> mes inquiétu<strong>de</strong>s était <strong>de</strong> savoir comment lesparties <strong>de</strong> fiction allaient se marier avec les parties plusréelles tirées du livre. Mais tout ce qui est <strong>de</strong> la pure fictionest totalement crédible.J’avais aussi la préoccupation <strong>de</strong> savoir si le messagesur l’alcoolisme passerait bien. L’essentiel est dit et biendit. C’est ce à quoi j’attachais le plus d’importance,et j’espère que ce film sera aussi utile que le livre.L’alcoolisme est toujours considéré comme une tare,une déviance. Trop <strong>de</strong> gens ne savent pas que c’est unemaladie. Alors les alcoolos cachent leur dépendance,leur addiction quand ils ne sont pas en plein déni.Je pense que le film va ai<strong>de</strong>r, comme le bouquin, à uneprise <strong>de</strong> conscience : la majorité <strong>de</strong>s personnes quiétaient avec moi à la <strong>de</strong>rnière projection, s’interrogeaienten sortant <strong>de</strong> la salle : « Suis-je alcoolique ? ».Pensez-vous que la force <strong>de</strong> l’image soit la mêmeque celle <strong>de</strong> l’écrit ?J’adore l’écriture, mais l’image est mon métier etje sais très bien que quand on a une image vraie,forte, on a du mal à être meilleur à l’écrit. L’intérêt <strong>de</strong>l’écrit est l’imaginaire et <strong>de</strong> pousser à l’approfondissement.Je crois au côté « coup <strong>de</strong> poing » du film.Comment avez-vous collaboré avec Philippe Go<strong>de</strong>auet Agnès <strong>de</strong> Sacy pour l’écriture du scénario ?Avec Philippe, nos rapports ont toujours été basés surune très gran<strong>de</strong> confiance. On s’est peu parlé duscénario, on savait qu’on était sur la même longueurd’on<strong>de</strong>s sur la nature du film. Avant même <strong>de</strong>concrétiser l’achat <strong>de</strong>s droits, Philippe et moi, nous noussommes beaucoup vus et je savais très bien dansLe <strong>de</strong>rnier pour la route 10


quel esprit il voulait faire Le <strong>de</strong>rnier pour la route. AvecAgnès, on a naturellement trouvé les espaces où ilétait légitime que j’intervienne, je voulais avoir un œilsur le scénario, non pas pour contrôler son travail sitalentueux mais uniquement pour vérifier qu’il n’y ait pas<strong>de</strong> problème avec la <strong>de</strong>scription <strong>de</strong> la maladie alcoolique,ses conséquences, le cheminement <strong>de</strong> l’alcoolique, soncaractère, son comportement. J’ai beaucoup discuté avecAgnès. Je me suis un peu mêlé <strong>de</strong>s dialogues car lesalcooliques ont <strong>de</strong>s tics <strong>de</strong> langage. Je suis intervenu, enquelque sorte, comme « expert » alcoolique. Ce fût, <strong>de</strong>mon point <strong>de</strong> vue, une collaboration exemplaire.Vous dites que vous ne verrez jamais ce filmcomme un spectateur ordinaire. Est-ce toujoursdouloureux <strong>de</strong> replonger dans cet épiso<strong>de</strong> <strong>de</strong>votre vie ?Aujourd’hui ça l’est moins, parce que je suis abstinent<strong>de</strong>puis bientôt sept ans et que j’ai énormément parlé<strong>de</strong> ce problème pendant les trois années qui ontsuivi la sortie <strong>de</strong> mon bouquin. D’abord j’ai écrit lelivre, ce qui était déjà une thérapie en soi. Ensuite, commeil a très bien marché, j’en ai beaucoup parlé, j’ai faiténormément <strong>de</strong> réunions, participé à <strong>de</strong> nombreux débats,je me suis donc presque complètement libéré.Finalement c’est presque <strong>de</strong>venu l’histoire <strong>de</strong> quelqu’und’autre à force <strong>de</strong> la raconter. C’est évi<strong>de</strong>mment monhistoire, mais elle appartient à la collectivité, c’est doncmoins violent pour moi. Ce qui a été compliqué etémouvant en visionnant le film fini, c’est <strong>de</strong> voir lesarchives. Des archives très personnelles que l’on doit àmon père, qui est mort aujourd’hui. On voit dans ces imagesma petite sœur, dont la mort est ma fracture première.Le film est porteur d’espoir, comme le livre. Lefait <strong>de</strong> pouvoir dire : « Voilà, on peut s’en sortir »est-il une <strong>de</strong>s conditions qui vous ont fait accepter cetteadaptation ?Le film, comme le livre, est un combat vers la lumière.Ce n’est pas une <strong>de</strong>scente aux enfers, c’est mêmel’inverse. Il y a certes quelques scènes où l’on voitHervé saoul en train <strong>de</strong> boire d’une manière compulsive,ce qui fût le cas, quelquefois, les <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rnièresannées <strong>de</strong> mon alcoolisation. Mais ce n’est pas que ça.C’est le parcours d’un homme qui essaie <strong>de</strong> ne pas mourir,qui se bat pour essayer <strong>de</strong> retrouver sa dignité, qui chercheles moyens <strong>de</strong> repenser sa manière d’être pour être biendans sa vie. C’est une histoire <strong>de</strong> résilience.En voyant le film, on a le sentiment qu’on ne peut arriverau bout <strong>de</strong> cette quête d’équilibre qu’en la partageantavec les autres. La notion <strong>de</strong> groupe est très forte…Quand on est dépendant alcoolique, on ne peut pasnégocier avec l’alcool, on ne peut pas dire : « Tiens, je nevais boire qu’un verre ou <strong>de</strong>ux dans la journée ». On ne peutplus se passer <strong>de</strong> l’alcool, c’est lui qui prend la maîtrise<strong>de</strong> la vie, qui est aux comman<strong>de</strong>s. Pendant la <strong>de</strong>rnièrepério<strong>de</strong> <strong>de</strong> mon alcoolisation, je ne buvais pas pour êtreLe <strong>de</strong>rnier pour la route 13


ien mais pour ne pas être mal. J’étais <strong>de</strong>venu un véritabletoxicomane. Bien sûr j’ai essayé <strong>de</strong> m’en sortir seul, parorgueil. Combien <strong>de</strong> fois me suis-je dit le matin sous ladouche : « Aujourd’hui tu vas arrêter ! ». Finalement jen’arrêtais rien du tout, et le pire c’est qu’en le disant jesavais que je ne le ferais pas. Et là, on atteint le fond, quandon se ment consciemment à soi-même. On ne se sort<strong>de</strong> l’alcool que pour soi, et il faut un bel égoïsme positifpour y parvenir. Evi<strong>de</strong>mment le groupe est essentiel, parceque seuls les alcooliques savent bien parler <strong>de</strong> l’alcool,ce sont eux qui connaissent le mieux leurs problèmes,bien mieux en tous cas que la gran<strong>de</strong> majorité <strong>de</strong>smé<strong>de</strong>cins qui sont ignorants <strong>de</strong> cette maladie. Ce qu’il y a<strong>de</strong> formidable dans ces groupes <strong>de</strong> paroles, c’est qu’on esttous pareils, d’où que l’on vienne, quels que soient notreniveau social et notre éducation. On a la même maladie, lesmêmes raisons profon<strong>de</strong>s qui font qu’on est dépendant.Quel souvenir avez-vous <strong>de</strong> votre arrivée dans le centre<strong>de</strong> cure ?Quand je suis arrivé à la Métairie, en Suisse, je savais queje n’avais pas le choix. Alors j’ai fais le dos rond, je n’ai pasfait le malin. Je me suis contraint au début et j’ai acceptéce qui m’arrivait. Je savais que c’était ma <strong>de</strong>rnière chance.Alors la qualité <strong>de</strong> l’accueil, la fouille, la chambre à <strong>de</strong>uxlits… ça n’a pas été dur. Une fois qu’on a décidé <strong>de</strong> s’ensortir, peu importe qu’on soit en quarantaine, qu’on nepuisse pas téléphoner, ce ne sont alors que <strong>de</strong>s détails. Cequi est dur, c’est d’être alcoolique, soumis à la boisson.On sent un tournant dans l’évolution d’Hervé lorsque safemme vient lui rendre visite au centre et qu’il perçoitson alcoolisme à travers le discours <strong>de</strong> sa femme.Anne Consigny est remarquable dans son jeu. C’esttrès étrange parce que Philippe ne connaissait pas monépouse et pourtant Anne lui ressemble étonnamment,elle a la même retenue. Je ne sais pas si les choses ontréellement changé à ce moment-là, mais c’était un momentimportant.Il faut dire la vérité à un alcoolique. Il ne faut jamais releverun alcoolique quand il tombe. Il faut le laisser par terre, il nefaut pas qu’une femme aimante l’ai<strong>de</strong> à se relever, le metteau lit et qu’il se réveille le matin en se disant « Tout va bien,ce n’est pas si grave que ça ! ». Il faut arriver à le confronterréellement aux dégâts que provoque cette maladie.Le constat du film, comme du livre, est quand mêmetrès dur : certains se sortent <strong>de</strong> cette situation, etd’autres y restent. Avez-vous encore <strong>de</strong>s contacts avecvos compagnons d’infortune ?En l’espace <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ans, trois <strong>de</strong> mes compagnons <strong>de</strong> cureles plus proches sont morts d’alcoolisme. Pas directementparce qu’on ne meurt pas d’alcoolisme, sauf quand on aune cirrhose ou <strong>de</strong>s varices oesophagiennes. Souventl’alcool est à l’origine <strong>de</strong> bien d’autres maladies. Et quandon est dans l’état dans lequel je me trouvais les <strong>de</strong>ux<strong>de</strong>rnières années, il n’y a pas trente-six solutions : c’estsoit l’hôpital psychiatrique, soit la mort, soit la prison caron perd les pédales, les repères. Je n’ai jamais été agressifLe <strong>de</strong>rnier pour la route 14sous l’emprise <strong>de</strong> l’alcool. Mais je me suis fait interpeller,menotter et j’ai eu droit à la cellule <strong>de</strong> dégrisement. C’étaitétrange, je ne pensais pas connaître un jour dans ma viece genre <strong>de</strong> situation. Les alcooliques sont incontrôlables.Ils savent qu’ils ne doivent pas conduire, mais ils le fontquand même. C’est ce genre <strong>de</strong> dérapages, entre autres,qui les mène à la prison.Aujourd’hui, vous avez le sentiment d’être un rescapé ?Aujourd’hui, j’ai le sentiment d’être en vie, c’est déjà pasmal. J’ai beaucoup <strong>de</strong> chance <strong>de</strong> ce point <strong>de</strong> vue. Le fait<strong>de</strong> ne pas boire ne supprime pas du tout les problèmes duquotidien. Simplement, j’essaie <strong>de</strong> me placer autrement,<strong>de</strong> maîtriser mes émotions et mes colères, <strong>de</strong> lâcherprise plutôt que <strong>de</strong> me miner. Je me récite souvent cettefameuse prière <strong>de</strong> la sérénité qui est en fait un véritablegui<strong>de</strong> <strong>de</strong> vie : « Mon Dieu (tel que chacun le conçoit),donnez-moi la sérénité d’accepter les choses que je nepeux changer, le courage <strong>de</strong> changer les choses que jepeux et la sagesse d’en connaître la différence ». C’estévi<strong>de</strong>mment la troisième partie la plus importante. Je mesoigne, je sais que je ne guérirai jamais <strong>de</strong> l’alcoolisme, jedois rester vigilant. Le verre n’est jamais très loin…Le <strong>de</strong>rnier pour la route 15


Entretien François CluzetComment présenteriez-vous votre personnage ?C’est un reporter, un homme d’action, un passionné,un aventurier. Comme il le dit dans le film, c’est un typequi avait besoin <strong>de</strong> couvrir chaque guerre qui éclatait dansle mon<strong>de</strong>.C’est peut-être un peu égoïstement qu’il partait toujours loin<strong>de</strong> sa famille. C’est un personnage double, individualiste ethomme d’équipe à la fois.Avez-vous besoin <strong>de</strong> comprendre complètementles personnages pour les incarner, notamment unpersonnage aussi riche et complexe qu’Hervé ?Je ne sais pas si <strong>de</strong> toute façon on peut tout comprendred’un personnage. Je dirais que je choisis les personnageset les films lorsqu’ils trouvent un écho en moi. Est-ceque c’est parce que j’ai vécu <strong>de</strong>s choses similaires ?Ou parce que j’ai une idée sur le sujet ? Ou parce qued’autres personnages dans le scénario me ressemblentou me touchent ? C’est un peu pour tout ça, et pourl’émotion. Si je ressens <strong>de</strong> l’émotion en lisant un scénario,j’ai l’impression <strong>de</strong> pouvoir faire un travail personnel. Cequi me dérangerait le plus, c’est d’avoir quelque choseà composer. Je n’aime pas composer, j’aime l’idée <strong>de</strong>pouvoir prêter mo<strong>de</strong>stement mon enveloppe, mon rythme,à un personnage.Vous êtes-vous senti une responsabilité particulièreà incarner quelqu’un <strong>de</strong> contemporain, comme HervéChabalier ? Comment s’est passée votre rencontreavec lui, avant et après le tournage ?Hervé Chabalier m’a touché. Je l’ai trouvé sensibleet fin. J’ai lu son livre, qui m’a bouleversé, et c’est engran<strong>de</strong> partie pour ça que j’ai accepté <strong>de</strong> faire le film.J’ai ressenti la responsabilité <strong>de</strong> ne pas le décevoir.Nous, les acteurs, nous ne sommes qu’un maillon <strong>de</strong>la chaîne mais s’il n’est pas soli<strong>de</strong>, elle ne tient pas.L’avis d’Hervé était très important pour moi parceque dans le cadre d’une biographie c’est important <strong>de</strong>savoir ce que pense l’auteur. Hervé Chabalier connaîtbien le cinéma. Sa réaction, le fait qu’il ait été très émuet bouleversé à la première projection du film, est aussidue à l’entièreté du film. Le film est simple, il s’adressedirectement à la sensibilité <strong>de</strong>s spectateurs et necérébralise pas l’affaire. Le problème <strong>de</strong> beaucoup<strong>de</strong> films, c’est que l’on fait trop appel à la réflexion <strong>de</strong>sspectateurs. Or, ils ne sont pas là pour ça, ils sont làpour recevoir malgré eux l’émotion, pour qu’on les atteigneau plus profond, et ça c’est mon boulot.Quelle a été l’émotion, le déclic qui a fait que cepersonnage-là vous a touché ?L’émotion vient vraiment <strong>de</strong> l’histoire d’Hervé avec l’alcool,c’est-à-dire <strong>de</strong> la façon avec laquelle il se retrouve dansune situation difficile et arrive à s’en sortir. Ce qui me plaîtc’est la façon dont on peut rebondir. Je crois que tout n’estLe <strong>de</strong>rnier pour la route 17


l’aise. Je suis là pour rassurer les acteurs qui pourraientêtre inquiets, et puis surtout je n’essaie jamais <strong>de</strong>surprendre mes partenaires. Ce que je fais, ils levoient en répétition puis à la première prise. Je détesteles effets <strong>de</strong> manche, les virtuosités, tout ce qui esttrès égocentrique, donc j’essaie <strong>de</strong> montrer à mespartenaires qu’ils ont la liberté <strong>de</strong> leur création, <strong>de</strong>les encourager. Pour moi c’est simple, il faut que monpartenaire soit le meilleur possible puisque c’est luiqui va déterminer ma réponse. C’est d’ailleurs commeça que je choisis aujourd’hui mes films : en fonction <strong>de</strong>spartenaires.Il y a une scène bouleversante dans le film,la confrontation entre Hervé et sa femme, jouéepar Anne Consigny. Est-ce une scène qui a étéparticulièrement difficile à tourner ?C’est une scène difficile surtout pour Anne Consigny.Ce qui est plutôt marrant dans cette scène c’est queje la fais venir au centre <strong>de</strong> cure parce que j’ai envie <strong>de</strong>la montrer à tout le mon<strong>de</strong>, <strong>de</strong> montrer à quel point elleest jolie et que je suis fier d’elle, mais finalement çame retombe <strong>de</strong>ssus puisqu’elle explique, à mots couverts,à quel point la vie d’accompagnement d’un alcooliquereprésente un enfer et que l’éloignement lui fait du bien.J’ai beaucoup aimé travailler avec Anne Consigny, qui estune gran<strong>de</strong> actrice d’une sensibilité rare .La dépendance, quelle qu’elle soit, touche presquechacun d’entre nous. Est-ce important selonvous <strong>de</strong> le montrer sous la forme d’une fiction ?Est-ce que vous pensez que ça a plus <strong>de</strong> forcequ’un documentaire ?Ni plus ni moins. Disons que ce qui est intéressantpour moi c’est d’arriver à faire un film qui reste undivertissement sur un sujet grave et profond. Leproblème <strong>de</strong>s films dramatiques, c’est qu’il faut qu’ilssoient digestes. Grâce à Hervé Chabalier, on a untémoignage. Ensuite, le metteur en scène et la scénaristeont souhaité donner, dans la fiction cette fois, unedramaturgie à cette histoire. On parle d’un sujet profond,grave, mais à nous d’y mettre <strong>de</strong> la vie, <strong>de</strong> l’authenticitéet aussi un peu <strong>de</strong> légèreté. A chaque fois que je faisun film dramatique, j’ai ça en tête : comment le rendredigeste ? Vous ne pouvez pas faire venir les gens dansune salle <strong>de</strong> cinéma, les faire payer pour voir un film surun sujet grave, si vous n’avez pas le divertissement.J’emploie le mot « divertissement » pour reprendre uneexpression d’Ingmar Bergman, qui disait : « N’oublionspas que nous faisons un métier <strong>de</strong> divertissement ». Lesgens ont leurs difficultés personnelles, ils vont aucinéma pour les oublier et se divertir, s’ils tombentsur un film chiant ils n’ont qu’une envie c’est <strong>de</strong> sortir<strong>de</strong> la salle !Le <strong>de</strong>rnier pour la route 22


Entretien Mélanie ThierryComment présenteriez-vous le personnage <strong>de</strong>Magali ?C’est une rebelle, une jeune femme <strong>de</strong> 23 ans brisée parla vie, qui s’est construite toute seule. Ses parents n’ontpas été à l’écoute, ne l’ont pas vue grandir. Elle n’a pasencore vraiment touché le fond pour pouvoir comprendrecomment remonter à la surface, et elle tourne un peu enrond. Elle est perdue, elle ne sait plus où elle en est, ellea l’impression qu’elle n’a pas droit au bonheur, qu’on ne lacomprend pas au sein du groupe parce que c’est la plusjeune. Le personnage d’Hervé est le seul à s’intéresser àelle, à faire le premier pas, à la regar<strong>de</strong>r avec tendresse etbienveillance.Qu’est-ce qui vous a séduite dans ce projet ?Après avoir joué dans <strong>de</strong>s films <strong>de</strong> science-fiction(Babylon A.D.) ou d’action (Largo Winch), vous revenezà quelque chose <strong>de</strong> plus intimiste…Après avoir essayé les films d’action, avoir beaucoup couru,beaucoup hurlé, ça fait du bien <strong>de</strong> retourner à quelquechose <strong>de</strong> plus simple. J’ai eu l’impression <strong>de</strong> revenir àl’essentiel, <strong>de</strong> comprendre pourquoi je fais vraiment cemétier : pour le jeu, tout simplement. C’est aussi le premierfilm où je m’investis dans un rôle très éloigné <strong>de</strong> moi. J’aiosé davantage, j’ai pris plus <strong>de</strong> risques.Le plaisir du jeu est-il très différent en fonction <strong>de</strong>sfilms ?Plus jeune, le fait <strong>de</strong> jouer me paralysait, je me refermaiscomme une huître, mais aujourd’hui je m’amuse. Et mêmesi je redoute toujours le premier jour d’un tournage, jeprends du plaisir. L’excitation l’emporte sur la peur, c’estcomme un défi.Est-ce d’autant plus fort avec ce type <strong>de</strong> personnage ?J’ai aimé tous les personnages que j’ai joués. Je trouve lerôle <strong>de</strong> Magali très touchant, parce qu’elle est vulnérable,mal-aimée, à fleur <strong>de</strong> peau. C’est assez fort à jouer, et àla fois il ne faut pas que ce soit trop noir. Quand j’ai reçuune <strong>de</strong>s premières versions du scénario, le personnageétait beaucoup plus noir, plus violent, et ça m’avait un peurefroidie. J’appréhendais <strong>de</strong> jouer ce genre <strong>de</strong> personnage,je craignais que ça me touche trop.Comment s’est passé le tournage sous la direction <strong>de</strong>Philippe Go<strong>de</strong>au ?J’aime bien sa démarche, son humilité. Philippe estquelqu’un <strong>de</strong> tendre et doux, qui s’intéresse aux gens. Aveccertains metteurs en scène, il ne faut pas être susceptiblesinon on a les larmes qui montent et on n’arrive plus à jouer.Philippe, lui, est très discret. Il est là sans être là, il gèretout, il met toujours <strong>de</strong> la bonne humeur sur le plateau,sans rien imposer, et du coup ça permet d’avoir une libertéincroyable. Il n’était jamais <strong>de</strong>rrière son combo, il se mettaitau pied <strong>de</strong> la caméra et nous regardait, donc il voyait toutLe <strong>de</strong>rnier pour la route 24


ce qui se passait sur nos visages. C’est très agréable,même si c’est beaucoup plus intimidant parce qu’il n’y apas <strong>de</strong> filtre !On sent beaucoup <strong>de</strong> bienveillance <strong>de</strong> sa part pourl’ensemble <strong>de</strong> son équipe…Oui, c’est ça, <strong>de</strong> la bienveillance. Il y avait sur ce tournageun sentiment <strong>de</strong> groupe, <strong>de</strong> troupe. En général, j’ai vitele trac, je ne suis jamais satisfaite. Mais là, dans la petiteville d’Aix-les-Bains, j’avais l’impression d’être au bout dumon<strong>de</strong>, au milieu <strong>de</strong> la forêt, <strong>de</strong>s montagnes, dans cetteambiance très familiale. Ça m’a rassurée. C’est la premièrefois que j’ai senti à quel point on pouvait se reposer surune équipe technique, à quel point ils étaient importants,solidaires et à l’écoute.C’est un peu le propos du film : le fait que ce soit trèsdifficile <strong>de</strong> s’en sortir seul, sans échange…Oui, les personnages <strong>de</strong> cette histoire se comprennent, ilsont besoin les uns <strong>de</strong>s autres, sinon ils n’arriveraient jamaisà s’en sortir. Il y a entre eux un lien très fort, sincère etbeau. C’est émouvant <strong>de</strong> sentir une telle entrai<strong>de</strong>. S’il y ena un qui tombe, tout le jeu <strong>de</strong> dominos s’écroule. Si le filmest réussi c’est grâce à cette alchimie entre une équipe, unmetteur en scène et <strong>de</strong>s comédiens qu’il a choisis.tout un mon<strong>de</strong> ! Tout était simple avec lui, on s’écoutait, onse marrait, il y avait une vraie connivence. Comme nousprenions beaucoup <strong>de</strong> plaisir à jouer tous les <strong>de</strong>ux, nousétions <strong>de</strong> plus en plus libres. François m’a permis d’allerloin dans le jeu. Le trio Philippe, François et moi, ça a étémagique !Pour préparer ce rôle, avez-vous assisté à <strong>de</strong>s réunions<strong>de</strong> groupes d’alcooliques ?J’ai juste lu le livre <strong>de</strong> Joseph Kessel sur les AlcooliquesAnonymes, qui m’a beaucoup appris sur le sujet. C’estun livre étonnant parce que ces réunions représentent unmon<strong>de</strong> que l’on ignore complètement, une sorte <strong>de</strong> mon<strong>de</strong>parallèle.Qu’atten<strong>de</strong>z-vous du film ?Même si chaque personnage trimballe une histoirepersonnelle douloureuse, le film n’est pas désespérant dutout mais au contraire plein d’espoir.En ce qui me concerne, je ne fais pas <strong>de</strong> cinéma <strong>de</strong>puislongtemps, je n’ai pas encore joué dans beaucoup <strong>de</strong>films, j’ai donc envie <strong>de</strong> m’installer, <strong>de</strong> m’ancrer.Comment avez-vous travaillé avec François Cluzet ?Je suis super heureuse d’avoir tourné avec François. Passer<strong>de</strong> Vin Diesel dans Babylon A.D. à François Cluzet, c’estLe <strong>de</strong>rnier pour la route 27


Entretien Michel Vuillermoz<strong>de</strong> la Comédie FrançaiseComment êtes-vous arrivé sur ce projet ?Philippe Go<strong>de</strong>au m’a contacté et m’a <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> lirele scénario. Je trouvais l’histoire très bien ficelée, et lepersonnage très beau. Il y avait <strong>de</strong>s situations assez fortesà jouer, j’ai donc eu très envie <strong>de</strong> faire le film.Comment présenteriez-vous le personnage <strong>de</strong> Pierre ?Pierre revient en cure <strong>de</strong> désintoxication pour sonproblème <strong>de</strong> dépendance à l’alcool pour la énième fois.Il ne s’en sort pas comme, malheureusement, beaucoup<strong>de</strong> dépendants à l’alcool ou à la drogue. Pour toutes lesdépendances possibles, qu’elles soient aux droguesdures, à la cigarette ou à l’alcool, il y a en général <strong>de</strong>sconséquences violentes sur l’entourage proche, lasituation familiale, professionnelle… Pierre est un personnageassez émouvant parce qu’il est luci<strong>de</strong> sur sa propreissue, il reste joyeux jusqu’au bout, même s’il sait quel’alcool sera plus fort que lui. Comme s’il le choisissait.Je pensais vraiment, avec ce rôle, à <strong>de</strong>s gens qui m’ontimpressionné en tant qu’acteurs mais aussi en tant qu’êtreshumains, comme Serge Gainsbourg ou Philippe Léotard,<strong>de</strong>s gens qui, je pense, étaient conscients <strong>de</strong> ce qu’ilsfaisaient, <strong>de</strong>s risques qu’ils encouraient et qui sont allésjusqu’au bout.Comment avez-vous composé ce personnage ?J’ai réfléchi à qui il était, d’où il venait. J’aime bien chercherun peu le vécu d’un personnage, une espèce <strong>de</strong> biographie.J’invente où il est né, quelle a été sa vie professionnelle,sentimentale. Je suis aussi allé aux Alcooliques Anonymes,voir comment se passait une réunion. J’ai lu le bouquin <strong>de</strong>Joseph Kessel et bien sûr aussi le livre d’Hervé Chabalier.J’ai aussi rencontré un spécialiste, le docteur PhilippeBatel. Pendant <strong>de</strong>ux heures, il m’a parlé du comportement<strong>de</strong> l’alcoolique même quand il ne boit pas, <strong>de</strong> tout ce quipeut se traduire physiquement jusqu’au vocabulaire <strong>de</strong>la personne. De façon intellectuelle ou intuitive, il vautmieux comprendre un personnage pour le jouer. Si onle comprend, on sait comment il fonctionne et on peut àpriori le mettre dans n’importe quelle situation.Avez-vous <strong>de</strong>s affinités avec ce personnage <strong>de</strong>Pierre ?Personnellement, non. J’ai <strong>de</strong>s dépendances aussi,un peu comme tout un chacun, mais j’arrive à memaîtriser. Je ne suis pas alcoolique, j’aime bien boiremais je bois <strong>de</strong> façon modérée, comme on le dit trèshypocritement d’ailleurs. Après, c’est plus une affinitéavec le personnage <strong>de</strong> Pierre à certains moments,son autodérision par exemple, sa façon <strong>de</strong> ne pas seprendre au sérieux. Moi j’aime bien rigoler, déconner,donc forcément je mets dans le personnage <strong>de</strong> Pierre ceque je suis.Le <strong>de</strong>rnier pour la route 29


Est-ce que le fait <strong>de</strong> jouer le soir au théâtre quelquechose <strong>de</strong> complètement différent vous a aidé à quitterune histoire parfois pesante ?Ça n’a rien à voir, parce que je compartimente, les pièces<strong>de</strong> théâtre entre elles, et le film. Ce n’est pas le mêmeexercice du tout. En plus le tournage a été très ludique, touts’est passé <strong>de</strong> façon douce. Philippe était très prévenant,tous les comédiens se sont bien entendus, ce qui est rare.On formait un petit groupe, une petite troupe, comme à laComédie Française ! On prenait du plaisir à se retrouver, àêtre ensemble, même en <strong>de</strong>hors du tournage.quelque chose qui le dérange, qui le gêne, ou quand ilest content. Il est très humble, très ouvert et en mêmetemps très ambitieux. Il ne lâche rien avec les acteurs,il est toujours très attentif et très délicat. Ce tournageétait agréable, plaisant, joyeux et léger. L’ambiance d’unfilm dépend beaucoup <strong>de</strong> la personnalité <strong>de</strong> celui qui ledirige.C’était donc plus <strong>de</strong> l’émulation entre vous que <strong>de</strong> laconcurrence ?Oui, <strong>de</strong> l’émulation saine, positive. C’est un film <strong>de</strong> groupe,un film choral, comme le voulait Philippe, et je crois qu’ila bien réussi, ne serait-ce que par le casting. On est trèsdifférents, on n’est pas sur le même registre et il n’y a pas<strong>de</strong> concurrence entre nous. Parfois, avec l’ego <strong>de</strong>s acteurs,il arrive qu’il y ait parfois une rivalité, voire une jalousie. Là,on avait chacun une fonction différente, un style <strong>de</strong> jeudifférent, <strong>de</strong>s personnalités différentes, donc aucun n’allaitsur les plates-ban<strong>de</strong>s <strong>de</strong> l’autre.Quel réalisateur est Philippe Go<strong>de</strong>au ?C’est le premier film <strong>de</strong> Philippe en tant que réalisateur maisil est étonnamment très précis. Il sait ce qu’il veut, il n’a pasd’orgueil mal placé, il est à l’écoute et se fait comprendre<strong>de</strong>s acteurs. On sait ce qu’il veut, on sent quand il y aLe <strong>de</strong>rnier pour la route 31


Entretien Jean-Louis AubertCette ban<strong>de</strong> originale est la <strong>de</strong>uxième que vouscomposez en quelques mois après celle du film <strong>de</strong>Philippe Clau<strong>de</strong>l Il y a longtemps que je t’aime. Quel aété le déclic pour que l’on vienne vers vous ?Je connais Philippe Clau<strong>de</strong>l <strong>de</strong>puis 4/5 ans. Il est venume voir enregistrer en studio et il a pensé que je pourraiscomposer la musique <strong>de</strong> son film. Après l’écoute <strong>de</strong> lachanson Alter ego, il m’a dit que son film tournait autour dumême sujet et nous sommes partis sur cette idée là.Philippe Go<strong>de</strong>au a fait appel à moi parce qu’il avaitbeaucoup aimé la musique que j’avais composée pour cefilm.Pour le film Il y a longtemps que je t’aime, je suis parti surune musique acoustique et pour Le <strong>de</strong>rnier pour la routesur quelque chose <strong>de</strong> plus électrique. Mais ces musiquesont en commun, un petit quelque chose qui évolue dans letemps. La musique suit le cheminement du personnage.Elle s’ouvre, s’élève en passant par divers états : la colère,la patience, l’interrogation. L’auteur navigue dans cesmêmes états d’âme pour arriver à une chanson.Il n’y a pas <strong>de</strong> volonté <strong>de</strong> coller à une musique. La musiquese fait en même temps qu’on avance dans le film. L’échangeest important, je fais du sur-mesure, je suis au service dufilm, comme un acteur ou un cadreur.Est-ce un exercice difficile <strong>de</strong> composer une musiquepour un film ?Je n’ai pas l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>s musiques <strong>de</strong> film. Jepense qu’on vient d’abord chercher chez moi une certaineinnocence.Comme un débutant, je travaille sans technique particulière.Alors pour les <strong>de</strong>ux films, je me suis inspiré du personnageprincipal et je me suis collé à son âme, à son état d’esprit.Philippe Go<strong>de</strong>au avait-il une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> particulière ?Comment s’est passée votre rencontre ?Philippe Go<strong>de</strong>au avait <strong>de</strong>mandé à d’autres compositeurset notamment à Craig Armstrong, que j’adore, <strong>de</strong> travaillersur la musique <strong>de</strong> son film. Il avait réalisé une très bellemaquette qui plaisait beaucoup à Philippe. Mais une fois« posée » sur les images du film, le tout ne fonctionnait pasidéalement.Alors il m’a rappelé et m’a <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> faire la musique <strong>de</strong>son film. Là, j’étais très fier d’avoir été choisi !Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la musique, qu’est-ce qui vous a touchédans le projet ?J’ai adoré le film et le sujet me touche énormément. Jeconnais très bien ce genre <strong>de</strong> centres <strong>de</strong> cure et ma petitesœur y travaille. Quand on a fait la tournée « Les aventuriersd’un autre mon<strong>de</strong> », les bénéfices ont été reversés à l’un <strong>de</strong>ces centres. J’ai eu beaucoup d’amis avec <strong>de</strong>s problèmesdivers et variés, quelques-uns sont <strong>de</strong>venus <strong>de</strong>s personnesLe <strong>de</strong>rnier pour la route 32


exceptionnelles grâce à <strong>de</strong> petits stages comme ça et …d’autres sont morts…Le film n’est pas con<strong>de</strong>scendant, il n’y a pas <strong>de</strong> morale àla fin, on ne sait pas ce qu’Hervé va <strong>de</strong>venir, mais on saitqu’il a redécouvert le langage, l’échange avec les autresdans leur différence. On sait aussi qu’une autre porte s’estouverte pour lui et que s’il a à nouveau besoin d’ai<strong>de</strong>, ilsaura où frapper.Je ne sais pas comment on peut avoir un regard tendresur les autres, si on n’a pas un peu <strong>de</strong> tendresse sur soimême. Reconnaître qu’on s’est planté, qu’on est tombé,est humain.On n’a pas besoin d’être alcoolique pour se retrouver dansce film. On vit vraiment cela dans ces centres <strong>de</strong> cures, etil suffit d’assister à une réunion <strong>de</strong>s Alcooliques Anonymespour entendre ces témoignages qui font qu’on est moinsseuls.Le film parle <strong>de</strong> la dépendance et du fait qu’on ne peutpas s’en sortir seul, qu’on a besoin du groupe et <strong>de</strong>l’échange…Je trouve ça magnifique, parce que c’est une chaîned’entrai<strong>de</strong>, avec les mêmes interrogations que celles <strong>de</strong>l’acteur au début du film. « C’est une secte ? C’est quoi cebor<strong>de</strong>l ? Je ne suis pas fais pour ça ! » Je suis égalementpassé par ce processus. Je pense que si l’on s’en sort, onen sort grandi avec une nouvelle connaissance humaine etune connaissance <strong>de</strong> soi.Si ce film peut tendre la main à quelques personnes aussi,je trouve ça très bien. …Sous l’angle <strong>de</strong> la dépendance à l’alcool, finalement le sujetdu film concerne toutes les dépendances en général.Il y a une phrase que j’aime beaucoup : « On a toujoursle droit <strong>de</strong> se lever et <strong>de</strong> partir d’une table où ons’ennuie ». Pour ma part, je me suis aperçu aussi que jebuvais parce que je m’ennuyais et que je n’avais pas envie<strong>de</strong> faire mauvaise figure. C’est juste un masque en fait….Dans le film François Cluzet dit : « C’est quand tu esen solo que tu es le plus entouré ». Dans la musique,pensez-vous qu’on est plus fort en groupe ou en solo ?J’ai eu <strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s ou je n’ai jamais été aussi seul qu’engroupe.Non, au final je pense que ça correspond à différentespério<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la vie. C’est très bien <strong>de</strong> partir en groupe, maisau bout d’un moment ça me fait penser aux Frères Jacquesou ces vieux groupes qui font toujours la même chose…même les groupes <strong>de</strong> rock… et même les groupes quis’enten<strong>de</strong>nt bien…Le titre <strong>de</strong> votre <strong>de</strong>rnière tournée « Un tour sur moimême» pourrait être un sous-titre pour le film <strong>de</strong>Philippe Go<strong>de</strong>au, non ?Oui il y a cet effet <strong>de</strong> miroir, la projection sur l’autre. C’estvrai que cette tournée c’était une forme <strong>de</strong> miroir. On estseul mais pas tout seul et cela <strong>de</strong>vient beaucoup plustendre que la solitu<strong>de</strong>. Alors que la solitu<strong>de</strong> mine, saufpour quelques initiés qui savent la gérer, parler <strong>de</strong> soiavec d’autres, partager sa solitu<strong>de</strong> avec d’autres solitu<strong>de</strong>sdonne lieu à beaucoup <strong>de</strong> bonheur, <strong>de</strong> questionnementssur la vie qui passe…Vous pouvez me dire un mot sur la chanson du générique<strong>de</strong> fin Jette une pierre ? On la croirait écrite pour lefilm…Quasiment, en tout cas, c’est ce que j’ai fait croire. Jene sais pas d’où m’est venue cette chanson… peut-être<strong>de</strong>s bords <strong>de</strong> la Seine où je me promène souvent et quim’inspire. Cela m’arrive quelque fois <strong>de</strong> jeter un souci sousforme d’un caillou dans l’eau.Que retiendrez-vous <strong>de</strong> cette expérience sur ce film ?Je suis très fier d’y avoir contribué. Beaucoup <strong>de</strong> mes amissont partis, beaucoup <strong>de</strong> gens autour <strong>de</strong> moi ont eu <strong>de</strong>sproblèmes <strong>de</strong> dépendance. Moi-même j’en ai eu, alors si jepeux faire un peu partie <strong>de</strong> la chaîne d’entrai<strong>de</strong>….Quand Philippe Go<strong>de</strong>au s’est lancé dans ce film, j’ai euenvie <strong>de</strong> participer à un projet qui ferait <strong>de</strong> ces inconnus<strong>de</strong>s gens beaux à l’écran, parce que c’est un peu <strong>de</strong> ceque j’ai vécu dans la vie. L’idée que le public puisse lesdécouvrir à travers le film me plait.Le <strong>de</strong>rnier pour la route 34Le <strong>de</strong>rnier pour la route 35


Listes artistiqueFrançois CLUZETMélanie THIERRYMichel VUIL<strong>LE</strong>RMOZeric NAGGARLionnel ASTIERraphaëline GOUPIL<strong>LE</strong>AUeva MAZAURICninon BRETECHERFrançoise PINKWASSERMarilyne CANTOriton LIEBMANBernard CAMPANanne CONSIGNYarthur MONC<strong>LA</strong>HERVÉMAGALIPIERREGUNTHERJEAN-MARIEHÉLÈNEKRISSANDRASO<strong>LE</strong>DADCAROLMARTINMARCAGNÈSTHOMASLe <strong>de</strong>rnier pour la route 36


Liste techniqueréalisation Philippe GODEAUScénario Agnès DE SACY et Philippe GODEAUd’après l’ouvrage <strong>de</strong> Hervé CHABALIERLe <strong>de</strong>rnier pour la route publié aux Editions Robert Laffontimage Jean-Marc FABRESon Michel KHARATJean-Paul HURIERassistant réalisation Hubert ENGAMMAREMontage Thierry DEROC<strong>LE</strong>Sdécors Thérèse RIPAUDCostumes Anne SCHOTTEMaquillage Françoise CHAPUISCoiffure Patrick GIRAULTScripte Sylvette BAUDROTrégie Didier CARRELCasting Constance DEMONTOYphotos <strong>de</strong> plateau Nathalie ENOMusique originale Jean-Louis AUBERTSupervision musicale Valérie LINDON pour Ré Flexe Musicdirecteur <strong>de</strong> production Baudoin CAPETproductrice associée Nathalie gastaldoUne coproductionPAN-EUROPÉENNE, STUDIOCANAL, FRANCE 3 CINÉMA, RHÔNE-ALPES CINÉMAAvec la participation <strong>de</strong> CANAL+, CINÉCINÉMA et FRANCE 3En association avec la BANQUE POSTA<strong>LE</strong> IMAGE 2Avec le soutien <strong>de</strong> la FONDATION GROUPAMA GAN <strong>POUR</strong> <strong>LE</strong> CINéMA, du PROGRAMME MÉDIA DE L’UNION EUROPÉeNNE <strong>de</strong> la PROCIREP et <strong>de</strong> L’ANGOA-AGICOADistribution PAN-EUROPÉENNE - WILD BUNCH DISTRIBUTIONVentes internationales STUDIOCANALproduit par Philippe GODEAULe <strong>de</strong>rnier pour la route © 2008 Pan-Européenne – Studiocanal – France 3 Cinéma – Rhône-Alpes CinémaLe <strong>de</strong>rnier pour la route 39


MusiqueSupervision musicale : Valérie LINDON pour Ré Flexe MusicMusique originale composée par Jean-Louis AUBERTEditions La Loupe - Enregistrée et mixée aux studios Labomaticpar Bénédicte SchmitDenis Benarrosh : batterie, percussionsJohan Dalgaard : claviersLaurent Vernerey : basseJean-Louis Aubert : guitares, basse, piano, percussions, voixProducteur exécutif : Lambert BoudierChanson générique <strong>de</strong> finJETTE UNE PIERRE (Jean-Louis Aubert)Interprété par Jean-Louis Aubert© et P La LoupeAvec l’aimable autorisation <strong>de</strong> Virgin Musicune division <strong>de</strong> EMI music FranceExtraits MusicauxSOMETHING WICKED THIS WAY COMES (Hugh Coltman)Interprété par Hugh Coltman© Because EditionsP 2008 ULMAvec l’aimable autorisation d’Universal Music Visionet <strong>de</strong> Because EditionsUNA NUOVA STORIA (Eric Gemsa & Elisabeth Conjard)K MUSIK / KOSINUSE TALKING (David Dewaele / Stephen Dewaele)Interprété par Soulwax© Strictly Confi<strong>de</strong>ntial / We’ll sue youDroits pour la France et territoires SACEMStrictly Confi<strong>de</strong>ntial FranceP PIAS RecordingsCOME ON DOWN WITH MEComposé par Jay Condiotti & Nadia Finkelstein© et P ZFC MusicAvec l’aimable autorisation <strong>de</strong> Universal PublishingProduction Music FranceNUMBER ONEComposé par Louise Dowd & Richard Salmon© et P Atmosphere Music LtdAvec l’aimable autorisation <strong>de</strong> Universal PublishingProduction MusicUNTIL WE B<strong>LE</strong>ED - Feat.Lykke Li(Mikael Karlsson / Andreas Kleerup / Li Lykke Timotej Zachrisson)Interprété par Kleerup© 2008 Universal Music Publishing AB / Please Music Works, LLC /Emi Music Publishing Scandinavia ABP 2008 Emi Music Swe<strong>de</strong>n ABAvec l’autorisation d’Universal Music Vision, <strong>de</strong> Please Music Works& <strong>de</strong> Emi Music Publishing France S.A.NY EXCUSE(Nancy Whang - James Murphy / David Dewaele - Stephen Dewaele)Interprété par Soulwax© Strictly Confi<strong>de</strong>ntial / We’ll sue you / C.C.Droits pour la France et territoires SACEMStrictly Confi<strong>de</strong>ntial FranceP PIAS RecordingsLe <strong>de</strong>rnier pour la route 40


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