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N° 14 - Iulm

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52 Livrescomblement par injections de béton, qui s’avère être doublement néfaste : culturellement,« tant par l’ingratitude vis-à-vis de ceux qui les ont creusées que par ce que l’on décidenous-mêmes d’enlever aux générations futures » et, techniquement, « en ôtant la possibilitéd’une surveillance des vides » (ibid.) ;- dépaysement : « les carrières de Paris n’ont, contrairement à la ville, pas évoluédepuis un à deux siècles [...]. On n’y est nulle part, ou au Sud de nulle part pour reprendrela formule d’une cataphile. Trouver un dépaysement d’une telle intensité à une heure, voireà quelques minutes de chez soi, c’est comme pouvoir partir complètement en vacances unenuit de la semaine. Voilà pour ce merveilleux espace de néant » (p. 11).- la sécurité: « Aux heures où les gens descendent (la nuit), on est certainement plus ensécurité dans les carrières que dans la rue. Cette sécurité est étrange : descendre par unpuits et en refermer le tampon d’accès donne immédiatement le sentiment d’être à l’abri,hors de portée de ce qui pourrait nous « agresser » (police, délinquants, citoyens en mal dejustice froid ou chaud, bruit, lumière...). D’aucuns attribuent ainsi aux carrières uncaractère de matrice » (ibid.).- la libre possibilité de se créer un personnage, « au travers d’un pseudonyme et de lalégende que l’on y associe, raconter des histoires ou dessiner (par le biais des « tracts »,feuilles de papier généralement signées d’un pseudonyme et que l’on illustre comme onveut) » (p. 12) ;- l’horizontalisation des rapports humains, authentiques, sans embrigadement et sanscontrainte, où les individus « ne se distinguent plus que par leur valeur personnelle »(p. 13), c’est-à-dire leur connaissance amoureuse et sobre du sous-sol ;- le fait que cette deuxième vie s’additionne à la vie en surface, à la manière d’« unsupplément inestimable de vécu, [...] tant par l’insouciance que par la confiance en soi et ladésinhibition que l’on peut y trouver » (p. <strong>14</strong>) ; même si dans certains cas – pathologiques– les carrières « peuvent être une drogue dure »Le roman lui-même distille ces composantes de la cataphilie, en y les assombrissanttoutefois par une menace aussi fantastique que mortelle. Un jeune couple, André etCynthia, achète un pavillon à Bourg-la-Reine. Leur enfant Jean-Claude est de pèreinconnu; la mère est en proie à une bizarre amnésie concernant le géniteur et a caché cesecret à son mari. Le jardin comporte un cabanon dans lequel aboutit un puits mystérieux.Jean-Claude dessine compulsivement « des galeries de pierre, un lac souterrain, et uneétrange couleur violette » (p. 31), qui ont le don d’irriter Cynthia. André découvre d’aprèsdocuments que leur demeure est bâtie sur d’immenses carrières dont l’exploitation, bienque fructueuse, cessa inexplicablement au bout de quelques années, le tout au siècledernier. Se risquant dans le puits, il en ressort vite paniqué: tout ce qu’il y a vu corresponddans les moindres détails aux dessins de son fils ! Au même moment, Cynthia découvreque sa mère connaît le terrible secret qu’elle a tenté d’enfouir en elle-même depuis cinqans : « L’enfant avait été conçu en carrière, avec son ami du moment,un cataphile, qui étaitmort sous un effondrement le jour même. En hommage à lui, ou peut-être pour des raisonsplus sombres, elle [...] mit le petit Jean-Claude au monde près du puits où elle étaitredescendue » (p. 42). La jeune femme avait été alors soignée par un psychiatre, qui finitpar l’épouser : André. Le couple rencontre deux cataphiles chevronnées, qui aiment pardessus tout plonger – en apnée ou avec une réserve d’oxygène – dans les cavités inondées :Linda et Thanh, qui acceptent d’explorer à fond les carrières situées sous le pavillon. Ellesatteignent un véritable gouffre maçonné, creusé de main d’homme et empli de soixantequinzemètres d’eau : « La monotonie de cette paroi n’était entachée que par la présence de

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