Rapport de l'Observatoire de la jeunesse solidaire - Afev
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Page 2présentationNotre démarchePublication du 4ème rapport <strong>de</strong>l’Observatoire <strong>de</strong> <strong>la</strong> Jeunesse SolidaireChaque année, <strong>de</strong>puis 2009, l’<strong>Afev</strong>, premier réseau d’étudiants <strong>solidaire</strong>s dans les quartierspopu<strong>la</strong>ires, publie une étu<strong>de</strong> annuelle sur les enjeux liés à <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong>. Une démarche née <strong>de</strong> <strong>la</strong>volonté <strong>de</strong> comprendre le rapport <strong>de</strong> <strong>la</strong> société française à sa <strong>jeunesse</strong> en croisant les regards<strong>de</strong>s Français et d’acteurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie publique.Cette enquête exclusive menée avec l’institut Audirep et avec le soutien <strong>de</strong> <strong>la</strong> Fondation BNPParibas et <strong>de</strong> l’Association <strong>de</strong>s Régions <strong>de</strong> France, porte sur le regard <strong>de</strong>s Français sur lesjeunes et les politiques publiques menées en faveur <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong>. Elle est complétée par lescontributions d’une quinzaine <strong>de</strong> personnalités, experts français et européens, et les principauxcandidats à <strong>la</strong> Prési<strong>de</strong>ntielle.Une <strong>jeunesse</strong> au cœur <strong>de</strong>s débats ?À <strong>la</strong> veille <strong>de</strong>s élections prési<strong>de</strong>ntielles, l’<strong>Afev</strong> et Audirep poursuivent leur démarche auprès <strong>de</strong>sFrançais et mettent un accent particulier sur les inégalités entre les jeunes. Selon les Français,quelle p<strong>la</strong>ce doit être accordée à <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong> dans le débat politique ? Quelles mesures leurparaissent nécessaires afin d’améliorer <strong>la</strong> condition <strong>de</strong>s jeunes ? Comment réduire les inégalitésentre les membres d’une même génération ?Si les résultats <strong>de</strong>s enquêtes <strong>de</strong>s années 2009 et 2010 démontraient une forte ambivalence <strong>de</strong>notre société envers sa <strong>jeunesse</strong>, ceux <strong>de</strong> l’année 2011 révè<strong>la</strong>ient une volonté affirmée <strong>de</strong> voirles questions <strong>de</strong> <strong>jeunesse</strong> au cœur <strong>de</strong>s débats, notamment dans les programmes politiques<strong>de</strong>s candidats aux prési<strong>de</strong>ntielles <strong>de</strong> 2012. En effet, 70 % <strong>de</strong>s Français estiment que <strong>la</strong> prioritéaccordée aux enjeux liés aux questions <strong>de</strong> <strong>jeunesse</strong> pèsera fortement sur leur choix <strong>de</strong> candidat.Ils sont également 8 sur 10 à considérer que les politiques publiques ont un rôle à jouer dans <strong>la</strong>réduction <strong>de</strong>s inégalités sociales entre les jeunes.Sommaire> Notre démarche> Les acteurs du projet> Un sondage exclusifPerception globale <strong>de</strong>s jeunesInsertion <strong>de</strong>s jeunes dans <strong>la</strong> société> Les travaux complémentaires> Les réactions du panel <strong>de</strong> personnalitésLe point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong>s expertsLe point <strong>de</strong> vue et les propositions <strong>de</strong>s candidats à <strong>la</strong> prési<strong>de</strong>ntielleLe point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> nos voisins européensLe point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong>s Régions <strong>de</strong> France> La parole <strong>de</strong>s jeunes> Poursuivre le débat avec l’<strong>Afev</strong>Page 2Page 3Page 4Page 5Page 6Page 8Page 9Page 9Page 12Page 15Page 17Page 18Page 20www.<strong>jeunesse</strong><strong>solidaire</strong>.org
Page 4sondageUn sondage exclusifQuel regard portent les Français sur les jeunes en 2012 ? Que pensent-ils <strong>de</strong> l’action publique menée en faveur <strong>de</strong> <strong>la</strong><strong>jeunesse</strong> ? Quelles attentes pour l’avenir ? En cette année d’élections prési<strong>de</strong>ntielles et légis<strong>la</strong>tives, l’<strong>Afev</strong>, Audirep et <strong>la</strong>Fondation BNP Paribas proposent une enquête exclusive qui apporte <strong>de</strong>s réponses à ces questions. Focus sur un sujetau cœur <strong>de</strong> l’actualité : « Les Français, les jeunes, <strong>la</strong> prési<strong>de</strong>ntielle ».lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> sco<strong>la</strong>risation (cf résultats 2011). Ainsi, aujourd’hui 4Français sur 10 considèrent que les jeunes n’ont pas du tout lesmêmes chances <strong>de</strong> réussir socialement et que ces inégalités sesont creusées pendant ces 10 <strong>de</strong>rnières années.L’image plutôt positive <strong>de</strong>s jeunes dans <strong>la</strong> société est une réalitéancrée dans l’esprit <strong>de</strong>s Français ; entre 2011 et le sondageréalisé en ce début d’année, ces <strong>de</strong>rniers conservent une imagepositive <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong> française (75%).En revanche, cette étu<strong>de</strong> met en évi<strong>de</strong>nce une vision discriminante<strong>de</strong>s jeunes <strong>de</strong>s quartiers popu<strong>la</strong>ires qui ne vont pas profiter<strong>de</strong> cette perception positive (près <strong>de</strong> 57% <strong>de</strong>s interrogés en ontencore une image négative). Les Français associent ces jeunesà <strong>la</strong> délinquance et au fait qu’ils ne respectent pas assez lesrègles. Cette po<strong>la</strong>risation <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong>, mise en lumière par lesrésultats <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> 2011, souligne encore le fait que les Françaisne connaissent pas et ne côtoient pas ces jeunes.Néanmoins, les Français considèrent que les jeunes n’ont pastous les mêmes chances <strong>de</strong> réussir socialement et doivent faireface à ces inégalités liées à leur origine sociale, puis renforcéesDans ce constat, rentre en ligne <strong>de</strong> compte le rôle <strong>de</strong>s politiquespubliques menées en faveur <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong> : plus <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux tiers<strong>de</strong>s sondés ont le sentiment que les politiques publiques menéesces dix <strong>de</strong>rnières années n’ont pas véritablement rempli leurrôle. Ils gar<strong>de</strong>nt en mémoire, pour une minorité d’entre eux, lesefforts en matière d’insertion professionnelle et ceux concernantl’amélioration <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie locale.Quelles sont les attentes <strong>de</strong>s Français dans ces domaines ?Spontanément, ils déc<strong>la</strong>rent que <strong>de</strong>s actions pour favoriser lesembauches et donner plus <strong>de</strong> moyens à l’Éducation nationalesont pour eux <strong>de</strong>ux points clés à mettre en œuvre en matière <strong>de</strong>politiques publiques.Au final, dans le cadre <strong>de</strong> l’élection prési<strong>de</strong>ntielle à venir, lesenjeux liés à <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong> pèseront, pour les Français, lour<strong>de</strong>mentdans le choix du candidat.MéthodologieÉtu<strong>de</strong> réalisée du 1er au 7 février 2012, par téléphone,sur système CATI (Computer Assisted TelephoneInterviews) auprès d’un échantillon national <strong>de</strong> 1 000individus, représentatifs <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion française,âgés <strong>de</strong> 15 ans et plus.PROFIL DE L’ÉCHANTILLONSexe :Hommes 48 %Femmes 52 %Age :15-24 ans 16 %25-34 ans 18 %35-49 ans 27 %50-64 ans 20 %+ <strong>de</strong> 65 ans 19 %Catégorie socioprofessionnelle:CSP + 19 %CSP – 47 %Inactifs 34 %Région UDA :Ile <strong>de</strong> France 18 %Nord 7 %Ouest 23 %Est 18 %Sud-Est 23 %Sud-Ouest 11 %Zone d’habitat :Centre-ville 33 %Zone péri-urbaine 28 %Milieu rural 39 %www.<strong>jeunesse</strong><strong>solidaire</strong>.org
Page 6sondageinsertion <strong>de</strong>s jeunes dans <strong>la</strong> sociétéwww.afev.org1. Avez-vous le sentiment que les jeunes possè<strong>de</strong>nt tous les mêmeschances <strong>de</strong> réussir socialement ?Conscients <strong>de</strong>s facteurs sociaux pouvant favoriserles inégalités entre les jeunes, les Françaismontrent <strong>de</strong>s opinions tranchées quant à <strong>la</strong>réussite sociale <strong>de</strong>s jeunes (4 sur 10 considèrentque les jeunes n’ont pas tous les mêmes chances<strong>de</strong> réussir socialement)…2. Avez-vous le sentiment que les inégalités sociales entre les jeunes sesont creusées ces 10 <strong>de</strong>rnières années ?…et, pour 4 Français sur 5, les inégalités socialesentre les jeunes se sont creusées ces 10 <strong>de</strong>rnièresannées.3. Êtes-vous d’accord pour dire que l’une <strong>de</strong>s missions <strong>de</strong>s politiquespubliques est <strong>de</strong> réduire les inégalités sociales entre les jeunes ?Les inégalités sociales entre les jeunes sont uneréalité pour les Français. Dans ce contexte, lesFrançais considèrent que les politiques publiquesont c<strong>la</strong>irement un rôle à jouer dans <strong>la</strong> réduction<strong>de</strong> ces inégalités entre les jeunes (pour près <strong>de</strong> 8Français sur 10).4. Avez-vous le sentiment que les politiques publiques menées ces 10<strong>de</strong>rnières années ont été en faveur <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong> ?En revanche, les Français ont le sentiment queles <strong>de</strong>rnières politiques publiques menées n’ontpas véritablement rempli ce rôle (pour près <strong>de</strong> 7Français sur 10).En outre, 36% ne savent pas quelles politiquespubliques ont été menées en faveur <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong>et 2 Français que 10 considèrent qu’aucunepolitique publique en faveur <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong> n’a étémenée (cf question suivante).
sondagePAGE 75. Selon vous, quelles sont les principales actions / mesures qui ont étémises en p<strong>la</strong>ce ces 10 <strong>de</strong>rnières années par les politiques publiques enfaveur <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong> ? (Question ouverte)Faciliter l’insertion professionnelle et améliorer <strong>la</strong>vie locale sont les 2 p<strong>la</strong>ns d’action que les Françaisconsidèrent mis en œuvre par les politiquespubliques.Les % ci-contre ne constituent pas l’intégralité <strong>de</strong>s réponses fournies.Les réponses sélectionnées ont été les plus fortement citées par lesfrançais interrogés.6. Quelles sont vos attentes concernant les politiques publiques à meneren faveur <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong> ?Spontanément, les Français déc<strong>la</strong>rent que <strong>de</strong>sactions pour favoriser les embauches et donnerplus <strong>de</strong> moyens à l’Éducation nationale constituent<strong>de</strong>ux attentes fortes en matière <strong>de</strong> politiquespubliques.Les % ci-contre ne constituent pas l’intégralité <strong>de</strong>s réponses fournies.Les réponses sélectionnées ont été les plus fortement citées par lesfrançais interrogés.7. Enfin, dans le cadre <strong>de</strong> l’élection prési<strong>de</strong>ntielle qui aura lieu dansquelques mois, <strong>la</strong> priorité accordée aux enjeux liés à <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong> pèserat-elledans votre choix <strong>de</strong> candidat ?Ainsi, dans le cadre <strong>de</strong> l’élection prési<strong>de</strong>ntielle àvenir, les enjeux liés à <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong> pèseront pour 7Français sur 10 dans le choix du candidat.
éactions <strong>de</strong>s expertsPAGE 9Les réactions du panel <strong>de</strong> personnalitésEn 2012, l’Observatoire mène l’enquête sur « Les Français, les jeunes et <strong>la</strong> prési<strong>de</strong>ntielle » avec <strong>la</strong> contribution d’une quinzaine<strong>de</strong> personnalités <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie civile et politique. Sociologues, candidats aux élections prési<strong>de</strong>ntielles et experts européens <strong>de</strong>squestions <strong>de</strong> <strong>jeunesse</strong> sans oublier les jeunes <strong>de</strong> l’<strong>Afev</strong> s’expriment pour l’Observatoire <strong>de</strong> <strong>la</strong> Jeunesse Solidaire.Les réactions présentées dans les prochaines pages constituent, pour <strong>la</strong> plupart d’entre elles, <strong>de</strong>s extraits d’entretiensplus longs, disponibles sur le site : www.<strong>jeunesse</strong><strong>solidaire</strong>.org© CVDVRejouer davantage lescartes au fil <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie> Cécile Van De Vel<strong>de</strong>Sociologue à l’EHESS, membre <strong>de</strong> l’Equipe <strong>de</strong>Recherche sur les Inégalités Sociales du Centre Maurice Halbwachs (CNRS/EHESS/ENS), auteur <strong>de</strong> Devenir adulte : sociologie comparée <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong>en Europe (PUF, 2008).<strong>Afev</strong> Quels chiffres <strong>de</strong> ce sondage vous ont particulièrement frappée ?Cécile Van <strong>de</strong> Vel<strong>de</strong> Les chiffres <strong>la</strong>issent entrevoir toute <strong>la</strong> tension entre <strong>de</strong>uxreprésentations fortes <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong> : <strong>jeunesse</strong> malchanceuse et <strong>jeunesse</strong>dangereuse. Le rapport français aux jeunes distingue c<strong>la</strong>sses victimes (lesjeunes en général) ou c<strong>la</strong>sses menaçantes (ceux issus <strong>de</strong>s quartiers popu<strong>la</strong>ires).On retrouve là une logique <strong>de</strong> stigmatisation d’un pan <strong>de</strong> génération à partir<strong>de</strong>s comportements d’une petite minorité agissante, amplifiée par le re<strong>la</strong>is<strong>de</strong>s médias. On peut penser que ces reproches d’irrespect et d’incivilité, quine sont pas nouveaux, s’accentuent dans <strong>de</strong>s sociétés vieillissantes, mê<strong>la</strong>nt <strong>de</strong>façon inédite plusieurs générations en présence.Quels sont selon vous les pays où cette perception est <strong>la</strong> plus négative ?CVDV Même si on le retrouve dans d’autres pays, ce double regardpaternaliste, oscil<strong>la</strong>nt entre compassion et répression, est particulièrementaccentué en France. En Europe, au sein <strong>de</strong>s sociétés sociales-démocratesou libérales, les jeunes sont davantage valorisés comme une ressourceactive, et plus directement intégrés à <strong>la</strong> société : les « jeunes adultes » nesont pas construits comme une catégorie à part.Estimez-vous que les pouvoirs publics français jouent un rôle actif etsuffisant sur ces questions ?CVDV Les politiques françaises actuelles <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong> souffrent <strong>de</strong> leurcomplexité et <strong>de</strong> leur illisibilité : tout nouveau dispositif peut rapi<strong>de</strong>ment êtrepiégé dans une logique <strong>de</strong> construction qui manque d’une artère centrale,et empile les mesures les unes sur les autres, sans cohérence d’ensemble.Peu d’individus sont capables aujourd’hui d’énumérer l’ensemble <strong>de</strong>sdispositifs actifs. Sur <strong>la</strong> forme et <strong>la</strong> procédure, <strong>la</strong> construction d’unepolitique <strong>de</strong> <strong>jeunesse</strong> exige avant tout une remise à p<strong>la</strong>t <strong>de</strong> l’ensemble <strong>de</strong> cesdispositifs, pour lui offrir plus <strong>de</strong> lisibilité et dégager une artère centrale.Afin <strong>de</strong> dépasser les effets conjoncturels, elle passe nécessairement parun ensemble cohérent <strong>de</strong> mesures structurelles activant simultanémentdifférents leviers <strong>de</strong> soutien, et non pas <strong>de</strong>s dispositifs ciblés et partiels,enfermés dans <strong>de</strong>s seuils d’âge, répondant à une logique d’urgence, etparfois d’affichage. De même, il me semble nécessaire <strong>de</strong> mobiliser nonpas un seul acteur, mais plutôt un mail<strong>la</strong>ge social <strong>la</strong>rge, impliquant l’État,les entreprises, les collectivités et les associations locales.Dans quelle direction <strong>de</strong>vraient s’orienter les politiques publiques <strong>de</strong><strong>jeunesse</strong> en France ?CVDV Sur le fond, il me semble nécessaire, en France, <strong>de</strong> <strong>de</strong>sserrerprioritairement le goulot d’étranglement <strong>de</strong> l’insertion à l’issue <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s,et d’axer sur <strong>la</strong> souplesse <strong>de</strong>s trajectoires entre étu<strong>de</strong>s et emplois. Ce<strong>la</strong>passe par le droit au rattrapage pour ceux qui décrochent du systèmesco<strong>la</strong>ire, que ce soit par <strong>la</strong> formation ou l’emploi ; par l’atténuation <strong>de</strong> <strong>la</strong> fortehiérarchie initiale <strong>de</strong>s diplômes et <strong>de</strong>s métiers, en valorisant par exempledavantage certaines formations ou les expériences extra-sco<strong>la</strong>ires ; et par<strong>la</strong> possibilité sociale, donnée à tous, <strong>de</strong> réorienter sa vie en cas <strong>de</strong> difficultésdans un secteur. Plus <strong>la</strong>rgement, il faudrait réfléchir à gar<strong>de</strong>r les forces <strong>de</strong>notre système méritocratique tout en essayant d’en atténuer les faiblessesen cas <strong>de</strong> crise. Ceci permettrait <strong>de</strong> sortir <strong>de</strong> <strong>la</strong> spirale <strong>de</strong> « l’échec » sco<strong>la</strong>irepour ceux qui en font l’expérience, et, pour tous, <strong>de</strong> rejouer davantage lescartes au fil <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie. •© Olivier Gal<strong>la</strong>ndInsérer <strong>de</strong> <strong>la</strong> souplesse !> Olivier Gal<strong>la</strong>ndSociologue, directeur <strong>de</strong> recherche au CNRS, directeurdu Groupe d’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s d’analyse sociologique(GEMASS), co-auteur en 2011 <strong>de</strong> La Machine à trier :comment <strong>la</strong> France divise sa <strong>jeunesse</strong> (Eyrolles, 2011), auteur <strong>de</strong> Sociologie <strong>de</strong> <strong>la</strong><strong>jeunesse</strong> (Armand Colin, 1991).<strong>Afev</strong> Que vous inspirent les résultats <strong>de</strong> notre enquête ?Olivier Gal<strong>la</strong>nd Ces chiffres sont plutôt positifs pour l’image <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong>,alors que les jeunes pensent souvent, à tort, que <strong>la</strong> société a une mauvaiseimage d’eux. Il n’y a pas non plus <strong>de</strong> conflit <strong>de</strong> génération particulièrementmarqué : les jeunes eux-mêmes partagent souvent <strong>de</strong>s opinions comparablesà celles <strong>de</strong> leurs aînés.Et en ce qui concerne les jeunes issus <strong>de</strong>s quartiers popu<strong>la</strong>ires ?OG Il n’y a pas <strong>de</strong> rejet massif <strong>de</strong>s jeunes issus <strong>de</strong>s quartiers popu<strong>la</strong>ires,puisqu’une minorité significative - 43% - conservent d’eux une image« plutôt » ou « très positive ». En revanche, les CSP- ont une image moinsbonne <strong>de</strong> ces jeunes que les CSP+.Néanmoins, comment expliquez-vous ce déca<strong>la</strong>ge <strong>de</strong> perception entre lesjeunes en général et issus <strong>de</strong>s quartiers popu<strong>la</strong>ires ?OG Affirmer que les seconds sont présentés <strong>de</strong> manière négative par lesmédias m’apparaît angéliste. Certes, ceux parmi eux qui se distinguent par<strong>de</strong>s conduites condamnables font l’objet d’une surexposition médiatique. Pourautant, les comportements <strong>de</strong>s jeunes ont indéniablement changé <strong>de</strong>puistrente ou quarante ans, comme le remarquait François Dubet dans La galère,jeunes en survie (Fayard, 1971).En quoi ces comportements ont-ils évolué ?OG Les « banlieues rouges » d’autrefois, qui développaient <strong>de</strong>s formes <strong>de</strong>socialisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong> cohérentes, ont disparu. Une partie <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong>issue <strong>de</strong>s quartiers popu<strong>la</strong>ires s’est donc désocialisée. Des mécanismes<strong>de</strong> socialisation horizontaux, par les pairs, ont remp<strong>la</strong>cé les mécanismesverticaux. Avec pour conséquence une coupure plus gran<strong>de</strong>, un repli i<strong>de</strong>ntitaire<strong>de</strong>s jeunes sur <strong>la</strong> culture propre à leur c<strong>la</strong>sse d’âge, voire une radicalisationet <strong>la</strong> montée d’une méfiance vis-à-vis du fonctionnement <strong>de</strong> <strong>la</strong> démocratie.Or quand on rencontre cette <strong>jeunesse</strong>, on se rend rapi<strong>de</strong>ment compte qu’uneréelle diversité existe en son sein : il existe un vrai clivage entre ceux qui ontune vraie <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> reconnaissance et ceux qui y ont renoncé.Les personnes interrogées sont 8 sur 10 à estimer que les politiquespubliques ont un rôle à jouer dans <strong>la</strong> réduction <strong>de</strong>s inégalités...OG Les gens sont luci<strong>de</strong>s. Depuis qu’il existe <strong>de</strong>s politiques publiques endirection <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong> – le Pacte pour l’emploi <strong>de</strong>s jeunes <strong>de</strong> Raymond Barre,en 1977 -, le taux <strong>de</strong> chômage <strong>de</strong>s jeunes est resté à peu près constant. Ona souvent préféré cibler l’accompagnement ou l’encadrement plutôt que <strong>la</strong>réintégration. Pour améliorer réellement <strong>la</strong> situation, il faudrait <strong>de</strong>s réformesstructurelles sur l’école et sur le marché du travail.D’une part, l’accès à l’éducation s’est massifié sans démocratisation du mon<strong>de</strong><strong>de</strong> l’éducation. En résulte un fort taux d’échec sco<strong>la</strong>ire, en particulier dansles quartiers popu<strong>la</strong>ires. Les jeunes se sentent rejetés, donc ils rejettent àleur tour <strong>la</strong> société. Le marché du travail est le pendant du système sco<strong>la</strong>ire,rigi<strong>de</strong>, dual. Les CDD se précarisent face à <strong>de</strong>s CDI encore soli<strong>de</strong>s, sans que<strong>de</strong>s passerelles n’existent. Il faut insérer <strong>de</strong> <strong>la</strong> souplesse ! En Fin<strong>la</strong>n<strong>de</strong>, <strong>la</strong>compétition sco<strong>la</strong>ire reste très faible ; au Danemark, <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion sur lescontrats <strong>de</strong> travail est quasiment inexistante. Il ne s’agit pas, bien entendu, <strong>de</strong>transposer tel quel l’un ou l’autre <strong>de</strong> ces systèmes, mais on pourrait au moinsanalyser ces exemples et réfléchir dans ce sens. •
Page 10réactions <strong>de</strong>s experts© Moignard> le point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong>s experts (suite)Laisser les jeunes agir ets’organiser> Benjamin MoignardSociologue, enseignant-chercheur à l’Université Paris-Est Créteil, Observatoire universitaire international <strong>de</strong> l’éducation et <strong>de</strong> <strong>la</strong>prévention, auteur <strong>de</strong> L’école et <strong>la</strong> rue : fabriques <strong>de</strong> délinquance (PUF, 2008).© CevipofTrouver <strong>de</strong> nouveauxmo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> coopérationentre les générations> Anne MuxelSociologue, directrice <strong>de</strong> recherche CNRS en science politique au CEVIPOF,auteur <strong>de</strong> Avoir 20 ans en politique : les enfants du désenchantement (Seuil,2010).<strong>Afev</strong> Que vous inspire le déca<strong>la</strong>ge <strong>de</strong> perception entre jeunes en général etjeunes issus <strong>de</strong>s quartiers popu<strong>la</strong>ires ?Benjamin Moignard C’est l’un <strong>de</strong>s chiffres importants <strong>de</strong> l’enquête, qui n’estpas étonnant car ces <strong>de</strong>rniers souffrent d’une stigmatisation forte. Certes,les sondés reconnaissent l’importance <strong>de</strong>s inégalités <strong>de</strong> condition sociale,d’ailleurs <strong>la</strong> France se caractérise par cette reconnaissance. Mais ce constatn’inverse pas cette tendance. Il existe une réelle difficulté à traiter <strong>la</strong> question<strong>de</strong> l’inégalité sociale au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s postures <strong>de</strong> principe. Il ne faut donc pas secontenter <strong>de</strong> lutter contre les inégalités sociales, mais sur les perceptions.En quoi les territoires renforcent-ils ces inégalités ?BM En France, le parcours sco<strong>la</strong>ire est vécu comme tout à fait déterminantdans les trajectoires sociales futures. Or le marché sco<strong>la</strong>ire est très tendu<strong>de</strong>puis 20 ans, ce qui renforce les stratégies géographiques puisque disparitéssco<strong>la</strong>ires et disparités sociales <strong>de</strong>s territoires sont directement liées. Or lespolitiques publiques menées, par exemple en direction <strong>de</strong>s ZEP, ciblentuniquement les plus méritants d’un territoire, d’un établissement, etc.Quelles autres évolutions récentes vous frappent ?BM D’abord, les formes <strong>de</strong> ségrégation sont <strong>de</strong> plus en plus fortes : voyezles débats autour <strong>de</strong> <strong>la</strong> réforme <strong>de</strong> <strong>la</strong> carte sco<strong>la</strong>ire. Les professionnels sontdésarmés pour y faire face, c’est donc un problème démocratique. Ensuite,même si <strong>la</strong> mobilisation est très forte, et notamment celle <strong>de</strong>s pouvoirspublics, on constate une diversification <strong>de</strong>s formes <strong>de</strong> <strong>la</strong> prise en charge,notamment en matière éducative. Or les nombreux professionnels engagéssur ce terrain travaillent plus sur <strong>la</strong> gestion <strong>de</strong> problèmes sociaux que surleur prévention, car le souci <strong>de</strong> prévention relève bien trop souvent, et à tort,<strong>de</strong> dimensions idéologiques.Les actuels candidats à <strong>la</strong> prési<strong>de</strong>ntielle se montrent-ils à <strong>la</strong> hauteur <strong>de</strong>ces enjeux ?BM Les questions d’éducation sont abordées dans <strong>la</strong> campagne, notamment<strong>de</strong>puis qu’un candidat très couvert médiatiquement en a parlé directement.Pour autant, on limite les questions d’éducation à <strong>la</strong> question <strong>de</strong>s postesdans l’Education Nationale. C’est là une tendance totalement française : onlimite les enjeux <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong> à <strong>de</strong>s enjeux d’éducation, et ces <strong>de</strong>rniersà <strong>de</strong>s enjeux exclusivement sco<strong>la</strong>ires. Quand on parle d’éducation, onn’observe <strong>la</strong> situation qu’au seul prisme <strong>de</strong> l’école.Sur quoi faudrait-il se concentrer ?BM Tout d’abord, se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r comment viser plus <strong>de</strong> cohérence dans<strong>la</strong> prise en charge <strong>de</strong>s jeunes dans tous leurs domaines d’apprentissage.Ensuite, « lâcher les baskets » <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rniers, en n’institutionnalisant passystématiquement tout ce qu’ils font, en en cherchant pas à donner un cadreà tout prix à toute dynamique et à tous leurs projets.Préserver une part d’informel dans les processus d’apprentissage ?BM Regar<strong>de</strong>z l’espace numérique. Il m’apparaît aujourd’hui comme le seulespace préservé <strong>de</strong> construction d’une sociabilité <strong>de</strong>s jeunes par les jeuneseux-mêmes. Cette p<strong>la</strong>teforme <strong>de</strong> réflexion voire d’action dépasse totalementles adultes, qui les <strong>la</strong>issent donc re<strong>la</strong>tivement tranquilles dans ce domaine.C’est une bonne chose. Il faut les <strong>la</strong>isser agir et s’organiser, sans chercher àles intégrer à tout prix dans <strong>de</strong>s mouvements <strong>de</strong> <strong>jeunesse</strong> qui s’apparententbien souvent à <strong>de</strong>s mouvements d’encadrement <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong> plutôt qu’à<strong>de</strong>s mouvements <strong>de</strong> jeunes. •www.<strong>jeunesse</strong><strong>solidaire</strong>.org<strong>Afev</strong> Que lisez-vous dans les résultats <strong>de</strong> cette enquête ?Anne Muxel Si les jeunes font plutôt l’objet d’une image positive, cesquestions d’image, souvent liées à <strong>de</strong>s effets <strong>de</strong> contexte, sont toujoursdifficiles à apprécier. Mais une forte majorité <strong>de</strong> Français considère queleurs enfants réussiront moins bien qu’eux. La perception <strong>de</strong>s nombreusesdifficultés éprouvées par les jeunes pour « entrer » dans <strong>la</strong> société nourritsans doute un sentiment plutôt positif à leur égard.Êtes-vous surprise du fait qu’une majorité <strong>de</strong> Français en appelle auxpouvoirs publics, voire aux candidats à <strong>la</strong> prési<strong>de</strong>ntielle ?AM C’est tout à fait normal. Les préoccupations <strong>de</strong>s Français quant àleur avenir, à celui <strong>de</strong> leurs enfants et du pays sont très présentes dansle choix électoral. La difficulté <strong>de</strong> projection dans un avenir collectif etles difficultés d’insertion qu’éprouvent nos enfants et petits-enfants serenforcent mutuellement. La capacité <strong>de</strong>s hommes politiques à répondreà ces attentes sera décisive dans <strong>la</strong> victoire <strong>de</strong> l’un ou l’autre candidataux élections prési<strong>de</strong>ntielles et légis<strong>la</strong>tives à venir. En ce qui concerne lesproblèmes d’insertion, les jeunes ne font que rencontrer, <strong>de</strong> manière plussail<strong>la</strong>nte, les mêmes problèmes que l’ensemble <strong>de</strong> <strong>la</strong> société. La <strong>jeunesse</strong>renvoie comme un miroir grossissant l’ensemble <strong>de</strong>s difficultés auxquellessont soumis les Français.Que dire <strong>de</strong> <strong>la</strong> participation politique <strong>de</strong>s jeunes aujourd’hui ?AM Les jeunes citoyens d’aujourd’hui font un usage combiné <strong>de</strong> plusieursformes d’action politique : les rouages traditionnels <strong>de</strong> <strong>la</strong> démocratiereprésentative, mais aussi <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s d’expression plus protestataires,associés à <strong>de</strong>s formes <strong>de</strong> démocratie participative. Ils se caractérisentpar leur capacité à mobiliser ces différents mo<strong>de</strong>s d’intervention, et parleur sens critique aiguisé. Ils ne sont pas dépolitisés, comme on l’entendsouvent. Au contraire, ils ont pris l’habitu<strong>de</strong> d’intervenir directement dans <strong>la</strong>sphère politique. Si les jeunes constatent que leurs valeurs démocratiquessont mises à mal, ce<strong>la</strong> peut entraîner soit un renforcement <strong>de</strong> leur défianceà l’égard <strong>de</strong> <strong>la</strong> c<strong>la</strong>sse politique, soit le développement <strong>de</strong> formes <strong>de</strong>socialisation politique nouvelles.Mais les élites politiques <strong>la</strong>issent-elles réellement une p<strong>la</strong>ce aux jeunes ?AM Les politiques se méfient <strong>de</strong>s jeunes, mais ils doivent aujourd’hui leur<strong>la</strong>isser une p<strong>la</strong>ce, y compris à <strong>de</strong>s niveaux importants <strong>de</strong>s instances <strong>de</strong>représentation démocratique. Or notre tradition politique française tendau contraire à maintenir en p<strong>la</strong>ce les mêmes figures politiques. Noussommes sans doute arrivés au bout <strong>de</strong> ce système, mais ce renouvellementn’est pas à l’œuvre dans les faits. C’est d’abord une question <strong>de</strong> volonté :il y a <strong>de</strong>s jeunes disponibles dans le tissu associatif, les partis politiques,les syndicats. Il ne s’agit pas <strong>de</strong> <strong>la</strong>ncer « Dehors les anciens ! » mais <strong>de</strong>rechercher <strong>de</strong> nouveaux mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> coopération entre les générations, afin<strong>de</strong> déboucher sur <strong>de</strong>s échanges plus riches, mieux partagés, fondés sur uneconfiance réciproque.Ces questions <strong>de</strong> <strong>jeunesse</strong> sont-elles suffisamment traitées par lesdifférents candidats ?AM François Hol<strong>la</strong>n<strong>de</strong> le premier a mis au cœur <strong>de</strong> sa campagne <strong>la</strong> question<strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong>, mais il s’adressait avant tout à <strong>la</strong> génération <strong>de</strong>s parents.Sa proposition <strong>de</strong> « Contrat <strong>de</strong> génération » est plutôt une bonne idée.Pour autant, ce<strong>la</strong> permettra-t-il aux jeunes <strong>de</strong> s’adapter aux mutationsstructurelles du marché <strong>de</strong> l’emploi ? Face aux défis <strong>de</strong> <strong>de</strong>main, lesprogrammes <strong>de</strong>s candidats n’offrent pas <strong>de</strong> propositions très convaincantespour permettre aux jeunes et aux moins jeunes <strong>de</strong> se projeter dans l’avenir,ni pour déterminer quelle sera <strong>la</strong> société <strong>de</strong> <strong>de</strong>main... •
éactions <strong>de</strong>s expertsPAGE 11L’usager doit être p<strong>la</strong>cé au cœur du système éducatif© Chauvel> Séverine ChauvelSociologue à l’EHESS, membre <strong>de</strong> l’équipe Enquête, Terrains, Théories du Centre Maurice Halbwachs (CNRS/EHESS/ENS),co-auteur <strong>de</strong> Orientation sco<strong>la</strong>ire et discrimination (La Documentation française, 2011).<strong>Afev</strong> Que vous inspirent les résultats <strong>de</strong> notre enquête ?Séverine Chauvel Les Français ont conscience du creusement <strong>de</strong>s inégalitéssociales parmi les jeunes : voici une marque <strong>de</strong> lucidité ! Une gran<strong>de</strong>majorité considère que les problèmes <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong> relèvent d’une questionpolitique et non privée, voire que l’action politique est responsable <strong>de</strong> cecreusement <strong>de</strong>s inégalités.Que vous inspire le fait que 6 Français sur 10 portent un regard négatif surles jeunes <strong>de</strong>s quartiers popu<strong>la</strong>ires ?SC Les jeunes <strong>de</strong> quartiers popu<strong>la</strong>ires portent le stigmate <strong>de</strong> leur c<strong>la</strong>ssesociale. Souvent sco<strong>la</strong>risés dans <strong>de</strong>s établissements ZEP, leurs chancesd’obtenir un diplôme ne sont pas les mêmes que les autres. Le problèmemajeur <strong>de</strong>s familles les moins dotées sco<strong>la</strong>irement est l’importancedu risque d’échec au lycée. En même temps, les orientations en lycéeprofessionnel ne sont pas uniquement faites « par défaut » : certains jeuness’opposent à <strong>la</strong> culture sco<strong>la</strong>ire selon une sociabilité popu<strong>la</strong>ire masculine etvalorisent les activités manuelles.Au niveau <strong>de</strong> l’orientation sco<strong>la</strong>ire, quels facteurs jouent dans le sens d’unaccroissement <strong>de</strong>s inégalités entre jeunes ?SC Les inégalités d’orientation à l’issue <strong>de</strong> <strong>la</strong> c<strong>la</strong>sse <strong>de</strong> troisième dépen<strong>de</strong>nttoujours avant tout <strong>de</strong> l’origine sociale <strong>de</strong>s élèves. D’après <strong>la</strong> loi d’orientation<strong>de</strong> 1989, l’usager doit être p<strong>la</strong>cé au cœur du système éducatif, et les parentssont désignés comme <strong>de</strong>s acteurs majeurs <strong>de</strong> l’orientation. Cette loi marqueégalement l’institutionnalisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> culture du projet individuel et <strong>de</strong>l’évaluation <strong>de</strong>s politiques éducatives. Si l’accent est mis sur <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong><strong>de</strong>s familles, il n’est pas fait mention <strong>de</strong> <strong>la</strong> question <strong>de</strong> l’offre <strong>de</strong> formation,qui encadre et limite les décisions d’orientation vers tel ou tel établissementou filière.Les jeunes diplômés sont-ils bien «formés» à <strong>la</strong> vie adulte ?SC Le bi<strong>la</strong>n <strong>de</strong>s politiques éducatives concernant l’allongement <strong>de</strong>s sco<strong>la</strong>ritésest nuancé. Si l’on note un écart entre les aspirations professionnellesattachées aux diplômes et les conditions d’insertion <strong>de</strong>s jeunes diplômés,les diplômes <strong>de</strong>meurent bénéfiques à plus long terme. Proposer uneallocation d’autonomie aux jeunes <strong>de</strong> milieux popu<strong>la</strong>ires leur permettrait <strong>de</strong>poursuivre <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s supérieures sans être tentés <strong>de</strong> transformer un jobétudiant en un boulot non qualifié à temps plein.Quelles politiques éducatives mises en p<strong>la</strong>ce en France <strong>de</strong>puis vingt ansvous semblent importantes ?SC La morphologie du système sco<strong>la</strong>ire se transforme profondément <strong>de</strong>puis<strong>la</strong> fin <strong>de</strong>s années 80 sous l’effet <strong>de</strong> réformes politiques venues d’en haut,visant <strong>de</strong>s économies budgétaires plus que les « <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s sociales » quiservent <strong>de</strong> justifications dans les discours ministériels. Un exemple meten lumière cette ambiguïté : <strong>la</strong> réforme du bac professionnel en 3 ans, quivise dans les discours officiels à revaloriser <strong>la</strong> voie professionnelle, maismaintient cette <strong>de</strong>rnière dans une voie <strong>de</strong> relégation, en raison <strong>de</strong> <strong>la</strong> divisionentre travail manuel et travail intellectuel et <strong>de</strong>s logiques d’orientation.Selon vous, les pouvoirs publics français jouent-ils un rôle suffisant dansce domaine ?SC Les politiques actuelles qui prônent un « libre choix » <strong>de</strong>s individusont pour effet <strong>de</strong> renforcer les inégalités sociales. La question n’est passeulement celle <strong>de</strong> l’orientation et du niveau <strong>de</strong>s élèves, mais <strong>la</strong> façondont l’école les prépare. La surreprésentation en voie professionnelle <strong>de</strong>sélèves issus <strong>de</strong> milieux popu<strong>la</strong>ires ne peut être réduite à <strong>de</strong>s « choix ». Si lesconditions sociales et sco<strong>la</strong>ires <strong>de</strong>s élèves con<strong>de</strong>nsent <strong>de</strong>s risques d’échecultérieur inégaux, les marges <strong>de</strong> manœuvre accrues accordées aux élèveset aux familles ne font pas disparaître les inégalités. •Un regard sur les jeunes mêlé d’empathie et <strong>de</strong> sévérité© Hermance Triay> Thierry Pech, Directeur <strong>de</strong> <strong>la</strong> rédaction d’Alternatives Économiques.“L’amour <strong>de</strong> l’humanité dispense parfois d’aimer leshommes”, déplorait Albert Camus à propos d’uneconception abstraite <strong>de</strong> l’humanitarisme. Et si c’étaitun peu <strong>la</strong> même chose avec <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong> ? Beaucoup l’aiment en général,mais beaucoup moins les jeunes en particulier, ou en tout cas pas tous lesjeunes. C’est toute l’ambiguïté qui ressort <strong>de</strong> <strong>la</strong> récente étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’<strong>Afev</strong> : 75%<strong>de</strong>s sondés ont une image positive <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong> en général, mais 57%en ont une négative <strong>de</strong>s « jeunes issus <strong>de</strong>s quartiers popu<strong>la</strong>ires ». Dans lemême temps, 81% <strong>de</strong>s sondés pensent que les inégalités entre les jeunes sesont creusées et 78% que les politiques publiques <strong>de</strong>vraient avoir à cœur <strong>de</strong>les réduire. Mais l’inégalité entre les jeunes issus <strong>de</strong>s quartiers popu<strong>la</strong>ireset les autres n’est-elle pas justement l’une <strong>de</strong>s principales inégalités quitraversent <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong> actuelle ?Les résultats <strong>de</strong> cette étu<strong>de</strong> viennent ainsi confirmer une tendancedésormais bien installée : le regard porté aujourd’hui par <strong>la</strong> société surses jeunes est mêlé d’empathie et <strong>de</strong> sévérité. Empathie tout d’abord : lesdifficultés rencontrées par les jeunes pour s’insérer sur le marché du travailet s’y stabiliser suscitent en effet une compassion <strong>la</strong>rgement répandueet tout à fait légitime <strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong>de</strong>s aînés. À une ou <strong>de</strong>ux générations <strong>de</strong>distance, ces difficultés paraissent sans commune mesure avec ce quepouvaient connaître les jeunes <strong>de</strong>s années 1970 ou 1980, et ce alors mêmeque le niveau moyen <strong>de</strong> formation a sensiblement augmenté entre temps.Sévérité ensuite : tous les jeunes ne se valent pas aux yeux <strong>de</strong> <strong>la</strong> société. Ceuxqui viennent <strong>de</strong>s quartiers popu<strong>la</strong>ires, en particulier, sont immédiatementsoupçonnés <strong>de</strong> violence, d’insoumission aux règles communes, <strong>de</strong>paresse, etc. Ils sont considérés, en somme, comme une menace pourl’ordre social. Ce sont pourtant eux qui connaissent les plus gran<strong>de</strong>sdifficultés d’insertion sur le marché du travail. Chez eux, les fragilités et lesinsuffisances <strong>de</strong> <strong>la</strong> formation initiale se conjuguent souvent aux effets <strong>de</strong>diverses discriminations silencieuses liées à leur origine supposée ou, plussimplement encore, aux préjugés qui entourent le quartier où ils ont grandi.L’opinion a donc ses contradictions. Ce<strong>la</strong> n’a rien <strong>de</strong> très nouveau en soi.Le problème est qu’en l’espèce, ces contradictions ren<strong>de</strong>nt l’exercicepolitique particulièrement délicat. Car, à bien y réfléchir, ceux sur lesquelsse concentre <strong>la</strong> sévérité du regard social sont précisément ceux à l’égard<strong>de</strong>squels l’empathie serait <strong>la</strong> plus justifiée.Cette situation soulève une autre question : une politique sociale à <strong>de</strong>stination<strong>de</strong> tous les jeunes serait-elle socialement plus acceptable qu’une politiquequi concentre ses efforts sur ceux qui en ont le plus besoin ? A priori, l’équitécomman<strong>de</strong> <strong>de</strong> donner plus à ceux qui ont moins. C’est le principe qui adominé, par exemple, <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong>s Zones d’éducation prioritaire. Enmême temps, ces politiques agissent comme une stigmatisation <strong>de</strong>s plusdémunis et les désignent au regard social comme ceux dont il faut s’éloignerautant que possible. A fortiori quand pèsent sur les quartiers popu<strong>la</strong>ires lespréjugés évoqués plus haut. De fait, il est peut-être temps, dans l’intérêt<strong>de</strong> toutes les <strong>jeunesse</strong>s, <strong>de</strong> réévaluer l’intérêt <strong>de</strong> politiques sociales plusuniverselles. •
Page 12réactions <strong>de</strong>s personnalités politiques> le point <strong>de</strong> vue et les propositions <strong>de</strong>s candidats à <strong>la</strong> prési<strong>de</strong>ntielle© Mo<strong>de</strong>m© Jean-François Grossin© Xavier Cantat© Front <strong>de</strong> gauche© UMP photosFrançois bayrou François hol<strong>la</strong>n<strong>de</strong> eva joly jean-luc mélenchon nico<strong>la</strong>s sarkozyMo<strong>de</strong>mParti Socialiste Europe Ecologie-les VertsFront <strong>de</strong> gauche Union pour un MouvementPopu<strong>la</strong>ire<strong>Afev</strong> Il existe un fort déca<strong>la</strong>ge entre <strong>la</strong> perceptionqu’ont les Français <strong>de</strong>s jeunes en général et cellequ’ils ont <strong>de</strong>s jeunes <strong>de</strong>s quartiers popu<strong>la</strong>ires.Qu’en pensez-vous ?François Bayrou Je souhaite un renouveau <strong>de</strong>solidarité entre tous les Français, et je feraitout pour ce<strong>la</strong>. Nous ne pouvons pas prendre lerisque <strong>de</strong> <strong>la</strong>isser s’aggraver un certain sentiment<strong>de</strong> méfiance réciproque entre les jeunes <strong>de</strong>squartiers et l’ensemble <strong>de</strong> <strong>la</strong> société. Les causes<strong>de</strong> cette situation doivent être traitées. Despolitiques publiques adaptées sont possibles.Trouver <strong>de</strong>s solutions utiles à l’entreprenariat,l’emploi et l’éducation dans les banlieueset quartiers popu<strong>la</strong>ires, rendre à ces zonesleur véritable potentiel économique, tout en yintégrant réellement les jeunes et les popu<strong>la</strong>tionsqui y vivent : ce sont les ambitions <strong>de</strong> mon projet.Les jeunes doivent obtenir <strong>de</strong> nouvelles modalitésd’accès à l’emploi et à l’éducation. Il faut uneréforme profon<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’accès à l’éducation et àun premier emploi. C’est <strong>la</strong> première étape d’unrétablissement <strong>de</strong> <strong>la</strong> confiance entre les jeunes<strong>de</strong> ces quartiers et l’ensemble <strong>de</strong>s Français.François Cocq, représentant le Front <strong>de</strong> GaucheTout ce<strong>la</strong> est le savant produit <strong>de</strong> <strong>la</strong> divisionidéologique orchestrée <strong>de</strong> nos concitoyens. Lavolonté <strong>de</strong> certains est <strong>de</strong> tout faire pour opposerles gens entre eux, <strong>de</strong> les trier selon leur c<strong>la</strong>ssesociale, leur origine, leur religion et maintenantaussi selon leur lieu d’habitation. Nous ne nionspas qu’il existe <strong>de</strong>s politiques discriminantes quitouchent en particulier les quartiers popu<strong>la</strong>iresmais <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong> est une, elle combat pour lesmêmes droits et elle est victime pareillement<strong>de</strong>s politiques en cours. La <strong>jeunesse</strong> est unmoment <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie d’un être humain, un momentdu processus d’émancipation et d’acquisition <strong>de</strong>ssavoirs et <strong>de</strong>s qualifications. Il ne faut pas avoirpeur <strong>de</strong> notre <strong>jeunesse</strong>, elle bouscule toujoursles habitu<strong>de</strong>s, veut prendre son <strong>de</strong>stin en main etcherche <strong>la</strong> manière d’y arriver. C’est une bonnechose, ils sont l’avenir <strong>de</strong> notre pays.François Hol<strong>la</strong>n<strong>de</strong> Nous <strong>de</strong>vons changerle regard qu’une partie <strong>de</strong> notre pays porteeffectivement sur les jeunes <strong>de</strong>s quartierspopu<strong>la</strong>ires. La politique menée par le prési<strong>de</strong>ntsortant pendant 5 ans a eu pour effet <strong>de</strong> lesstigmatiser, <strong>de</strong> les malmener, <strong>de</strong> les fragiliser,d’aggraver les tensions et <strong>de</strong> créer une véritablefracture entre <strong>la</strong> société et ses jeunes, et entreles jeunes eux-mêmes. C’est une logique <strong>de</strong>division qui est à l’opposé du projet que jedéveloppe pour <strong>la</strong> France. Certains entretiennent<strong>la</strong> méconnaissance, qui nourrit <strong>la</strong> méfiance et lespeurs. Ils en jouent dangereusement. Je veux aucontraire faire émerger l’espoir. Je sais l’énergieet <strong>la</strong> volonté <strong>de</strong>s jeunes <strong>de</strong> France, qu’ils habitentnos centres urbains, nos quartiers popu<strong>la</strong>iresou nos campagnes. Ils créent, innovent et ne<strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt qu’une chose : pouvoir construireleur vie, travailler et être utiles à leur pays. Pourredresser <strong>la</strong> France, nous avons besoin <strong>de</strong> toutesles forces <strong>de</strong> <strong>la</strong> Nation. Redonner une vision,engager une solidarité, garantir une unité : telssont les enjeux <strong>de</strong>s votes <strong>de</strong>s 22 avril et 6 maiprochains.Eva Joly Après une lecture attentive <strong>de</strong> votrerapport, on observe que ces jeunes sontc<strong>la</strong>irement victimes <strong>de</strong>s clichés que l’on accole <strong>de</strong>manière récurrente aux habitants <strong>de</strong>s banlieuesen général. Ce ressenti est <strong>la</strong> conséquence dutraitement médiatique <strong>de</strong>s sujets associés auxbanlieues (drogue, chômage, Is<strong>la</strong>m, insécurité).On n’insiste jamais sur <strong>la</strong> très gran<strong>de</strong> majorité <strong>de</strong>ces jeunes qui, malgré les nombreux handicaps,réussissent à s’en sortir <strong>de</strong> manière exemp<strong>la</strong>ireà force <strong>de</strong> courage et <strong>de</strong> détermination. Leproblème, ce n’est pas ces jeunes, ce sont lesdifficultés auxquelles ils sont confrontés et letraitement médiatique qui en est fait. Il existeune énorme différence entre <strong>la</strong> vision généraleet abstraite <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong> et <strong>la</strong> vision <strong>de</strong>s jeunesque l’on connaît et côtoie. Votre enquête <strong>de</strong> l’an<strong>de</strong>rnier mettait en lumière le résultat selon lequel90% <strong>de</strong>s Français ont une vision positive <strong>de</strong>sjeunes qu’ils connaissent. Parmi les enquêtesliées à <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong>, c’est selon moi un résultatqui mérite particulièrement notre attention, caril souligne le rôle déterminant que peuvent jouerl’échange et <strong>la</strong> mixité sociale dans le dénouement<strong>de</strong> ces problèmes.Nico<strong>la</strong>s Sarkozy Les jeunes <strong>de</strong>s quartierspopu<strong>la</strong>ires souffrent d’un double handicap. Nonseulement ils sont confrontés aux difficultésobjectives – économiques, sociales, sco<strong>la</strong>ires– qui frappent ces territoires, mais en plusils sont victimes <strong>de</strong> <strong>la</strong> réputation dégradée<strong>de</strong> leurs quartiers, qui aggrave leur problèmed’insertion dans <strong>la</strong> société. C’est un véritablecercle vicieux. Pour briser cette logique, ilfaut rappeler in<strong>la</strong>ssablement cette évi<strong>de</strong>nce :l’immense majorité <strong>de</strong>s jeunes <strong>de</strong>s « quartiers »ne <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt qu’à s’en sortir et à réussircomme tout le mon<strong>de</strong> ! Et ils ont, en moyenne,davantage <strong>de</strong> mérite que les autres. Au cours <strong>de</strong>ma vie, j’ai rencontré tant <strong>de</strong> ces jeunes qui m’ontimpressionné par leur force <strong>de</strong> caractère. Leurréussite, ils <strong>la</strong> doivent avant tout à eux-mêmes,même si rien souvent n’aurait été possible sansle soutien <strong>de</strong> leur famille, <strong>de</strong> leurs professeurs,ou encore <strong>de</strong> bénévoles d’associations commel’AFEV, qui fait un travail remarquable. Je netombe pas pour autant dans l’angélisme. Jen’ignore pas l’existence <strong>de</strong> cette minorité quia choisi <strong>de</strong> rendre <strong>la</strong> vie <strong>de</strong>s habitants <strong>de</strong> cesquartiers impossibles : à son comportement je neveux trouver aucune excuse.Une <strong>la</strong>rge majorité <strong>de</strong>s Français a le sentimentque les inégalités se sont creusées entre lesjeunes et estiment qu’il est du rôle <strong>de</strong>s politiquespubliques <strong>de</strong> réduire les inégalités entre lesjeunes. Que vous inspire ce constat ?FB C’est un triste constat. Il est d’abordimpossible <strong>de</strong> parler <strong>de</strong> ces inégalités sansabor<strong>de</strong>r les disparités qu’a <strong>la</strong>issé subsisterl’aménagement <strong>de</strong> notre territoire. Au sein <strong>de</strong>squartiers défavorisés, je pense qu’il faut, d’abord,réaliser une plus gran<strong>de</strong> mixité sociale, assurer <strong>la</strong>réimp<strong>la</strong>ntation <strong>de</strong>s services publics. La répartition<strong>de</strong>s fonctionnaires n’est pas efficace. Les plusexpérimentés d’entre eux doivent être incitésà aller exercer dans ces quartiers, là où l’on aévi<strong>de</strong>mment le plus besoin d’eux. Il faut aussire<strong>la</strong>ncer l’activité économique dans les quartiers.Je veux favoriser <strong>de</strong> nouvelles perspectiveséconomiques, suscitées par le réinvestissementsignificatif <strong>de</strong> l’Etat. Ma vision est celle d’un Etatqui favorise l’emploi en tous lieux, pour tout lemon<strong>de</strong>.FC Les inégalités qui se sont creusées sont cellesqui touchent l’ensemble <strong>de</strong> <strong>la</strong> société. Notre paysa vu s’accroître ces <strong>de</strong>rnières années les écartsentre les plus pauvres, toujours plus nombreuxet une oligarchie qui détient tout. Ce n’est doncpas spécifique à <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong>. Le sentiment <strong>de</strong> noscompatriotes est que les principes républicainswww.<strong>jeunesse</strong><strong>solidaire</strong>.org
éactions <strong>de</strong>s personnalités politiquesPAGE 13www.afev.orgont été battus en brèche. L’égalité n’est plusqu’un mot <strong>de</strong> notre <strong>de</strong>vise. L’inégalité spécifiqueà <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong> est l’accès à <strong>la</strong> qualification etdonc par répercussion l’accès à l’emploi. Dansles ZUS, un jeune sur quatre est au chômage(contre un sur huit dans les autres quartiersd’une même agglomération), ce qui est à mettreen re<strong>la</strong>tion avec le fait que 66% <strong>de</strong>s jeunes <strong>de</strong>moins <strong>de</strong> 25 ans n’ont pas <strong>de</strong> diplôme. Le rôle<strong>de</strong>s politiques publiques est donc <strong>de</strong> remettre<strong>la</strong> République partout, <strong>de</strong> donner <strong>de</strong>s missionsc<strong>la</strong>ires à l’éducation nationale et les moyens quien découlent, et <strong>de</strong> bâtir une société où chacuntrouve un travail et vit <strong>de</strong> son travail.FH Les inégalités se sont bel et bien creuséesces <strong>de</strong>rnières années, à <strong>la</strong> fois entre lesgénérations et au sein même <strong>de</strong>s générations.Pour <strong>la</strong> première fois en temps <strong>de</strong> paix, unegénération vit moins bien que les générationsqui l’ont précédée. Les revenus <strong>de</strong>s plus richesont explosé, tandis que dans le même temps <strong>la</strong>situation <strong>de</strong> l’ensemble <strong>de</strong>s Français n’a cessé <strong>de</strong>se détériorer. C’est le triste bi<strong>la</strong>n d’une politiquedont les Français ne veulent plus. Ces évolutionstouchent plus fortement encore les jeunes. Ces5 années ont été terribles pour eux : ils sontfrappés <strong>de</strong> plein fouet par le chômage et <strong>la</strong>précarité, ici en métropole mais plus encore enOutre-mer. Cette situation n’est pas acceptable.Dans <strong>la</strong> France <strong>de</strong> 2012, pour pouvoir toutsimplement construire sa vie, il faut être bienné. La reproduction sociale, l’héritage ont reprisle <strong>de</strong>ssus. L’ascension sociale et <strong>la</strong> méritocratierépublicaine sont mises à mal. J’ai choisi <strong>de</strong>faire <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong> ma priorité. Mon ambitionest c<strong>la</strong>ire : permettre à chaque enfant <strong>de</strong> <strong>de</strong>venirl’adulte qu’il rêve d’être, quelle que soit <strong>la</strong> familleoù il est né ou <strong>la</strong> ville dans <strong>la</strong>quelle il a grandi.EJ C’est le <strong>de</strong>voir <strong>de</strong> toute politique publique<strong>de</strong> faire en sorte <strong>de</strong> réduire les inégalités, etpas seulement entre les jeunes mais dansl’ensemble <strong>de</strong> <strong>la</strong> société. C’est pourquoi j’ai misl’égalité au centre <strong>de</strong> mon projet prési<strong>de</strong>ntiel.Pas uniquement dans les paroles mais surtoutdans les actes ! Vous trouverez dans mon projetprési<strong>de</strong>ntiel <strong>de</strong>s propositions fortes en matière<strong>de</strong> fiscalité, d’éducation, d’accès aux soins et aulogement, d’égalité femmes- hommes et <strong>de</strong> luttecontre le racisme et toutes les discriminationssociales et territoriales. Mais il faut bien saisirque le développement <strong>de</strong> ces inégalités n’estpas le fruit du hasard : il est consubstantielà un système qui a mis au centre l’égoïsmeet <strong>la</strong> compétition à outrance. La réponse à ceproblème ne peut donc pas se limiter à une série<strong>de</strong> mesures sectorielles, mais bien provenird’un changement global <strong>de</strong> paradigme. Il fautrefaire société autour <strong>de</strong>s notions <strong>de</strong> partage, <strong>de</strong>solidarité et <strong>de</strong> coopération.NS C’est vrai, les inégalités ont eu tendance àaugmenter au cours <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rnières décennies,même si <strong>la</strong> panne constatée <strong>de</strong> l’ascenseursocial est également liée à <strong>la</strong> fin <strong>de</strong>s « TrenteGlorieuses » : moins <strong>de</strong> croissance, donc moins <strong>de</strong>perspectives <strong>de</strong> progression pour tout le mon<strong>de</strong>.Aujourd’hui, un enfant d’ouvrier a cinq fois moins<strong>de</strong> chances qu’un enfant <strong>de</strong> cadre d’entreren c<strong>la</strong>sse préparatoire aux gran<strong>de</strong>s écoles !Cette situation est inadmissible. Que faire ?Certainement ne pas se contenter d’augmenterindéfiniment les subventions et autres allocationspour « compenser » ces inégalités. La pire<strong>de</strong>s choses, ce serait d’enfermer les jeunesdans <strong>la</strong> dépendance, même si, naturellement,chacun doit pouvoir disposer d’un minimum <strong>de</strong>ressources : c’est <strong>la</strong> raison pour <strong>la</strong>quelle nousavons créé un dixième mois <strong>de</strong> bourse pourles étudiants ou mis en p<strong>la</strong>ce le RSA pour lesjeunes actifs. L’essentiel, c’est <strong>de</strong> permettre auxjeunes <strong>de</strong> voler <strong>de</strong> leurs propres ailes, <strong>de</strong> prendreeux-mêmes leur <strong>de</strong>stin en main ! La pire <strong>de</strong>sinégalités, c’est celle <strong>de</strong> l’accès à l’emploi. Plutôtque d’enfermer les jeunes dans <strong>de</strong> faux emplois,je préfère les préparer à <strong>de</strong> vrais métiers.Aujourd’hui, les taux d’insertion <strong>de</strong>s jeunesapprentis sont <strong>de</strong> 10 points supérieurs aux tauxd’insertion dans l’emploi <strong>de</strong>s jeunes sous statutsco<strong>la</strong>ire. C’est pourquoi je propose que tousles élèves en <strong>de</strong>rnière année <strong>de</strong> bacca<strong>la</strong>uréatprofessionnel ou <strong>de</strong> CAP, qui sont en moyenneceux qui ont le plus <strong>de</strong> difficultés à s’insérerprofessionnellement, passent 50% <strong>de</strong> leur tempsen entreprise. Ce serait une véritable révolutionqui concernerait plus <strong>de</strong> 250 000 jeunes par an.Elle implique que les entreprises prennent touteconscience, comme c’est le cas en Allemagne, <strong>de</strong>leurs responsabilités en matière <strong>de</strong> formation.Quelle est <strong>la</strong> mesure forte que vous souhaitezmener en faveur <strong>de</strong>s jeunes ?FB Je propose quelques mesures simples,efficaces et directement applicables : <strong>la</strong>possibilité pour toute entreprise, <strong>de</strong> moins <strong>de</strong> 50sa<strong>la</strong>riés, <strong>de</strong> créer un nouvel emploi en CDI, sanscharges pendant <strong>de</strong>ux ans, quelles que soientl’expérience ou <strong>la</strong> formation du sa<strong>la</strong>rié. Je veux<strong>de</strong>s mesures d’insertion professionnelle plusefficaces, une préparation et une informationplus en amont, suffisamment tôt au cours <strong>de</strong> <strong>la</strong>sco<strong>la</strong>rité. Il convient <strong>de</strong> multiplier les expériencessur <strong>la</strong> découverte <strong>de</strong>s métiers dès le secondaire,diversifier les mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> sco<strong>la</strong>rité, proposer un «collège aux parcours diversifiés », propice à uneindividualisation <strong>de</strong>s parcours cohérente. Enfin,<strong>la</strong> création d’établissements <strong>de</strong> taille réduitedébouchera sur une amélioration <strong>de</strong>s conditionsd’apprentissage.FC Une politique en faveur <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong> estune politique qui trace un avenir, qui redonne dusouffle au pays, qui fait revivre les forces vives etnon qui entraîne dans <strong>la</strong> spirale <strong>de</strong> l’austérité et<strong>de</strong>s désastres que ce<strong>la</strong> produit. Ce dont les jeunesont besoin ce ne sont pas les mesures d’emploi« spécifiques jeunes » qui normalisent un sastransitoire entre étu<strong>de</strong>s et vie professionnelle, quiinstitutionnalisent <strong>la</strong> précarité où les jeunes sontsur-représentés. Ils ne sont d’ailleurs pas dupeset résistent fièrement, comme par exemplelors du projet du CPE. Le projet <strong>de</strong> p<strong>la</strong>nificationécologique que porte le Front <strong>de</strong> Gauche est enlui-même un projet pour notre <strong>jeunesse</strong>, il donne<strong>de</strong>s perspectives, créé <strong>de</strong> l’emploi, démontrequ’un autre modèle <strong>de</strong> société est possible, que<strong>la</strong> consommation et le « profite et tais-toi » nesont pas une finalité obligatoire. La p<strong>la</strong>nificationécologique porte aussi en son cœur l’exigencedu haut niveau <strong>de</strong> qualification et <strong>de</strong> savoirscommuns et rep<strong>la</strong>ce donc l’école comme outilprincipal <strong>de</strong> <strong>la</strong> richesse <strong>de</strong> notre pays. La politiqueque nous prônons éduque, qualifie et émancipel’ensemble <strong>de</strong> <strong>la</strong> société.FH Mes <strong>de</strong>ux gran<strong>de</strong>s priorités seront l’éducationet l’emploi. L’éducation, parce que c’est par làque tout doit commencer. Je passerai un nouveaupacte éducatif avec <strong>la</strong> nation. J’accor<strong>de</strong>rai uneattention toute particulière à l’école primaire età l’accueil <strong>de</strong>s moins <strong>de</strong> trois ans en maternelle,car c’est dans les premières années que se joue<strong>la</strong> lutte contre l’échec sco<strong>la</strong>ire. Je redonnerai àl’Education nationale les moyens d’assurer cesmissions en y créant 60 000 postes en cinq ans : <strong>de</strong>senseignants bien sûr, mais aussi <strong>de</strong>s infirmièressco<strong>la</strong>ires, <strong>de</strong>s éducateurs, <strong>de</strong>s surveil<strong>la</strong>nts... Ils’agit d’amener <strong>de</strong>main 100% d’une génération àune qualification : plus aucun jeune <strong>de</strong> 16 à 18 ansne doit être <strong>la</strong>issé sans solution. Ce pourra êtrel’emploi, l’apprentissage, l’éduction ou le servicecivique. À l’université, trop <strong>de</strong> jeunes échouentdans les premières années : les premiers cyclesuniversitaires seront réformés. Enfin, pourpermettre à chacun <strong>de</strong> se former, je mettraiprogressivement en p<strong>la</strong>ce une allocation d’étu<strong>de</strong>et <strong>de</strong> formation sous condition <strong>de</strong> ressources.Mon second engagement pour <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong> seracelui <strong>de</strong> l’emploi. J’engagerai dès l’été <strong>la</strong> création<strong>de</strong>s emplois d’avenir qui permettront à 150 000jeunes <strong>de</strong> mettre le pied à l’étrier, en prioritédans les quartiers popu<strong>la</strong>ires. Je <strong>la</strong>ncerai lecontrat <strong>de</strong> génération, qui favorisera l’embaucheen CDI d’un jeune tout en œuvrant au maintiend’un senior dans l’emploi. J’ai une gran<strong>de</strong>espérance, que je veux vous faire partager : offrirà <strong>la</strong> génération qui vient une vie meilleure que <strong>la</strong>nôtre. Si les Français m’accor<strong>de</strong>nt leur confiance,c’est sur cet objectif que je <strong>de</strong>man<strong>de</strong>rais à êtrejugé à l’issue du quinquennat.EJ Tout d’abord permettez-moi <strong>de</strong> rappelerune évi<strong>de</strong>nce, il n’existe pas une <strong>jeunesse</strong>homogène mais bien une multitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> jeunesavec <strong>de</strong>s aspirations, <strong>de</strong>s parcours, <strong>de</strong>s capacitésdifférentes. C’est pourquoi mon projet vise àaccompagner chaque jeune vers sa propreémancipation, sa propre autonomie, afin qu’ilpuisse apporter à <strong>la</strong> société le meilleur <strong>de</strong> luimême.J’entends pour ce<strong>la</strong> faire bénéficierchaque jeune d’un revenu d’autonomie, avecl’objectif d’offrir conjointement à chacund’entre eux, par un partenariat fort entre l’Etat,les collectivités et les associations, un projetleur permettant <strong>de</strong> tirer le meilleur <strong>de</strong> leursparcours : formation professionnelle, servicecivique, reprise d’étu<strong>de</strong>s, insertion...(suite page suivante)
éactions d’experts européensPAGE 15> LE POINT DE VUE DE NOS VOISINS EUROPÉENSDes inégalités <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong>, <strong>de</strong>s <strong>jeunesse</strong>s> Jean-C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Richez, Coordonnateur <strong>de</strong> <strong>la</strong> mission Observation et évaluation et spécialiste <strong>de</strong>s politiqueseuropéennes <strong>de</strong> <strong>jeunesse</strong> à l’Institut national <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong> et <strong>de</strong> l’éducation popu<strong>la</strong>ire (INJEP)© InjepEn France, nous nous réc<strong>la</strong>mons d’autant plus <strong>de</strong>l’égalité que celle-ci est loin d’être une réalité. Auprisme <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong>, cette inégalité concerne aussibien les rapports entre générations que les situations au sein d’une mêmegénération.La première entrée démontre un véritable effet <strong>de</strong> génération, aujourd’hui trèsdéfavorable aux c<strong>la</strong>sses d’âge les plus jeunes. La secon<strong>de</strong> entrée souligneque <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong> recouvre <strong>de</strong>s réalités sociales extrêmement variables, <strong>de</strong>profon<strong>de</strong>s inégalités, qui ne sont d’ailleurs pas propre en France à cettec<strong>la</strong>sse d’âge.Les jeunes en France connaissent l’inégalité tant dans le cadre sco<strong>la</strong>ireque sur le marché du travail. Mais elles touchent également les conditionsd’accès aux soins, au <strong>de</strong>là <strong>de</strong>s progrès généraux, ou encore à <strong>la</strong> culture, quetend à masquer <strong>la</strong> catégorie marchan<strong>de</strong> <strong>de</strong> « culture jeune ». Relevons encoreles inégalités territoriales qui, si elles sont bien répertoriées au sein <strong>de</strong>sagglomérations urbaines, ten<strong>de</strong>nt à occulter celles entre ville et campagne.On ne saurait enfin oublier les inégalités <strong>de</strong> genre entre jeunes femmes etjeunes gens.Au sein <strong>de</strong> ces rapports inégalitaires, il existe <strong>de</strong>s <strong>de</strong>grés. Certains jeunes,dans <strong>de</strong>s proportions <strong>de</strong> plus en plus importantes, cumulent aujourd’huiprécarité économique et isolement social les p<strong>la</strong>çant dans <strong>de</strong>s situationsd’exclusion sociale : jeunes « p<strong>la</strong>cés », bénéficiaires <strong>de</strong> mesures d’assistanceéducative, sous protection judiciaire (PJJ), en rupture familiale et enerrances, « décrocheurs », mineurs étrangers isolés. La longue litanie <strong>de</strong>sdispositifs dont ils ressortent vient souligner leur situation d’exclusion et <strong>la</strong>difficulté qu’éprouve notre société à les prendre en compte.La pauvreté touche aujourd’hui un groupe qui semb<strong>la</strong>it d’une certainemanière privilégié par rapport à l’ensemble <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong> : celui <strong>de</strong>sétudiants. Au sein <strong>de</strong> ce groupe, <strong>de</strong> plus en plus nombreux sont ceux quisont obligés <strong>de</strong> recourir à un travail sa<strong>la</strong>rié pour poursuivre <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s. Onsait par ailleurs qu’un tel recours au <strong>de</strong>là <strong>de</strong> 14 h par semaine compromet lesuccès au niveau <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s. À travers le prolongement général <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s,<strong>de</strong> nouvelles inégalités apparaissent entre les jeunes selon les capacitésmatérielles, culturelles et sociales qu’ont leurs parents à les ai<strong>de</strong>r, lessoutenir durant cette pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> transition pleine d’aléas. L’allongement <strong>de</strong><strong>la</strong> sco<strong>la</strong>rité a conduit à <strong>de</strong> nouvelles fractures et <strong>de</strong> nouvelles stratificationssociales.Il n’est pas sans intérêt <strong>de</strong> rep<strong>la</strong>cer ce constat général re<strong>la</strong>tif aux inégalitésdans une perspective comparative à l’échelle européenne. Si nous prenonsen compte tant l’inégalité entre générations qu’au sein d’une mêmegénération se <strong>de</strong>ssine une géographie européenne mettant en évi<strong>de</strong>nce <strong>de</strong>fortes différences entre les pays d’Europe du Nord (Pays-Bas, Scandinavie),et les pays d’Europe du Sud, <strong>la</strong> France occupant une p<strong>la</strong>ce intermédiaire :<strong>la</strong> première étant bien plus égalitaire que les seconds. Il y a une étroitecorré<strong>la</strong>tion entre inégalités entre générations et au sein d’une génération etinégalités en général respectivement dans chaque pays : plus une sociétéest inégalitaire, plus les inégalités entre générations et au sein d’unegénération se creusent. C’est ce que nous pourrions énoncer comme <strong>la</strong> loi<strong>de</strong> Dubet, ainsi formulée par ce <strong>de</strong>rnier : « Plus une société est re<strong>la</strong>tivementégalitaire, moins l’égalité <strong>de</strong>s chances est une chimère : plus il est facile<strong>de</strong> monter puisque les distances sociales sont faibles, moins il est tragique<strong>de</strong> <strong>de</strong>scendre, puisque, là aussi, les distances sociales y sont plus faibles »(François Dubet, in Le paradoxe <strong>de</strong> l’égalité <strong>de</strong>s chances, Observatoire <strong>de</strong>sinégalités, 7 janvier 2010.) •© <strong>Afev</strong>Les jeunes ne se détournent pas <strong>de</strong> <strong>la</strong> politique<strong>Afev</strong> Quelle est <strong>la</strong> représentation <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong> enAllemagne ?Markus Ottersbach Il n’y a pas une image unique et homogène <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong>.Dans l’opinion publique, fortement influencée par les médias, circulent aucontraire <strong>de</strong>s représentations multiples. D’une part une image très positive<strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong> : beauté, dynamisme, flexibilité, succès, naturel… Maisd’autre part, les médias construisent une image négative, d’une <strong>jeunesse</strong>différente, manquant <strong>de</strong> sérieux, irrespectueuse, délinquante et criminelle.Le discours tenu par les médias varie en fonction <strong>de</strong>s origines sociales etethniques <strong>de</strong>s jeunes.Quelles sont les tendances <strong>de</strong> <strong>la</strong> politique alleman<strong>de</strong> en matière <strong>de</strong> <strong>jeunesse</strong> ?MO Contrairement à <strong>la</strong> France, l’Allemagne dispose d’une politique <strong>de</strong> <strong>la</strong><strong>jeunesse</strong> à part entière, mise en œuvre au niveau fédéral comme au niveau<strong>de</strong>s Län<strong>de</strong>r. Au niveau communal, elle prend <strong>la</strong> forme d’un soutien auxforums et parlements <strong>de</strong>s jeunes et <strong>de</strong>s enfants. Principalement <strong>de</strong>s jeunesissus <strong>de</strong>s c<strong>la</strong>sses moyennes, et plus rarement <strong>de</strong>s c<strong>la</strong>sses supérieures,prennent part à ces manifestations. En Allemagne, <strong>la</strong> politique adoptée parl’Ai<strong>de</strong> à <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong> vise moins <strong>de</strong>s individus que <strong>de</strong>s groupes <strong>de</strong> personneset <strong>de</strong>s c<strong>la</strong>sses sociales.Contrairement à ce que pense l’opinion publique, les jeunes, s’ils prennentleurs distances à l’égard <strong>de</strong>s partis, ne se détournent pas pour autant <strong>de</strong> <strong>la</strong>politique, s’engageant massivement dans <strong>de</strong>s organisations <strong>de</strong> <strong>la</strong> sociétécivile. Au fur et à mesure <strong>de</strong> l’évolution démographique, l’importance<strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong> dans <strong>la</strong> société s’accroît. C’est pour cette raison que sontnotamment renforcées les mesures visant à ai<strong>de</strong>r les jeunes issus <strong>de</strong>l’immigration.Allemagne> Markus OttersbachSociologue, enseignant-chercheur à l’Université <strong>de</strong> Cologne, spécialiste <strong>de</strong>s migrations et <strong>de</strong> l’intégration, <strong>de</strong>s inégalités sociales et <strong>de</strong>smétho<strong>de</strong>s <strong>de</strong> <strong>la</strong> recherche sociologique.Disposez-vous <strong>de</strong> mesures d’ai<strong>de</strong> aux jeunes issus <strong>de</strong>s quartierspopu<strong>la</strong>ires ?MO Depuis le début <strong>de</strong>s années 1990 existe en Allemagne une politiqued’ai<strong>de</strong> aux quartiers marginalisés, avec <strong>de</strong>s éléments fédéraux et d’autrespropres aux Län<strong>de</strong>r. Le programme « Développement et Réussite <strong>de</strong>sjeunes défavorisés », pour les jeunes <strong>de</strong> ces quartiers, vise à lutter contre lechômage <strong>de</strong>s jeunes, à une plus gran<strong>de</strong> implication dans <strong>la</strong> défense <strong>de</strong> leurspropres intérêts, ainsi qu’au développement <strong>de</strong> leurs compétences sociales.La sélection sco<strong>la</strong>ire, qui détermine dès l’âge <strong>de</strong> 10 ans, <strong>de</strong> manière quasidéfinitive,l’orientation vers l’une <strong>de</strong>s trois branches du système sco<strong>la</strong>ire,comporte <strong>de</strong>s inconvénients qui se manifestent surtout à long terme : seulun quart <strong>de</strong>s élèves <strong>de</strong>s Hauptschulen 1 obtient une p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> formation, et<strong>la</strong> perméabilité tant vantée <strong>de</strong> ces structures opère surtout dans le sens« <strong>de</strong>scendant ».Selon vous, comment favoriser <strong>la</strong> solidarité entre jeunes et entregénérations ?MO Avec <strong>la</strong> suppression <strong>de</strong> l’obligation générale <strong>de</strong> service et du service civilen 2010, l’année <strong>de</strong> volontariat social et d’autres formes <strong>de</strong> service civil ontgagné en importance. De nombreux jeunes 2 , dont beaucoup ayant eu unetrès bonne sco<strong>la</strong>rité, mettent à profit ces volontariats en Allemagne ou àl’étranger pour faire acte <strong>de</strong> solidarité, acquérir <strong>de</strong>s savoirs plus informels,accumuler <strong>de</strong>s expériences, ou tout simplement, favoriser leur orientationou leur épanouissement. •1 La Hauptschule est une école <strong>de</strong> formation professionnelle sansexamen d’entrée qui accueille les élèves après l’école primaire.2 L’Allemagne comptait 25 000 volontaires en 2009
Page 16réactions d’experts européens© siepsSuè<strong>de</strong>Traiter les jeunes commeles autres citoyens> Anna StellingerDirectrice du Swedish institute for european policystudies (SIEPS – Institut suédois d’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s politiques européennes).<strong>Afev</strong> Dans votre article La politique <strong>de</strong> <strong>jeunesse</strong> en Suè<strong>de</strong> :caractéristiques et fon<strong>de</strong>ments paru en décembre 2010 dans <strong>la</strong> revuePolitiques sociales et familiales, vous parlez <strong>de</strong> « <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong> commeressource. » Cette façon <strong>de</strong> <strong>la</strong> considérer est-elle propre à <strong>la</strong> Suè<strong>de</strong> ?Anna Stellinger Très tôt, en Suè<strong>de</strong>, nous avons choisi <strong>de</strong> parler <strong>de</strong> <strong>la</strong><strong>jeunesse</strong> en ces termes, alors que dans d’autres pays, dont <strong>la</strong> France,on continue <strong>de</strong> <strong>la</strong> considérer soit comme une victime à protéger, soitcomme une menace dont on souhaite se protéger. Notre projet <strong>de</strong> loigouvernemental <strong>de</strong> 2004 juxtaposait dix-huit fois les <strong>de</strong>ux termes : selonce document, <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong> constitue une ressource « pour <strong>la</strong> société »,« dans tous les champs d’action <strong>de</strong>s municipalités », « pour <strong>la</strong> coopérationinternationale », « pour le développement <strong>de</strong> <strong>la</strong> société et <strong>la</strong> croissance »,etc. Une société ne donnant pas à sa <strong>jeunesse</strong> suffisamment <strong>de</strong> libertépour se développer passe à côté <strong>de</strong> quelque chose – et notamment, <strong>de</strong> cequ’elle pourrait <strong>de</strong>venir <strong>de</strong>main.Quelle est <strong>la</strong> conséquence <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux principes ?AS Il faut permettre aux jeunes d’entrer en politique, dans les entreprises,dans les médias, <strong>de</strong> s’épanouir comme <strong>de</strong> jeunes pousses, se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>rcomment changer, faire évoluer les structures pour qu’ils s’épanouissenten leur sein. Ici, ces principes constituent un consensus partagé par tousles acteurs publics.Comment ceci s’illustre-t-il ?AS Nous avons par exemple <strong>de</strong>s secrétaires d’Etat <strong>de</strong> moins <strong>de</strong> quaranteans, <strong>de</strong>s parlementaires plus jeunes encore. Il n’est pas question ici<strong>de</strong> jeunisme, mais d’un souhait d’assurer <strong>la</strong> complémentarité entregénérations ! Ce n’est pas aux jeunes <strong>de</strong> s’adapter aux partis politiques,mais l’inverse. D’ailleurs, un parti sans jeune, essentiellement composéd’hommes <strong>de</strong> 55 ans ou plus, paraîtrait ringard en Suè<strong>de</strong>.Et au niveau <strong>de</strong>s politiques publiques ?AS On ne traite pas les jeunes séparément : un volet « <strong>jeunesse</strong> » existepour chaque dossier traité par chaque Ministère, un Ministre en charge<strong>de</strong> <strong>la</strong> politique <strong>de</strong> <strong>jeunesse</strong> assurant <strong>la</strong> coordination. Chaque membredu gouvernement est co-responsable <strong>de</strong> l’intégralité <strong>de</strong> <strong>la</strong> politique <strong>de</strong><strong>jeunesse</strong>, une intersectorialité qui fonctionne <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s décennies.Les problématiques <strong>de</strong> <strong>jeunesse</strong> sont-elles donc traitées « à part » ?AS Non. Nous essayons <strong>de</strong> traiter les jeunes comme les autres citoyens.Pour autant, avec <strong>la</strong> crise actuelle, il n’est pas exclu que <strong>de</strong>s programmesspécifiques les visant soient développés. Il faut éviter à tout prix unegénération perdue, dont le prix à payer serait lourd et durable pour toute<strong>la</strong> collectivité, et permettre aux jeunes <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir citoyens, contribuablesdans <strong>de</strong> bonnes conditions.Et les conséquences <strong>de</strong> ces principes à l’œuvre en Suè<strong>de</strong> ?AS Ici, <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong> croit en son avenir, puisque <strong>la</strong> société l’accueille et quele fossé entre ses attentes et ce qu’elle reçoit est ténu. Le passage à <strong>la</strong>vie adulte est aussi moins compliqué, grâce notamment au prêt étudiantremboursable (mille euros par mois pendant une pério<strong>de</strong> al<strong>la</strong>nt jusqu’àsix ans) qui assure aux jeunes une réelle autonomie vis-à-vis <strong>de</strong> leursparents, tout en les responsabilisant dans leur cursus universitaire (leprêt est conditionné au passage <strong>de</strong>s contrôles continus semestriels.)Mes parents en ont bénéficié, moi aussi. Et je ne serais sans aucun doutejamais parvenu à mon poste actuel sans ce système. •© Piedo<strong>la</strong>EspagneLes plus jeunes et lesmoins éduqués sontdirectement visés> Àngels Piédro<strong>la</strong> i GómezPolitologue, experte en politiques <strong>de</strong> <strong>jeunesse</strong> et actuelle coordinatrice du P<strong>la</strong>nNational <strong>de</strong> <strong>la</strong> Jeunesse <strong>de</strong> Catalogne.<strong>Afev</strong> Diriez-vous que <strong>la</strong> société espagnole a une image positive ou négative<strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong> ?Àngels Piédro<strong>la</strong> i Gómez Il y a quelques années, nos compatriotes donnaientl’impression d’avoir <strong>de</strong> nombreux problèmes avec <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong>. Mais il mesemble qu’aujourd’hui, suite aux crises successives <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rniers temps,leur vision est plus réaliste, moins liée à <strong>de</strong>s fantasmes et <strong>de</strong>s présupposés.Quelle est <strong>la</strong> participation <strong>de</strong> l’Etat ou <strong>de</strong> <strong>la</strong> communauté cata<strong>la</strong>ne àl’accompagnement <strong>de</strong>s parcours sco<strong>la</strong>ires et professionnels <strong>de</strong>s jeunes ?APiG Les compétences <strong>de</strong> <strong>jeunesse</strong> sont partagées entre le gouvernementespagnol et les gouvernements régionaux – une très forte délégation estdonc également confiée aux territoires. En Catalogne, nous aidons les jeunesdans <strong>la</strong> construction <strong>de</strong> leur projet <strong>de</strong> vie, et ce dans tous les domaines :emploi, logement et éducation, notamment.La coordination <strong>de</strong>s politiques <strong>de</strong> <strong>jeunesse</strong> s’avère très compliquée,car ces <strong>de</strong>rnières agrègent <strong>de</strong> nombreuses zones d’action et groupesd’acteurs disparates. En conséquence, <strong>la</strong> question du développement et<strong>de</strong> l’organisation <strong>de</strong>s actions <strong>de</strong>meure épineuse. En Catalogne, <strong>la</strong> gran<strong>de</strong>majorité <strong>de</strong> nos dépenses vise trois domaines : l’éducation, <strong>la</strong> santé etle logement, domaines qui concernent les jeunes en première ligne. Desréformes et changements opèrent à <strong>de</strong> nombreux niveaux, mais nousrefusons <strong>de</strong> réduire trop les dépenses sur ces terrains.Quelles politiques sont mises en p<strong>la</strong>ce pour lutter contre l’exclusion<strong>de</strong>s jeunes du marché du travail, contre <strong>la</strong>quelle les jeunes Espagnolsprotestent ?APiG Le taux <strong>de</strong> chômage <strong>de</strong>s jeunes <strong>de</strong> 16 à 29 ans s’élève à 36,4% enEspagne, contre 31,7% en Catalogne. Des chiffres impressionnants ! Leshommes sont systématiquement plus touchés que les femmes (37,8%contre 34,9% pour le pays, 34,1% contre 29,3% pour <strong>la</strong> région), et ce taux est<strong>de</strong> plus en plus élevé à mesure que l’on <strong>de</strong>scend en âge : pour le pays toutentier, 28% <strong>de</strong>s 25-29 ans, 44,5% <strong>de</strong>s 20-24 ans et 69,4% <strong>de</strong>s 16-19 ans sontau chômage ; en Catalogne, ces chiffres s’élèvent à 20%, 43,6% et 67,5%.Les plus jeunes sont donc les plus touchés, et à cette variable s’ajoute enoutre le fait que les diplômés du seul enseignement secondaire sont presque<strong>de</strong>ux fois plus nombreux que ceux diplômés <strong>de</strong> l’enseignement supérieur àpâtir du chômage (42% contre 24,6% en Catalogne). Un chiffre à mettre enre<strong>la</strong>tion avec le fait que 30% <strong>de</strong>s jeunes abandonnent leurs étu<strong>de</strong>s en cours<strong>de</strong> route !Ce sont donc les plus jeunes et les moins éduqués qui sont directement viséspar les mesures : ateliers et coaching pour faciliter l’insertion sur le marché<strong>de</strong> l’emploi, actions d’institutions spécifiquement dédiées à ces questions,etc. Pour les personnes plus diplômées, en revanche, l’action publiqueapparaît <strong>de</strong> manière moins nette. Nous travaillons dans les domaines <strong>de</strong>l’accès au premier emploi, <strong>de</strong> <strong>la</strong> création d’entreprise et <strong>de</strong> <strong>la</strong> formationprofessionnelle pour les niveaux d’éducation intermédiaires.Quelle est <strong>la</strong> part <strong>de</strong> jeunes dans le mouvement <strong>de</strong>s Indignados enEspagne ?APiG Il n’existe pas <strong>de</strong> chiffre précis à ce sujet, mais celui <strong>de</strong> 80% me paraîttout à fait p<strong>la</strong>usible. Le mouvement, qui a mobilisé entre 800 000 et unmillion <strong>de</strong> personnes, est très général, très plural. On y trouve toutes sortes<strong>de</strong> gens, il n’est en rien propre à tel ou tel groupe ou sous-groupe. •
éactions d’experts européensPAGE 17© JonesRoyaume-UniPas si simple <strong>de</strong><strong>de</strong>venir adulte> Gill Jones, Professeur émérite <strong>de</strong>sociologie à <strong>la</strong> Keele University (Royaume-Uni), auteur <strong>de</strong> Youth (Polity Press, 2009).<strong>Afev</strong> La société britannique a-t-elle une bonne ou une mauvaiseimage <strong>de</strong> sa <strong>jeunesse</strong> ?Gill Jones Il y a beaucoup d’opinions divergentes à ce sujet, surtouten fonction <strong>de</strong>s types <strong>de</strong> jeunes. Ils sont catégorisés par les plusâgés comme « saints » ou « pêcheurs », sans plus <strong>de</strong> finesse. LesBritanniques ont du mal à se faire une idée... Ensuite, <strong>la</strong> perceptiond’une jeune femme b<strong>la</strong>nche <strong>de</strong> c<strong>la</strong>sse moyenne sera souvent bienplus positive que celle d’un jeune noir <strong>de</strong> <strong>la</strong> c<strong>la</strong>sse ouvrière.Qu’en est-il <strong>de</strong>s politiques publiques en Gran<strong>de</strong>-Bretagne ?GJ Après <strong>la</strong> Secon<strong>de</strong> Guerre Mondiale, les politiques publiques onttraité les jeunes comme dépendant <strong>de</strong>s parents. Dans les années60 et 70, l’attention s’est plus portée sur les jeunes en tant quetels. Sous le gouvernement Thatcher, l’Etat a énormément reculé.Le mot d’ordre ressemb<strong>la</strong>it plutôt au suivant : c’est aux parents<strong>de</strong> contrôler et <strong>de</strong> fournir un soutien financier à leur progéniture.Puis, le New Labour <strong>de</strong> Tony B<strong>la</strong>ir a ciblé les jeunes les plus exclus.Aujourd’hui, avec <strong>la</strong> coalition conservateurs/libéraux autour <strong>de</strong>David Cameron, le cib<strong>la</strong>ge a augmenté, le gouvernement faisant<strong>la</strong> distinction entre pauvres « méritants » et « déméritants » !On est passé du « Welfare » au « Workfare », ces politiques dites« d’activation » visant à mettre à tout prix les chômeurs au travail.Pouvez-vous nous donner quelques exemples <strong>de</strong> mesures misesen p<strong>la</strong>ce au Royaume-Uni ?GJ Difficile <strong>de</strong> dresser un bi<strong>la</strong>n aujourd’hui, puisque tout changeen permanence. Les « conseillers individuels » mis à dispositionpour tous les jeunes ont été abandonnés par le gouvernement <strong>de</strong>David Cameron. Le secteur public se décharge sur les familles etsur le secteur privé, chargé <strong>de</strong> créer <strong>de</strong> nouveaux emplois face àun taux <strong>de</strong> chômage catastrophique. Or quelque chose doit être faitpour éviter que les jeunes ne sombrent <strong>de</strong> manière irrémédiable,et pour longtemps.En France, <strong>la</strong> trajectoire d’un jeune reste très linéaire : d’abordl’école, puis <strong>la</strong> vie professionnelle. Qu’en est-il <strong>de</strong> votre côté <strong>de</strong><strong>la</strong> Manche ?GJ Le gouvernement se focalise <strong>de</strong> manière exclusive sur <strong>la</strong>transition <strong>de</strong> l’éducation à l’emploi, tandis que les chercheursl’incitent à voir plus <strong>la</strong>rge. Ce n’est pas si simple <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir adulte,il faut aussi se loger, s’occuper éventuellement <strong>de</strong>s enfants, etc.De plus, ces différentes « séquences » ne se déroulent pas dans lemême ordre ni au même âge pour tout le mon<strong>de</strong>. Or on attend <strong>de</strong>sjeunes qu’ils se conforment aux modèles démodés <strong>de</strong>s politiquespubliques, alors que c’est l’inverse qui <strong>de</strong>vrait être le cas.Comment analysez-vous les mouvements sociaux <strong>de</strong> l’an <strong>de</strong>rnier ?GJ Il faut distinguer les manifestations et les émeutes. Lespremières, bien organisées, visaient par exemple à s’insurgercontre <strong>la</strong> hausse <strong>de</strong>s frais d’Université. Mais les émeutes dumois d’août exprimaient autre chose : une colère s’est exprimée,propagée et souvent radicalisée. Ces émeutes sont l’expressiond’une frustration, notamment causée par les disparités croissantesentre riches et pauvres... Mais les quelques jeunes ayant pris partaux pil<strong>la</strong>ges résidaient pour <strong>la</strong> plupart dans les voisinages pauvres,pauvreté et exclusion sociale étaient <strong>de</strong>s facteurs.Comment fonctionnent les mouvements <strong>de</strong> <strong>jeunesse</strong> auRoyaume-Uni ?GJ Les jeunes sont disparates, et ne peuvent se regrouper engénération active. La <strong>jeunesse</strong> n’est pas un groupe homogène,les expériences <strong>de</strong> vie <strong>de</strong> chaque sous-groupe sont extrêmementdifférentes. •© Meirieu> le point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong>s régions <strong>de</strong> franceL’investissement sur <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong>construit notre futur commun> Philippe Meirieu, Professeur en sciences <strong>de</strong> l’éducationà l’Université Lumière-Lyon-2, Vice-Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong> régionRhône-Alpes délégué à <strong>la</strong> formation tout au long <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie, Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong> commission« Jeunesse » <strong>de</strong> l’Association <strong>de</strong>s Régions <strong>de</strong> France.<strong>Afev</strong> Quels résultats <strong>de</strong> ce sondage ont particulièrement retenu votre attention ?Philippe Meirieu Ce qui me frappe, c’est l’importance que les Français donnentà <strong>la</strong> question <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong>. Je suis particulièrement heureux que 68% d’entreeux disent que les choix <strong>de</strong>s candidats dans ce domaine seront déterminants dansleur vote : nos concitoyens sont bien moins « court-termistes » que certains <strong>de</strong>nos politiques. L’investissement sur <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong> ne creuse pas notre <strong>de</strong>tte maisconstruit notre futur commun et que <strong>la</strong> qualité d’une société se mesure dans sacapacité d’accueillir et <strong>de</strong> former ceux qui arrivent.Que vous inspire le constat massif d’un accroissement <strong>de</strong>s inégalités entrejeunes ?PM C’est le reflet du creusement <strong>de</strong> <strong>la</strong> fracture entre « les <strong>jeunesse</strong>s », dont lespolitiques publiques nationales sont très <strong>la</strong>rgement responsables. D’un côté, lesjeunes « comme il faut », <strong>de</strong> l’autre les « jeunes <strong>de</strong>s cités », sans formation généraleet qu’on veut envoyer le plus vite possible vers l’emploi. Des premiers, on dit – avecraison – qu’ils ont <strong>de</strong>s problèmes. Des seconds, qu’ils créent <strong>de</strong>s problèmes. Lesjeunes « comme il faut » se font plus ou moins entendre quand les « jeunes <strong>de</strong>scités » ne sont vécus que comme <strong>de</strong>s fauteurs <strong>de</strong> trouble… Ce clivage se retrouveimplicitement en termes <strong>de</strong> solutions proposées par <strong>la</strong> société : les premiers doiventêtre aidés pour leurs étu<strong>de</strong>s, les seconds envoyés au plus vite vers l’emploi… chez<strong>de</strong>s employeurs qui, justement, ne veulent pas toujours d’eux ! La priorité politique<strong>de</strong>vrait être <strong>de</strong> lutter contre cette opposition.Les politiques publiques liées à <strong>la</strong> formation interviennent <strong>de</strong> manièresatisfaisante ?PM Nationalement, on voit bien que les inégalités ne se réduisent pas. Aujourd’hui,« l’excellence », c’est l’excellence <strong>de</strong> <strong>la</strong> sélection ! Les régions et l’ARF tentent <strong>de</strong>lutter contre cette tendance en travail<strong>la</strong>nt à mettre en p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong>s dispositifs d’accèsà <strong>la</strong> culture et à <strong>la</strong> formation fondés sur le principe <strong>de</strong> non-discrimination, ensoutenant l’égale dignité <strong>de</strong>s voies <strong>de</strong> formation, en cherchant à contreba<strong>la</strong>ncer lesinégalités territoriales. Mais il y a beaucoup <strong>de</strong> progrès à faire encore et, surtout, àopérer un renversement national <strong>de</strong> tendance.Dans d’autres domaines, les politiques publiques nationales sont bien trop timi<strong>de</strong>s…et, fort souvent, incohérentes ! Les collectivités territoriales font beaucoup, mais nepeuvent se substituer au désengagement <strong>de</strong> l’Etat, surtout quand on ne leur donneni les moyens financiers ni <strong>la</strong> compétence pour ce<strong>la</strong>. Nous revendiquons pour lesRégions un rôle <strong>de</strong> mise en cohérence, d’« ensemblier » <strong>de</strong>s politiques <strong>de</strong> <strong>jeunesse</strong>.Nous sommes le bon échelon pour ce<strong>la</strong>, à l’Etat <strong>de</strong> prendre ses responsabilités.Quels mesures prises pourriez-vous app<strong>la</strong>udir ?PM La création, en 1981, <strong>de</strong>s Zones d’Education prioritaires (ZEP) aujourd’hui vidées<strong>de</strong> leur contenu et dissoutes dans <strong>de</strong>s dispositifs peu lisibles. Il faut retrouver leurambition : « Donner plus et mieux à ceux qui ont moins », dans le domaine sco<strong>la</strong>ire,culturel, social… Il nous faut sortir <strong>de</strong> l’idéologie ravageuse <strong>de</strong> l’égalité <strong>de</strong>s chances– qui consiste à organiser <strong>la</strong> concurrence entre les exclus – et aller vers un vrai« droit à l’éducation pour toutes et tous ». •Jeunesse en régions, un colloque ARF / Région AquitaineLes 8 et 9 décembre 2011, au Pa<strong>la</strong>is <strong>de</strong>s Congrès d’Arcachon s’est tenu le colloqueJeunesse en régions (ARF / Région Aquitaine), coanimé par vingt régionsfrançaises. Ses buts ? Engager une réflexion sur l’évolution <strong>de</strong>s politiques <strong>de</strong><strong>jeunesse</strong>, et positionner l’action <strong>de</strong> l’institution régionale dans le concert <strong>de</strong>spolitiques <strong>jeunesse</strong> en France. Son bi<strong>la</strong>n ? Des échanges <strong>de</strong>nses et constructifs,<strong>la</strong> participation d’acteurs associatifs et <strong>de</strong> jeunes à une réflexion autour d’enjeuxrégionaux stratégiques et, à terme, une position commune <strong>de</strong>s élu(e)s autour d’unePriorité Jeunesse.Retrouvez le compte-rendu sur : www.arf.asso.fr/priorite-<strong>jeunesse</strong>
Page 18paroles <strong>de</strong> jeunesLa parole <strong>de</strong>s jeuneswww.afev.orgRegards croisés <strong>de</strong> jeunes investis à l’<strong>Afev</strong> et <strong>de</strong> jeunes accompagnés par l’<strong>Afev</strong> sur les quartiers popu<strong>la</strong>ires et les enjeuxliés à <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong>. Des bénévoles et volontaires investis à l’<strong>Afev</strong>, <strong>de</strong>s sa<strong>la</strong>riés <strong>de</strong> l’association témoignent et s’exprimenttant sur leur expérience personnelle que sur le quotidien <strong>de</strong>s jeunes qu’ils accompagnent et nous font part <strong>de</strong> leurspropositions. Des adolescents et jeunes adultes <strong>de</strong> quartiers popu<strong>la</strong>ires <strong>de</strong> Saint-Etienne font également part <strong>de</strong> leur vécu.> Témoignages <strong>de</strong> jeunes <strong>de</strong> quartiers popu<strong>la</strong>ires <strong>de</strong> Saint-EtienneExtraits <strong>de</strong> témoignages recueillis à partir d’ateliers participatifs organisés par les volontaires <strong>de</strong> l’<strong>Afev</strong>« On manque <strong>de</strong> logements sociaux, pourquoi avoir détruit <strong>la</strong> Tour « Plein Ciel »? »« Les offres d’emploi ne sont pas suffisamment nombreuses : les entreprises n’emploient pas les jeunes dans les zonesfranches, <strong>la</strong> durée <strong>de</strong>s contrats d’insertion a diminué. »« Il n’y a as assez <strong>de</strong> mixité dans les collèges, les profs ne sont pas assez formés, trop d’élèves sont <strong>la</strong>issés en échec. »« Nous avons peur <strong>de</strong> ne plus avoir <strong>de</strong> sécurité sociale. »« Nous avons le sentiment <strong>de</strong> ne pas être <strong>de</strong>s citoyens français comme les autres. »« On ne s’intéresse qu’à nous pendant les campagnes électorales, et après, on nous oublie ».> points <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> jeunes <strong>de</strong> l’<strong>Afev</strong>Des jeunes engagés s’expriment sur le blog « 2012 est à vous ». Extraits.> Marin Schaffner Étudiant et Prési<strong>de</strong>nt du re<strong>la</strong>is <strong>Afev</strong> <strong>de</strong> Sciences Po> g<strong>la</strong>dys BAH Volontaire à l’<strong>Afev</strong> dans le 94, étudiante en sociologie© <strong>Afev</strong>« Tiraillée entre <strong>la</strong> volonté <strong>de</strong> réussir et le manque<strong>de</strong> perspectives, entre <strong>la</strong> quête <strong>de</strong> qualifications etl’argument répété du « manque d’expérience », notre<strong>jeunesse</strong> ne trouve plus sa p<strong>la</strong>ce. Notre pays vit une double crise <strong>de</strong>confiance : celle <strong>de</strong> <strong>la</strong> société envers sa <strong>jeunesse</strong>, et celle <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong>envers sa société. Il <strong>de</strong>vient urgent d’y réintroduire <strong>de</strong> <strong>la</strong> solidarité et <strong>de</strong>l’égalité. Non pas <strong>de</strong> <strong>la</strong> « solidarité active » et <strong>de</strong> « l’égalité <strong>de</strong>s chances ».Mais une solidarité et une égalité réelles, intransitives : celles <strong>de</strong>s droitset <strong>de</strong> <strong>la</strong> dignité.La génération actuelle a le droit, comme toutes les autres, à un avenir.Or, dans notre mon<strong>de</strong>, pas d’avenir sans avenir politique. Mais que faire<strong>de</strong> cette <strong>jeunesse</strong> qui dé<strong>la</strong>isse le politique ? Quelle est cette désillusion ?Quelle est cette frustration ? Pourquoi cette impression d’inutilité etd’inefficacité ? De jour en jour, le déca<strong>la</strong>ge entre les jeunes et le mon<strong>de</strong>politique se creuse. » (...)Nous savons tous que notre p<strong>la</strong>ce dans le mon<strong>de</strong>professionnel sera extrêmement difficile à acquérir. Onnous parle <strong>de</strong> filières bouchées, <strong>de</strong> chômage massif, <strong>de</strong>retraites qui seront inexistantes, <strong>de</strong> surdiplômés…© <strong>Afev</strong>Nous travaillons toujours plus pour passer en année supérieure, maispour gagner quoi ? Nous avons tous l’impression d’avoir été bernés, que<strong>la</strong> société ne tiendra pas ses engagements. Nous avons tous été poussésdans le tas, vers <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s longues, promesse d’un métier stable et d’unrevenu suffisant.Cependant, on ne nous a pas appris à choisir nos étu<strong>de</strong>s en fonction d’unprojet personnel. Les étu<strong>de</strong>s professionnelles sont bannies, présentéescomme <strong>de</strong>s voies non-intellectuelles et <strong>de</strong>stinées à former les prochainsouvriers. Mais c’est là qu’est l’avenir <strong>de</strong> notre pays.La plupart <strong>de</strong>s jeunes aujourd’hui ont besoin d’être formés vite et d’accé<strong>de</strong>rrapi<strong>de</strong>ment à un travail qualifié. (...)retrouvez plus d’articles sur le blog <strong>de</strong> l’étudiant, espaced’expression citoyenne ouvert aux 16 à 25 ans, lycéens, étudiants etjeunes actifs, qui veulent bloguer <strong>la</strong> prési<strong>de</strong>ntielle.http://blog.letudiant.fr/les-jeunes-bloguent-<strong>la</strong>-presi<strong>de</strong>ntielle-2012/l’engagement politique <strong>de</strong>s jeunes, Mikaël Garnier-Lavalley, délégué général <strong>de</strong> l’AnacejLes jeunes s’intéressent à <strong>la</strong> campagne mais ne <strong>la</strong> trouvent pas <strong>de</strong> bonne qualité, notamment parce qu’elle ne s’intéresse pas à eux.Nous retrouvons dans les attentes <strong>de</strong>s Français <strong>de</strong>s thèmes portant sur l’émancipation et l’autonomie <strong>de</strong>s jeunes notamment en matièred’emploi, <strong>de</strong> logement et <strong>de</strong> pouvoir d’achat. Les jeunes veulent tout simplement <strong>de</strong>s mesures leur permettant <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir <strong>de</strong>s adultes.C’est un nœud très important tant pour eux que pour <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion dans son ensemble, et c’est ce que les candidats doivent prendre encompte. Le fait que l’ensemble <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion ait les mêmes attentes montre bien que les jeunes ne sont pas une catégorie à part, bienqu’ils méritent une attention particulière. Et si se pose <strong>la</strong> question <strong>de</strong> l’accompagnement vers l’émancipation, c’est que celle-ci ne peutêtre du ressort seul <strong>de</strong>s familles. De manière sous-jacente, <strong>la</strong> question est bien celle <strong>de</strong> <strong>la</strong> réduction <strong>de</strong>s inégalités qui, au vu <strong>de</strong>s fortesattentes <strong>de</strong>s Français, n’a pas été menée à bien jusqu’alors.Sur <strong>la</strong> base <strong>de</strong>s résultats d’un sondage Les primo- votants et <strong>la</strong> perspective <strong>de</strong> l’élection prési<strong>de</strong>ntielle mené par l’Anacej avec l’Ifop, en Mars 2012 dans le cadre <strong>de</strong> <strong>la</strong>campagne « en 2012, je vote » <strong>la</strong>ncée par l’Anacej - http://je-vote.fr/
paroles <strong>de</strong> jeunesPAGE 19Rencontre avec <strong>de</strong>s jeunes bénévoles et volontaires <strong>de</strong> l’<strong>Afev</strong> en Ile-<strong>de</strong>-France© <strong>Afev</strong>> Rija Ranaivo, 21 ans, Volontaire 93, étudiant en arts p<strong>la</strong>stiques : « Lelogement détermine notre orientation, il fait partie <strong>de</strong> notre i<strong>de</strong>ntité. Qui quenous soyons, l’endroit d’où l’on vient va beaucoup déterminer le parcours.Comme une sorte <strong>de</strong> prison, <strong>de</strong> cage qu’on ne choisit pas. »> G<strong>la</strong>dys Bah, 21 ans, Volontaire (94), étudiante en sociologie : « Dansnos accompagnements avec nos jeunes, j’ai l’impression que dès le départ,avant même qu’ils naissent, ils sont déjà condamnés à l’exclusion. Ils ontdéjà moins <strong>de</strong> chances <strong>de</strong> s’en sortir et ils le ressentent. Et cette sensationempêche d’aller <strong>de</strong> l’avant. Ce qui me révolte le plus, c’est que c’est ancrédans le système et ça donne une impression <strong>de</strong> fatalité désespérante. »> Jean-Baptiste Alix, 26 ans, Volontaire (92) en étudiantdroit : « Ils n’ont pas confiance en eux, pas confiance en <strong>la</strong> société et <strong>la</strong>société n’a pas confiance en eux. Ils ne sont pas reconnus et c’est assezamusant qu’on dise un « jeune actif » qu’à partir du moment ou il a unemploi. »> Aurore Du Roy, 21 ans, Volontaire (93) : « La discriminationpositive, c<strong>la</strong>irement, ça ne marche pas ! »> YasminE Boueya, 23 ans, Volontaire (93) étudiante en sociologie :« Moi ce que j’ai compris, c’est que ça coûte cher <strong>de</strong> faire redoubler unélève, donc pour économiser, on réoriente en BEP. Moi on a voulu me lefaire, j’ai lutté. On vou<strong>la</strong>it m’envoyer en BEP « Tu seras bien, tu feras <strong>de</strong>smassages ». J’ai envie d’apprendre, j’ai envie <strong>de</strong> me cultiver, je n’ai pasenvie d’aller masser les gens ! »> Rija : « Paradoxe, les filières professionnelles sont moins privilégiéesface aux étu<strong>de</strong>s mais les jeunes qui font <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s longues ne sont pasmieux lotis. »> YasminE : « En fait, ce qui s’est passé en mai 68, c’est comme unpoids pour nous. En gros on n’est pas <strong>de</strong> bons héritiers, on ne suit pasbien, on est à côté… »> G<strong>la</strong>dys : « Je pense que les jeunes sont très angoissés et trèspréoccupés par leur avenir, et que ça s’assombrit tellement qu’ils ne voientpas d’échappatoire. Ça les travaille dans leur choix d’étu<strong>de</strong>s et dans <strong>la</strong> viequotidienne. »ce qui les révolte...- Les préjugés- Le regard sur les jeunes <strong>de</strong> cités et <strong>la</strong> stigmatisation <strong>de</strong>smédias- Les comportements violents entre jeunes, notammententre garçons-filles, <strong>la</strong> banalisation <strong>de</strong> cette violencephysique et verbale- Les difficultés d’accès à l’emploi malgré <strong>la</strong> compétence<strong>de</strong>s jeunes- Le discours sur <strong>la</strong> méritocratie vis à vis <strong>de</strong>s jeunes- L’infantilisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong>- Le manque <strong>de</strong> communication intergénérationnelle- Le stigmatisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong> comme génération« zombie »- Le c<strong>la</strong>ssement <strong>de</strong>s jeunes et <strong>la</strong> pré<strong>de</strong>stination <strong>de</strong> leursvies- Le choix <strong>de</strong> voies professionnelles qui est fait en fonction<strong>de</strong> <strong>la</strong> crise : disparition <strong>de</strong>s rêves, restriction <strong>de</strong>s choix...Leurs propositions...- Développer le réseau <strong>de</strong>s transports en commun et enréduire le coût pour les jeunes pour lutter contre les exclusionsliées à <strong>la</strong> mobilité- Rénover les quartiers popu<strong>la</strong>ires pour qu’ils <strong>de</strong>viennentplus attractifs et p<strong>la</strong>isants à vivre,- Proposer une agence publique pour ai<strong>de</strong>r les jeunes dansleurs démarches liées au logement,- Favoriser les rencontres entre les jeunes <strong>de</strong>s différentsquartiers et <strong>de</strong> différents milieux,- Promouvoir l’engagement à tous les échelons et levaloriser,- Instaurer un revenu universel pour les jeunes,- Donner plus <strong>de</strong> p<strong>la</strong>ce à l’ouverture vers le mon<strong>de</strong>professionnel : créer <strong>de</strong>s ateliers <strong>de</strong> discussions entre lesélèves sur l’orientation à l’école, développer les stages etl’accompagnement à <strong>la</strong> recherche <strong>de</strong> stages,- Revaloriser l’alternance et le contenu <strong>de</strong>s enseignements.> LEs propositions <strong>de</strong>s responsables d’antennes <strong>de</strong> l’<strong>Afev</strong>> Anne-Flora Morin-Pou<strong>la</strong>rd, Déléguée régionale <strong>Afev</strong> Ile-<strong>de</strong>-France.© <strong>Afev</strong>Partant <strong>de</strong> notre expérience <strong>de</strong> terrain en matière <strong>de</strong>mobilisation et d’accompagnement <strong>de</strong>s jeunes, nousavons cherché à construire ensemble une série <strong>de</strong>propositions lors d’un temps <strong>de</strong> travail réunissant lesresponsables d’antennes <strong>de</strong> l’<strong>Afev</strong>.Le constat partagé est celui d’une société qui peine à considérer sa <strong>jeunesse</strong>comme une ressource. Or, pour le voir au quotidien, nous savons le pouvoird’innovation sociale <strong>de</strong> ces jeunes.Nous aspirons à une société <strong>de</strong> <strong>la</strong> confiance, qui permette le droit àl’expérimentation et reconnaisse le droit à l’erreur.4 propositions phares :- Déconstruire médiatiquement <strong>la</strong> vision négative <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>jeunesse</strong>, valorisersa force créatrice et sa capacité d’intervention sur les territoires.- Faire <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce aux jeunes générations dans l’espace politique, associatif,syndical et urbain afin <strong>de</strong> faciliter leur participation à <strong>la</strong> réflexion, <strong>la</strong> prise <strong>de</strong>décision, et l’action.- Favoriser l’expérimentation <strong>de</strong> <strong>la</strong> citoyenneté dès le plus jeune âge etdévelopper <strong>de</strong> nouveaux terrains d’engagement.- Faciliter les premières expériences <strong>de</strong> vie, reconnaître leur diversité et leurapport en terme <strong>de</strong> compétences. •
« Les Français, les jeunes, <strong>la</strong> prési<strong>de</strong>ntielle »RETROUVEZ L’INTÉGRALITÉ DU RAPPORT SUR NOTRE SITE www.<strong>jeunesse</strong><strong>solidaire</strong>.orgPoursuivre le débat avec l’<strong>Afev</strong>Les jeunes : un problème pour les Français ?© <strong>Afev</strong>> thibault Renaudin,Secrétaire nationalPour <strong>la</strong> quatrième annéeconsécutive, ce rapport nousdonne matière à débat et, pournotre mouvement, matièreà interpel<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> ceux quiaspirent à occuper les plushautes fonctions électives <strong>de</strong>notre Pays. En <strong>de</strong>hors du contexte électoral dans lequelest réalisé ce sondage, il fait écho à un autre sondage,celui d’Ipsos/Logica Business Consulting réalisépour le journal Le Mon<strong>de</strong> en novembre 2011. Nous yapprenions que les Français interrogés percevaient lesjeunes comme étant intolérants (53%), égoïstes (63%),paresseux (53%), et pas engagés (64%). Cette étu<strong>de</strong>très commentée, avait eu un <strong>la</strong>rge écho dans le mon<strong>de</strong>associatif en général et au sein <strong>de</strong>s mouvementsd’éducation popu<strong>la</strong>ire en particulier, qui n’y voyaientque partiellement le reflet <strong>de</strong> leur vécu quotidien aucontact <strong>de</strong>s Français, jeunes et moins jeunes.Le sondage <strong>Afev</strong>-Audirep-Fondation BNPP <strong>de</strong> ce mois<strong>de</strong> mars, illustre encore différemment le rapport quepeuvent avoir les Français avec leurs <strong>jeunesse</strong>s. Quelsen sont les enseignements majeurs ?En premier lieu, il est nécessaire <strong>de</strong> préciser qu’il n’ya pas UNE <strong>jeunesse</strong> <strong>de</strong> France, mais plusieurs ! Ellesvivent et subissent <strong>de</strong>s phénomènes bien différents, etles Français interrogés les différencient, car si ils onttrès majoritairement une image positive <strong>de</strong>s jeunes engénéral à 75%, ils sont 57% à avoir une image négative<strong>de</strong>s jeunes <strong>de</strong>s quartiers popu<strong>la</strong>ires. Dramatique constatpour nos jeunes <strong>de</strong> ces quartiers « abandonnés » par <strong>la</strong>République, qui subissent une double voire triple peineque nous n’avons <strong>de</strong> cesse <strong>de</strong> dénoncer. Échec sco<strong>la</strong>iremassif, taux <strong>de</strong> chômage vertigineux auxquels vient enplus se greffer une image dégradée chez une majorité<strong>de</strong> Français.Cependant, le <strong>de</strong>uxième enseignement voit émergerune très forte volonté <strong>de</strong> huit Français questionnés surdix <strong>de</strong> voir s’appliquer <strong>de</strong>s politiques publiques en faveur<strong>de</strong> <strong>la</strong> réduction <strong>de</strong>s inégalités entre les jeunes.Troisième enseignement, dans le cadre <strong>de</strong> l’électionprési<strong>de</strong>ntielle prochaine, près <strong>de</strong> sept français sur dixindiquent que <strong>la</strong> priorité accordée aux enjeux liés à <strong>la</strong><strong>jeunesse</strong> pèsera dans leur choix <strong>de</strong> candidat.Tout est donc réuni dans notre pays pour changer ce quiapparaît en Europe comme une exception française !Nos concitoyens, ont très majoritairement confianceen leur <strong>jeunesse</strong>, ils i<strong>de</strong>ntifient c<strong>la</strong>irement les fortesinégalités qui les séparent, ils souhaitent <strong>la</strong> réalisation<strong>de</strong> politiques publiques ambitieuses en ce sens, enmatière d’emploi, d’éducation… Et ils disent que leurvote dépendra beaucoup <strong>de</strong> cette question.Mesdames et Messieurs les candidats à l’électionprési<strong>de</strong>ntielle, le combat pour l’égalité est plus quejamais <strong>de</strong> mise et plus singulièrement encore pourles jeunes <strong>de</strong> France. La balle est désormais dansvotre camp, les électeurs vous atten<strong>de</strong>nt à ce ren<strong>de</strong>zvous<strong>de</strong> l’avenir, pour construire « une démocratie <strong>de</strong>ssemb<strong>la</strong>bles » à égalité <strong>de</strong> droit et <strong>de</strong> dignité, commenous invitait déjà à le faire De Tocqueville.Nous contacterElise Renaudin, directrice déléguée26 bis rue <strong>de</strong> Château Landon - 75010 ParisTél : 01 40 36 01 01Email : pole.national@afev.orgPresse :Magali De Exposito, chargée <strong>de</strong> communicationTél : 06 82 78 97 31Email : communication@afev.orgPublié par l’<strong>Afev</strong> - Coordination : Anne Gilles, Elise Renaudin, Thibault Renaudin - rédaction et interviews :François Perrin - Visuels : Génaro Studio - Maquette/PAO : Magali <strong>de</strong> Exposito - Impression : Graph 2000papier certifié