INTERVIEWSIl ne faut pas jouer une anche neuve pendant5 heures ou on la fusille !Ensuite, une fois les anches rôdées,on sait si telle anche est plutôt facile,telle autre plutôt tenue, ou biendans la moyenne (personnellement,j'écris 'L' pour légère, 'M' pour moyenneet 'S' pour dure (en Allemand,"Schwer").De cette façon, c'est facile,je sais choisir mes anches en ouvrantune boîte.Il y a des anches qui sonnent très bien,et d'autres que j'utilise pour travailler.Il ne faut pas travailler avec des anchesexcellentes. Il faut choisir son ancheen fonction de la musique que l'onjoue et garder les meilleures pourles concerts.LS : Que dire sur les <strong>bec</strong>s ?Il y a de nombreux <strong>bec</strong>s différents lesuns des autres. Je pense que c'est positifcar parfois on a une anche plus facile,dans ce cas, on a besoin <strong>d'un</strong> <strong>bec</strong> un peuplus ouvert, ou une anche plus tenue,alors on a besoin <strong>d'un</strong> <strong>bec</strong> plus fermé.Je joue des <strong>bec</strong>s plus ouverts qu'il y a20 ans, mais aussi des <strong>bec</strong>s dont la tableest plus longue.◆FabriceMorettiBIOGRAPHIEFabrice Moretti étudie le saxophone au C.N.R. de Nancy avec Jean <strong>Le</strong>dieu, puis au C.N.S.M.de Paris avec Daniel Deffayet où il obtient en 1983 un 1er Prix à l'unanimité 1er nommé par votespécial du jury. 1er Prix de musique de chambre, il entre en 3e cycle dans la classe de ChristianLardé ; il est 3e Prix du Concours international de musique de chambre de Paris en 1985.En saxophone, il est lauréat de nombreux concours :1er Prix à Aix les Bains (1986, ConcoursNational), 2e Prix à Fairfax (1990, Concours international, USA), 1er Prix à Gap (1991, Concourseuropéen), 3e Prix à Dinant (1994, Concours international A. Sax).Différents orchestres ont fait appel à lui, notamment l'O.N.F. et le N.O.P. de Radio-France à Paris, oul'Orchestre Symphonique de Montréal, sous la direction de L. Maazel, S. Ozawa, R. Chailly,M. Janowski… Il est actuellement professeur au Conservatoire de Paris 10e et membre du quatuorJ. <strong>Le</strong>dieu.Discographie - Disques REM : Qigang Chen, P. Arma, P. Vellones, J. Ibert (Orch. ch. J.L. Petit) ; CD CALLIOPE : Duboiset Calmel (Quat. J. <strong>Le</strong>dieu, Orch. phil. Janacek) ; CD OPUS : Singelée, Pierné, Pascal, Absil (Quat. J. <strong>Le</strong>dieu : J. <strong>Le</strong>dieu,Ph. Portejoie, F. Moretti, D. Bardot) ; M. Carles (Quat. J. <strong>Le</strong>dieu).JMP (Jean-Marie PAUL) : Quelleest votre spécificité en tant quesaxophoniste ?FM (Fabrice MORETTI) : S’inspirerdes autres bois de l’orchestre de façon àce que le saxophone s’intègre d’autantmieux, sans perdre pour autant sa spécificité.Si on entend du saxophone avecd’autres instruments, qu’on ne dise pas :ah tiens, il y a du saxophone !Même si on joue avec piano ou en quatuor,il faut essayer d’atteindre le mêmeniveau par le style et la sonorité, parl’exigence au niveau de la justesse.Pour le grand public, le sax, c’estd’abord le jazz. Je ne fais pas de jazz,j’adore en écouter, mais à chacun sa spécialité.J’essaie de faire (re)découvrir lesaxophone comme instrument classique.Tous les instruments ont évolué ; parexemple, les hautbois ou les trompettesont adapté leur sonorité à l’évolution duvibrato. Un orchestre aujourd’hui n’apas la même sonorité qu’il y a 50 ans.Mais au niveau du style, de l’interprétation,je crois profondément à une certainetradition, sans pour autant faire de lacopie, mais en y apportant une touchepersonnelle.JMP : Que recherchez-vous en matièrede sonorité ?FM : Suivant le répertoire que je joue, jen’ai pas la même sonorité. J’adapte suivantles auteurs, les œuvres, les goûtsaussi (on change avec le temps…). Cequ’il y a de bien en musique, c’est lechallenge, être confronté à des situations12nouvelles. Il y a des sonorités que j’aimebien, d’autres moins, en classiquecomme en jazz d’ailleurs, car pour moila musique forme un tout.JMP : Vous jouez Vandoren.Qu’attendez-vous du matériel ?FM : Je joue les S27, A27, T20, B35pour les <strong>bec</strong>s soprano, alto, ténor, baryton.Je change de <strong>bec</strong> tous les 4-5 ans ;ça marche bien, je ne me pose pas dequestions. Lorsque j’ai un <strong>bec</strong>, je necherche pas à en essayer d’autres ; je faissimplement vérifier mon <strong>bec</strong> par Jean-Paul Gauvin de temps en temps.Je ne suis pas trop partisan de changerde <strong>bec</strong> en fonction du type de musique,mais plutôt de changer d’anches.- Il y a les certitudes : un saxophone et
un <strong>bec</strong> très au point, je n’en change pas.La ligature (la traditionnelle Vandoren)doit serrer très fort le <strong>bec</strong>, c’est ma façonde voir les choses.- Et il y a les incertitudes : l’instrumentiste(condition physique et psychologique),les anches, la salle (climat,acoustique).Pour le bonhomme, c’est une questiond’hygiène de vie, être reposé et en formeavant le concert. Pour les anches, cela vaaussi avec l’aspect psychique du musicien.Avec le temps, j’ai appris à ne pastrop m’en faire ; il faut jouer, il faut queça marche. J’ai une sélection d’unevingtaine d’anches ; je cherche l’anchede concert une heure auparavant, dansles conditions climatiques et acoustiquesdu concert. Quelquefois je fais un premiertri la veille.Une anecdote à propos des anches : lescinq premières années du quatuor Jean<strong>Le</strong>dieu, j’utilisais la même anche pour lesconcerts. Il y a quand même eu un jour oùje me suis dit qu’il faudrait trouver mieuxpour la remplacer. Et là j’ai eu du mal àen changer, parce que je m’étais trophabitué à elle. Moralité : je tourne désormaisavec une variété d’anches.Au ténor c’était pareil auparavant,quand je jouais avec le Quatuor ArsGallica. Nous avons d’ailleurs gagnéplusieurs concours de musique dechambre ensemble.JMP : Quel regard portez-vous surl’école française de saxophoneaujourd’hui ?FM : Aujourd’hui l’école françaiseexplose, en quantité et en qualité. Il y aINTERVIEWSbeaucoup de saxophonistes français dehaut niveau ; nous jouons différemment,et la diversité est une richesse. Je ne veuxpas polémiquer, mais comme membre dujury, je ne favorise pas forcément les gensqui jouent comme moi. J’essaie de trouverchez les candidats ce qu’ils ont àexprimer. Dans certains concours malheureusement,on prend des musiciensqui ont un certain “moule”.Que ce soit au niveau de la prestationartistique ou de la sélection du matériel,il faut admettre les personnes qui fontdes <strong>choix</strong> différents. <strong>Le</strong>s musiciens, quisont souvent un peu égocentriques, nedoivent pas oublier que pour le bien dela musique, il faut être à l'écoute desautres.◆<strong>Le</strong>e KonitzExtraits de l’interview réalisée parJean-Marie PAUL le 21 octobre 1999à l’Espace Vandoren-ParisVous jouez maintenant le <strong>bec</strong> V16,comment caractériseriez-vous cetype de son, comparé avec ce quevous aviez ?Il y a des années, j'ai fait un duo avecSteve Lacy à la Radio ; j'ai rencontréJean-Paul Gauvin qui venait avec desanches et un <strong>bec</strong>. Un quart d'heureplus tard, je jouais ce matériel !J'ai joué plusieurs types de <strong>bec</strong>sVandoren ; le V16 est plutôt dans lalignée du Meyer que je jouais autrefois.Je pense que je vais plus aujourd'huivers un son classique (au sensjazzistique du terme bien entendu).J'ai commencé ma carrière à la <strong>clarinette</strong>et avec un son classique, et jepense que j'ai transposé cette embouchureau saxophone. <strong>Le</strong> <strong>bec</strong> V16 A6est confortable et très proche de ceque j'aime. Aujourd'hui, Jean-PaulGauvin m'a donné la petite chambre(S), je joue habituellement la chambremoyenne (M) et j'ai aimé le jouer.Je joue également différentes forcesd'anche. J'aime jouer la nº3 à lamaison, la 3 1/2 par exemple en duo.C'est un peu perturbant, mais lesaxophone est un instrument assezpolyvalent, et j'essaie d'explorer différentesvoies pour le rendre aussisouple que possible. Aussi, lorsquej'ai commencé à jouer dans lesannées 50, j'avais un son bien déterminéet je me suis fait une réputationsur ce son avec les années ; lorsquej'ai entendu Paul Desmond pour lapremière fois, j'ai changé ma sonorité.Et j'aime changer d'embouchure,enlever les dents sur le dessus, allerà droite et à gauche, tester différentesmanières pour me sentir à l'aisedans mon jeu. J'aime jouer dusaxophone tous les jours, car c'est uninstrument plein de surprises.© Ducasse13