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JOURNAL OFFICIEL - Débats parlementaires de la 4e République

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le dispositif établi par les règlements en vigueur. En fait, lespremiers secours sont intervenus une heure après que le fléau.eût été signalé par les observatoires.Je n'ai pas l'intention <strong>de</strong> faire un procès, <strong>de</strong> rechercher lesresponsabilités <strong>de</strong> tels ou tels hommes, ce<strong>la</strong> est d'une trèsfacile démagogie. C'est une tendance à <strong>la</strong>quelle on cè<strong>de</strong> tropsouvent, à cette tribune, que <strong>de</strong> battre son mea culpa sur <strong>la</strong>poitrine <strong>de</strong> son prochain. Telle n'es! pas mon habitu<strong>de</strong>.En toute objectivité, je me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> pourquoi nous avonsassisté à ce manque <strong>de</strong> liaison et à cette absence <strong>de</strong> coordination<strong>de</strong>s efforts.La raison est très simple. Ce n'est pas dans les textes queje trouve <strong>la</strong> <strong>la</strong>cune. Ceux-ci prévoient l'intervention <strong>de</strong>s associationslocales et l'organisent. Ils prévoient l'organisation ducorps <strong>de</strong> pompiers et son intervention. Le dispositif est dansson ensemble suffisamment réglé par les textes existants pourque tout ait pu se dérouler d'une manière normale, s'ils avaientété appliqués.En fait, il n'en a pas été ainsi. Je voudrais essayer objectivement<strong>de</strong> dire pourquoi.Au départ, se sont révélées <strong>de</strong>s rivalités d'attributions, <strong>de</strong>sconflits <strong>de</strong> compétence et <strong>de</strong>s amours-propres irrités, mal p<strong>la</strong>cés,à <strong>la</strong> fois du côté <strong>de</strong>s associations <strong>de</strong> défense et du côté <strong>de</strong> l'administration.On a pris <strong>de</strong>s positions qui sont <strong>de</strong>venues antagonistes, chacunmettant un amour-propre que je me permets <strong>de</strong> qualifierdu haut <strong>de</strong> cette tribune <strong>de</strong> ridicule <strong>de</strong> part et d'autre, à fairetriompher <strong>de</strong>s points <strong>de</strong> vue qui s'avéraient en fait complémentairespour un esprit tranquille et apaisé et jugeant en toutesérénité.Les uns estimaient que <strong>la</strong> création du corps <strong>de</strong> pompiers constituaitun remè<strong>de</strong> souverain qui dispensait <strong>de</strong> toute autremesure.Nous avons vu publier par l'administration, sous <strong>la</strong> signature'd'un <strong>de</strong> ses représentants, un article dithyrambique qui fait riremaintenant mais qui, à l'époque ne faisait pas rire et danslequel on écrivait que <strong>la</strong> forêt était sauvée parce qu'on avaitcréé un corps <strong>de</strong> sapeurs-pompiers. La forêt n'était pas sauvéepour ce<strong>la</strong> et l'expérience l'a montré.D'autre part aussi, on a vu bou<strong>de</strong>r le corps <strong>de</strong>s pompierspar <strong>de</strong>s organisateurs locaux qui auraient pu chercher, au lieu<strong>de</strong> lui adresser <strong>de</strong>s criîiques, à organiser avec lui une liaisonet une col<strong>la</strong>boration harmonieuses.La vérité est que, <strong>de</strong> part et d'autre, on a cédé à un système<strong>de</strong> critiques et nous voyons peut-être là, mesdames, messieurs— je me permets d'y insister — une <strong>de</strong>s causes du mal. Et ilfaudrait que <strong>la</strong> leçon porte, non pas seulement dans le domainedont il est présentement question, mais ailleurs, c<strong>la</strong>ns tousles domaines <strong>de</strong> notre vie publique, sans quoi nous finironspar être victimes <strong>de</strong> cet était d'esprit <strong>la</strong>mentable qui diviseles Français. Nos misères,' nos ca<strong>la</strong>mités, nos difficultés <strong>de</strong>toutes sortes sont exploités par <strong>de</strong>s passions, <strong>de</strong> haines, <strong>de</strong>srivalités, <strong>de</strong>s jalousies, qui finiront par créer <strong>de</strong>s antagonismesmeurtriers pour le pays. (Vifs app<strong>la</strong>udissements au centre, àgauche et à droite.)Au lieu <strong>de</strong> chercher <strong>la</strong> col<strong>la</strong>boration, chacun s'est enfermédans <strong>de</strong>s points <strong>de</strong> vue tellement exagérés et agressifs quetoute espèce d'entente était moralement <strong>de</strong>venue quasi impossible.C'est <strong>la</strong> raison pour' <strong>la</strong>quelle les liaisons n'ont pasfonctionné, c'est <strong>la</strong> raison pour <strong>la</strong>quelle les pompiers n'avertissentpas les organisations locales, pour <strong>la</strong>quelle les organisationslocales, <strong>de</strong> leur côté, critiquent avec une telle véhémencel'organisation du corps <strong>de</strong>s pompiers, et nous en voyonsles <strong>la</strong>mentables conséquences dans <strong>la</strong> version qui a été donnée<strong>de</strong> <strong>la</strong> tragédie du 20 août.Nous en avons eu <strong>de</strong>s échos répétés à cette tribuneil s'est agi <strong>de</strong> rechercher les~ responsabilités.quandQuelqu'un — je ne sais qui, et je ne cherche pas à lesavoir, je pense que c'est <strong>de</strong> <strong>la</strong> meilleure „ foi du mon<strong>de</strong>' d'ailleurs, et probablement à cause du climat où l'on était,et en raison <strong>de</strong> cette'tendance qui faisait que, quand on étaitdu côté administration ou du côté <strong>de</strong> l'organisation privée,on ne voyait les responsabilités que <strong>de</strong> l'autre — quand il s'estagi <strong>de</strong> savoir qui était le responsable <strong>de</strong>s morts du 20 août, l'un<strong>de</strong> ceux, dis-je, qui voient dans le contre-feu une ca<strong>la</strong>mité, aaccusé le contre-feu.On ne s'est pas rendu compte <strong>de</strong> <strong>la</strong> gravité d'une pareilleaccusation, sinon certains ne l'auraient pas faite, et l'on aglissé cette insinuation dans le rapport d'une manière telleque, j'en suis convaincu et personne ne pourra en douter, leministre <strong>de</strong> <strong>la</strong> défense nationale, apportant ses doléances auxfamilles éprouvées, s'est lui-même fait l'écho <strong>de</strong> cette affirmation: « les morts ont été pris entre le feu .et le contre-feu »,Or, c'est inexact. Et il ne faut pas chercher autre part quedans cette espèce <strong>de</strong> passion avec <strong>la</strong>quelle on s'efforce <strong>de</strong>trouver les responsabilités ailleurs que dans son propre parti, 1les raisons <strong>de</strong> cette affirmation. Mais elle a risqué d'être meurtrièreet les morts ne sont pas morts entre le feu et le contrefeu,ils sont tous morts, sauf un, en arrière du contre-feu, cequi prouve qu'il y a eu un retour <strong>de</strong> f<strong>la</strong>mme, l'incendie a étéen réalité comme rejeté en arrière du contre-feu par le phénomènemétéorologique qu'on a essayé d'expliquer à cettetribune.Ils sont morts en arrière du contre-feu et non entre le contrefeuet le feu. Un seul cadavre a été retrouvé en avant ducontre-feu, celui <strong>de</strong> M. Coulom. On ne peut pas dire que lui aété victime d'une méprise autre que personnelle. C'était unvieux forestier, qui s'est dit que, parfois, on peut trouverle moyen <strong>de</strong> se dégager en avant. La fuite en avant, c'estaussi une fuite. Il a fui "en avant dans l'espoir <strong>de</strong> dépasser lecontre-feu, <strong>de</strong> trouver une zone où il pourrait être à l'abri.Il est mort. C'est le seul cadavre qu'on ait retrouvé qui puissejustifier ou, en tout cas, lui servir d'argument, <strong>la</strong> thèseselon <strong>la</strong>quelle les victimes ont été prises entre les <strong>de</strong>ux feux.Ce qui est plus certain, c'est <strong>la</strong> thèse qui s'est dégagée cematin <strong>de</strong>s explications <strong>de</strong> M/ le ministre <strong>de</strong> l'intérieur et que lesforestiers, sans parti pris, ont adoptée.Tout le mon<strong>de</strong> sait, dans <strong>la</strong> région du bassin d'Arcachon, quelorsque le vent prend au matin dans une certaine direction, iltourne avec le soleil. C'est un fait constaté.Le vent a tourné entre le matin et l'après-midi pour être, dansl'après-midi, dans <strong>la</strong> direction Sud-Ouest, Nord-Est. Quand il aété dans cette direction, il s'est trouvé, comme le disait M. leministre <strong>de</strong> l'intérieur, que l'état hygrométrique au niveau dusol, dans <strong>la</strong> zone <strong>de</strong>s observations <strong>de</strong> cet état hygrométrique,étant très bas, le mé<strong>la</strong>nge déf<strong>la</strong>grant a pu se produire et, commeles <strong>de</strong>ux incendies, feu et contre-feu, marchaient l'un au-<strong>de</strong>vant<strong>de</strong> l'autre, cette masse gazeuse explosive a été prise entre les<strong>de</strong>ux.Je ne connais rien à <strong>la</strong> question. Je n'étale pas ici une scienceque je préten<strong>de</strong> personnelle. Je ne suis qu'adopté par <strong>la</strong> Giron<strong>de</strong>,mais j'ai eu <strong>la</strong> loyauté et l'honnêteté d'interroger <strong>de</strong> mon mieuxles gens qui peuvent savoir.Tous ceux qui ont vu <strong>de</strong>s feux et <strong>de</strong>s contre-feu m'ont dit:Chaque fois que le,feu rencontre un contre-feu, il y a explosionet l'on entend une détonation semb<strong>la</strong>ble à un coup <strong>de</strong> tonnerre.Jo le prends <strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong>de</strong> ceux qui me l'ont affirmé commeétant une vérité.Donc, l'explosion se produit chaque fois qu'il y a contre-feu.Qu'a-t-il donc pu se produire ce jour-là? Il s'est produit quel'orientation du vent a amené du bassin et <strong>de</strong> <strong>la</strong> mer une zone<strong>de</strong> vapeur d'eau qui s'est étendue comme un p<strong>la</strong>fond au <strong>de</strong>ssus<strong>de</strong> <strong>la</strong> zone <strong>de</strong> l'incendie. Quand est survenue <strong>la</strong> déf<strong>la</strong>gration,l'explosion se produisant en général en l'air et dans <strong>la</strong>'directionverticale, elle a heurté un p<strong>la</strong>fond imperméable qui l'a rabattue.Voilà l'explication qui m'a été donnée. Elle se rapproche,monsieur le ministre <strong>de</strong> l'intérieur, <strong>de</strong> celle que vous avezfournie vous-même ce matin, avec une considération tenant à<strong>la</strong> direction du vent.Je pense que là est <strong>la</strong> vérité et <strong>la</strong> loyauté. C'est, en tout cas,d'une manière objective qu'il faut examiner ces faits.Je n'hésite pas à <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r que soient solennellement affirméesici, et je les retiens comme va<strong>la</strong>bles pour un débat <strong>de</strong>vantl'Assemblée, les paroles prononcées par M. le ministre <strong>de</strong>l'intérieur, mais je lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> — et je <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à M. leministre <strong>de</strong> l'agriculture, si c'est lui* qui répond aux interpel<strong>la</strong>leurs— <strong>de</strong> se dire d'accord sur ce point, parce qu'il faut avoirvu les gens du pays pour se rendre compte <strong>de</strong> ce que le soupçond'une pareille accusation peut faire peser sur eux d'angoisse et<strong>de</strong> terreur.Ces pauvres gens s'imaginent qu'on leur met ces quatrevingt-troiscadavres sur <strong>la</strong> conscience.M. Jules Moch, ministre <strong>de</strong> l'intérieur. Mais non!M. Henri Teitgen. Ne serait-ce que ipar impru<strong>de</strong>nce ou [parma<strong>la</strong>dresse ipour avoir inopportunément allumé un contre-feu,quand bien même on n'est que l'auteur involontaire d'un acci<strong>de</strong>ntaussi terrible, l'angoisse n'en <strong>de</strong>meure pas moins tenail<strong>la</strong>nteau cœur <strong>de</strong>s hommes.On ajoute au tourment <strong>de</strong> ces honnêtes et braves gens qui ontété héroïques ce tourment moral supplémentaire.Je <strong>de</strong>man<strong>de</strong> qu'il soit entendu <strong>de</strong>vant l'Assemblée que leurresponsabilité, ne serait-ce que pour impru<strong>de</strong>nce, est totalementdégagée en <strong>la</strong> circonstance. (App<strong>la</strong>udissements au centre.)

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