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JOURNAL OFFICIEL - Débats parlementaires de la 4e République

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Un jour à Houeillès» chef-lieu <strong>de</strong> canton <strong>de</strong> notre contréeforestière, alors que <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion attendait du matériel, nousvîmes arriver <strong>de</strong>ux camions chargés <strong>de</strong> 400 arrosoirs chacun;beaucoup <strong>de</strong> ces arrosoirs étaient percés et dans l'impossibilité<strong>de</strong> rendre le moindre service.On ne peut faire mieux pour se, moquer du mon<strong>de</strong> ; mais, endéfinitive, ce<strong>la</strong> coûte cher aux gens <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt et à <strong>la</strong> France.Un homme particulièrement qualifié pour donner une sérieuseappréciation, M. Lafont, le courageux maire <strong>de</strong> Cestas, <strong>la</strong> villemartyre, n'a-t-il pas déc<strong>la</strong>ré à <strong>la</strong> presse:« On n'a pas voulu faire <strong>la</strong> lumière sur <strong>la</strong> tragédie du moisd'août, parce qu'on craignait <strong>de</strong> relever <strong>de</strong>s défail<strong>la</strong>nces gravesaux échelons élevés. »Dans cette lutte gigantesque contre l'incendie, le dévouementet l'esprit <strong>de</strong> sacrifice <strong>de</strong> nos popu<strong>la</strong>tions ont été admirables,ainsi que ceux <strong>de</strong>s hommes <strong>de</strong> troupe et <strong>de</strong>s pompiers. A <strong>la</strong>tête <strong>de</strong> leurs administrés, les maires <strong>de</strong> nos communes ruralesforestières se sont dépensés sans compter.Mais le Gouvernement, lui,, avait d'autres soucis: il pensaitmoins à mettre tout en œuvre pour arrêter le feu qu'à mobiliserses G. R. S. pour faire matraquer les ouvriers qui <strong>de</strong>mandaient<strong>de</strong>s sa<strong>la</strong>ires décents. (App<strong>la</strong>udissements à l'extrême gauche.)Dans son discours-, M. Lamarque-Cando a déploré l'absence<strong>de</strong> voitures-radio pour ai<strong>de</strong>r à <strong>la</strong> lutte contre l'incendie. Toutà fait d'accord! Et nous l'avons dit, nous aussi, en temps voulu.Mais, monsieur Lamarque-Cando, <strong>de</strong>s voitures-radio, il y enavait: il eut suffi à votre ami, M. le ministre <strong>de</strong> l'intérieur, <strong>de</strong>vouloir bien mettre ce matériel à <strong>la</strong> disposition <strong>de</strong>s défenseurs<strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt. Seulement, M. Jules Moch entendait avant tout seservir <strong>de</strong>s voilures-radio pour sa répression antiouvrière. (Trèsbien! très bien! à l'extrême gmiche.)Le gouvernement <strong>de</strong> l'époque, auquel le Gouvernement actuelressemble comme un frère, a-t-il eu au moins le souci <strong>de</strong> dépisteret <strong>de</strong> châtier les incendiaires.? Pas le moins du mon<strong>de</strong>!Chacun sait que d'anciens soldats allemands, <strong>de</strong>s col<strong>la</strong>borateurs,<strong>de</strong>s espions franquistes rôdaient alors dans <strong>la</strong> région<strong>la</strong>ndaise.Personne, chez nous, ne peut admettre que tous ces incendiesqui se sont allumés simultanément aux coins les plusdivers, n'étaient pas le fruit d'un p<strong>la</strong>n concerté tendant à.détruire <strong>la</strong> forêt <strong>de</strong> Gascogne.« Tous les ans, l'ampleur du sinistre grandit, comme si <strong>de</strong>scriminels avaient intérêt à faire disparaître cette source <strong>de</strong>richesse pour nous contraindre à nous procurer à l'étrangerles produits que fournit <strong>la</strong> forêt <strong>de</strong> Gascogne. »Cette <strong>de</strong>rnière phrase, mes chers collègues, est extraite <strong>de</strong><strong>la</strong> résolution votée à l'unanimité par les Assises <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt,tenues à Cestas, auxquelles participaient <strong>de</strong>s personnes <strong>de</strong>Joutes opinions politiques .et <strong>de</strong> toutes conditions sociales.Mesdames, messieurs, <strong>la</strong> dure vérité est <strong>la</strong> suivante:Encore quelques épreuves comme celle <strong>de</strong> l'an <strong>de</strong>rnier, et <strong>la</strong>forêt <strong>la</strong>ndaise aura vécu.Allons-nous <strong>la</strong>isser commettre ce crime ? Pour nous, toute<strong>la</strong> question est là.L'opinion publique ne s'y trompe pas: rien ne se fait <strong>de</strong>sérieux pour nous préserver <strong>de</strong> nouvelles catastrophes et nousallons revenir à <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> dangereuse — car nous <strong>de</strong>vonsbien avoir en vue qu'avec un temps sec, le mois <strong>de</strong> marsest déjà très dangereux pour <strong>la</strong> forêt <strong>la</strong>ndaise.Je veux dire aussi, qu'à notre avis, les gros propriétairesportent une incontes table responsabilité dans le fléau qui s'estabattu sur notre forêt.Dans <strong>la</strong> proposition <strong>de</strong> loi que mes collègues, M. Garcia,M. Dupuy, M. RuÊte, Mme Reyraud, et moi-même avons déposéele 24 août 1947 sur le bureau <strong>de</strong> l'Assemblée nationale, cousdisions :« Le manque <strong>de</strong> prévoyance <strong>de</strong> certains propriétaires etaussi, il faut le dire, leur cupidité, détruisit l'équilibre économique<strong>de</strong> <strong>la</strong> région.« Les troupeaux <strong>de</strong> moutons disparurent du fait <strong>de</strong>s conditions<strong>de</strong> travail misérables faites aux bergers.« Les cultures, privées <strong>de</strong>. l'apport indispensable d'engraisfourni par les moutons déclinèrent. La valorisation grandissante<strong>de</strong>s produits <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt incita d'ailleurs aussi les propriétairesà pratiquer un boisement excessif au détriment <strong>de</strong>scultures.« La diminution <strong>de</strong> l'élevage ovin et <strong>de</strong>s cultures, les misérablesconditions <strong>de</strong> vie <strong>de</strong>s métayers-résiniers qui ne profitèrentpoint <strong>de</strong> l'enrichissement général du pays auquel, pourtant,ils avaient plus que tous autres contribué par leur dur <strong>la</strong>beur,amenèrent un dépeuplêment intense »,•Par<strong>la</strong>nt <strong>de</strong> l'ordonnance du 25 avril 1945,, notre proposition<strong>de</strong> loi poursuivait :« Elle négligeait systématiquement les causes profon<strong>de</strong>s dumauvais entretien <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt et qualifiait par exemple d'impuissancece qui n'était que négligence et avarice <strong>de</strong>s gros propriétairesfonciers. »La responsabilité <strong>de</strong>s gros propriétaires est, en effet, indéniable.Le délégué fédéral <strong>de</strong>s gemmeurs <strong>de</strong> Casteljaloux, M. JosephClément, m'a écrit en ces termes:« Je vous serais très obligé <strong>de</strong> bien vouloir intervenir àl'Assemblée nationale au sujet du <strong>la</strong>isser-aller <strong>de</strong> <strong>la</strong> majeurepartie <strong>de</strong>s grands propriétaires qui ne font rien pour conservercette richesse nationalë qu'est <strong>la</strong> forêt <strong>de</strong> Gascogne.« Certains <strong>de</strong> ces gros propriétaires ne connaissent mêmepas les limites <strong>de</strong> leurs propriétés^ Ils vont dans leurs boispour y marquer les pins à gemmer et ils y reviennent pour lesmarquer quand ils sont vendus. Aussi, le fourré pousse àson aise, à tel point que si le feu venait à y prendre ou ày être allumé, il serait matériellement impossible <strong>de</strong> faire quoique ce soit pour le circonscrire. »Si l'on veut sauver <strong>la</strong> forêt, il faut donc, nous le verrons toutà l'heure, obliger les gros propriétaires à faire effectuercertains travaux et à ne pas se contenter, comme l'ont faitcertains à cette tribune, <strong>de</strong> tira<strong>de</strong>s démagogiques qui sonten réalité <strong>de</strong>stinées à élu<strong>de</strong>r les responsabilités gouvernementales.(App<strong>la</strong>udissements à l'extrême gauche.)Malgré toutes ses insuffisances, l'ordonnance du 25 avril1945 permettait au Gouvernement d'intervenir contre les grospropriétaires récalcitrants.A ce sujet, M. Lamarque-Cando s'est exprimé ainsi:« Je prétends que l'ordonnance se suffisait à elle-même,qu'oii pouvait en tirer les moyens <strong>de</strong> réaliser tous les travauxd'intérêt général nécessaires. Si ce<strong>la</strong> n'a pas été fait, c'est àcause <strong>de</strong> l'hostilité <strong>de</strong> ceux qui auraient dû comprendre et quiauràient dû en être les bénéficiaires. »Mais M. Lamarque-Cando semble oublier qu'il appartient à <strong>la</strong>majorité gouvernementale.' Pourquoi n'a-t-on pas appliqué l'ordonnance ? A qui <strong>la</strong> faute ?Alors qu'ils le pouvaient, pourquoi les ministres responsablesn'ont-ils pas obligé les grands propriétaires à- effectuer lestravaux <strong>de</strong> débroussaillement ?Que dit l'article 6 <strong>de</strong> l'ordonnance du 25 aviil 1945 ?« Les propriétaires sont tenus d'effectuer les travaux <strong>de</strong>débroussaillement qui sont reconnus nécessaires à <strong>la</strong> protection<strong>de</strong>s massifs forestiers par le conservateur <strong>de</strong>s eaux et forêts.« Faute par les propriétaires d'effectuer les travaux prévusdans les dé<strong>la</strong>is prescrits, ceux-ci sont exécutés par l'Etat et leremboursement <strong>de</strong> <strong>la</strong> dépense est poursuivi par l'administration<strong>de</strong>s eaux et forêts. Les mémoires <strong>de</strong> frais sont arrêtéspar le préfet qui les rend exécutoires si les intéressés ne lesont pas réglés dans un dé<strong>la</strong>i d'un mois à dater <strong>de</strong> leurnotification ».Ainsi, mesdames, messieurs, le Gouvernement pouvait agir.Pourquoi ne l'a-t-il pas fait ? Et qu'avez-vous fait pour l'yobliger ?Je voudrais dénoncer un autre aspect <strong>de</strong> <strong>la</strong> démagogie à<strong>la</strong>quelle on s'est livré à cette tribune au cours <strong>de</strong> ce débat.M. Lamarque-Cando a déc<strong>la</strong>ré, au début <strong>de</strong> son intervention,que <strong>la</strong> forêt est appelée à disparaître complètement si l'on neprocè<strong>de</strong> pas à une réforme <strong>de</strong> structure profon<strong>de</strong> dans notrepays. Il a précisé à <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> son intervention:« Si <strong>la</strong> forêt <strong>la</strong>ndaise était partagée dans son ensembkcomme le sont les 200.000 hectares <strong>de</strong>s petits propriétaires,elle appartiendrait à quelque 32.000 ou 33.000 propriétaires etle problème serait résolu. »On croit rêver lorsqu'on entend prononcer <strong>de</strong> tels discourspar <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> <strong>la</strong> majorité IM. Hubert Ruffe. C'est <strong>de</strong> <strong>la</strong> démagogie!M. Gérard Duprat. Ah! comme il apparaît, dans ce débat, ledivorce entre les actes et les paroles chez les élus socialistes!(App<strong>la</strong>udissements à l'extrême gauche.)Paroles « <strong>de</strong> gauche », actes réactionnaires, tel es.t, messieurs,votre comportement! Car, ce que vous faites semb<strong>la</strong>nt <strong>de</strong>proposer, ce n'est pas autre chose qu'une réforme agraire. Or,personne ne croira dans notre paysannerie <strong>la</strong>borieuse que c'estavec un gouvernement p<strong>la</strong>cé sous <strong>la</strong> coupe <strong>de</strong> Walt Street ques'accompliront <strong>de</strong> pareilles transformations sociales. (App<strong>la</strong>udissementssur les mêmes bancs.)

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