13.07.2015 Views

JOURNAL OFFICIEL - Débats parlementaires de la 4e République

JOURNAL OFFICIEL - Débats parlementaires de la 4e République

JOURNAL OFFICIEL - Débats parlementaires de la 4e République

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Sud-Ouest, et dont l'Assemblée ne s'occupe que cinq moisaprès, celui <strong>de</strong> Bé<strong>de</strong>nac-Bussac tient une p<strong>la</strong>ce particulière,non point tant par les dégâts qu'il a provoqués et qui n'ontpas atteint les mêmes proportions, heureusement, que ceux<strong>de</strong> <strong>la</strong> Giron<strong>de</strong> et <strong>de</strong>s Lan<strong>de</strong>s, que par sa cause et les circonstancestroub<strong>la</strong>ntes dans lesquelles il s'est déc<strong>la</strong>ré et propagé.C'est le 18 août, à 13 heures 50, exactement, que l'incendiea éc<strong>la</strong>té. Le feu a pris à <strong>de</strong>s caisses entreposées sur ciment, aucamp d'aviation <strong>de</strong> Bussac, provoquant l'explosion d'environune tonne <strong>de</strong> bombes situées à proximité et, se propageant <strong>de</strong>proche en proche, a mis en émoi, comme vous le pensez bien,toute <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> cette contrée.Avant <strong>de</strong> rechercher quelles peuvent être les causes dusinistre, il importe <strong>de</strong> rappeler qu'existe, dans <strong>la</strong> partie Suddu département <strong>de</strong> <strong>la</strong> Charente-Maritime, à proximité du Nord<strong>de</strong> <strong>la</strong> Giron<strong>de</strong>, une superficie d'environ mille hectares <strong>de</strong> bois<strong>de</strong> pins dont les propriétaires vivent, dans <strong>la</strong> proportion <strong>de</strong>60 p. 100, du .produit <strong>de</strong> leur exploitation, dont les diversesutilisations sont les suivantes: piquets <strong>de</strong> vigne, poteaux <strong>de</strong>mines, poteaux <strong>de</strong> bouchots, pour <strong>la</strong> mytiliculture, bois <strong>de</strong>scierie et bois <strong>de</strong> chauffage.C'est dans ces <strong>la</strong>n<strong>de</strong>s <strong>de</strong> Bussac que l'état-major <strong>de</strong> l'armée<strong>de</strong> l'air a jugé bon d'entreposer, par centaines, voire par milliers,<strong>de</strong>s lots <strong>de</strong> bombes d'avions <strong>la</strong>issées en France parl'aviation américaine et éparpillées dans cette vaste région surune gran<strong>de</strong> étendue.Les explosions se sont succédé, trois jours durant, sur toute<strong>la</strong> surface du dépôt <strong>de</strong> munitions, couvrant <strong>la</strong> plus gran<strong>de</strong>partie <strong>de</strong>s territoires <strong>de</strong>s communes <strong>de</strong> Bé<strong>de</strong>nac, <strong>de</strong> Bussac,<strong>de</strong> Clérac, et même <strong>de</strong> Saint-Marins, dans <strong>la</strong> Giron<strong>de</strong>.Le correspondant <strong>de</strong> Jonzac — chef-lieu d'arrondissement —du journal Sud-Ouest écrivait ce qui suit quelques jours après,à propos <strong>de</strong> l'enquête ouverte sur les causes réelles du sinistre:« Toutes les activités <strong>de</strong>s différentes branches <strong>de</strong>s administrationscompétentes se sont évertuées sur p<strong>la</strong>ce, sinon enparfaite col<strong>la</strong>boration, tout au moins avec une ar<strong>de</strong>ur et undévouement qui leur font honneur. On sait que <strong>de</strong>s bruits aussidivers que fantaisistes ont circulé sur l'origine <strong>de</strong> ce'feu. Tout<strong>de</strong> suite, on a parlé <strong>de</strong> malveil<strong>la</strong>nce et <strong>de</strong> sabotage, du faitqu'un personnage assez étrange avait été aperçu le matinmême au camp et qu'on avait découvert, réparties un peupartout, <strong>de</strong>s cartouches assez bizarres et que l'on qualifiait.assez rapi<strong>de</strong>ment d'incendiaires.« Nous avons touché l'une <strong>de</strong>s personnalités ayant dirigéVenquête <strong>de</strong>puis <strong>la</strong> première heure. Elle nous a aisémentdémontré, par expérience, que sa thèse était bien <strong>la</strong> bonne.Les témoignages recueillis l'ont d'ailleurs amplement confirméeet nous croyons sjavoir que les autres enquêteurs s*y sontralliés par <strong>la</strong> suite », ce qui n'est pas tout à fait exact.« Il ne fait donc pas <strong>de</strong> doute que l'impru<strong>de</strong>nce est à <strong>la</strong>base <strong>de</strong> ce sinistre.« Nous ajouterons, contrairement à ce qui a été dit ou publié,qu'une faible partie, et fort heureusement, d'ailleurs, soit500 tonnes environ seulement sur les 12.000 tonnes entreposées,ont sauté.« D'autre part, le camp <strong>de</strong> Bussac par lui-même n'a pas ététouché; seules les vitres du baraquement <strong>de</strong> l'aéro-club ont euà souffrir <strong>de</strong>s déf<strong>la</strong>grations.« Enfin, il n'y a pas eu d'évacuation <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong>scommunes environnantes, sauf pour les familles <strong>de</strong>s militaireshabitant le camp. Mais <strong>la</strong> gendarmerie et les maires, principalementcelui <strong>de</strong> Bussac, avaient pris toutes les précautions utilesen cas d'extension. Il n'y a donc pas eu <strong>la</strong> moindre panique,tout juste une certaine crainte, bien compréhensible et tout àfait excusable.'« Et terminons, disait le journaliste, en disant que tous,militaires et civils, du plus humble au plus haut p<strong>la</strong>cé, ont faittout leur <strong>de</strong>voir. Il convient <strong>de</strong> les en remercier et <strong>de</strong> les enféliciter. »Ces notes, rédigées hâtivement après l'acci<strong>de</strong>nt, manquentévi<strong>de</strong>mment <strong>de</strong> précision. Mais n'est-ce pas déjà beaucoup que500 tonnes <strong>de</strong> munitions d'aviation aient explosé, sur12.000 tonnes entreposées, et que 900 hectares déchois aientbrûlé sur les mille <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt <strong>de</strong> Bé<strong>de</strong>nac-Bussac ?Le journaliste <strong>de</strong> Jonzac parle d'impru<strong>de</strong>nce du [personnel ducamp. On a même insinué dans <strong>la</strong> région que <strong>de</strong>s militairesimpru<strong>de</strong>nts avaient fumé en déménageant les caisses quelquesinstants auparavant et qu'il y avait eu aussi quelques erreurs<strong>de</strong> discipline.Mais <strong>de</strong> quelle nature a été cette impru<strong>de</strong>nce ou cette négligence? C'est <strong>la</strong> question que je pose à M. le secrétaire d'Etat àl'air. L'idée du sabotage n'est pas à exclure complètement. Eneffet, <strong>de</strong> certaines indications qui m'ont été fournies par <strong>de</strong>spersonnes bien p<strong>la</strong>cées, comme dirait mon collègue M. Guyon,il résulte:Premièrement, que <strong>la</strong> première explosion avait eu lieu dansun îlot <strong>de</strong> munitions p<strong>la</strong>cé sur une ¡p<strong>la</strong>te-forme cimentée absolumentnette, et sur <strong>la</strong>quelle, par conséquent, le feu ne pouvaitpas progresser.Deuxièmement, que les explosions s'étaient succédé pendantplus <strong>de</strong> quatre heures. Or, le désherbage autour <strong>de</strong>s îlots avaitété réalisé sur les instructions du colonel commandant le camp.Comme le feu ne pouvait être <strong>la</strong> cause <strong>de</strong> ces déf<strong>la</strong>grationssuccessives, il faudrait donc supposer une cause particulièreliée à chacune d'elles, ce qui, alors, entraînerait automatiquementl'hypothèse <strong>de</strong> l'action criminelle.Troisièmement, que dans les îlots <strong>de</strong> munitions situés au Su<strong>de</strong>t au Sud-Est du teirain, un seul, constitué <strong>de</strong> bombes américaines,n'a pas sauté, et ceci sans raison apparente.On a pu également incriminer l'impru<strong>de</strong>nce <strong>de</strong>s chauffeurs <strong>de</strong>locomotives <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne <strong>de</strong> Saint-Mariens à Corignac, par Bussac.Les mécaniciens ont conservé, malgré toutes les objurgations,<strong>la</strong> déplorable habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> vi<strong>de</strong>r le cendrier <strong>de</strong> leur machinependant <strong>la</strong> traversée <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>la</strong>n<strong>de</strong>, contrairement aux prescriptionsformelles du règlement, qui interdit cette pratique, pouréviter <strong>la</strong> dispersion <strong>de</strong>s escarbilles dans un terrain éminemmentinf<strong>la</strong>mmable.L'envol <strong>de</strong> quelques-unes d'entre elles lors d'une opération<strong>de</strong> ce genre expliquerait que le feu ait été mis quatre fois,en moins d'une minute d'intex°valle, aux caisses <strong>de</strong> munitionssituées à proximité <strong>de</strong> <strong>la</strong> voie ferrée Nantes-Bor<strong>de</strong>aux.Mais alors l'impru<strong>de</strong>nce ne serait pas seulement celle duchauffeur et du mécanicien vidant le cendrier <strong>de</strong> leur locomotivelà où c'est défendu, mais aussi celle du personnel dwcamp, qui a stocké <strong>de</strong>s munitions dans un endroit exposé à<strong>de</strong>s étincelles provenant <strong>de</strong>s locomotives.Les autorités responsables du camp <strong>de</strong> Bé<strong>de</strong>nac-Bussac n'ontellespas été impru<strong>de</strong>ntes, ou tout au moins négligentes, enn'augmentant pas, durant <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> sécheresse exceptionnellequi a sévi l'été <strong>de</strong>rnier, le nombre <strong>de</strong>s gardiens chargés<strong>de</strong> <strong>la</strong> surveil<strong>la</strong>nce <strong>de</strong>s stocks <strong>de</strong> munitions ?Est-il vrai qu'ils n'étaient que <strong>de</strong>ux qui <strong>de</strong>vaient se partager<strong>la</strong> distance à parcourir <strong>de</strong> 10 kilomètres ? Durant l'hiver, ceteffectif extrêmement réduit pouvait, à <strong>la</strong> rigueur, être toléré,,mais pendant une saison aussi chau<strong>de</strong> il était bien impru<strong>de</strong>nt<strong>de</strong> ne pas l'augmenter.J'indique à M. le secrétaire d'Etat à l'air que je suis allémoi-même sur p<strong>la</strong>ce, en voiture, pour me rendre compte <strong>de</strong><strong>la</strong> manière dont <strong>la</strong> surveil<strong>la</strong>nce était exercée. Je suis arrivé aucamp, dont l'entrée était barrée d'une ficelle sur <strong>la</strong>quelle flottaitun petit mouchoir. J'ai fait casser <strong>la</strong> ficelle par ma voiture etje suis entré dans le camp. Je suis allé <strong>de</strong>vant une pompe àessence. J'ai aperçu un brave militaire qui était juché surl'ancien château d'eau détruit par les Allemands. II ne m'a rien<strong>de</strong>mandé. Je me suis jpromené à travers le camp avec trois personnespendant trois quarts d'heure. Personne ne m'a <strong>de</strong>mandéce que je faisais, d'où je venais, où j'al<strong>la</strong>is;Cette surveil<strong>la</strong>nce est vraiment un peu légère !Il n'est, d'ailleurs, pas possible d'accuser <strong>la</strong> « fatalité » ou<strong>la</strong> « température ». Le feu n'a pas été mis spontanément auxcaisses d'explosifs: ces caisses étaient doublées <strong>de</strong> zinc. Desdépôts semb<strong>la</strong>bles <strong>de</strong> munitions existent en maints endroits,notamment dans <strong>de</strong>s pays plus chauds que les Lan<strong>de</strong>s <strong>de</strong>Bé<strong>de</strong>nac-Bussac, comme l'Afrique du Nord, et — M. Maroseïlile sait mieux que quiconque — jamais il ne s'est produit <strong>de</strong>catastrophe du même genre, malgré <strong>la</strong> chaleur <strong>de</strong> l'endroit.L'hypothèse <strong>de</strong>s escarbilles répandues inconsidérément parle chauffeur d'une locomotive enfreignant le règlement et mettantle feu aux poudres — c'est le cas <strong>de</strong> le dire — a-t-elleété vérifiée ?Sinon, un acte <strong>de</strong> sabotage, plusieurs même, concertés, nepourraient-ils pas être envisagés ? S'il est vrai qu'un suspectait ete arrêté, puis relâché, n'y en a-t-il pas eu d'autres qui,aisement camouflés, ont échappé aux recherches <strong>de</strong>s diversespolices mises en mouvement et dont <strong>la</strong> col<strong>la</strong>boration ne s'estpas revelee très cordiale, d'après les renseignements qui m'ontete donnes ? S'il y a eu sabotages, d'où viennent-ils et quelssont leurs auteurs ?L'insistance avec <strong>la</strong>quelle les chauffeurs et mécaniciens <strong>de</strong>locomotives ont continué à enfreindre le règlement en vidant

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!