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3“L’Afriquesubsahariennedevrait compter dixvilles de plus de troismillions d’habitantsen plus dans lescinq ans à venir.”tricité et combustibles). Néanmoins, dansles pays en phase précoce de développement– surtout sur les petits marchés fragmentéscomme en Afrique subsaharienne –, lesimportations de ciment peuvent avoisiner 30à 40 % de la consommation nationale.Leaders de l’offreet de la demande cimentièreLes échanges internationaux, qui représententenviron 5 à 6 % de la consommation mondialede ciment, ont clairement subi le contrecoupde la crise financière mondiale. Après ledéclin brutal de la consommation de cimentdans la plupart des pays développés – jusqu’àplus de 40 % aux États-Unis et en Espagne 1 ,par exemple –, le volume des échanges n’atteignaitplus que 110 à 115 Mt en 2009-2010,soit environ 3,7 % de la production mondiale.Les cinq plus grandes multinationalesse partagent approximativement50 % des échanges commerciauxmondiaux – une part demarché qui croit avec la concentrationdu secteur. Le reste deséchanges repose sur des négociantsindépendants, qui vendentgénéralement au-dessous des prixde marché, profitant des excédents ou despénuries périodiques et des faibles coûts detransport.En 2009, avec 18 Mt de ciment et de clinkerexportées, la Turquie a devancé la Chine ense plaçant au premier rang des exportationsmondiales. Cette année-là, la Chine a exporté16 Mt environ, suivie de la Thaïlande avec14 Mt, du Japon avec 11 Mt et du Pakistanavec 10 Mt. Concernant les importations,l’Irak venait en première position en 2009avec 8 Mt importées, suivi du Nigeria (7 Mt),des États-Unis (6 Mt), du Bangladesh (5 Mt),et de l’Angola avec 4 Mt (Cembureau, 2010).La consommation de ciment dépend de l’activitédu secteur de la construction, laquelle,sur les marchés émergents, se concentre surtoutsur le logement (plus de 60 à 70 %). Lademande de logements est elle-même alimentéepar une forte croissance démographiqueet par l’urbanisation. L’Afrique subsahariennepar exemple – qui se caractérise parune population jeune, une croissance démographiquede 2,5 % par an et un taux d’urbanisationde seulement 40 % – devrait compterdix villes de plus de trois millions d’habitantsen plus dans les cinq ans à venir. Dansles pays en développement ayant un faiblePIB par habitant (inférieur à 1 500 dollars)et une faible consommation de ciment parhabitant (moins de 100 kg), le taux de croissanceannuel composé 2 de la consommationest étroitement corrélé à la croissance du PIB,avec un ratio bêta supérieur à 1,5 : la consommationde ciment dans ces pays augmente deplus de 7 % en moyenne chaque année.Un secteur dominé par quelques majorsLa concentration du secteur cimentier s’estamorcée en Europe dans les années 1970pour s’étendre ensuite aux Amériques dansles années 1980. Elle n’a pas encore véritablementtouché l’Asie, la Russie et le Moyen-Orient (Figure 1). Alors que les six premierscimentiers contrôlaient environ 10 % de laproduction mondiale en 1990, leur part avoisine25 % aujourd’hui (et 45 % si l'on exclut laChine). Le gouvernement chinois encourage laconsolidation d’une industrie nationale très1Les États-Unis et l’Espagne étaient les premiers importateurs en 2006-2007,avec plus de 45 millions de tonnes importées à eux deux. En 2009-2010, leursimportations n’étaient plus que de 8 millions de tonnes environ.2Le taux de croissance annuel composé est un terme de gestion etd’investissement qui indique le gain annualisé lissé d’un investissement surune période donnée.figure 1 : PART DES MULTINATIONALES DU CIMENT DANS LA PRODUCTION RéGIONALE100 %80 %13 16277226Multinationalesdu cimentActeurs nationaux60 %40 %87 8473938978948120 %0 %Amériquedu NordEuropede l’Ouest11Australasie Amérique latine Asie Europe de l’Est Afrique Moyen-Orient19Nota bene : les multinationales du ciment sont définies ici comme étant les 12 premiers acteurs non asiatiques du secteur.Source : Cembureau, Jefferies International Ltd.Secteur Privé & Développement


5figure 2 : RENTABILITé DU CIMENT PAR RAPPORT à D’AUTRES MATéRIAUX DE CONSTRUCTIONBétonDistributioncimentProduitsbâtimentsGypseAgrégatsCiment0 5 10 15 20 25 30 35 0 5 10 15 20 25 30Fourchette historique de la marge d’EBITDA par activité (%) Fourchette historique du ratio EBITDA / Actifs d’exploitation nets (%)Source : Estimations J.P. MorganBétonAgrégatsDistributioncimentGypseProduitsbâtimentsCimentdurable est devenu une donnée incontournabledans les pays émergents, où les politiques et lesautorisations peuvent fluctuer, où les entreprisessont souvent exposées à de sévères critiquesde la part des militants préoccupés par lesaspects sociaux et environnementaux des projetsen site vierge ou des projets d’extension.Très gourmande en énergie, la production deciment représente 5 à 6 % des émissions dedioxyde de carbone d’origine anthropique. Surces émissions, à peu près 55 % sont directementliés au procédé de calcination du calcaire, 35 %aux combustibles utilisés dans les fours et 10 %à la consommation d’électricité. Actuellement,il n’existe pas d’alternative viable au ciment. Ilfaut noter tout de même que certains projets derecherche-développement prometteurs pourraientaboutir un jour à la commercialisationde matériaux de substitution, à faible teneur encarbone (par exemple Novacem, Calera). Toutesles IFD, quoi qu’il en soit, sont de plus en plusprudentes (et donc sélectives) ; elles sont trèsattentives à l’efficience énergétique et à la maîtrisede l’impact sur le changement climatiquedes nouveaux projets. À ce titre, elles analysentsystématiquement l’empreinte carbone des projets,privilégient les meilleurs pratiques et lestechniques les plus innovantes et étudient lesmesures d’atténuation proposées pour réduireles émissions de dioxyde de carbone.La SFI a élaboré un ensemble de critères pour lesprojets qu’elle finance, excluant les techniquesles moins efficaces (par ex. les fours verticauxet les fours longs en voie humide et en voiesèche). Elle encourage par ailleurs la limitationdes émissions de dioxyde de carbone à un maximumde 650 à 750 kg par tonne de ciment 5 .L’une de ces mesures consiste à augmenter l’utilisationdu ciment avec ajouts, à moindre teneuren clinker, pour qu’il représente de 65 à maximum85 % du total – les variations sont duesà la réglementation et aux particularités locales.Une autre série de mesures consiste à améliorerle processus de production afin de réduire laconsommation d’énergie. Il est en effet possiblede réduire la consommation de combustiblesdans le processus de production, avec un objectifde consommation de 2 900 à 3 300 joulespar tonne de clinker 6 , ou encore de limiter laconsommation d’électricité pour la productionde ciment (avec un objectif de 75 à maximum105 kWh par tonne de ciment produit). Enfin,la SFI encourage le recours aux combustiblesrenouvelables et aux combustibles de substitutionà chaque fois qu’il en existe localement(biomasse, pneumatiques, déchets municipaux,énergie solaire, éoliennes).Le fort impact du ciment sur le développement,l’augmentation de la demande dans les pays endéveloppement et les besoins de capitaux àlong terme en font un secteur d’interventionprivilégié pour les IFD. Celles-ci doivent cependanttenir compte des importantes émissionsde dioxyde de carbone associées à sa productionet intégrer dans leurs critères d’investissementles mesures nécessaires pour les limiter.5En 2008, le niveau moyen des émissions de dioxyde de carbone desentreprises communiquant leurs données à l’Initiative ciment pourle développement durable du World Business Council for SustainableDevelopment (WBCSD) était de 745 kg (comprenant les émissionsdues à la production d’électricité).6Objectif correspondant au projet de BREF (meilleures techniques disponibles– Best REFerences) élaboré en 2009 pour le secteur cimentier par le Bureaueuropéen IPPC (Integrated Pollution Prevention and Control).FIGURE 3 : PRIX DU CIMENT PAR PAYS EN 2009250200150100500Dollars par tonneChineIndeÉtats-UnisJaponTurquieIranCoréeSource : Cembureau, estimations SFIBrésilVietnamÉgypteRussieIndonésieArabie SaouditeThaïlandeMexiqueItalieAutres paysRéférences / Betts, M., 2011, Cement International Industry, Jefferies International Ltd., note de travail, février. // Codling, A., 2010, European Building Materials Briefing, J.P.Morgan Cazenove, mai. // Cembureau,2010, Activity Report 2009, juin. // European Integrated Pollution Prevention and Control Bureau (IPPC), 2009, draft Best Available Techniques (BAT) for the cement sector, février. // Exane BNP Paribas, 2010,Industry Outlook and Results, septembre. // Folliet, M., 2008, IFC’s role in the emerging markets. Emerging Market Report, février. // International Cement Review, 2009. Global Cement Report, février.Secteur Privé & Développement


6Le ciment, entreresponsabilitéécologiqueet impératifséconomiquesLe béton, une solution pourla construction durableLe béton fait sa révolution pour contribuer aux immenses mutations nécessaires au monde dela construction, fortement émetteur de CO 2 . En considérant les impacts environnementauxde façon globale, ce matériau peut répondre aux problématiques de construction durable.L’utilisation de combustibles alternatifs pour sa production ou le développement de produitsinnovants permet au béton de se révéler économe en énergie, à l’usage.Vincent Mages et Jacques SarrazinDirecteur Initiatives changement climatique, LafargeDirecteur de la Stratégie Groupe, LafargeVincent MagesDiplômé de l’ESCP (Écolesupérieure de commerce deParis) en 1982, Vincent Magesa exercé des responsabilitéscommerciales internationalesdans le secteur de l’éditionavant de rejoindre Lafarge en1988. Il y a occupé diversesfonctions de marketing, dedéveloppement de l’activitéet de stratégie dans le ciment,les agrégats et le plâtre, enFrance et au Japon. Avantde prendre la direction desInitiatives changementclimatique en octobre 2006,il a dirigé la communicationinterne du Groupe.Jacques SarrazinJacques Sarrazin dirigela stratégie de Lafargedepuis 2000. Il a intégréle groupe en 1990 pourconduire la stratégiecimentière, puis assurerles opérations de Lafargeplâtres sur l’Europeet le développementinternational des plâtreset matériaux de spécialité.Cet ingénieur des mineset docteur en gestionexerça auparavant desresponsabilités sein dePechiney et fut chargéde recherche à l’écolePolytechnique.États ou entreprises, nous avons tous unrôle à jouer face aux enjeux qui attendentla planète : 9 milliards d’êtres humains en2050, la raréfaction des énergies fossiles, maisaussi de l’eau, et les désordres climatiques. Aprèsl’eau, le béton est le produit le plus consommédans le monde. On en fabrique 10 milliards dem 3 chaque année, soit plus d’1,5 m 3 par personne.A l’image du ciment, son constituantprincipal, environ 80 % du béton est produitdans les pays en développement. Indispensableau progrès économique et humain, en particulierdans les pays en développement, plus quen’importe quel autre matériau, il réunit un trèsgrand nombre de qualités recherchées dans laconstruction. Sa résistance au feu, aux intempéries,aux chocs, à l’humidité… est un gage degrande durabilité, allant jusqu’à garantir desouvrages sur plus de 100 ans. De par sa fortedensité, sa grande inertie thermique lui permetde stocker les flux thermiques et de les restituerplus tard. Ce matériau s’adapte à toutesles formes architecturales et s’utilise aussi bienpour les fondations, les logements, les routes,les ponts, les tunnels, les réseaux de traitementet de distribution d’eau. Enfin, le bétonpeut-être produit localement, ce qui permet deréduire les transports et de créer des emploislocaux. Mais fortement émetteur de CO 2 , lebéton fait sa révolution, en réduisant sa propreconsommation d’énergie, mais aussi celle desbâtiments en améliorant ses propriétés.Mesurer l’impact environnemental toutau long de la vie des produitsCes qualités n’empêchent évidemment pas lebéton d’avoir un impact sur l’environnement.Au cours des différentes étapes de la fabricationde certains de ses constituants, unegrande quantité de CO 2 est émise. À la fin duprocessus de fabrication, l’empreinte carbonedu béton est d’environ 80 kg de CO 2 par tonne.La majeure partie provient du ciment, la “collehydraulique” faite de sables et de graviers quile composent par ailleurs.Il est important de souligner ici les limites descomparaisons des empreintes carbone des différentsmatériaux de construction. Ainsi cellede l’acier – 2 tonnes de CO 2 par tonne produite– ne peut se comparer, dans son usage, à celledu béton. De même, le bois n’est plus neutreen CO 2 si l’on inclut le poids carbone de satransformation, des traitements chimiques etde son transport. Des travaux sont menés surune définition plus large et plus comparablede la notion d’empreinte environnementaleglobale. Cette définition permettra d’apprécierl’empreinte carbone mais aussi les autresimpacts environnementaux, tout au long dela vie des produits : la contribution aux économiesd’énergie du bâtiment, les impacts durecyclage et de la mise en décharge éventuellede chaque produit, en fin de vie. C’est unetâche fondamentale pour identifier les matériauxles plus performants tout au long de leurwww.proparco.fr


9Critères exigeants pourprojets cimentiers durablesImportante dans le développement d’un pays, la production cimentière est aussi énergivoreet polluante. La BEI a mis en place des critères de sélection qui favorisent la responsabilitéenvironnementale et sociale des projets. Situées en Europe ou ailleurs dans le monde, lesopérations soutenues répondent aux mêmes exigences. Il s’agit en particulier d’encouragerles meilleures techniques disponibles, l’efficacité énergétique et la réduction des émissionsde dioxyde de carbone.Philippe GuinetPhilippe Guinet et Jacques van der MeerBanque européenne d’investissement 1Philippe Guinet a rejointla Banque européenned’investissement en 1993, oùil est actuellement conseillertechnique pour les industrieslourdes au sein de la Directiondes projets. De 1974 à1993, il a exercé diversesfonctions opérationnelleset managériales dans lesecteur privé, en Europe etailleurs. Il est titulaire d’undiplôme d’ingénieur de l’Écolenationale supérieure destélécommunications et d’undiplôme de managementdu MIT (États-Unis).Jacques van der MeerJacques van der Meer estconseiller économique adjointà la Direction des projetsde la Banque européenned’investissement. Il est chargéde l’évaluation des projets derecherche et développement.Avant de rejoindre, en1991, la BEI, il a enseigné lemanagement stratégiqueà la Rotterdam School ofManagement de l’universitéErasmus et à l’École supérieurede commerce de Lyon.Il est titulaire d’un doctoratde l’université de technologiede Twente (Pays-Bas).L’Europe n’est la seule zone où laBanque européenne d’investissement(BEI) intervient. Dans le cadre des politiqueseuropéennes de développement et decoopération, elle est présente en Amériquelatine et en Asie (mandat ALA), dans les paysde l’Est (politique de voisinage) ainsi que danscertains pays du Moyen-Orient et d’Afrique duNord (au titre du Partenariat euro-méditerranéen).Conformément à l’accord de Cotonou,sa mission s’étend aussi aux pays d’Afriquesubsaharienne, des Caraïbes et du Pacifique(accords ACP-CE). Le soutien au développementéconomique durable étant l’objectif premierde la BEI, les projets cimentiers européensauxquels elle apporte son concours doiventatteindre des objectifs de respect de l’environnementet d’efficacité énergétique. Le financementdes investissements directs étrangers(IDE) tient une place prépondérante dans lesinterventions de la Banque ; en effet, les transfertsde capitaux et de savoir-faire jouent unrôle moteur dans la modernisation de l’économie,les exportations et les gains de productivité.La BEI finance aussi des projets publics,en général d’infrastructure, indispensablespour le développement du secteur privé et l’instaurationd’un environnement économiquecompétitif.Pourquoi soutenir des projets cimentiers ?Avec le développement économique d’un pays,les activités productives manuelles sont progressivementremplacées par des activitésindustrielles de base répondant aux besoinsde l’infrastructure en expansion. La productioncimentière locale joue donc un rôleimportant dans le développement de l’infrastructurerégionale, elle-même indispensablepour réduire la pauvreté, promouvoir l’équitésociale et accroître la compétitivité industrielled’une nation ou d’une région.Comme le montre la Figure 1, la demande esten forte augmentation dans les pays en développementtandis qu’elle se stabilise dans leséconomies développées. En effet, lorsque lespays atteignent un niveau élevé de développement,la production (et donc les dépensesd’équipement) se tourne vers des produits àplus forte valeur ajoutée (machines-outils,matériel de transport) et l’économie s’orientedavantage vers les services.Entre 2000 et 2010, la BEI a soutenu 14 projetsdu secteur cimentier en consentant770 millions d’euros de prêts (Tableau 1). Environ27 % (210 millions d’euros) ont été allouésà trois projets situés dans l’Union européenne ;les 73 % restant (560 millions d’euros) ontappuyé 11 projets dans le cadre de l’accord deCotonou. Les concours apportés sur le territoireeuropéen sont généralement orientésvers l’efficacité énergétique et la protection1Les opinions exprimées dans cet article sont celles des auteurs et ne reflètentpas nécessairement celles de la BEI.Secteur Privé & Développement


10Critères exigeants pour projets cimentiers durablesLe ciment, entreresponsabilitéécologiqueet impératifséconomiquesde l’environnement, tandis que lesprêts consentis en vertu des mandats extérieurssont destinés à financer des opérationsde construction. Il s’agit de faciliterles IDE et de soutenir le remplacement desimportations par des productions locales.Les projets industriels européens peuventprétendre à un financement de la BEI s’ilsréduisent la consommation d’énergie d’aumoins 20 % ou s’ils diminuent sensiblementla pollution industrielle (air, bruit, eauet substances chimiques dangereuses). Lesinvestissements en recherche et développementainsi que les unités de productionpilotes peuvent eux aussi obtenir un financements’ils impliquent de nouveaux matériaux,de très nettes réductions de la pollutionenvironnementale ou une baisse de laconsommation d’énergie. Une fois les critèresgénéraux de financement satisfaits,la BEI vérifie les fondements techniques etéconomiques du projet, ainsi que les caractéristiquesdu contexte et du secteur. Horsde l’Union européenne, l’analyse déterminele plus précisément possible les incidencesdu projet sur l’environnement et sur le développementéconomique et social.Les critères environnementauxSelon une étude de l’Agence internationalede l’énergie (AIE, 2007), les cimentierspourraient réduire leur consommationd’énergie primaire de 18 à 25 %(environ 750 millions de tonnes équivalentpétrole (Mtep) par an) et leurs émissionsde dioxyde de carbone de 19 à 32 %(2 650 Mt de CO 2 /an en moyenne) s’ilsadoptaient les meilleures technologies disponibles.La BEI accorde une attentionparticulière aux meilleures techniques disponibles2 dans le choix des procédés et deséquipements. Elle encourage aussi l’utilisationde combustibles de substitution (comme lesdéchets : huiles usées, pneumatiques, farinesanimales, coke de pétrole, biomasse, paillede riz, etc.), tout en cherchant à favoriser laréduction du dioxyde de carbone émit et del’électricité consommée par la cimenterie.L’emploi de matériaux cimentaires de substitutionau clinker fait l’objet d’une attentionparticulière. Ainsi, la BEI a financé des projetsutilisant des scories d’aciérie (jusqu’à 50 %dans la cimenterie Cementir à Tarante en Italie)et de la pouzzolane 3 , comme en Syrie.Pour mesurer l’empreinte carbone des projetsfinancés, la BEI a élaboré une méthodologiebasée sur les normes internationales de comptabilisationdes gaz à effet de serre, qui calculeles émissions de référence et les émissions duprojet en valeur absolue.2La meilleure technique disponible (MTD) est la méthode de pointe utilisée enproduction industrielle qui limite les émissions de polluants.3La pouzzolane est une roche siliceuse d’origine volcanique, formée de scoriesrestées à l’état meuble et qui, mélangée à la chaux, entre dans la compositionde certains ciments.Tableau 1 : PrÊts consentis par la bei au secteur cimentier (2000-2010)Année Pays Nom du projet Coût (en millions d'euros)2000 Bangladesh Lafarge Suma Cement Plant Construction d’une cimenterie près de Chhatak 2472002Critères économiques et sociauxDans le cadre de ses mandats extérieurs,la BEI encourage les projets de développementportés par le secteur privé qui sontfavorables à la croissance et qui ont unimpact économique et social positif sur lapopulation et le territoire concernés.La BEI examine donc de près les performanceséconomiques réelles des investissements. Deprime abord, il peut sembler par exemple pluséconomique d’investir dans la réduction desémissions des centrales électriques ; mais enréalité, miser sur des bâtiments économes enénergie est plus intéressant, si l’on considèreleur durée de vie. En soutenant ces investis-Bosnie-HerzégovineLukavac Cement FactoryModernisation et nouvelle ligne de production à Lukavac, aunord de Sarajevo2002 Algérie Algerian Cement Company Construction d’une cimenterie près de M’sila 2842002 Tunisie Cimenterie CATModernisation et expansion de capacité d’une cimenterie prèsde Tunis432003 Portugal CIMPOR Cimentos Modernizaçao Modernisation de trois cimenteries au Portugal 1202004 Algérie Algerian Cement Company Expansion de capacité d’une cimenterie près de M’sila 1572005 Nigeria Dangote Cement Construction d’une cimenterie 6052006 Pakistan DG Khan cement Construction d’une cimenterie près de Chakwal 2082008 Éthiopie Derba Midroc Cement Construction d’une cimenterie à 70 km d’Addis Abeba 2512009 Turquie CIMPOR Yibitas Ankara Construction d’une ligne de clinker près d’Ankara 1272009 Namibie Ohorongo Cement Construction d’une petite cimenterie près d’Addis Abeba 2422009 Syrie Syrian Cement Company Construction d’une cimenterie près d’Alep 1272009 Espagne Cementos Molins Modernisation d’une cimenterie près de Sant Vincenç 5062010 Italie Cementir Taranto Modernisation d’une cimenterie près de Tarante 208Source : BEI, 201175www.proparco.fr


1100008001950-2008 TCAM : 7001950-2008 TCAM : 1950-2008 TCAM :1950-2008 TCAM :PIB : 3,4 %PIB : 3,4 %5 000PIB : 4,5 % 5 000PIB : 4,5 %Consommation de 600 ciment : 2,4 % Consommation de ciment : 2,4 %Consommation de ciment : 7,0 % Consommation de ciment : 7,0 %UE 15, États-Unis et 500 JaponFigure 1 : Relation entre la croissance du PIB et la consommation de cimentUE 15, États-Unis et Japon6 0004 000Reste du monde6 0004 000Reste du monde04003 0003 0000000300200100505356596265687174778083868992959801040701980 = 1005053565962656871747780838689929598010407Nota bene : TCAM signifie Taux de croissance annuel moyenSource : Italcimenti1980 = 100sements plus coûteux, les institutions financièresmultilatérales, telles la BEI, peuventjouer un rôle de catalyseur.Pour la construction et l’équipement d’unecimenterie, la BEI a établi des critères de coûtd’investissement, de délais de mise en œuvreet de fiabilité de fonctionnement qui garantissentl’efficacité de la conception, des approvisionnementset de la gestion du projet. Cescritères ont pu l’amener à financer des projetsfaisant appel à une technologie chinoise. Cechoix peut paraître contestable à double titre :d’une part, il ne promeut pas la technologieeuropéenne et, d’autre part, certains matérielschinois intègrent des technologies occidentalescopiées. Cependant, ces choix ont été,dans certains cas, favorables aux projets. Sansnuire à la qualité, la livraison d’équipementspeu coûteux a permis par exemple d’améliorerla rentabilité d’un projet difficile en Éthiopie.La demande de ciment, principal matériau deconstruction, est étroitement liée au développementéconomique et social des pays. Lesinvestissements dans la production cimentièrelocale stimulent la concurrence et sontsouvent à l’origine de surplus, ce qui fait baisserles prix locaux et améliore la qualité desproduits. Dans les pays en développement, oùles capacités locales sont insuffisantes, de telsinvestissements peuvent conduire à libérer lademande, jusqu’alors “refoulée”. Par exemple,des projets financés au Bangladesh, au Nigeriaet en Éthiopie ont entraîné une forte baisse desprix du ciment (jusqu’à 30 %) et l’augmentationimmédiate de la demande (jusqu’à 10 %). C’estpourquoi, outre les fondements financiers, cesexternalités directes sont intégrées dans la rentabilitééconomique des projets.Parallèlement, l’impact environnemental des2 0001 00002 0001 0005053565962656871747780838689929598010407projets est pris en compte dans leur évaluationéconomique, le taux de rentabilité étantcalculé à partir d’un prix théorique des émissionsde gaz à effet de serre. Les prix théoriquesdu carbone actuellement appliqués parla BEI reposent sur un prix économique proposéen 2006 par le Stockholm EnvironmentInstitute à la BEI. Les valeurs recommandéespartent de 25 euros/tCO 2 en 2010 et augmententde 1 euros chaque année pour atteindre45 euros/tCO 2 en 2030. Les prix théoriques desautres gaz à effet de serre sont basés sur leurfacteur potentiel de réchauffement climatique(où CO 2 = 1), proposé par le Groupe d’expertsintergouvernemental sur l’évolution du climat.Les impacts sociaux d’un projet sont en outresystématiquement pris en compte : la réinstallationet l’indemnisation des précédentsoccupants du site, l’hygiène et la sécurité autravail et les échanges avec les populationslocales font l’objet d’un suivi attentif.Les projets de cimenteries en site vierge surle territoire européen imposent une étuded’impact social et environnemental. La BEIapplique ce niveau d’exigence à toutes ses opérationsdans le monde et sur tous les aspectsde l’unité de production. Cette exigence vise àsélectionner les meilleures techniques dans laconception des projets.La BEI continue de soutenir l’industrie duciment, même s’il s’agit d’un secteur énergivorequi produit beaucoup de dioxyde de carbone.Elle estime en effet que le rôle de ce secteurindustriel est essentiel dans le développementéconomique d’un pays. Cependant, ses engagementsfinanciers sont de plus en plus conditionnés- et même parfois remis en cause - parl’obligation de calculer l’empreinte environnementale,économique et sociale des projets.050535659626568717477808386899295980104Références / AIE, 2007. Tracking Industrial Energy Efficiency and CO2 Emissions, rapport.Secteur Privé & Développement


13pour obtenir 1 tonne de clinker à 65 % de CaO,et cette calcination libérera 0,51 tonne de CO 2 .L’opération de calcination requiert par ailleursune énergie considérable. La plupart des calcairesn’étant pas de la calcite pure, le ratio demasse du calcaire au clinker sera en fait plusproche de 1,5 que de 1,16 ; en ajoutant d’autresmatériaux (comme l’argile ou le sable de silice),il faut environ 1,7 tonne de matière premièrebrute pour produire 1 tonne de clinker. La calcinationdes matières premières est réalisée de750°C à 1 000°C. La chaleur est produite parla combustion de combustibles fossiles, principalementdu charbon et du coke de pétrole,qui libère elle aussi du CO 2 . Une fois la calcinationterminée, la formation de C 3S, de C 2S, deC 3A, et de C 4AF ne requiert qu’unfaible apport de chaleur supplémentaire,même si les réactionsinterviennent à des températuresplus élevées (1 000-1 450°C).Toutes opérations confondues,il faut environ 3,9 milliards dejoules (GJ) de chaleur pour produireune tonne de clinker dansun four en voie sèche, où les matières premièressont apportées à l’état sec. Cependant,des cimenteries plus anciennes utilisent desfours en voie humide, auxquels le mélange dematières premières est apporté sous forme deboue contenant environ 35 % à 40 % d’eau.Pour ces types de fours, l’évaporation de l’eauavant le préchauffage requiert un supplémentde 1,6 GJ à 1,8 GJ par tonne de clinker.“Les pays endéveloppementsont généralementéquipés decimenteries plusmodernes que denombreux paysdéveloppés.”R e p è r e sDifférents types de four pour des performancesvariablesCes besoins en chaleur sont théoriques. Ilssont en réalité plus élevés du fait des déperditionsde chaleur dues à l’équipement. Il estnéanmoins possible d’économiser la chaleur,particulièrement en ce qui concerne l’airnécessaire à la combustion et au refroidissementdu clinker. En effet, le clinker qui sortdu four à très haute température doit êtrerefroidi dans un dispositif spécial à une températurede 100°C à 200°C avant d’être réduiten ciment. Cet air très chaud peut être réacheminévers le brûleur du four ou servir à préchaufferles matières premières – ce qui économiseles combustibles. La plupart des fours deconstruction récente sont des fours modernesCréée en 1879, l’U.S. Geological Survey (USGS) est la plus importanteagence scientifique du département américain de l’Intérieur. Elle réalisedes études géologiques et environnementales sur le sol américain (maisaussi à l’étranger), concernant en particulier les ressources minières,les risques géologiques et les ressources hydriques. Elle mène parailleurs une importante activité cartographique et topographique.à préchauffage-précalcination. La majoritédes installations récentes ont été construitesdans des pays en développement, si bien queces pays sont généralement équipés de cimenteriesplus modernes que de nombreux paysdéveloppés. Cependant, en raison des modernisationsen cours, la technologie installée desfours n’est pas la même partout.L’abandon des fours en voie humide au profitde fours en voie sèche et la modernisationou le remplacement des vieux fours envoie sèche par des technologies identiquesmais plus modernes améliorent le rendementénergétique. Les données américainesen témoignent : en 2007, les fours en voiehumide nécessitaient en moyenne 6,5 GJpar tonne de clinker ; les fours longs en voiesèche 5,3 GJ par tonne, tandis que les foursà préchauffage et les fours à préchauffageprécalcinationconsommaient respectivement4,1 GJ par tonne et 3,6 GJ par tonneenviron. Dans les fours préchauffés, le préchauffagen’est pas effectué dans le cylindredu four, mais dans un dispositif séparé, plusefficace. Le chauffage est alors réalisé à partirde l’air chaud résiduaire. Les fours à préchauffageet précalcination utilisent en outreun dispositif de calcination à alimentationséparée, qui est beaucoup plus efficient qu’uncylindre de four ; ce dernier est alors utiliséuniquement pour la dernière étape de la formationdu clinker. En outre, les économiesd’échelle sont réelles, les grandes cimenteriesétant généralement plus économes en combustible.Enfin, il est possible dans la plupartdes cimenteries de réaliser de petits gains derendement énergétique en procédant à desaméliorations ou à des réglages fins des systèmesen place – surtout en ce qui concernel’électricité. Au final, les résultats cumuléspeuvent être importants.Réduction ou substitution de combustibleLes émissions de dioxyde de carbone résultantde l’utilisation des combustibles avoisinentgénéralement de 0,40 à 0,45 tonnede CO 2 pour une tonne de clinker. En ajoutantles émissions produites par la calcination,le total atteint de 0,91 à 0,96 tonne deCO 2 . Mais il est possible d’utiliser des combustiblesà faible teneur en carbone ou dessources non carbonées d’oxyde de calcium.Ainsi, certains ciments hydrauliques ont uneteneur en clinker inférieure à celle du cimentPortland. Néanmoins, aux rythmes actuels,l’industrie mondiale du ciment émet environde 2,2 Gt à 2,6 Gt de CO 2 par an.Afin d’économiser le combustible, les cimentiersont entrepris il y a déjà longtemps d’abaisserleur consommation unitaire d’énergieSecteur Privé & Développement


14Réduire l’empreinte carbone du cimentLe ciment, entreresponsabilitéécologiqueet impératifséconomiques(par tonne de produit) en installant destechnologies modernes. Les modernisations encours s’inscrivent dans leur stratégie de réductiondes émissions de CO 2 (U.S. EnvironmentalProtection Agency, 2010). Les cimenteriespeuvent également utiliser une grande variétéde combustibles de substitution, y compris desdéchets industriels (dont certains sont dangereux).Beaucoup de ces déchets ont une teneuren carbone inférieure à celle des combustiblestraditionnels. Les protocoles de comptabilisationdes émissions carbone autorisent desdéductions au titre de l’utilisation de combustiblesde substitution et de biocombustibles (parexemple, le caoutchouc naturel contenu dans lespneus usagés). Les modélisations du changementclimatique considèrent généralement queles biocombustibles sont neutres en émissionsde carbone. Les contraintes inhérentes à ce typede combustibles résident dans l’obtention depermis environnementaux (surtout pour lesdéchets dangereux) ; les quantités (qui doiventêtre suffisantes), le coût d’approvisionnement,de stockage et de mélange. Enfin, leur pouvoircalorifique et leur teneur en humidité sont plusvariables que les combustibles traditionnels.Vers un ciment plus écologiqueD’autres pratiques peuvent participer égalementà la réduction des émissions. Outre lesmatériaux traditionnels comme le calcaire,les cimenteries peuvent utiliser de nombreusesmatières premières de substitution.Les plus fréquentes sont des “déchets” industrielstels que les cendres de charbon issuesde centrales électriques, le laitier de fer oud’acier et les résidus industriels. Les scories etles cendres de charbon sont particulièrementintéressantes car elles ont souvent une compositionsimilaire à celle du clinker. Néanmoins,le principal intérêt de ces matièrespremières de substitution (surtout du laitierde fer), c’est qu’elles peuvent être d’importantessources non carbonées de CaO, ce quidiminue la consommation de calcaire et lesémissions correspondantes de CO 2 . La combustionde ces matières premières requiertune température plus basse, ce qui réduit laconsommation de combustibles et les émissionsde dioxyde de carbone.Les contraintes pesant sur l’utilisation desmatières premières de substitution ont trait àla disponibilité et aux coûts (surtout de transport),à la nécessité d’obtenir des permis environnementauxet à leur composition en oxydes.En tenant compte de ces limites, ces matièrespremières ont permis à l’ensemble de l’industriecimentière américaine de réduire les quantitésde CO 2 produites par la calcination, à hauteurd’environ 0,7 à 1,3 million de tonne par an(soit de 2,4 % à 3 %). Ce pourcentage se situedans une fourchette de 2 % à 10 % dans lescimenteries faisant appel à des matières premièresde substitution. Il est plus difficiled’évaluer les réductions d’émissions liées auxcombustibles, mais à technologie de four comparable,la consommation d’énergie des cimenteriesqui utilisent des matières premières desubstitution est généralement inférieure de3 % à 30 % aux moyennes enregistrées dansl’industrie cimentière américaine.Il est possible de réduire la teneur en clinker duciment en incorporant des ajouts cimentairescomme les cendres volantes, le laitier de hautfourneaugranulé broyé, les fumées de silice, lemétakaolin et les cendres volcaniques pouzzolaniques,pour fabriquer des ciments composés.Ces matériaux trouvent de nombreuses applicationsidentiques à celles du ciment Portlanddans la fabrication du béton. Ces ajouts cimentairesréduisent l’empreinte carbone de l’industriecimentière, mais la plupart proviennentd’industries qui émettent elles aussi du CO 2 .Les ajouts cimentaires développent leurs propriétéspar réaction avec le CaO libéré au coursde l’hydratation du ciment Portland. Les producteursde béton peuvent aussi incorporerdirectement des ajouts cimentaires au mélangede béton pour réduire la teneur en ciment Portland(et donc en clinker). Dans un cas commedans l’autre, l’utilisation d’ajouts cimentairesaméliore généralement la qualité du béton. Lateneur type en ajouts cimentaires des cimentscomposés et les taux de substitution au cimentPortland dans le béton vont de 5 % à 50 % –mais ils peuvent être supérieurs dans certainesapplications. Les contraintes d’utilisation desajouts cimentaires portent principalement surleur disponibilité et sur la réglementation.La teneur du ciment en clinker peut êtreencore réduite, lorsque c’est autorisé, enincorporant des agents d’allongement oude gonflement relativement inertes, commepar exemple le calcaire broyé, non calciné.La quantité incorporée peutaller jusqu’à 20 %, mais elleest généralement inférieure à10 %. Entre les agents d’allongementinertes et les ajoutscimentaires, la teneur en clinkerdu ciment hydrauliqueest de l’ordre de 75 % à 80 % en moyenne,contre 95 % environ pour les ciments Portlandclassiques. Il faut noter aussi que si l’incorporationd’ajouts cimentaires ou d’autresagents d’allongement au ciment ou au bétonne réduit pas les émissions de CO 2 de l’industrie,elle réduit les émissions unitaireset permet ainsi de fabriquer davantage dematériau avec la même quantité de clinker.“Les cimenteriespeuvent utiliserune grande variétéde combustiblesde substitution.”www.proparco.fr


15Le piégeage du carbone, au stadeexpérimentalParce que ce sont d’importants émetteurs stationnairesde CO 2 , les cimenteries sont considéréescomme de bons candidats à la technologiede piégeage du carbone, surtout lorsquela teneur en dioxyde de carbone de la vapeurd’échappement peut être concentrée en remplaçantl’air par de l’oxygène pour la combustion.Un flux de CO 2 concentré diminue levolume de gaz à traiter et peut réduire la taillede l’unité de piégeage nécessaire, ainsi que laconsommation de réactifs absorbants. Lesméthodes de piégeage envisagées comprennentla production d’un flux gazeux ou liquidede CO 2 (qui peut être alors utilisé ailleurs ouinjecté en sous-sol à titre permanent), l’absorptionpar un réactif (qu’il faut ensuite éliminer),et la formation d’un produit commercialisablecomme le bicarbonate de soude.Dans l’ensemble, les technologies de piégeagedu carbone pour les cimenteries sont expérimentaleset coûteuses. Pour certainssystèmes envisagés, ellesnécessitent des installationsde taille comparable à celles dela cimenterie elle-même. Trèspeu d’installations utilisent cestechnologies et de nombreusescimenteries anciennes ou depetite taille n’ont sans doute pas les moyens dele faire. D’autre part, sauf exception, les unitésde production sont situées à proximité de carrièresde calcaire ; ces emplacements ne se prêtentpas nécessairement à la mise en place deconduites de transport du CO 2 .Les cimenteries pourraient peut-être consommerle carbonate de calcium formé par certainesnouvelles technologies de piégeage de CO 2 oupar ce qu’on appelle le cycle calcium, envisagépour les centrales thermiques. L’utilisation dece carbonate de calcium renverrait bien sûr leCO 2 dans l’atmosphère, mais elle réduirait aumoins la nécessité pour la cimenterie de brûlerson propre calcaire.“Les nouveauxciments coûtentplusieurs centainesde dollars de plusà la tonne que leciment Portland.”Nouveaux ciments à moyen et long termeBien qu’ils soient fabriqués aujourd’hui entrès petites quantités, les nouveaux cimentsdéveloppés ces dernières années pourraientconvenir à certaines applications. C’est le casnotamment des ciments géopolymères et deplusieurs liants à base d’oxyde de magnésium(MgO). Les avantages de ces ciments résidentdans une fabrication moins gourmande enénergie et donc moins émettrice de CO 2 . Lesliants à base de MgO ont l’avantage d’absorberle CO 2 présent dans l’air et peuvent doncprésenter un bilan carbone neutre, voirenégatif. Les liants à base de MgO acquièrentleur résistance par “carbonatation”.Mise à part les problèmes d’acceptation denouveaux ciments dans les réglementationslocales concernant la construction, l’utilisationgénéralisée de liants (CaO ou MgO) quiacquièrent leur résistance par carbonatationse heurte à certaines contraintes. La carbonatationexige une exposition prolongée àl’atmosphère et, bien qu’elle convienne à certainesapplications de surface (telles que lesstucs, les dalles minces et les blocs de petitetaille), elle risque d’être trop lente en casd’utilisation de gros volumes de béton. Laperméabilité au CO 2 pourrait en effet êtreproblématique. En outre, la faible disponibilitéde matières premières de pureté suffisantepour la fabrication du liant MgO pourraitlimiter une utilisation de masse.Même lorsque ces nouveaux ciments aurontune résistance, une durabilité et une applicabilitéappropriées, il faudra en fabriquerchaque année des milliards de tonnespour réduire sensiblement les émissions dedioxyde de carbone. Ils devront concurrencerune production bien installée de milliersd’unités de production de ciment Portlanddans le monde – ce qui représentent des milliardsde dollars d’investissements. D’autrepart, ces nouveaux ciments coûtent plusieurscentaines de dollars de plus à la tonne que leciment Portland. Le coût de ce dernier augmentenéanmoins, surtout sous l’effet durenchérissement des combustibles et cettetendance semble appelée à se poursuivre àlong terme. Si certains des nouveaux cimentspouvaient être fabriqués en grandes quantités,des économies d’échelle pourraient êtreréalisées et dans les trente à cinquante prochainesannées, certains d’entre eux pourraientêtre compétitifs face au ciment Portland.Entretemps, on peut penser que denombreuses cimenteries fabriquant duciment Portland auront épuisé leurs réserveslocales de calcaire, que leurs équipementsdevront être remplacés et que les coûts initiauxseront entièrement amortis. Le mondepourrait alors entrer dans l’ère “post-Portland”.Références / U.S. Environmental Protection Agency, 2010. Available and emerging technologies for reducing GHG emissions from the Portland cement industry, rapport, octobre. // U.S.Environmental Protection Agency, 2011. Inventory of U.S. greenhouse gas emissions and sinks-1990-2009, rapport, 15 avril. // van Oss, H.G., 2011. Chapitre sur le ciment dans l’U.S. Geological SurveyMinerals Yearbook. // van Oss, H.G. et Padovani A.C., 2002, Cement and the environment-Part 1, Chemistry and technology, Journal of Industrial Ecology, volume 6, n°1, 89-105, janvier. // van Oss, H.G., etPadovani A.C., 2003, Cement and the environment-Part 2, Environmental challenges and opportunities, Journal of Industrial Ecology, volume 7, n°1, 93-126, janvier.Secteur Privé & Développement


16Le ciment, entreresponsabilitéécologiqueet impératifséconomiquesTirée par la construction résidentielle, la consommation de ciment a fortement crû ces vingtdernières années dans les pays émergents. Cette dynamique, qui se traduit par une consommationpar habitant en augmentation, devrait perdurer au cours des deux prochaines décennies.S'il accompagne le développement économique, le ciment contribue de façon significative auxémissions de CO 2 à travers son mode de production. Les efforts menés depuis les années 1990devraient néanmoins permettre de réduire les émissions de CO 2 par tonne de ciment produite.Émissions globales de CO 2liées à la consommationd’énergies fossiles pour la production de ciment (en Mt)18452 49198720071215Amérique du Nord148Amérique Latine36BrésilEurope229235Moyen-OrientInde6 16 Afrique2510 9ChineJapon3413Asie1 1OcéanieTOTAL : 143 millions de tonnes de CO 2 en 1987375 millions de tonnes de CO 2 en 2007Source : <strong>Proparco</strong> - Secteur Privé & Développement, 2011Consommation estimée de cimentdans le monde (en Mt)6 0005 0004 0003 0002 0001 0000-1 000Nota bene : TCAM est le Taux de croissance annuel moyenSource : <strong>Proparco</strong> – Secteur Privé & Développement, 2011www.proparco.frPays émergentsPays développés2 2174 916TOTAL+4,1 %+4,8 %-0,5 %2005 2025 TCAMÉvolution de la production de cimentet des émissions de CO 2En % par rapport à 1990605040302010Production de cimentÉmissions nettes de CO 2231702000 2005 2006Nota bene : Ce graphique montre la décorrélation partielle entre la production de cimentet les émissions nettes de . CO2Source : World Business Council for Sustainable Development, 200944345335


17Émissions mondiales de CO 2 par secteur en2009 (Mt CO 2 )Émissions de CO 2 de l'industrie cimentièreen 200510 %16 % 16 %10 %16 %32 % 32 %19 % 19 %7 %16 %7 %Transport TransportCiment CimentÉlectricité et Électricité chauffageet chauffageIndustrie IndustrieAutres secteurs Autres secteursChangement Changement d’utilisation des d’utilisation terres des terres55 % 55 %35 % 35 %10 %10 %Énergies fossiles Énergies fossilesCalcination CalcinationÉlectricité et Électricité Transport et TransportTOTAL : 34 TOTAL Gt CO : 34 2 Gt CO 2Nota bene : “Autres secteurs” comprend Autre consommation de carburants (9,76 %),Émissions de polluants atmosphériques (0,57 %) et Processus industriels (0,15 %)Source : <strong>Proparco</strong> - Secteur Privé & Développement, 2011, World Resources InstituteConsommation de cimentpar habitant en 2009 (en Kg)1 600Source : SFI, WBCSD / csiRépartition de la consommationde ciment par type d'activité100 %1 4001 20080 %1 00060 %8006004002000Arabie SaouditeProduction mondiale de ciment par région100 %90 %80 %70 %60 %50 %40 %30 %20 %ChineCorée du SudIranItalieÉgypteTurquieVietnamTotal MondeJaponThaïlandeRussieMexiqueBrésilÉtats-UnisAutres paysIndeIndonésieSource : Cembureau, International Cement Review, estimations SFI, <strong>Proparco</strong> – Secteur Privé & Développement, 201140 %20 %0 %États-Unis Europe Pays émergentsRésidentielRénovation de l’habitatBâtiment non résidentiel InfrastructuresSource : Aurel BGC, Cembureau, PCA, <strong>Proparco</strong> – Secteur Privé & Développement, 2011OcéanieCEIAfriqueAmériqueEuropeAsie + Océanie10 %0 %2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009Nota bene : CEI signifie Communauté des États indépendantsSource : <strong>Proparco</strong>- Secteur Privé & Développement, 2011Secteur Privé & Développement


18Le ciment, entreresponsabilitéécologiqueet impératifséconomiquesConstruire en terre, une autrevoie pour loger la planèteConstruire localement avec le matériau terre pourrait être une réponse aux besoinsde construction de la population mondiale. Disponible en de nombreux endroitsde la planète, la terre crue est en phase avec les grands enjeux contemporains :écologiques, culturels, sociaux et économiques. Ce matériau “prêt à construire”favorise le développement local en mettant en valeur la culture et les savoirs locauxtout en étant créateur d’emplois et de richesses. Une voie à reconsidérer sérieusement.Romain Anger, Laetitia Fontaine, Thierry Joffroy et Eric RuizCRATerre-ENSAGTrois milliards d’êtres humains seraientmal logés à l’horizon 2050, selon l’ONU-Habitat, aussi bien dans les pays pauvresque riches (centre d’actualités de l’ONU, 2005).Pour répondre aux besoins, 4 000 logementsde qualité devraient “sortir de terre” toutesles heures pendant les vingt-cinqprochaines années. La terre crue,matériau prêt à construire et disponibleen de nombreux endroitsde la planète, constitue une desalternatives les plus viables pourrépondre à cette demande. De plus, comptetenu de l’importance du secteur de la constructiondans toute économie, bâtir en terre doitêtre considéré comme un levier importantpour le développement local, favorisant l’emploiet la création de richesse et ce, sans surconsommationd’énergie (Encadré 1). Il estdonc urgent que la terre retrouve toute sa placedans la gamme des matériaux de constructiondes bâtisseurs contemporains.“Plus de la moitiéde la populationmondiale vit dansune habitationen terre crue”.Romain Anger, Laetitia Fontaine, Thierry Joffroy et Eric RuizIngénieurs spécialisés dans les matériaux de construction,Romain Anger et Laetitia Fontaine poursuivent l’enseignementet la recherche au laboratoire CRATerre-ENSAG. Coresponsablesdu thème de recherche, Matière / Matériaux, ils sont égalementcoauteurs du livre Bâtir en terre, du grain de sable à l’architecture(Belin). Thierry Joffroy est architecte au laboratoire CRAterre-ENSAG.Responsable du thème Patrimoine du programme scientifique, il aréalisé plus de 250 missions d’études et de conseil dans plus de40 pays. Eric Ruiz est architecte urbaniste et chercheur au laboratoireCRAterre-ENSAG. Il a participé à d’importants programmes deconstruction de logements sociaux, tant en maîtrise d'œuvre qu'enmaîtrise d'ouvrage.Construire avec ce que l’on a sous les piedsLa Grande Muraille de Chine est l’œuvre architecturalela plus importante jamais réalisée.Or, contrairement à l’idée ancrée dans l’imaginairecollectif, elle n’est pas entièrementconstruite en pierre. Sur des milliers de kilomètres,il s’agit d’un mur de terre crue. Larègle qui a dicté le choix des matériaux estsimple : construire avec ce que l’on a sous lespieds, en pierre sur la pierre, en terre sur laterre, et parfois même en sable sur le sable.Ce trait d’union entre la géologie et la pédologie1 d’un lieu et son architecture est universel.Dans toutes les régions du monde, les hommeset les femmes exploitent les matériaux locauxpour construire leur habitat. Aujourd’hui, onestime que plus de la moitié de la populationmondiale vit dans une habitation en terre crue,sur tous les continents et sous tous les climats(Anger et Fontaine, 2009). Cent trente-cinqdes œuvres architecturales inscrites sur la listedu patrimoine mondial de l’Unesco, soit environ15 %, sont construites en terre (Gandreauet Delboy, 2010) – Figure 1.Encore plus qu’hier, la construction en terrepropose de véritables pistes pour répondreaux défis énergétiques et climatiques. Autantd’atouts pour que cette architecture regagnedans les esprits la place qu’elle occupe dans laréalité. En effet, la science développe des outilsthéoriques essentiels pour mieux comprendrece matériau : en éclairant d’un jour nouveau lessavoirs des bâtisseurs traditionnels, la connaissanceintime de la substance la plus communedevient porteuse d’innovations pour l’avenir(Anger et Fontaine, 2009).1Branche de la géologie appliquée qui étudie les caractères chimiques,physiques et biologiques, l’évolution et la répartition des sols.www.proparco.fr


19Figure 1 : Architecture de terre dans le mondeSource : Gandreau et Delboy, 2010Biens construits en terre inscrits sur la Liste du patrimoine mondialZone de construction en terreencadré 1Impact environnemental et poids économique :le bâtiment en chiffresLe secteur du bâtiment représente actuellement entre 25 et 40 %de l’énergie consommée dans le monde, produit 30 à 40 % desdéchets solides et contribue à hauteur de 30 à 40 % à l’émissiondes gaz à effet de serre. Dans le même temps, il emploie111 millions de personnes à travers le monde (UN Departmentof Economic and Social Affairs, 2010), dont 75 % dans les pays endéveloppement et 90 % dans des micro-entreprises.La terre est un béton d’argileComment construire avec une matière qui,au premier abord, semble si fragile et sensibleà l’eau ? Pour le comprendre, il faut observersa constitution. La terre est un mélange degrains qui portent un nom différent en fonctionde leur taille : cailloux pour les plus gros,les graviers, les sables, les silts et les argiles.Les cailloux, graviers, sables et silts, qui constituentle squelette granulaire de la terre, apportentune structure au matériau. Les argiles,mélangées à l’eau, agissent comme une colle.Elles sont donc le liant du matériau terre, toutcomme le ciment est le liant du béton.“Béton” est, en réalité, un terme générique. Ildésigne un matériau de construction compositefabriqué à partir de granulats agglomérés parun liant. Ainsi la terre n’est qu’un béton parmitant d’autres, mais naturel et prêt à l’emploi. Lagrande diversité des techniques de constructionen terre (pisé, bauge, torchis, adobe…) esten partie liée à la grande diversité de compositiondu matériau. À partir de ces éléments,on obtient un matériau solide qui permetde construire des édifices pouvant atteindrejusqu’à 30 mètres de hauteur, comme dans laville de Shibam 2 au Yémen. Correctement protégéde la pluie et des remontées capillaires,le matériau “terre” ne craint aucune altérationchimique et ne brûle pas. Il a une durabilitéexceptionnelle, comme en témoignent laGrande Muraille de Chine, certaines pyramideségyptiennes, chinoises ou péruviennes.Un impact environnemental proche de zéroL’habitat est un enjeu écologique, géostratégiqueet politique de premier plan. Les bâtimentsdépensent de l’énergie et émettentdu CO 2 à toutes les étapes de leur édification,de leur utilisation, et enfin de leur destruction.Cela commence par la productiondes matériaux de construction : la fabricationdu ciment, à elle seule, est à l’origine de5 % des émissions de CO 2 mondiales. Viennentensuite le transport des matériaux et laconstruction proprement dite. Les besoins enchauffage et en climatisation représentent2La ville de Shibam est inscrite au patrimoine mondial de l’humanitéen tant que plus ancienne cité gratte-ciel de l’humanité (la plupart desimmeubles datent du XVI e siècle) : elle est entièrement construite enbriques de terre crue moulées.Secteur Privé & Développement


21La terre, vecteur de développementLe besoin de développement et le souci d’efficacitépeuvent pousser les pouvoirs publics despays émergents à faire appel à des solutionsimportées. Si, cela peut s’avérer nécessairepour les grandes infrastructures, c’est oublierque le bâtiment est une industrie qui peutaussi se structurer à l’échelle artisanale, générantdes filières locales de production.Disponible et souvent prête à l’emploi, la terrepeut être utilisée sans recours à des procédésindustriels complexes et coûteux. Pas besoin defours énergivores, ni de carrières d’extractionnécessitant des engins d’une valeur totalementhors d’échelle au regard du revenu des habitants.Ce matériau repose aussi souvent sur dessavoir-faire partagés par tous. Ses nombreuseset diverses possibilités techniques (murs massifs,briques, remplissage…) correspondentà des savoirs et des modes d’organisationconformes à ce que toute politique de développementrecherche : le ferment sur lequel fairefructifier une économie valorisant au mieux lesressources matérielles et humaines locales.Certains systèmes d’organisation socialepermettent de produire des constructionsdurables et confortables à des coûts extrêmementbas, pouvant aller jusqu’à moins de 25 %du coût des constructions conventionnelles 4 .D’utilisations rustiques à des solutions techniquesplus élaborées, il y a là matière pourqu’un tissu entrepreneurial, en premier lieuartisanal, puisse se développer.L’artisanat permet une grande flexibilité dansle choix des solutions techniques et la répartitiondes investissements. De plus, il place l’individuau centre du dispositif économique. Il estopportun de valoriser la capacité des entrepreneursà s’engager dans un processus de développementdont la durabilité est d’autant plusassurée qu’elle repose sur son ancrage local etdonc sur l’économie locale.Le choix des matériaux locaux, notamment dela terre, et de modes de production reposant surun réseau entrepreneurial local, n’est pas antinomiqueavec des objectifs quantitatifs ambitieux.Dès lors que l’ensemble de la filière bâtiment estpris en compte, son efficacité est redoutable.Les exemples de Mayotte ou du Salvador ontd’ores et déjà fait la preuve de leur pertinence.Ils ont débouché sur la construction de plusieursmilliers de logements par de petites entreprisesou des tâcherons locaux (Encadré 2).Ainsi, la fragilité générée par un nombre troplimité d’acteurs, à la taille parfois handicapante,est fortement réduite. L’ancrage local de ce tissud’entreprises, par nature flexible, le rend de faitdurable et générateur de richesses.Jouer sur la complémentarité des matériauxFace aux enjeux du logement, liés notammentà l’accroissement exponentiel de la population,en particulier dans les pays en développement,la terre est incontournable. Son coût,son adaptation aux évolutions“ La résolutionéconomiques et culturelles endu problèmefont un matériau complémentaireaux solutions industriellesdu logement nese fera pas sur unplus lourdes. La résolution dumatériau unique”.problème du logement dans lemonde ne se fera pas sur la prédilection d'unmatériau unique. Ciment et terre sont intimementliés et complémentaires.Ce cercle vertueux peut être plus lent àmettre en place – c’est là son principal handicap.En revanche, il est moins coûteux etprésente infiniment plus de garanties danssa capacité à s’inscrire durablement sur unterritoire et à faire du bâtiment un vecteurmajeur du développement.Ce lien étroit entre un matériau disponible, uneculture constructive et des savoir-faire locauxsur lesquels asseoir une technicité, et enfin larichesse locale qui peut être générée, font dela terre une solution cohérente de développementlocal. C’est une solide alternative à dessolutions industrielles lourdes. Leur recourstrop systématique fait oublier que la technologieest la sociologie de la technique, c'est-à-direla capacité à s’emparer des savoir-faire et desressources locales pour en faire des modes deproduction, donc de l’économie locale. Toutefois,il reste important de reconnaître les complémentaritéset l’intelligence de solutionsmixtes qui permettent de bénéficier au mieuxdes qualités intrinsèques de matériaux de différentesnatures.4Pour exemple, en 2010, le programme de reconstruction post-inondationà Bandiagara au Mali financé par la Fondation Abbé Pierre et Misereor a étéréalisé à 40 euros le m² alors que les programmes d’habitat social “classiques”sont exécutés à plus de 160 euros le m².R e p è r e sCréé en 1979, CRATerre-ENSAG est labellisé laboratoire derecherche en 1986, sous tutelle de la direction de l’architecture etdu patrimoine du ministère de la Culture et de la Communication.L’équipe de 25 personnes collabore avec le Centre du patrimoinemondial de l’Unesco, UNHabitat, des Organisations nongouvernementales internationales d’aide au développement(Caritas, Croix-Rouge, Misereor…), mais aussi sur des actions dedéveloppement soutenues par l’Union européenne.Références / Anger, R., Fontaine, L., 2009. Bâtir en terre, du grain de sable à l’architecture, éditions Belin, Paris // Centre d’actualités de l’ONU, 2005. Journée de l'Habitat : d'ici à 2050, 3 milliards d'êtreshumains risquent de vivre dans des taudis, communiqué de presse, 3 octobre. // Fathy, H., 1999. Construire avec le peuple, éditions Actes Sud, Arles. // Gandreau D., Delboy L., sous la direction de JoffroyT., CRAterre-ENSAG, 2010. Patrimoine mondial, Inventaire et situation des biens construits en terre, UNESCO/CH/CPM, Paris // Guillaud, H., Houben, H., CRAterre, 2006. Traité de construction en terre, éditionsParenthèses, Marseille. // OCDE, 2003. Pour des bâtiments écologiquement viables, enjeux et politiques, les éditions de l’OCDE, Paris. // UN Department of Economic and Social Affairs, Division for SustainableDevelopment, 2010. Buildings and construction as tools for promoting more sustainable patterns of consumption and production, Sustainable Development, Innovation Briefs, Issue 9, mars.Secteur Privé & Développement


27tableau 1 : Coûts associés à la mise en œuvre de projets de mDP dans le secteur cimentierType de technologies Opportunités Coûts associés à la réduction des émissionsRécupération de chaleur(cogénération)Intéressant particulièrement dans un contexte où l'énergie estchère et l'offre insuffisante1 MW permet une réduction de 5 000 tonnes de CO 2 par anDe 15 à 50 dollars par tonne de CO 2Utilisation de combustiblesModification du mix produit(réduction de la part clinker)Efficacité énergétiqueUtilisation de biomasse, déchets industriels ou cendres volantes1 tonne de Pozzolane Portland Cement permet de réduire lesémissions brutes de 20 %1 tonne de Portland Slag Cement permet de réduire les émissionsbrutes de 45 %Réduit directement ou indirectement la consomation decombustibles fossilesOption 1 : (résiduts de biomasse) : 4 dollars/t CO 2Option 2 : (plantations de biomasse) : 12 dollars/t CO 2De 4,3 à 6,2 dollars/t CO 224 dollars/t CO 2 (tour préchauffage)Source : Gonnet, 2010À l’inverse, l’Inde par exemple, en comptaitprès de 98 % en 2008 (World Bank/CF Assist,2009).Le mdp, un cadre approprié ?L’amélioration de l’empreinte CO 2 d’une cimenteriepeut se faire dans le cadre du Mécanismede développement propre (MDP), introduit parles accords de Kyoto. Il prévoit notamment latransmission de certificats pouvant être vendusà des pays développés qui les utiliserontpour atteindre leurs objectifs de réductiond’émissions.Les projets cimentiers peuvent y prétendredans trois cas de figure : la substitution partielledes énergies fossiles par des combustiblesalternatifs, l’augmentation de la part des composantsautres que le clinker 2 dans le ciment,ainsi que l’utilisation de la cogénération pour laproduction d’électricité. Ces technologies permettantde limiter l’émission de CO 2 présententnéanmoins un coût élevé (Tableau 1).Cette contrainte de coûts est telle que seulement4 % des projets MDP dans le secteurcimentier sont approuvés, soit 52 sur untotal de 1 300 (World Bank/ CF Assist, 2009).La plupart d’entre eux se situent en Chine eten Inde avec respectivement 25 et 17 projets.L’Afrique n’a obtenu qu’un seul agrémentpour un projet d’approvisionnement en électricitépar des fermes éoliennes au Maroc.Quelques-uns sont en cours de certificationcomme des remplacements du combustiblefuel par de la biomasse en Égypte et par le jatrophaau Sénégal 3 . Les projets biomasse ne manquentpas en Afrique, mais la certification MDPest rarement sollicitée. Les principaux obstaclessont les forts coûts de transaction dansle développement des projets, un environnementdes affaires difficile, le faible accès auxfinancements dans un contexte où les retourssur investissements des projets MDP sont pluslongs que ceux d’une cimenterie. Rajoutons lafaible connaissance de ce mécanisme de la partdes intermédiaires financiers et des consultantset enfin, le faible soutien des autorités locales(pas d’autorité MDP désignée, ni de formationsmises en place). De fait, beaucoup d’entrepreneurs,dans un contexte de forte croissance dela demande, ne se préoccupent pas des questionscontraignantes d’émission carbone.Accompagner les cimentiersPour réduire les émissions de CO 2 , il est pertinentd’intervenir dans les pays en développement,principaux producteurs et consommateursde ciment sur les prochaines décennies.Cela implique d’agir sur les nouvelles cimenteries,mais aussi sur les existantes, à traversdes plans de mise à niveau, en imposantles meilleurs standards de production, tant auniveau de l’efficacité énergétique que du respectde ratios clinker/ciment optimaux.Le sujet du réchauffement climatique étant aucœur des préoccupations des IFD, celles-ci doivent,au-delà du simple apport de financement,initier un dialogue avec les cimentiers sur laquestion de l’empreinte carbone. Les IFD sontun vecteur de diffusion du potentiel du MDP enAfrique. Celui-ci devra être systématiquementenvisagé pour les projets qu’elles financent, àtravers un accompagnement sous forme d’assistancetechnique, en particulier dans les paysles moins avancés.2Le clinker représente l'élément de base du ciment qui est obtenu parcalcination d'une plante rustique, d'un mélange d'acide silicique d'alumine,d'oxyde de fer de chaux, fortement émissif en CO2.3Voir à ce sujet l’article de Pierre-Alain Boyer p. 22 de ce numéro de SecteurPrivé & Développement.Références / Carbon Dioxide Information Analysis Center, 2007. Base de données // Gonnet, J., 2010. Empreinte carbone de l’industrie cimentière, rapport, octobre. // Lafarge,2010. Rapport annuel. // Secteur Privé & Développement, 2011. Le ciment, entre responsabilité écologique et impératifs économiques, n°10, p.16, mai. // World Bank/CF Assist, 2009.Cement Sector Program in Sub-Saharan Africa: barriers analysis to CDM and solutions, rapport, avril. // World Business Council for Sustainable Development – Cement SustainabilityInitiative, 2009. Cement Industry Energy and CO2 performance "Getting the numbers Right", rapport.Secteur Privé & Développement


28Les enseignements de ce numéroPar Benjamin Neumannrédacteur en chefS’il est fortement émetteur de CO 2, le ciment se révèleindispensable au développement des pays du Sud.Limiter l’empreinte carbone tout en favorisant ledéveloppement est tout l’enjeu du secteur cimentierdans les années à venir. Mais l'équation risque detourner au casse-tête. D'ici à la seconde moitié duXXI e siècle, la planète comptera 3 milliards depersonnes de plus, et autant de mal logés. Pourrépondre aux besoins, 4 000 logements devraient“sortir de terre” toutes les heures pendant les vingtcinqprochaines années, sachant que depuis 2008, lespersonnes qui vivent en ville sont plus nombreusesque celles vivant à la campagne. Une tendance quiva s’accentuer, en particulier en Asie et en Afrique.Ces régions en croissance connaissent des besoins enciment particulièrement importants. D’ici 2025, lespays en développement représenteront plus de 90 %de la consommation mondiale de ciment.Corollaire de cet énorme appétit, les pays endéveloppement comptent déjà pour plus de 80 % desémissions de CO 2 d’un secteur cimentier, qui pèse àlui seul entre 5 et 7 % des émissions globales. Et cespays devraient être responsables de l’essentiel desémissions de CO 2 additionnelles.Difficile pourtant de s’en passer, au risque de freinerla croissance des pays du Sud. Matériau essentiel pourla construction, le ciment représente un des premierssecteurs d’activité au monde. Il joue un rôle clé dans ledéveloppement économique, l’emploi et la réductionde la pauvreté dans de nombreux pays. Une industriecimentière locale draine dans son sillage des capacitésde production d’électricité supplémentaires et laconstruction d’infrastructures, mais aussi la formationde techniciens et la création de nombreux emplois. Ellerenforce les PME et encourage les autres investisseursétrangers. Enfin, une production cimentière localestimule la concurrence et rapproche les centres deproduction des sites de consommation, ce qui entraîneune baisse des prix locaux et des importations, trèscoûteuses.Pour réduire l’empreinte carbone du ciment, dans saphase de production et d’utilisation, l’industrie n’estpas dépourvue de solutions techniques. D’autres pistesexistent, comme la construction en terre, pour deshabitations de faible hauteur et de nouveaux ciments,moins énergivores, mais au stade quasi expérimental.À défaut de pouvoir remplacer le ciment, les industrielscherchent à offrir des produits aux propriétés plusdurables. Ainsi, certains d’entre eux permettent unemeilleure isolation des bâtiments, qui consomment40 % de l’offre énergétique mondiale.Le processus de production du ciment a parailleurs fortement évolué. Les fours en voie sèche,au rendement énergétique bien supérieur, ontprogressivement remplacé ceux en voie humide.L’utilisation de combustibles de substitution auxénergies fossiles, pour l’essentiel des déchetsd’origine industrielle, ménagère ou végétale, prend del’ampleur. De la même manière une partie du clinkerutilisé pour fabriquer les ciments a été remplacéepar des coproduits industriels, comme les cendresvolantes issues des centrales thermiques au charbonou encore les résidus des hauts-fourneaux de lasidérurgie. Autant de solutions qui ont été érigées encritères de sélection par les institutions financièresinternationales pour décider de leurs interventionsdans le secteur. Ces institutions jouent un rôle crucialdans le soutien aux projets cimentiers sur les marchésémergents.Afin de rendre l’industrie cimentière moins émissive etcombler le manque de production locale dans les pays endéveloppement, le Mécanisme de développement propre(MDP) du protocole de Kyoto semble particulièrementapproprié. Par les financements additionnels qu’ilgénère à travers les crédits carbone, le MDP pourrait,dans les années à venir, devenir la clef de voûte de toutfinancement dans le secteur cimentier des pays endéveloppement, en particulier en Afrique subsaharienne,qui n’a jusqu’ici pas du tout su en tirer profit.Au sommaire de notre prochain numéroL'assistance technique, un instrumenten faveur d'un secteur privé pérenne.Institution financière de développement,<strong>Proparco</strong> a pour mission de favoriserles investissements privés dans les paysémergents et en développement.Secteur Privé & Développement est une publication de <strong>Proparco</strong>, Groupe Agence française de développement, société au capital de 420 048 000€, 151, rue Saint-Honoré - 75001 Paris,Tél. : 01 53 44 31 07 – Mail : revue_spd@afd.fr – Internet : www.proparco.fr • Directeur de Publication Étienne Viard • Fondateur Julien Lefilleur • Rédacteur en Chef BenjaminNeumann • Rédacteur en chef adjoint Charlotte Durand • Comité éditorial Laurent Demey, Alan Follmar, Adeline Lemaire, Élodie Parent, Véronique Pescatori, Denis Sireyjol,Aglaé Touchard • Numéro coordonné par Guillaume Mortelier (<strong>Proparco</strong>) et Denis Sireyjol (<strong>Proparco</strong>) • Ont collaboré à ce numéro Romain Anger (CRATerre-ENSAG), Pierre-Olivier Boyer (Vicat), Michel Folliet (Banque mondiale), Laetitia Fontaine (CRATerre-ENSAG), Philippe Guinet (Banque européenne d’investissement), Thierry Joffroy (CRATerre-ENSAG), Vincent Mages (Lafarge), Guillaume Mortelier (<strong>Proparco</strong>), Éric Ruiz (CRATerre-ENSAG), Jacques Sarrazin (Lafarge), Denis Sireyjol (<strong>Proparco</strong>), Jacques van der Meer(Banque européenne d’investissement), Hendrik G. van Oss (U.S. Geological Survey) • Conception & Réalisation 28, rue du Fbg Poissonnière - 75010 Paris Tél. : 01 40 3467 09 www.noise.fr / Édition : Jeanne-Sophie Camuset / Mise en page : Julien Desperiere• Traduction Warren O’Connell, Christine Mercier • Secrétariat de rédaction ( : ? ! ; )D O U B L E P O N C T U A T I O N www.double-ponctuation.com • Impression Burlet Graphics Tél. : 01 45 17 09 00 ∙ ISSN : 2103 3315 ∙ Dépôt Légal 23 juin 2009L’abonnement à la version électronique de la revue bimestrielle Secteur Privé & Développement est gratuit sur www.proparco.fr

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