589-(03) Ch. Eggers - Mémorial de la Shoah

LE TEMPS DES “INDÉSIRABLES” 59en matière de “sécurité” ? On n’en sait rien. Mais même sans preuveécrite de liens tangibles entre l’administration des camps et l’administrationsanitaire, il se dégage des sources, notamment de la correspondancedes internés, l’impression que certains établissements sanitairesont travaillé régulièrement avec les services des camps.Même un transfert prévu comme définitif par les autorités, dansune maison de retraite par exemple, ne signifie pas forcément la pertedu statut d’interné, surtout si les responsables de l’établissement partagentle point de vue de l’administration des camps. Mais le transfertdans l’un de ces lieux de passage peut aussi signifier le premier pasvers la liberté et la guérison. Un mouvement de transferts massifs pendantl’été 1943 permet d’illustrer le flou qui semble avoir régné à cetégard. Après les grandes déportations à partir des camps du midi, lesservices de l’Intérieur se débarrassent définitivement en date du 1 erjuillet 1943 de la responsabilité pour les camps qu’ils avaient euxmêmesqualifiés de “Camps d’hébergement”. C’est le Service Social desEtrangers de Gilbert Lesage, dorénavant nommé “Contrôle Social desEtrangers”, qui en assure à partir de cette date la responsabilité. A cemoment-là, les camps n’enferment pratiquement plus que des personnesqualifiées de “vieillards” par l’administration. Les services duCSE, en accord avec les organisations d’assistance, commencent immédiatementà placer les internés ayant plus de 55 ans dans des hospices,généralement catholiques. Le responsable du placement est l’abbéLagarde, aumônier catholique des camps. Il est évident que les quelque40 hospices qui accueillent ces personnes dans une douzaine dedépartements ne deviennent pas par là même des parties annexes dusystème. Mais il faut également souligner que dans bon nombre de cas,l’administration continue à considérer ces personnes comme des internés.Bien que des exceptions soient rapportées dans la correspondancerelative à cette affaire, ces transferts ne sont généralement pas accompagnésd’une procédure de libération complète. Pire, dans un certainnombre de cas, les directeurs mêmes des hospices se font les auxiliairesdu système d’internement, considèrent les transférés comme toujoursinternés, et leur interdisent de quitter les bâtiments. 114 Pour des raisonsfonctionnelles, et qui semblent évidentes, le système ne pouvaitpas exister en autarcie. Il lui était nécessaire de pouvoir utiliser régulièrementou occasionnellement des lieux situés à l’extérieur de l’universcarcéral pour se décharger d’individus devenus encombrants, sanspour autant leur rendre la liberté. On connaît environ une soixantainede lieux dans la zone sud qui ont rempli ces fonctions. Ce chiffre, quiparaît relativement important, indique dans quelle mesure le principemême de l’internement a été accepté au sein d’autres administrations.