589-(03) Ch. Eggers - Mémorial de la Shoah

589-(03) Ch. Eggers - Mémorial de la Shoah 589-(03) Ch. Eggers - Mémorial de la Shoah

memorialdelashoah.org
from memorialdelashoah.org More from this publisher
13.07.2015 Views

56 LE MONDE JUIFmune, de la gendarmerie locale, de la sous-préfecture de Villefranche,de la préfecture du Rhône, des autorités compétentes à Vichy, etnotamment du ministère de l’Intérieur et de la Sûreté Nationale quidoit donner son accord à chaque sortie des camps. Plusieurs interventionsde Gerlier à Vichy sont nécessaires pour vaincre les résistances,notamment du CGQJ de Vallat qui pense que seul l’UGIF devrait êtrehabilitée à ouvrir des centres pour Juifs. 108 Finalement, la “Directiondes Centres d’accueil” met sept mois pour obtenir les autorisationsnécessaires, avant que le centre de Chansaye-la-Poule puisse ouvrirses portes le 25 novembre 1941. Pour les autorités, les 52 personnestransférées de Gurs à Chansaye continuent à être considérées commeétant des internés du point de vue juridique. La direction des centres,épaulée par le prestige de l’archevêque, garantit aux autorités que cespersonnes restent à Chansaye.Le 3 décembre 1941, Glasberg présente les principes de son projetdevant le comité de Nîmes.“Notre but est non point de faire des asiles de vieillards ou d’incurables,mais de sauver pour la vie des êtres sains, socialement utiles etprésentant une valeur humaine et morale certaine… La conception[des centres], nous l’avons trouvée dans les paroles de l’évangile : Bienheureuxceux qui ont faim et soif, parce qu’ils seront rassasiés. Malheureuxles riches, parce que tout leur sera enlevé.” 109 Concrètement,cela signifie que deux tiers des habitants des centres seront choisisparmi les “êtres sains, socialement utiles” des camps. A Chansaye, cesont des hommes et femmes entre 20 ans et 45 ans venant de professionslibérales ou manuelles et qui se sont distingués à Gurs par leursens commun et leur dévouement au service des autres internés.Parmi eux se trouvent un menuisier, un ancien aviculteur, une couturièreet un tailleur, un médecin et deux infirmières. Le tiers restant,ce sont des personnes généralement vieilles ou malades mais disposantde moyens financiers ou d’un soutien de la part de parents à l’étrangerqui leur permet de s’acquitter d’une pension de 2 500 F par mois. Ainsi,un pensionnaire payant couvre les frais de trois personnes. Au momentde l’ouverture du centre, on leur demande le dépôt d’une pensionannuelle, 30 000 F par personne, ce qui donne une autonomie financièreconsidérable à l’équipe de Glasberg.Les centres fonctionnent sur le mode de l’autogestion. Dans chaquecentre, un comité de direction élu qui doit représenter obligatoirementles trois confessions – juive, catholique et protestante – dirige lesaffaires courantes. Les pensionnaires payants ne sont aucunement privilégiés.Tout le monde doit participer, selon ses possibilités, au travailcommun. A Chansaye on aménage un potager et on fait un peu d’agriculture.Il y existe un atelier de menuiserie et un atelier de couture qui

LE TEMPS DES “INDÉSIRABLES” 57travaille aussi pour les internés restés dans les camps. La maison produitelle-même une bonne partie de la nourriture dont elle a besoin, etdispose d’un service de santé pour les pensionnaires malades.Chansaye ne reste pas longtemps le seul centre de l’Abbé Glasberg.Fin mars 1942 est ouvert le Centre d’accueil Pont-de-Manne près deSt-Thomas-en-Royans (Drôme), qui fonctionne sur le même modèle queChansaye. 110 A Lastic (Hautes-Alpes), un “Centre d’apprentissagerural” ouvre fin juin 1942 pour des jeunes transférés des camps, et enjuillet 1942 un autre centre sur le modèle de Chansaye ouvre à Bégué(Gers).La conception de ces centres montre un certain nombre de traits quilui sont particuliers. Contrairement à la conception de l’Etat pour quiles populations envoyées dans les camps doivent être exclues de la vienormale du pays et méritent au mieux le minimum vital, on mise iciautant que possible sur les forces vitales que même un séjour prolongédans les camps n’a pu ôter à ces hommes et femmes. Cela permet auxcentres une autarcie relative et une existence avec un minimum d’aidefinancière de l’extérieur. Et c’est cette expérience de travail fructueuxqui rend à ces anciens internés la dignité, qu’on a voulu leur faireperdre en les parquant dans la promiscuité et l’inactivité derrière lesbarbelés. C’est en cela que la démarche de l’abbé Glasberg va bien plusloin que celle des autres organismes d’assistance. Et quelle différenceavec les centres d’accueil du SSE qui portent la même appellation,mais qui n’étaient en fait que de petits camps.Il est probable qu’en 1943 un ou plusieurs autres centres aient étéouverts par la direction des centres d’accueil. Elle n’hésite d’ailleurspas à avoir occasionnellement recours à des moyens illégaux pourpourvoir des personnes particulièrement menacées de faux papiers.Les centres semblent avoir joué un rôle dans d’autres activités de résistancede l’Amitié chrétienne. Certains existent encore en 1946 et sontsubventionnés après la guerre par le JOINT. 111 Les Centres d’accueilde l’Abbé Glasberg ont certainement sauvé la vie de nombreux internésdes camps, même si la protection du Cardinal Gerlier n’a pas étésuffisante pour les mettre complètement à l’abri des arrestations etdéportations.Lieux de passageOn s’aperçoit que le système a tendance à attirer dans son sillagedes lieux qui a priori n’en font pas partie et que l’on pourrait qualifierde lieux de passage. Il faut d’abord nommer les prisons qui servent parfoisde lieu d’étape lors de transferts. La prison de Pau semble avoirété utilisée régulièrement comme lieu d’étape lors de transferts vers ouà partir de Gurs, et la prison de Foix (Ariège) a joué le même rôle pour

LE TEMPS DES “INDÉSIRABLES” 57travaille aussi pour les internés restés dans les camps. La maison produitelle-même une bonne partie <strong>de</strong> <strong>la</strong> nourriture dont elle a besoin, etdispose d’un service <strong>de</strong> santé pour les pensionnaires ma<strong>la</strong><strong>de</strong>s.<strong>Ch</strong>ansaye ne reste pas longtemps le seul centre <strong>de</strong> l’Abbé G<strong>la</strong>sberg.Fin mars 1942 est ouvert le Centre d’accueil Pont-<strong>de</strong>-Manne près <strong>de</strong>St-Thomas-en-Royans (Drôme), qui fonctionne sur le même modèle que<strong>Ch</strong>ansaye. 110 A Lastic (Hautes-Alpes), un “Centre d’apprentissagerural” ouvre fin juin 1942 pour <strong>de</strong>s jeunes transférés <strong>de</strong>s camps, et enjuillet 1942 un autre centre sur le modèle <strong>de</strong> <strong>Ch</strong>ansaye ouvre à Bégué(Gers).La conception <strong>de</strong> ces centres montre un certain nombre <strong>de</strong> traits quilui sont particuliers. Contrairement à <strong>la</strong> conception <strong>de</strong> l’Etat pour quiles popu<strong>la</strong>tions envoyées dans les camps doivent être exclues <strong>de</strong> <strong>la</strong> vienormale du pays et méritent au mieux le minimum vital, on mise iciautant que possible sur les forces vitales que même un séjour prolongédans les camps n’a pu ôter à ces hommes et femmes. Ce<strong>la</strong> permet auxcentres une autarcie re<strong>la</strong>tive et une existence avec un minimum d’ai<strong>de</strong>financière <strong>de</strong> l’extérieur. Et c’est cette expérience <strong>de</strong> travail fructueuxqui rend à ces anciens internés <strong>la</strong> dignité, qu’on a voulu leur faireperdre en les parquant dans <strong>la</strong> promiscuité et l’inactivité <strong>de</strong>rrière lesbarbelés. C’est en ce<strong>la</strong> que <strong>la</strong> démarche <strong>de</strong> l’abbé G<strong>la</strong>sberg va bien plusloin que celle <strong>de</strong>s autres organismes d’assistance. Et quelle différenceavec les centres d’accueil du SSE qui portent <strong>la</strong> même appel<strong>la</strong>tion,mais qui n’étaient en fait que <strong>de</strong> petits camps.Il est probable qu’en 1943 un ou plusieurs autres centres aient étéouverts par <strong>la</strong> direction <strong>de</strong>s centres d’accueil. Elle n’hésite d’ailleurspas à avoir occasionnellement recours à <strong>de</strong>s moyens illégaux pourpourvoir <strong>de</strong>s personnes particulièrement menacées <strong>de</strong> faux papiers.Les centres semblent avoir joué un rôle dans d’autres activités <strong>de</strong> résistance<strong>de</strong> l’Amitié chrétienne. Certains existent encore en 1946 et sontsubventionnés après <strong>la</strong> guerre par le JOINT. 111 Les Centres d’accueil<strong>de</strong> l’Abbé G<strong>la</strong>sberg ont certainement sauvé <strong>la</strong> vie <strong>de</strong> nombreux internés<strong>de</strong>s camps, même si <strong>la</strong> protection du Cardinal Gerlier n’a pas étésuffisante pour les mettre complètement à l’abri <strong>de</strong>s arrestations etdéportations.Lieux <strong>de</strong> passageOn s’aperçoit que le système a tendance à attirer dans son sil<strong>la</strong>ge<strong>de</strong>s lieux qui a priori n’en font pas partie et que l’on pourrait qualifier<strong>de</strong> lieux <strong>de</strong> passage. Il faut d’abord nommer les prisons qui servent parfois<strong>de</strong> lieu d’étape lors <strong>de</strong> transferts. La prison <strong>de</strong> Pau semble avoirété utilisée régulièrement comme lieu d’étape lors <strong>de</strong> transferts vers ouà partir <strong>de</strong> Gurs, et <strong>la</strong> prison <strong>de</strong> Foix (Ariège) a joué le même rôle pour

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!