589-(03) Ch. Eggers - Mémorial de la Shoah

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54 LE MONDE JUIFlent des “transitaires”. Il s’agit de femmes qui sont également en instanced’émigration, mais qui viennent d’un camp d’internement, généralementGurs, Rieucros ou Le Récébédou. A ce moment-là, les centresLe Bompard et Terminus du port qui servent généralement à accueillircette catégorie de femmes sont saturés (il s’agit-là de centres fermésgérés par les autorités). La proposition du CAR vise à éviter à desfemmes internées en possession d’affidavits ou visas de devoir resterdans les camps et de les voir périmer. Par la suite, les autorités prennentprétexte de la présence au Levant de femmes ayant le statutd’internées pour ordonner la surveillance systématique du centre. Ense servant d’une résolution du comité de Nîmes qui intervient pourdemander le versement au CAR des 11 F 50 par jour et par personneaccueillie au Levant, les autorités alignent ensuite le régime du Levantsur celui du Terminus et du Bompard. Fin 1941, tous les pensionnairesdu Centre du CAR sont désormais considérés par les autorités commedes internés. Un centre d’accueil d’une organisation d’assistance a ététransformé par les autorités en centre d’internement – à la différenceprès que le CAR continue à supporter une grande partie des frais courants.Si le Levant est un exemple d’une “récupération” réussie, d’autrescentres ont été créés spécialement à la suite d’arrangements semblables.Fin 1941, à la suite de ce que l’on a appelé la “maladie de lafaim” ou “l’épidémie de cachexie” dans les camps, les autorités acceptentà nouveau les propositions des œuvres d’assistance qui visent àsortir un maximum d’internés des camps. En contrepartie, les œuvresdoivent se porter garantes des personnes sorties des camps qui nerecouvrent pas pour autant leur liberté. Du point de vue des œuvres,il est clair à ce moment-là que c’est le fait même d’être au camp quimenace la vie de beaucoup d’internés. Une véritable amélioration de lasituation nécessite que l’on sorte autant de personnes que possible descamps, même si cela nécessite une collaboration encore plus étroiteavec les autorités. C’est cela qui leur fait accepter les termes des arrangements.Un certain nombre de centres sont donc créés à partir de fin 1941grâce à des arrangements avec les autorités. Les intéressés y gagnentsans doute, à la fois parce que leur conditions de vie s’améliorent considérablement,et parce qu’ils jouissent souvent d’une relative liberté,malgré les nombreuses restrictions. En ce qui concerne le dernierpoint, les différences sont grandes entre les différents centres. En règlegénérale, plus la commune est petite, plus la liberté de mouvement estgrande. Les femmes logées au Centre du Levant à Marseille ont besoind’un sauf-conduit pour quitter le centre à partir de fin 1941. Souventelles sont accompagnées par un policier lorsqu’elles se rendent auxconsulats. Dans d’autres centres situés dans des petits villages, les
LE TEMPS DES “INDÉSIRABLES” 55personnes ont généralement le droit de circuler sur le territoire de lacommune. Tant que les policiers locaux sont loyaux, la surveillance despersonnes est relativement facile dans ces campagnes reculées, nonraccordées aux réseaux de transports. Mais les pensionnaires descentres sont toujours soumis à un contrôle étroit de la part des autoritésde police, puisqu’ils continuent à être considérés comme internés etne font pas l’objet d’une procédure de libération. En cas de fuite, ce sontles organisations qui sont rendues responsables.Le “Fonds Européen de secours aux Etudiants”, dirigé par le professeurLégal, obtient fin 1941 l’autorisation de créer une “Maisond’accueil aux étudiants” au Chambon-sur-Lignon (Haute-Loire). Cettemaison ouvre ses portes en janvier 1942, et les autorités commencentles transferts des étudiants internés. En mars 1942, l’inspecteurgénéral Jean-Faure se déclare prêt à faire subventionner le centre auChambon-sur-Lignon. En contrepartie il demande qu’on lui envoietous les mois une liste nominale de tous les pensionnaires, pour pouvoircalculer le montant de la subvention – dit-il. En juin 1943, unerafle a lieu dans ce centre. Une vingtaine d’étudiants juifs sont arrêtéset déportés. 106 La CIMADE ouvre quatre centres d’accueil : Le “FoyerMarie-Durand” à Marseille et “Le Coteau Fleuri” au Chambon-sur-Lignon, puis deux autres à St-Etienne-de-Gres (Bouches-du-Rhône) etVabre (Tarn). L’ YMCA en ouvre un à St-Hyppolite-du-Fort (Gard).Le nombre de personnes qui ont eu la possibilité de quitter lescamps en 1942 par un transfert dans l’un de ces centres d’accueil n’estpas très élevé. Si l’on ne compte pas les enfants libérés, le chiffre estsans doute inférieur à 500 personnes. Une bonne partie de ces personnesa pu être sortie des camps grâce à l’initiative d’un prêtre catholique,l’abbé Glasberg. Alexandre Glasberg, fils d’immigrés juifs polonais,converti au catholicisme, s’était déjà occupé avant la guerre desréfugiés d’Allemagne et d’Europe centrale. En 1941 il est vicaire àLyon et passe pour un proche du cardinal Gerlier, archevêque de cetteville et Primat des Gaules, dont il est le représentant au Comité deNîmes. Co-fondateur du mouvement “Amitié Chrétienne” et de “TémoignageChrétien”, il va s’engager de plus en plus dans la résistance. 107Avec le soutien du D r Joseph Weill (OSE) et de Nina Gourfinkel(RELICO) il crée pendant l’été 1941 la “Direction des Centresd’accueil” qui gère au moins quatre centres à la fin 1942.Le premier est installé dans un hôtel inexploité, “La Roche d’Ajoux”,à Chansaye-La-Poule (Rhône), à environ 60 km de Lyon, au-dessus deVillefranche-sur-Saône. C’est le soutien du cardinal Gerlier qui est crucialpour l’aboutissement de ce projet. Car les obstacles bureaucratiquessont nombreux et toutes les instances de l’administration nesont pas de bonne volonté. Il faut les autorisations du maire de la com-
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