589-(03) Ch. Eggers - Mémorial de la Shoah

52 LE MONDE JUIFmontagne, à 7 km de Beaulieu. La préfecture l’a réquisitionné etsous-loué en juillet 1942 à un couple de gérants. Les autorités se bornentà leur envoyer la “clientèle”. On y accueille principalement despersonnes transférées des camps pour avoir pu prouver la possessionde moyens considérables.Entre autres, au moment de l’arrivée, il faut être en mesure de verserune caution de 10 000 F à la préfecture de la Corrèze. Le statut dupensionnaire varie en fonction du montant de la pension versée. Lespersonnes dites de “première classe”, qui payent 80 F par jour, ont unechambre individuelle, et leurs repas sont servis à part. Les personnesdites de “deuxième classe” mangent dans un réfectoire et sont logésdans des chambres à trois. En juin 1943, 28 personnes se trouvent auChâteau du Doux, et le 23 septembre de la même année, 45 “pensionnaires”,dont 44 Juifs. 104 Les prix journaliers dans ce centre correspondentà des frais mensuels de 1 800 F voire 2 400 F. Au mêmemoment, les employés d’une organisation d’assistance, y compris leSecrétaire général, gagnent entre 1 000 et 1 500 F par mois. 105 Les prixde pension paraissent donc très élevés, et le danger est bien réel queles intéressés ne soient plus en mesure de les payer au bout d’un certaintemps. Certes, les internés sont privés de leur liberté dans desconditions plus humaines que dans les camps. Mais en principe, unefois leurs moyens épuisés – soit qu’ils aient mangé leurs économies,soit que leur famille outre-mer ne puisse plus rien leur envoyer – ilsdoivent retourner dans les camps. Le problème se pose de plus en plussouvent, et pour éviter le renvoi dans un camp, les organisationsd’assistance sont souvent amenées à payer en partie ou en totalité lesfrais de pension. L’administration, pour chaque personne envoyée dansun tel centre, fait l’économie des frais d’entretien dans un camp. Ellea donc intérêt à développer cette forme de détention, indépendammentde bénéfices éventuels qui peuvent faire l’objet de spéculations. Maisrien ne protège les assignés à résidence de la déportation. Au cours del’année 1943, au moins par deux fois, des déportations vers Drancy onteu lieu à partir du Château du Doux.En marge du système – Lieux de passage et Centres géréspar les organisations d’assistanceNous devons mentionner ici deux catégories de lieux dont l’appartenanceau système peut être mise en doute. Certes, les lieux de passage(hôpitaux, prisons, etc.), et les différents centres d’accueil géréspar des organisations d’assistance n’ont pas fait partie intégrante dusystème, dans la mesure où il n’y avait pas de dépendance administrativeou financière directe entre ces lieux et les institutions centralesde ce dernier. On peut cependant affirmer qu’ils en ont fait partie par