589-(03) Ch. Eggers - Mémorial de la Shoah

50 LE MONDE JUIF“Les ressortissants étrangers de race juive pourront en tout tempsse voir assigner une résidence forcée par le préfet du département deleur résidence.” 100Alors que l’internement dans un camp vise les Juifs étrangers indigents,la résidence forcée semble être destinée à ceux qui disposent demoyens d’existence. En tout cas c’est ce qui se passera dans la pratique.D’ailleurs, une justification de la décision préfectorale ou despossibilités de recours ne sont pas prévues par le texte. Les préfets utilisentcette arme contre des Juifs étrangers fortunés, que l’on priveainsi de leur liberté à leur propres frais. On les autorise à dépenserleurs moyens dans une sorte d’internement de luxe payant.Pendant une année, les cas où les préfet se sont servis de cette nouvellearme semblent avoir été exceptionnels. Il faut attendre la fin1941 pour que son utilisation commence à être systématique. C’est unecirculaire de l’Intérieur du 3 novembre 1941 qui ordonne la création deplusieurs “Centres de résidence assignée”. Cette circulaire modifie uncertain nombre de points par rapport à la loi d’octobre 1940 et en précised’autres.“La Circulaire n° 39 du 3 Novembre 1941 vous [les Préfets régionauxde la zone libre] a autorisés à regrouper dans des centres locaux,régionaux ou nationaux, certains réfugiés…. Cette mesure doit êtreappliquée par priorité, aux israélites recensés. Les intéressés assurerontà leurs frais, leur logement, et leur subsistance 101 .”On remarque l’application prioritaire aux Juifs, mais la possibilitéde l’étendre à “certains réfugiés”. Dorénavant, la décision d’une assignationà résidence doit être prise, non pas au niveau départemental,mais par les préfets de région. La différence principale par rapport àl’internement est soulignée explicitement par le texte : les intéressésont eux-mêmes à supporter la charge des frais de logement et de nourrituredans les Centres de résidence assignée. Au cas où les propriétairesse refuseraient à louer les locaux nécessaires à la création descentres, les préfets ont le droit de procéder à des réquisitions. Ce quele texte entend par “centres locaux, régionaux ou nationaux” n’est pasbien clair. Par la suite, aucune hiérarchie ne semble régner entre lescentres créés.Le résultat immédiat du texte est la création de centres, dont le premiercommence à fonctionner à Audaux (Basses-Pyrénées) fin 1941.Ici, comme dans ceux qui seront ouverts par la suite, les personnesconcernées sont sous contrôle des autorités de police locales, généralementla gendarmerie. Il leur est interdit de quitter le territoire de lacommune sans sauf-conduit. 102 La circulaire Pucheu du 2 janvier 1942précise ces dispositions. Elle répète que les Centres de résidence assignéesont destinés tout d’abord aux Juifs possédant des moyens finan-