589-(03) Ch. Eggers - Mémorial de la Shoah

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42 LE MONDE JUIFC’est peut-être le commandant du GTE 526 à Izeste (Basses-Pyrénées),Marcel B., qui donne l’exemple le plus pur du paternalisme decertains “bons chefs” à l’égard de leurs hommes. Ce groupe départementalcompte en 1942 environ 900 hommes, dont une centaine deJuifs, qui sont pour la plupart détachés individuellement. Le commandanta pris l’initiative d’éditer un mensuel bilingue français-espagnol,baptisé : “Servir !” (sous-titre “Honneur et fidélité”), qualifié de“trait d’union entre le chef et les membres de notre communauté” etdont il est le seul rédacteur. 85 Ce même officier avait d’ailleurs faitpreuve, dès l’hiver 1941-1942, d’un certain esprit d’opposition, choserare dans la hiérarchie des camps à ce moment-là. En fonction à Gurs,il avait adressé aux hommes de l’unité qu’il commandait un appel denouvel an, qualifié de “chaleureux”, dans lequel il “leur [affirmait] queleur délivrance et leur libération étaient proches.” 86 Ces paroles, quiont fait sensation au camp, lui avaient valu l’éloignement de Gurs.Au moment des déportations, certains commandants sont allésjusqu’au bout de leur démarche paternaliste et ont essayé de sauverautant d’internés qu’ils ont pu. Les commandants du GTE 20 àSt-Cyr-sur-Mer (Var) et du GTE 167 à La Ciotat (B.-du-Rh.), ainsi quedu détachement du GTE 104 à Salins-de-Giraud (B.-du-Rh.), avaientprévenu les travailleurs à la veille des déportations le 3 août, et leuront laissé l’occasion de s’enfuir. Mais ce sont-là des exceptions. Lescommandants des camps “palestiniens” de Septfonds et Tombebouc,qui avaient aménagé des bibliothèques et organisé des concerts avecles orchestres et chorales de leurs camps, n’ont pas voulu ou pu empêcherla déportation de la quasi-totalité de leurs hommes à partir du 12août 1942.Les GTE, au même titre que les grands camps, sont des lieux dedétention, de contrôle et d’exclusion. Leur particularité ne réside pastellement dans une éventuelle amélioration qu’ils apportent à la situationdes internés transférés. Par rapport aux grands camps, on rencontredans les GTE, en plus de la discrimination et de l’exclusion,l’exploitation de la main-d’œuvre, parfois poussée à des formesextrêmes qui rappellent l’esclavage. Si dans certains cas, les conditionsde vie ont effectivement été meilleures que dans les grands camps,cette constatation est fortement nivelée par les déportations, qui ramènentau même plan GTE et grands camps. A l’heure décisive, les “services”rendus n’ont protégé personne.
LE TEMPS DES “INDÉSIRABLES” 43D’autres formes de lieux de détentionLes Centres du Service Social des EtrangersUne étude approfondie sur le Service Social des Etrangers (SSE)manque encore. Organisme présentant à la fois des traits d’une organisationd’assistance et d’un service de l’administration, il est difficileà classer, et les opinions sur son rôle divergent. 87 Le SSE a certainementcontribué au sauvetage de nombreuses personnes. Certains deses membres, à commencer par son fondateur, Gilbert Lesage, ont participéà partir de l’été 1942 à des actions clandestines de sauvetage,dont le point de départ semble avoir été la grande rafle du 26 août1942. 88 Mais si le SSE a pu avoir une action souvent bénéfique, il n’enreste pas moins qu’il a été partie intégrante du système d’internement,et que des déportations ont eu lieu à partir de ses centres.Le Service Social des Etrangers, qui était rentré en activité pendantl’hiver 1940-1941, est officiellement créé par une circulaire interministérielledu 4 juillet 1941. Deux ans plus tard, le 1 er juillet 1943, ilva prendre sous sa coupe tous les grands camps existants encore àcette date, à l’exception des camps dits “répressifs” du Vernet et deBrens, ainsi que des camps pour l’internement de Français (St-Sulpice,Eveaux-les-Bains, Sisteron, St-Paul-d’Eyjeaux). A partir de cettedate-là, il va changer de nom et porter jusqu’à la Libération l’appellationsurréaliste de “Contrôle Social des Etrangers” (CSE). Une évolutioncomplexe a lieu entre ces deux dates clefs. Le SSE, conçu à sesdébuts comme une œuvre privée, finira en tant que service central del’administration du système d’internement.Le Service Social des Etrangers est à ses débuts la création d’unseul homme. Gilbert Lesage, Quaker, militant de plusieurs mouvementsde jeunesse, commence dès le mois d’octobre 1940 à s’occuperd’activités sociales en faveur des réfugiés étrangers dans le midi. Ilprend contact avec les autorités, visiblement enchantées par l’énergieet l’initiative de ce jeune homme. Le 6 janvier 1941, le 7 e bureau duministère de l’Intérieur lui donne un ordre de mission qui le charge del’organisation du travail social dans les camps d’internement et de lacréation de centres d’accueil pour internés en mauvais état de santé.Le 19 février 1941 il peut s’installer dans des bureaux à Vichy. Ainsiprend naissance le SSE, qui sera par la suite rattaché au ministère duTravail. Le personnel de ses services centraux à Vichy est principalementrecruté dans les ministères du Travail et de l’Intérieur. Le serviceest destiné à jouer un rôle d’intermédiaire, et il va fonctionner encontact étroit avec les différentes administrations impliquées dans lagestion des camps d’internement et des GTE.Les tâches principales du SSE sont définies par la circulaire interministérielle(Intérieur, Travail) du 4 juillet 1941, date de naissance
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