589-(03) Ch. Eggers - Mémorial de la Shoah

LE TEMPS DES “INDÉSIRABLES” 41L’officier commandant un détachement du GTE 213 (Les Mées) àNorante (Basses-Alpes) gère son unité comme s’il s’agissait d’ungroupe disciplinaire, ce qui officiellement n’est pas le cas. Il considèreles hommes comme des criminels et accueille les nouveaux arrivantsen leur demandant : “Qu’avez-vous fait pour que la Sûreté vous envoieici ?”. Des hommes transférés à Norante pour les besoins du service seretrouvent ainsi dans une unité où la discipline est plus que rude et oùon les bat. 84Avec le temps, l’importance du rôle des commandants a tendance àaugmenter. Dans les conditions de 1942, où il est de plus en plus difficilede trouver quoi que ce soit sur les marchés, il faut un commandantdébrouillard pour que les hommes de l’unité obtiennent tout ce à quoiils ont droit en vue des textes. Et l’on trouve un certain nombre de commandantsqui s’efforcent d’améliorer le sort des hommes qui leur sontconfiés, dans les limites que leur trace le système. Souvent ce sont dejeunes officiers qui essaient de prendre leurs responsabilités et d’êtrede “bons chefs”. En fait, dans certains camps on rencontre, à uneéchelle réduite, les traits patriarcaux de Vichy – le GTE comme familleet le commandant comme le père de “ses” hommes. Tel est le cas duGTE 536 à Casseneuil (Lot-et-Garonne), dont le commandant habiteavec ses hommes au cantonnement et vit leur vie, en compagnie de sonfils pendant les vacances. Si nécessaire, il lui arrive de payer de sapoche telle ou telle acquisition pour le groupe.En 1942, c’est seulement dans les GTE dont les commandants ontsu créer des structures d’entraide que les hommes peuvent échapper àla sous-alimentation. Il faut compléter la nourriture allouée par leravitaillement, comme le font d’ailleurs les Français en liberté. Concrètementcela signifie l’aménagement de potagers (Casseneuil, Septfonds)ou de champs de pommes de terre (Septfonds), des élevages delapins (Miramas, Casseneuil), de poulets (Miramas) ou de moutons(Tombebouc). Evidemment, tout cela est bien plus difficile à mettre enœuvre dans les grands camps.Certains commandants de GTE prennent des initiatives pour remédierà la misère vestimentaire. Ils créent des cordonneries (Tombebouc,Septfonds) et des ateliers de couture, comme celui de Septfondsqui confectionne et répare des vêtements. Le GTE de Casseneuil possèdemême une réserve de chaussures et de couvertures. Comme dansles grands camps, on rencontre dans certains GTE des initiativesvisant à répondre aux besoins des hommes en matière de culture. Casseneuil,Tombebouc et Septfonds se dotent de foyers avec bibliothèque,à Tombebouc comme à Septfonds existent des chorales et des orchestres,et les internés de Septfonds ont monté une “Université populaire”.Rappelons au passage que Septfonds, Casseneuil et Tombebouc sontdes groupes dits “palestiniens”.