589-(03) Ch. Eggers - Mémorial de la Shoah

589-(03) Ch. Eggers - Mémorial de la Shoah 589-(03) Ch. Eggers - Mémorial de la Shoah

memorialdelashoah.org
from memorialdelashoah.org More from this publisher
13.07.2015 Views

26 LE MONDE JUIFGTE 167 à La Ciotat (B.-d.-Rh.) au chantier naval, où ils gagnent entre10 et 20 F par jour, prime de rendement comprise.Nombreux sont les GTE où les hommes, conformément à ce qui aété prévu par la loi, ne reçoivent aucun salaire pour un travail souventdur. Mais la solde du prestataire a survécu à toutes les réorganisations,bien qu’elle soit progressivement dévaluée par l’inflation. Engénéral on verse donc au moins ces 50 centimes par jour aux travailleurs.Tel est le cas d’une partie des hommes du GTE 664 à Mauriac(Cantal), employés à des travaux de bûcheronnage ou de constructionde routes. C’est aussi le cas, parmi les hommes du GTE 321 àChanac (Lozère), de ceux qui n’ont pas le statut de “détaché”.Au GTE 302 à Septfonds (Tarn), où vit un groupe presque exclusivementcomposé de Juifs allemands et d’Europe centrale, les 50 centimesne sont pas versés. L’administration sur place se réfère à unordre qui serait venu du groupement n° 5 à Toulouse. Dans tous lesgroupes, il est pourtant indispensable d’acheter de la nourriture pouraméliorer l’ordinaire. Ceux qui sont obligés de vivre avec l’alimentationdélivrée par les cuisines des camps perdent leurs forces en l’espacede quelques mois. Les accidents du travail sont fréquents dans lesGTE, et les blessures typiques sont significatives à cet égard. Cellesque l’on rencontre le plus souvent dans les correspondances des incorporéssont les hernies, conséquences directes des carences alimentaireset du travail physique. 44 Les ouvriers détachés, ceux qui ont uncontrat individuel avec un employeur, vivent dans une plus grandeliberté que leurs camarades et ont souvent des conditions de vie plussupportables. Pour un détachement individuel, l’employeur doit fournirun contrat sur papier timbré, visé par le commissariat de police oula gendarmerie, et par le bureau du placement (un service du ministèredu Travail). En 1941, la durée minimum du contrat est d’un an,et le salaire minimum s’élève à 15 F par jour, nourri et logé. Pour quele contrat puisse prendre effet, le commandant du GTE doit donner sonaval. Il semble que dès le début les Juifs aient plus de mal que lesautres à obtenir des détachements. En février 1942, au GTE 866 àMeillant (Cher) : “La plupart des travailleurs sont détachés en culture,mais les Juifs n’ont pas le droit d’être détachés suivant les instructionset restent au groupe 45 .” La circulaire Pucheu du 2 janvier 1942 interditd’ailleurs formellement les détachements d’anciens internés juifsdes camps, arrivés en France après le 1 er janvier 1936. 46 Les conditionseffectives varient énormément selon les départements et les GTE.Suite à de nombreuses protestations de la part des organisationsd’assistance, le Commissariat à la lutte contre le chômage tented’aboutir à plus d’égalité dans le traitement des hommes. Une note deservice du 1 er mars 1942 essaye de régler les questions de salaires etde charges pour l’ensemble des départements de la zone non-occupée. 47

LE TEMPS DES “INDÉSIRABLES” 27Dorénavant le traitement est celui de la convention collective de la professionet de la localité. Il peut donc varier d’un département à l’autre.Ainsi dans le Tarn un détaché ouvrier agricole, nourri et logé, gagne475 F par mois en avril 1942, alors que son camarade dans le Tarn-et-Garonne n’est payé que 300 F. 48 En matière de charges, on retientdans le Tarn 130 F sur le salaire du détaché (70 F en Tarn-et-Garonne)à titre de “frais d’administration” et de “frais d’habillement” en avril1942. L’employeur doit verser au GTE 78 F pour charges sociales etcongé payé. La valeur des avantages en nature (nourriture, logement,etc.) est forfaitairement évaluée à 480 F par mois. Dans le Tarn, undétaché pour travaux agricoles coûte 1033 F à son patron, mais nereçoit que 345 F. Son homologue dans le Tarn-et-Garonne coûte957,50 F à son patron, mais ne reçoit que 230 F par mois, alors que lasomme de 147,50 F ira renflouer les caisses du GTE.Dans ces conditions, parmi les détachés dans l’agriculture seulsceux qui partagent la vie de leur patron et de sa famille peuvent vivre.Si l’employeur interprète l’obligation de nourrir et de loger son ouvrierde telle façon qu’il le fait manger à sa table, alors la vie du détachén’est pas très différente de celle d’un ouvrier agricole français. En cequi concerne le salaire effectivement versé, nombreux sont les “arrangements”entre l’ouvrier et le paysan, puisque pour l’ouvrier l’intérêtde la paie est secondaire.Les détachés qui n’ont pas la chance de se retrouver chez un paysanont souvent un sort beaucoup plus difficile. Ils représentent lamajorité. Après un séjour prolongé dans les camps, nombreux sontceux qui n’ont pas les forces physiques pour répondre aux exigencesdes employeurs. Six hommes du GTE 526 à Gurs sont détachés enautomne 1941 à St-Pé-de-Bigorre où ils travaillent comme bûcheronspour le compte d’un entrepreneur. L’équipe doit abattre un certainnombre de stères par jour, ce qui leur est impossible car les hommesn’ont pas l’habitude de ce genre de travail, sont mal équipés et trop peunombreux. Ils ont pourtant dû se nourrir, et en octobre 1941 les sixhommes sont endettés à la hauteur de 2 600 F. Huit membres du GTE427 à Argelès-sur-Mer sont détachés en septembre 1941 pour travaillerdans une carrière à Lézignan-la-Cèbe (Hérault). On les paye àla tâche. Ils peuvent gagner au maximum 21 à 24 F par jour, ce qui estinsuffisant pour couvrir les dépenses les plus essentielles, d’autantplus que certains jours de mauvais temps le travail dans la carrière estimpossible.Les hommes des GTE à la recherche de contrats de travail sont uneproie facile pour des employeurs rapaces. Dans un certain nombre decas on leur confie contre un salaire de misère des travaux dangereuxet malsains, souvent dans l’industrie chimique. A Auzon (Haute-Loire)des détachés du GTE 664 à St-Georges-d’Aurac travaillent dans une

LE TEMPS DES “INDÉSIRABLES” 27Dorénavant le traitement est celui <strong>de</strong> <strong>la</strong> convention collective <strong>de</strong> <strong>la</strong> professionet <strong>de</strong> <strong>la</strong> localité. Il peut donc varier d’un département à l’autre.Ainsi dans le Tarn un détaché ouvrier agricole, nourri et logé, gagne475 F par mois en avril 1942, alors que son camara<strong>de</strong> dans le Tarn-et-Garonne n’est payé que 300 F. 48 En matière <strong>de</strong> charges, on retientdans le Tarn 130 F sur le sa<strong>la</strong>ire du détaché (70 F en Tarn-et-Garonne)à titre <strong>de</strong> “frais d’administration” et <strong>de</strong> “frais d’habillement” en avril1942. L’employeur doit verser au GTE 78 F pour charges sociales etcongé payé. La valeur <strong>de</strong>s avantages en nature (nourriture, logement,etc.) est forfaitairement évaluée à 480 F par mois. Dans le Tarn, undétaché pour travaux agricoles coûte 1<strong>03</strong>3 F à son patron, mais nereçoit que 345 F. Son homologue dans le Tarn-et-Garonne coûte957,50 F à son patron, mais ne reçoit que 230 F par mois, alors que <strong>la</strong>somme <strong>de</strong> 147,50 F ira renflouer les caisses du GTE.Dans ces conditions, parmi les détachés dans l’agriculture seulsceux qui partagent <strong>la</strong> vie <strong>de</strong> leur patron et <strong>de</strong> sa famille peuvent vivre.Si l’employeur interprète l’obligation <strong>de</strong> nourrir et <strong>de</strong> loger son ouvrier<strong>de</strong> telle façon qu’il le fait manger à sa table, alors <strong>la</strong> vie du détachén’est pas très différente <strong>de</strong> celle d’un ouvrier agricole français. En cequi concerne le sa<strong>la</strong>ire effectivement versé, nombreux sont les “arrangements”entre l’ouvrier et le paysan, puisque pour l’ouvrier l’intérêt<strong>de</strong> <strong>la</strong> paie est secondaire.Les détachés qui n’ont pas <strong>la</strong> chance <strong>de</strong> se retrouver chez un paysanont souvent un sort beaucoup plus difficile. Ils représentent <strong>la</strong>majorité. Après un séjour prolongé dans les camps, nombreux sontceux qui n’ont pas les forces physiques pour répondre aux exigences<strong>de</strong>s employeurs. Six hommes du GTE 526 à Gurs sont détachés enautomne 1941 à St-Pé-<strong>de</strong>-Bigorre où ils travaillent comme bûcheronspour le compte d’un entrepreneur. L’équipe doit abattre un certainnombre <strong>de</strong> stères par jour, ce qui leur est impossible car les hommesn’ont pas l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> ce genre <strong>de</strong> travail, sont mal équipés et trop peunombreux. Ils ont pourtant dû se nourrir, et en octobre 1941 les sixhommes sont en<strong>de</strong>ttés à <strong>la</strong> hauteur <strong>de</strong> 2 600 F. Huit membres du GTE427 à Argelès-sur-Mer sont détachés en septembre 1941 pour travaillerdans une carrière à Lézignan-<strong>la</strong>-Cèbe (Hérault). On les paye à<strong>la</strong> tâche. Ils peuvent gagner au maximum 21 à 24 F par jour, ce qui estinsuffisant pour couvrir les dépenses les plus essentielles, d’autantplus que certains jours <strong>de</strong> mauvais temps le travail dans <strong>la</strong> carrière estimpossible.Les hommes <strong>de</strong>s GTE à <strong>la</strong> recherche <strong>de</strong> contrats <strong>de</strong> travail sont uneproie facile pour <strong>de</strong>s employeurs rapaces. Dans un certain nombre <strong>de</strong>cas on leur confie contre un sa<strong>la</strong>ire <strong>de</strong> misère <strong>de</strong>s travaux dangereuxet malsains, souvent dans l’industrie chimique. A Auzon (Haute-Loire)<strong>de</strong>s détachés du GTE 664 à St-Georges-d’Aurac travaillent dans une

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!