589-(03) Ch. Eggers - Mémorial de la Shoah

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24 LE MONDE JUIFque dans beaucoup de départements leurs membres ont fait l’économiede réunions régulières, et souvent leurs compétences ont été exercéespar un ou deux de leurs membres. En plus des internés, on enrôle lesétrangers bénéficiant d’une allocation de réfugié. Le moment de leurincorporation systématique varie selon les départements. A Toulouse,dès le 10 octobre 1940, un réfugié juif lituanien de 30 ans se voit supprimerson allocation de réfugié. A la place, on l’envoie au GTE 561 deClairfont (Haute-Garonne). Il sera déporté de Drancy par le convoin° 50. 40 En Dordogne, la préfecture continue encore à verser ces allocationsjusqu’en avril 1941. A ce moment-là, tous les allocataires étrangersdoivent passer la visite d’incorporation et sont dirigés dans unpremier temps au groupe départemental, le GTE 652 à Mauzac, etensuite soit à Soudeilles (Corrèze), soit à Mauriac (Cantal). Parailleurs, en 1941 tous les Juifs étrangers appréhendés après avoir traverséclandestinement la ligne de démarcation sont systématiquementenvoyés dans un GTE. Souvent ils ont été arrêtés lors de rafles dansles grandes villes. Ainsi on peut donc distinguer cinq grandes catégoriesd’incorporés dans les GTE.Il y a tout d’abord les anciens prestataires qui servent soit depuisl’été 1939 (les Espagnols), soit depuis l’hiver 1939-1940 (Allemands etAutrichiens).Puis on y trouve les anciens internés des camps qui se sont portésvolontaires pendant l’hiver 1940-1941 car c’était pour eux la seule possibilitéde quitter les grands camps. Souvent il s’agit de personnesinternées en mai 1940 en Belgique.Viennent ensuite ceux qui, n’ayant pas les moyens de subvenir àleurs besoins, ont été envoyés dans un GTE.Il a déjà été question des Juifs venus de la zone occupée, et il fautrajouter à ce groupe les autres victimes des rafles et autres mesures depolice, incorporées sous divers prétextes.Enfin on y trouve aussi des volontaires des anciennes armées alliées(polonaise et tchèque) formées en France, ou de “régiments de marchedes volontaires étrangers”, démobilisés après l’armistice, puis versésdans les GTE. Souvent, ces hommes-là se sont battus pendant la campagne1939-1940. La présence de ces derniers dans les GTE estd’autant plus étonnante que d’après les textes les anciens combattantsne doivent pas être incorporés ni internés. Moritz Buxbaum, né à Lemberg/Lwowen Galicie et habitant à Vienne (Autriche) jusqu’en 1938, aparticipé à la bataille de France comme engagé volontaire dans les unitésde l’armée polonaise. Fait prisonnier par les Allemands, il a réussià s’évader et à gagner en février 1941 la zone non-occupée, où il s’estprésenté aux autorités militaires comme prisonnier évadé. Celles-ci leclassent dans la catégorie “Juif ayant traversé clandestinement la

LE TEMPS DES “INDÉSIRABLES” 25ligne de démarcation” et l’envoient dans un GTE. Il sera déporté deDrancy par le convoi n° 29. 41Travail et rémunérationLa loi du 27 septembre 1940 avait prévu de mettre les GTE à la dispositiond’entreprises. Elle exclut explicitement le versement desalaires et prévoit seulement la possibilité d’une “prime de rendement”.Ce texte ne sera modifié, notamment en ce qui concerne la dernièredisposition, que par une loi du 18 novembre 1942. Sa mise en pratiquedonne en fait naissance à deux modèles différents pourl’utilisation des GTE. Souvent l’administration met des groupesentiers (ou des parties de ceux-ci) à la disposition d’entrepreneurs, avecencadrement et gardiens. D’autres travailleurs étrangers sont embauchésà titre individuel par un employeur. La condition de ces derniers,qu’on appelle généralement les “détachés”, peut ressembler plus oumoins à celle d’un salarié ordinaire. Le groupe exerce cependant uncontrôle sur eux, et leur statut implique pour l’employeur comme pourl’employé un certain nombre de charges financières vis-à-vis du GTE.Les travailleurs employés par groupes entiers sont utilisés à destravaux les plus divers. Au GTE 308 à Tombebouc (Lot-et-Garonne) leshommes travaillent dans une carrière. 42 Le GTE 828 à Vidauban (Var)effectue des travaux de terrassement pour le compte des Ponts etChaussées. 43 Une partie des hommes du GTE 664 à Mauriac (Cantal)travaillent également pour les Ponts et Chaussées, et les autres sontembauchés par l’administration des Eaux et Forêts. Dans cette unitéles hommes gagnent environ 300 F par mois en mars 1942. Leshommes du GTE 974 à Ruffieux (Savoie) ne reçoivent au contraire pasde salaire pour les travaux forestiers et de terrassement qu’ils effectuent.Mais on leur verse une “prime de rendement” dont le montantpeut se situer entre quelques francs et 500 F par quinzaine, en fonctiondes capacités et des forces physiques des individus. A Carnon-Plage (Hérault) on paye les ouvriers du GTE 311 : 6 F par jour pourdes travaux de route. Seule une partie des 265 hommes incorporés auGTE 313 à St-Sauveur près de Bellac (Haute-Vienne), ceux qui sontassez forts physiquement pour travailler comme bûcherons, sont payésen été 1941 entre 1 à 4 F par jour pour ce travail éprouvant.Dans les régions boisées, nombreux sont les GTE dont les hommestravaillent comme charbonniers. La guerre a amené dans son sillagela pénurie d’essence et les voitures à gazogène, et les Allemands ontincorporé dans la zone interdite les bassins houillers du nord de laFrance. Le charbon de bois est donc précieux. Néanmoins, les hommesdu GTE 20 de Saint-Cyr (Var) qui travaillent comme charbonniers nepeuvent pas gagner plus de 10 F par jour. On utilise les hommes du

LE TEMPS DES “INDÉSIRABLES” 25ligne <strong>de</strong> démarcation” et l’envoient dans un GTE. Il sera déporté <strong>de</strong>Drancy par le convoi n° 29. 41Travail et rémunérationLa loi du 27 septembre 1940 avait prévu <strong>de</strong> mettre les GTE à <strong>la</strong> dispositiond’entreprises. Elle exclut explicitement le versement <strong>de</strong>sa<strong>la</strong>ires et prévoit seulement <strong>la</strong> possibilité d’une “prime <strong>de</strong> ren<strong>de</strong>ment”.Ce texte ne sera modifié, notamment en ce qui concerne <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnièredisposition, que par une loi du 18 novembre 1942. Sa mise en pratiquedonne en fait naissance à <strong>de</strong>ux modèles différents pourl’utilisation <strong>de</strong>s GTE. Souvent l’administration met <strong>de</strong>s groupesentiers (ou <strong>de</strong>s parties <strong>de</strong> ceux-ci) à <strong>la</strong> disposition d’entrepreneurs, avecencadrement et gardiens. D’autres travailleurs étrangers sont embauchésà titre individuel par un employeur. La condition <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rniers,qu’on appelle généralement les “détachés”, peut ressembler plus oumoins à celle d’un sa<strong>la</strong>rié ordinaire. Le groupe exerce cependant uncontrôle sur eux, et leur statut implique pour l’employeur comme pourl’employé un certain nombre <strong>de</strong> charges financières vis-à-vis du GTE.Les travailleurs employés par groupes entiers sont utilisés à <strong>de</strong>stravaux les plus divers. Au GTE 308 à Tombebouc (Lot-et-Garonne) leshommes travaillent dans une carrière. 42 Le GTE 828 à Vidauban (Var)effectue <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong> terrassement pour le compte <strong>de</strong>s Ponts et<strong>Ch</strong>aussées. 43 Une partie <strong>de</strong>s hommes du GTE 664 à Mauriac (Cantal)travaillent également pour les Ponts et <strong>Ch</strong>aussées, et les autres sontembauchés par l’administration <strong>de</strong>s Eaux et Forêts. Dans cette unitéles hommes gagnent environ 300 F par mois en mars 1942. Leshommes du GTE 974 à Ruffieux (Savoie) ne reçoivent au contraire pas<strong>de</strong> sa<strong>la</strong>ire pour les travaux forestiers et <strong>de</strong> terrassement qu’ils effectuent.Mais on leur verse une “prime <strong>de</strong> ren<strong>de</strong>ment” dont le montantpeut se situer entre quelques francs et 500 F par quinzaine, en fonction<strong>de</strong>s capacités et <strong>de</strong>s forces physiques <strong>de</strong>s individus. A Carnon-P<strong>la</strong>ge (Hérault) on paye les ouvriers du GTE 311 : 6 F par jour pour<strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong> route. Seule une partie <strong>de</strong>s 265 hommes incorporés auGTE 313 à St-Sauveur près <strong>de</strong> Bel<strong>la</strong>c (Haute-Vienne), ceux qui sontassez forts physiquement pour travailler comme bûcherons, sont payésen été 1941 entre 1 à 4 F par jour pour ce travail éprouvant.Dans les régions boisées, nombreux sont les GTE dont les hommestravaillent comme charbonniers. La guerre a amené dans son sil<strong>la</strong>ge<strong>la</strong> pénurie d’essence et les voitures à gazogène, et les Allemands ontincorporé dans <strong>la</strong> zone interdite les bassins houillers du nord <strong>de</strong> <strong>la</strong>France. Le charbon <strong>de</strong> bois est donc précieux. Néanmoins, les hommesdu GTE 20 <strong>de</strong> Saint-Cyr (Var) qui travaillent comme charbonniers nepeuvent pas gagner plus <strong>de</strong> 10 F par jour. On utilise les hommes du

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