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diagonales - Fondation Caisses d'Epargne pour la solidarité

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COUV-DIAGO5/exé 11/04/07 10:14 Page 1DIAGONALES« 1, 2, 3, 4, 5… QUELLES SOLIDARITÉS ENTRE LES GÉNÉRATIONS ? »www.fces.frOCTOBRE 2006«1, 2, 3, 4, 5… QUELLES SOLIDARITÉS ENTRE LES GÉNÉRATIONS ? »N°5 - Octobre 2006DIAGONALES«1, 2, 3, 4, 5… QUELLES SOLIDARITÉS ENTRE LES GÉNÉRATIONS ? »<strong>Fondation</strong> <strong>Caisses</strong> d’Epargne <strong>pour</strong> <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong>Reconnue d’utilité publique par décret en Conseil d’Etat le 11 avril 20015, rue Masseran - 75007 ParisDIAGONALES - N°5


NewDiago5/exé 21/12/07 15:56 Page 2Une <strong>Fondation</strong> au cœur des <strong>solidarité</strong>sUne <strong>Fondation</strong> en rapide développementSon statut• <strong>Fondation</strong> reconnue d’utilité publique par décret du 11 avril 2001• Fondateurs : les <strong>Caisses</strong> d’Epargne et <strong>la</strong> Caisse Nationale des <strong>Caisses</strong> d’Epargne• Objet : agir contre toutes les formes de dépendance et d’exclusion sociale• Dotation initiale : 15,24 millions d’euros• Conseil d’administration présidé par Charles MilhaudSes modes d’intervention• Opérateur à but non lucratif du secteur sanitaire et médicosocialen sa qualité de gestionnaire d’établissements et de services• Acteur direct de <strong>la</strong> lutte contre l’illettrisme• Financeur de projets innovants• Organisateur de débats publics• Hébergeur de fondations sous égideDe 2002 à 2006, <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> est passée de :• 21 établissements et services à 76 établissements et services gérés,• 1800 p<strong>la</strong>ces d’accueil à 4 800 p<strong>la</strong>ces d’accueil,• 985 col<strong>la</strong>borateurs à 3 000 col<strong>la</strong>borateurs,• 46,2 millions d’euros de ressources dont 2,5 millions d’euros de donsà 143,3* millions d’euros dont 5,7 millions d’euros de dons reçus.* données prévisionnelles au 31/12/06La <strong>Fondation</strong> est désormais le premier réseau privé à but non lucratif de résidencesaccueil<strong>la</strong>nt des personnes âgées dépendantes. En 2007, elle devrait devenir, avec plusde 3 000 col<strong>la</strong>borateurs, <strong>la</strong> première fondation reconnue d’utilité publique par le nombrede ses sa<strong>la</strong>riés.Dans ses actions de lutte contre l’illettrisme, <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> <strong>Caisses</strong> d’Epargne <strong>pour</strong> <strong>la</strong><strong>solidarité</strong> a développé le dispositif « Savoirs <strong>pour</strong> réussir », qui comptait au 31 décembre 2006,13 centres dont les antennes accueil<strong>la</strong>nt plus de 400 jeunes de 16 à 25 ans fragilisés par<strong>la</strong> vie, <strong>pour</strong> leur permettre de reprendre goût à <strong>la</strong> lecture, l’écriture et le calcul.Fin 2007, six nouveaux centres devraient être opérationnels.www.fces.fr23


NewDiago5/exé 21/12/07 15:56 Page 6Le 23 octobre 2006, les Diagonales V se sont déroulées sur le thème “1, 2, 3, 4, 5... Quelles <strong>solidarité</strong>s entre lesgénérations ?”, au musée du Quai Branly à l'occasion de <strong>la</strong> célébration du cinquième anniversaire de <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong>.6 7


NewDiago5/exé 21/12/07 15:56 Page 8OuvertureCharles MilhaudPrésident de <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> <strong>Caisses</strong> d’Epargne <strong>pour</strong> <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong>89


NewDiago5/exé 21/12/07 15:56 Page 10Mesdames, Messieurs, Chers amis,’Cest toujours un réel p<strong>la</strong>isir d’ouvrir les Diagonalesde <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> et de vous retrouver <strong>pour</strong> de nouveauxdébats sur des thèmes qui sont au cœur denotre société. Celles d’aujourd’hui ont <strong>pour</strong> nous unrelief particulier : ce sont les Diagonales de notre cinquième anniversaire –« 1, 2, 3, 4, 5… » <strong>pour</strong> reprendre le titre de cette journée – les cinquièmesDiagonales que nous organisons.Puisque cette journée est p<strong>la</strong>cée sous le signe du “5”, nous allons nousintéresser aujourd’hui aux cinq générations qui constituent progressivementnotre structure sociale.Avant de revenir aux thèmes de <strong>la</strong> journée, permettez-moi de souligner lechemin parcouru par les équipes de <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> depuis sa création.• Aujourd’hui, <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong>, c’est 4 800 p<strong>la</strong>ces d’accueil en résidence <strong>pour</strong>personnes âgées, ou en établissement <strong>pour</strong> personnes handicapées.• 3 établissements sanitaires : nous avons en charge 4 000 personneschaque année.• 6 000 personnes accompagnées à leur domicile par le personnel de <strong>la</strong><strong>Fondation</strong>.• 13 centres « Savoirs <strong>pour</strong> réussir » engagés dans <strong>la</strong> lutte contre l’illettrisme,et ils seront sans doute 20 à <strong>la</strong> fin de l’année prochaine.• 308 projets soutenus dans le cadre des opérations d’intérêt général de<strong>la</strong> <strong>Fondation</strong>, <strong>pour</strong> un montant de près de 12,5 millions d’euros de 2003 à 2006.• Enfin, 11 fondations sous égide, abritées par <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> <strong>Caisses</strong>d’Epargne <strong>pour</strong> <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong>. Puis, bien sûr, <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> c’est aussi cesdébats réguliers dans le cadre des Diagonales et ces rencontres autourd’un auteur ou d’un artiste dans le cadre des Focales. Ils nous permettentd’être présents dans le débat public sur les questions de lutte contre lesdépendances et l’exclusion qui constituent les missions de <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> etlui ont valu d’être reconnue d’utilité publique par décret le 11 avril 2001.“... On sait que<strong>la</strong> caniculede 2003 adramatiquementre<strong>la</strong>ncé le débatsur <strong>la</strong> solitude despersonnes âgées.On sait aussique <strong>la</strong> plupartdes famillessoutiennentautant qu’ellesle peuventleurs aînés...”Voilà en quelques mots ou en quelques chiffres notre<strong>Fondation</strong> cinq ans plus tard. Les perspectives qui s’offrentà elle permettent de penser qu’elle va continuer à jouer unrôle de premier p<strong>la</strong>n. Elle devrait même dans les prochainsmois devenir <strong>la</strong> première <strong>Fondation</strong> en France par le nombrede sa<strong>la</strong>riés. Comment ne pas y voir <strong>la</strong> confirmation du bienfondéde l’engagement de ses fondateurs – <strong>la</strong> CaisseNationale et les <strong>Caisses</strong> d’Epargne –, mais aussi le soutiendéterminé de l’ensemble du Groupe Caisse d’Epargne avec,en 2006, 5,7 millions d’euros de dons.Je me permets donc de remercier solennellement et personnellementles <strong>Caisses</strong> d’Epargne et les filiales du Groupe –dont beaucoup de représentants sont dans <strong>la</strong> salle – qui, enfinançant <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> permettent son développement et <strong>la</strong>tenue de manifestations comme celle d’aujourd’hui. La<strong>Fondation</strong> est l’expression concrète et le symbole de l’engagementsociétal de l’ensemble du groupe, et nous pouvonsen être fiers.Je voudrais profiter de cette occasion <strong>pour</strong> inviter les quelques<strong>Caisses</strong> d’Epargne qui ne sont pas encore pleinement engagéesdans <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> à nous soutenir encore plus que cequ’elles ne le font aujourd’hui. Qu’elles soient par avanceremerciées de l’expression de leur <strong>solidarité</strong>. La <strong>solidarité</strong>qui est justement le thème central de ces Diagonales.Quelle <strong>solidarité</strong> intergénérationnelle aujourd’hui ? : <strong>la</strong> questionest évidemment cruciale au moment où se profile un vieillissementsans précédent de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion dans notre pays.On sait que <strong>la</strong> canicule de 2003 a dramatiquement re<strong>la</strong>ncé ledébat sur <strong>la</strong> solitude des personnes âgées en France. Onsait aussi – et c’est l’expérience quotidienne de <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong>– que <strong>la</strong> plupart des familles soutiennent autant qu’elles lepeuvent leurs aînés à domicile, dans les établissements10 11


NewDiago5/exé 21/12/07 15:56 Page 14“... Je voudraisinsister surl’importancedes transferts etdes <strong>solidarité</strong>sintergénérationnelles.Leur analysecritique estindispensable<strong>pour</strong> renouvelernotre approchedu partage desressources entrejeunes etpersonnesâgées...”Les re<strong>la</strong>tions entre les générations se sont profondémentmodifiées depuis un siècle. Ainsi, l’individualisme croissantdont je par<strong>la</strong>is au début, <strong>la</strong> recherche de l’indépendancefinancière et <strong>la</strong> séparation résidentielle, l’allongement de <strong>la</strong>durée moyenne de vie, contribuent à modifier <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce dechacun dans sa génération et <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce de chaque générationdans <strong>la</strong> parenté. Ces multiples évolutions ont fait craindre <strong>la</strong>fin des <strong>solidarité</strong>s entre les générations. Il n’en est rien caron assiste à des types d’échanges réguliers ; preuve de <strong>la</strong>vitalité des <strong>solidarité</strong>s familiales intergénérationnelles.A ce titre, je veux ici saluer le travail de l’Observatoire des<strong>Caisses</strong> d’Epargne qui, depuis trois ans, en analysantsuccessivement les seniors, les jeunes, et dernièrement lesservices à <strong>la</strong> personne, a permis de voir les dynamiques desdifférents stades de vie. Mais les <strong>solidarité</strong>s intergénérationnellesne se limitent pas à <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong> familiale. Les différentesinterventions d’aujourd’hui vont nous permettre d’en cernermieux les contours, que ce soit une <strong>solidarité</strong> descendanteavec les plus jeunes en permettant <strong>la</strong> réussite éducative, ouune <strong>solidarité</strong> ascendante avec les personnes âgées ; lesnombreuses expériences sortant du cadre familial permettentde renforcer les liens entre les générations. La <strong>Fondation</strong>,par ses actions, prend part au renforcement de ces <strong>solidarité</strong>sintergénérationnelles.Je tiens ici à saluer en particulier le travail effectué par leséquipes des sites « Savoirs <strong>pour</strong> réussir » <strong>pour</strong> les jeunes de16 à 25 ans. Il contribue en effet à <strong>la</strong> transmission dessavoirs des tuteurs bénévoles vers des plus jeunes.Je veux citer aussi <strong>pour</strong> les plus anciens, les études réaliséesavec le concours de <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> sur l’aide aux services à <strong>la</strong>personne et l’aménagement territorial des services.Enfin, j’ai le p<strong>la</strong>isir de vous annoncer <strong>la</strong> création par <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> d’unbaromètre des <strong>solidarité</strong>s intergénérationnelles, en partenariat avec lesmagazines Notre Temps et Phosphore.Ce baromètre présentera chaque année :• l’évolution d’indicateurs statistiques et économiques de ces <strong>solidarité</strong>s,• une étude sociologique sur un volet de ces <strong>solidarité</strong>s,• les résultats d’une enquête par sondage sur ces <strong>solidarité</strong>s.La première publication de ce baromètre aura lieu en février, et, j’espèreque tous les acteurs intéressés par ces questions y trouveront un outild’analyse utile.Pour conclure, je voudrais insister sur l’importance des transferts et des<strong>solidarité</strong>s intergénérationnelles. Leur analyse critique est indispensable<strong>pour</strong> renouveler notre approche de questions particulièrement délicatescomme celles du partage des ressources entre jeunes et personnes âgées,de <strong>la</strong> comparaison des niveaux de vie ou encore de l’équité entre génération.Ce<strong>la</strong> s’impose également <strong>pour</strong> aborder le problème des retraites et de <strong>la</strong>protection sociale sous un jour nouveau.Une société ne peut être forte si elle ne garantit pas l’unité de générationsque séparent l’âge, l’histoire, les préoccupations et les perspectives d’avenir.Je vous remercie.1415


NewDiago5/exé 21/12/07 15:56 Page 16Conférence inauguralePierre Rosanvallon, professeur au Collège de France,chaire d’histoire moderne et contemporaine du politiqueRepenser <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong> entreles générationsRéfléchir aux <strong>solidarité</strong>s entre les générations, c’est d’abord biendistinguer ce qui relève des pratiques privées et des institutionspubliques. La difficulté concernant les pratiques privées, c’estque <strong>la</strong> connaissance précise que nous en avons reste re<strong>la</strong>tivementlimitée. Les formes de <strong>solidarité</strong>s non monétaire – par exemple concernant<strong>la</strong> garde des enfants entre générations – sont, elles, re<strong>la</strong>tivement connues,mais il y a un écart considérable entre <strong>la</strong> connaissance que nous avonsdes <strong>solidarité</strong>s descendantes et <strong>la</strong> connaissance matérielle que nousavons des <strong>solidarité</strong>s ascendantes.Les <strong>solidarité</strong>s descendantes possèdent de puissants leviers matériels, depuissants leviers fiscaux qui donnent lieu à <strong>la</strong> mesure. Et nous savonsaujourd’hui que le nombre en volume des donations tend à devenir aussiimportant que <strong>la</strong> transmission par héritage, raccourcissant donc les chaînesde <strong>solidarité</strong>s. Mais mesurées en termes de PIB, c’est à peine 2 % du PIBqui est en jeu. Donc, nous voyons tout de suite une chose essentielle : lerapport matériel entre ce qui est de l’ordre des <strong>solidarité</strong>s privées et ce quiest de l’ordre des <strong>solidarité</strong>s publiques est considérable. Bien sûr, il fautêtre prudent dans le maniement des chiffres, mais si nous essayons demesurer le taux des prélèvements obligatoires et de le rapporter à ces formesde <strong>solidarité</strong>s privées, l’écart est au moins de 1 à 10, sinon de 1 à 20.En ce qui concerne les <strong>solidarité</strong>s ascendantes, les mesures qui ont étéfaites dans le domaine des <strong>solidarité</strong>s privées – et telles qu’elles sontreportées dans les travaux d’André Masson – montrent qu’elles sont dixfois moins importantes, alors que l’Etat providence donne, au contraire,une p<strong>la</strong>ce très importante aux <strong>solidarité</strong>s ascendantes.Mais réfléchir aux <strong>solidarité</strong>s entre les générations, c’est tout de suite préciserplusieurs choses. La première, c’est que les objets de cette <strong>solidarité</strong> nesauraient simplement être limités à des questions de redistributions monétairesou à des questions d’allocations de temps social. La question de <strong>la</strong>préservation des biens rares est en effet une dimension perçue comme deplus en plus fondamentale dans <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong> entre générations.Parler de <strong>solidarité</strong> entre générations, c’est définir quelles sont les générationsfutures que l’on va prendre en compte. Le titre de ce colloque dit « 1, 2, 3,4, 5… », faisant référence au fait que, de plus en plus, cinq générations16 17


NewDiago5/exé 21/12/07 15:56 Page 18“... Il y a au cœurde <strong>la</strong> questiondes démocratiesce problèmeessentiel dupré-engagement.Comment peut-onprendre desprécautions <strong>pour</strong>le futur ?...”peuvent se retrouver dans une même famille. Mais <strong>la</strong> notionde génération future ne peut pas se limiter à cette échellelà.La génération future, c’est ceux qui ne sont pas nés etaussi ceux qui ne connaîtront jamais les vivants actuels. Cequi recule l’échelle de mesure <strong>pour</strong> prendre en compte cette<strong>solidarité</strong>.La première difficulté à <strong>la</strong>quelle nous sommes confrontés<strong>pour</strong> réfléchir à <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong> entre générations, c’est ainsi <strong>la</strong>mesure et l’objet réel de cette <strong>solidarité</strong>.Il faut aussi tenir compte d’un autre phénomène fondamental,les sociétés démocratiques ont historiquement donné unepréférence au présent. Dans une phrase révolutionnairecélèbre, un grand constituant, Rabaut Saint-Etienne, disait :« L’histoire n’est pas notre code car s’intéresser au passé,aux générations passées, et s’intéresser aux générationsfutures distrait de ce qui est essentiel dans <strong>la</strong> révolutiondémocratique : le souci et <strong>la</strong> préoccupation <strong>pour</strong> le présent. »Cette tendance à <strong>la</strong> préférence <strong>pour</strong> le présent est unecaractéristique fondamentale de notre société, tant en termesanthropologiques que psychologiques, ou même philosophiques.En effet, les plus grands philosophes ont réfléchi à cettequestion de <strong>la</strong> préférence <strong>pour</strong> le présent. Pourquoi y a-t-ilun déséquilibre entre <strong>la</strong> considération des problèmes du futuret <strong>la</strong> considération du présent ? La réponse que <strong>la</strong> plupartdes philosophes ont donnée – Spinoza est le premier àavoir thématisé cette question – c’est que nous manquonsd’informations rationnelles. Si nous donnons une préférenceau présent, c’est parce que nous avons une connaissanceinadéquate du futur et des re<strong>la</strong>tions temporelles. Si nousavions des informations plus quantifiées, si nous avions desinformations plus sûres sur le futur, alors peut-être <strong>pour</strong>rionsnousle considérer différemment et <strong>pour</strong>rions-nous considérerdifféremment les <strong>solidarité</strong>s sur le long terme. C’est parceque nous sommes incertains sur le long terme que nous nesommes pas capables de mesurer les conditions dans lesquellesnous pouvons le prendre en compte.Comment proposer une nouvelle approche de <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong>entre générations ? C’est bien le problème qui nous est poséaujourd’hui. Il ne s’agit pas simplement de réfléchir auxconditions d’extension d’un souci de <strong>solidarité</strong>, mais de voirquelles sont les conditions générales qui permettent dereposer en termes nouveaux les problèmes de cette <strong>solidarité</strong>.Il y a d’abord des conditions politiques. Nous sommes dansdes sociétés dans lesquelles <strong>la</strong> conception de <strong>la</strong> volonté générale donnetoujours une préférence <strong>pour</strong> le présent. Les conditions mêmes dans lesquellessont traités les problèmes de <strong>la</strong> dette publique en constituent unexemple éc<strong>la</strong>tant. La difficulté qu’il y a à équilibrer le rapport entre lesdépenses du présent – et c’est le fardeau qu’on <strong>la</strong>isse aux générationsfutures – a été un thème central de réflexion <strong>pour</strong> Condorcet. Condorcetdisait : « Il y aura dans nos sociétés d’individus toujours un déca<strong>la</strong>ge entre<strong>la</strong> façon dont les vivants prélèveront <strong>pour</strong> le futur, et <strong>la</strong> façon dont nous<strong>pour</strong>rions réintégrer les éléments de ce futur dans un calcul du présent. »Quelle était <strong>la</strong> solution de Condorcet ? C’était très simple : celui qui avaitle souci de <strong>la</strong> dette publique, le trésorier national, disait-il, devait être soustraitau pouvoir exécutif. Il devait être une fonction indépendante ; il devaitêtre le représentant dans <strong>la</strong> société des intérêts du long terme. Le grandproblème de <strong>la</strong> société démocratique, toujours selon Condorcet, va être defaire coexister une volonté générale immédiate et une volonté générale quiprenne en compte le souci du long terme ; et que cette « double » volontégénérale ne peut pas simplement provenir d’une élection, mais elle doitégalement bénéficier d’un statut particulier ; un statut qui intègre <strong>la</strong>connaissance, un statut qui intègre <strong>la</strong> sagesse, un statut qui évite d’êtredépendant des ouragans ou des changements politiques.En ce qui concerne ce rapport aux générations futures, un autre auteur de<strong>la</strong> période révolutionnaire a beaucoup écrit sur cette question : Sieyès, lepère de <strong>la</strong> première Constitution française de 1791. Sieyès disait dans unpremier temps que le danger dans une société démocratique, c’était justementd’introduire trop de réflexions sur le long terme, parce que <strong>la</strong>réflexion sur le long terme – il répondait à Condorcet en ce<strong>la</strong> – échappe ausuffrage, elle échappe à <strong>la</strong> volonté générale d’une certaine façon. Elle est<strong>la</strong> voie de <strong>la</strong> sagesse ; elle est une forme de voie de <strong>la</strong> raison. Et introduiretrop de raison, trop de sagesse, c’est donner moins d’importance à <strong>la</strong>question de <strong>la</strong> volonté générale immédiate.Cette volonté générale, comment peut-elle exister <strong>pour</strong> traiter correctementdes générations ? Entre le souci du long terme qui peut être soustrait à <strong>la</strong>volonté générale et ce qui risque d’être le caprice du temps présent.Il y a au cœur de <strong>la</strong> question des démocraties ce problème essentiel dupré-engagement. Comment peut-on prendre des précautions <strong>pour</strong> le futur ?Comment peut-on d’une certaine façon fixer des limites <strong>pour</strong> tenir comptede ce futur ? C’est un problème qui est aussi un problème de psychologiec<strong>la</strong>ssique et qui a été tout à fait illustré par <strong>la</strong> fameuse attitude d’Ulysse quidemande à se faire enchaîner sur son mât. Parce que, dit-il, « si je ne mecontrains pas moi-même en me faisant enchaîner sur mon mât, ma volontérisque d’être trop faible : je vais soit vouloir rebrousser chemin, soit ne pasaffronter les épreuves. Et <strong>pour</strong> affronter vraiment les épreuves, il faut quej’accepte à l’avance de me précontraindre ». C’est une question fondamentale<strong>pour</strong> les démocraties. Les démocraties ne peuvent vivre que si1819


NewDiago5/exé 21/12/07 15:56 Page 20elles intègrent dans leur raisonnement, dans leurs institutions aussi, desformes de précontraintes, c’est-à-dire des façons de gager en quelquesorte l’avenir sur le présent.En terme institutionnel, c’est tout simplement ce à quoi sert une constitution.Qu’est-ce qu’une constitution en effet si ce n’est mettre des bornes à <strong>la</strong>volonté générale immédiate ? Qu’est-ce qu’une constitution si ce n’est –je reprends là une expression de Sieyès – chercher à donner des moyensà <strong>la</strong> Nation qui reste et qui restera, autant qu’aux générations qui passent ?C’est encadrer, par des systèmes de précaution, <strong>la</strong> volonté générale. Cettequestion est fondamentale parce qu’il n’y aura pas de solutions à de nombreuxproblèmes de <strong>solidarité</strong> si nous n’intégrons pas dans l’ordre économiqueet dans l’ordre social cette dimension des précontraintes. Et cette dimensionne <strong>pour</strong>ra pas être simplement intégrée par <strong>la</strong> voie de l’expertise.Le célèbre philosophe allemand, Hans Jonas, a d’ailleurs écrit, en 1979,“ Le principe de responsabilité ”, dans lequel il insiste sur le fait que le soucidu long terme, ne pouvant pas être pris en compte par les gardiens du présent,doit conduire à mettre en p<strong>la</strong>ce dans les sociétés des gardiens du futur. Etque ces gardiens du futur seront en quelque sorte des personnes chargéesde faire, malgré l’humanité, son bonheur à long terme. C’est seulement –toujours selon lui – s’ils arrivent à développer une sorte d’heuristique de <strong>la</strong>peur comme moyen de convaincre qu’ils <strong>pour</strong>ront trouver leur p<strong>la</strong>ce.D’où <strong>la</strong> question fondamentale : est-ce qu’il faut simplement des savantset des experts qui trouvent leur p<strong>la</strong>ce dans <strong>la</strong> société parce qu’ils fondentleur pouvoir et leur capacité de convaincre sur <strong>la</strong> peur de l’avenir et celledes catastrophes ?Il n’y a pas, me semble-t-il, dans les démocraties de chemins qui seraientsimplement dans les déterminations de ces nouvelles formes de gardiensde l’intérêt général fondé sur <strong>la</strong> science. Il faut qu’existe toujours en tensionce débat entre <strong>la</strong> démocratie de l’intérêt général et <strong>la</strong> connaissance dufutur. Cette question-là est l’une des tensions structurantes des démocratiesmodernes, et c’est <strong>pour</strong> ce<strong>la</strong> que toutes les institutions sociales doivent enpermanence <strong>la</strong> faire vivre. C’est <strong>la</strong> tâche de chacun dans <strong>la</strong> société civileque de faire vivre cette tension sur <strong>la</strong> définition de l’intérêt général, de <strong>la</strong>porter comme une question centrale, et non pas simplement comme unequestion que l’on cherche à éc<strong>la</strong>irer de temps en temps dans un rapportd’expert, et oublier le plus souvent dans <strong>la</strong> politique quotidienne.C’est un problème clé <strong>pour</strong> nous aujourd’hui que celui de l’écart qu’il y aentre les évidences de l’expertise et les lâchetés de <strong>la</strong> politique quotidienne.Réduire l’écart entre les deux, ce n’est pas simplement espérer uneconversion radicale du monde politique et projeter ce qui serait une simplepolitique du long terme. C’est une tension qui nécessite en permanenceune explication entre les différents acteurs.On <strong>pour</strong>rait dire que <strong>la</strong> vie de <strong>la</strong> démocratie aujourd’hui ne se définit plusPierre Rosanvallon, Pascal Bruckner et Didier-Ro<strong>la</strong>nd Tabuteauseulement par le fonctionnement de ces institutions, mais par l’articu<strong>la</strong>tiondes différentes temporalités dans <strong>la</strong> société. Ce qui est clé dans unedémocratie, c’est d’harmoniser les différentes temporalités, d’harmoniserle court terme et le très long terme. La question du rapport entre les générationsn’est donc pas simplement une question de sentiment social et de<strong>solidarité</strong>, elle est au cœur même de ce qui définit l’organisation d’unecollectivité qui veut se diriger elle-même : c’est-à-dire <strong>la</strong> constructiond’une histoire commune. Construire une histoire commune, c’est se rendrecompte que <strong>la</strong> société est une chaîne de générations ; qu’elle n’est pasqu’un conglomérat d’individus qui, après être passés – le mot en lui-mêmeest déjà significatif – dans l’isoloir se retrouvent <strong>pour</strong> produire <strong>la</strong> volontégénérale, mais qui essayent plutôt de donner une définition de <strong>la</strong> société,à <strong>la</strong> fois – je reprends là une expression célèbre d’Alfred Fouillée, l’un despères fondateurs de <strong>la</strong> Troisième République – un contrat et un organisme.Cette vision d’une société qui soit à <strong>la</strong> fois un contrat et un organisme, quine se définit pas simplement par le présent mais par son historicité, sa projectiondans le futur, peut renvoyer à <strong>la</strong> définition qu’Auguste Comte donnaitde l’humanité : « L’ensemble des êtres passés, présents et futurs quiconcourent librement à perfectionner l’ordre universel. »Il nous faut, me semble-t-il, <strong>pour</strong> aujourd’hui dans nos démocratiescontemporaines trouver <strong>la</strong> capacité non pas seulement d’organiser <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong>privée, mais d’inventer des nouvelles institutions de <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong>20 21


NewDiago5/exé 21/12/07 15:57 Page 22“... La question durapport entre lesgénérations estau cœur même dece qui définitl’organisationd’une collectivitéqui veut se dirigerelle-même :<strong>la</strong> constructiond’une histoirecommune...”publique, donner à <strong>la</strong> société cette définition é<strong>la</strong>rgie d’unecommunauté et d’une humanité en construction.Ce serait d’un certain point de vue aller à l’encontre de ceque souhaitait après <strong>la</strong> première guerre mondiale un MauriceBarrès qui disait : « Nos sociétés oublient trop leur passé ;nous auront accompli <strong>la</strong> révolution décisive le jour où nousauront donné un droit de vote aux morts ! » Barrès avait eneffet publié un livre, “Le Suffrage des morts”, dans lequel ilproposait que le droit de vote des soldats morts passe soità l’épouse s’il était marié – à un moment d’ailleurs où le suffrageféminin n’existait pas –, soit au père de famille. C’était doncfaire vivre <strong>la</strong> mémoire de ceux qui avait construit <strong>la</strong> société.Mais si ce souci de faire vivre ceux qui avaient construit <strong>la</strong>société a été dominant après ces temps d’épreuve de <strong>la</strong>Première Guerre mondiale, je crois que dans ces nouveauxtemps d’épreuves qui sont ceux de <strong>la</strong> coexistence d’unnombre plus important de générations, il nous faut faire uneffort équivalent. Mais dans l’autre sens, <strong>pour</strong> trouver desformes de représentation de ceux qui ne sont pas encorenés. Et comment représenter autrement que par un mandatceux qui ne sont pas encore nés ? C’est à travers <strong>la</strong>connaissance, à travers <strong>la</strong> réflexion sur les problèmes qu’ils<strong>pour</strong>ront rencontrer. Car représenter ce n’est pas simplementdonner un mandat ; représenter c’est aussi rendreintelligibles, lisibles et compréhensibles des situations dans<strong>la</strong> société.Il y a donc premièrement ces conditions que j’appelleraipolitiques et démocratiques <strong>pour</strong> reposer <strong>la</strong> question de <strong>la</strong><strong>solidarité</strong> entre générations, et le rapport entre les générationsprésentes et les générations à venir.Le deuxième volet à prendre en compte concerne lesaspects économiques. Un philosophe du droit américain,considéré comme l’un des grands philosophes du XX e siècle,John Rawls, affirme que <strong>pour</strong> définir <strong>la</strong> justice et les règlesde justice dans une société, il faudrait les définir sous voiled’ignorance. C’est-à-dire que chacun réfléchisse aux règlesde justice sans savoir à quelle génération il appartient, etsans savoir quel est son revenu. C’est une indifférence à <strong>la</strong>fois temporelle, économique et sociale qui permet, dit-il, dedéfinir <strong>la</strong> question de <strong>la</strong> justice.On a très souvent insisté chez Rawls sur <strong>la</strong> dimension économique<strong>pour</strong> parler des inégalités. Mais je crois que <strong>la</strong>question de <strong>la</strong> temporalité est là aussi essentielle, car elleinvite à une nouvelle réflexion sur les biens publics.La production des biens publics, tels qu’ils ont été c<strong>la</strong>ssiquement envisagésdans des sociétés de l’inégalité, consistait à passer d’un statut privé à unstatut social, d’un statut privé à un statut public. C’est par <strong>la</strong> socialisationd’un certain nombre de biens que l’on entendait remédier aux inégalités dedistribution de ces biens, et que l’on entendait mettre en p<strong>la</strong>ce des formesde biens publics qui échappent au mouvement de différenciation qui définit<strong>la</strong> sphère de l’économie de marché.Si l’on aborde cette question des biens publics en termes de temporalité,ce n’est plus <strong>la</strong> question d’une socialisation qui est essentielle, mais davantagecelle de l’organisation d’une dépropriation. C’est que personne ne puissese considérer comme propriétaire d’un certain nombre de biens essentiels.Rendre des biens publics, c’est affirmer que personne ne peut s’en déc<strong>la</strong>rerpropriétaire. Et c’est bien cette question-là qui est évidemment essentielle<strong>pour</strong> réfléchir aujourd’hui aux questions du rapport à <strong>la</strong> nature et de l’écologie.On <strong>pour</strong>rait dire aujourd’hui que c’est d’ailleurs cette réflexion sur le liendes temporalités qui permet de spécifier ce que peuvent être des formesde démocraties, ce que peuvent être aussi des formes de redistribution auniveau international. Ce qu’il est essentiel de construire au niveau internationa<strong>la</strong>ujourd’hui, ce n’est pas simplement de reproduire à un échelonsupérieur les institutions et les principes de <strong>la</strong> démocratie du présent, etde ce que j’appellerais « l’économie d’appropriation». Ce qui doit caractériserau premier chef le niveau international, c’est ce qui échappe justement à<strong>la</strong> volonté générale qui, elle, peut être séparée à l’intérieur des différentsEtats nations, c’est l’intégration dans une perspective de dépropriation deces questions du long terme et de ces questions du rapport entre lesgénérations.Ce<strong>la</strong> nous amène – et ce<strong>la</strong> sera mon troisième et dernier volet – à redéfinirl’Etat providence. L’Etat providence a été inventé <strong>pour</strong> gérer des problèmeset des crises. Problèmes que l’on a cherché à caractériser d’une manièreglobale comme étant des formes de risque. Donc, l’Etat providence a été<strong>la</strong> technologie assurantielle <strong>pour</strong> gérer un certain nombre de risques del’existence ; parmi lesquels les questions de l’enfance, en partie, et cellesde <strong>la</strong> vieillesse (on parle d’ailleurs d’assurance-vieillesse).Mais il me semble que le nouvel Etat providence dont ont besoin nossociétés a deux faces, il est à <strong>la</strong> fois un Etat providence de gestion desrisques par les technologies assurantielles mais, en même temps, un Etatprovidence de gestion des situations des différentes générations.Car qu’est-ce que différentes générations si ce n’est l’histoire d’un individu,sa trajectoire, son développement, le passage de ses différents âges ? Etaujourd’hui on voit bien que l’Etat providence n’a plus seulement <strong>pour</strong>fonction de réparer les pannes de l’existence, mais d’organiser et d’optimiserl’histoire des individus.22 23


NewDiago5/exé 21/12/07 15:57 Page 24“... L’égalité permanentedeschances c’estpouvoir redéfinirune optimisationde l’histoire dechacun, pouvoirdévelopper uneharmonisationdes cinq âgesde <strong>la</strong> vie...”S’il faut d’un point de vue politique organiser une sorte deprésence du temps long dans l’organisation politique duprésent, il faut dans l’Etat providence offrir en permanence<strong>la</strong> possibilité d’organiser l’histoire des individus dans leurssuccessions d’appartenance à différentes générations.C’est <strong>pour</strong> ce<strong>la</strong> que cet Etat providence se redéfinit d’unecertaine façon avec <strong>la</strong> notion d’égalité permanente deschances ; car l’égalité permanente des chances c’est à chaquemoment pouvoir redéfinir une optimisation de l’histoire dechacun, pouvoir développer une harmonisation des différentsâges de <strong>la</strong> vie – disons <strong>pour</strong> reprendre le titre qui est proposé<strong>pour</strong> cet après-midi – des cinq âges de <strong>la</strong> vie.On peut dire de cette façon que l’Etat providence lieradavantage le « redistributif » d’ordre économique et le« redistributif » dans le temps, le « redistributif » des temporalités.C’est <strong>pour</strong> ce<strong>la</strong>, me semble-t-il, que <strong>la</strong> question durapport entre les <strong>solidarité</strong>s privées et les <strong>solidarité</strong>s publiquesest fondamentale. Parce que <strong>la</strong> définition <strong>la</strong> plus simple quel’on peut donner de <strong>la</strong> famille, c’est qu’elle est une institutionqui a <strong>pour</strong> fonction de lier les sexes et les générations.Dans cette seconde fonction – de liaison des générations –,<strong>la</strong> famille est <strong>la</strong> première institution qui a été inventée parl’humanité <strong>pour</strong> opérer cette harmonisation des différentsâges de <strong>la</strong> vie. Mais cette institution ne suffit pas. Et il ne suffitpas d’opposer l’Etat providence, gérant objectif des situationsde risques, et <strong>la</strong> famille, lien entre les générations. Il fautaussi concevoir des institutions qui soient des modes deconstruction dans le temps de <strong>la</strong> continuité de l’existence dechacun.C’est, à cet égard, une définition de l’Etat providence qui<strong>pour</strong>rait être tout à fait révolutionnaire. Une définition del’Etat providence, en effet, qui ne passe pas simplement pardes cotisations, une définition de l’Etat providence qui nesoit pas seulement liée aux institutions de gestion des risques,mais une définition de l’Etat providence qui englobe unnombre beaucoup plus important d’institutions d’éducation,de soins, d’assistance.Je crois qu’il y a aujourd’hui tout un ensemble d’institutionsspécialisées dont il faut apprendre à penser dans des termesneufs <strong>la</strong> complémentarité – <strong>la</strong> complémentarité et le développementcommun. Le développement commun qui s’expliquepar le fait qu’il faut envisager maintenant que <strong>la</strong> question del’Etat providence se conçoit avec <strong>la</strong> notion de ce qu’on<strong>pour</strong>rait appeler une croissance sociale. Une croissance sociale qu’il faut,bien sûr, indexer sur <strong>la</strong> croissance économique, mais qui fait de <strong>la</strong> ressourcehumaine un ensemble défini comme une unité, ce qui devient en quelquesorte le souci essentiel du bien public.Au XVIII e siècle, l’Etat moderne s’est construit et s’est défini comme unEtat gérant des popu<strong>la</strong>tions, comme un Etat capable de mesurer sespopu<strong>la</strong>tions, de les évaluer : il en avait besoin <strong>pour</strong> le service militaire parexemple ; il en avait besoin parce que les popu<strong>la</strong>tions étaient un indicateuret un indice de <strong>la</strong> richesse économique. Il faut réinventer en quelque sortece rapport entre Etat et popu<strong>la</strong>tion. Ce n’est pas simplement en définissantde façon étroite les institutions publiques comme les institutions de l’Etatque l’on y parviendra. Mais c’est seulement si les institutions publiquessont é<strong>la</strong>rgies à une compréhension pleinement sociale de celles-ci. Si toutesles institutions sociales peuvent tisser leurs objectifs, tisser leurs actions,tisser leurs ressources et tisser aussi l’analyse et <strong>la</strong> compréhension qu’ellesont des problèmes.Car cette forme d’Etat providence n’est pas séparable d’une compréhensiontoujours accrue du fonctionnement de <strong>la</strong> société. En elle ne se séparentpas l’effort de connaissance, l’effort de lucidité et le courage de l’action.Ce rapport entre le courage de l’action et <strong>la</strong> lucidité de l’analyse, c’est probablementle but de cet après-midi qui est de faire s’interroger, de concert, à<strong>la</strong> fois des experts et des praticiens. Car c’est de ce mé<strong>la</strong>nge des expertset des praticiens que peut renaître aujourd’hui un juste souci du public etune redéfinition même du sens du politique comme production du commundans le temps et dans l’espace.Pour vous, ici présents aujourd’hui, et <strong>pour</strong> ceux qui réfléchissent à cesquestions, c’est non seulement un objectif immédiat, mais une sorte demission reconstructrice et organisatrice sur le moyen terme de ce quesont <strong>pour</strong> nous tous nos entreprises, nos actions de connaissance etd’organisation de <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong> sociale.24 25


NewDiago5/exé 21/12/07 15:57 Page 261Le lien entre les générations,une <strong>solidarité</strong> naturelle ?Agnès Rochefort-TurquinOumar DiopPascal BrucknerAnimée par Jean-Paul Bury2627


NewDiago5/exé 21/12/07 15:57 Page 28Pascal BrucknerRomancier et essayisteLE LIEN ENTRE LES GÉNÉRATIONS, UNE SOLIDARITÉ NATURELLE ?Fragiles <strong>solidarité</strong>sCamus disait : « Solitaire, solidaire », et je pense qu’il faut entendrecette phrase non pas comme l’aveu selon lequel l’hommesolidaire serait forcément isolé, mais au sens où <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong>s’applique d’abord dans des sociétés individualistes comme lesnôtres, où les personnes sont par nature atomisées, puisque nous avonsperdu ce qui reste encore dans un certain nombre d’autres sociétés et quia été défait par <strong>la</strong> Révolution française : à savoir, les anciens liens c<strong>la</strong>niques,familiaux, tribaux qui aujourd’hui n’existent plus ou pratiquement plus dansles sociétés occidentales. De même qu’ont été défaites les communautéspolitiques ou religieuses qui ont existé jusqu’aux années 60.Je partirai de <strong>la</strong> différence entre <strong>la</strong> charité et l’humanitaire. C<strong>la</strong>ssiquement,<strong>la</strong> charité chrétienne s’appliquait aux gens de sa propre paroisse ou de sapropre ville qui partageaient une même croyance. Elle s’arrêtait donc auxbornes du vil<strong>la</strong>ge, aux limites de <strong>la</strong> ville.L’humanitaire, au contraire, c’est le pari qu’autrui est mon prochain mêmelorsqu’il est loin de mon lieu de vie ; et qu’au fond, toutes les souffrancesdes hommes sont mes souffrances dans <strong>la</strong> mesure où nous sommes touségaux face aux malheurs, et que par conséquent il n’y a pas à choisir entreceux qui souffrent près de chez moi et ceux qui souffrent loin de chez moi.Il y a évidemment un double génie et de <strong>la</strong> charité et de l’humanitaire,quoique l’on ne dise plus « charité » aujourd’hui, mais plutôt « <strong>solidarité</strong> ».28 29


NewDiago5/exé 21/12/07 15:57 Page 30L’une et l’autre préfèrent le sou<strong>la</strong>gement ponctuel d’une détresse à l’attentedu salut total prôné par <strong>la</strong> justice ou <strong>la</strong> politique. Par conséquent,l’humanitaire et <strong>la</strong> charité c<strong>la</strong>ssique sont un aiguillon <strong>pour</strong> faire avancer lepolitique. Nous vivons aujourd’hui sur une sorte de trépied, car il y a troistypes de <strong>solidarité</strong> :• <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong> familiale,• <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong> étatique,• <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong> des organisations non gouvernementales.Ce sont trois modes d’intervention qui non seulement se complètent, maisne cessent de s’épauler les uns les autres, et qui provoquent entre les unset les autres une sorte d’ému<strong>la</strong>tion.La <strong>solidarité</strong> familiale – celle qui peut s’exercer des parents aux enfants,des enfants aux parents, des grands-parents aux petits-enfants – supposedeux choses : <strong>la</strong> dépendance et <strong>la</strong> dette. La dépendance parce qu’effectivementnous avons des liens très étroits avec les gens de notre famille. Ils’agit là d’une <strong>solidarité</strong> individuelle qui s’adresse à des personnesprécises, mais en même temps, c’est une <strong>solidarité</strong> qui nous rappelle aussique nous avons des dettes envers nos parents ou des dettes envers nosgrands-parents, et que nous ne pouvons pas briser cette dette facilementet qu’elle suppose aussi à un certain moment restitution.L’immense avantage de l’Etat providence, c’est l’anonymat. C’est-à-direqu’à travers l’Etat providence, à travers son intervention qui se fait sousforme de chèques ou d’aides matérielles, c’est <strong>la</strong> collectivité toute entièrequi aide les individus en perdition et qui tend un filet de protection. C’estdonc un don sans visage, un don que je n’ai pas à rembourser, puisquec’est l’Etat qui me l’envoie.Mais l’Etat providence compte deux inconvénients :• Premièrement, il ne peut pas tout. Il ne cesse d’oublier un certain nombrede <strong>la</strong>issés <strong>pour</strong> compte, les déshérités qui à ce moment-là tombent dansle domaine de <strong>la</strong> charité publique, de <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong> des organisations nongouvernementales.• Et puis l’Etat-providence – c’est une critique qui lui a été souvent faite,et notamment par Pierre Rosanvallon qui l’a bien écrit dans un de ces livres– crée des assistés. En distribuant de l’argent à un certain nombre de gens,il les décourage souvent d’entrer dans le monde de <strong>la</strong> production : c’esttout le problème des Rmistes. Mais il n’empêche que nous voyons là uneassistance problématique.Il est un troisième reproche que l’on peut faire à l’Etat providence – mêmes’il est évident qu’on ne peut pas s’en passer – il affaiblit <strong>la</strong> notion de bienpublic. En ce sens que – je ne sais plus quel sociologue le remarquait – enFrance lorsqu’on jette un papier par terre ou lorsqu’on voit des déjections“... Nous devrionsavoir <strong>la</strong> volontéde maîtriserles malheursqui dépendentde nous...”canines, on ne s’en s’occupe pas, on ne les ramasse pas,parce qu’on se dit : « La commune s’en occupera, <strong>la</strong> municipalités’en chargera, c’est le travail de l’Etat. » Nous opéronsdonc une division assez dangereuse entre le bienpublic qui finalement n’est à personne, et le bien privé : onsoigne sa maison, et dès qu’on est dans <strong>la</strong> rue, dès qu’onest dans <strong>la</strong> ville, on accepte de polluer, parce qu’on se dit« ce n’est pas de ma responsabilité ».Troisième élément : <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong> des ONG. Les ONG ontété fondées <strong>pour</strong> combattre en quelque sorte ce que lesjournalistes appellent le « kilomètre sentimental », c’est-àdirecette règle qui veut qu’un mort chez nous compte 10ou 1 000 ou 10 000 plus qu’un mort à 3 ou 4 000 kilomètres,alors que les organisations non gouvernementales ont <strong>pour</strong>principe l’universalité de <strong>la</strong> douleur, avec un souci égal <strong>pour</strong>les proches et <strong>pour</strong> les lointains.Là aussi, les ONG sont loin d’être sans reproche. D’abordparce qu’il y a trop de malheurs et nous ne savons pasexactement sur lesquels intervenir ; ensuite, parce que lesOrganisations Non Gouvernementales fondent <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong>contemporaine sur un principe qui est précisément d’ignorer<strong>la</strong> charité chrétienne, en d’autres termes <strong>la</strong> publicité.On voit bien par exemple à quel point les stars sont atteintesaujourd’hui par ce que j’appellerais « le syndrome MèreTeresa ». Quelle actrice, quel acteur n’a pas son déshérité,son sans-papiers ? Lequel ne se fait pas photographier iciou là sur les lieux d’une catastrophe ? Ce qui, là aussi, estpeut-être problématique dans <strong>la</strong> mesure où <strong>la</strong> charité c<strong>la</strong>ssiqueexigeait le secret.Autrefois, dans les années 50, il y avait des héros de <strong>la</strong>consommation ; je crois qu’aujourd’hui les médias nousmontrent en permanence des héros de <strong>la</strong> compassion. Il y adonc aujourd’hui des aventuriers de <strong>la</strong> générosité. Mais,quels que soient les défauts et les qualités de ces trois<strong>solidarité</strong>s, ce qu’on peut dire c’est que <strong>la</strong> société serait invivablesans ces petits gestes d’entraide, sans cette volontéde <strong>la</strong> part des citoyens de s’épauler, chez soi ou ailleurs.Ce<strong>la</strong> prouve que dans notre société – que l’on dit facilementégoïste et frivole – il reste une certaine transcendance de <strong>la</strong>victime, une certaine divinité du faible qui mérite d’être soulignée,car tout frivoles que nous sommes, nous n’en estimonspas moins que l’homme écrasé et persécuté mérite notreassistance.30 31


NewDiago5/exé 21/12/07 15:57 Page 32“.... La <strong>solidarité</strong>n’est pas là<strong>pour</strong> rabaisserceux qu’elle aide,mais <strong>pour</strong> lesélever et <strong>pour</strong>leur permettrede devenirà leur tourautonome....”Je proposerai, <strong>pour</strong> terminer, trois règles qui définiraient une<strong>solidarité</strong> nouvelle :• La première consisterait à vivre <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong> à travers l’amitié.Nous devrions avoir <strong>la</strong> volonté de maîtriser les malheurs quidépendent de nous, plutôt que de vouloir maîtriser desdésastres qui sont loin et dont nous ne sommes pas directementresponsables. En d’autres termes, ce<strong>la</strong> serait une<strong>solidarité</strong> à échelle humaine. Un certain nombre d’hommesdans des situations d’inondations, de catastrophes, d’accidentset d’incendies attendent de nous des secours immédiats,parce qu’ils nous sont proches. Je crois que <strong>la</strong> fraternité estd’abord de proximité dans le partage d’une même épreuve.• Deuxième règle : il est peut-être temps aujourd’hui de définirde nouveaux champs d’intervention qui combineraient <strong>la</strong><strong>solidarité</strong> collective et <strong>la</strong> responsabilité personnelle. Un certainnombre de philosophes et de sociologues ont proposé desubstituer aux catégories socio-économiques défavorisées,démunies, des catégories générationnelles. Que, par exemple,l’Etat intervienne sur les périodes intermédiaires entre chaqueâge – entre l’enfance et l’adolescence, entre l’adolescence et<strong>la</strong> maturité, entre l’âge adulte et <strong>la</strong> vieillesse, entre <strong>la</strong> vieillesseet <strong>la</strong> très grande vieillesse – qui permettent de parer les coupsdurs et de fluidifier les passages entre chaque moment.• Enfin, il y a peut-être – et c’est là où il faut se méfier – undanger de <strong>la</strong> bonté, un danger à vouloir faire le bien, à êtreen permanence dans le camp du bien. La <strong>solidarité</strong> a <strong>pour</strong>finalité de rendre un visage à celui qui n’en a pas, d’arracherdes démunis à <strong>la</strong> nuit de l’anonymat et de leur permettre demener une vie normale : le clochard dans le métro qui vientfaire <strong>la</strong> manche, qu’est-ce qu’il fait ? Un petit discours danslequel il essaye de se singu<strong>la</strong>riser, c’est-à-dire il essaye deprésenter sa demande d’argent comme étant une demandeoriginale qui justement l’arrache à <strong>la</strong> kyrielle d’autres mendiantsqu’il y a dans les rues, et qui évidemment touche lecœur et l’intérêt des passagers du métro. Il me semble que<strong>la</strong> <strong>solidarité</strong> doit faire de même : <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong> n’est pas là<strong>pour</strong> rabaisser ceux qu’elle aide, mais elle est au contraire là<strong>pour</strong> les élever et <strong>pour</strong> leur permettre de devenir à leur tourautonome.Et en ce sens, il y a – c’est vrai notamment dans l’humanitaire– un danger qui est celui de <strong>la</strong> concurrence des victimes. J’aiété pendant dix ans dans une ONG, l’AICF, et j’ai bien vucomment les différentes organisations (Médecins du Monde,OXFAM, Médecins Sans Frontières…) se disputent leursaffamés, leurs personnes en détresse, leur handicapés auprèsdes organismes financiers comme Bruxelles ou l’Etat. A ce moment-là, cene sont plus des malheureux qui cherchent une assistance, mais ce sontdes bénévoles qui cherchent des malheureux à se partager.Là, on n’est plus du tout dans le cas de l’aide, on est dans le cas d’unesorte d’abaissement où l’on édicte un certain nombre de peuples ou d’individuscomme victimes qui deviennent les objets de notre sollicitude. Ontombe alors nécessairement dans une certaine forme d’arbitraire du cœur,où l’on choisit, parmi toutes les misères du monde, celles qui nous paraissentles meilleures. Nous avons une sorte d’appétit <strong>pour</strong> le malheur qui estévidemment extrêmement ambivalente : aimons-nous les pauvres <strong>pour</strong> lessortir de <strong>la</strong> pauvreté, ou chérissons-nous <strong>la</strong> pauvreté en tant que telleparce qu’elle révèle un certain état de l’être humain qui nous paraît préférableà <strong>la</strong> richesse ?Il y a toujours une ambivalence de <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong> ou de <strong>la</strong> charité, car elles’exerce de l’extérieur sur des gens qui sont sans pouvoir. Or, le propre dumalheureux, ce qui fait même sa détresse, c’est qu’il ne peut pas rendre ledon qu’on lui accorde. Il ne peut pas rendre et étant incapable de rendre,il n’est donc pas notre égal. Il faut savoir si <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong> fabrique des égauxou si au contraire elle consacre une certaine forme d’inégalité.Dernier point : une certaine forme d’attention à <strong>la</strong> souffrance des gens peutse transformer, malgré elle, en victimisation. Je suis frappé par le faitqu’aujourd’hui on a déculpabilisé les peurs. On n’est plus coupable d’avoirpeur, alors que pendant ma jeunesse – et ce doit être le cas de <strong>la</strong> plupartdes gens qui sont là – <strong>la</strong> peur était vue comme une preuve d’immaturité,comme étant un sentiment irrationnel : n’apprenait-on pas aux petits garçonset aux petites filles à surmonter leur peur, c’est-à-dire à entendre raison ?Mais aujourd’hui, quand on écoute <strong>la</strong> télévision, quand on lit les journaux,on s’aperçoit que nous avons en permanence raison d’avoir peur : raisond’avoir peur du changement climatique, des immigrés, du poulet, ducanard, du SRAS, de <strong>la</strong> nourriture, du tabac, des portables : tout est objetde frayeur, tout nous terrorise ! Il n’est pas une ma<strong>la</strong>die qui ne soitaujourd’hui l’occasion d’un affolement et d’une panique. Peut-être nosaînés, qui ont vécu, traversé des épreuves et souvent beaucoup plus souffertque n’ont souffert les jeunes générations, <strong>pour</strong>raient-ils là jouer un rôle etpratiquer cette forme de <strong>solidarité</strong> qui serait de s’adresser à leurs enfantset petits-enfants en disant : « N’ayez pas peur, toute adversité n’est pas unmalheur, toute contrariété n’est pas une tragédie. »3233


NewDiago5/exé 21/12/07 15:57 Page 34Agnès Rochefort-TurquinDocteur en sociologie, directrice de <strong>la</strong> recherche,des études et de l’université interne du Groupe BayardLE LIEN ENTRE LES GÉNÉRATIONS, UNE SOLIDARITÉ NATURELLE ?Dans un groupe de médias,le pari de l’intergénérationnelLa <strong>solidarité</strong> intergénérationnelle est-elle naturelle ? La question sepose aujourd’hui en raison des « perturbations en ligne » dont jevoudrais énoncer les grandes caractéristiques, afin de vous montrercomment Bayard propose des réponses à ces perturbations.Notre but étant, vous l’avez deviné – de favoriser et d’entretenir les <strong>solidarité</strong>sintergénérationnelles.La première « perturbation en ligne » – Pierre Rosanvallon en a parlé etc’est le sujet de ce colloque – correspond à <strong>la</strong> multiplication des générations.Dans un groupe de presse qui s’adresse à des enfants de 1 an jusqu’à desadultes de 95 ans et plus, nous <strong>la</strong> touchons du doigt tous les jours. Nousassistons à <strong>la</strong> généralisation de cinq générations en vie en même temps,dans une même famille, ce qui modifie considérablement <strong>la</strong> donne.Le centre de gravité démographique de notre société se dép<strong>la</strong>ce : le babyboomdevient un papy-boom et donne lieu à une espèce de ventre degénérations nombreuses qui s’est dép<strong>la</strong>cé de l’enfance, à <strong>la</strong> jeunesse, à l’âgeadulte et qui atteint aujourd’hui l’âge du papy-boom, de <strong>la</strong> « sénioritude ».Les âges avancés sont beaucoup plus nombreux que les âges jeunes. Leprodigieux allongement de <strong>la</strong> durée de <strong>la</strong> vie contribue à cette modificationdu centre de gravité. Nous avons gagné plus de dix ans en quelquecinquante ans, c’est considérable, mais ce<strong>la</strong> pose des questions particulières.Chaque perturbation ajoute ses questions et interroge <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong>familiale.34 35


NewDiago5/exé 21/12/07 15:57 Page 36“... 75 % desadultes en Francepensent queles enfants aurontun niveau de vieinférieur au leur...”S’y ajoutent trois caractéristiques : <strong>la</strong> première concernel’hypersegmentation des âges. À l’intérieur d’une catégorie,on parle des seniors, des quinquas, des personnes agées,etc. On différencie et catégorise les âges. L’allongement de<strong>la</strong> durée de <strong>la</strong> vie entraîne assez logiquement de nouvellesétapes de vie. On a vu apparaître le concept d’enfance auXIX e et début XX e siècle. Puis sont venues <strong>la</strong> toute petiteenfance et les structures qui y répondaient. Plus récemment,on a vu apparaître les adolescents, les « adulescents » – cesadolescents attardés – qui se situent entre l’adolescence etl’âge adulte. Dans son dernier livre François de Singly inventeles « adonaissants ».L’hypersegmentation correspond à une tendance sociale : <strong>la</strong>spécialisation des âges risque même d’aller jusqu’à uneghettoïsation des âges. On range les enfants bien sagementpar c<strong>la</strong>sse d’âge à l’école, les vieux entre eux, les seniorsentre eux, et les personnes très âgées se retrouvent dansdes lieux spécifiques, souvent difficiles à vivre.Paul Yonnet insiste fortement et de façon très intéressantesur une autre particu<strong>la</strong>rité : l’expérience de <strong>la</strong> mort seconcentre de plus en plus aujourd’hui vers <strong>la</strong> fin de <strong>la</strong> vie,c’est-à-dire vers les grands âges. Dans le temps, on prenaitconscience de <strong>la</strong> mort plus tôt : <strong>la</strong> mortalité infantile, lesaccidents du travail, les ma<strong>la</strong>dies étaient monnaie courante.La concentration de l’expérience de <strong>la</strong> mort s’établit à présentdans un segment d’âge bien déterminé.Autre segmentation, celle liée au travail et qui concerne les30-50 ans. Avant 30 ans, il est difficile d’entrer dans le mondedu travail et, à 50 ans on commence à être soupçonné d’êtreune charge et on vous pousse vers <strong>la</strong> sortie. Il ne reste ainsipratiquement que vingt ans consacrés au travail, période oùse concentrent tous les efforts.En matière de <strong>solidarité</strong>, on doit tenir compte de l’individualisationde <strong>la</strong> société. Certains de ses effets sont extrêmementpositifs, mais <strong>la</strong> solitude et l’isolement en sont souvent lesconséquences et constituent un problème réel de l’avancéeen âge.C’est dans ce contexte global que se posent les questionsdes <strong>solidarité</strong>s. Encore convient-il d’y ajouter une donnéesupplémentaire : nous vivons une mutation de sociétéimportante qui comporte une grande incertitude de l’avenir.Rappelons seulement ce chiffre : 75 % des adultes en Francepensent que les enfants – donc les générations qui suivent– auront un niveau de vie inférieur au leur !Cette vision assez pessimiste de l’avenir a produit de nombreux livres dequinquas, d’anciens soixante-huitards, qui disent : « Mon dieu, mon dieu,qu’avons-nous fait ou que <strong>la</strong>issons-nous à nos enfants ? » La questionmérite d’être posée.Bayard est un groupe de presse qui publie des titres qualifiés entre nous de« titres accompagnateurs » parce que nous accompagnons nos lecteursdans leur vie et leur expérience de vie. Notre groupe de presse est certesune entreprise, mais une entreprise qui avance autant par conviction et parintuition que par analyse. L’intergénération y est quasi naturelle <strong>pour</strong> troisraisons :• l’entreprise a le souci de <strong>la</strong> personne et de son développement quel quesoit son âge et cherche à <strong>la</strong> mettre en re<strong>la</strong>tion avec les autres et le mondequi l’entoure,• les re<strong>la</strong>tions familiales sont considérées comme importantes et structurantes<strong>pour</strong> <strong>la</strong> personne. La famille occupe une p<strong>la</strong>ce importante dans nos journaux,• enfin, <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong> est une valeur fondamentale dans <strong>la</strong> culture de Bayard.Même si nous sommes très sensibilisés à cette question de l’intergénération,sommes-nous au rendez-vous ? Nos titres sont extrêmement segmentésen âge, ce qui peut paraître, dans un premier temps, paradoxal. Nous nousadressons à des enfants de 1 à 3 ans, puis de 3 à 6 ans, puis de 6 à 10 ans,etc. D’autres titres s’adressent aux seniors, aux personnes qui sont enpasse de prendre leur retraite. Notre Temps est un très grand titre de <strong>la</strong>presse française, et nous venons de <strong>la</strong>ncer Vivre Plus qui s’adresse auxquinquas. Mais cette segmentation en âge s’appuie sur <strong>la</strong> conviction quechaque étape de <strong>la</strong> vie est importante, et qu’elle mérite d’être accompagnéeau plus près <strong>pour</strong> aider chacun à bien <strong>la</strong> vivre. C’est cette conviction-làqui a prévalu à <strong>la</strong> naissance de titres comme Notre Temps ou Pomme d’Api.L’importance de <strong>la</strong> personne, l’importance de chaque âge, de chaqueétape de <strong>la</strong> vie <strong>pour</strong> construire les suivantes étaient déjà reconnues dansun document de l'AARP (American Association of Retired People) publiéen 1999, et qui s'intitu<strong>la</strong>it « Stratégie en vue d’une société de tous les âges ».On y disait déjà l’importance de l’interdépendance des divers âges de <strong>la</strong>vie, et combien <strong>la</strong> préparation de chaque stade de <strong>la</strong> vie constituait <strong>la</strong> basenécessaire <strong>pour</strong> faire face aux impératifs du stade suivant.Nous nous sommes assignés le but d’aider chacun à construire sa proprevie, activement, intelligemment, avec courage et optimisme sans attendreque ce<strong>la</strong> lui tombe du ciel, et sans se <strong>la</strong>isser aller à penser que sa vie luiéchappe et qu’il ne peut rien y faire.Si <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong> intergénérationnelle consiste à <strong>la</strong>isser croire que : « c’est surles autres que je peux m’appuyer uniquement et que ce<strong>la</strong> me dédouane dema propre responsabilité », ce<strong>la</strong> serait un jeu de dupe et je ne donne pascher de l’avenir de cette notion.3637


NewDiago5/exé 21/12/07 15:57 Page 38Je voudrais vous exposer à travers quelques titres de notre groupe <strong>la</strong>façon dont nous traitons les divers problèmes posés aux différents âgesde <strong>la</strong> vie, et comment les rubriques répondent aux grandes questions desociété que se posent nos lecteurs.La guerre des générations n’est plus une question taboue. La presse saitaussi affronter les questions de son temps et ne pas se voiler <strong>la</strong> face. « Laguerre des âges aura-t-elle lieu ? », ce sujet traité dans Notre Temps est aucœur de l’actualitéPascal Bruckner, Oumar Diop, Jean-Paul Bury, Agnès Rochefort-TurquinLa presse que nous publions en direction des enfants, des jeunes et desseniors répond, peut-être, à ce qu’évoquait Pierre Rosanvallon : optimiserl’histoire de chacun, donner les moyens à chacun d’optimiser son histoire.La famille revêt alors une importance toute particulière puisque c’est là quese nouent de façon concrète et intime les liens intergénérationnels : lesjournaux de l’enfance, de <strong>la</strong> jeunesse et des seniors sont des lectures bienévidemment croisées. Ce<strong>la</strong> ne paraissait pas évident, en 1966 et dans lesannées suivantes, de réaliser une presse jeunesse qui soit à <strong>la</strong> fois unepresse familiale. On pensait à l’époque que les jeunes ou les enfantsdevaient se construire indépendamment des parents et du poids qu’ilspouvaient faire peser sur eux.Chaque âge doit se prendre en charge, optimiser son histoire. Pour lesseniors, ce<strong>la</strong> passe par <strong>la</strong> santé et <strong>la</strong> prévention. L’objectif de vieillir en bonnesanté est <strong>pour</strong> Notre Temps un objectif de <strong>solidarité</strong> intergénérationnelle,le moyen de ne pas peser sur les autres générations et <strong>la</strong> responsabilitéque chacun assume de lui-même. Et là, <strong>la</strong> presse a son rôle à jouer enmatière de prévention.Le magazine aborde également <strong>la</strong> thématique du veuvage, celle des liens etde l’entraide, du divorce et de l’isolement, du respect de l’environnement…Avec d’autres titres comme par exemple Vivre Plus, le Groupe Bayard peutaider les seniors à prendre en charge leur travail, leur profession, leurcarrière, et à se maintenir au travail le plus longtemps possible sansenvisager <strong>la</strong> retraite dès 55 ans.Avec Okapi, destiné aux collégiens, l’objectif est de les aider à comprendrele monde dans lequel ils vivent et de leur donner leur part de responsabilitédans ce qu’ils vivent en <strong>la</strong>nçant une campagne d’action, dans les collègescontre les comportements violents. C’est l’opération ruban vert.Le Groupe a également proposé aux grands-parents et petits-enfants, lerécit d’une histoire à deux : « Grand-père, grand-mère, raconte-moi »Le pari de l’intergénération à Bayard est celui de <strong>la</strong> dignité de chacun àtous les âges de <strong>la</strong> vie et repose sur <strong>la</strong> conviction qu’aider chacun à vivrepleinement chaque étape de sa vie, ce<strong>la</strong> donne sens à <strong>la</strong> vie de tous.En matière de <strong>solidarité</strong>, Notre Temps, n’a jamais « vendu » <strong>la</strong> conceptiond’une retraite dorée entièrement centrée sur le rêve de passer des grandesvacances hédonistes et égoïstes. Je me souviens d’un des fondateurs deNotre Temps qui rappe<strong>la</strong>it cette recette d’existence dont ils étaient lesinventeurs : « Vous avez un agenda vide brutalement. Mais <strong>la</strong> meilleurefaçon d’être heureux quand on est à <strong>la</strong> retraite, c’est de l’organiser avecl’équilibre suivant : un tiers <strong>pour</strong> soi, un tiers <strong>pour</strong> sa famille et un tiers <strong>pour</strong>les autres et l’engagement dans <strong>la</strong> société. » C’est une règle de vie assezsimple, mais qui – beaucoup en témoignent – apporte un vrai bonheurdans cette période de <strong>la</strong> vie.38 39


NewDiago5/exé 21/12/07 15:57 Page 40Oumar DiopConseiller technique du député-maire de Dakar en chargede <strong>la</strong> promotion sociales des personnes handicapéesLE LIEN ENTRE LES GÉNÉRATIONS, UNE SOLIDARITÉ NATURELLE ?L’éternelle jeunesse au pays des vieux papaset des vieilles mamans aura-t-elle une longue vie ?En ce début du troisième millénaire, l’attention se tourne vers desphénomènes sociaux apparus à <strong>la</strong> fin du siècle dernier : levieillissement de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion à l’échelle mondiale, <strong>la</strong> diminutiondes taux de fécondité, l’augmentation du nombre et <strong>la</strong> proportiondes personnes âgées mais aussi le dép<strong>la</strong>cement des générations du babyboomdans <strong>la</strong> pyramide des âges.Les dép<strong>la</strong>cements de générations ont des conséquences négatives sur leséconomies extraverties de tous les pays du monde, même si par ailleursdes résultats positifs peuvent être notés du fait de l’apport des aînés dans<strong>la</strong> vie sociale.En effet, les progrès scientifiques et les politiques de popu<strong>la</strong>tion ont permisde réduire les taux de mortalité et d’augmenter sensiblement l’espérancede vie malgré <strong>la</strong> recrudescence des conflits armés.Selon <strong>la</strong> FIAPA (Fédération internationale des associations de personnesâgées), entre 1950 et 2000, les <strong>pour</strong>centages des personnes qui ont dépassé25 ans et 65 ans ont augmenté respectivement de 407 % et de 221 %.Ainsi <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion des personnes âgées est passée <strong>pour</strong> <strong>la</strong> même périodede 128 millions à 419 millions. Les prévisions <strong>pour</strong> <strong>la</strong> première moitié duXXI e siècle créditent les personnes âgées d’un effectif de 1,5 milliard, soit14,7 % de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion mondiale, vers 2050.40 41


NewDiago5/exé 21/12/07 15:57 Page 42Aussi, ne devrait-on pas s’interroger davantage sur le sort qui sera réservéà ces jeunes dont l’accès au marché de l’emploi est moins difficile que tardif ?Mais encore plus sur celui des vieilles mamans et des vieux papas qui sontadmis à faire valoir leur droit à <strong>la</strong> retraite, alors que leur savoir-faire et leursaptitudes physiques sont utiles à l’humanité ?Quel type de <strong>solidarité</strong> alors faudra-t-il ? Quelle logique devrait-on privilégierdans les stratégies de prise en charge des problèmes dus au cas des aînés ?Une logique ségrégative ? Une logique intégrative ?Mon intention est d'évoquer les logiques d’intervention des pays africains etoccidentaux auprès des nouvelles et anciennes générations, et je termineraien abordant le vieillissement actif.Je voudrais citer le livre de Bernadette Puijalon et Jacqueline Trincaz,“ Le Sage et le fardeau ”, où l’on montre bril<strong>la</strong>mment que l’image de <strong>la</strong> vieillessepeut changer du tout au tout selon les sociétés. Alors qu’en Afrique<strong>la</strong> vieillesse peut être détentrice du savoir et du pouvoir, le vieux est perçucomme socialement inutile en Occident. La vieillesse est tout autant uneconstruction historique et culturelle que naturelle, obéissant à une infinitéde variables personnelles. Elle est l’ultime étape d’une ascension vers <strong>la</strong>plénitude du savoir et du pouvoir. Les cultures africaines voient à travers <strong>la</strong>vieillesse l’accomplissement et <strong>la</strong> résultante du processus de développementde l’être humain.B. Puijalon et J. Trincaz soulignent toujours à ce propos <strong>la</strong> supériorité desaînés sur les cadets dans les sociétés traditionnelles où le critère d’âgeprédomine dans les re<strong>la</strong>tions interpersonnelles, intragroupes et intergroupes.Dans ces systèmes où l’oralité triomphe, le savoir est l’apanage des plusanciens. Il ne s’agit pas tant de savoir technique vite assimi<strong>la</strong>ble par toutle monde, que du savoir mythique. Amadou Hampaté Bâ, écrivain malien,soulignait à ce sujet que les personnes âgées étaient détentrices du savoiret du savoir-faire, et qu’en Afrique, quand un vieil<strong>la</strong>rd mourait, c’était unebibliothèque qui brû<strong>la</strong>it.Aussi, <strong>la</strong> Fédération des associations de retraités et de personnes âgéesdu Sénégal (FARPAS) considérant <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce des aînés et son rôle d’auxiliairede l’Etat, notamment dans les collectivités locales, a prévu <strong>la</strong> création deconseils des sages dans le cadre du processus de décentralisation.Depuis 1974, au Sénégal, se met en p<strong>la</strong>ce une décentralisation qui évolueassez rapidement. Les conseils des sages ont été créés dans ce processusde décentralisation et d’accompagnement des projets et programmes dedéveloppement local. Les personnes âgées sont donc au cœur du processusde développement socio-économique dans <strong>la</strong> plupart des pays africainsdans lesquels l’intégration intergénérationnelle est une réalité sécu<strong>la</strong>ire.Cependant, il faut souligner que dans les grandes agglomérations urbainestelle que Dakar, eu égard à <strong>la</strong> pauvreté et l’affaiblissement des re<strong>la</strong>tionsAuditorium du musée du quai Branlysociales, l’intervention auprès des personnes âgées ne vise plus seulementdes popu<strong>la</strong>tions menacées par l’insuffisance de leur ressources matérielles,mais aussi celles qui, à cause de cette insuffisance, seront fragilisées parleur détachement du tissu re<strong>la</strong>tionnel.Ainsi, <strong>pour</strong> prévenir <strong>la</strong> désaffiliation, c’est-à-dire <strong>la</strong> rupture du lien social, <strong>la</strong>FARPAS envisage entre autres projets de mettre en œuvre, partout auSénégal, des Cellules d’aide et d’appui aux personnes âgées (CAAPA),dont <strong>la</strong> première mission serait d’animer des activités combinant initiativeéconomique et <strong>solidarité</strong> synchronique et diachronique. En revanche, lessociétés occidentales nomment perte, handicap, voire déchéance, toutesles preuves d’une métamorphose d’une personne âgée vers les différentsstades de sa vie. Selon elles, le vieux ne peut pas être un sage car il divague.En Occident, jusqu’à ces dernières années, les théories et modes d’actionse construisaient dans un contexte où dominait l’attitude ségrégative,sous-tendue par l’idée selon <strong>la</strong>quelle <strong>la</strong> vie humaine est composée depériodes successives, où après les phases de croissance, de maturité etd’apogée viennent le déclin, <strong>la</strong> chute, avant <strong>la</strong> fin inéluctable et irréversible.Confrontées à l’allongement sans précédent de l’espérance de vie et àl’augmentation constante du nombre des personnes âgées, ces sociétés enviennent à énoncer deux mots d’ordre : prévention individuelle et <strong>solidarité</strong>42 43


NewDiago5/exé 21/12/07 15:57 Page 44de tous envers les vieux les plus démunis. Pendant <strong>la</strong> vieillesse,l’intervention est orientée dans les pays occidentaux vers <strong>la</strong> prise encharge médicale et l’assistance sociale.L’évaluation des objectifs prioritaires en réadaptation privilégie des facteurspersonnels d’ordre biomédical <strong>pour</strong> toute situation de handicap vécue par<strong>la</strong> personne âgée. Or, <strong>la</strong> théorie du processus de production du handicap,bien intégrée dans <strong>la</strong> dernière version de <strong>la</strong> CIF – <strong>la</strong> C<strong>la</strong>ssification internationaledu fonctionnement – du handicap de <strong>la</strong> santé explique <strong>la</strong> situationde handicap comme <strong>la</strong> résultante de facteurs socio-environnementaux : ily a des facilitateurs et des obstacles qui déterminent les habitudes de viedes personnes.Suivant ces raisonnements du processus de production des handicaps, <strong>la</strong>participation sociale des personnes âgées est donc tributaire :• d’une part, de <strong>la</strong> capacité ou l’incapacité à réaliser les habitudes de vie ;• et d’autre part, de facilitateurs ou d’obstacles conditionnant l’accessibilité.La représentation qu’une société a d’un âge de <strong>la</strong> vie n’est en rien significativedu traitement qu’elle lui réserve.Ainsi, malgré les logiques et croyances sécu<strong>la</strong>ires, des changementsnotoires s’opèrent en Afrique où l’urbanisation et <strong>la</strong> sco<strong>la</strong>risation modifientconsidérablement le système communautaire et gérontocratique dessociétés traditionnelles rurales.Selon <strong>la</strong> FIAPA, à chaque fois que l’on étudie le vieillissement, on p<strong>la</strong>ce <strong>la</strong>santé au premier p<strong>la</strong>n, convaincus que celle-ci est un sujet clé en matièrede conditions de vie. Le départ d’un travailleur <strong>pour</strong> aller à <strong>la</strong> retraite nesignifie pas <strong>pour</strong> autant <strong>la</strong> détérioration de son état de santé. L’âge de <strong>la</strong>retraite n’est donc pas conditionné par l’aptitude physique, mais plutôt parles légis<strong>la</strong>tions sociales et les calculs relevant de l’économie de marché etde l’économie politique.Dans le domaine de l’économie sociale et solidaire, le travail des personnesâgées, même s’il ne fait pas toujours l’objet d’évaluation, est productif etreprésente une part importante dans l’économie nationale. Ne <strong>pour</strong>rait-ondonc poser <strong>la</strong> question de savoir quelle est alors <strong>la</strong> part directe ou indirectede <strong>la</strong> contribution des personnes âgées dans l’économie mondiale ?Une étude menée au Sénégal, en 1999, par <strong>la</strong> Direction de l’action sociale– qui, chez nous, est nationale – portant sur les conditions socio-économiquesdes personnes handicapées, montrait que les dépenses des couples depersonnes âgées étaient supérieures de 25 % à celles des couples jeunes.Les projections démographiques montrent que <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion du grand âgene fera que croître, <strong>la</strong> majorité se situera entre 80 et 90 ans. Malheureusement,il y aura moins de conjoints et d’enfants <strong>pour</strong> prendre soin du grand âge,“... Il fautenclencher auniveau local,nationalet internationalun partenariatpermettant auxaînés de serevaloriser et departiciper auprocessus dedéveloppementsocioéconomique...”et actuellement rien ne permet de dire que les futurs aînésseront en meilleure santé que ceux d’aujourd’hui.Il n’est donc pas certain de pouvoir compter sur le mythe del’éternelle jeunesse des générations du baby-boom. Le vieillissementactif semble être selon <strong>la</strong> FIAPA <strong>la</strong> clé permettantà tous les citoyens de participer au développement dessociétés.Nous pensons qu’il faut enclencher au niveau local, nationalet international un partenariat permettant aux aînés de serevaloriser et de participer au processus de développementsocio-économique de leur Nation.La notion du vieillissement productif ou actif renvoie àl’approche participative du développement fondé sur leprincipe de subsidiarité. Il est moins le fait de garder lespersonnes âgées au travail que d’identifier une stratégieglobale d’adaptation au vieillissement de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion entenant compte des enjeux socio-économiques, ainsi que de<strong>la</strong> responsabilité respective de chaque acteur.L’ambition de créer au Sénégal, grâce au partenariat dessociétés civiles et de l’Etat, des conseils de sages et desCAAPA (cellules d'aide et d'appui aux personnes âgées)renvoie au vieillissement productif ou actif. Pour que cetteambition devienne réalité, il faut donc une bonne politiqueintergénérationnelle qui permettrait de :• combattre <strong>la</strong> discrimination par rapport à l’âge,• construire des réseaux de <strong>solidarité</strong>,• privilégier <strong>la</strong> stratégie des revenus et n’avoir recours à <strong>la</strong>stratégie d’aide que <strong>pour</strong> les personnes âgées non autonomeset isolées,• donner l’occasion aux aînés, détenteurs de savoirs et desavoir-faire, de participer pleinement à tous les niveaux dedéveloppement de <strong>la</strong> société,• repenser aussi les rapports humains en rétablissant une<strong>solidarité</strong> diachronique, et substituer le mythe du sage à celuidu fardeau ,• enfin, mettre en p<strong>la</strong>ce un système de veille et de prospectivesociale – type observatoire – sur le vieillissement.4445


NewDiago5/exé 21/12/07 15:57 Page 462Du mythe à <strong>la</strong> réalité, quelles conditions<strong>pour</strong> permettre aux <strong>solidarité</strong>s d’exister ?Hélène ParisA<strong>la</strong>in Bentoli<strong>la</strong>Etienne-Emile BaulieuJean-C<strong>la</strong>ude CuninAnimée par Jean-Marie Nazarenko4647


NewDiago5/exé 21/12/07 15:57 Page 48Hélène ParisDirectrice des statistiques, des études et de <strong>la</strong> rechercheCaisse Nationale des Allocations FamilialesDU MYTHE À LA RÉALITÉ : QUELLES CONDITIONS POUR PERMETTREAUX SOLIDARITÉS D’EXISTER ?Présentation des données d’opinion surles <strong>solidarité</strong>s intergénérationnellesJe souhaiterais apporter quelques éléments de définition d’abord :c’est-à-dire préciser à partir de quand parle-t-on de <strong>solidarité</strong>sintergénérationnelles. Puis, quelques données rapides de cadragedémographique, et enfin, quelques résultats d’une enquête qui aété conduite au début de cette année et qui posait des questions d’opinionsur les <strong>solidarité</strong>s familiales ou intergénérationnelles.Quelques définitionsAborder <strong>la</strong> question de <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong> intergénérationnelle, c’est en fait traiterde deux sujets distincts et <strong>pour</strong>tant interdépendants. D’une part, leséchanges au sein de <strong>la</strong> famille, les <strong>solidarité</strong>s familiales, et d’autre part, leséchanges organisés, « le système public de redistribution ». On peut doncdistinguer ce qui relève strictement des <strong>solidarité</strong>s intergénérationnelles dece qui relève des <strong>solidarité</strong>s familiales. Les <strong>solidarité</strong>s intergénérationnellessont régies par des règles établies de <strong>la</strong> Société comme les transmissionsentre générations, l’entraide entre les générations et, les <strong>solidarité</strong>s familialesqui peuvent notamment s’exercer au niveau de <strong>la</strong> parenté vers les ascendantsou les descendants.Plus concrètement, ces <strong>solidarité</strong>s familiales ou intergénérationnelles setraduisent bien évidemment par le système de retraite par répartition, lesaides informelles au sein de <strong>la</strong> famille, qu’elles soient monétaires ou nonmonétaires, les transmissions de patrimoine ; ou même – traduction juridi-48 49


NewDiago5/exé 21/12/07 15:57 Page 50que des <strong>solidarité</strong>s au sein de <strong>la</strong> famille notamment – l’obligation alimentaire,ou encore des manifestations de <strong>solidarité</strong> nationale comme les minimasociaux.Pour organiser <strong>la</strong> réflexion autour de cette thématique des <strong>solidarité</strong>s intergénérationnelles,on peut avoir recours à un schéma assez c<strong>la</strong>ssique detrois générations imbriquées <strong>pour</strong> essayer de représenter les chosessimplement mais de façon par<strong>la</strong>nte. En fait, ce<strong>la</strong> correspond à un cyclede vie de trois périodes, dont deux correspondent à des périodes ditesde dépendance :• d’abord <strong>la</strong> jeunesse, que l’on désigne par <strong>la</strong> lettre J,• <strong>la</strong> vieillesse, une fois passée <strong>la</strong> vie active, <strong>la</strong> vieillesse retraitée, ou V,• et l’étape intermédiaire qui correspond à <strong>la</strong> période de <strong>la</strong> vie active, soit<strong>la</strong> période dite A.Ce cycle c<strong>la</strong>ssique qui s’appelle JAV symbolise les trois étapes du cyclede vie. Et dans cette étape de <strong>la</strong> vie active, les actifs correspondent à cequ’on appelle <strong>la</strong> génération pivot, c’est-à-dire que ce sont eux qui fournissentl’essentiel des transferts de bien-être vers les ascendants – <strong>la</strong> générationvieillesse – ou vers les descendants, donc les jeunes.Pourquoi évoquer ce<strong>la</strong> ? C’est que <strong>la</strong> question ne va pas de soi, les chosesne s’organisent pas de façon naturelle dans le sens où il existe ce que l’onappelle « le dilemme des générations » qui découle de l’absence de contratprivé de long terme entre les générations. En effet, rien ne permet auxparents d’âge actif d’engager leurs enfants dans un contrat du type « jet’éduque aujourd’hui, à charge <strong>pour</strong> toi demain de subvenir à mes besoins,quand je serai plus âgé, quand je serai à l’âge V ». Cette question de fondqui oblige à réfléchir à l’économie des générations devient même unequestion philosophique : peut-on compter sur l’altruisme des individus<strong>pour</strong> leur descendance ? Ou l’Etat doit-il représenter les absents et les jeunesenfants, et finalement se porter garant des intérêts de <strong>la</strong> coopération desgénérations futures ? Se posent alors des questions assez essentielles :• quel est le niveau optimal des transferts entre les générations ?• faut-il concentrer l’aide sur les retraités ou sur les enfants ?• y a-t-il complémentarité ou <strong>solidarité</strong> entre le public et le privé ?Les réponses ne sont pas très é<strong>la</strong>borées. Ce qui est important, c’est queces échanges entre les générations, en particulier <strong>la</strong> couverture desrisques propres à <strong>la</strong> jeunesse et à <strong>la</strong> vieillesse, sont confrontés aujourd’huiaux enjeux actuels de <strong>la</strong> crise des systèmes de protection sociale et ce<strong>pour</strong> trois raisons au moins :• <strong>la</strong> première difficulté re<strong>la</strong>tive, sinon absolue, du sort des nouvelles générations.On peut noter en particulier les difficultés d’insertion professionnelleet patrimoniale des jeunes adultes,“... Peut-oncompter surl’altruisme desindividus <strong>pour</strong> leurdescendance ?Ou l’Etat doit-il seporter garant desintérêts de <strong>la</strong>coopérationdes générationsfutures ?...”• deuxième difficulté : l’envolée des transferts publics – destransferts liés à l’assurance ma<strong>la</strong>die et à l’assurance retraite– à destination des personnes les plus âgées qui pose naturellement<strong>la</strong> question de <strong>la</strong> viabilité financière des régimessociaux,• troisième difficulté : l’instabilité et <strong>la</strong> vulnérabilité croissantedes familles qui fragilisent l’édifice. Ce<strong>la</strong> se compliquelorsque l’on parle de <strong>solidarité</strong> familiale et, en face, defamilles fragilisées. On y trouve sa traduction notammentdans <strong>la</strong> progression de familles monoparentales précarisées,également dans les séparations et <strong>la</strong> forte réduction de <strong>la</strong>fécondité. La France fait un peu exception par rapport àd’autres pays. Chez nous, le taux de fécondité reste à unniveau re<strong>la</strong>tivement élevé, en tous cas bien plus élevé quedans d’autres pays européens.Quelques données démographiquesLe vieillissement de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion constitue un défi particulièrementimportant à relever. Rappelons que le vieillissementest un phénomène inéluctable en France, comme dans tousles pays développés. Il est <strong>la</strong> traduction avant tout de l’augmentationde l’espérance de vie, ce dont, naturellement,nous ne pouvons que nous réjouir.Selon les estimations actuelles, plus de 80 % des femmes de<strong>la</strong> génération 1956 peuvent espérer atteindre l’âge de 80 ans,alors que cinquante ans plutôt, c’est-à-dire <strong>la</strong> génération de1906, elles n’étaient que 40 %. L’allongement de l’espérancede <strong>la</strong> vie a <strong>pour</strong> conséquence de rendre plus fréquente <strong>la</strong>coexistence de plusieurs générations.Pour donner une représentation encore simple, mais assezillustrative du vieillissement, on a coutume de présenter descourbes d’évolution de parts de popu<strong>la</strong>tion avec les jeunesd’un côté – c’est-à-dire, les très jeunes, les jeunes enfantsde 0 à 4 ans – d’une part, et les personnes âgées de plus de60 ans de l’autre. Les jeunes de 0 à 4 ans représentaientprès de 10 % de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion en 1950, et ils ne seraient plusque 5 % en 2050, cent ans plus tard. S’agissant des personnesplus âgées, les plus de 60 ans représentaient 16 % de <strong>la</strong>popu<strong>la</strong>tion en 1950, et <strong>la</strong> proportion double exactement àl’horizon 2050, soit 32 %.Le phénomène est massif. Une hypothèse de taux de féconditéplus ou moins forte et optimiste ne change pas fondamentalementles choses : il y a un phénomène de vieillissement,qui est une donnée de fond.5051


NewDiago5/exé 21/12/07 15:57 Page 52“... près de 8personnessur 10 disentqu’il est du rôledes ascendants,des parentsou des grandsparentsd’aiderfinancièrementleurs enfants...”L’autre façon de représenter les choses conduit à évoquer <strong>la</strong>notion de « taux de dépendance démographique » qui engénéral se partage en deux parties. Il y a ce qu’on appelle letaux de dépendance démographique des jeunes, donc desmoins de 14 ans, d’une part et, d’autre part, le taux dedépendance démographique des personnes âgées quireprésente le rapport des personnes de plus de 65 ans à <strong>la</strong>popu<strong>la</strong>tion des 15-64 ans.Une fois ces deux taux agrégés – le taux de dépendancedémographique des jeunes et le taux démographique despersonnes âgées – on obtient un taux global de dépendancedémographique qui représente le poids des personnes ensituation de dépendance par rapport à <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion d’âgeactif. Les projections démographiques montrent que ce tauxde globale dépendance démographique devrait progresserde 20 points en cinquante ans, entre l’année 2000 et l’année2050. En 2000, on considère qu’il y a près de 2 actifs <strong>pour</strong> 1dépendant, en 2050 il devrait y avoir 1,3 actif <strong>pour</strong> 1 dépendant.Ce taux global, qui progresse de façon très importante,montre bien le poids qui pèse sur cette génération dite pivot.En raison du vieillissement de cette popu<strong>la</strong>tion et de <strong>la</strong>préoccupation plus prononcée à l’égard de <strong>la</strong> dépendance –cette fois-là en termes de <strong>la</strong> période non autonome de <strong>la</strong> vie,c’est-à-dire de dépendance physique – on s’en remet deplus en plus aux <strong>solidarité</strong>s familiales <strong>pour</strong> mieux les connaîtreet mieux les appuyer le cas échéant.Dans le cadre d’une enquête baromètre d’opinion conduiteau début de cette année par le Crédoc, plusieurs questionsont été posées. Elles portaient sur notre système de protectionsociale en général, sur le problème particulier de <strong>la</strong> conciliationvie familiale/vie professionnelle auquel <strong>la</strong> branche famille esttrès attentive, et également sur les <strong>solidarité</strong>s intergénérationnelles.Comme vous le savez, c’est un thème qui avaitété retenu <strong>pour</strong> <strong>la</strong> conférence « famille » de cette année.Deux types de <strong>solidarité</strong> ont été questionnées : <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong>à l’égard des jeunes adultes et <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong> à l’égard despersonnes âgées.Tout d’abord, quelques résultats importants sur <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong>à l’égard des jeunes adultes. La question testée ici était desavoir si les Français estiment normal de continuer à aiderun enfant qui a quitté le foyer parental ? Cette aide ne risquet-ellepas d’être déresponsabilisante ? A cette question, lesFrançais réfutent aux deux tiers l’idée selon <strong>la</strong>quelle les jeunesAuditorium du musée du quai Branlyrisqueraient d’être déresponsabilisés. Il est assez frappant de voir qu’il yune constance dans l’opinion depuis dix ans sur ce sujet. Ils considèrentnormal de continuer à aider les jeunes, quelle que soit d’ailleurs <strong>la</strong> catégoriesocio-professionnelle qui a pu être interrogée. Tout le corps social montreun grand consensus sur ce sujet.En posant des questions un peu plus spécifiques sur les aides financières,l’enquête montre là aussi les soucis de chacun à voir les ascendants assurerle bien-être de leurs enfants, y compris à un âge de jeunes adultes. Ainsi,près de 8 personnes sur 10 disent qu’il est du rôle des ascendants, desparents ou des grands-parents d’aider financièrement leurs enfants. C’estune évidence qui est exprimée dans l’opinion, encore une fois auprès detous les groupes sociaux interrogés.Si l’on pousse un peu plus loin dans les détails et que l’on imagine le casd’un jeune de 20 à 25 ans qui ne vit plus chez ses parents et connaît desdifficultés d’argent, considère-t-on encore qu’il est du devoir de sesparents de l’aider ? En est-il de même <strong>pour</strong> les grands-parents ? Là encore,les réponses des Français interrogés sont massives : <strong>pour</strong> 86 % despersonnes interrogées, il est du devoir des parents d’aider ces jeunesen difficulté, même s’ils ne vivent pas dans le foyer parental.En ce qui concerne <strong>la</strong> réponse du devoir des grands-parents, <strong>la</strong> réponseest un peu moins c<strong>la</strong>ire, moins tranchée, puisqu’il y a une courte majoritéà 55 % <strong>pour</strong> dire qu’il est du devoir même des grands-parents d’aider lesjeunes qui <strong>pour</strong>raient connaître des difficultés.5253


NewDiago5/exé 21/12/07 15:57 Page 54“... La perted’autonomiechange l’opinion<strong>pour</strong> apprécier lesresponsabilitésde prise encharge : dans cecas les Françaisse tournentd’abord vers l’Etatou les collectivitéslocales...”Pour <strong>la</strong> réponse concernant les grands-parents, il est intéressantde noter que plus les personnes interrogées sont âgées– par conséquent davantage en situation d’être grands-parentset d’aider les jeunes – plus elles se trouvent enclines à semontrer favorables à l’aide vis-à-vis des jeunes en difficulté.Tandis que les plus jeunes interrogés – plutôt en situationd’être les jeunes à pouvoir bénéficier d’une aide – sont plusréticents, finalement, à bénéficier d’une aide en provenancedes grands-parents.A propos des questions financières, les Français ont étéégalement interrogés sur les souhaits concernant les successions.L’espérance de vie ne cessant de s’allonger, <strong>la</strong>perception des héritages se fait au profit des récipiendairesde plus en plus âgés, et <strong>la</strong> question était de savoir si cetapport n’arrivait pas un peu trop tard. Ne convenait-il pasd’encourager les donations du vivant des parents ? A cettequestion, une <strong>la</strong>rge majorité – près de 70 % des personnes– se déc<strong>la</strong>re favorable à une transmission d’une partie dupatrimoine du vivant des parents. Voilà une opinion qui progresse,puisqu’elle est encore plus marquée qu’il y a dix ans.L’autre option – ne privilégier que <strong>la</strong> transmission après ledécès des parents – n’est défendue que par 30 % desFrançais.Des questions ont également été posées sur les <strong>solidarité</strong>sà l’égard des personnes âgées. Dans un premier temps, <strong>la</strong>question portait sur des situations dans lesquelles lesparents sont âgés – plus de 70 ans – et bénéficient encored’une vie autonome. Plus encore qu’à l’égard des jeunesadultes, les résultats montrent qu’il est évident <strong>pour</strong> lesFrançais qu’une aide financière auprès des parents âgés etvalides s’impose en cas de besoin. Là encore, un grandconsensus existe dans tout le corps social <strong>pour</strong> répondredans ce sens.Qu’en est-il du principe de l’aide aux grands-parents âgésautonomes ? Autrement dit, les petits-enfants doivent-ilsaider leurs grands-parents en cas de difficultés financières ?Une courte majorité de 54 % se prononce en faveur d’uneaide à l’égard des grands-parents. Mais là encore, <strong>la</strong> réponseest moins franche et moins massive et, suivant les personnesinterrogées, il y a des nuances assez fortes entre les milieuxruraux et urbains notamment, et les niveaux de revenus despersonnes interrogées.Dernière question qui nous semb<strong>la</strong>it importante : s’agissantdes <strong>solidarité</strong>s à l’égard des personnes âgées, qu’en est-illorsqu’il y a une situation de dépendance ? c’est-à-dire lorsqueles personnes ont des troubles du comportement, connaissent des handicapset ne peuvent plus mener une vie de totale autonomie <strong>pour</strong> accomplirdes gestes de <strong>la</strong> vie quotidienne.Ce qui est intéressant dans ce cas particulier, c’est que <strong>la</strong> perte d’autonomiechange l’opinion <strong>pour</strong> apprécier les responsabilités de prise en charge.Dans ce cas les Français se tournent d’abord vers l’Etat ou les collectivitéslocales : 41 % des personnes au total se prononcent <strong>pour</strong> une solution deprise en charge d’ordre public – Etat ou collectivités locales – les enfantsou <strong>la</strong> famille proche viennent en deuxième position, avec un taux deréponse de 36 %.Cette question, déjà posée il y a dix ans, montrait une réponse assezdifférente : il y avait alors majoritairement une prise en charge de <strong>la</strong> familledésignée comme première solution à préconiser, alors que dix ans plustard, on voit que c’est vraiment en priorité vers <strong>la</strong> puissance publique queles Français semblent vouloir se retourner <strong>pour</strong> une prise en charge despersonnes âgées en situation de dépendance. La perte d’autonomie despersonnes âgées met à mal, dans l’opinion, le principe de <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong>familiale.Le sujet de <strong>la</strong> dépendance, est d’ailleurs devenu l’une des trois principalespréoccupations des Français. Parmi neuf problèmes sociaux générauxen France, les trois principales préoccupations des français sont dansl’ordre : le traitement de <strong>la</strong> pauvreté et l’exclusion, le financement desretraites et <strong>la</strong> prise en charge des personnes âgées dépendantes (enprogression très forte par rapport à <strong>la</strong> même question posée il y a dix ans).La préoccupation liée à <strong>la</strong> dépendance est devenue de premier p<strong>la</strong>n avecles résultats de cette enquête très récente. Elle a gagné 20 points en dix ans.Le financement des retraites et <strong>la</strong> prise en charge des personnes âgéesdépendantes sont aussi le reflet du vieillissement de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion, etdeviennent donc un souci majeur.5455


NewDiago5/exé 21/12/07 15:57 Page 56A<strong>la</strong>in Bentoli<strong>la</strong>Vice-président de <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> <strong>Caisses</strong> d’Epargne <strong>pour</strong> <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong>et professeur de linguistique à l’Université de Paris VDU MYTHE À LA RÉALITÉ : QUELLES CONDITIONS POUR PERMETTREAUX SOLIDARITÉS D’EXISTER ?La réussite éducative, socle d’une <strong>solidarité</strong>intergénérationnelle ?Nous sommes aujourd’hui ensemble <strong>pour</strong> fêter le cinquièmeanniversaire d’une <strong>Fondation</strong> qui fonctionne sur deux pieds, etc’est un truisme de dire que ses deux pieds lui permettentd’avancer. Le premier, c’est l’autonomie <strong>pour</strong> les personnesâgées. Le second, c’est l’exclusion par l’illettrisme.Je voudrais rappeler ce<strong>la</strong> parce que c’est important : quand Clément Wurtza « fabriqué » cette <strong>Fondation</strong> – puisque c’est lui le fabricant de cette<strong>Fondation</strong>, il faut lui rendre cet hommage – puis quand Charles Milhaud adécidé de faire que cette <strong>Fondation</strong> s’occupe à <strong>la</strong> fois des personnesâgées et des jeunes adultes en situation d’illettrisme, ce<strong>la</strong> n’a pas été faitpar hasard mais par conviction. Cette conviction s’appuyait sur le fait quequand on parle d’illettrisme, on ne parle pas simplement de gens qui fontdes fautes d’orthographe, de gens qui parlent différemment de nous, degens qui lisent moins ou plus mal que nous. On parle de gens qui sont privésde ce qui est le plus proche de <strong>la</strong> spécificité humaine : cette capacité defaire passer dans l’intelligence d’un autre sa propre pensée, avec <strong>la</strong> volontéd’être compris au plus juste de ses intentions.L’illettrisme touche <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue en plein cœur ! Non seulement dans sa formeécrite, parlée, mais aussi dans cette capacité effective à aller vers lesautres, à s’ouvrir et à comprendre que <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue n’est pas faite <strong>pour</strong> parlerà un autre moi-même. La <strong>la</strong>ngue orale, comme <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue écrite, est faite<strong>pour</strong> parler au plus étranger parmi les étrangers, <strong>pour</strong> lui dire les chosesles plus étranges possibles. J’insiste là-dessus parce que nous sommes là5657


NewDiago5/exé 21/12/07 15:57 Page 58au cœur de <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong> sociale, nous sommes là au cœur des liens sociaux.Si nous ne voulons pas que notre société soit un amalgame de petitescommunautés qui se déchirent, alors effectivement nous avons à nouspréoccuper de cette capacité d’aller vers l’autre, de lui donner des mots etde recevoir les siens. C’est vers cette perspective honorable, forte etnécessaire, que cette <strong>Fondation</strong> s’est engagée. Elle s’est engagée parceque l’illettrisme, tel que je le décris là, a deux conséquences qui, l’une etl’autre, nous inquiètent.La première de ces conséquences est que, lorsqu’on n’a pas les mots <strong>pour</strong>dire le monde, quand on n’a pas <strong>la</strong> capacité d’argumenter, d’expliquer, onn’a pas non plus <strong>la</strong> capacité de réfuter. Et quand on n’a pas <strong>la</strong> capacité deréfuter, quand on n’a pas <strong>la</strong> capacité d’interroger l’autre, on n’a pas <strong>la</strong>capacité de considérer que <strong>la</strong> valeur d’un discours n’est pas fonction dustatut de celui qui le tient, non plus qu’un texte de celui qui l’écrit. Un discoursvaut par ce qu’il est, et par son contenu, et par ceux qui le véhiculent. Cesjeunes en situation d’illettrisme sont des jeunes vulnérables dans un mondedangereux. Nous avons le devoir de leur donner les instruments qui fontde ces jeunes des résistants intellectuels. Aujourd’hui plus que jamaisnous avons ce devoir. C’est là une des choses extrêmement importantes.Et s’il n’y avait qu’une seule chose <strong>pour</strong> justifier notre action, ce serait celle-là.La seconde de ces conséquences – qui est toute aussi importante – estque, lorsque <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue n’articule pas <strong>la</strong> pensée, quand elle ne <strong>la</strong> pèse pas,<strong>la</strong> violence n’est alors pas loin. Ces f<strong>la</strong>mbées de violence urbaine que l’onn’arrive pas à contenir, cette violence brutale, tournée souvent sur soi-même,on ne peut pas penser qu’elle soit due uniquement à une volonté de nuire.On peut aussi penser que c’est cette incapacité d’aller vers les autres,cette incapacité d’expliquer ce que l’on est, ce que l’on veut, ce dont onrêve, qui fait que cette pensée qui ne s’apaise pas dans le fil des mots estune pensée qui cogne aux parois d’un crâne jusqu’à l’exaspération. Il y ade toute évidence une re<strong>la</strong>tion entre <strong>la</strong> non maîtrise de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue – et là“... Si nous nevoulons pas quenotre société soitun amalgame depetites communautésqui sedéchirent, alorseffectivementnous avons à nouspréoccuper decette capacitéd’aller vers l’autre,de lui donner desmots et derecevoir lessiens...”j’utilise le mot « maîtrise » dans le sens du contrôle quedonne <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue à <strong>la</strong> pensée d’un homme – et <strong>la</strong> violence quien résulte : l’incapacité de contrôler sa pensée par le <strong>la</strong>ngagey conduit.Rappelez-vous, une expression bizarre du français. Quandon se dispute et que l’on est prêt à se taper dessus, on dit :« On va s’expliquer dehors ? » « S’expliquer dehors »… il estintéressant de voir comment on retourne cette expression etcomment, au final, c’est parce que l’on ne s’explique pasque l’on se bat, alors que <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue dit que l’on va s’expliquer<strong>pour</strong> se battre.Cette question de <strong>la</strong> vulnérabilité sociale, cette question dupassage à l’acte violent plus rapide, plus facile, est quelquechose d’extrêmement important. Il est dû dans un cascomme dans l’autre à une réduction de <strong>la</strong> capacité de communicationde paroles, à une restriction, à un rétrécissementde cette capacité-là qui fait qu’effectivement cette ghettoïsationsociale se double d’une incapacité à sortir du ghetto,parce que l’on ne dispose pas des mots <strong>pour</strong> en ressortir.Et, me direz-vous : « A quoi est dû tout ce<strong>la</strong>, et comment sefait-il que... et que peut-on faire ?» C’est évidemment lié à unepolitique indigne de ghettoïsation sociale, des années et desannées à mettre ensemble ceux qui n’ont pas grand-chose,des années et des années à accepter que l’inculture serve delien social, des années et des années à ne pas comprendreque cette réunion, ce rassemblement, cet enfermement n’étaitpas dû à des choix culturels, à des racines historiques, maisau contraire à l’absence de choix et à l’absence de racines.Cet enfermement-là est très exactement, et très certainement,<strong>la</strong> cause fondamentale de ce que nous vivons aujourd’hui.5859


NewDiago5/exé 21/12/07 15:57 Page 62Etienne-Emile BaulieuProfesseur honoraire au Collège de France, chercheur à l’INSERM etprésident de l’Institut de longévité et du vieillissementDU MYTHE À LA RÉALITÉ : QUELLES CONDITIONS POUR PERMETTREAUX SOLIDARITÉS D’EXISTER ?Les nouvelles perspectives du vieillissementNous avons entendu des discours très intéressants et souventémouvants. Peut-être plus prosaïquement, vais-je vous ramenerà des problèmes physiologiques et concrets. La science a en effetpermis l’accroissement de <strong>la</strong> durée de <strong>la</strong> vie, et cependant, iln’existe pas de solution simple aux problèmes de santé mentale et physiquequi accompagnent cet accroissement de <strong>la</strong> longévité. C’est par conséquentune forme de <strong>solidarité</strong> que de participer à <strong>la</strong> recherche biomédicale.Je suis heureux d’avoir été invité aux Diagonales, d’autant plus qu’il estquestion d’abriter, sous l’égide de <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> <strong>Caisses</strong> d’Epargne <strong>pour</strong> <strong>la</strong><strong>solidarité</strong>, une fondation consacrée à <strong>la</strong> recherche sur le vieillissement, <strong>la</strong><strong>Fondation</strong> « Vivre Longtemps ».Ce sont les personnes aux âges les plus avancés qui augmentent le plusen nombre. Chaque mois, on vieillit un peu plus longtemps, chaque année,trois mois de plus. La moitié des enfants qui sont nés depuis l’an 2000atteindront l’âge de 100 ans. Le changement démographique sera considérable! Il ne s’agit pas seulement de nombres d’années, mais égalementde changements qualitatifs au niveau cérébral, cardiovascu<strong>la</strong>ire, osseux,de <strong>la</strong> peau, du système immunitaire, de <strong>la</strong> vision, de l’audition, et de l’augmentationdes cancers.6263


NewDiago5/exé 21/12/07 15:57 Page 64“... On necomprend pas<strong>pour</strong>quoi leshommes viventaussi longtempsmais je crois qu’onpeut l’expliquerpar leur intelligence,autrementdit leur activitécérébrale <strong>pour</strong>améliorer leurspropresconditionsde vie...”Etudier le vieillissement est très difficile. Il s’agit d’une recherchebiomédicale nouvelle re<strong>la</strong>tivement peu bénéficiaire <strong>pour</strong>les patients, puisqu’ils sont âgés quand commence le traitement.Si chacun d’entre nous est déjà différent à <strong>la</strong> naissance,il l’est plus encore quand il est âgé, après avoir vécu une viedistincte de celle de son voisin.Dans <strong>la</strong> plupart des cas, <strong>la</strong> médecine du vieillissement s’appliqueà plusieurs ma<strong>la</strong>dies, à plusieurs déficits à <strong>la</strong> fois, danslesquels les hormones jouent un rôle qu’il faut tenter decomprendre.Notons d’abord quelques aspects paradoxaux : si, jusqu’àprésent, plus on est âgé, plus le taux des décès est augmentéavec les ans – on meurt plus rapidement, à 75 ans qu’à 90 ans– après 80 ans, l’augmentation des décès ralentit, elle estlinéaire, proportionnelle, et semb<strong>la</strong>ble chaque année. Une foispassé 100 ans, on constate même un re<strong>la</strong>tif ralentissement.Non que je promette l’immortalité mais force est de reconnaîtrequ’une forme de sélection existe, que l’on ne comprend pasencore mais qui doit être étudiée.Nous sommes d’ailleurs face à une nouvelle médecine. Il y aencore un demi-siècle on mourait tôt et vite en raison desaccidents, des infections, du système cardiovascu<strong>la</strong>ireamoindri. A présent, <strong>la</strong> mort survient beaucoup plus tard,plus lentement, à <strong>la</strong> suite de longs déficits cognitifs, immunitaires,de ma<strong>la</strong>dies dégénératives, de cancers. Il faut unenouvelle médecine qui ne peut s’appuyer encore sur unebiologie connue. La recherche biologique sur le vieillissementest particulièrement difficile : Darwin lui-même n’a pas écritune ligne sur le vieillissement. Le vieillissement, qui impliquede vivre bien après <strong>la</strong> fin de <strong>la</strong> période de reproduction,échappe au problème et au concept même de <strong>la</strong> sélection.On ne comprend pas <strong>pour</strong>quoi les hommes vivent aussi longtempsmais je crois qu'on peut l’expliquer par leur intelligence,autrement dit leur activité cérébrale <strong>pour</strong> améliorer leurs propresconditions de vie. Y a-t-il des gènes particuliers aux hommesqu’on appellerait des « gérontogènes » ? Des gènes qui seraientcomme une horloge et qui fixeraient dès <strong>la</strong> naissance oumême avant, que l’on va vivre 70 ans et 3 mois, ou 92 anset 6 mois par exemple. On pense qu’une horloge génétiquede ce type n’existe pas. Mais on sait également que les gènesqui règlent notre métabolisme, tous les aspects de <strong>la</strong> synthèsedu fonctionnement de l’ADN, les superoxides, les radicauxlibres, etc., sont importants : ils sont centraux et quand ilssont détraqués, ils entraînent des dysfonctionnements.Alors comment vieillit-on ? Parmi les multiples théoriesEtienne-Emile Baulieuproposées, <strong>la</strong> théorie dite pléiotropique est très intéressante. Elle suggèreque ce qui est bon <strong>pour</strong> <strong>la</strong> santé quand on est jeune, peut devenir mauvaislorsqu’on est âgé. Par exemple, l’hormone qui apporte le calcium au niveaudes os <strong>pour</strong> les fortifier lors de <strong>la</strong> croissance est alors bénéfique, mais chezun sujet âgé, elle entraîne le durcissement des artères et provoque desaccidents. Il est difficile d’étudier des molécules avec des principes simpleset logiques. Il faut se mettre dans <strong>la</strong> temporalité et <strong>la</strong> complexité.L’accumu<strong>la</strong>tion des mutations est inexorable, elle est mal contrôlée et trèsimportante.Chacun d’entre nous sait que l’on vieillit différemment de son voisin. L’una les cheveux plus b<strong>la</strong>ncs, l’autre a déjà une fatigue de <strong>la</strong> mémoire, un troisièmedu système immunitaire ou les os fragiles. Par conséquent, il n’y aura pas depilule miracle. Il n’y a pas et il n’y aura pas de médication simple. Il faudraregarder les choses les unes après les autres, et ce<strong>la</strong> représente beaucoupde travail et de nombreuses études en perspective.Continuons avec le rôle des hormones.Les gènes accommodant l’environnement fonctionnent en permanence etsont responsables du vieillissement à 80 %, voire 90 %. Ce<strong>la</strong> se fait essentiellementpar l’intermédiaire du système nerveux : le cerveau engendre etcontrôle <strong>la</strong> production de molécules de régu<strong>la</strong>tion, appelées hormones, et quielles-mêmes entraînent des changements d’activités et de structures du corps.Quels sont les principaux aspects du vieillissement hormonal ? La GH(Growth Hormone) est l’hormone de croissance. Cette hormone de croissancehypophysaire est <strong>la</strong> première qui a pu être synthétisée par les méthodes6465


NewDiago5/exé 21/12/07 15:57 Page 66modernes de biologie molécu<strong>la</strong>ire, et donc fabriquée de façon sûre <strong>pour</strong>être administrée ; comme elle baisse avec le vieillissement – c’est <strong>la</strong> somatopause– on en donne aux personnes âgées <strong>pour</strong> favoriser un « rajeunissement». En réalité, on doit en donner beaucoup <strong>pour</strong> qu’elle soit efficace,ce qui <strong>la</strong> rend alors re<strong>la</strong>tivement dangereuse. On note de nombreusescomplications liées à ce produit et ses dérivés, y compris l’IGF1. Il ne mesemble donc pas éthique de l’administrer.La ménopause demeure un évènement singulier. Elle survient chez les femmesà <strong>la</strong> cinquantaine et entraîne une perte de l’œstradiol, l’hormone sexuelleféminine. Malgré les controverses actuelles, <strong>la</strong> supplémentation hormonalereste indiquée dans bien des cas. Il n’y a pas de danger à prendre desœstrogènes au début d’une ménopause et pendant plusieurs années. Lesstatistiques, publiées ces dernières années, étaient mal faites, au sens oùces œstrogènes étaient prescrits à une popu<strong>la</strong>tion trop âgée, ce qui lesrendait éventuellement dangereux et entraînait des complications.Chez l’homme, il y a aussi une diminution modérée des androgènes, testostéroneprincipalement. Ce phénomène porte le nom d’andropause, paranalogie avec les femmes, mais contrairement à ce que l’on croit généralement,cette baisse n’est pas suffisante <strong>pour</strong> expliquer les difficultés de l’âgetelles que <strong>la</strong> diminution de <strong>la</strong> masse muscu<strong>la</strong>ire, de <strong>la</strong> libido, le fréquentralentissement cognitif.Il n’est pas simple de pratiquer cette médecine de l’âge, y compris avecles hormones. Les surrénales, situées comme leur nom l’indique au-dessusdes reins, fabriquent <strong>la</strong> cortisone humaine, l’indispensable cortisol, immuableavec le vieillissement. Mais l’autre hormone fabriquée par <strong>la</strong> surrénale, <strong>la</strong>DHEA, diminue, d’où le nom d’« adrénopause ». On perd 80 % de <strong>la</strong> DHEAentre 30 ans et 70 ans. Faut-il rétablir le taux en prenant de <strong>la</strong> DHEA commeil a été <strong>la</strong>rgement débattu ? On ne récupère pas ses 20 ans à 80 ans enprenant de <strong>la</strong> DHEA ! Mais <strong>la</strong> peau est améliorée, les os sont consolidés,le développement des tissus graisseux évités si on compense une insuffisancede DHEA attestée par un dosage.Toutes les personnes âgées ont un syndrome métabolique : les sucres setransforment trop en graisse, aux dépens des protéines qui composent lesmuscles, entraînant alors faiblesse et isolement. On a 30 % du poids total demuscles à 30 ans, et 15 % à 75 ans ; 20 % de graisse à 30 ans, et 40 %à 70 ans.Quand les fumeurs vieillissent, ils ont souvent une insuffisance respiratoire,ils manquent d’oxygène. Quand il n’y a pas assez d’oxygène, <strong>la</strong> pressionartérielle de l’artère pulmonaire – nécessaire <strong>pour</strong> apporter le sang auxpoumons – passe de 10 à 30. En administrant de <strong>la</strong> DHEA chez l’animalelle baisse rapidement et revient à 10. Ce traitement après avoir fait sespreuves chez l’animal, est en cours d’étude dans les hôpitaux français.Dans une étude épidémiologique que nous avons publiée il y a quelquesannées, les fumeurs qui ont un taux élevé de DHEA ont le même risque demourir dans les dix ans que s’ils ne fumaient pas. Au contraire, les fumeursqui ont une DHEA basse meurent sept fois plus au cours de cette période.“... L’intérêtde ces étudesne concerne passeulement <strong>la</strong>durée de <strong>la</strong> vie,elles permettentaussi decomprendrecomment on peutaméliorersa qualité...”Il y a bien un effet de protection de ce système pulmonairequi était tout à fait inattendu, et n’est encore ni bien connu,ni bien utilisé. Les études doivent donc être <strong>pour</strong>suiviesdans ce domaine. Dans les dépressions majeures, <strong>la</strong> DHEAa – une fois sur deux, et cinq fois sur onze selon une étudeaméricaine – un effet bénéfique important. Elle mérite d’êtreessayée car il n’y a aucune contre-indication connue.D’ailleurs, environ 500 000 personnes en prennent tous lesjours en France sans incident notable.Une autre hormone appelée prégnènolone est fabriquéedans le cerveau, plus l’animal en a, mieux il préserve samémoire. Si l’on administre aux animaux vieillissants de <strong>la</strong>prégnènolone dans l’hippocampe, siège important de <strong>la</strong>mémoire chez les humains et les animaux, ils retrouventleurs capacités de mémorisation. Cette augmentation de <strong>la</strong>mémoire dure quelques heures – on sait <strong>la</strong> mesurer chez lesanimaux de façon très aisée : on analyse s’ils ont retenu unparcours – et on peut <strong>pour</strong>suivre plus longtemps en administrantle produit. On observe ainsi <strong>la</strong> capacité du cerveauà refaire fonctionner un mécanisme diminué avec le vieillissement.Je prédis qu’il y aura dans peu d’années une pilule<strong>pour</strong> récupérer une bonne partie de <strong>la</strong> mémoire perdue avecl’âge chez de nombreux sujets.Peut-on accroître <strong>la</strong> durée de <strong>la</strong> vie, à l’extrême ? Jusqu’àprésent, Jeanne Calment avec 122 ans détient le record dumonde. Peut-on aller plus loin ? Etudier cette question peutamener à comprendre comment on <strong>pour</strong>rait éventuellementpar des manœuvres génétiques ou hormonales – nous enfaisons actuellement que nous sommes en train de publier –modifier <strong>la</strong> durée et <strong>la</strong> qualité de <strong>la</strong> vie. Il y a bien d’autresmystères : en travail<strong>la</strong>nt sur des petits vers nématodes, on adémontré qu’en détruisant deux nerfs sensoriels spécifiquesdu goût, les animaux vivaient plus longtemps. Il y a un extraordinairerapport entre le système nerveux et <strong>la</strong> durée de vie !D’autres études que nous avons faites récemment montrentle rôle d’une hormone chez ces nématodes qui augmente <strong>la</strong>durée de leur vie.Mais l’intérêt de ces études ne concerne pas seulement <strong>la</strong>durée de <strong>la</strong> vie, elles permettent aussi de comprendre commenton peut améliorer sa qualité. Le but essentiel reste l’autonomieet <strong>la</strong> liberté, en bonne santé, au cours d’une vie aussi longueque possible.6667


NewDiago5/exé 21/12/07 15:57 Page 68Jean-C<strong>la</strong>ude CuninDirecteur des actions revendicatives,Association Française contre les MyopathiesDU MYTHE À LA RÉALITÉ : QUELLES CONDITIONS POUR PERMETTREAUX SOLIDARITÉS D’EXISTER ?Le rôle de <strong>la</strong> société civile dansle développement des <strong>solidarité</strong>sJe voudrais essayer de remplir <strong>la</strong> mission que j’ai acceptée au piedlevé <strong>pour</strong> partager avec vous – à <strong>la</strong> lumière d’un exemple, celui del’aventure de l’AFM et du Téléthon – quelques réflexions sur les<strong>solidarité</strong>s. Je partage <strong>la</strong> conclusion du professeur Baulieu : l’importantc’est de vivre, et de vivre dans <strong>la</strong> liberté et dans l’autonomie.Le combat que nous menons contre <strong>la</strong> myopathie est aussi un combat<strong>pour</strong> mieux vivre, <strong>pour</strong> vivre tout court, déjà et d’abord. Mais nous ne pouvonspas dire jusqu’à quand on <strong>pour</strong>ra vivre : il s’agit souvent de passer <strong>la</strong>barrière des 15, 20 ou 30 ans. C’est un enjeu terrible.A<strong>la</strong>in Bentoli<strong>la</strong> a parlé d’une exclusion, celle de l’enfermement par l’incommunication.On peut aussi être enfermé dans un corps qui ne veut plusvous mouvoir. Vous verrez que nous croiserons les mêmes mots et lesmêmes révoltes.Je voudrais imager une démarche de construction solidaire. Au départ,autour d’une ma<strong>la</strong>die, celle que l’on nomme communément <strong>la</strong> myopathie.Une démarche de construction solidaire <strong>pour</strong> aller de l’ignorance à <strong>la</strong>reconnaissance ; <strong>pour</strong> aller de l’abstention à l’action ; <strong>pour</strong> aller de l’intérêtque je qualifierai de « catégoriel » à l’intérêt général ; et puis enfin, <strong>pour</strong> allerdu particulier au sociétal.Il y a trente-six ans lorsque, jeune instituteur, j’ai découvert <strong>la</strong> myopathie,il s’agissait de ma<strong>la</strong>dies inconnues. Il y avait seulement deux médecins en6869


NewDiago5/exé 21/12/07 15:57 Page 70France qui savaient de quoi ils par<strong>la</strong>ient lorsqu’il s’agissait de myopathie.Sur ces ma<strong>la</strong>dies régnait le fatalisme. Lorsque l’on accompagnait enconsultation une famille et un petit enfant de 2 ans qui présentait dessymptômes auxquels il n’y avait pas d’explication, <strong>la</strong> bonne porte s’ouvraitaprès bien des méandres, des errances de diagnostics, <strong>la</strong> porte d’un desmédecins qui connaissait ces ma<strong>la</strong>dies et le discours qu’on entendait étaitalors le suivant : « Mais oui, c’est une ma<strong>la</strong>die, c’est comme ça, il l’a depuis<strong>la</strong> naissance, c’est en lui. Il va grandir avec, et un jour il va arrêter de marcher,puis un jour il sera dans un fauteuil rou<strong>la</strong>nt, puis il ne <strong>pour</strong>ra plus êtredans un fauteuil rou<strong>la</strong>nt, il sera dans son lit. Et puis un jour, il mourra parasphyxie comme un noyé. » C’est là tout ce que les parents entendaient.Beaucoup de défaitisme entoure cette ma<strong>la</strong>die. Jeune instituteur, j’avaisessayé de porter mon regard au-delà de <strong>la</strong> simple ma<strong>la</strong>die et de voir avecces enfants ce que l’école pouvait leur apporter. Quand j’en par<strong>la</strong>is avecdes collègues dits du milieu ordinaire, ceux qui travail<strong>la</strong>ient avec desenfants dits normaux, ils me disaient « Mais à quoi ce<strong>la</strong> sert ? A quoi bonleur apprendre à lire ? Quelle utilité de leur apprendre tout ce qu’onapprend à l’école ? ». Nous étions dans le défaitisme total.En outre, il s’agissait d’une ma<strong>la</strong>die où l’on cachait les ma<strong>la</strong>des. La solution àl’époque était l’exclusion, autre forme de ghetto. Il y avait deux établissements,en France, qui s’occupaient de ces enfants et on les y envoyait.Puis est venu un début de mobilisation. Deux associations existaient àl’époque : l’AMF, l’Association des myopathes de France, et l’UMF, l’Uniondes myopathes de France. Deux associations et deux stratégies différentes: l’une vou<strong>la</strong>it chercher <strong>pour</strong> comprendre, et l’autre cherchait davantageà aider <strong>la</strong> vie au quotidien. Mais toutes deux partageaient les mêmesobjectifs, il fal<strong>la</strong>it faire connaître ces ma<strong>la</strong>dies et se faire connaître, trouverdes moyens d’action.A cette époque-là, le Cofrasom – Comité français de soutien à <strong>la</strong> recherchesur <strong>la</strong> myopathie – était chargé de trouver des financements <strong>pour</strong> aider <strong>la</strong>recherche. Derrière lui se tenait le conseil scientifique. Les scientifiquesavaient eux aussi des idées, beaucoup d’idées, mais très peu de moyens<strong>pour</strong> les mettre en œuvre, et certainement pas des moyens venant dupublic. Les moyens récoltés par les associations qui tentaient de mobiliser<strong>la</strong> générosité de nos concitoyens ne représentaient pas vraiment grandchose.Au refus de <strong>la</strong> fatalité, dès cette époque-là, s’ajouta le refus des conséquencesautres que médicales de <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die, le refus de l’immobilité.Marcel Thorel, administrateur de l’AFM, innovait déjà, en al<strong>la</strong>nt chercher enAngleterre les premiers fauteuils électriques. En 1973, on ignorait enFrance l’existence d’un fauteuil rou<strong>la</strong>nt électrique. Marcel Thorel a déclenchéalors un mouvement de <strong>solidarité</strong>.Pendant quatre ans, il a fait financer des fauteuils rou<strong>la</strong>nts électriques <strong>pour</strong>“... En 1973,on ignorait enFrance l’existenced’un fauteuilrou<strong>la</strong>nt électrique.Marcel Thorel adéclenché alorsun mouvementde <strong>solidarité</strong>.Pendantquatre ans,il a fait financerdes fauteuils<strong>pour</strong> les jeunesmyopathes pardes organismesphi<strong>la</strong>nthropiques...”les jeunes myopathes par des organismes phi<strong>la</strong>nthropiquescomme les Kiwanis, les Lions clubs, les Rotary clubs… Achaque fois que l’on remettait un fauteuil à un enfant myopathe,on convoquait <strong>la</strong> presse et on expliquait à quoi ce<strong>la</strong> servait,<strong>pour</strong>quoi c’était utile, <strong>pour</strong>quoi ce n’était pas payé, etun « lobbying » s’est mis en p<strong>la</strong>ce.C’était une <strong>solidarité</strong> à l’image de l’époque. C’était une stratégieidentique à celle que l’on essaie de développeraujourd’hui, créer un état de fait. Faire reconnaître unbesoin, montrer l’intérêt des solutions qui peuvent êtremises en œuvre, et les faire reprendre après par <strong>la</strong> puissancepublique. Quatre années de 1973 à 1977… Puis, un jour,Simone Veil, alors ministre de <strong>la</strong> Santé, a dit à Marcel Thorel :« Ce<strong>la</strong> va être inscrit aux tarifs de responsabilité de <strong>la</strong> Sécuritésociale, et ces fauteuils-là seront remboursés ! »Ces <strong>solidarité</strong>s se sont développées aussi <strong>pour</strong> essayer depasser à une action plus forte. Dans les années 80, il y avaitune devise qui s’est fait jour à l’association : « Refuser, résister,guérir. » Refuser le fatalisme, résister aux conséquencesde <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die, guérir : il fal<strong>la</strong>it comprendre. C’est <strong>la</strong> révoltedes parents ; des parents qui ont voulu d’abord définir debonnes pratiques <strong>pour</strong> prendre en charge leurs enfants,améliorer les soins, et prolonger cette vie que les médecins,au moment du diagnostic, nous annonçaient comme finieentre 15 et 20 ans.Les années 80 ont été aussi un grand tournant de <strong>la</strong> science,celui de <strong>la</strong> génétique. En 1986, Anthony Monaco, un jeunechercheur venu des Etats-Unis, qui travail<strong>la</strong>it au sein du<strong>la</strong>boratoire du professeur Kunkel, est arrivé au congrès del’association à Tours, et a dit : « J’ai trouvé : <strong>la</strong> myopathie deDuchenne, une des plus graves, a une origine génétique surle chromosome X, et elle est à tel endroit. »Ce<strong>la</strong> a ouvert <strong>pour</strong> les familles des horizons extraordinaires.Ce n’était plus seulement une malédiction, on savait d’oùvenait <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die, on connaissait le visage de l’ennemi.Maintenant, il fal<strong>la</strong>it décupler les moyens afin d’aller plus viteet voir ce<strong>la</strong> de plus près. Il fal<strong>la</strong>it accélérer <strong>la</strong> recherche, etce<strong>la</strong> nécessitait de trouver des moyens à <strong>la</strong> hauteur. Là étaitle défi <strong>la</strong>ncé avec l’acteur Jerry Lewis.Jerry Lewis avait inventé le Téléthon dans les années 70 auxEtats-Unis, parce qu’il était directement concerné par lesquestions de myopathie. Bernard Barataud, président à7071


NewDiago5/exé 21/12/07 15:57 Page 72“... Le premierTéléthon a puêtre réaliséen 1987.Pour y arriver, leprocessusest simple :une révolte audépart, des rencontreset des«coups degueule »...”l’époque, et Pierre Birambeau, qui travail<strong>la</strong>it avec lui, étaientallés voir Jerry Lewis, lui disant : « Nous voudrions faire <strong>la</strong>même chose. Nous voudrions, nous aussi, accélérer <strong>la</strong>recherche en France et, <strong>pour</strong>quoi pas, en Europe. Peut-onutiliser le Téléthon ? »Jerry Lewis a eu une réponse extrêmement intelligente :« Attendez, une arme comme ce<strong>la</strong> si vous voulez qu’elle soitefficace, il faut être extrêmement organisé <strong>pour</strong> s’en servir.Si vous êtes deux associations et en désaccord entre vous,ce<strong>la</strong> ne marchera jamais. Le jour où vous aurez réunifié vospoints de vue, le jour où vous aurez une politique communeet des stratégies communes, revenez me voir, et ce<strong>la</strong> marchera.»Ce<strong>la</strong> a été fait et le premier Téléthon a pu être réalisé en1987. Pour y arriver – et c’est ce qui fait souvent <strong>la</strong> recettede <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong> – le processus est simple : une révolte audépart, des rencontres – des rencontres parfois de purhasard – et des « coups de gueule ».Ce furent d’abord les coups de gueule de Bernard Barataudet de Pierre Birambeau, que j’ai cru entendre dans <strong>la</strong> voix duProfesseur Baulieu, lorsqu’il dit : « Mais bon sang, <strong>pour</strong>quoiy a-t-il des moyens aux Etats-Unis quand on veut chercherquelque chose, et <strong>pour</strong>quoi n’y en a-t-il pas chez nous ? »Nous ne sommes pas plus idiots que les autres, et nous arriveronsà le faire. Coups de gueule <strong>pour</strong> dire : « Le Téléthondes Etats-Unis, nous allons le faire en France. Comment yparvenir ? »Des liens se sont créés. Les pompiers, les premiers, ontmobilisé <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion. Quelques-uns d’entre eux, partis de<strong>la</strong> Marne, ont commencé, accompagnés de personnes del’association, à faire le tour de tous les casernements deFrance, en annonçant : « Nous allons organiser un événementsensationnel, il faut vous mobiliser, il faut que vousnous suiviez ! »Autre coup de gueule : il fal<strong>la</strong>it un vecteur <strong>pour</strong> que ce<strong>la</strong> marche,le même qu’aux Etats-Unis : <strong>la</strong> télévision, qui va au plusprofond toucher tous les citoyens. Ce vecteur nous l’avonseu grâce à un homme, un homme dont on n’oubliera jamais<strong>la</strong> mémoire, Jean Sadoul. Jean Sadoul était à l’époque leprésident à l’accent rocailleux de <strong>la</strong> Fédération française defootball.Jean Sadoul est allé rencontrer <strong>la</strong> direction d’Antenne 2 etleur a dit : « Les petits, je vais vous dire un truc, moi : si vousJean-C<strong>la</strong>ude Cuninne faites pas le Téléthon, plus jamais vous n’aurez un match de foot à <strong>la</strong>télé ! » C’était-là un argument de poids. L’autre argument était <strong>la</strong> mise defonds, l’association de l’époque ne l’avait pas. Et Jean Sadoul d’ajouter :« Si ça ne marche pas, je paierai l’émission ! »C’est ainsi que le Téléthon a débuté, avec un objectif qui était de sortir <strong>la</strong>ma<strong>la</strong>die de l’ombre. Il est parti sur un pari de 50 millions de francs à l’époque,50 millions dont on avait besoin <strong>pour</strong> créer un Institut du muscle, uninstitut où on al<strong>la</strong>it aussi étudier comment l’homme normal vieillit, <strong>pour</strong>mieux comprendre <strong>pour</strong>quoi l’homme ma<strong>la</strong>de n’arrive pas à vieillir du faitde ses muscles, quand il est atteint de myopathie.Cet Institut du muscle a vu le jour seulement dix ans plus tard. Nous avionsl’argent, puisqu’au premier Téléthon, nos concitoyens ne nous ont pasdonné 50 millions, comme on l’espérait, mais ils en ont promis 182, et ilsont donné plus que ce<strong>la</strong>… Mais il ne suffisait pas de mettre de l’argent sur<strong>la</strong> table, il n’était pas simple de se mouvoir dans les méandres administratifspropres à notre culture française <strong>pour</strong> entreprendre des recherchesdans ce domaine.L’autre effet Téléthon a été de sensibiliser <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion, montrer une desconséquences de <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die qui est <strong>la</strong> situation de handicap, et <strong>la</strong> faireregarder autrement par nos concitoyens. A cette époque-là, j’étais directeurd’un service de soins à domicile en banlieue parisienne. Ce<strong>la</strong> faisait7273


NewDiago5/exé 21/12/07 15:57 Page 74“... La force Tdu Téléthon...Ce sont plus de4 millions debénévoles et<strong>pour</strong> qui <strong>la</strong><strong>solidarité</strong> n’estpas synonymed’improvisation...”onze ans que mon service était installé dans cette banlieue.Onze ans que j’al<strong>la</strong>is chez les mêmes commerçants. Aveccertains, <strong>la</strong> familiarité était telle que nous p<strong>la</strong>isantionsensemble, et tout le monde se tutoyait. Jamais un seul nem’avait demandé ce qu’avaient les enfants qu’ils voyaientcirculer dans le quartier. Pourquoi étaient-ils là ? Que faisaitonavec eux ? Le lundi qui suivit le Téléthon, <strong>la</strong> premièreréflexion fut : « Ah ! mais les gamins qu’on voyait là, c’estaussi des enfants de Turbo ? » Turbo était le premier fauteuilélectrique <strong>pour</strong> enfant qu’on avait vu imagé dans ceTéléthon 87. A partir de ce jour une bascule s’est opéréedans le regard des concitoyens et dans <strong>la</strong> perception de <strong>la</strong>situation de handicap.Dès le deuxième Téléthon, et les suivants, il est apparu évidentqu’on ne pouvait pas mettre en p<strong>la</strong>ce l’artillerie lourdequ’il fal<strong>la</strong>it déployer <strong>pour</strong> essayer de vaincre les myopathies,comme c’est <strong>la</strong> devise de l’association, si l’on s’en tenait àces ma<strong>la</strong>dies. Il parut évident que comme l’origine était <strong>la</strong>génétique, c’était à <strong>la</strong> génétique qu’il fal<strong>la</strong>it s’attaquer. Il fal<strong>la</strong>itconstruire de l’artillerie lourde, mais pas seulement <strong>pour</strong>nous : il fal<strong>la</strong>it une recherche transversale sur toutes lesma<strong>la</strong>dies génétiques.Là encore, une rencontre a été décisive. Celle de deux hommes,Bernard Barataud et Daniel Cohen, à l’époque auCentre d’étude du polymorphisme humain de Jean Dausset.Lors d’un petit déjeuner, ils ont discuté. Daniel, expliquantce qu’était <strong>la</strong> recherche, <strong>la</strong>nça : « Mais on <strong>pour</strong>rait aller plusvite si on avait des machines, parce que les chercheurs fonttoujours <strong>la</strong> même chose, ils font toujours les mêmes gestes. »Bernard Barataud lui répondit : « Mais comment se fait-il, àune époque où l’on peut produire des millions de yaourts parjour sans que <strong>la</strong> main humaine y touche, que l’on ne sachepas le faire dans <strong>la</strong> recherche ! » Daniel lâcha : « Question demoyens… » Ensemble, ils ont construit le Généthon, le premier<strong>la</strong>boratoire de recherche automatisé en génétique, qui adémarré en 1990. Il avait suffi de cinq mois, depuis leurdéjeuner jusqu’à l’ouverture du <strong>la</strong>boratoire, c’est-à-direl’embauche et le travail des premiers chercheurs. Jamais lesinstituts académiques de recherche n’auraient pu faire ce<strong>la</strong> !Il s’agissait aussi de s’attaquer aux conséquences de <strong>la</strong>ma<strong>la</strong>die ou des handicaps. Ce que nous avons appris, nousl’avons appris de l’Organisation mondiale de <strong>la</strong> santé, de sac<strong>la</strong>ssification du handicap à l’époque, et de sa c<strong>la</strong>ssificationinternationale de fonctionnement actuelle sur lesquellesnous avons travaillé. Nous avons peu à peu construit un concept, celui decompensation des incapacités, qui nous a permis un jour de faire émergerle concept de droit en compensation qui vient de rentrer dans <strong>la</strong> loi adoptéepar notre pays le 11 février 2005. Je ne <strong>pour</strong>rai pas parler de droit encompensation sans avoir une pensée émue et un grand sourire <strong>pour</strong> tout letravail accompli par Maryvonne Lyazid, adjointe au directeur général de <strong>la</strong><strong>Fondation</strong> <strong>Caisses</strong> d’Epargne <strong>pour</strong> <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong>, travail que nous avons conduitavec p<strong>la</strong>isir ensemble.C’est toute une stratégie qui s’est développée autour des ma<strong>la</strong>dies rares,parce que, <strong>pour</strong> toutes ces ma<strong>la</strong>dies orphelines et toutes ces ma<strong>la</strong>diesoubliées, il a fallu construire les mêmes stratégies, se mettre ensemble,faire du lobbying et é<strong>la</strong>rgir notre champ d’action. Il y eut <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ced’Orphanet, puis celle d’Eurordis au niveau de l’Europe, <strong>pour</strong> essayer defaire prendre en compte toutes les ma<strong>la</strong>dies qui n’intéresseront jamais <strong>la</strong>recherche académique et qui n’intéresseront surtout jamais l’industrie dumédicament.Pour terminer, je parlerai de l’engagement, de cette mobilisation de toute<strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion. Les médias ont compté, et c’est <strong>la</strong> télévision qui a servi etsert encore de support et de catalyseur. Mais <strong>la</strong> vraie force, c’est ce quel’on appe<strong>la</strong>it <strong>la</strong> force T du Téléthon qui trouve sa concrétisation au coursdes trente heures du Téléthon. Ce sont ces personnes qui se mobilisentsur le terrain pendant toute l’année. Ce sont plus de 4 millions de bénévolesqui essaient de faire avancer les choses et <strong>pour</strong> qui <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong> n’est passynonyme d’improvisation. Ce sont des gens encadrés par des coordinateursdans les départements, des gens qui sont formés, qui respectent desprocédures et qui obéissent à une charte de qualité.Ce sont des gens qui ont un objectif partagé, un objectif d’actions solidairesautour de <strong>la</strong> science, un objectif de faire gagner de <strong>la</strong> vie à <strong>la</strong> vie, en comprenantce qui nous mettrait sur le chemin de <strong>la</strong> guérison, nous l’espéronsun jour. Mais aussi, tout de suite, immédiatement, se battre <strong>pour</strong> l’améliorationdes conditions de vie et de l’autonomie des personnes. Voilà quinous fait travailler beaucoup également autour du « lobbying », autour del’évolution des lois ; mais toujours avec d’autres, que ce soit dans le champdu handicap ou dans le champ de <strong>la</strong> science, jamais uniquement <strong>pour</strong> lesmyopathies.Nous avons mobilisé et on peut mobiliser, parce qu’un échange s’est créé.Je crois que nous avons offert, au fil des années, à nos concitoyens <strong>la</strong> fêteen partage autour de cette <strong>solidarité</strong>. Nous entendons tout le monde dire :« C’est le 14 juillet en hiver. » Le Téléthon, c’est une immense fête de <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong>.On y oublie même souvent – et c’est bien – l’AFM qui est derrière,l’AFM qui, au lendemain du Téléthon, reprend in<strong>la</strong>ssablement sa gestion.7475


NewDiago5/exé 21/12/07 15:57 Page 76Mesdames, Messieurs, cette nouvelle édition desDiagonales se termine. Elle était <strong>pour</strong> nous – vousl’aurez compris – exceptionnelle, puisqu’elle marquaitle cinquième anniversaire de <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong>. J’espèrequ’elle aura été <strong>pour</strong> vous un moment précieux, un temps de réflexion,mais aussi, je n’en doute pas, une source <strong>pour</strong> de nouveaux projets.Permettez-moi de vous remercier d’être venus aussi nombreux en ce lieumagique, un peu ténébreux, mais magique, <strong>pour</strong> participer à ces débats.Permettez-moi aussi d’interpréter votre présence comme le signe de l’utilitéde ces réunions semestrielles consacrées aux enjeux théoriques et pratiquesde <strong>la</strong> lutte contre toutes les formes de dépendance, <strong>pour</strong> reprendrel’expression qui figure dans les statuts de <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> <strong>Caisses</strong> d’Epargne<strong>pour</strong> <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong>.Je voudrais également, en votre nom à tous, dire le privilège qui a été lenôtre de recevoir les conférenciers prestigieux qui ont animé cet aprèsmidide débat. Ils ont accepté de consacrer une part de leur emploi dutemps surchargé aux Diagonales, de nous livrer leurs conclusions, leursinterrogations sur l’évolution des <strong>solidarité</strong>s intergénérationnelles, et plus<strong>la</strong>rgement sur <strong>la</strong> façon dont se tissent les <strong>solidarité</strong>s dans notre société.Nous nous emploierons à tirer tous les enseignements de ces communications,et bien évidemment <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> vous fera parvenir les actes desces Diagonales, dès qu’ils seront publiés, puisque tous nos travaux fontl’objet de publications.Didier-Ro<strong>la</strong>nd TabuteauDirecteur général de <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> <strong>Caisses</strong> d’Epargne <strong>pour</strong> <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong>Bien qu’il n’y ait pas eu cet après-midi de remise de césars, de molièresou de 7 d’or, je me permets de <strong>pour</strong>suivre dans les remerciements sincères,en y associant tous ceux qui ont contribué à <strong>la</strong> réalisation de cettemanifestation, toutes les équipes de <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> qui, chaque jour, dans <strong>la</strong>lutte contre l’illettrisme, dans <strong>la</strong> lutte contre toutes les formes de dépendance,s’emploient et s’engagent auprès des personnes.7677


NewDiago5/exé 21/12/07 15:57 Page 78Je voudrais également dire un mot particulier <strong>pour</strong> les personnels dumusée du quai Branly qui nous accueillent, <strong>pour</strong> Isabelle C<strong>la</strong>p et les équipesde <strong>la</strong> Caisse Nationale des <strong>Caisses</strong> d’Epargne, <strong>pour</strong> MargueriteAzcona et ses col<strong>la</strong>borateurs de <strong>la</strong> mission communication de <strong>la</strong><strong>Fondation</strong>, et enfin <strong>pour</strong> Maryvonne Lyazid. Tous ont particulièrement mis<strong>la</strong> main à <strong>la</strong> pâte <strong>pour</strong> <strong>la</strong> préparation de cette manifestation.Au terme de cette réunion, je ne sacrifierai évidemment pas, comme ce<strong>la</strong>a été dit tout à l’heure, à <strong>la</strong> tradition de <strong>la</strong> synthèse. Je n’aurai pas <strong>la</strong> prétentionet <strong>la</strong> présomption de résumer des communications comme cellesqui vous ont été présentées aujourd’hui. Je voudrais simplement revenirsur l’esprit de cette journée, qui peut être résumé par son titre : « 1, 2, 3,4, 5 ». Au-delà du miroitement et du clin d’œil entre les cinq ans de <strong>la</strong><strong>Fondation</strong> et les cinq générations qui nous ont occupés cet après-midi,« 1, 2, 3, 4, 5 », c’est aussi le début de <strong>la</strong> numération universelle. Et si leschiffres peuvent constituer des statistiques austères et impersonnelles, ilspermettent aussi parfois de mesurer les <strong>solidarité</strong>s telles qu’elles s’exprimentchaque jour dans les établissements, à domicile, dans les sites« Savoirs <strong>pour</strong> réussir », dans les hôpitaux.Ces <strong>solidarité</strong>s, ce sont des millions de personnes que <strong>la</strong> vie a fragilisées,que <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die inquiète, que le handicap pénalise, que l’exclusion socialestigmatise. Ce sont aussi des millions d’actes quotidiens, des soins effectuésavec attention, des courses faites <strong>pour</strong> un voisin, des paroles échangéesà l’occasion du ménage dans une chambre d’une maison de retraite.C’est aussi une aide apportée <strong>pour</strong> le repas d’un parent, un après-midiconsacré à discuter football, histoire de <strong>la</strong> ville ou musique, avec un adolescenten situation d’illettrisme.Selon une phrase célèbre de Pierre Lecomte du Noüy : « Il n’existe pasd’autres voies vers <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong> humaine que <strong>la</strong> recherche et le respect de<strong>la</strong> dignité individuelle » ; c’est bien le credo de <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong>. Derrière lesPierre Rosanvallon, Charles Milhaud et Didier-Ro<strong>la</strong>nd Tabuteau<strong>solidarité</strong>s institutionnelles, sociales et personnelles, il y a d’abord desindividus, des êtres uniques qui reçoivent et qui donnent aux autres, quipartagent malheur et bonheur, et qui en fin de compte aident à donner unsens à nos destinées à tous.Alors, <strong>pour</strong> conclure cette rencontre et ces échanges, je voudrais simplementque nous ayons une pensée <strong>pour</strong> « 1, 2, 3, 4, 5 » personnes anonymeset tellement importantes :• une de nos aînées atteinte de <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer qui, dans un de nosétablissements, grappille chaque jour les petites joies que <strong>la</strong> vie lui <strong>la</strong>isse ;• une personne lourdement handicapée dont le domicile a été entièrementadapté grâce à un projet aux multiples partenaires, <strong>pour</strong> lui permettre de7879


NewDiago5/exé 21/12/07 15:57 Page 80“... Nous croyonsaussi quedes <strong>solidarité</strong>sconcrètes,jour après nuit,en se rapprochantde 1, 2, 3, 4, 5personnes,nous rapprochenttous....”mener une vie autonome dans un bâtiment comme lesautres au cœur du quartier où elle a ses attaches ;• un ma<strong>la</strong>de souffrant de problèmes cardiaques sur lequel leséquipes d’un établissement de santé de <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> veille ;• un jeune, rebelle à l’école, qui après s’être retrouvé enfermédans le <strong>la</strong>byrinthe de l’illettrisme, retrouve le goût de <strong>la</strong> lecturegrâce à un tuteur d’un site « Savoirs <strong>pour</strong> réussir » ;• enfin, une personne très âgée vivant seule à son domicile,dans une zone rurale où l’isolement est devenu <strong>la</strong> règle etqui, par un service à domicile, un lien de téléphonie sociale,quelques visites d’un correspondant, un coup de téléphone<strong>pour</strong> savoir s’il fait beau, retrouve les saveurs de <strong>la</strong> conversationet de l’échange.Cinq situations réelles, cinq exemples de <strong>solidarité</strong>s au quotidien.Pour témoigner de ce qui est possible, sans occulter cequi est difficile. Avec aussi <strong>la</strong> volonté de rendre hommage –je le redis – à tous les sa<strong>la</strong>riés de <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> : infirmières,auxiliaires de vie, agents de service, administratifs, médecins,chargés de mission, tuteurs, cadres, directeurs et à tous nospartenaires associatifs et institutionnels, sans lesquels ces <strong>solidarité</strong>s,petites et quotidiennes, ne seraient pas ce qu’elles sont.Nous connaissons l’immensité des besoins et desattentes. Nous savons que les mailles du filet des <strong>solidarité</strong>ssont encore souvent trop <strong>la</strong>rges. Nous sommes conscientsdes rigueurs du contexte socio-économique. Mais nouscroyons aussi que des <strong>solidarité</strong>s concrètes, acte par acte,jour après nuit, en se rapprochant de 1, 2, 3, 4, 5 personnes,nous rapprochent tous.Alors, à vous tous et à tous les acteurs de ces <strong>solidarité</strong>s, ungrand merci.Charles Milhaud, président et Didier-Ro<strong>la</strong>nd Tabuteau, directeur général de <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong>8081


NewDiago5/exé 21/12/07 15:57 Page 82La cinquième édition des Diagonales a été l’occasionde célébrer le cinquième anniversaire de <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong>.Deux temps forts ont rythmé cette soirée. AvecVéronique Jannot d’abord, dont <strong>la</strong> voix a si bienporté <strong>la</strong> force et l’intensité d’extraits de textes de grandsécrivains consacrés aux thèmes qui sont au cœur desactivités de <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong>.Soirée d’anniversaire, deux temps forts…Deuxième temps fort : <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> a accueilli <strong>la</strong> Compagnie« Urbana de Dança » et ses neuf jeunes danseurs qui viventdans les conditions de précarité extrême des fave<strong>la</strong>s deRio de Janeiro. Devenus danseurs grâce à leur ténacité, àun travail et une discipline acquise avec <strong>la</strong> chorégrapheSonia Destri, <strong>la</strong> troupe s’est produite <strong>pour</strong> <strong>la</strong> première fois enFrance en septembre 2006 à <strong>la</strong> Biennale de <strong>la</strong> danse à Lyon.Véronique Jannot8283


NewDiago5/exé 21/12/07 15:58 Page 84Florence Saugues, journaliste, Yves Derisbourg, animateur et Guy Darmet, directeur artistique de <strong>la</strong> Biennale de <strong>la</strong> danse à Lyon.Fave<strong>la</strong> Coroa, Rio de JaneiroGuy Darmet, directeur artistique de <strong>la</strong> Biennale de <strong>la</strong> danseà Lyon, et Florence Saugues, journaliste à Paris Match, sontvenus présenter <strong>la</strong> troupe et témoigner des conditions danslesquelles ces jeunes vivent et s’entraînent dans les fave<strong>la</strong>s.Expression de <strong>la</strong> vitalité et de <strong>la</strong> passion de ces jeunes, cespectacle montre comment <strong>la</strong> danse, au-delà du loisir, peutdevenir une clé d’intégration sociale, économique et citoyenne.Dans les fave<strong>la</strong>s de Coroa Santa Teresa, Mangueira, Morrode Prazeres ou Rocinha, c’est ici que vivent Tiago, Rafaelo,Alexsandro, Aldair, Ruy, Wanderlino, Marinaldo, Marcelo etDiego. Le photographe Vincent Rosenb<strong>la</strong>tt les a rencontréset photographiés dans leurs quartiers. Il a lui-même créé,dans les fave<strong>la</strong>s, en 2002 une agence photographique,« Olhares do morro », <strong>pour</strong> apprendre à quelques jeunes lemétier de photographe et favoriser de <strong>la</strong> sorte un autreregard sur les fave<strong>la</strong>s, ce qu’il appelle le regard intérieur.8485


NewDiago5/exé 21/12/07 15:58 Page 86“ A Rio, j'ai rencontré neuf personnes qui normalement auraient dû avoir un destin tout tracé de violence. Ils ont eu une chance et ils ont une passion : <strong>la</strong> danse ! ”Florence Saugues, journaliste à Paris Match.86 87


NewDiago5/exé 21/12/07 15:58 Page 88“ Ils ont réalisé, en un an, un travail absolument incroyable ! Voilà un formidable <strong>la</strong>ngage international hors de toute barrière, de toute frontière.”Guy Darmet, directeur artistique de <strong>la</strong> Biennale de <strong>la</strong> danse de Lyon.8889


NewDiago5/exé 21/12/07 15:58 Page 90“ Personne ne peut imaginer que le talent puisse émerger des fave<strong>la</strong>s. Moi, je le sais. Je vou<strong>la</strong>is aussi traduire cette énergie là dans <strong>la</strong> danse.”Sonia Destri, chorégraphe de <strong>la</strong> Compagnie Urbana de Dança.9091


NewDiago5/exé 21/12/07 15:58 Page 92“Pour les cinq ans de <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong>, <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong> a pris l’énergie, <strong>la</strong> gaieté et les couleurs de <strong>la</strong> samba, de <strong>la</strong> capoeira et du funk...”Charles Milhaud, président de <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong>.9293


NewDiago5/exé 21/12/07 15:58 Page 94Ce soir, <strong>pour</strong> les cinq ans de <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong>, <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong>a pris l’énergie, <strong>la</strong> gaieté et les couleurs de <strong>la</strong> samba,de <strong>la</strong> capoeira et du funk ; en somme de <strong>la</strong> danse desruelles et des fave<strong>la</strong>s de Rio de Janeiro.Mesdames, Messieurs, c’est avec un réel p<strong>la</strong>isir et une certaine fierté queje vous retrouve ce soir à l’occasion de <strong>la</strong> célébration du cinquièmeanniversaire de <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> <strong>Caisses</strong> d’Epargne <strong>pour</strong> <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong>. « P<strong>la</strong>isir »car vous êtes nombreux à être venus participer à cette manifestation, etmarquer ainsi votre attachement à l’action de <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong>. « P<strong>la</strong>isir » aussicar je vois dans l’assistance beaucoup de personnes qui, par leur engagementquotidien, ont permis ou permettent à <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> de mettre enœuvre concrètement <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong> inscrite dans son nom.« Fierté » également car je crois pouvoir dire aujourd’hui, devant vous, que<strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> contribue à son échelle à <strong>la</strong> lutte contre les exclusions quifrappent les personnes les plus fragiles dans notre société. « Fierté » aussiparce que je crois pouvoir rajouter, si vous le permettez, que <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong>est devenue en cinq ans un acteur reconnu du secteur privé à but nonlucratif et du monde sanitaire et social.Lorsque <strong>la</strong> loi du 25 juillet 1999 re<strong>la</strong>tive à l’Epargne et à <strong>la</strong> sécurité financièrea consacré à son article premier les missions d’intérêt général des<strong>Caisses</strong> d’Epargne, <strong>la</strong> création d’une <strong>Fondation</strong> autonome, entièrementdédiée à <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong>, est apparue comme une évidence, une nécessité.Comment mieux symboliser notre engagement aux services de l’intérêtgénéral qu’en donnant les moyens à une <strong>Fondation</strong> reconnue d’utilitépublique de participer à <strong>la</strong> lutte contre les dépendances ?Charles MilhaudPrésident de <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> <strong>Caisses</strong> d’Epargne <strong>pour</strong> <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong>La loi n’a d’ailleurs fait qu’inscrire une pratique des traditions et des valeursdéjà existantes au sein du Groupe Caisse d’épargne. L’intérêt général et <strong>la</strong>lutte contre les exclusions étaient en effet présents dès <strong>la</strong> naissance des<strong>Caisses</strong> d’Epargne en 1818. Cette tradition se retrouvait en particulieravant <strong>la</strong> loi de 1999, dans « Association Nationale Service Senior Ecureuil »,créée en 1992, qui gérait au niveau régional des structures d’accueil <strong>pour</strong>personnes âgées, dans « Association Nationale Service Senior EcureuilOutre-mer », et dans l’association « Gestion Ecureuil Foyer et Résidence » ;9495


NewDiago5/exé 21/12/07 15:58 Page 96ainsi qu’à travers l’action de <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> <strong>Caisses</strong> d’Epargne « Agir contrel’exclusion » p<strong>la</strong>cée sous l’égide de <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> de France.Fort de cette expérience, j’ai demandé alors à Clément Wurtz de fédérerles actions de différents partenaires en vue de <strong>la</strong> création d’une <strong>Fondation</strong>d’utilité publique. Je veux ici rendre hommage au travail et à l’engagementde Clément Wurtz. Il a été le premier directeur général de <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong>, etj’ai ce soir une pensée particulière et émue <strong>pour</strong> lui. J’exprime toute mareconnaissance et mon affection à Marguerite Wurtz qui nous fait l’amitiéd’être parmi nous ce soir. Clément a été le premier bâtisseur de cette<strong>Fondation</strong>. J’utilise à dessein le terme de « bâtisseur » car <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> seconstruit pierre à pierre ; et si elle connaît un fort développement, elles’édifie étape par étape à taille humaine, en s’assurant de marier à chaquefois <strong>solidarité</strong> et efficacité, humanité et modernité.Je veux également saluer le travail effectué <strong>pour</strong> développer et pérenniser<strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> par Didier Ponsot. Grâce à lui <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> s’est dotée d’unepolitique de mécénat par l’intermédiaire des opérations d’intérêt général.A travers les 11 opérations d’intérêt général créées, ce sont 308 projetssoutenus <strong>pour</strong> un montant de près de 12,5 millions d’euros de 2003 à 2005.Enfin, je n’oublierai pas, bien sûr, l’action que mène depuis fin 2003 Didier-Ro<strong>la</strong>nd Tabuteau. Par sa connaissance des questions sociales et de santé,par son engagement, son sens de l’organisation, il pilote le développementde <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> et lui ouvre de nouvelles perspectives. A travers eux, c’estau travail de l’ensemble des col<strong>la</strong>borateurs de <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong>, en établissementcomme au siège ou sur les sites « Savoirs <strong>pour</strong> réussir », et à l’actiondes bénévoles qui se sont engagés auprès d’elle que je voudrais rendrehommage ce soir.Qu’il me soit aussi permis de remercier solennellement et personnellementles <strong>Caisses</strong> d’Epargne et les filiales du Groupe dont beaucoup de représentantssont présents dans cette salle, et qui, en finançant <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong>,permettent son développement.En cinq ans, <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> a connu une croissance rapide et diversifiéeparvenant ainsi à prendre une p<strong>la</strong>ce importante au p<strong>la</strong>n national dans cesdomaines d’activités, tout en renforçant sa présence dans l’ensemble desbesoins. Elle a triplé le nombre des établissements et services passant de21 à 76 ; et dans le même temps, de 1 800 p<strong>la</strong>ces d’accueil en 2002 à prèsde 5 000 aujourd’hui.Elle est ainsi devenue le premier réseau à but non lucratif d’établissementsd’hébergement <strong>pour</strong> personnes âgées dépendantes en France. Trois établissementssanitaires accueillent chaque année 4 000 personnes en unitésde soins et de réadaptation <strong>pour</strong> personnes âgées.La <strong>Fondation</strong>, c’est aussi trois p<strong>la</strong>tes-formes de services à domicile suivant6 000 personnes. L’accroissement des services de structure s’accompagned’augmentation du nombre des col<strong>la</strong>borateurs. C’est aujourd’hui près de3 000 personnes qui travaillent à <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong>, soit trois fois plus qu’en2002. La <strong>Fondation</strong> <strong>Caisses</strong> d’Epargne <strong>pour</strong> <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong> devrait ainsi dansles prochains mois devenir <strong>la</strong> première fondation de France par le nombrede sa<strong>la</strong>riés.A travers ces évolutions, c’est l’ambition de <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> d’être au service de<strong>la</strong> <strong>solidarité</strong> qui s’exprime. Ce<strong>la</strong> démontre <strong>la</strong> détermination de ses fondateurset le professionnalisme de ses équipes qui chaque jour s’engagent au servicedes personnes fragilisées par le handicap, <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die ou les barrages culturelset sociaux.La <strong>Fondation</strong>, par ses résultats, suscite de plus en plus <strong>la</strong> confiance desprofessionnels. J’en veux <strong>pour</strong> preuves les nombreuses sollicitationsd’établissements souhaitant être gérés par <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> comme descollectivités locales <strong>pour</strong> créer des structures et des services.Les partenariats nationaux que <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> conclut sont également unsigne de <strong>la</strong> confiance qu’elle inspire. Ainsi des conventions signées avec<strong>la</strong> Fédération nationale des Pact Arim, <strong>la</strong> Fédération hospitalière deFrance, <strong>la</strong> Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment,le Commissariat de l’énergie atomique, <strong>la</strong> Fédération nationale descentres d’information et de conseil sur les aides techniques, <strong>la</strong> Fédérationnationale des orthophonistes, <strong>la</strong> Fédération nationale des établissementsd’hospitalisation à domicile, <strong>la</strong> Fédération nationale de <strong>la</strong> mutualité française; et encore, il y a quatre jours, avec <strong>la</strong> Croix-Rouge.Elle inspire aussi – je crois pouvoir le dire – <strong>la</strong> confiance des pouvoirs publics,comme en témoigne le partenariat avec les ministères de <strong>la</strong> Défense, dutravail et de <strong>la</strong> cohésion sociale, de l’agriculture, de <strong>la</strong> jeunesse, de l’éducationnationale, de l’enseignement supérieur et de <strong>la</strong> recherche et del’agence nationale de lutte contre l’illettrisme <strong>pour</strong> <strong>la</strong> mise en oeuvre dudispositif « Savoirs <strong>pour</strong> réussir »L’objectif de celui-ci est de permettre à des jeunes de 16 à 25 ans dereprendre contact avec <strong>la</strong> lecture, l’écriture et le calcul dans un système detutorat. Lancée en 2003 sur un site à Marseille, <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> a permis9697


NewDiago5/exé 21/12/07 15:58 Page 98l’ouverture de cinq nouveaux centres. D’ici le mois de décembre, 13 sitesdevraient être opérationnels, et 20 à <strong>la</strong> fin de 2007.La <strong>Fondation</strong> abrite également 11 <strong>Fondation</strong>s sous égide, émanations des<strong>Caisses</strong> d’Epargne, qui développent et financent en région des programmeslocaux liés à l’intérêt général et à <strong>la</strong> lutte contre l’exclusion.Et puis, bien sûr, <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong>, c’est aussi ces débats réguliers dans lecadre des Diagonales comme ceux auxquels vous avez pu assister cetaprès-midi ou comme ces rencontres autour d’un auteur ou d’un artistedans le cadre des Focales. Ils nous permettent d’être présents dans ledébat public sur les questions de lutte contre les dépendances et l’exclusionqui constituent les missions de <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong>, et qui lui ont valu d’êtrereconnue d’utilité publique par décret du 11 avril 2001.Ces débats permettent à <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> de participer activement au décloisonnementdu secteur sanitaire et médico-social, de partager avec lesautres des expériences et des pratiques, d’identifier de nouvelles problématiquessociales ; et parfois de jouer le rôle de poil à gratter en matièred’innovation sociale. Voilà en quelques mots et en quelques chiffres notre<strong>Fondation</strong> cinq ans après.Les perspectives qui s’offrent à elle permettent de penser qu’elle va continuerà jouer un rôle de premier p<strong>la</strong>n. Forte de ses ancrages, <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong>peut aujourd’hui se projeter dans l’avenir, avec <strong>pour</strong> leitmotiv de continuerà marier <strong>solidarité</strong> et efficacité, action et réflexion.Le combat contre l’exclusion n’est malheureusement pas fini. Les besoinset les attentes sont considérables. Le Groupe Caisse d’Epargne et <strong>la</strong><strong>Fondation</strong> entendent être partie prenante de ce combat. Nous <strong>pour</strong>suivonsdes objectifs ambitieux et réalistes dans le domaine de l’autonomie et despersonnes âgées ma<strong>la</strong>des ou handicapées, comme en matière de luttecontre l’illettrisme.pratiques, capitalisant sur des expériences présentées dans des lieux dedébats comme les Diagonales, et sur celles expérimentées dans les établissementset les services.Dans cet esprit, un baromètre des <strong>solidarité</strong>s intergénérationnelles constituépar <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> en partenariat avec les magazines Notre Temps et Phosphorepermettra aux acteurs intéressés par ces questions de disposer d’un outild’analyse. Ce baromètre présentera chaque année l’évolution d’indicateursstatistiques et économiques de ces <strong>solidarité</strong>s, une étude sociologique surun volet de ces questions et les résultats d’une enquête par sondage. Lapremière publication de ce baromètre aura lieu début 2007.A travers des chiffres que j’ai évoqués, des projets qui sont les nôtres, jevou<strong>la</strong>is exprimer devant vous ce soir le sentiment de responsabilité quenous avons ; des responsabilités à <strong>la</strong> fois intimidantes et motivantes :contribuer au quotidien à ce que <strong>la</strong> société prenne mieux en compte lesdifférences, et lutte plus efficacement contre les inégalités et les dépendances.Le Groupe Caisse d’Epargne a – je le répète – une grande tradition sociale.La <strong>Fondation</strong>, par ses réalisations, s’inscrit pleinement dans cette traditionet complète les interventions du Groupe.Je peux vous assurer qu’à l’avenir le Groupe et <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> continuerontdans cette direction, car nous aimons à le dire à <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> : « Les actionsde <strong>solidarité</strong> ne s’additionnent pas, elles se multiplient. »D’ici 2010, <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> a <strong>pour</strong> projet concernant l’action en faveur del’autonomie des personnes âgées et handicapées d’atteindre 10 000 p<strong>la</strong>cesd’accueil en établissement. Pour ce qui est du soutien à domicile des personnesâgées et handicapées, de prendre en charge 10 000 personnes.Enfin, dans le dispositif « Savoirs <strong>pour</strong> réussir », l'objectif est d’accompagner10 000 jeunes par an, soit une centaine de sites sur tout le territoire. La<strong>Fondation</strong> entend également renforcer son rôle de <strong>la</strong>boratoire d’idées etd’actions au service de <strong>la</strong> collectivité en développant une diversité de bonnes9899


NewDiago5/exé 21/12/07 15:58 Page 100Les jardins du musée du quai Branly en soiréeLes “ Diagonales ” de <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> <strong>Caisses</strong> d’Epargne <strong>pour</strong><strong>la</strong> <strong>solidarité</strong> proposent aux professionnels, aux universitaires,aux associations et aux partenaires de <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong>, de venircroiser les regards, échanger les expériences, confronter lesconcepts aux réalités et débattre des enjeux du secteur.Elles ont lieu deux fois par an : une session au mois dejuin sur des thématiques liées à l’exclusion sociale et à <strong>la</strong> luttecontre l’illettrisme et une session au mois de décembre surdes thématiques re<strong>la</strong>tives au secteur sanitaire et médico-social.Les Diagonales du 23 octobre 2006 se sont déroulées au musée duquai Branly, 37 quai Branly, 75007 Paris.Les actes V des “Diagonales” de <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> <strong>Caisses</strong> d’Epargne <strong>pour</strong> <strong>la</strong> <strong>solidarité</strong>Tirage : 3 000 ex. • Edité par Fem offset • Adresse de <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> : 9, avenue René Coty– 75014 Paris • Publication : directeur de <strong>la</strong> publication : Didier-Ro<strong>la</strong>nd Tabuteau, directeurgénéral de <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> • Coordination : Marguerite Azcona, directrice de <strong>la</strong> missioncommunication • Ensemble des interventions synthétisées avec l’accord des participants :Mary Sills • Secrétariat de rédaction, relecture et corrections : Estelle Le Moing,Florent Gambotti, Mai Lan Tran • Mise en pages : Emmanuelle Valin • Crédits photos :L’Oeil Public : Samuel Bollendorff, Vincent Rosenb<strong>la</strong>tt, agence alternative Olhares do morro<strong>pour</strong> les pages 84, 86 et 87 • Diffusion : service communication.www.fces.fr100

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