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LA NÉOLOGIE ET SES MÉCANISMES DE CRÉATION LEXICALE

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<strong>LA</strong> NÉOLOGIE <strong>ET</strong> <strong>SES</strong> MÉCANISMES<strong>DE</strong> CRÉATION <strong>LEXICALE</strong> *Daniela DINCĂ1. Introduction1.1. La néologie s’avère un domaine qui pose beaucoup de problèmesconcernant généralement les aspects suivants: la définition des principaux conceptsopérationnels, la forme, la fréquence, l’origine et le sémantisme des motsconsidérés comme appartenant à la classe des néologismes. En plus, parmi lesautres domaines de la linguistique, elle s’individualise par sa particularité dedésigner, à la fois, ses opérations (les procédés de création) et ses résultats (lesnéologismes).Par conséquent, la dimension polysémique du terme de néologie est plusqu’évidente car le concept qu’il désigne renvoie à trois démarches différentes: (i)création de nouvelles unités lexicales par le recours, conscient ou inconscient, auxmécanismes habituels de créativité linguistique d’une langue; (ii) étude théorique etappliquée des procédés de formation des mots, des critères de reconnaissance,d’acceptabilité et de diffusion des néologismes; (iii) activité institutionnelleorganisée qui se propose de recenser, de créer, de diffuser et d’implanter lesnéologismes dans le cadre d’une politique de la langue.Notre contribution se propose de traiter de la néologie sous un double aspect:les opérations de formation des néologismes (ou les procédés de formation) et lesrésultats de la créativité lexicale, néologismes, pour la langue commune etnéonymes, pour les langues de spécialité.Si les deux domaines envisagés (langue commune vs. langue de spécialité)disposent de termes spécifiques pour désigner leurs mots/termes, néologismes etnéonymes, le processus de formation des nouveaux mots dans les deux domainesrecouvre lui aussi des termes différents: la néologie, pour la formation desnéologismes de la langue commune, et la «néonymie» (Rondeau 1984), pour lesnéonymes des langues de spécialité.1.2. La dynamique du vocabulaire roumain actuel est mis en évidence par lefait que le fonds néologique continue de s’enrichir (voir dans ce contexte lesnombreux dictionnaires de néologismes / mots récents parus au cours des dernièresannées ou bien les nouvelles éditions mises à jour, révisées et corrigées desdictionnaires existants déjà, mais qui ne réussissent pourtant pas à tenir le pas avecl’avalanche des mots nouveaux qui entrent dans la langue). La langue roumaine,extrêmement accueillante, manifeste de la sorte sa force créative illimitée.Dans ce contexte, notre article se propose de revisiter quelques acquisthéoriques et méthodologiques en matière d’études néologiques, afin d’atteindreses deux objectifs:


Daniela DINCĂ(i) esquisser une classification générale des différents procédés de lacréativité linguistique dans le domaine de la néologie vs. néonymielexicale, en insistant surtout sur l’emprunt en tant que l’un desprincipaux mécanismes linguistiques de la création néologique;(ii) présenter, de manière implicite, la relation qui existe, d’une part, entreles néologismes vs. néonymes et les procédés de formation, d’autre part.En ce qui concerne le corpus, nous avons illustré les procédés de formationpar des exemples pris dans le lexique roumain, mais pour la néologie par emprunt,nous avons pris comme langue source le français, dont l’importance et le rôle dansla modernisation de la langue roumaine sont incontestables.2. La néologie en tant que processus de formation lexicaleLa créativité est une constante dans le domaine de la néologie lexicale ettémoigne de la dynamique de chaque langue: «Une théorie de la néologie doitrendre compte du fait d’évidence que la création lexicale est un élément permanentde l’activité langagière» (Guilbert 1975: 34-43).Malgré la diversité des typologies existantes, il est plus ou moins admis quenéologismes et néonymes font appel aux mêmes procédés de formation que lesnéologues répartissent généralement en trois grands groupes qui recouvrent, à leurtour, d’autres sous-types :(i) néologie formelle;(ii) néologie sémantique;(iii) néologie par emprunt.Les trois procédés présentent des moyens propres pour la formation desnouveaux mots: si les deux premiers reposent sur les moyens internes d’une langue(dérivation, composition), le troisième utilise des moyens externes de transfert d’unmot/terme d’une langue source dans une langue cible (emprunt et calque).Il n’y pas de délimitation stricte entre ces trois procédés de sorte que leslexicologues se confrontent parfois à la difficulté de classer certains néologismes,dont la formation relève à la fois de différents procédés (dérivation, emprunt) oumême d’un seul type. À titre d’exemple, on peut citer Sablayrolles (2000) quiconsidère que le verbe français réaliser, au sens de «comprendre», relève à la foisde la néologie sémantique et de l’emprunt, sous l’influence de l’anglais to realize.Malgré les superpositions de procédés qui peuvent apparaître, le nouveaumot doit relever principalement d’une seule classe. Dans ce sens, dans le cadred’une thèse de doctorat entièrement consacrée à la néologie, Sablayrolles affirmeque: «les procédés ne seront inclus que dans une seule classe», puisqu’il s’agit«dans un premier temps d’un simple récapitulatif ordonné et non encore del’établissement raisonné d’une typologie» (2000: 211).2.1. La néologie formelleUn des procédés les plus productifs de la néologie lexicale, la néologieformelle, appelée également néologie flexionnelle ou morphologique, insiste sur


La Néologie Et Ses Mécanismes De Création Lexicale *l’adjonction d’un affixe (termes / mots dérivés) ou d’un autre lexème, en généralnon autonome et d’origine gréco-latine (termes/mots confixés). Cela veut dire quenéologismes signifient également mots formés à l’intérieur d’une même langue àpartir de mots existants. L’innovation est donc inhérente à chaque langue et ellereprésente un aspect sur lequel les linguistes ont mis moins l’accent.2.1.1. La dérivationLes termes/mots dérivés sont préfixés, suffixés ou parasynthétiques(dérivation multiple). La dérivation est un processus très productif en roumain, quidispose de nombreux affixes (suffixes et préfixes), ce qui explique la raison pourlaquelle le roumain fait partie de la famille des «langues de type dérivatif» (Sala2001: 153).Pour illustrer cette richesse dérivationnelle du roumain, on peut citer le casde beaucoup de verbes formés par dérivation préfixale à partir d’un nom empruntéà d’autres langues ou hérité du latin. Par exemple, le verbe a îndoctrina quicombine un affixe, le préfixe în + doctrină, même s’il y a un terme semblable enfrançais, endoctriner, que le roumain aurait pu emprunter. Le roumain avance surla même ligne de la dérivation flexionnellee et propose deux autres mots de lamême famille lexicale, formés, cette fois-ci, par dérivation multiple:în+doctrin+are et în+doctrin+at. Un autre exemple qui développe tout unparadigme flexionnel à partir d’une base nominale: a încurajá (în+curaj), d’aprèsle fr. encourager, încurajare (în+curaj+are), încurajat (în+curaj+at), încurajator(în+curaja+tor).Mais il existe aussi des cas où la dérivation est remplacée par un autreprocédé, d’ailleurs très productif en roumain, l’emprunt à d’autres langues. Parexemple, toute la famille lexicale (nom, verbe, adjectif) est entrée en roumain parfilière française: a inventa, invenŃie, inventiv (inventer, invention, inventif), ailustra, ilustraŃie (illustrer, illustration) (ilustrat et ilustrativ sont des mots dérivéssur le verbe roumain a ilustra), a infecta, infecŃie (infecter, infection) ou toute laserie a aplica, aplicaŃie, aplicabilitate, aplicativ (appliquer, application,applicabilité, applicatif).Un autre exemple qui vient illustrer ce mélange entre les procédés internes etexternes de formation des néologismes nous est fourni par le formant anti- , quiexprime l’opposition. En roumain, le préfixe anti- est soit un élément de dérivationnéologique (antiaccident, antiartistic, antiatom, antibacterian, antobronşitic,anticanonic, anticar), soit, dans beaucoup d’autres cas, un élément de formationinterne: antibiotic, anticameră, anticiclon, anticlerical, anticolonialist,anticonstituŃional, etc.Un trait qui distingue ces mots dans les deux langues (français et roumain)est leur orthographe. Anti- a une double orthographe en français: il est soudé aunom (antibasculement, antidébordement, antidérapant, antiasphyxiant,antidiffusant, antinucléaire, antigiratoire, antidétonant) ou bien il garde encore lesigne de la composition (anti-corrosif, anti-aérien, anti-atomique, anti-éblouissant,anti-gluant, anti-oxydant, anti-sous-marin). Par rapport au français, le roumainprésente une seule orthographe, la forme soudée du formant anti-.


Daniela DINCĂLe roumain et le français sont des langues tellement rapprochées que leslocuteurs roumains prennent pour des mots français des unités qui sont descréations autochtones comportant pourtant un formant français, que celui-ci soit laracine, un suffixe ou un élément de composition. Ces mots sont appelés«pseudofranŃuzisme propriu-zise» Hristea (1979: 492) que nous illustrons par lesexemples fournis par le même auteur: «la racine (pic-aj), le suffixe (şantaj-eur) ouun élément de composition (grandomanie)» ( Hristea 1979: 492).2.1.2. Les termes/mots confixésContrairement aux termes/mots préfixés, les termes/mots confixés ou lestermes-syntagmes correspondent au regroupement de deux ou plusieurs mots quireprésentent une seule unité conceptuelle. Il suffit de l’apparition d’un seul élémentnouveau dans une expression pour que l’on parle de néologisme : «Dès lors qu’unélément nouveau surgit dans ces associations plus ou moins figées, elles deviennentnéologiques» (Sablayrolles 2000:155).«Ces nouvelles alliances» (Idem: 156), caractérisées par une perte de leursens compositionnel au profit d’un sens unique, combinent le plus souvent lastructure déterminé + déterminant : fisurare la cald (fente de chauffage), fisură decompresiune (fente de compression), fereastră de control (fente de contrôle), fantăde citire (fente de lecture), canal de plantare (fente de plantation), fantă deradiaŃie (fente de rayonnement), fantă de răcire (fente de refroidissement), fantă decontracŃie (fente de retrait), fisură de ruptură (fente de rupture), fisură de ieşire(fente de sortie), etc.Un autre trait distinctif entre les deux procédés de formation lexicale(dérivation vs. composition) concerne leur domaine de manifestation. Soulignant laspécificité des néonymes par rapport aux néologismes, A. Goosse (1975) traduitcette différence par les procédés de formation de ces deux classes: les néologismesprivilégient la création morphologique par préfixation et par suffixation tandis queles néonymes favorisent la création syntagmatique.Il est évident que ce procédé de formation des termes nouveaux se montrecomme l’un des procédés les plus fréquents pour former les néonymes car lesdénominations qu’il permet de former sont caractérisées par leur brièveté, leuraspect international et leur précision sémantique.Même dans le cas des termes formés à partir d’éléments de composition,nous avons relevé un aspect récurrent qui pose des problèmes aux lexicologues. Ils’agit de l’origine des termes confixés en roumain, emprunté au français ou dérivésavec des moyens internes. Par exemple, le formant bio- développe deux types deparadigmes:(i) termes calqués, le plus souvent, sur le français: bioamplificator(bioamplificateur), bioastronautic (bioastronautique), biobibliografíe(biobibliographie), biocenotic (biocénotique), biocenoză (biocénose), biochimie(biochimie), biochimist (biochimiste), biocibernetic (biocybernétique), bioclimatic(bioclimatique), bioclimatolog (bioclimatolog), bioclimatologie (bioclimatologie),biocompatibil (biocompatible, etc.


La Néologie Et Ses Mécanismes De Création Lexicale *(ii) termes formés en roumain quand le français n’a pas de tels mots / termes:bioacumulare, biobibliografic, biocomplex, bioconşiiínŃă, biocurent, biodetector,biodeteriorare, etc.3. La néologie sémantique3.1. L’évolution sémantique des mots peut être ramenée à plusieurs causesprincipales: historiques, sociales, linguistiques et psychologiques. Selon leschangements de nature sociale, politique et culturelle qui apparaissent dans lasociété contemporaine, la néologie sémantique crée de nouveaux termes ou motspar l’adjonction d’une nouvelle acception à une dénomination déjà existante dansles deux classes envisagées: néologismes et néonymes.La spécificité de la néologie sémantique en tant que procédé de formationinterne consiste dans la multiplication du sens pour une même unité lexicale: «Ils’agit de néologie quand un mot déjà existant dans une langue ajoute un autre sens»(Sablayrolles 2000: 150).Pour illustrer la néologie sémantique, nous prenons le cas du mot cancer. Dupoint de vue de son origine, il est calqué sur le français cancer avec deux sens: (i)tumeur maligne due à une multiplication anarchique des cellules d'un tissuorganique et (ii) quatrième constellation du Zodiaque située dans la partie la plusseptentrionale de l'écliptique. Depuis trois ans, ce mot a développé un autre sens,celui de «grand malheur d'origine naturelle ou humaine qui frappe et ravage unecollectivité», sens qui est devenu tellement dominant qu’il est presque considérécomme un «développement sémantique parallèle» (Dimitrescu 1994: 224).Mais l’adjonction d’un nouveau sens a parfois des répercussions sur l’emploid’un mot qui, par déformation de son sens initial, devient un barbarisme(Mihailovici 2005:27). Pour illuster la même déformation du sens d’un mot parl’adjonction de signifiés qui sont en contradiction avec le sens initial, Hristea(2000: 338-339) cite deux exemples: le mot doleanŃă (< fr. doléance avec le sensde «plainte») a aussi le sens de «désir» et colloque (< lat. colloquium) avec le sensde «entretien, conversation» apparaît dans des syntagmes du type colocviu scris(colloque écrit).3.2. Sablayrolles considère pourtant que «les deux grandes voies reconnuesde la néologie sémantique sont la métaphore et la métonymie» (Sablayrolles 2000:155), procédés qui reposent sur la similitude entre deux référents.Par exemple, pour les néonymes, l’une des sources vivantes de créationnéologique est la lexicalisation des métaphores. Par ce procédé, les parties du corpspeuvent acquérir de nouvelles acceptions dans des domaines technico-scientifiquesdifférents: (i) machines: braŃ articulat (bras articulé), bretelele elevatorului (brasd’élévateur), talpa de fixare (bras de fixation), braŃ de ghidaj (bras de guidage);voitures: braŃele ştergătorului de parbriz (bras d’essuie-glace), braŃ de frânâ (brasde frein); (iii) navires: braŃ de ancoră (bras d’ancre), braŃul vergii mari (brasgrand), braŃ de ridicare (bras de levage).3.3. Moyen linguistique pratique et économe, le procédé de siglaison faitaussi partie des mécanismes linguistiques de la création néologique car la forme


Daniela DINCĂréduite a un statut autonome par rapport à la forme de base. Il se montre trèsfréquent en néonymie car chaque langue présente la tendance à abréger une partiede son lexique, soit par voie de siglaison, soit par troncation.Procédé très à la mode à l’époque de la vitesse et de la communicationrapide, les sigles sont les réductions de termes - syntagmes où seules les lettresinitiales des substantifs composent le syntagme: APAPS (Autoritatea pentruPrivatizarea şi Administrarea ParticipaŃiilor Statului), SIF (Societate de InvestiŃiiFinanciare), SRL (Societate cu Răspundere Limitată), SA (Societate pe AcŃiuni),TVA (Taxă pe Valoarea Adăugată).4. La néologie par emprunt4.1. L’un des principaux mécanismes linguistiques de la création néologiqueest, de toute évidence, l’emprunt. Procédé externe d’enrichissement lexical,l’emprunt consiste à importer dans une langue cible des mots appartenant à unelangue source. Considérée la solution la plus commode pour remplir les lacuneslexicales d’une langue, il est favorisé par des facteurs extralinguistiques tels que levoisinage, les rapports économiques, politiques et culturels de deux ou plusieurscommunautés.4.1.1. Le problème de l’étymologieÉtablir l’étymologie des emprunts constitue une tâche très importante pour lelexicographe qui doit savoir présenter le mot sous tous ses aspects. Si l’on veutenvisager l’étymologie des emprunts roumains à d’autres langues, cet aspect meten évidence, d’une part, la complexité de l’origine et, d’autre part, les problèmescontroversés qui en découlent. Au-delà de ces difficultés, «la diversitéétymologique du vocabulaire roumain est une source de sa richesse en général et desa richesse en synonymes, anciens ou nouveaux, plus particulièrement» (Sala 2001:147-148).Plus précisément, le vocabulaire de la langue roumaine a un caractèreprofondément hétérogène, dû à sa constitution sous l’influence de plusieurslangues. C’est la raison pour laquelle la littérature de spécialité (Dimitrescu 1994;Dănilă / Haja 2005) propose une typologie de l’étymologie des mots que leroumain a empruntes à ces langues:(i) emprunts à étymologie multiple (concept introduit par Graur 1950);(ii) emprunts à étymologie unique;(iii) emprunts à étymologie controversée (néologismes qui peuvents’expliquer soit par des emprunts soit par des procédés internes, telsque la dérivation ou la néologie sémantique).Il est évident que, sur les trois classes d’emprunts, deux posent de vraisproblèmes. La première regroupe les emprunts à étymologie multiple, ceux qui ontdes étymons différents. Ce phénomène a été expliqué par le fait que «le fondsnéologique du roumain a été constitué sous l’influence de plusieurs langues: le latinsavant, le néogrec, le russe, l’allemand, l’italien et, surtout, le français» (Hristea1968: 104).


La Néologie Et Ses Mécanismes De Création Lexicale *Par conséquent, beaucoup de mots qui font partie du vocabulaire des languesromanes sont entrés en roumain par la filière des langues voisines (le néogrec, leslangues slaves - surtout le russe et le polonais, le turc, le hongrois, l’allemand etl’anglais); d’autre part, des mots appartenant à une certaine langue romane (leportugais ou l’espagnol) sont entrés par l’intermédiaire d’une autre langue, toujoursromane (surtout le français) (Avram 1982, Iliescu 2007).À titre d’exemple, on peut citer le cas où, dans une famille lexicale, certainsmots ont une étymologie unique et d’autres une étymologie multiple, parfoisuniquement pour certains sens. Il s’agit, d’une part, du verbe a intriga (=intriguer)qui a une étymologie multiple (< fr. intriguer, it. intrigare), mais dont le nomcorrespondant a une étymologie unique (< fr. intrigue). À l’inverse, le verbe ainventa (= inventer) a une étymologie unique (< fr. inventer) tandis que les nomsinventar (= inventaire) et invenŃie (= invention) ont une étymologie multiple(française et latine savante). Parfois, l’étymologie multiple apparaît à l’intérieur dumême paradigme, adjectival dans ce cas: academic (< fr. académique, lat.academicus), mais neacademic vient de l’anglais non-academic.D’autre part, l’étymologie multiple apparaît pour certains sens d’un mot. Leverbe a îndura a une étymologie latine (< indurare), empruntant aussi un de sestrois sens au français: «supporter patiemment un chagrin, une douleur, unemaladie». Les deux autres sens que le français ne présente pas correspondent à saforme pronominale a se îndura et signifie «montrer de la pitié pour quelqu’un»et «consentir, accepter, se décider».4.2. Le calqueDans la classe des procédés externes, l’emprunt et le calque sont souventconfondus de sorte que l’existence de critères distinctifs s’avère fort utile pour leslinguistes et les lexicologues. Sablayrolles (2000: 134) nous donne un point derepère pour la distinction de ces deux procédés, celui de la datation: «l’empruntn’est identifiable que si l’on connaît l’existence de la lexie étrangère d’origine etque si l’on sait qu’elle est antérieure à la lexie français et, qui a été modelée surelle».Procédé externe de la néologie lexicale, le calque regroupe deux autres sousclasses:le calque sémantique et le calque de structure.En ce qui concerne le calque sémantique, un mot existant dans une langueacquiert, sous l’influence d’une autre langue, une nouvelle acception. Par rapport àla néologie sémantique, qui est un procédé interne d’adjonction d’un signifié à unsignifiant existant dans une langue, le calque sémantique est un procédé externe quiconsiste à ajouter, sous l’influence d’une autre langue, une nouvelle acception.Par exemple, le mot primar (= primaire) avec le sens de «initial,primordial, originaire» a une étymologie latine (< primarius), mais, sousl’influence du français maire, il a acquis le sens de «premier magistrat de lacommune, élu par le conseil municipal parmi ses membres pour exécuter lesdécisions du conseil, représenter la commune et exécuter sous l'autorité du préfetdes fonctions d'agent du pouvoir central».


Daniela DINCĂUn autre calque sémantique a été créé sous l’influence de l’anglais qui atransmis le sens de «comprendre» du verbe to realize au verbe homonyme duroumain a realiza dont le sens était, tout comme celui du verbe français qui setrouve a son origine, celui d’ « accomplir ».Mais le calque sémantique le plus répandu apparaît dans les langues despécialité, où les termes sont souvent calqués sur ceux de la langue source, lefrançais dans notre cas. Nous prenons comme exemple le domaine de la biologie:labilitate (labilité), lactază (lactase), lactogenetic (lactogénétique), lactogeneză(lactogenèse), leucocitogeneză (leucocytogenèse), leucopoieză (leucopoïèse),levuloză (lévulose), lignicol (lignicole), limfoblast (lymphoblaste), lipază (lipase),lipemie (lipémie), lipocrom (lipochrome), lopoliza (lipolyse), lipotrop (lipotrope),etc.D’autre part, le calque de structure consiste dans l’adoption de la formeinterne d’un mot étranger et il apparaît aussi bien dans le cas des mots simples(calque lexical): lamă (lame), lambriu (lambre), laminor (laminoire), langustă(languste), lanolină (lanoline), lanternă (lanterne), lecitina (lecitine), leucemie(leucemie), etc. que dans celui des phraséologismes (calque phraséologique): ceas– brăŃară (montre bracelet), câine-lup (chien loup), hârtie monedă (papier -monnaie), nou-născut (nouveau-né).4.3. L’adaptation des empruntsUn autre aspect que nous devons prendre en considération concerne le degréd’adaptation du nouveau mot/terme car, selon Guilbert, «un néologisme n’existeréellement que s’il entre dans un certain usage» (1975: 44). L’auteur cité ajouteplus loin que c’est la répétition de l’acte de création qui installe le néologisme«individuel» dans «la société du lexique». Le néologisme ainsi lexicalisé perd, ducoup, sa qualité de néologisme pour devenir un mot «socialement établi».Dans la tradition des études néologiques, on considère que les néologismesqui s’installent dans les langues relèvent fréquemment au départ du discoursspécialisé, car ils sont créés pour des besoins de dénomination de nouveauxconcepts et de nouveaux produits. Lorsque les néonymes se divulguent, puis sebanalisent, entrant dans les discours du non spécialiste, ils intègrent la languegénérale, en perdant en partie leur statut spécialisé.En ce qui concerne le degré d’adaptation des emprunts, celui-ci constitue uncritère de distinction entre les deux types d’unités lexicales analysées: si lesnéonymes ont une identité formelle presque identique dans les deux langues, lesnéologismes ont un degré plus ou moins grand d’adaptation phonétique etgraphique.Par conséquent, les néonymes empruntés au français présentent une identitéformelle dans les deux langues. À titre d’exemple, on peut citer les 34 termesbiologiques inventoriés par Florica Dimitrescu (1994: 225): acvacultură, anabazis,antigenă, antropo, biodegradabil, bioluminiscent, biomasă, biomatematică,bionică, biostimulator, biotelemetrie, biotop, criobiologie, ecologie, ergotamină,fotoenergetică, fitosanitar, gamaglobulină, hipotermie, homeostazie, izomerază,


La Néologie Et Ses Mécanismes De Création Lexicale *metabolit, micropaleontologie, ocelă, protidic, radiostimulare, rodopsin,sapropelic, thanatologie, teleonomie, trisomie, umanoid, viral, virologie.La classe des néologismes applique l’adaptation des emprunts à la languecible de sorte qu’on peut avoir une orthographe identique pour deux empruntsdifférents. C’est le cas du mot diplomat qui a une double étymologie avec des sensspécifiques: 1. emprunt au français diplômé avec le sens de «titulaire d'undiplôme» et 2. emprunt au français diplomate avec deux sens: a. «personneofficiellement chargée de représenter son pays auprès d'un gouvernement étrangerou dans les affaires internationales» et b. «entremets froid servi avec une sauce auxfruits». Si le premier sens est presque absent dans la langue courante, les deuxderniers sont d’un usage fréquent, même si, pour la dernière acception, le termefigure dans une collocation du type tort diplomat, prăjitură diplomat, dans le butd’éliminer toute ambiguïté de sens.4.4. La nécessité des empruntsUn autre facteur qui fait la distinction néologismes vs. néonymes concerne lanécessite des emprunts: si les néonymes répondent à une nécessité d’ordreterminologique, imposés par les nouvelles réalités, les néologismes sont parfois desemprunts à la mode.Les néologismes qui ont une existence éphémère enregistrent desoccurrences isolées sans avoir le pouvoir de pénétrer dans la langue courante. Ils’agit dans ce cas de xénismes ou pérégrinismes (Kocourek 1982: 133), desemprunts perçus par l’usager comme un élément étranger et qui ne sont pas encoreintégrés par le système linguistique de la langue cible. À titre d’exemple, on peutciter Iordan (1954) qui relève dans la presse d’entre les deux guerres une série demots empruntés au français qui ne correspondaient à aucune nécessité: aberant(aberrant), abhorat (abhorré), alert (alerte), angoasă (angoisse), aviva (aviver),bulversa (bouleverser), claca (claquer), compozit (composite), confesa (confesser),cozerie (causerie), curonament (couronnement), devanseur (devanceur), diurn(diurne), dompta (dompter), efasa (effacer), extravaga, flana (flâner), flaterie(flatterie), etc. Mais il faut remarquer que beaucoup de ces mots sont aujourd’huiparfaitement intégrés dans le roumain courant: aberant, alert, angoasă, a claca,compozit, confesa, diurn, etc.Si l’on fait référence à l’époque actuelle, beaucoup d’emprunts, surtout aufrançais, ont un caractère livresque et ne sont pas entrés dans le circuit général de lalangue. C’est, par exemple, le cas des mots : a lacera (lacérer), a lapida (lapider),a libela (libeller), a umecta (humecter), a uzita (usité), a oblitera (oblitérer), a cola(coller), a hanta (hanter), lancinant (lancinant), umanoid (humanoïde), obsecvios(obséquieux), etc.L’importation d’une nouvelle acception pour un mot existant dans unelangue est parfois ressentie comme étrangère. C’est le cas du terme aplicaŃie(application) qui, sous l’influence de l’anglais, a acquis le sens de «demande,sollicitation», sens qui se superpose à ceux qui existaient dans la langue courante:«exercice militaire de lutte». Le <strong>DE</strong>X nous donne là-dessus une explication, enprécisant que cette nouvelle acception a été reprise dans le Dictionnaire d’argot


Daniela DINCĂ(2007), ce qui veut dire que la langue parlée peut être une source pour l’adjonctionde sèmes aux unités lexicales qui existent dans une langue.Ces emprunts stylistiques sont aussi très utilisés dans le langage de la presseoù les mots roumains sont doublés d’emprunts étrangers: a antama (entamer), aenvisaja (envisager), a bulversa (bouleverser), a devoala (dévoiler), a se deroba(se dérober), lejeritate (légèreté), mefienŃă (méfiance), a stopa (stopper), ce quis’explique soit par «un snobisme linguistique», soit par la recherche d’un stylepersonnel.5. En guise de conclusionLa créativité lexicale reflète le développement scientifique, technique etculturel d’une société, car chaque langue dispose d’un ensemble de procédésmorphologiques, morphosyntaxiques et morphosémantiques pour créer lesnouvelles dénominationsEn ce qui concerne les mécanismes linguistiques de la création néologique,nous avons retenu les aspects suivants :(i) Chaque langue dispose de ses propres stratégies de formation dans ledomaine de la néologie lexicale, même si le point de départ reste l’emprunt àd’autres langues.(ii) Le contact incessant des langues rend parfois très difficile le processusde distinction entre un mot dérivé ou un emprunt. Seule la documentationlexicographique peut nous rassurer et nous fournir les meilleures informations.(iii) Sur les trois procédés de création néologique pris en considération, nouspouvons affirmer que les deux premiers, en tant que procédés internes, utilisent desmots existant dans une langue et leur nouveauté consiste dans un changement deforme (néologie flexionnelle) ou de sens (néologie sémantique) tandis quel’emprunt, procédé externe d’enrichissement du vocabulaire, introduit une nouvellelexie dans une langue, ce qui suppose, à la fois, une nouvelle forme avec unnouveau sens.(iv) Pour ce qui est du rapport néologismes vs. néonymes et les procédés deformation, nous avons retenu les idées suivantes:- la forme, en tant que critère de distinction, classifie les mots courts dansla classe des néologismes et les formes syntagmatiques dans celle desnéonymes;- les néologismes privilégient la création morphologique par préfixation etpar suffixation tandis que les néonymes favorisent la créationsyntagmatique;- la néologie sémantique se manifeste surtout dans le domaine desnéonymes qui enregistrent un grand nombre de métaphores lexicalisées oude siglaisons;- l’emprunt et le calque sont les moyens externes les plus fertiles pour lacréation des néonymes qui, après avoir subi une «socialisation» àl’intérieur de la langue cible, se divulguent et sont employés par un grandnombre de locuteurs.


La Néologie Et Ses Mécanismes De Création Lexicale *NOTE* Cet article est publié dans le cadre du projet de recherche Typologie des emprunts lexicaux françaisen roumain. Fondements théoriques, dynamique et catégorisation sémantique (FROMISEM)financé par le CNCSIS (contrat no. 820/2008).BIBLIOGRAPHIEOuvrages de référenceAvram, Mioara, “Contacte între română şi alte limbi romanice”, Studii şi cercetărilingvistice, XXXIII, 3, 1982, p. 253-259. (Avram 1982)Busuioc, Ileana, Despre neologisme şi neologie, 1996, site: http://www.litere.uvt.ro/documente_pdf/articole/uniterm/uniterm4_2006/ileana_busuioc.pdf-Microsoft Internet (Busuioc 1996)Dănilă, Elena / Haja, Gabriela, “Neologismul din perspectivă lexicografică”, Studiişi cercetări lingvistice, LVI, 1-2, 2005, p. 71-78. (Dănilă / Haja 2005)Dimitrescu, Florica, Dinamica lexicului limbii române, Bucureşti, Logos, 1994.(Dimitrescu 1994)Goosse, André, La néologie française aujourd’hui, Paris, CILF, 1975. (Goosse1975)Graur, Alexandru, “Etimologie multiplă”, Studii şi cercetări lingvistice I, 1, 1950,p. 2-34. (Graur 1950)Guilbert, Louis, La créativité lexicale, Paris, Larousse, 1975. (Guilbert 1975)Hristea, Theodor, Probleme de etimologie, Bucureşti, Editura ŞtiinŃifică, 1968.(Hristea 1968)Hristea, Theodor, “FranŃuzisme aparente şi pseudofranŃuzisme în limba română”,Limba română, XXVIII, 5, 1979, p. 491-503. (Hristea 1979)Hristea, Theodor (coord.), Sinteze de limba română, ed. a 3-a, Bucureşti, EdituraAlbatros, 1984. (Hristea 1984)Hristea, Theodor, “Neologisme de origine latino-romanică impropriu folosite”,Studii şi cercetări lingvistice, LI, 2, 2000, p. 335-348. (Hristea 2000)Iliescu, Maria, “Je sème à tout vent”, Mélanges en l’honneur de Lena Lofstedt,LXX, Helsinki, 2007, p. 131-136. (Iliescu 2007)Iordan, Iorgu, “Împrumuturile latino-romanice”, Limba română contemporană.Manual pentru instituŃiile de învăŃământ superior, 1954, p. 70-77. (Iordan1954,Kocourek, Rostislav, 1982, La langue française de la technique et de la science,Wiesbaden, Oscar Brandstetter Verlag, 1982. (Kocourek 1982)Lerat, Pierre, Les langues spécialisées, Paris, PUF, 1993. (Lerat 1993)Mihailovici, Aurelia, “Neologia şi structura neonimelor”, Studii şi cercetărilingvistice, LVI, 1-2, 2005, 23-31. (Mihailovici 2005)Rondeau, Guy, Introduction à la terminologie, Québec, Gaetan Morin, 1984.(Rondeau 1984)


Daniela DINCĂSablayrolles, Jean-François, La néologie en français contemporain, Paris,Champion, 2000. (Sablayrolles 2000)Sala, Marius, Connaissez-vous le roumain?, Bucarest, Editions de la FondationCulturelle Roumaine, 2001. (Sala 2001)DictionnairesDCR 2 = Dimitrescu, Florica, DicŃionar de cuvinte recente, ed. a II-a, Bucureşti,Logos, 1997.<strong>DE</strong>X on line, http://dexonline.ro/DLR = DicŃionarul limbii române, Serie nouă, Bucureşti, Editura AcademieiRomâne, 1965-2002.TLFi = Trésor informatisé de la langue française, CNRS.ABSTRACTLexical neology designates both the inventory of newly created words andtheir devices of formation by internal means (derivation, compounding, addingnew senses) and external ones (borrowings and calques). From this perspective, thepaper aims at presenting a general classification of the various devices, insistingmostly on borrowings, considered a very productive device in the field of lexicalcreativity. At the same time, the paper also underlines the relation establishedbetween the mechanisms of neologic creativity and the two sub-classes of words:neologisms and neonyms.Key words: neology, neonymy, lexical creativity

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