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antisthene. - Notes du mont Royal

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ANTISTHENE. 3vouloit fe rendre fon difciple, lui ayant demandéde quelles chofes il avoit befoin pour cela, D'unlivre neuf, dit-il, d'un ftyle (i) neuf, & d'unetablette neuve, voulant dire qu'il avoit principalementbefoin d'efprit (2). Un autre, qui cherchoiti fe marier, l'ayant confulté, il lui répondit ques'il prenait une femme qui fût belle, elle ne feraitpoint à lui feul; if que s'il en prenoit une laide,elle lui deviendrait Mentit à charge. Ayant unjour enten<strong>du</strong> Platon parler mal de lui, il dit,qu'il lui arrivait, comme aux Rois, d'être blâmé pouravoir bien fait. Comme on l'initioit aux myfteresd'Orphée, & que le Prêtre lui difoit que ceux, quiy étoient initiés, jouifloient d'un grand bonheuraux Enfers, Pourquoi ne meurs-tu donc pas, luirépliqua-t-il? On lui reprochoit qu'il n'étoit pointné de deux perfonnes libres: Je ne fuis pas ninon plus, repartit-il, de deux lutteurs, & cependantje ne laiffe pas de favoir la lutte. On luidemandoit auffi pourquoi il avoit fi peu de difciples: Ceft que je ne les fais pas entrer chezmoi avec uite verge d'argent (3), répondit-il.Infi)Sorte de poinçon dont les'Anciens Ce fervoient poufaire.(2) Ceft un jeu de mot* ,qui confifte en ce que le termeGtec, qui fignifieici nnf ou ntnvtt», peut anfli fignifier& éCéffrit.(j) Cela veut dite que les chofes les plus chexes etoientle plus eftime'es. Les Cyniques ne piCBoicnt point d'agentde lenis difciple*. C*fiué$a.A a


4 ANTISTHENE.'Interrogé pourquoi il en agiflbit rudement avecfcsdifciples, Les Médecins, dit-il, traitent de,même leurs malades. Voyant un jour un a<strong>du</strong>ltèrequi fe fauvoit, Malheureux ! lui cria-t-il, quelpéril n'aurois-tu pas pu éviter avec un obole ! Héeatondans fes Difcours lui attribue d'avoir dit »qu'il vaut mieux tomber entre les pattes descorbeaux; qu'entre les mains des flatteurs, parce queceux-là ne font <strong>du</strong> mal qu'aux morts, au-lieu,que ceux-ci dévorent les vivons. Interrogé fur cequi pouvoit arriver de plus heureux à un homme,il répondit que c'était de mourir content. Un defes amis fe plaignant un jour à lui d'avoir per<strong>du</strong>fes écrits, il lui dit, qu'il aurait fallu mettreles cbofes, qu'ils contenaient, dans fon efprit,mais non fur <strong>du</strong> papier. 11 difoit que les envieuxfont confumés par leur propre caraSere, comme lefer ejl rongé par la rouille qui s'y met; que lemoyen de s'immortalifer eft de vivre pieufement £#juftement ; & que quand on ne peut plus difcernerJes bonnêtes gens d'avec les vicieux, c'eji alorsqu'un pays eft per<strong>du</strong>^•Etant un jour loué par des gens d'un mauvaiscaractère, il ditj que cela lui faifoit craindrequ'il n'eût fait quelque cbofe de mal. Il difoit"suffi, qu'une focieti de frères, qui font unis, eft lameilleure de toutes les fortereffes ; & qu'il fathitfe munir principalement de biens, qu'on pûtdans m naufrage fauvtr avec foi, .Comme on- -•- le


ANTrSTHENB. 5le blamoit de ce qu'il fréquentoit des gens ricieux>,il répondit, que les Médecins voient bienles malades, fans pour cela prendre la fièvre. Hdifoit encore, qu'il était abfurde, tandis qu'onprenait tant de foin de féparer le froment de l'ivroie,$£ de purger une armée de gens inutiles, qu'onne prît pas le mime foin de purger la focieti desmécbans qui la corrompent. On lui demanda ce quilui étoit revenu de l'étude de la Philofophie, Defavoir, dit-il, converfèr avec moi-même. Chantez tlui dit quelqu'un dans un repas; Et vous, repli*qua-t-il, jouez-moi de la flûte. Dtogene lui demandantun habit, il lui dit qu'il n'avait qu'àplier fon manteau en double. Quelle efl, luidemanda-t-on r de. toutes les cbofes, qu'il faut apprendre,la plus nécefiairel Celle, répondit-il td'oublier le mal. Il exhortait ceux, qui étoientl'objet de la médifance, à la fupporter comme fiquelqu'un fe jettoit des pierres à lui-même. Iltaxoit Platon d'orgueil,. & voyant un jour dansune pompe publique un cheval qui henniflbit,jl dit à Platon, Vous me femblez avoir une fiertépareille à çeUe-là » faifant allufio» par ce difcour»à ce que Platon donnoit beaucoup de louange»au cheval. Etant venu un jour auprès de ce.Philofophe qui étoit malade, & voyant un vafedans lequel il ayoit vomi, Je vois bien, dit-il,la bile de Platon, .mais non pas fon orgueil. 11Sonfeilloit aux Athéniens de faite un Décret, patA3, le-


6 ANTISTHENE.lequel ils déclarafient que les ânes font des chevaux; & comme on trouvoit ce difcours déraifonnable,il ajouta: Ne cboifijfez-vous pas pour Générauxdes gens qui ne fanent rien, fcp qui n'ontd'autre droit que leur éleSion à la charge qu'ils rem*pliffent? Quelqu'un lui difant que beaucoup degens lui donnoient des louanges, Je ne Jacbe pasnon plus, dit-il, avoir fait quelque cbofe de mauvais.On raconte que comme il laiflbit voir uncôté de fon manteau qui étoit déchiré, Socrate,


ANTISTHENE.reçu un navire, chargé de choies talée* qu'ilattendent, il prit un fac, & mena le jeune hommeavec lui chez une femme qui vendoit de tefarine; & lui ayant dit d'en remplir fon foc,comme elle lui demandent de l'argent, Ce jeumhomme, dit-il, vous en donnera quand fin navire,chargé de ebofes faites, fera arrivé.Antiftbene pafie auffi_ pour avoir fait bannirAnytus, & condamner Melitus (i) a mort; caron dit, qu'ayant rencontré de jeunes-gens <strong>du</strong>Pont, que la réputation de S ocra te avoit attirés, il les mena i Anytus, en leur difant, qu'ilfait bien plus réglé dans fes mœurs que Socntte :ce qui excita tellement l'indignation des affûtant,que ce fut la caufe <strong>du</strong> banniuement d'Anytus. Unjour, ayant vu pafiêr un» femme qui étoit fortornée, il alla fur le champ a la maifon de cet»femme, & ordonna à ion mari de pro<strong>du</strong>ire fbacheval & fes aimes, lui difimt que s'il étoit pour»*de ce dont il avoit befoin pour la guerre, Hpouvott permettre i fa femme de donner dans leluxe ; finon, qu'il de voit lui ôter fes ornementOn lui attribue encore les fentimens fulvmn».-D croyoit que ia vertu peut s'enfeigner; Que-fc»gens vertueux font en même tems nobles : Que lavertu fujjît pour rendre heureux, n'ayant befoind'au-


( ANTISTHENE.d'autre fecturs que d'une ame telle que telle deSocnt?te; que fon objet font les ebofes mimes, f^ qu'ellen'a befoin,nide beaucoup de paroles, ni d'une grandefcience: Que le fage fe fuffit d'autant plus à lui*môme, qu'il participe à tous les biens que les autrespojjedent : Que t'eji un bien d'être dans l'ob*fcuriti, 6* qu'elle a lès mimes ufages que le trarvail »- Que le fage »*/« régie pas dans la pratiquedes devoirs civils par les loix établies, mais parla vertu ; qu'il fe marie dans la vue d'avoir desenfans, cboijijfant pour cet effet une femme dontles agrémens puiffent lui plaire; qu'il peut aujj/iformer des liaifons de tendreffi, facbant feul quelen dût être l'objet (i). ,Diodes lui attribue auffi ces maximes : Querien n'efl étrange, ni extraordinaire pour U fageiQue les gens d'un bon cara&ere font ceux qui mérritent le plus d'être aimés : Que ceux, qui recherchent 'les bonnes ebofes, font amis les uns des autres : Qu'ilfaut avoir pour compagnons'de guerre des gens quifoient à la foi{ courageux fe? jufk.es : Que la Vertueft une arme qui ne- peut être ravie t Qu'il vautmieux avoir à combattre avec un petit nombre degens courageux contre une troupe de gens lâches gpfans(i) II ne- s'agit point fci de Pâmonr de» femme»"'*•' me peut douter pourtant qu'il ne s'agifle d'une tendreflehonnête. Voici donc un de ces endroits des anciens-Auteurs , qui prouve que le çrme de l'original ne doitcas toujours eue interprète' dans un fèns odieux* ;


AMTIg-THENB. 9fins cour, que d'avoir à Je défendre- avec une pareille(taupe contre un petit nombre des premiers : Qu'ilfaut prendre garde dene pas donner prife à fes ennemis,parce qu'ils font les premiers qui s'apperçoivenê4es fautes- qu'on fait: Que la vertu des femmesconfifiedans les mêmes cbofes que telle des hommes:Que les cbofes, qui font bûmes font attffi belles, &que celles, qui font mauvaifes, font bonteufes: Qu'Hfaut regarder les aùions vicieufes comme étantétrangères à l'homme : Que la prudence ejt plus affûtéequ'un- mur, parce qu'elle ne peut ni crouler, niêtre minée : Qu'ii faut élever dans fon ame une forttreffe,qui fait imprenable,Antifthene enfeignoit dans un Collège appelleCpofarge, pas loin des portes de la ville; &quelques-uns prétendent que c'eft de là que laSe&e Cynique a pris fon nom. Lui-même étoitûirnommé d'un nom qui fignifioit un Cbienfimple,$ au rapport de Diodes, il fut le premier quidoubla fon manteau, afin de n'avoir pas befoind'autre habillement. Il portoit une beface &,wn bâton ; & Néanthe dit, qu'il fut auflt lepremier qui fit doubler fa vefte. Sourate, dansfon troifieme Livre des Succeffions, remarque queDiodore Afpendien ajouta à la beface & au bâtoal'u&ge de porter Ut barbe fort longue-.. Antifthene eft le feul des difciples de Sociale,qui ait été loué par Théopompe. Il dit, qu'ilétoit d'ua efpiitfin, & qu'il menoit, comme it' £ S *ou-


joANTISTHENE.vouloir, ceux qui s'engageoient en diîcours «veclui. Cela parolt auflî par fesLivres, & parle Festinde Xénophon. Il paroh auffî avoir été lepremier Chef delà Seâe Stoïque, qui étoitlaplusauftere de toutes ; ce qui a donné occafion auPoSte Athénée de parler ainfl de cette Seâe :O vous! auteurs des Maximes Stoïciennes ; vous,dont les Joints ouvrages contiennent les plus excellentesvérités, vous avez raifm de dire que la vertutft le feul bien de rame : e'efi elle qui protège lavie des hommes, ff qui garde les cités. Et s'il y ena d'autres qui regardent la volupté corporelle commeleur dernière fin, ce n'eft qu'une des Mufes qui leleur a perfuadi (i).Ceft Antifthene qui a ouvert les voies à Dio.gène pour fon fyftême de la tranquillité, à Cratespour celui de la continence , à Zenon pourcelui de la patience ; de forte qu'il a Jette les fondemensde l'édifice. En effet Xénophon dit qu'ilétoit fort doux dans la conver&tioa, & fort retenufur tout le réfte.On divife fes ouvrages en dix volumes. Lepremier contient les pièces fui vantes : De la Die»Won, ou des figures <strong>du</strong> difcturs. Ajax,eula harangued"Ajax. Ulyffe, ou de l'Odyffée. L'Apologied'Orefte. Des Avocats. L'Ifograpbie, ou Défias jautrement Ifocrate ; pièce contre ce qu'Ifocrate aécritfi) Voyex la note foi ces fcxs dans la Vie de Zenon*


ANTIS THENE,écrit va U manque de ttmoint. Le tome II. ccMJ.tient les oumges fuivans : De la Mature des Animaux.De la Procréation des Enfant, ou des A8«ces ; autrement VAmoureux. Des Sopbifies. L»Pbyfwgntmunique. Trois Difcaun d'exhortation fur l*fuHce £? i» Valeur. De Tbéagnû, quatrième &cinquième difcours. Les pièces <strong>du</strong> totae III. foutiatitvttëes: Du Bien. De la Videur. De la Loi, omde ia Police. De la Loi, ou de l'honnête ff<strong>du</strong>jufie.De la Liberté & de la Servitude. De la Confiance.Du Curateur, m de la foumiffion. De la Vititoirejdifcêurs ccMKwrifBff. Le tome IV» contient le Çyrus, le grand Hercule ; an de la Force. Le VJtraite de Cyrus, ou de la Royauté ,• £f d'AffafiaiLes pièces <strong>du</strong> tome VI. font intitulées: DelaVi*riti. DeloDUcuJJion; discours critique. Sathtn, ifia ContradiStim,troisdifcours. Du Langage. Le VtLtome traite, De i'Erudition, m des N'orne f cinalivres. De la Mort. Dt la Vie & de la Mm. DetEnfers. De l'Vfage des Nmt-, pièce intitulée mertt, Le Difputeur. Des Demandes & des Ràpqn»Jet. De laGloire& de It Science i quatre livres. De ImNature, deux livres. Interrogation fur la Afinwt,deuxième livre. Dts Opinions,-»* leDifp*t**t- &op'prendre dts qut/Hens Lospiôoes


» . ÂNTIS THTTN"E;mûrement de Télémaque. D'Hélène, & déPinilopèi.De Protée. Du Cychpe, ou d'Ulyffe, De l'Ufagi<strong>du</strong>Vin, eu de l'Tvrognerie'; autrement <strong>du</strong> CyclopeiDe Ciné; D'Ampbiaraûs. D'Ulyffe fc? de Pénélope:Du Chien. Le tome X. traite r D'Hercule , ou de.Midas. D'Hercule r ou de la Prudence &? de làForce. Du Seigneur, ou de-l'Amoureux. Des Seig*news, eu- des EmiJJaïres ; De-Ménexene r ou de l'Em*pire-. D'Aîcibiade. D'Arvbélaûs, ou de la Royautés. Ce fônt-là les ouvrages- d'Antifthene, dont legrand nombre a donné occafîon i Timon de lacritiquer , en l'appellant un ingénieux Auteustte bagatelles. Il mourut de maladie r & l'on dit>qae Diogene vint alors le voir, en lui demandant}t'it ivoit befoin d'un ami. Il vint auffi une foischez lui r en portant un poignard; & comme Antiftbenelui eut dit, (gui me délivrera de mesdouleurs? Ceci, dit Diogene-, en lui <strong>mont</strong>rant lepoignard : à quoi il répendit, $e parle- de mesdeuleurs, & non pas de la, vie; de forte qu'il fem*bje que l'amour de ht vie lui ait fait porter fàSialadie impatiemment. Voici une épigrammeque j'ai faite fur fon fujets.Durant ta vie, Antiflbene, tu faifois le devoird'un chien &P mordais, non des dents, mais par tesdiscours qui cenfuroient le vice 4 . Enfin tu meurs.de confomption. Si quelqu'un s'en étonne, y demandapourquoi cela arrive : Ne faut-il pas, quel»ftt'wi qpifervfi de guidt aux Enfers?a


ANTTS TETE NE. *3H y a eu trois autres Antifthenes ; l'un, cfifci»pie d'Héfaclice j le fécond, natif d'EphefejIetroifèmede Rhodes : ce dernier étoit biftorfen.Après avoir parlé des difciples d'Arîftippe r& de ceux de Phoedon r il eft cems de pafler aurdifciples d'Antifthene, qui' font les Cyniques &les. Stoïciens»A 7D I O


14 D I O G E N E .D I O G E N E.Diogene fils «Tïcefe, Banquier,


0- r O G g N & 17tienne lui fembltit plus înfenfé que îlomme. Hrépétoit Couvent qu'il faut fe munir dans la vie, oude raifon, ou d'un licou. Ayant remarqué un jourdans un grand feftin que Platon ne mangeoit quedes olives, Pourquoi, lui demanda-t-il, fage com?me vous êtes, n'ayant voyagé en Sicile que pour ytrowaer de bons morceaux, maintenant qu'on voutles préfente, n'en faites - vous point ufage ? Platoalui répondit: En vérité, Diogene, en Sicile mimeje ne mangeais la plupart <strong>du</strong> tenu que des olives.Si cela eji, repliqua-t-il, qu'aviez-veus befom d'ai*1er à Syracufe ? Le pays d'Athènes ne porte-t-il pointajfez d'olives?Phavorin, dans fôn Hiftoire divei>je, attribue pourtant ce mot à Ariftippe. Uneautre fois mangeant des figues, il rencontra Platon, à qui il dit qu'il pouvoit en prendre fa part ;& comme Platon en prit & en mangea, Diogene,lui dit: qu'il lui avoit bien dit d'en prendre, maisnon pas d'en manger. Un jour que Platon avoitinvité les amis de Denys, Diogene entra chezlui, & dit, en foulant (es tapis, Jefoule aux pied*la vanité de Platon : à quoi celui-ci répondit, Quelorgueil ne fais-tu-point voit, Diogene, en voulant<strong>mont</strong>rer que tu n'en as point ! D'autres veulentque Diogene dit, jfe foule l'orgueil de Platon, $que celui-ci répondit, Oui, mais avec un autre:orgueil* Sotion, dans fan quatrième lirrfr, rapportecela avec une injure, en diiant que le Cbietttint ce difcouis à Platoa Diogene ayant un jourprié


iÔ % % ft & '* Ménrppe (ï), dans i'£n*«fi


.V V .0 G E N .* tiitoiçtt -apprîtes des PoStes, des autre? Ecrfc.Tains, Scde'la bouche de Diogene même, qui reV<strong>du</strong>ifoit en abrégé les explications qu'il leur en doarJûit, afin quUl leur fût plus facile de les rete^air. Il leur faifoit faire une partie <strong>du</strong> fervice doneftique,& leur apprenoit à fe nourrir légèrement4 à bqire de l'eau. U leur faifoit couper Les cherFCUX jufqu'àla peau, renoncera tout ajufrement,& marcher avec lui dans les rues fansvefle, fansfoutiers, en filence, & les yeux baiffés ; il les me-Bpit auffi à la chaffe. De leur côté ils a voientloin de ce qui le regardoit, & le recommandoienti leur père & à leur mère.. Le même Auteur, que je viens de citer t dit qu'ilvieillit dans la maifon de Xéniade, dont les filseurent foin de l'enterrer. Xéniade lui ayant demandé, comment il foubaitoit d'être enterré, ilrépondit, le vifage contre terre ; & comme.il lui.-demandi la raifon de cela, Parce,. dit-il, que dansr& dettms lescbofes, qui font dejjous, fe trouverontkffits, faifant allufion à la puiflance des Macédoniens,qui, de peu dechofe qu'ils avoient été,


il D I O G E N E.(on bâton, en difant, J'ai appelle- des hommes, £fnon pas des ixcrimens: cela eft rapporté par Hécatonau premier livre de fes Cbries (i). On attribueauflî à Alexandre d'avoir dit, que s'il n'éteit pasné Alexandre, il auroit voulu être Diogene., Ce Phlofophe appelloit pauvres, non pas les fourds &les aveugles ; mais ceux qui n'avaient point de be~face. Métrocle , dans fes Cbries, rapporte qu'étantentré un jour, avec les cheveux à moitié cou*pés, dans un feflin de jeunes gens, il en fut battu;& qu'ayant écrit leurs noms, il fe promenaavec cet écriteau attaché fur lui, fe vengeant parlàde ceux qui l'avoient battu, en les expofant àla cenfure publique. Il difoit qu'il étoit <strong>du</strong> nombredes chiens qui méritent des louanges, £p que cependantceux, quifaifoient profe£ion de le louer, n'noient point à fpaffer avec lui. Quelqu'un fe van-. toit en fa préfence de fur<strong>mont</strong>er des hommesaux Jeux Pythiques : Tu te trompes, lui dit-il, c'eftà moi de vaincre des homme* ; pour toi, tu ne fu<strong>mont</strong>es que desefclaves. On lui difoit qu'étant âgé,•il de voit fe repofer lereftede fes jours: Hé quoi!répondit-il, fi jefournijfeis une carrière, £p que jefuffe arrivé pris <strong>du</strong> lut, ne devrois-je pas y tendreavec encore 'plus de force, au-lieu de me repofer f"Quelqu'un l'ayant invité à un régal, il refuft d'yalfi)Sorte de diftours, toujant fui «se ftntenct, ou foxquelque trait d'hiftoiie.


D I O G E N E . »$aller, parce que h jour précédent en ne lui en avoitpoint fu gri. Il roarchoit nuds pieds fax la neige,& faifoit d'autres chofes femblables, que nous a»vons rapportées. Il eflaya même de manger de lachair crue, mais il ne continua pat. Ayant trouvéu jour l'Orateur Démofthene, qui dînoitdans unetaverne; & celui-ci fe retirant, Diogene lui dit,Tu ni fais, en te retirant, qu'entrer ions me tavernefius grande. Des étrangers fouhaitant de voir Démofthene, il leur <strong>mont</strong>ra fon doigt <strong>du</strong> milieu ten<strong>du</strong>,en difant, Tel efi celui qui gouverne le peupletAthènes (i). Voulant corriger quelqu'un quiiroit lailTé tomber <strong>du</strong> pain , & avoit honte dele ramafler, il lui pendit un pot de terreau cou, &dans cet équipage le promena par la Place Céramique(a). Il difoit, qu'il faifoit somme Us maîtresde mufique, qui changement leur ton peur aider lesautres à prendre celui qu'il falloit. Il difoit auffi quebeaucoup de gens paffoient pour feus à caufe de leursdoigts, parce que fi quelqu'un porteit le doigt <strong>du</strong> mi'lieu ten<strong>du</strong>, on le regardait comme un infenfé ; ce quin'arrivek point, fi on portait le petit doigt tend».Il fe plaignoit de ce que les chofes précieufes coûtoientmoins que celles qui ne l'étpient pas tant,di-(1) C'eft-i-dite qu'il àeit fou, Mmja*ccla-,«ft afliqnéquelques UgM» phu bas. .(1) On dit qu'on «f-ptlloit aiofi glnficu» eadistw d'Athâu,Se cotre «uti*« un cadrait ou. cmenteiioitcsusqui«oient morts à la guenc K»/«, M Ttréfir a.'fti*m.


D I O G E "N E. 1$treox de fa main, il jetta un petit vafe qu'il poT-, toit pour cela dans fa befacé, en difant, qu'un•enfant le furpaffoit en Jimplicité. Il jetta aufli faruilliere, ayant vu un autre enfant; qui, après a-voir caffé fon écuelle, ramaflbit des lentilles avecHm morceau de pain qu'il avoit creufë.Voici un de fes raifonnemens : Toutes cbofesappartiennent aux Dieux. Les fages font amis desVieux. Les amis ont toute? cbofes communes; ainfitoutes cbofes.font four les fages. Zoïle de Perge•rapporte, qu'ayant vu une femme qui fe profternoitd'une manière deshonnête devant les Dieux,& voulant la corriger de fa fuperftition, il s'approchad'elle & lui dit, Ne crains-tu point, donscette pùfture indécente , -que Dieu ne foit peutêtrederrière toi ; car toutes cbofes font pleines de.fa préfence. Il confacra à Ëfculape un tableau-,•repréfertant ua homme qui venoit frapper desgens qui fe profternoient le vifage contre terre(i). n avoit coutume de dire, que toutes lesimprécations, dont les Poètes font ufage dans leurstragédies, étaient tombées fur lui, puifqu'il n'avoitni ville,mi maifon, £^ ?«'«"' éioït borsdefa patrie,pauvre, vagabond, & vivant au jour ta journée,ajoutant qu'i/ oppofoit à la fortune le courage, a9xloix la nature., la raifon aux payions. Pendant que. daâsJ.i) On dit que parmi les rites d'adoration était celuide'fe mettre le vifage contre terre, en «'tendant tout lecorps. Mtr.-CtfaubtH,Tome II.'S


*$ î> I O G E N E..dans un litu. d'exercice, nojnmé Craniou (i), ilfe chauffoit »u fcleil, Alexandre s'approcha & luidit, qu'il poiwoit W deœar^rtte^utflfouhaitoit.gfg/abatte,,. répondit-Il, fltw f» «« wefaQit fmfi•d'ombre ici. Il avoit été jsréfent à -une longuelecture, & celui qui lifoit, afpwcfaaflt 4e lafinjulivre, <strong>mont</strong>rait aut ,a&ftat>s qu'il n'y aToit plusarien décrit, .Courage* mil, dit Piojepe , /««VMf iww, Quelqu'un, -qui luifaifoit .das Syl^gisjnes,les ayant conclus par lui ikfi


D I O G E N 2. i 7feroit-il pas ridicule, repondit-il, qu'Agêfilas &Epaminondas croupirent dans la boue, £5* que quel,.fues gens <strong>du</strong> commun fujjent placés dans les Ilesdts bienheureux, parce qu'ils auraient été initiés?U. vit des fouris grimper fur fa table, Voyez ,ftt-U, Qiogene nourrit auffi des Parafites. Platonlui ayant donné le titre de fa Se&e, qui é.toit celui de Cbien, il lui dit: Tu as rai/on;eerjefuis retourné auprès de ceux qui m'ont ven<strong>du</strong>(i). Comme il fortoit <strong>du</strong> bain, quelqu'un luidemanda s'il yavoit beaucoup d'hommes quifêlav.pieptjil dit que nott. „ Y a-t-il donc beaucoupn dépens, reprit l'autre ?" Ouï, dit Diogene. Ilvoit «nten<strong>du</strong> approuver la définition que Platondonnoit de l'homme, qu'il appelloit un Animali deux pieds, fans plumes. Cela lui fit naître lapenfée de prendre un Coq, auquel il ôta lesplumes, & qu'il porta enfuite dans l'école dePlatsn, en difant : Voilà l'homme de Platon ; ceguï fit ajouter à la définition de ce Philofophe,que l'homme eft un Animal 4 grands ongles. Onlui demandoit quelle heure convient le mieuxpou dîner. Quand on eft rùbe, dit-il, on dînfslorfju'on veut, t$ quand m eft pauvre, hrfqu'wle peut. Il vit les brebis des Mégariens, quié-(1) C'eft «ne taillerie qui faifoit allufiofc à ce que*l»toji,' apxfes. «voit éti yçn<strong>du</strong> pat Denys, çtw mwtaém Situe,B 2


a$ D I © G E N E.étoient couvertes de peaux (i), pendant queleurs enfans àlloient nuds; il en prit occafîon de dire,qu'il valoit mieux être le bouc des Mégariens queleur enfant. Quelqu'un l'ayant heurté avec unepoutre, & lui difant enfuïte de prendre garde, EJlce,repondit-il, que tu veus me frapper encore ?Il appelloit ceux, qui gouvernent le peuple, desMiniftres de la populace ; & nommoit les couxonnesdes ampoulles de la gloire. Une fois 1.1alluma une chandelle en plein jour, difant qu'ilcherchait un homme. 11 fe tenoit quelquefoisdans un endroit, d'où il faifoit découler de l'eaufur fon corps ; & comme les afliftans en avoientpitié, Platon, qui étoit préfent, leur dit, Sivous avez pitié de lui, vous n'avez qu'à vous retirer,voulant dire que ce qu'il en faifoit, étoitpar vaine gloire. Quelqu'un lui- ajrant donné uncoup de poing, En vérité, dit-il, je penfe à unetbofe bien importante que je ne favais pas ; c'ejl quej'ai befoin de marcher avec un cafque. Un nomméMidias lui ayant donné des coups de poing,en lui difant qu'il y avoit trois mille pièces, toutescomptées pour fa recompcnfe, Diogene prit lelendemain des courroies, comme celles des combattans<strong>du</strong> Celte, & lui dit, en le frappant, Il•y a trois mille pièces comptées pour toi. Lyfias,Apo-(ï) Cela fe fafoit, afta que 1* laine fût plus douce,N>if di Ménage, ?»>' ijn Ysurou,


B I- O- G- E N & 19.Apothicaire, lui demanda s'il croyoit qu'il y euedes Dieux: Comment, dit-il, ne croirais-je pasqu'il y en a,puifque je crois que tu es l'ennemi desDieux? Quelques-uns attribuent pourtant ce moti Théodore. Ayant vu quelqu'un qui recevoitune afperfion religieufe r il lui dit: Pauvre malheureux! ne vois-tu pas que comme les afperjions napeuvent pas réparer les fautes que tu fais contre la .Grammaire,.elles ne répareront pas plus celles que;tu commets, dans la vie? llreprenoit les hommes,par rapport à la prière-, de ce qu'ils demandaientdes cbofes qui leur panifiaient Être des biens, au*lieu de demander celles qui font des biens réels. Qdifoit de ceux qui s'effrayent des fonges, qu'ilsne s'embarrajfent point de ce qu'ils font pendantqu'ils font éveillés, fj* qu'ils donnent toute leur at?tention aux imaginations qui fe préfentent à leur cf?prit pendant le fommeil. Un Héraut ayant, danales Jeux Olympiques, proclamé Dioxippée.Vainqueurd'hommes, Diogene répondit, Celui, donttu parles, ri a vaincu que des efclavesi c'eft à moide vaincre des hommes.Les Athéniens . aimaient beaucoup Diogene..On conte qu'un garçon ayant brifé fon tonneau „ils le firent punir , & donnèrent un autre tonneauau Philofophe. Denys le Stoïcien rapporte •qu'ayant, été pris après la bataille de Chéronéie &con<strong>du</strong>it auprès de Philippe, ce Prince lui demanda-quiil. étoft, & qu'il répondit, Je fuis'


$>. U r Ô G E N E.Pefpiàn dé ta Cupidité; ce qui émut tellement Pfif* *lippe, qu'il le laifla aller. Un jour AlexandreChargea un nommé Atblitts de porter à AtRéne»'une lettré pour Antrpater. Dfogefte, qui étoît"préfent, dit qu'on poUvoit dire de cette lettre?qu'Atblias Fenvoyait d'Atblias pat AtbliaS à Atlt*fias (i). Perdicéas Payant menacé de le faire?mourir s'il ne fe rendoitaupfèà dehjî, il f'é-'pondit qu'il m ferait rie» de fart grand pat-ià,.paifqu'un efcârbof, ou Vberbe Phalange 1 pouVoiefaire la rtttmi cbofe; Bieiï au contraire iï réff*voya pouf menace à Perdicéas, qu'il vivrait plusheureux, s'il vivoit fans voir Dîogene. il s'éerîoft>fouvent que les Dieux avaient mis les battîmes exâat de mener une vie beweufe; mais que le mtyéftie vivre ainfi n'étoît pas connu de ceux qui aimentles tartes, lesonguens, £? autres cbofes femblt'lits. Il dit à un homme qui fe forfait chauffer'par fon Domeftique, qu'il me ferait beuréux qtitftrfqu'il fe ferait auffi moucher par un autre; ce quiarriverait, s'il perdait l'ufage des mains. Il vîtun jour les Magiftrats, qui préfidoient aux choiesfaintes (2), accufer un homme d'avoir voléune phiôie dans le Thréfor; fur quoi il dit,que(1) Jeu de mots fur ^Atblitt, ternie Grec, qui figaifemtférMe.yz) Gr, Lti HUrtmntmonrt. Etienne dît qn*ôu appelloitIpécixltment ainfi les députa» de chaque ville au Coat.fcildct Amphiûyons.


0' I O' 0 g R E. sieue J«r grêndt valeurs accufoient les petits. Voyantauffi un garçon qui jet toit des pierre» coMte unepotence, Courage, lai dit-il, tu atteindras- Mbut. De jeunes-jeunes, qai étoient autour delui, lui dirent, qu'ils auraient bien feïn qu'il neles mordît pas. Tranquilifn-vous, mes enfmr, lewtdit-il, les Chiens ne mangent peintè» betteraves (i)tH dit auffi à un homme qui fe eroyoit relevé patlapeau d'un lion dont il étoit couvert, Ceffesi*déshonorer les enfeignes de la tertu. Quelqu'utt'trouvait que Callifthene étoit fort heureux d'&tre fi magnifiquement traité par Alexandre : A%contraire, dit-il, je le trouve bien malheureux d*ne pouvoir dîner £# fouper que quand il plait è-Alexandre. Lorfqu'il avort befôin d'argent ,-il difoit qu'il en demandait àfes amis, plutôt corn*nt une rejiitution que comme un préféra. Unjour qu'étant au Marché, il faifok de» geftes in*décens, il dit qu'il ferait à fouèaittr-qu'on pat ain*fi appaifer la faim. Une autre fois il vit unjeune garçon qui alloit fouper ayee dé grand»Seigneurs : il le tira de leur compagnie, & le recon><strong>du</strong>ifit chez fes parens, en leur recommandant deprendre garde i hri. Un autre jeune homme,qui étoit fort paré, lui.ayant fait quelque question,il d*: qu'il ne- lui ttpmdroit pas qu'il ntlui :(i) La betterave paflbit pour Pemblîme de là fadew.-MmunB 4i


i% ,ï> t'a G, E. y B.lui eût fait connottre s'il était homme, ou femme.Il vît auffiun jeune homme dans le bain, quiverfoit <strong>du</strong> vin. d'une phiole dans une coupe ,dont l'écoulement rendoit un fon (J). Mieux,tu réuJJUs, lui dit-il, moins tu fais bien. Etant àyn fouper ,. on lui jetta des os comme à unchien : il vengea cette injure, en s'approchant,de plus près de ceux qui la lui a voient faite, &«n faliflânt leurs habits. Il appejjoit. les Ora»teurs & tous ceux qui mettoient de la gloire àbien dire, des gens trois fois hommes, en pre»nant cette expreffion dans le fens de trois foismalheureux. Il difoit qu'un riche ignorant res:Xemble à une brebis, couverte d'une toifon d'or.jAyant remarqué fur la maifon d'un gourmandqu'elle étoit à vendre : Jefavois bien , dit-il,qu'étant fi pleine de crapule, tu ne manquerais pasde vomir toji^maitre. Un jeune homme fe plaignoitqu'il étoit obfedé par. trop de monde ; Etpi, lui dit-il, ceffes de donner des marques de tesmauvaifes inclinations. Etant un jour entré dansun bain fort fale, Où fe lavent, dit-il, ceux quife font, lavés ici? Tout le monde méprifoit unhomme qui jouait groffiéremeut <strong>du</strong> luth , luifeul lui donnoit des louanges; & comme on luien demandoit.la raifon,, il répondit, que c'étoitpar-(i) Efpece de Jeu dont les jeunes- gens, tiraient un augurefui le fuccès de leuis inclinations. *Aldtir*adin-à"U Tliriftr d'Eiitnist,


I» r O- (y Er N B UJi«« gue quoiqu'il jouât mal de cet infiniment, ilaimait mieux gagner fa vie de la forte que fe mettraà voler. II faluoit un joueur de luth, que toutle monde abandonnoit , en lui difant, Bon jour,Coq; & cet homme lui ayant demandé pourquotil Pappclloit de ce nom, il lui dit que c'étoit Acaufe qu'il éveilioit tout le monde par fa mélodie.Ayant remarqué un jeune garçon qu'on faifoitvoir.il remplit fon giron de lupins (r), & fe plaçavis-à-vis de lui : fur quoi le monde, qui étoitlà, ayant tourné la vue fur Diogene, il dit qu'ils-'étonnoit de ce qu'on quittoit l'autre objet pourle regarder. Un homme, fort fuperftitieui, le»menaçoit de lui caffer la tête d'un feul coup.Et mot, lui dit'H , je te ferai trembler en iternuantde ton côté gauche. Hégéflas lui ayant demandél'ufage de quelqu'un de fes écrits, il luidit:S» tu voulais des figues, • Hegéftas, tu n'en,prendrois pas de peintes ; tu en cueillerais de véritables.H y a donc de la folie en ce que tu faisdenégliger la véritable manière de t'exercer l'efpritpour chercher la fcience dans les Livres. Quelqu'unlui reprochoit qu'il étoit banni de fonpays: Miférable! dit-il, c'ejtlà ce qui m'a ren<strong>du</strong>-Pbilofopbe. Un autre lui difant pareillement»«Ceux deSynope t'ont chafle de leur pays", il répondît, Et jnoi je les ai condamnés àyrefter.llvitun •(f) Légume amer, un peu plus gros qu'on pois.B s


3*. & I O 0 t1* ti.un jottt On homme, qtsi avofo été vahiguaif sw»;Jeux Olympiques, mttiàfit paître des brebis, etlui dit', Brave homme, tous iteS bientôt pafféd''0iympe à Nemée (i). On M demandent ce qnîrendoit les Athlètes fi infenfibles : il répondît,Ceft qu'ils forttcompofés de ebair de bcntf&de peeeau. Une autre fois il exigeoît qu'on lui érigeâtune ftatue ; & comme on vouloit ftfvôir lefujet d'une pareille demande t il dit, Je réaccoutumepar-là à ne point obtenir ce que je fiuldite.La pauvreté, l'ayant obligé d'abord à demanderde l'aflîftance , il dit à quelqu'un qu'il pfioit de -fobvenir à fes befoins : Si tu ds derme à d'autres,..donne S-moi aujji; £? fi tu n'as encore donné àfohne, commences par moi. Un Tyran lui defflan*da quel airain étoit le meilleur pouf faire desftâtues: Celui, dit-il, dont M a fah Usftotitesd'Hurmiditis £?


D I 0 G E !î Eï tfTôtt ramout de l'argttnt la Métropole de tous UsMMX. Un diffipateur mangeoit des olives dans«ne taverne, Diogene lui dit, Si tu avois toujoursUni ahtfi, tu ne foupertis pas de même. Il appelaitles hommes vertueux les Images desDieux i & l'amour, l'Occupation de ceux qui n'onttien à faire. Oa lui demandent quelle étoit la 'condition la plus miférable de la vie : il réponditque c'étôit celle d'être vieux & pauvre. Unautre lui demanda quelle étoit celle de toutes lesbêtes qui mordoit le plus dangereufement : Ceft,-dit-il, le calomniateur parmi les bites fauvages ,ff le flatteur parmi les animaux domejliques. Uneautre fois voyant deux Centaures qui étoientfort mat repréfentés, Lequel, dit-il, ejl le plusmauvais ? Il difoit qu'un difeours, fait pour plaire,itok un filet en<strong>du</strong>it de miel; & que le ventre 'efi, comme le gouffre Cbarybde, rabyme des biensde la vie. Ayant appris qu'un nommé Didymeavoit été pris en a<strong>du</strong>ltère, Il ejl digne, dit-it, •d'être pen<strong>du</strong> de la manière la plus bonteufe. „ Pour •„ quoi, lui dit-on, l'or eft-il fi pâle ?" C eft, répondit-il, parce que beaucoup de gens cherchent à s'en 'emparer. Sdr ce qu'il vit une femme qui étoitportée dans une litière, il dit qu'il faudrait uneoutre cage pour un animal fi farouche. Une autrefois il vit un efcbve fugitif qui étoit fur unpuits, à lui dit, Jeune homme, prends garde detèmber. Voyant dans un bain un jeune garçon qutB 6 a-


•3^ © f O O E N Ravoit dérobé des habits, il lui demanda s'il étoitlà pour prendre des onguens, ou d'autres •uitemtnstSur ce qu'il vit des femmes qui avoient été pen<strong>du</strong>esà des oliviers, Quel bonheur! s'écria-t-il,ji tous les arbres portaient des fruits de cette efpeee*II vit auffi un homme qui déroboit des habits,dans les fépulchres, & lui dit, Ami, que cher?cbes-tu ici ? Viens-tu dépouiller quelqu'un 'des morts(i)? On lui demandoit s'il n'avoit ni valet, nifervante. Non, dit-il : „ Qui eft celui,.reprit-on»„ qui vous enterrera lorfque vous ferez mort?"Celui., repliqua-t-il, qui aura befoin de ma mai*Jj>n.. Voyant un jeune homme , fort beau, quidormoit inconGdérement, il le pouffa & lui dit;Réiieilles/toi, de peur que quelqu'un ne te lance untrait inatten<strong>du</strong> (a). Sur ce qu'un autre faifoitde. grands feftins, il lui dit: Mon fils., tes joursne.feront pas. de longue <strong>du</strong>rée; tu fréquentes lesMarchés (3). Platon,, en discourant fur les Idées,ayant, parlé de la qualité, de Table. & de Taffeconfiderée abftraitement, Diogene lui dit: JevotiMcn ce-que c'ejl qu'une Table £? une Tajfe,mais pour la qualité de Table & de Tnffe (4),jf. ne h. vois.point. A,quoi Platon, répondit,Tu(t) V«t$ d'Homère. Mitufji.(2); Vers d'Homère. Mîntgi.•})jBarodie d'un ver$ d'Homère. Mhugt.(4> Il n';, à point de terme, qui réponde à celui delterigisaH que le terme baibaie ieTdUtti Se de Taftti,qf&L.cmploye' fttQfrilUt...'


& I O- O E N fe. JjrTu'parles fort bien. En effet, tu as des y eu»qui font ce qu'il faut pour voir une Table & uneTaffe; mais tu n'as point ce qu'il faut pour voir,la qualité de Table & de Taffe; J"avoir, l'entende-'ment. On lui demanda ce qu'il lui fembloit déSocrate. Il répondit que c'était un fou. Quand ilcroyoit qu'il falloit fe marier : Les jeunes gens, papencore, dit-il, fef les vieillardsjamais. Ce qu'il vouloitavoir pour recevoir un foufflet : Un cafque,repHqua-t-il. Voyant un jeune homme qui s'ajuftoitbeaucoup, il lui dit : Si tu fais cela pourlesbommes, c'ejl une cbofe inutile; & fi tu le faispeurles femmes, c'ejl. une cbofe mauvaife. Uneautre fois il vit un jeune garçon qui rougùTott:Voilà de bonnes difpofitions, lui dit-il j e'eft la couleurde la vertu. Il entendit un jour deux Avocats,& les condamna tous deux, difant quel'un avoit dérobé ce dont il s'agiffoit, {3* que l'au'tre ne Vavoit point per<strong>du</strong>, „ Quel vin aimes-tu„ mieux boire? lui dit.quelqu'un". Celui des au-,très, reprit-il. On lui.rapporta que beaucoupde gens^feTHoquoient de lui: il repondit, Je nem'en tiens point pour moqué. Quelqu'un fe plaignoitdes malheurs qu'on rencontre dans la vie,,à qupi il répondit que le malheur riétoit point devivre,. mais de mal vivre* On lui confeilloitde chercher fon efçlave qui l'avoit - quitté : Ceferoit bien, dit-il, une cbofe ridicule que monefçlave Manès pût vivre fans Diogene, ' &B 7. 3««


jg"D I 0" G E N E."que Diogene ne pût vivre fans Manèt. Pondantqu'il dinoif avec des olives , quelqu'unapporta une tarte; ce qui lui fit jetter les olives,en diiant : Hôte ! cédez la place aux Tyrans (i),& cita en même tems ces autres paroles, Il jettetolive (a). On lui demanda de quelle race deChiens il étoit. Quand j'ai faim, dit-il, je fuisCbien de Màltbe (3), & quand je fuis raffafii,je fuis Cbien Moloffe. Et de mime qu'il y a desgens qui donnent beaucoup de louanges à certaincbiens , quoiqu'ils n'Ôfent pas cbaffer avec eux,craignant la fatigue ; de mime auffi vous ne pouvezpasvous affocier à la vie que je mené, parce quevous craignez la douleur. Quelqu'un lui demandas'il étoit permis aux Sages de manger des tartes: AuJJi-bien qu'aux autres hommes, dit-il..„ Pourquoi, lui dit un autre, donne-t-on côm-„ munément aux mendians, & point aux Phi-„ lofophes?" Parce que, répbndit-il, on croîtqu'on pourra devenir phait aveugle 6? boiteuxque Pbilofopbe. Il demâttdoit quelque cbofe à tu*avare, & celui-là tardant à lui donner, il lui dit;Fenfez, ji vous prie, que ce que je vous demande»ft pour ma nourriture, & non pas pour mon en>ter-(i) yen d'Euripide, qui fignifie ici que le paia cttwnmn doit faite place a celui qui eft plus exquis, iîiiugt.(z) Parodie d'un vers d'Homère, qui renferme un jeu :4e mots qu'o» ne fautoit rendre en François. JtV'iMgr.O) Chien de Marthe , c'eft-à-dire flatttui. Chic»Molofie, cVA-Wite tkoxdant. 2it**&t.


D I O G E N E. j9ferrement. Qûef^furi lui reprochant qu'il avoitfait de la fauflé mdnnoie, il lui répondit: Il ejîvrai qu'il fut un tems oùfétois ce que tu es à préféra; mais ce qui je fuis maintenata, tu ne le ferasjamais. Un autre lui reprochait auffl cette fau.te pâffée: Ci-devant, reprit-il, étant enfant, jefaliffois auffi mon lit, je ne le fais plus à préfent.Etant à Minde, il remarqua que les portes de laville étoient fort grandes, quoique la ville ellemêmefût fort petite, & fe mit à dire : Citoyensde Minde, fermez vos fortes, de peur que votreville n'en farte. Un homme avoit été attrappévolant de la pourpre. Diogene lui appliqua cesparoles : Une fin éclatante & un fort tragique /*-(t) Vus do cinqiticme- livie de l'Iliade


&D- I O G E -N-Cprochoit qu'il martgeoit en plein Marché,. il ré,pondit que c'etoit /«r /e Marché que la faim l'avoitpris. Quelques-uns lui attribuent auffi la repartiefuivante à Platon.. Celui-ci l'ayant vu éplucherdes herbes, il s'approcha, & lui dit tout'bas;. „ Si tu avois fait ta cour à Denys, tu ne„ ferois pas ré<strong>du</strong>it.à éplucher des herbes". Et' toi, lui repartit Diogene, fi tu avois épluché des'herbes, tu n'aurois pas fait ta cour à Denys. Quelqu'unlui difant, „ La plupart des gens fe moquent„ de vous ", il répondit : Peut-être que les ânesfe moquent auffi d'eux; mais comme ils ne fe foudentpas des ânes, je ne m'embarraffe pas nonplus d'eux. Voyant un jeune garçon qui s'appliquoità la Philofophie, il lui dit: Courage, faisqu'au-lieu de plaire par ta jeuneffe,. tu plaifes par'les qualités-de l'ame. Quelqu'un s'étonnoit <strong>du</strong>grand nombre de dons facrés qui étoient dansl'Antre de (i) Samothrace ; Il y en auroit biendavantage, lui dit-il, s'il y en avait de tous ceuxqui ont fuccombé fous les périls. D'autres attribuentce mot à Diagpra3 de Melos. Un jeune garçonalloit à un feftin,. Diogene lui dit : Tu en revientdras moins fage. Le lendemain le jeune garçonl'aiant rencontré, lui dit: „Me voilà de retour„ <strong>du</strong> feftin, & je n'en fuis pas devenu plus mau-„ vais.(0 On y facrifioit a Hécate, & on y faîfoit des don*en aâion de grâces poui les périls dont on avoit été piéfeué.Mûugu.


» I Cf G- R N ft 4Tâ.yais".. Je-l'avoue, répondit Diogene, tu n'etpas plus mauvais, mais plus relâché. Il demandoitquelque choie à un homme fort difficile, qui luidit : „ Si vous venez, à bout de me le perfuader".Si je pouvais vous perfuader quelque çbofe, reponditDiogene , ce ferait daller vous'itrangler. Revenantun jour de Lacédémone à Athènes., il ren*contra, quelqu'un qui: lui. demanda, d'où il venoit,& où il alloit;. De l'appartement des bon*nés à celui des femmes (i),rèpondU>il. Une autrafois qu'il revenoit des Jeux. Olympiques, on luidemanda s'il y. avoit beaucoup de monde ; Oui,dit-il, beaucoup-de monde j. mais peu d'hommes.Il difoit que les gens, per<strong>du</strong>s de.mœurs,.reflem»Ment aux figues qui croiffent dans les précipices,.& que les hommes ne mangent point ; mais qui,fervent aux. corbeaux.. & aux vautours. Phryné;ayant offert à Delphes une Vénus d'or, il l'appel j.la la preuve de VIntempérance des Grecsi Alexandres'étant un jour préfenté. devant lui, & lui.ayant dit, „ Je fuis le grand Monarque Alexan*„ dre". Et moi, répondit- il, je fuis Diogene le,Cbien. Quelqu'un lui demanda ce qu'il avoit faitpour être appelle Cbien ; à quoi il répondit: Cejlque je careffe ceux qui.me donnent quelque cbofe,.que j'aboïe après d'autres qui ne me donnent rien ^a.-' (i). Voyez fur ces appartenons des femmes, un jaffage-* a»m, Ntfts dans fa îiéface, • .„


m 0 i d a « F? g.ty fut je nieras la nicbaw. On homme', préparéà garder des figue», rai en ayant vu cueillirune, lui dît: „ Dtr*y a ptfj longtems qu'un hommeCe pendit à Cet arbre". Sb tien, Répondit if,je U purtjùrêi. On autre, qui aroit vaincu aax'Jeux Olynqtfqne»', fixort fes regards fur uneGenufiïaflfle: Foyer, dit Diogene, et Éelier deMart, qu'une jetme fille tire far le cou. 11 difoitque ht Mies Courtifannes rejfemblertt à de Veaumiellée, milée dt poijm.. Dînant un jour à favue de tout le monde, ceux, qui étoient autourdé lui, l'appellerent Chien : Vtus Vêtes vous-mêmes, .dit-il, puifque vous vous rajjemblez autour de moipour me voir manger. Deux perfonnes d'un can&eiecfféntoé l'évitoient avec foin. Ne craigne»pas, leur dit-il, le Cbien ne mange point debetteraves. On lui demandoit d'où étoit un jeunehomme qui s'étoit laifTé débaucher. De Ttgit(i), dîtnl. Ayant vu un mauvais lutteur quiexerçoit la profefCon de Médecin, il lui demandapar quel bazard il abattait à. prifentceux qui favoient. le vaincre, autrefois? Lefils d'une Courtifanne jettoit une pierre parmi<strong>du</strong> monde affemblé; Prens garde, dit-il, quelu n'atteignes ton père. Un jeune garçon lui <strong>mont</strong>rantune epée qu'il avoit reçue d'une manièrepeu-(i) Le mot Grec fignifie la ville de Tegle, 8c tutmauvais lieu. Minait.


V I O G E N E. 4*pftt Kôïfnêttf, iïlnf dit: £7#« ejtbetk, maisUi peignit to tefi pas: n entendît louer quelqu'unn*it.Où


4*. D- I O G E N E..On le U4moit.de ce qu'il entrait dans des &adroitsfales; Et le Soleil, dibil, entre bien dans1er latrines, fans en être fali. Un jour qu'ilpxenoit fon repas dans un Temple, il y vit apporter,des pains mal-propres ; il les. prit &. lesjettaau loin, en difant, qu'il ne devoit entrerrien d'impur dans. Us lieux faints. Quelqu'unl'interrogeapourquoi, tandis qu'il ne favoit,rien, il profeflbit la Ehilofophie. Il répondit:Quand je ne-ferais que contrefaire lafagejfe,. encela même je ferais Pbilofopbe. Un autre lui préfentafon. enfant, dont il lui vantoit le génie-^ la tempérance ; Si cela efi, lui dit-il, en quoia-t-il donc lefoin de moi? Il difoit que ceux, quiparlent des chofes honnêtes & ne les pratiquent,pas, reffemblent à un infiniment de Mufique(j)., qui n'a ni ouïe, ni fentiment.. II entrait,au Théâtre, on tournant le dos à ceux qui enfortoient; & comme on lui en demandent la raifort,il répondit, que c'était ce qu'il avait toujours,tâfibè de faire toute fa vie (a). Il reprit un hommequi affeftoit des airs efféminés. N'étes-vouspas honteux, lui dit-il, de vous rendre. pire que la-Nature ne. vous a fait ? Fous êtes homme, £# vousvousefforcez de vous rendre femme. Une autrefois il vit un homme, déréglé dans fes mœurs,.qui(i) Le mot Grec eft cijlrt. Selon H. Etienne, c*e'toit.wr mftiument i vingt-quatre cordes.(#,),C'eft-Wue, /« cntrtixt dit tutfii..


*» I O TJ E "ff E. > 4Styii accordoit une harpe (i). N'avez-vous pasionte, lui reprochat-il, de /avoir accorder les finsd'un morceau de bois, & de ne pouvoir accordervotre ame avec les devins de la vie ? Quelqu'tfnlai difoit, „ Je ne Tais pas propre a la Philorbphie".Pourquoi donc > lui repliqua-t-il, vivezvous, puifque vous ne vous embarraffez pas de vivrebien? Il entendit ira homme parler mal de foripère, & lui dit : Ne rougiffez-vous pas d'accufer demanque d'efprit celui par qui vous en avez ? Voyant-un jeune homme d'un extérieur honnête, qui •te'noit des difcours indécens : Quelle vergogne'!lui dit-il , de tirer une ipie de plomb d'unegatne d'yvoiref On le blamoit de ce qu'il buvoitdans un cabaret j yitancbe ici mafoif, repondit-•il, tout comme je me fais 'faire la barbe cbezunbarbier. On le blâmoit auffi de ce qu'il avoit«reçu un petit manteau d'Antipater ; il emploia cevers pour reponfe: Il ne faut pas rejetter les prérdeux dons des Dieux (2). Quelqu'un le heurtad'une poutre, en lui' difitnt,P«nr garde : il lui donnaun coup de fon bâton, & lui répliqua, Prensgarde toi-même. Témoin qu'un homme fupplioitune Courtifanne, il lui dit: Malheureux! pourquoitâcbes-tu de parvenir à ce dont il vaut bienmieux être privé ? Il dit auffi à un homme, qui(1) Selon H. Etjenne, cVtoit un infiniment à fisgtcordes.(i) Vers d*Homère,


& D I O G E tt-E,étoit parfumé: Prepez garfegue 4* bofme tjew


D 1 0 G E N £ 47vint craigne? £Jl*ct comme bon, eu comme muuu9oh? „ Comme bon, dit Alexandre ". Eb\ repritDiogene, comment pem-m craindre ce qai eftbontIl appdlok l'inflxuâion Ai prudence des jeunesgens , U confolatûm des vieillards, la ricbsffeies pauvres, & l'ornement des rides. L'a<strong>du</strong>l-_ 4as Didymon A»it occupé 1 guérir les yeux d'»De iiie. Diogene lui dit: Prenez garée qu'a»gutrijfantles yeux de cette ftUt, vous ne lui bleffiezla prunelle (r). Quelqu'un lui diiànt que fes«mis lui tendoient des pièges: Que fera-t-on, répondit-il,s'il fout vivre avec fes omis comme avecJès ennemis ? Interrogé fur oe qu'il y avoit deplus beau parmi les hommes , il répondit quec'était la franebife. H entra un jour dans uneécole, OH il vit planeurs images des Mufes &peu d'écoliers. II dit su Maître : Vous avez biendes difoipies, grâces aux Dieux.Jl faifoit publiquement fes fonctions naturelles,«elle de manger, aufli-bien que les autres;& il avoit coutume de s'extjifer par ces fortes deraiïbonemens : S'il n'ffi pas déplacé de prendrejks repas, il ne Veft pas mm plus de les prendreen plein Marché: or il n'ejl pas malbonnttede manger; il ne Feft donc pas auffi de mangerpu^tr) n y » ici nn jeu de mot» -en ce .^»e le même mmtfigiufie nnt fiitt8c I* fnunltt.


4* D I O G E N E"publiquement (i). Il lui arrivoit auflî fouvent dtffaire des geftes indécens, & difoit pour excuféqu'»7 'n'béjtteroit point d'en faire four appaiferla faim, s'il le pouvait. On lui attribue d'autresdifcours, qu'il feroit trop long de rapporter. Il, diftinguoit deux fortes d'exercices-, celui de l'ame•& celui <strong>du</strong> corps. Concevant que l'occupation;que l'exercice donne ««thauellement à l'imagination.,facilite la pratique de la vertu, il difoitque l'un de ces fortes d'exercices eft imparfaitfans l'autre , la bonne difpofition & la force femanifeftant dans la pratique de nos devoirs, tellequ'elle a lieu par rapport au corps & à l'ame.il alleguoit, pour marque de la facilité que l'exercicelionne pour la vertu, l'adrefle qu'acquit,rent les Artifans & ceux qui font des ouvragesmanuels, i force de s'y appliquer. Il faifoftencore remarquer la différence qu'il y a entre lesMuficiens & les Athietes, félon que l'un s'appliqueau travail plus que l'autre ; & difoit que fices gens-là avoient apporté le même foin à exer?çer leur ame, ils n'auroient pas travaillé inutile*ment. En un mot, il étoit dans le principe querien de -tout ce qui concerne k vie ne fe faitbien fans exercice, & que par ce moyen on peutve- .(i) C'eft ici le grand reproche qu'on a fait aux CTatques.li n'y a pas moyen d'excufet leur grofiléfeté,qui alloit jufqu'au vice: elle fait voir que toute Phiiofophie,purement humaine, fc relfent <strong>du</strong> défendre 2el'cfpiit humain,


B I O G E N E. 4*venir à bout de tout. Il concluoit de Ii que fi,renonçant aux travaux inutiles, on s'applique 4ceux qui font félon la nature, on vivra heurcufement;& qu'au contraire le manque de jugementrend malheureux. Il difoit même que fion s'accoutume à méprifer les voluptés , oatrouvera ce fentiment très agréable, & que commeceux, qui ont pris l'habitude des voluptés,s'en paflent difficilement; de même lion s'exerceà mener une vie contraire, on prendra plaifîri les méprifer. C'étoient-là les principes qu'ilenfeignpit, & qu'il pratiquoit en même tems,rempliûaat ainfi l'efprit <strong>du</strong> mot, Changes lamonnaie (i), parce que par cette manière de vivreil fuivoit moins la coutume que la nature.Il donnoit pour caractère général de fa vie, qu'ellereflèmbloit à celle d'Hercule en ce qu'il préféraitla liberté 1 tout. Il difoit que les Sages onttoutes chofes communes , & fe fervoit de cesraifonnemens : Toutes ebofes appartiennent auxDieux. Les Sages font amis des Dieux. Les amisont toutes ebofes communes : ainfi toutes ebofes.font pour les Sages. Il prouvoit d'une manièrefemblable que la Société ne peut être gouvernéefans loix. Il nefert de rien d'être civilifé, fi l'onrieft dans une ville. La Société d'une ville con.fi/le en cela même qu'on foit civilifé. Une ville(t) C*eft-à diie, Ni fuii f*t t'tftrit ii U mnltifii.Tome ILC


5o D I 0 G E N E.rieft rien fans loix : la civilité efl donc une loi.31 fe moquoit de la nobleflc, de la gloire &d.'autres chofes femblables, qu'il appellbit desGrnemens <strong>du</strong> vice, difant que les loix de Société,établies par la conftitution <strong>du</strong> monde, font lesfeules juftes. Il croyoit que les femmes dévoientÊtre communes, & n'eftimoit point le mariage,ne foumettant l'union des deux fexes-qu'à lacondition <strong>du</strong> confentement réciproque: delàvient qu'il croyoit auflî que les enfatis dévoientêtre communs. 11 ne regardoit pas comme mauvaisde recevoir des chofes faintes, & de mangerdes animaux; il penfoit même qu'il étoit permisde manger de la chair humaine, & alleguoitlàdefius les mœurs des peuples étrangers. Ilajoutoit auflî qu'à la lettre toutes chofes font lesunes dans les autres, & les unes pour les autres ;qu'il y a de la chair dans le pain, & <strong>du</strong> paindans les légumes ; que par rapport aux" autrescorps, ils ont tous des pores infenfibks, danslefquels s'infinuent des corpuscules détachés &attirés par la refpiration. C'eft ce qu'il explique. dans la Tragédie de Tbyejle, fi tant eft que lestragédies, qui courent fous fon nom^ foient delui, & non de Philiscus d'^gine, un de fesamis ; ou de Pafiphon, Lucanien, que Phavorin, dans fon Hiftoire divorfe, dit avoirécrites après la mort de Diogene. *Il négligeoit la Mufique, la Géométrie, l'Aftro-


t> I O G E N E. citrologie & autres Sciences de ce genre, commen'éunt ni utiles, ni néceiTaires. Au refte il a voitla repartie fort prompte, comme il paroît par cerque nous avons dit.Il fouffrit courageufement d'être ven<strong>du</strong>. Setrouvant fur un vaifleau qui alloit à .Kgine, ilfut pris par des Corfaires, dont Scirpalus étoitle Ghef,& fut con<strong>du</strong>it en Crète, où on le vendit.Comme le Crieur demândoit ce qu'il favoit faire,il répondit ; Commander à des btmmes. Montrantenfuite un Corinthien, qui avoit une belle bor<strong>du</strong>reà fa vefte (c'étoit Xéniade dont nous avonsparlé); Veniez-moi, dit-il, à cet homme là,il a besoind'un Maître. Xéniade l'acheta, & payant meiné à Corinthe, il lui donna fes enfans à élever,& lui confia toutes fes affaires, qu'il adminiftrafi bien, que Xéniade difoit par-tout qu'un bonGénie étoit entré chez lui.Cléomene rapporte, dans fon livre de l'E<strong>du</strong>cationdes Enfans, que les amis de Diogene voulurentle racheter; mais qu'il les traita de gensfimples, & leur dit que les lions ne font pointefclaves de ceux qui les nourruTent; qu'au contraireils en font plutôt les maîtres, puifque lacrainte eft ce qui diftingue les efclaves, & queles bêtes iàuvages fe font craindre des hommes.H pofledoit au fuprême degré le talent de lapwfuafion; de forte qu'il gagnoit aifément parfes difcours tous ceux qu'il vouloit. On ditC 2• qu'O-


52 D I O G E N E .qu'Onéficrite d'^gine, ayant envoyé à Athènesle plus jeune de fes deux fils, nommé Androfthene,celui-ci vint entendre Diogene, & relia auprèsde lui. Le père envoya cnfuite l'alné, cemême Fhilifcus dont nous avons fait mention, &qui fut pareillement retenu. Enfin, étant venu luimêmeaprès eux, il fe joignit à fes fils\ & s'appliquaà la Philofophie, tant Diogene favoit la rendreaimable par fes difcours. Il eut auûl pourdifciples Phocion, furnommé le Bon, Stilpon deMégare, & plufieurs autres, qui furent revêtusd'emplois politiques.On dit qu'il mourut à Pige de quatre-vingtcKx-ans,&"on parle diverfement de fa mort.Les uns croient, qu'il mourut d'un épanchementde bile, caufé par un pied de bœuf crud qu'ilavoit mangé ; d'autres difent qu'il finit fa vie enretenant fon haleine. De ce nombre eft Cercidasde Mégalopolis, ou de Crète, dans fesPoéjies Mimiambes (i), où il parle ainfl :Cet ancien Citoyen de Synope, portant un bâton,une robe double, & ayant le ciel pour couverture,tjl mort fans aucun fentiment de douleur, en feferrant les lèvres avec les dents, Q 1 en retenant fonbaleine. Ce qui prouve que Diogene ètoit véritable'ment fils de Jupiter, £p un Cbien ctlefte. •D'autre6 difent que voulant partager un polypeO) Certaine mefuie, appelle'e Umliatu.


D I 0 G E N E. J3pe (i) à des chiens, il 7 en*eut un qui le mordittellement au nerf <strong>du</strong> pied, qu'il en mourut.Mais, comme dit Antifthene dans fes Smceffwns,fes amis ont conjecturé qu'il étoit mort en retenantfa refpiration. U demeuroit dans un Collège, fitué vis-à-vis de Corinthe, & qui s'appelloitCranium. Ses amis, étant venus le voir félonleur coutume, le trouvèrent enveloppé dansfon manteau; mais fe doutant qu'il ne dormoit pas,par la raifon qu'il ne donnoit gueres de tems aufommeil,ils défirent fon manteau,& comme ils letrouvèrent expiré, ils crurent qu'il étoit mortvolontairement par un defir de fortir de la vie. 117 eut à cette occafion une dîfpute entre fes amis,pour favoir à qui l'enféveliroit. Ils furent mêmeprêts d'en venir aux mains, jufqu'i ce que leurspères & leurs fupérieurs étant furvenus, la disputefut accordée, & Diogene enterré près de laporte qui con<strong>du</strong>it à rifthme. On lui érigea untombeau, fur lequel on mit un chien de pierrede Paros* Ses concitoyens lui firentmême l'honneurde lut élever des ftatuesd'airain, avec cetteinfcription.Le tems ctmfume l'airain; mais ta gloire, tDiogenei <strong>du</strong>rera dans tous les Ages. Tu as feul faittormottre aux mortels le bonbeur dont ils peuventJOU'(1) Soite de poiffon, qui arott huit pieds on nagcoirXC*. K*/'* '« Thriftr d'Etiim*.


5+ D I O G E N E.jouïr par eux-mlmm, &p leur, as <strong>mont</strong>ré le moyen d*paffcr doucement la vie.Non; avons auffi fait à fa louange logigrammefuivante :Diogene, dis-moi, quel accident t'amène auxEnfers ?Ceft la morfure d'un chien féroce.Il y a des Auteurs qui difent qu'en mourant,,il ordonna qu'on jettât Ton corps fans lui donnerdefépulture, afin qu'il fervît de pâture aux bêtes;fauvages; ou qu'on le» mît dans une foflè, cou-.vert d'un, peu de pouffiere.- D'autres difent qu'il:voulut être jette dans l'Eliffon (i) pour êtretrtikle à fes frères. Demetrius, dans fon livre intituléEquivoques, dit qu'Alexandre mourut à Babylonele même jour que Diogene mourut à Co».rinthe (2). Or il. étoit déjà vieux dans, la CXHI.Olympiade.On lui attribue les ouvrages fflivans: Des Dialogues,intitulés Çepbalio. Icbtbyat. Le Geai.Le Léopard. Le Peuple d'Athènes. La République.L'Art de la Morale. Des Ricbejfes. De l'Amour.Théodore. Hypfias-, Ariftarquc. De la Mort. Des-Lettres. Sept Tragédies, qui font: Hélène,.•Thyefle, Hercule, Achille, Mèdée, Çbryjîppe,,Oedipe, Mais Soficrate, dans le premier.livre:, de(1) C'eft le nom d'an fleuve. Paufanias, Vtytgt de C«-Ttntht, chAf. 12.(i),Dîdgene pafloit l'hyver à Athènes, 8c l'e'té à Co»linihc, au iappoa,de Dion Cbiyfoftôme. Mir.*i


D I O G E N E .de la Succefiim, & Satyrus, dans le quatrième H-vre des Vies, aflureAt, qu'il n'y a aucun de ce»ouvrages qui foit de Diogene; & le dernier desAuteurs, que je viens de citer, donne les Tragédiesà Philifcus d'&gine, ami de Diogene.Sotion, dans fon feptieme livre, dit que nousn'avons de Diogene que les ouvrages qui portentpour titre : De la Vertu. Du Bien. De F Amour. LàMendiant. Le Courageux. Le Léopard. Cafandre.eèpbalio, PblUfcus, Jriftarque. Sifypbe. Ganynede.U y ajoute des Cbries & des Lettres.Il y a eu cinq Diogenes. Le premier étoké'Apollonie, & fut Phyficien. Il commenceainfl fon ouvrage : Je crois que la premièreebofe que doit faire un homme qui veut traiterquelque fujet, t'eji de- pofer un principe inctntejlalie.Le fécond etoir de Sicyone; U a écrit furle Péîoporraefe. Le troifieme eib lé Philofophedont nous parlons. Le quatrième fut Stoïcien ;il naquit à Seleucie, & fut appelle Babylonien àeaufe <strong>du</strong> voifînage des villes. t Le cinquième futde Tarfe; il a écrit fur des Queftions Poétiques,qu'il tache de réfoudre. Il faut encore remarquerfur ce Philofophe, qu'Athénodore, dans• le huitième livre de fes Promenades, rapporte qu'il'avoit toujours l'air luifant, à eaufe de la coutur .me qu'il avoit de s'oindre le corps.siC 4;MO»


j6 M O N I M E -M O Ni M E.MOnime, né'à Syracufe, fut difçiple deDiogene, & domeftkjue d'un certain Ban»"quier de CoriMhe, comme le rapporte Soficrate.Xéniadc, qui avoit acheté Diogene.;. venoit fouirentauprès de Monime & l'entretenoit de lavertu de Diogene, de fes actions & de fes. difcouis.Cela infpira tant d'inclination i Monimepour le Fhitofophe, qu'il affecte d'Être tout d'uncoup faifi de folie. Il jettoit la monnoie <strong>du</strong>change & tout l'argent de la banque ; de forteque fon Maître le renvoya. Dès, lors il s'attachaà Diogene, fréquenta auffi Crates le Cynique& autres perfonnes femblables ; ce qui. donna deplus, en plus à fon Maître lieu de croire qu'il avoit«ntiérement per<strong>du</strong> l'efprit,11 fe rendit fort célèbre; auffi Ménandre, Poètecomique, parle de lui dans une de fes pièces,ffltitulée Hippocome.MEN. 01 Pbilon, il y a eu un certain Monime,homme fage, mais obfcur, & portant une pt- .tite. beface.PHIL. Voilà, trias befaces^ dont vousa/oei parlé.MEN. Mais il a prononcé unefentence, donthjcns figuré n'a rien de rejjfemblant,nia celle-ci,.Con-


M O N r M E.rrCbnnois-toi tpi-méme, ni aux autres dont en faittant ie cas; elle leur efl fort fupérieure. Ce Mendiant,cet homme plein de crajfe, a dit que tout ce'qui fait le fujet de nos opinions, n'eft que fumée(i). Mbnime avoit mie fermeté d'èfprit qui Iëportoit à méprifer la gloire & à rechercher lavérité feule. Il a compofé des ouvrages d'unftyle gai , mais qui cachoit un fens férieux(z) ; il a aufli donné deux autres ouvragetfur le» Paffions, & un troifieme d'Exhortation.ONE-(i) Gratin* tend ce* ren ton amancnt. Il j a IVdému une longue note de Ut**jji. Je fui* une de celle*'4e Utikttm.(i) On dit que c'e'tok la manière de» Philofophe» Cyriquc*. Jtt*%


5P. Q N NESICKITE.G NE S ICI ï T E;II< y a des Auteurs qui veulent qu'Onéfi-"crite naquit à :5Lginej mais Demetrius de -Magnéfîe dit qu'il étoit d'Aftypalée


C R A T E S. : 59-C H A T E f S.Cates, fils d'Afconde, naquît à Thebes,& fut auffi un illuftfe difciple <strong>du</strong> PhilofophcCjmique, quoiqu'Hippobote contefte ce fait,& lui donne pour Maître Bryfon l'Achéen. Onlui attribue ces vers burlesques : „ Il y a une„ ville qui fe nomme Btfaee, fituée au milieu •„ d'un fombre faite; mais belle, opulenw.arrofée,„ n'ayant rien, oit n'aborde jamais un infenfé„ parafite, ni un voluptueux qui cherche à fe„ réjouir avec [fa Courtîfanne. Elle pro<strong>du</strong>it <strong>du</strong> 1„ thym, de l'ail, des figues & <strong>du</strong> pain; au»,,, tant de biens, pour lesquels fes habitans ne„ font jamais en guerre les uns contre les autres. -„. On n'y prend point les armes, ni par con-„. voitife pour l'argent, ni par ambition pour la„ gloire".On lui attribue auffi ce Journal de dëpenfe: Il faut donner à un Cuijinier dix minet,à un Médecin une drachme, à un flatteur cinq'talent, de la fumée à un homme à confeil, «ntalent à une Courtifanne , rf trois obole t àun PBilofopbe: On Pappelloit l'Ouvreur deportet, parce qu'il entrait dans toutes les maifonspour y donner des préceptes. Il eft auteurde ces vers:C6Je


«s: C R : A T" E S»J* P°ff"^e te aue f*i oppprù t ce ?«' j' a * rnéiiité,&ce que les Augufies Mufesm'ont enjjeigné;-,quant à ces autres Viens éclatons, Vorgueil s'en'empare. Il difoit qu'il lui étoit revenu de l'étudede la PhiloCophie un Cbenix (i) de- lupins fcjfdavantage de vivre exent de foutis. On lui attribueencore d'avoir dit que l'amour s'appaife, fenon avec le teins, <strong>du</strong> moins par la faim, & quefi l'un c^ l'autre ne font aucun effet-, il faut, prendrela rifolution de fe pendre-.Au refte il.fleuriflbit vers la CXIII. Olympiade.Antifthene,. dans fes Succeffions, dit qu'ayant:TU^ à la repréfentation d'une certaine tragédie.,Telephe (2) dans un état fort vil,. & tenant uneaorbeille. à la main, il fe livra aufli-tôt à la Philo»fopbie Cynique; qu'étant, d'un rang diftingué, il.vendit fes biens; qu'après en avoir retiré environcent,, ou deux cens talens, il les donna à fesconcitoyens.,, & s'appliqua fermement à la Phi,lbfophie. Philémon, Poète comique, parle delui en ces termes:Pour- être.plus tempérant, ilportoit l'été un barhitfort épais, & fbyver. un vêtement fort legery,Bîbcles dit que Diogene lui perfuada de céderfis-poflcfliona pour feryir. de pâturage, aux brebis,&(t) Mefute, fut laquelle oa n'eftpai d'iccoiât(2) C'cft une Tragédie d'Euripide, dans laquelle Te--l*ph*e, Roi de My fie,e'toic intro<strong>du</strong>it Tïtu. en mendiant,,attenant unx coibeUle. Mma^,..


C R A TE £ «fiëi de jètter'dans la mer tout fon argent, en catqu'il en eût; Il dit auifi que la maifon de Cratetfut détruite fous Alexandre, & celle d'Hippar»chie fous Philippe (i). Crates chafia fouvent defon bâton quelques-uns de fes parens qui ve*soient exprès le détourner de fon deflein, damlequel il perfifta courageufement.- Demetrius de Magnéfie rapporte qu'il dépofade l'argent chez un Banquier, à condition qu'il lédonnerait à fes enfans, s'ils ignoraient la Philofophie;mais qu'en cas qu'ils foffent Philofophes-,il en feroit préfent au public, perfuadé qu'étanttels, ils-n'auraient befoin de rien. Eratofthenedit qu'il eut un fils d'Hipparchie, de laquellenous parlerons dans la fuite. Il fe nonnnoit Pa-.ficle, & lorsqu'il eut paffé l'âge de puberté, Cra*tes le mena chez une fervante, & l'avertit quee'étoit le mariage que fon père lui avoit deftin&Il ajouta que les a<strong>du</strong>ltères dévoient s'attendreaux recompenfes- tragiques de l'exil & des meurtresj que ceux, qui voyoient des Courtifannej-,s'attiraient des cenfures qui les expofoient à làrifée, & que la <strong>du</strong>Totation & la crapule dégénevloient ordinairement en> folie (a):Crates eut-auifi un firere, nommé Pajiclë, quiAit difciple d'Eudide, & <strong>du</strong>quel Phavorin, dansle(i) Le mot de iitrnitt eft fupgle'e's j'ai fuiri Mt'nty,\i) Minêf* foupçonne qu'il manque quelque choie dan»ecvpaflagej il m« femWe jxmnait que le feu» cft foin..CL 7/


62 C* R A T E S.lé deuxième livre de fcs Commentaires, rapporte 'une cbofe afiez plaifante. Comme il demandoitun jour quelque grâce au Principal <strong>du</strong> Collège, •il lui toucha les cuifles , ce que celui-ci ayanttrouvé mauvais, l'autre lui dit: Pourquoi? Cesmembres <strong>du</strong> corps ne vous appartiennent-ils pas autantque les genoux ? -Crates étoit dans le fentiment qu'il eft imposfiblede trouver quelqu'un exemt de faute, &qu'il en eft de cela comme de la grenade, où •l'on trouve toujours quelque grain pourri. Ayantfâché Nicodfome le joueur de cithre(i), il enreçut un foufflet, dont il fe vengea par une tablettequ'il fe mit au front avec ces mots : Cèft 'Nicodrome de qui je le tiens. II faifoit profeffion :d'injurier les Courtifannes, & s'accoutumoit parlàà ne point épargner les reproches; • Dernetriusde Phalere lui envoya quelques pains avec<strong>du</strong> vin, il lui fit cette piquante réponfe, qu'ilvoudrait que les fontaines pre<strong>du</strong>ifijjent <strong>du</strong> pain ,-d'où il parolt qu'il bûyottde l'eau. Blâmé des infpefteursdes chemins & 4es rues d'Athènes dece qu'il s'habilloit de toile : Je vous ferai voir"Wéophrajte vêtu de même , leur repondit-ikGomme ils ne l'en croyoient -pas fur fa parole, illés mena à la boutique d'un barbier » où il leleur. fi) Je mets le mot Grec, parte qu'on tra<strong>du</strong>it le motLatin, qui y.coriefpond, fit Lwb, (Jmmrrt.U Haye.


C R A T E S.ayant fait un reproche, Menedeme en fut fâché,& le tira comme nous venons de le dire, lorsqu'ilrepondit par le vers que nous avons cité.Zenon de CSttie rapporte dans fes Cbries qu'il :coufoit quelquefois une peau de brebis à fonmanteau, fans la tourner de l'autre côté (2). Ilétoit fort dégoûtant pour fa faloperie, & lorsqu'ilfe préparoir à fes exercices, on le tournoit:en ridicule ; .mais il avoit coutume de dire, lesmains levées : Courage*, Crates , comptes fur tesyeux ff fur le rejie de ton corps. Tu verrasceux , qui fe moquent de toi à preftnt, faifis de ma'ladie, te dire heureux fcf fe condamner eux-mêmespour leur négligence. Il difoît qu'il falloit s'appliquerà la Philofophie, jufqu'à ce qu'on regardât'(1) Vers d'Homère.(1) La verfion Latine a tra<strong>du</strong>it, fiu fe mittrt en feint9»'.n li tnuvît Ixidi xaais les dernier» mot* ne iont pointdaaa l'original.-


ftG R- A- T E £•iU les Généraux d'année, comme n'étant que dèrcon<strong>du</strong>Seurs d'ânes* Il difoit aufll que ceux, quifc trouvent dans la compagnie des flatteurs, nefont pas moins abandonnés que les veaux parmiles loups , parce que les uns & les autres, au*lieu d'être avec ceux qui leur conviennent, fontenvironnés de pièges.A la veille de fa mort, il fe chanta à lui-mêmeces vers : Tu t'en vas, cher ami, tout courbé;tu descends-aux Enfers, voûté de vieillejfe. Eneffet il ploit fous- le poids des années. Alexandrelui ayant demandé s'il vouloit qu'on retablkfa patrie, il lui repondit: Aquoi celaferviroit-iL,piifqu'un autre Alexandre la détruirait de nouveau ?D'ailleurs le mépris r. ape j'ai pour la gloire , £Pma pauvreté me tiennent lieu de patrie ;. ce fontdes biens que lafprtune ne. peut raviri II finit paràfce, Je fuis citoyen de Dïogene, qui efl au-des.-fus des traits de l'envie. Ménandre ,, dans làpièce des Gémeaux, parle de lui en ces termes,,-„ Tu te promèneras avec moi ,, couvert d'un„ manteau, auflL-bien que la femme de Crates le„ Cynique". Il maria fe* filles à fes difciples» &lès leur confia d'avance pendant trente jours ,,pour voir s'ils pourroient vivre avec elles , ditlémême Auteur»-ME-


M E T R O C L E.esMETROCLKUN des difriples de Crates fut Metroclè ,frère d'Hipparchie, mais auparavant dff-. ciple de Théophrafte le Përipatéticien; Il avoitla fanté fi dérangée par les flatuofités continuellesauxquelles il étoit fujet, que ne pouvant.les retenir pendant les exercices d'étude ,'il fe renferma de défefpoir , réfolu de fe laiilêrmourir de faim. Crates le fut, H alla le voirpour le confoler, après avoir mangé exprès deslupins. Il t&cha de lui remettre l'efprit, & lutdit qu'à moins d'une efpece de miracle, il nepouvoit fe délivrer d'un accident auquel la natureavoit fournis tous les hommes plus ou moins. Enfmayant lâché lui-même quelques vents , iLacheva 4e le perfuader par fon exemple. Depuislors il devint fon difeiple & habile Philofophe.Hécaton, dans le premier livre de fes Cbriet+dit que Méfcrocle jetta au feu fes écrits, fous prétexteque c'étoient des fruits de- rêveries de l'autremonde & de pures bagatelles. D'autres difentqu'il brûla les Leçons de Théophrafte, enprononçant ces paroles (i): approches,. Vulcain?,Tbé-(i) C'eft un vert d'Homère, Mtr. ctyï»*»» remarqueue les Anciens arrcâoient de faire allufion dans leurs,3iscouis a des vers d'Homère. Mmtft a ici me ftote »,beaucoup moins folide que celle de C«/«iM..


66 M E T R O C L E.Tbétis a befoin der toi. Il difoit qu'il y a des cho*fes qui s'acquièrent par argent, comme une maifon;d'autres par le tems & la diligence, commel'inftruftion. H difoit aufli que lès richeflesfont nuifibles , à moins qu'on n'en fafle un bonufage. Il mourut dans un âge avancé, s'étantétouffé lui-même.Il eut pour difciples Théombrote & Cléomene,.dont le premier inffruifit Demctrius d'Alexandrie.Cléomene eut pour auditeurs- Ximarque d'Alexandrie& Echecle d'Ephefe;- mai» «Jui-ci futprincipalement difciple de Théombrote qui formaMenedeme, <strong>du</strong>quel nous parlerons ci-après.Menippe de Synope devint auffi un illuûxe difciplede Théombrote.,HIP-


H I P P A R C H I E . 67HrPPARCHIE.'HIpparchie, fceur dé Métrocle, l'une & autrede Maronée , fe Iaiûa auffi éblouir parlesdifcours <strong>du</strong> Philofophe Ctates. Elle en almoittant les propos & la vie ,. qu'aucun deceux , qui la recberchoient en mariage , neput la faire changer. Richefle,. noble fle,. beauté»rien ne-la touchoit; Ctates lui tenoit lie*de tout; Elle menaça mûme*fes parens de fedéfaire elle-même, fi on ne la marioit avec lui.Ils s'adreflèrent à Ctates,, qu'ils prièrent de ladétourner de fon deflein; il fit tout ce qu'ilsvoulurent. Enfin voyant qu'il ne pouvoit riengagnes fur elle, il fe leva, lui <strong>mont</strong>ra le peu.-^u'ii poffîdoit', & llii'dlt: Foiià Vêpoux que vousfiiubaitez, voilà tous fes biens. Gmfultezvous là*dejfus ; vous ne pouvez m'époufer , à moins quevous ne preniez la réfolutiôn de vous affocier à mesétudes. Elle accepta le parti , s'habilla commele Philofophe, & le fuivit par-tout, lui permettantd'en agir publiquement avec elle comme mari,.& allant avec lui mendier des repas. Quelquejour Lyfimaque en donnoitun, eHe s'y trouva, &y difputa contre Théodore , furnommé l'Athée,.en lui oppofant le Sophisme fuivant : Tout ce queThéodore peut faire fans s'attirer de reproche, Hippar--


(58 H I P P A R C H I E .thie le peut auffi, fans mériter qu'on la blâme.Or fi Théodore fe frappe lui-mime, il ne fera injuftice à perfonne ; ainfi , fi Hipparcbïe frappeThéodore, elle rien commettra envers qui que cefoit. Théodore ne répondit rfen à ce raifonnement,il fe contenta de tirer Hipparchie par lajuppe. Cette aftion ne l'émut, ni ne la déconcerta;& fur ce qu'il lui adrefla enfuite ces paroles,„ Qui eft cette femme qui a laiffé fa navette„ auprès de fa toile (i)?", elle repondit, Ceftmoi, Théodore ; mais trouvez-vous quej'aye pris,mauvais farti d'employer à m'infiruire le tems qj'aurais per<strong>du</strong> à faire de- la toile ? On conte d'elleplufîeurs autres traits de cette nature.U y a un livre de dates, qui porte le titre de Lettres,& qui'contient une excellente Phtlofophie,dont le ftyle approche beaucoup,dé celui de Platon.Il CôttipoCà auffi des Tragédies, qui ren?ferment des traits de la plus fublime Philofophie,tels que ceux-ci: Je n'ai dans ma patrie, nitour, ni toit qui m'appartienne ; mais toutes If s viles 6? les maiftms de la terre font lis lieux où jtpuis habiter (2).IL mourut fort vieux,, & fut enterré en Béotie.. . METCI > Yen d'ïuijpide.{1} MinAgt con|eâuie que tout ce paûage fui Ciatci& pouuolt expliqua d'Hippsuchic


M E N I P P E. «9M E N I P P E.MEnippe fut Philofophe Cynique, Phéniciend'origine, & efclave, félon Achaïcusdans fes Difeours de Morale. Diocles, dit quefon Maître étok de Pont & qu'il s'appelloit Bote;mais à force de demander & d'amaflèr del'argent, Menippe vint à bout d'acheter le droit,de Citoyen de Thebes.Il n'a rien fait qui foit digne d'éloge. Seslivres ne font pleins que de bouffonneries , enquoi ils reffemblent à ceux de Méléagre , fcncontemporain. Hermippe avance qu'il pratiqual'ufure jufqu'à s'attirer le nom d'Ufurier de journée(i). Il exerça auflî l'ufure navale (2) &prêta fur gages; de forte qu'il amaffa beaucoupde bien. Mais enfin on lui tendit des pièges;il perdit tout ce qu'il avoit grapillé, & finit favie, en fc pendant lui-même de défefpoir. Voicides vers fatyriques que j'ai compofés à fon fujet :.Vous ctnnoijjez , Menippe, Phénicien d'origine ;vais de la nature des chiens de Crète, cet Uj'urierde(1) C'eft-à-dire, qui recevoit chaque joui l'ufure dece qu'il avoit avance - . ^itdtir*»djn.(z) U y a ici d.es variations. Voyez Mnsgi. On citeanfli les P*ndt8ts. Erasme dit qu'on prenoit une plotforte ufuie de ceux qui alloient fui met. CHU. 11S7.


7o M EN I P ? t.•de journée; c'ejl ainfi qu\n Fappelloit, Fous fouet^comment fa maifon, ayant été forcée à Tbebes, ilperdit tous fes biens ; mais s'il eût bien connu lamature <strong>du</strong> cbien (i), fe feroit-il,pen<strong>du</strong> pour cettemifon?Il y a des Auteurs


M E N E D E M E. 71MENED EME.MEnedeme fut difcîple de Cûlotes de Lannvfaque. Hippobote dit que fon goût pourles prodiges l'avoit ren<strong>du</strong> ij extravagant, quefous la figure d'une Furie il fe promenoit, encriant qu'il était venu des Enfers pour obferverceux qui faifoient mal, & pour m faire rapportaux Démons àjon retour dans ces lieux.Voici dans quel équipage il fe <strong>mont</strong>rait enpublic. Il fe revâtoit d'une robe de couleurfoncée, laquelle lui defcendoit jufqu'aux talons,& qu'il liok d'une ceinture rouge. Il fe couvroitla tête d'un chapeau Arcadien (1), où é-toient réprefentés les douze (ignés <strong>du</strong> Zodiaque,& fa chauflure reffembloit au Gotburne tragique.H portoit une longue barbe, & tenoit à la main«me baguette de bois de frêne.Voilà les Vies des Philofopbes Cyniques, con»fidérés chacun en particulier. Ajoutons quelquechofe des fentîmens qu'ils foutenoient encommun ; car nous regardons leur Fhilofophiecomme formant une Secte particulière , &non , ainfi que le prétendent quelques - uns,un fimple genre de vie. Un de leurs dogmes(1) C'eft-Vdiic fort grand. Mttup.


7E M E "NE T> Z M" E.'mes eft donc de retrancher , à l'exemple d'À-Tifton de Chio, <strong>du</strong> nombre des conneiflances néceûaires'Toutce qui tegarde la Logique & laFhyGque , & de ne s'appliquer qu'à la Morale,iufoue-là que ce que quelques-uns attribuentàSocrate, Diodes le fait dire à Diogene. C'eftà-dire qu'U faut s'étudier à connoître ce qui fepaffe de bon & de mauvais en nous-mêmes. Ilsrejettent auffi l'étude des Humanités, & Antisthenedit que ceux, qui font parvenus à la fage»fe ne s'appliquent point aux Lettres, pour riitrept)nt dUlraits par des cbofes étrangères. Us môprifentpareillement la Géométrie, la Mufique -& autres fciences femblables, puifque Diogenerépondit i quelqu'un qui lui <strong>mont</strong>rait un cadranque c'étoit une invention fort utile pour netas lalfer le tems de dîner. Il dit auffi à unautre qui lui faifoit voir de la Mufique, qu'on«ouvtrne des villes entières par de bonnes maximes,|p qu'on ne parviendra jamais à bien con<strong>du</strong>tre unefeule maiftn par la Mufique.Les Philofophes Cyniques établiflent pour fin,de vivre félon la vertu, comme dit Antifthenedans Hercule ; en quoi ils peofent comme lesStoïciens. En effet il y a de l'affinité entreces deux Seftes; de là vient qu'on a appelle laPhilofophie Cynique, Un chemin, abrégéJour. «••_rire il» F«tu. Ainfi vécut auffi Zenon leCittien. Us obfervent une - grande fiuiphcitede


M E N E D E M E . 73de vie , ne prennent de nourriture qu'autantqu'elle eft néceftaire, & ne fe fervent d'autre habillementque <strong>du</strong> manteau. Ils niéprifent la richefie,la gloire & la nobleffe. Plufîeurs ne fenourifTcnt que d'herbes, & ils nÇ boivent abfolumentque de l'eau froide. Ils n'ont de couvertque celui qu'ils rencontrent,ne fut-ce qu'untonneau, à l'imitation de Diogene, qui difoitque comme ce qui diftingue principalement lesDieux, c'eft qu'ils rient iejoin de rien; de mimecelui-là leur rejjemble le plus qui fait ufage demrins de ebofes.Ils croyent, comme dit Antifthene dans Hercule,que la vertu fe peut apprendre, & quel'orfqu'on l'a acquife, elle ne peut fe perdre. Ilidifent que le Sage eft digne d'être aimé, qu'il nepèche point, qu'il eft ami de celui qui lui resfemble,& qu'il ne fe fie nullement à la fortune-Ils appellent indifférentes les chofes qui font entrele vice & la vertu ; en quoi ils fui vent les fentimensd'Arifton de Cbio.Voilà pour ce qui regarde les Philofophes Cy-• niques. Venons à prefent aux Stoïciens ', quiout eu pour Chef Zenon, difciple de dates.Terne IL D LI;


IH ^vkT" v^s


Z E N O N .en, les figues vertes, & à fe chauffer lu foleil.Nous avons fait mention •qu'il eut Crates pourMaître, On veut qu'enfuite il prit les leçonsde Stilpon, & que pendant dix ans il fut auditeurde Xénocrate , au rapport de Timocratedans Dion. Polémon eft encore un Philofophe,dont il fréquenta l'école. Hecaton , & ApolloniusTyrien , dans le premier livre fur Zénm, rapportentque ce Philofophe ayant coniklté l'oraclepour favoir quel étoit le meilleur genrede vie qu'il pût embrafler, il lui fut repon<strong>du</strong> quec'étoit celui qui le feroit converfer aveé lesmort*. Il comprit le fens de l'oracle, & s'appliquaà la lecture des Anciens. Voici comment ilentra en connoiûance avec Crates. Il avoit négociéde la pourpre en Phénicie , qu'il perditdans un naufrage près <strong>du</strong> Pirée .Pour lors déjà âgéde trente ans, il vint i Athènes, où il s'aflkauprès de la boutique d'un Libraire, qui lifoitle fécond livre des Commentaires de Xénopbon.Touché de ce fujet, il demanda où fe tenoientces hommes-là ? Le bazard voulut que Cratesvint à paffer dans ce moment. Le Libraire le<strong>mont</strong>ra à Zenon, & lui dit: „ Vous n'avez qu'àfuivre celui-là". Depuis lors il devint difdpledeCrates; mais quoiqu'il fût d'ailleurs propre àla Philofophie, il avoit trop de modeftie pours'accoutumer au mépris que les Philofophes Cyniquesfaifoient de la honte. Crates, voulant l'enD 2gué-7 S


76 Z E N O N .guérir, lui donna à porter un pot de lentillesà la place Céramique. Il remarqua qu'il fe couvraitle vifage de honte, il caffa d'un coup defon bâton le pot qu'il portoit ; de forte que leslentilles fe répandirent fur lui. Auffitôt Zenonprit la fuite , & Crates lui cria : Pourquoi t'enfuis-tu, petit Phénicien ? tu n'as repi aucun mal.Néanmoins cela fut caufe qu'il quitta Cratesquelque tems après.Ce fut alors qu'il écrivit fon Traité de la République,dont quelques-uns dirent, en badinant,qu'il l'avoit compofé fous la queue <strong>du</strong> Chien (i).Il fit auffi d'autres ouvrages ; fur la Vie, conformeà la Nature; fur les Inclinations, ou fur laNature de l'Homme; fur les Paffions; fur le Devoir;fur/aZ.0», fur l'Erudition Grecque; fur laVue; fur l'Univers; fur les Signes ; fur les Sentimentde Pytbagore; fur les Préceptes généraux;fur la Di&ion; cinq Quejlions fur Homère; de laLéUure des Poètes, outre un Art de Solutions, &des Argumens, au nombre de deux Traités ; desCommentaires, & la Morale de Crates. C'eft iquoi fe ré<strong>du</strong>ifent fes œuvres.Enfin il quitta Crates, & fut enfuite pendantvingt ans difciple des Fbilofophes dont nous a-vons parlé ; à propos de quoi os rapporte qu'ildit,(i) Selon Mer. c*f*nhn, c'eft une allufion \ la Conicllatiou4n Chien.


Z E N O N . 77dit, J'arrivai à bon port lorfque je fis naufrage.D'autres veulent qu'il fe foit énoncé en ces termesà l'honneur de Crates ; d'autres encore qu'ayant appris le naufrage de fes marchandifes pendantqu'il demeuroit à Athènes, il dit: La for-,tune fait fort bien , puifqu'elle me con<strong>du</strong>it parlà à l'étude de la Pbihfopbie. Enfin on prétendsuffi qu'il vendit fes marchandifes à Athènes, &qu'il s'occupa erifuite de la Philofophie.Il choifit donc le Portique , appelle Pacile(i), qu'on nommoit auffi Pifianaùie. Le premierde ces noms fut donné au Portique i caufe desdiverfes peintures dont Polygnote l'avoit enrichi ;mais fous les trente Tyrans mille quatre cens citoyensy avoient été mis à mort. Zenon, voulanteffacer l'odieux de cet endroit, le choifitpour y tenir fes difcours. Ses difciples y vinrentl'écouter, & furent pour cette raifon appellesStoïciens , aufli-bien que ceux qui fuivirentleurs opinions. Auparavant, dit Epicuredans fes Lettres, on les diftinguoit fous le nomde Unmiens. On comprenoit même antérieurementfous la dénomination de Stoïciens les Poètesqui fréquentoient cet endroit, comme le rapporteEratofthene dans le huitième livre de fon.Traité de l'Ancienne Comédie; mais les difciplesde(i) Le mot Paeili fignifie varié. Cet endroit étoit fituéfi" le Marche'. Minait. Le mot Stoïcien vient d'un termequi £{nifie Ptrtiqiu.


78 - Z E N O N .de Zenon rendirent ce nom encore plus illuftre.Au refte les Athéniens eurent tant d'eftime pource Philofophe, qu'ils dépotèrent chez lui les clefsde leur ville, llionorerent d'une couronne d'or& lui dreflèrent une ftatue d'airain. Ses compatriotesen firent autant, perfuadés qu'un pareilmonument, érigé à un fi grand homme, leur feroithonorable. Les Cittiens imitèrent leur exemple ;& Antigone lui-même lui accorda fa bienveillance.Il alla l'écouter lorfqu'il vint à Athènes, & lepria avec inftance de venir le voir ; ce qu'il refufa.Zenon lui envoya Perfée, l'un de fes amis,fils de Demetrius & Cittien de naiflànce , quifteuriflbit vers la CXXX. Olympiade, tems auquel* le Philofophe étoit déjà fur l'âge. Apolloniusde Tyr, dans fes Ecrits fur Zenon, nous a confervéla lettre qu'Antigone lui écrivit.Le Roi Antigone au Pbilofopbe Zenon, falut.„ Du côté de la fortune & de la gloire , je„ crois que la vie, que je mené, vaut mieux„ que la vôtre ; mais je ne doute pas que je ne„• vous fois inférieur, û je confidere l'ufage que„ vous faites de la raifon, les lumières qui vous„ font acquifes, & le vrai bonheur dont vous jouïs-„ fez. Ces raifons m'engagent à vous prier de„ vous rendre auprès de moi, & je me flatteqne„ vous ne ferez point de difficulté de confentir


Z E N O N . 79„ à ma demande. Levez donc tons les obftacles„ qui pourroient vous empêcher de lier cora-» merce avec moi, Confidérez fur-tout que non„ feulement vous deviendrez mon maître; mais„ que vous ferez en même tems celui de tous„ les Macédoniens, mes fujets. En inftruifant„ leur Roi, en le portant i la vertu , vous leur„ donnerez en ma perfonne un modèle à fuivre„ pour fe con<strong>du</strong>ire félon l'équité & la raifon ,„ puilque tel eft celui qui commande, tels font„ ordinairement ceux qui obéiflent".Zenon lui répondit en ces termes :Zhm au Roi Antigène, falut.„ Je reconnois avec plaifir l'empreffement que-„ vous avez de vous inftruire & d'acquérir» de folides connoiflances qui vous foient uti-„ les, fans vous borner à une fcience vulgaire,» dont l'étude n'eft propre qu'à dérégler lea„ mœurs. Celui, qui fe donne à la Philofophie,» qui a foin d'éviter cette volupté fi commune,, ); lî capable d'émoufler l'efprit de la jeunefie ,.» annoblit fes fentimens, je ne dis par inclina.„ tion naturelle, mais aufli par principe. Au res-» te, quand un heureux naturel eft foutenu par» l'exercice, & fortifié par une bonne inftruc-» tion , il ne tarde pas i fe faire une parfaite» aotion.de la vertu. Four moi, qui fuccorat>4 » be


8o Z E N O N .„ be à la foibleffe <strong>du</strong> corps, fruit d'une vieilleûe„ de quatre-vingts ans , je crois pouvoir me„ difpenfer de me rendre auprès de votre per.„ fonne. Souffrez donc que je fubftitue à ma„ place quelques-uns de mes Compagnons d'étu-„ de, qui ne me font-point inférieurs en dons de„ l'efprit, & qui me furpaffent pour la vigueur„ <strong>du</strong> corps. Si vous les fréquentez, j'ôfe me„ promettre que vous né manquerez d'aucun des„ fecours qui peuvent vous rendre parfaitement„ heureux".Ceux, que Zenon envoya à Antigone, furentPerfée, & Philonide Thébain. Epicuré a parléd'eux, comme d'amis de ce Roi, dans fa lettreà fon frère Ariftobule (i).Il me paroit à propos d'ajouter ici le Décretque rendirent les Athéniens à l'honneur de Zenon; le voici.Décret.• Sous l'Arcbontat d'Arrenidas, la Tribu tAca*marais, la cinquième en tour, exerçant le Prita*niât, la troijieme dixaine de jours <strong>du</strong> mois de Septembre, le vingt-troijieme <strong>du</strong> Pritanéat courant,tAffémblie principale des Préfidens a pris Jes cenelujîonsfouslapréjidence d'Hippo,fils de Cratijlotele,il) D'autre» corrigent, Aiiûodeme, '


2 E *T O N. mk, de Xymfetim & de leurs Collègues; Tbrafon,fils de Tbrafon <strong>du</strong> bourg d'AnacaU , difant etjw fuit :„ Comme Zenon, fils de Mhafée, Cittiea„ de naiflance, a employé plufieurs années dans„ cette ville à cultiver la Philofophie ; qu'il s'eft„ <strong>mont</strong>ré homme de bien dans toutes. les au-» très chofes auxquelles il s'eft adonné ; qu'il a„ exhorté à la vertu & à la fagefle les jeunes„ gens qui venoient prendre fes inftru&ions ;» & qu'il a excité tout le monde i bien faire par» l'exemple de ia propre vie, toujours conforme» i là doctrine, le Peuple a jugé, fous de fai,vorables aufpices, devoir recompenfer Zenon» Cittien , fils de Mnafée, & le couronner» avec juftice d'une Couronne d'or pour fa vertu„ & fa fagefle. De plus, il a été réfotu de lui» élever une tombe publique dans la place Cira-» nique, cinq hommes d'Athènes étant défignés,» avec ordre de fabriquer la Couronne & decon-» flroire la tombe. Le préfent Décret fera couché» par l'Ecrivain fur deux Colomnes , dont il» pourra en dreffer une dans l'Académie , &» l'autre dans le Lycée. Les dépenfes de ces,i Colomnes fe feront par l'Administrateur des» deniers publics , afin que tout le monde faitche que les Athéniens honorent les gens de» bien, autant pendant leur vie qu'après leur» non".v D 5 Les


8i Z E N O N . ,' Les perfonnes, choifies pour fa cotritruériott decesmonumens,furent Thrafon <strong>du</strong> bourg d'Anacaïè,Philocles <strong>du</strong> Pirée, Phèdre <strong>du</strong> bourg d'Aria*plyfte, Melon <strong>du</strong> bourg d'Acharné, Mycytbus<strong>du</strong> bourg de Sypallete, & Dion <strong>du</strong> bourg de.Paeanie.Antigone de Caryfte dit qu'il ne cela peine fa.patrie; qu'au contraire, comme il fut un de.ceux qui contribuèrent à la réparation <strong>du</strong> bain ,fon nom ayant été écrit fur une Colomne de cettemanière, Zenon le Pbilofopbe, il voulut qu'ony ajoutât le mot de Cittien. Un jour il prit lecouvercle d'un vaifleau oh l'on mettoit Phuilepour les Athlètes, & après l'avoir creufé, il leportapar-tout pour y recueillir l'argent qu'if colleftoiten faveur de fon Maître Crates. On allureque lorsqu'il vint en Grèce, il étoit riche deplus de mille talens, qu'il prêtoit à intérêt auxgens qui alloient fur mer.Il fe nourriflbk de petit» pains, de miel &d'un peu de vin aromatique 1 . Il ne faifoit gueresd'attention aux filles, dt ne fe fervit qu'un*ou deux fois d'une fervante, afin de n'avoirpas le nom de haïr les femmes. Lui & Perfée habitoientune même maifon, où celui-ci ayantquelque jour intro<strong>du</strong>it auprès de lui une joueufcde flûte, il la tira de là & la recon<strong>du</strong>lflt a celuiqui la lui avoit envoyée. Il étoip fort accommodant;aufli le Roi Antigone venoit fbuvent' .fou-


£ B N O N. 83fouper chez lui, où le menoit fouper chez Ariûocléele Muficien; liaifon ^ laquelle il renonçadans la fuite.On dit qu'il évitoit d'aûembler beaucoup demonde autour de lui,\ & que pour fe débarrafierde la foule, il s'afféyoit au haut de l'efca*lier (1). Il ne fe promenoit gutres qu'avec deuxou trois perfosnes, & exigeoit quelquefois undenier de ceux qui l'entouraient, afin d'écarter lamultitude, comme le rapporte Cléanthe dins fonTraité de l'Airain. Un jour que la prefle étoitfort grande, il <strong>mont</strong>ra aux affiliant la baluftradede bois d'un Autel au haut <strong>du</strong> Portique, & leurdit: Autrefois ceei en faifoit le milieu; mais corn»ne m en recevait de l'emborror, m U trtnfpofadons un endroit Jtpori : dt mlmtfi vous vous ôtiex<strong>du</strong> milieu dHH, vous nous mbartoffericz moins.Démochare, fils de Lâches, vint le faluer,&lui demanda s'il avoit quelque commifCon à luidonner poar Antigone, qui fe ferait un plaifirde l'obliges. Ce compliment lui déplut fi fort,que depuis ce moment B rompit tout commerceavec lui. On rapporte auffi qu'après la mort de• Zéfi)Mntgi 8e autres Interprêres Latins ne diltht rienfoi ce paflage; Btiliim fie ft*imllti le défigurent. Jecrois qu'il s'agit <strong>du</strong> inonde qui s'aflembloit autour deZenon lor»tpr*U dorrnoit fes leçons, & je fuppofe qu'ily- aveit des dégrés au FArtique <strong>du</strong> Foecile , où il fe te*noir,' Se que c'eft de ce Portique que patlc Diogen*La£rcc>/ D 6


84 Z E N O N .Zenon, Antigone dit qu'il avoit per<strong>du</strong> en loin»homme qu'il ne pôuvoit afiez admirer, & qu'ilenvoya Thrafon aux Athéniens pour les prierd'enterrer le corps <strong>du</strong> Fhilofophe dans la placeCéramique. On deraandoit à ce Prince pourquoiil admiioit tant Zenon. Il répondit que c'étoit„ parce que ce Philofophe ,. malgré les grands„ préfens qu'il avoit reçus de lui, n'en étoit„ devenu ni plus orgueilleux, ni plus hu-„ milié".Zenon étoit fort curieux, & apportoit beaucoupde foin à fes recherches. De là vient queTimon, dans fes Vers fabriques, l'apoftrophe ences termes: -J'ai vu une vieille goulue de Phénicienne àVombre de fon orgueil, avide de tout; mais ne retenantrien, non plus qu'un petit panier ftrcé, &ayant moins d'efprit qu'un violon (i)..Il étudioit avec Fhilon le Dialecticien. Commeétant jeune, il difputoit affidûment avec lui,cette fréquentation l'accoutuma i n'avoir pas moinsd'admiration pour ce compagnon d'étude quepour Diodore fon Maître (a).Zenon avoit fouvent autour de lui des gensval-propres & mal vêtus ; ce qui donna occafion iTi-(1) £ln* tra<strong>du</strong>it, le mot de l'originar-M im/humn»i QtiMtn tor<strong>du</strong>. C'étoit apparemment tue cfpece 4eViolon.(*) Il y a des variation» fut ce paflage.


2 E N O N. «ïTimon de l'accùfer qu'il aimoit à attrouper tantce qui fe trouvait de gens pauvres & inutilesdans la ville." II âvoit l'air trifte & chagrin, ridoitle front, tirait la bouche, & parotûoit fort grof.Cer. II étoit d'une étrange lezine,mals qu'Utraitoitde bonne* k économie. Il reprenoit les gens d'une manièreconcife & modérée,en amenant la cbofe deloin. Far exemple, il dit a un homme, fortaffeâé, qui panait lentement par-deflus un égout,D a rai/m de craindre la boue; car il n'y a patmoyen de s'y mirer. Un Ehilofophe Cynique,n'ayant plus d'huile dans fa phiole, vint le prierde lui en donner. Il lui en refufa, & comme ils'en alloit, il lui dit de.confîdérer qui des deuxétoit le plus effronté. Un jour qu'il fe fentoitde la difpoution à la volupté, & qu'il étoit aflisavec Cléanthe auprès de Chrémonide, il fe levatout à coup. Cléanthe en ayant marqué de la for'prife, J'ai appris, dit-il, que les bons Médecins,ne trouvent point de meilleur remède que le reposcontre les inflammations. Il étoit couché aun repas au-deffus de deux perfonnes, dont l'unepouflbit l'autre <strong>du</strong> pied. S'en étant apperçu, ilfe mit auffi à pouffer <strong>du</strong> genou,& dit à celui quife retourna fur lui :Si cela Vous incommode, . combienn'incommodez-vous pas votre voifin? Un hommeaimoit beaucoup les enfans; Saches, lui ditZenon, que lei Maîtres, qui font toujours avec lesenfans, n'ont pas plus d'efprit qu'eux. Il difoitD 7'que


80 Z E N O N .que ceux, dont tes difcours étoient Biea rangés,coûtons, & fans défaut, reffembloient àlamonnoyed'Alexandrie, qui, quoique helle &. bien marquée,n'en étoit pas moins de mauvais alloi:au-lieu que les propos d'autres , où il n'yavoit ni fuite, ni exactitude, étoient comparablesaux pièces Attiques de quatre drachmes.Il ajoutait que la négligence furpafibitquelquefois l'ornement dans les éxpreffions, &que fouvent la fimplicité de l'élocution de Funentrainoit celui qui .faifoit choix de termes phisélevés. Un jour qu'Arifton, fon difciple, énonçpitmal certaines chofes, quelques-unes hardiment,& d'autres avec précipitation; H fautcroire, lui dit-il, que votre père voûta engendré dontun moment d'yvrejps. Il l'appelloit 1 'babillard-,avec d'autant plus de raifon qu'il étoit lui-mêmefort laconique. Il fe trouva à dîner avec ungrand gourmand qui avaloit tout, fans rien laiûeraux autres. On fervit un gros poiflfcn, il le tiravers lui comme s'il avoit voulu Je mangat feui,& l'autre l'ayant regardé, il lui dit iSivtUsm pou*•riez unfeuljour fouffrk ma gourmand*/*, combien• penfez-vous que la vitre doive journellemetit déplaire à vos camarades? Va jeune garçon faifoitdes questions pluscurieufesquene comportoit foi»âge. Il le mena vis-à-vis d'un miroir; Foye»,lui dit-il, regardez-vous, & jugea fi vtiqueftions font àjfirtits 4 Votre jeuntjft. Quelv' - qu'un


. Z E N O N . gfqu'on trouvoit i redire i pIuGcurs Denféesd'Antiflhene. Zenon lui préfenta [un Difcours deSophocle , & lui demanda s'il ne croyoic paarqu'il contint de belles & bonnes choie*. L'autre 'répondit qu'il n'en favoit ries. N'avez vous doncpu honte, 'reprit Zenon, de vous JoHnetàr de cetpiAntijlbene peut avoir mal dit, 6P de négUgttRapprendre ce qu'on a dit de boni Ua autre feplaignbit de la brièveté des difcours des Philofbphes.Vous avez raifon, lui dit Zenon; il fou»droit même, s'il étoit pqffible, qu'ils abrigeajjer»pfqu'à leurs fyllabes. Un troifleme blâmoit Foie*mon de ce qu'il avoit coutume de prendre unematière & d'en traiter une autre. A ce reprocheU fronça le fourcil,& lui fit cette reponfc: Il pMttft que vousfaifiex grand tas de ci qu'on vous donnait(i). Il difoit que celui , qui difpute dequelque chofe, doit reffembler aux Comédiens,avoir la voix bonne & la poitrine forte; 'mais nepas trop ouvrir la bouche; coutume ordinaire desgrands parleurs, qui ne débitent que des fadaifes»H ajoutait que ceux, qui parlent bien, avoienta imiter les bons Artifans, qui ne changent pointie lieu pour fe donner en Qpeftacle, & queceux, qui les écoutent, doivent étié fi attentifs,qu'ils ft'ayent,pas te tsras de faire, des te-mar-(0 Allufion a ce que ïolem»» «fçign«it pou Mm.


ÏS Z E N O N .marques (i). Un jeune homme, parlant beaucoupen fa préfence, il l'interrompit par ces paroles: Mes oreilles fe font fon<strong>du</strong>es dans ta langue(2). Il'repondit à un bel homme, qui ne pouvoitfe figurer que le Sage dût avoir.de l'amour:II n'y a rien de plus miférable que l'homme quitrille par la beauté <strong>du</strong> corps, n accufoit la plupartdes Pbilofophes de manquer de fagefle dansles grandes chofes, & d'expérience dans les petites, & qui font fujettes au hazard. Il citoicDaphefius fur ce qu'entendant un de fes difciplesentonner un grand air de MuGque,il lui donna uncoup pour lui apprendre que ce n'eft pas dans lagrandeur d'une chofe que confifte fa bonté; maisque h. bonté eft renfermée dans fa grandeur. Un,jeune drôle difputoit plus hardiment qu'il ne luiconvenoit, Jeune homme, lui dit Zenon,;; ne tedirai pas ce que j'ai rencontré aujourd'hui. On racontequ'un autre jeune homme Rhodien, beau, riche,mais qui n'avoit d'autre mérite de plus,vint fe fourrer parmi fés difciples, Zenon, quine fe foucioit pas de le recevoir, le fit d'abordafieoir fur les dégrés, qui étoient pleins de pouffière,afin qu'il y faltt fes habits. Enfuite il lemit dans la place des pauvres, à deflein d'acheverde gâter fes ajuftemens, jufqu'à ce qu'enfinle(i) Selon KfkpiMt, il faut tra<strong>du</strong>ire, it fur» <strong>du</strong> gtfteai *ffU*AiffnatM ; l'an vaut l'autre pour le (cas.(») C'eû-à-diieqn*il d


Z E N O N . 89le jeune homme, rebuté de ces façons, prit leparti de fe retirer.Il difoit que rien ne fied plus mal que l'orgueil,fur-tout aux jeunes gens, & qu'il ne fuffitpas de retenir les parafes & les termes d'un bondifcours; mais qu'il faut s'appliquer a en faifirfefprit, afin de ne pas le recevoir comme onavale un bouillon, ou quelque autre aliment. Ilrecommandoît ia bienféance aux jeunes gens dansleur démarche, leur air & leur habillement, &leur choit fréquemment ces vers d'Euripide furGapanée.Quoiqu'il eût dequoi vivre., il ne s'enorgveillijfoitpas de fa fortune ; il n'avoH pas plus de vanité quen'en a un nécefftteux, Zenon foatenoit que rienne rend moins propre aux Sciences que la Poëfie,& que le tems étoit de toutes les cbofes celledont nous avons le plus befoin. Interrogé fur cequ'eft un ami., il dit que e'étoit un autre foi-mime.On raconte qu'un efclave, qu'il puniûoit pourcaufe de vol., imputant cette mauvaife habitudei fa deftinée, il répondit; Elle a auffi réglé qui,tu en ferais puni. Il difoit que ia beauté eft l'agrément(1) de la voix; d'autres veulent qu'il aitdit que la voix eft l'agrément de la beauté. LeDomeftique d'un de fes amis parut devant lui,tout meurtri de coups: Je y ois, dit-il au Maître,(r) U y a *«• te Q««> k fm ; de la roa. .fer


PO Z E N O N .les marques de votre paffion. Examinant quelqu'unqui étoit parfumé, il s'informa qui étoit cethomme qui, fento.it la-femme. Denys le Transfugedejnandoit i Zenon d'où vient il étoit lefeul à qui il n'adreflat point de-correjaions ; ilrepondit que c'était parce qu'il'n'avoit.point de confianceen lui. Un jeune garçon parloit inconfidérément:Nous avons,hâ dit-il, deux oreilles £fune feule boude , pcqtr nous, apprtndre que nous,devons beaucoup plus écouter que parler, H affiftoit à:un repas, où^il ne difoit mot; on;voulut en favoirla raifon: Afin, répondit-il, que voUsrap'portiez au Roi qu'il y a ici quelqu'un qui fait fetaire. Il faut remarquer que ceux, à qui il faifoitcette réponfe, étoient venus expiés de la partde Ptolomée pour épier la con<strong>du</strong>ite <strong>du</strong> Philofophe& en faire rapport- à leur,Prince.. On de«mandoit à Zenon .comment il eh agirait avec unhomme qui Paccableroit d'injures : .Comme Javieun Envoyé que l'on congédie fans réponfe y repJiquat-il.Apollonius Tyrien rapporte que Crates letira par fon habit pour l'empêcher; de fuivte Seilpon,&que Zenon lui dit : Crates,.. »n ne peut .MAIprendre les• Pbilofopbes que par Pareille. , Quanivous m'mtez perfuâdé, tirez-moi pur là; auttemeritfi vous me faites violence, je ferai bien préféra decorps auprès 'dt(vous•, mais j'awairWefprit auprèsai Stilpon.Hippobote dit qu'il couvert* ,avec,Diodore,fous


Z E N O N . 91fous lequel il s'appliqua à la Dialectique. Quoiqu'ily eût déjà fait de grands progrès, ilnelaiffoitpas, pour dompter fon amour propre, de couriraux inftructions de Polétnon. On raconte qu'àcette occalion celui-ci lui dit : „ En vain, Zenon,„ vous vous cachez ; nous favons que vous vous„ glifléz ici par les portes de notre jardin pour„ dérober nos Dogmes, que vous habillez enfuite„ à la Phénicienne ( i )". Un Dialecticien hii <strong>mont</strong>rafept idées de Dialectique dans un Syllogisme,appelle mtfarant (2). Il lui demanda ce qu'il envouloit, & l'autre en ayant exigé cent drachmes, il en paya cent de plus, tant il étoir curieuxde s'inftruire.On prétend,qu'il eft le premier qui employale mot de devoir, & qu'il en fit un Traité. Itchangea auffi deux vers d'Héfiode de cette manière :// faut approuver eelui,qui s'inftruit, de ce qu'il entenddire de bon ,& plaindre celui qui veut tout apprendrapar lui-même (3). Il croyoit en effet que tel, quiprêtoit attention à ce que l'on difoit, & fa voiten profiter, étoit plus louable que tel autre quidevoit toutes fes idées à fes propres méditations,parce que celui-ci ne faifoit paroltre que de l'in-tel-(1) Diodoie e'toit delaSeûe Mlgattyoe. Ces Philttfopheienfeignoient dans un jardin. ' Mi»*u.1(2; C'eft le nom d'une efpcce de Syllogifine. Let AnciensappeUoieot tous Syllogismes de divecs nom*.(3) He'fiode «Toit dit tout le contulie.


9t Z - E N O N.telligence, au-lieu que celui-là, en fe lauTancperfuader, joignoit la pratique à l'intelligence.On lui demandoit pourquoi lui, qui étoit il férieux, s'égayoit dans un repas. Les lupins,dit-il, queiqu'ameres, perdent leur amertume dansl'eau. Hecaton, dans le deuxième livre de fe$Cbries, confirme qu'il fe relâchoit de fon tourneurdans ces fortes d'occafîons, qu'il difoitqu'il valoit mieux cheoir par les pieds que par lailangue, & que quoiqu'une chofe ne fût qu'à peuprès bien faite, elle n'en étoit pas pour cela unede peu d'importance. D'autres donnent cettepenfée à Socrate.Zenon, dans fa manière de vivre , pratiquoitla patience & la {Implicite. II fe nourrifibit de chofesqui n'avoient pas befoin d'être cuites , &s'habilloit légèrement. De là vient ce qu'on difoitde lui, que ni les rigueurs de l'byver, ni lespluyes, ni l'ardeur <strong>du</strong>feleil, ni les maladies accablantes,ni tout ce qu'on ejiime communément, nspurent jamais vaincre fa confiance, laquelle égalatoujours l'affi<strong>du</strong>ité avec laquelle il s'attacha jour ££nuit à l'étude.Les Poètes Comiques même n'ont pas prisgarde que leurs traits envenimés tournoient à falouange, comme quand Philemon lui reprochedans une Comédie aux Pbilofopbes:.Ses mets font des figues, qu'il mange avec <strong>du</strong>pain; fa boiffon efi l'eau claire. Ce genre de vies'ac-s


Z E N O N . 93s'accorde avec une nouvelle Pbihfopbie qu'il enfeigne,£3" qui cenfijie à en<strong>du</strong>rer la faim; encore ne laijfet-ilpas de s'attirer des difciples.D'autres attribuent ces vers à Pofidippe. Aurefte il eft même prefque paffé en Proverbe dedire: Plus tempérant que le Pbilofopbe Zenon. Pofidippe,dans fa Pièce intitulée, Ceux qui ontchangé de lieu, dit : Dix fois plus fibre queZenon.En effet il furpaffoit tout le monde, tant <strong>du</strong>côté de la tempérance &de la gravité,qu'à l'égardde fon grand âge, puifqu'il mourut âgé de quatre-vingt-dix-huitans qu'il paûa heureufementfans maladie, quoique Perfée, dans tes Recréa?tins Morales, ne lui donne que foixante-&-douzeans au tems de fon décès. Il en avoit vingtdeuxlorsqu'il, vint à Athènes, & préfida à fonécole cinquante-huit ans, à ce que dit Apollonius.Voici quelle rut fa fin. En fortant de fon école,il tomba & fe caffa un doigt. 11 fe mit alors ifrapper la terre de fa main, & après avoir prorferé ce vers de la Tragédie de Niobe, Je viens*pourquoi m'appelles-tu ? il s'étrangla lui - même.Les Athéniens l'enterrèrent dans la. place Céramique,& rendirent témoignage à fa vertu, en ftatuantà fon honneur le Décret dont nous, avonsparlé. L'Epigramme fui vante eft celle qu'An*tipater de Sidon compofa à fa louange.Ci-git Zenon, qui fit les délices de Çittie Ja pfctrie.


$4 Z E N O N.trie, ll.eft ntmi dans POlympe, non en mettantle <strong>mont</strong> Offa fur le <strong>mont</strong> Pelion ; car ces travaux nefont pas des effets de la vertu d'Hercule. La f*gtffe feule lui a ferai de guide dans la route quimené fans détour au Ciel.Celle-ci eft de Zénodote le Stoïcien, difciple•de Diogene.Zinon, toi dont le front chauve fait le plus belornement, tu as trouvé l'art de^fefuffire à foi-mêmedans le mépris d'une vaine ricbeffe. Auteur d'unefcience mile, ton génie a donné naiffance à uneSette, qui eft la mère d'une courageufe indépendance.L'Envie ne peut mime te reprocher d'avoir eula Pbénicie pour patrie. Mais ne fut-elle pas cellede Cadmus,à qui h Orece eft redevable de lafourteoù elle a puifé fonérudition? Athénée , PofiteEpigrammjitifte, en a fait une fur tous les Stoïciensen général ; la voici :O vous ! Auteurs des maximes Stoïciennes, vousdont les faints ouvrages contiennent les plus excellentesvérités, que vous avez raifon de dire que tavenu eft loftul bien do Y Ami ! Elle feule protègela vie des hommes, & garde les Cités. Si d'autresregardent la volupté corportllt comme leur dernièrefin, ce n'eft qu'une dit Mufes qui le leur a perfuadè(i).Aux(i) C'cft-i.dire Thalle, nom d'une des Gracci de laTable , . 6c aufli d'une des Mufes qui préfidoit fui les•fruits de là terre. De là rient que Tbalic lignifie quel-


Z E N O N .Aux particularités de la mort <strong>du</strong> Philofophej'ajouterai des vers de ma façon, inférés dammon Recueil de vers de toutes fortes de me.fures.On varie fur le genre de mort de Zinon de Cïstie.Les uns veulent qu'il finit fa vie , épuifid'armées ; les autres fatalement qu'il la perdit peurs'être privé de nourriture ; quelques autres encoreprétendent que s'étant bleffi par mie ebùte, il frappala terre de fa main if dit : „ Je viens de„ moi-même, ô mort ! pourquoi in'appeUes-tu ?"En effet il y a des Auteurs, qui aflûrent qu'ilmourut de cette dernière manière, & voilà cequ'on a à dire fur la mort de ce Philofophe. De*metrius de Magaéfie, dans fon livre 4» Poètesde mime nom, rapporte que Mnafëe, père deZenon, alloit fouvent i Athènes pour fon négo»ce ; qu'il en rapportoit des ouvrages philofophiquesdes difciples de Socrate; qu'il les donnoità fon fils; que celui-ci, qui n'étoit encore qu'unenfant , prenoit déjà dès lors <strong>du</strong> goût pourla Philofophie ; que cela fut caufe qu'il quittafa patrie & vint, à Athènes, où il s'attacha iCrates. Le même Auteur ajoute qu'il eft vraifemblablequ'il mit fin aux erreurs où - l'oné-quefoîs la rolnptl. Voyez U Thrtftr d'Etienne, la fia4e ces vêts paraît de'Sgnet les Epicuriens. Mtit*tm. A»refte Diogene Laëtce Ici a defà -apportli dam la yfed'Aotifthene.ps


96 Z E N O N .étoit tombé air fujef des Enohciations (i).On dît aufE qu'il juroit par le Câprier (2), commeSocrate par le Chien. Il y a cependant desAuteurs, <strong>du</strong> nombre desquels eft Caflîus le Pyr rrbmitn ; qui accufent Zenon , premièrement dece qu'au commencement de fa, République il avanceque l'étuda des Humanités eft inutile ; en fécondlieu de. ce qu'il déclare efclaves.& étrangers, ennemis les uns des autres, tous ceux quine s'appliquent pas à la vertu, fans.même exclureles parera à l'égard de leurs enfans, les fre,res à l'égard de leurs frères , & les. proches ,les uns à l'égard des autres. Ils l'accufent deplus d'affûrer dans fa République qu'il n'y a queceux, qui s'adbnnent à la vertu, à qui. appartienneréellement la qualité:de païens, d'amis,-. decitoyens & de perfonnes libres; de forte,que lesStoïciens haïflënt leurs parens & leurs enfans quine font pas profeflion d'être, fages. Un autregrief eft d'avoir enfeigné, comme Platon dansfa République, que les femmes doivent être communes,& d'avoir infimié dans un ouvrage, quicontient deux cens verfets (3), qu'il ne fauta-(1 ) Terme de Logique., qui revient à «lui de proposition.i) Plante. Voyez Btimu, Ptiiu, Hichila.Îi) Le mot de virfiu n'eft point dans l'original. Uldêbnndinne fait perfonne qui ait explique' ut deux un*.Mintg» croit que c'eft un ouvrage, oc le fonde fui unendroit pareil de la Vie de. Chryfippc, où il eft pail4i' un ouvrage fui Jupitei fie Junon. . (


Z E N O N . j, 7avoir dans les villes ni Temples, ni Tribunauxde juftice, ni Lieux d'exercice ; qu'il eft à proposde ne pas fe pourvoir d'argent, foit pourvoyager, ou pour faire des échanges ; que leshommes& les femmes doivent s'habiller uniformément, fans laifler aucune partie <strong>du</strong> corps àdécouvert.Chryfippe, dans fon livre fur la République,attelle que celui de Zenon fous le même titre eftde la compofition de ce Philofophe. Il a auflîécrit fur l'amour dans le commencement d'un ou.vrage, intitulé, de l'Art d'aimer. 11 traite encorede pareils fujets dans fes Converfations. Quelques-unsde ces reproches, qu'on fait aux Stoïciens,fe trouvent dans Cafllus & dans le RhéteurIfidore, qui dit, que le Stoïcien Athénodo.re, à qui on avoit confié la garde de la bibliothèquede Pergame, biffa des livres des Philofophesde fa Secte tous les paffages dignes de cenfure;mais qu'eofuite ils furent reftitués lorfqu'Athénodore,ayant été découvert, courut risqued'en être puni(i). Voilà pour ce qui regardeles dogmes qu'on condamne dans les Stoïciens.Il(0 Le favant U Cltrc a fait ufage de cet exemple dansfon ^Art CritifHi , T. î. p. 277. où U parle des corruptionsfiaudnleufes des Manuicrits, 8c on peut remarquer,Mrcet exemple mime, que ce qui empêche qu'on nepuisleioferer de là le rvrrhonisme hiftorique, c'eft que descorrupcionsv.conlide'rables, comme celle - la, ne pouroientguèrei refter cachées.Tome II.E


58 Z E N O N.H y a eu huit Zénpns. Le premier eft celuid'Elée, <strong>du</strong>quel nous parlerons ci-après. Le fécondeft le Philofophe dont nous avons décrit laVie. Le troifieme, natif de Rhodes, a donnéen un volume l'Hiftoire de fon pays. "Le quatrième, Hiftorien, a traité de l'expédition dePyrrhus en Italie & en Sicile, outre un Abrégé,qu'on a de lui, des Faits des Romains & desCarthaginois. Le cinquième, difciple de Chryfippe,a peu écrit, mais a laiffé beaucoup de disciples.Le fixieme, qui fut Médecin de la Sefted'Hérophile, avoit <strong>du</strong> génie,mais peu de capacitépour écrire. Le feptieme , Grammairien, acompofô des Epigrammes & d'autres chofes. Lehuitième, natif de Sidon & Philofophe Epicurien,avoit tout à la fois de Pefprit & <strong>du</strong> talentpour l'élocution.Zenon eut beaucoup de difciples , dont lesplus célèbres furent Perfée Cittien, & fils de Demetrius.Quelques-uns le font ami, d'autres domeftiquede Zenon, & l'un de ceux qu'Antigonelui avoit envoyés pour l'aider à écrire. On ditaufll que ce Prince lui confia l'é<strong>du</strong>cation de fonfils Alcyonée , & que voulant fonder fes fentimens,il lui fit porter la fauffb nouvelle que lesennemis avoient ravagé fes terres. Comme Perféeen témoignoit <strong>du</strong> chagrin, „ Vous voyez,?> lui dit Antigone, que les richefTes ne font pas» indifférentes". On lui attribue les ouvragesfui-


Z E N O N . 99fui vans : De la Royauté. De la République de Ltcédempne.Des Noces. De l'Impiété. Tbyefte. Del'Amour. Des Difcours d'exhortation. Des Converfations.Quatre Difcours, intitulés, Cbries. Des Cornmentaires,&fept Difcours fur les Eoix de Platon.Zenon eut encore pour difciples Arifton deChio, fils de Miltiade, lequel intro<strong>du</strong>ifit le dogmede l'Indifférence (0; Herille de Carthage,qui établifToh la fcience pour fin; Denys d'Hezaclée,qui changea de fentiment pour s'abandonneri la volupté, à caufe d'un mal lui furvenuaux yeux, dont la violence ne lui permettoitplus de foutenir que la douleur eft indifférente ;Spherus , natif <strong>du</strong> Bofphore ; Cléanthe d'Afle,fils de Phanius, qui fuccéda à l'école de fon Mai*tie. Zenon avoit coutume de le comparer à cestablettes en<strong>du</strong>ites de cire forte, fur lefquelles lescaractères fe tracent avec peine ; mais s'y conferventplus longtems. Au refte après la mort deZenon , Spherus devint difciple de Cléanthe,dans la Vie <strong>du</strong>quel nous nous réfervons de parlerde ce qui le regarde perfonnellement, Hippqboterange au nombre des difciples de Zenon Athénodorede Soles, Phllonide de Thebes, Calippede Corinthe, Pofidonius d'Alexandrie & Zénoade Sidon.J'ai(i) C'eft-à-dire, qui en fâifoit le fonrertln bien» //.E 2


IOO Z E N O N .J'ai cru qu'il étoit à propos d'expofer en généralles dogmes des Stoïciens dans la Vie par-,ticuliere de Zenon , puifqu'il en a inftitué laSecte. Nous avons une lifte de fes ouvrages, quifont plus favans que ceux de tous fes fettateurs.Voici les fentimens qu'ils tiennent en commun;nous les rapporterons fommairement à notre ordinaire.Les Stoïciens divifent la Philofophie çn troisparties ; en Phyfique, Morale, & Logique. Cettedivifion, faite premièrement par Zenon le Cittiendans fon Traité <strong>du</strong> Difcourt, a été enfuiteadoptée par Chryfippe dans la première partie defa Pbyfique , par Apollodore Ephillus (i) dansle premier livre de fon Intro<strong>du</strong>Sion aux Opinions,par Eudromus dans fes Elemens de Morale, parDiogene de Babylone & par Pofidonius. Apollodoredonne à ces diverfes parties de la Philofophiele nom de Lieux, Chryfippe & Eudromuscelui d'E/peces ; d'autres les appellent Genres.Ils comparent la Philofophie à un Animal, dontils difent que les os & les nerfs font la Logique,les chairs la Morale, & l'ame la Phyfique. Ilsla mettent aulfi en parallèle avec un œuf, dontils appliquent l'extérieur à la Logique , ce quifuit à la Morale, & l'intérieur à la Phyfique. Ilsem-(t) Mntff corrige le nom JB/A'7/i» * il eu pourtantdan» V'JJïHI, Hifl. Gr,


2 Jî N O N. »iemployent encore la comparaifon d'un champfertile , dont ils prennent figurément la hayepour la Logique, les fruits pour la Morale , &la terre ou les arbres pour la Phyfique. D'autresfe repréfentent la Philofophie comme uneVille bien entourée de murailles & fagementgouvernée, fans donner la préférence à aucunedes trois parties. Quelques-uns même parmi euxles prennent pour un mélange qui constitue uncorps de fcience, & les enfeignent indiftiuâementcomme mêlées enfemWe.Il y en a qui, ainfi que Zenon dans* fon livre<strong>du</strong> Difcours, Chryflppe, Arcbedeme & Eudromus,admettent la Logique pour la première, la Phyfiquepour la féconde & la Morale pour la troifieme..Diogene de Ptolemaîs commence par laMorale, & Apoliodore la place dans le fécondrang. Phanias, au premier livre des Amufemensde Pofidonius, dit que ce Philofophe fon ami, demême que Panetius, commencent par la Phyfique.Des trois parties de la Philofophie Cléanthe enfait fix, la Dialectique, la Rhétorique, la Morale, la Politique, la Phyfique & la Théologie.D'autres font <strong>du</strong> fentiment de Zenon de Tarfe,qui regarde ces parties, non comme une divifionde difcours ; mais comme différentes branchesde la Philofophie elle-même.La plupart partagent la Logique en deux feiences,_dont l'une eft la Rhétorique, & l'autre laE 3,Dia-


toi Z E N O tf.Dialectique, à quoi quelques-uns ajoutent uneefpecede fcience définie, qui a pour objet le*règles & les jugemens ; mais que quelques autre*divifent de nouveau, entant que concernant lesïegles & les jugemens, elle con<strong>du</strong>it à découvrirla vérité, à laquelle ils rapportent la diverfité«Je» opinions. Ils fe fervent de cette fciencedéfinie pour reconnoitre la vérité, parce que c'eitpar les idées qu'on a dès chofes, que fe conçoiventles chofes mêmes. Les Stoïciens appellentla Rhétorique L'Art de bien dire $> de per*fuadcr, & nomment la Dialectique La Méthode deraifonnerproprement par demandes £? réponfes ; aufBla définiflènt-ils de cette manière : La Science deconnoltrtle vrai ê? le faux, ê? ce qui riejini l'uny,ni l'autre (i). Ils aflîgnent à la Rhétorique troisparties, qui confident à délibérer, à juger & asdé<strong>mont</strong>rer. Ils y distinguent l'invention, l'erpreflîon,Parrangement, l'action, & partagentun discours oratoire en exorde, narration, réfutation& conclufion. Ils établiflent dans la.Dialectique une divifion en chofes dont la figureporte la lignification, & en d'autres dontia connoifTancegît dans la voix (2), celles-ci étant encoredivifées en chofes tdéguifées fous la fiction,.& dont le fens dépend de termes propres, d'at--trî-(1) Je crois que cela veut dite vni[tmilMi..(zj En Gicc lieux de U veix.


Z E N ON.'lojtributs & d'autres chofes femblables , degenres & d'espèces directes, de même que <strong>du</strong>difcours, des modes & des fyllogismes, tant deceux de mots que de ceux de chofes, tels queles argumens vrais & faux, les négatifs & leurspareils, les défeiïueux, les ambigus, les con<strong>du</strong>ans,les cacbis & les cornus, les imperfonnels& les mefurans (i). Suivant ce que nous venonsde dire de la voix, ils en font un lieu particulierde là Dialectique, fondés fur ce quepar l'articulation on dé<strong>mont</strong>re certaines par»des <strong>du</strong> raifonneraent , les folécistnes , lesbarbarismes, les vers, les équivoques, l'ufa*ge de la voix dans le chant, la Mufique, & fe*Ion quelques-uns-, les périodes, les diviflons 6cles diftinctions.Ils vantent beaucoup les Syllogismes pour leurgrande utilité, en ce qu'aiguifant l'efprit, ils leurouvrent le chemin aux. déinonftrations, qui contribuentbeaucoup à rectifier les fentimens. Ilsajoutent que l'arrangement & la mémoire aident idébrouiller de favantes propofitions majeures(2); que ces fortes de raifonnemens font pro»près à. forcer le consentement & à former descon-(1) Ce font, comme on 1'» remarqué 1 plu» haut, diversnoms de Syllogismes qu'on ne pourrait rendre autrement


K>4 Z E N O N,conclurions; que le Syllogisme eft un difcoursraifonné & fondé fur ces principes; la démoaftration,un difcours où l'on raffemble tout cequi tend à- inférer des chofes qui font plus connues,des conféqucnces pour le&chofes qui le fontmoins; l'imagination (i), une impreffion dansl'ame, par comparai fon de l'empreinte d'un an-Beau fur la cire. Selon eux, il y. a deux fortesd'imaginations; celles que l'on faifît, & cellesqu'on ne peut faifir (2),. Les imaginations de lapremière efpece, à laquelle ils «apportent la con«-. EoifTance des chofes, fçnt pro<strong>du</strong>ites par un objetexiftant,. dont l'image s'imprime fuivant ce qu'ileft en effet. Les imaginations de l'autre efpecene naifTent point d'un objet qui exifte, ou dont,quoiqu' exiftant, l'efprit ne reçoit pas d'impref-£on conforme à ce qu'il eft réellement.Les Stoïciens tiennent la Dialectique pour unefcience absolument néceffaire, laquelle, à leuravis, comprend la vertu en général & tous fesdégrés en particulier ; la circonfpeftion à éviter,les fautes?& à favoir. quand on doit acquiescer,ou non ; l'attention à fufpendre fon jugement,& à s'empêcher qu'on ne cède à la vraifeœblan.»ce;(1) Ce mot eft ptis. ici an fens de chofe imaginée,, sude.iepréfentation d'un objet.(x) 11 y a en Grec imtgintitm ctmfribinjiblti & inctmfrîhmfiblts.Ciceron , Sjitftfont *At*dtm. L. 1. vers la fis,prend le mot de ctmprtndrt au fens de [tifir. If. Cafaubom«oit qu'il, manque quelque mot dans ce paflage.


t Z E N 0 M;'. 105ce; la réfiftance à la conviction, de craintequ'on ne fe laiffe enlacer par les argumens con"«aires; l'éloignement pour la fauffeté, & l'aflujettiffementde l'efprit à la faine raifon. Ils defi-Biflent la fcience elle-même, ou une compréhenfion'certaine,ou une difpofition 1 ne point s'écarterde la raifon dans l'exercice de l'imagination.Ils foutiennent que le Sage ne fauroit faireun bon ufage de fa raifen fans le fecoufs de laDialectique ; qoe e'eft elle qui nous apprendà démêler le vrai & le faux, à difcernerle vraifemblable , & à développerce qui eft ambigu; qu'indépendamment d'elle,nous ne faurions ni propofer de folides queftions,ni rendre de pertinentes réponfes ; que ce dérèglementdans le difcours s'étend jufqu'aux effetsqu'il pro<strong>du</strong>it, de manière que ceux, qui n'ontpas»foin d'exercer leur imagination, n'avancentque des^abfurdités & des vétilles ; qu'en un motce n'eft qu'à l'aide de la Dialectique que le Sagepeut fe faire un fond de fagacité, de finefle d'efprit&detout ce qui donne <strong>du</strong> poids aux difcours,puifque le propre <strong>du</strong> Sage eft de bien parler, debien penfer, de bien raifonner fur un fujet, &de repondre folidementà une queftion ; autant dechofes qui appartiennent à un homme verfé dansla Dialectique. Voilà en abrégé ce que penfens«s Philofophes fur les parties qui entrent dans laLogique..E siMais.


sexrzr E' N' ON::Mais pour dire encore en détailce qni'tbaeHfc.leur fcience intro<strong>du</strong>ctrice , nous rapporteront:mot à mot ce qu'en dit Diodes de Magnéfiédansfà Narration fur les Fbilofopbes..Les Stoïciens traitent premièrement: de ce qui;regarde l'entendement & les fens, entant que lemûyen, par lequel on parvient à connoître la.,vérité des chofes, eft originairement l'imagina*Mon, & entant que l'acquiescement, la compré--henfion & l'intelligence des chofes, qui va devanttout le refte.ne peuvent fé faire fans l'opérationde cette faculté. C'eft elle qui précède;:enfuite vient l'entendement, dont la fonétï©»' eft'd'exprimer par le difcours les Idées qu'il reçoit^de I'imagination\Au refte elle diffère d'une impreffion phan>taftique. Celle-ci n'eft qu'une opinion de refprit;.comme font les idées qu'on a dans le fômm*il;-.au-liçu que l'autre eft une impreffion dans l'âme,,qui emporte un changement; comme l'établit Chryfîppedans fon douzième livre dé Y Ame : car it"ne faut? point confidêrer cette impreffion commefielle reffe,mbloit à celle que fait un cachet, par^ce qu'il eft impoffible qu'il fé fàffe plufieurs im*preffions par une même ch'ofe furie môme fujet;©n entend paT imagination, celle pro<strong>du</strong>ite parun objet exiftànf, imprimée & fcellée dans l'amerde la manière dont il'exifte; or telle n'eft pa9-l'imagination qui.naitroit d'un objet.non-exiftantiLes--


Z' E N O N.xrsrCes Stoïciens diftinguent les impreflîôns del'imagination en celles qui font fenfibles, & cellesqui ne. le font point. Les premières nousviennent par le fens commun (i), ou par lesorganes particuliers des fens. Les impreflîônsnon-fenftbles de l'imagination font formées parl'efprit, comme font les idées des chofes incorporelles, & en général de celles dont la perceptioneft l'objet delà raifon. Ils ajoutent quelès impreflîôns fenflbles fe font par des objetsexiftans,auxquels l'imagination fe foumet & fejoint, & qu'il y a suffi des impreflîôns apparentesde l'imagination, qui fe font de la même manièreque celles qui naiûent d'objets exiftans. Ils -diftinguent auflî ees impreflîôns en raifonnables &non-raifonnables, dont les premières font cellesdes êtres doués de raifon; les fécondes celles desanimaux qui n'en ont point. Celles-là, ils lesappellent des penfées, & ne donnent point denom aux fécondes. Ils diftinguent encore lesimpreflîôns de l'imagination en celles qui renfermentde l'Art, & celles où il ne s'en trou- •ve pas, parce qu'une image fait une autre impieflïonfur un Artifte que furun homme qui ne I"eftpoint. La fenfation, fuivant les Stoïciens, eft un principefpirituel, qui,.tirant fon qrigine de la partie •prin-(i) Le mot fignifie ici l'organe commun dtifcnfanons.E 6


loff a E; N- o Niprincipale de l'ame atteint jufqu'aux fens. llr ea--tendent aufli par-là les perceptions qui fe font par lesfens, & la difpofition desorganes des fensi à laquellefis attribuent la foibleffe d'efprit qui paroît dans queJques-uns.Ilsnomment aufli fenfation l'aSim des fens.Au fentiment de ces Philofophes, il y a des6hofes que l'on comprend par les fens ; c'eft ainfîqu'on difcerne ce qui eft blanc d'avec ce qui eftnoir, & ce.qui eft rude d'avec ce qui eft mou.Il y en a aufli d'autres que l'on conçoit par laraifon; telles font les chofes qu'on aflemble parJa voie de la démonftration, comme celles quiregardent les- Dieux & leur providence.Ils difent que l'entendement connoît de différentesmanières les chofes qu'il apperçpit; lesunes par incidence; les autres par reflemblance;;d'autres par analogie, d'autres encore par tranfgofition;celles-ci par compofition, celles-là paroppofition. Par incidence il connoît les chofesfenfibles ; par reffemhlance ,. les chofes dontInintelligence dépend d'autres qui leur font"» adjointe»:,c'eft a in fiqu'on connoît Socrate par fon image.L'analogie fait connoître les chofes quiemportent augmentation,. comme l'idée de Titye& de. Cyclope, & celles qui emportent diminution,comme l'idée de Pygmée:. c'eft aoffipar. une analogie, tirée des plus petits corps fphériques,qu'on juge que la terre a un centre..L*efprït- penfe par. tranfpofition lorsque parex*


jL E N O N.io§rexempleion fuppofe des yeux dans la poitrine; pareompofition, comme quand on .fe figure un hommedemi-cheval; par oppofition, relativement àla mort. On penfe par tranflation aux chofesqu'on a dites, ou au lieuj à ce qui eft jufte &bon,par une action de la Nature; enfin on penfepar privation, comme quand on fe repréfente unhomme fans mains. Voi'à encore quelques-unesde leurs opinions fur l'imagination, les. fens &^entendement.Ces Philofophes établiflent pour fource de làvérité, ou pour moyen de la connoitre, l'imagrnationcomprenant, ou faififiant fon objet; c'ertàdire,recevant, les impreflïons d'un objet exîflant,comme le remarquent Chryflppe , livredouzième de fa Pbyfique, Antipater & Apollodore.Il eft vrai que Boethus admet plus de fourcesde la vérité, l'entendement, les fens, lesaffeétions & la fcience; mafs Chryfippe, dansfon premier livre <strong>du</strong> Difcourt, j'éloigne de fonfentiment, & ne reconnoît d'autres fources de làvérité que les. fens & les notions communes. Cesdernières- font une idée 'naturelle des chofes univerfelles.Quelques autres des plus anciens StoP. ciens dérivenPde la droite raifon la fource de lavérité „ témoin Eofiddniiis dans fon Traite fur :oette matière.Suivant l'avis unanime <strong>du</strong> plus- grand nombredes Stoïciens, la première partie de TétudedeE. 7. 1*'


«


_ ZENON.Ces élëmens de la parole font les lettres, aunombre de vingt-quatre. On confidere trois cbofespar rapport à chacune, fa qualité d'élément,fa figure & fon nom, comme Alpba. Il y afept voyelles, a,e,ee, i, o,u,oo, & lix muettes,b, g, d, k, p, t. La voix diffère de la paroleen ce qu'un fon fait auffi une voix, & que la paroleeft un fon articulé. La parole diffère suffi <strong>du</strong>difcours, en ce qu'un difcours lignifie toujoursquelque chofe; au-lieu qu'il y a des paroles quin'emportent point de lignification, comme feroitle mot Btitri; ce qui n'a jamais lieu par rapportau difcours. Il y a auffi de la différenceentre les idées de parler & de proférer quelquechofe; car on ne profère que les fons, aulieuqu'on parle des actions, de celles <strong>du</strong> moinsqui peuvent être un fujet de difcours.Diogene, dans fon Traité de ht voix, tinfique Chryfippe, font cinq parties <strong>du</strong> difcours,lé nom ,. l'appellation , le verbe ,. la^ conjonction& l'article'; mais Antipater y en ajoutenne moyenne dans fon ouvrage fur les DiQions £#les cbofcs qui fe difera. Selon Diogene, l'appellationeft une partie <strong>du</strong> difcours , qui lignifiéune qualité commune, comme celle d'bomme,ou de cheval; le nom, une partie <strong>du</strong> difcours,donnant à connoître une qualité particulière,,comme Diogene, Socrate; le verbe, une partiedadifcours,, qui défigne un attribut fimple, ou/fe.m


ni Z E N O N .felon quelques-uns, un élément indéclinable Ordifcpufs, & qui lignifie quelque chofe de compofôpar rapport à un, ou à plufie'urs , commeJ'écris, ou Je parle; la conjon&ion, une partieindéclinable, qui unit les diverfes parties <strong>du</strong> difcours;l'article, un élément <strong>du</strong> difcours qui a-les cas des déclinaifons, & qui diftingue les genresdes noms &-les nombres, comme il,elle, ils^elles.Le difcours dait avoir cinq ornesiens, l'hellénisme,l'évidence, la brièveté,la convenance& la grâce. Par l'hellénisme on entend une di&ioaexempte de fautes, conçue en termes d'art, &non vulgaires; l'évidence, une erprellîon diftinc--te & qui expofe clairement la penfée; la briéye»té renferme une manière de parler qui embraflbtout ce qui eft néceflaire à l'intelligence d'une,chofe. La convenance requiert que l'expreffionfoit appropriée- à la chofe dont on parle. La grâce<strong>du</strong> difcours confifte à éviter les termes ordinaires(i). Le barbarisme eft une manière deparler vicieufe, & contraire à l'ufage des Grecsbienélevés; le folécisme, un difcours, dontlès parties font, mal arrangées..' (1) La manière de parler en termes ordinaire! e'toit cequ'on appeltoit liiotismt. Elle confiftoit à exprime! chaquechofe par les termes qui lui étoient propres, 8eCe'toit, dit-on, le ftyle des gens fans lettres, l'éloquenceconûftant à employer des termes recherchés. Min*gt.-


Z E N O N. «3Le vers, dit Fofîdonius dans fon Intr^<strong>du</strong>Simi la Diiïion, eft une façon de parler mefurée,une compofition nombrée & puifée de* règles dela profe. Ils donnent, pour exemple de rythme,ces mots fui vans : L'immenfe Terre, • Le divinliber. La poëfie eft un ouvrage fignificatif envers, & qui renferme une imitation des chofesdivines & humaines.La définition eft, comme dit Antip.iter dansle premier livre de fes Définitions, un difcoursexprimé fuivant une exatte analyfe, ou moine uneexplitation, félon Chryfippe dans fon livre furcette matière. La defcription eft un difcoursfiguré qui con<strong>du</strong>it aux matitres,. ou une définUtion plus (impie, qui exprime la force de ladéfinition. Le genre eft. une collection de plufieursidées de l'etprit,. conçues comme inféparables;telle eft l'idée d'animal, laquelle comprendcelle de toutes les efpeces d'animaux particuliers.Une idée de l'efprit eft un être imaginaire,,formé par la. penfée, & qui n'a pour objet aucunechofe qui eft ou qui agit, mais qui la confîderecomme fi. elle étoit, ou comme fi elleagiûoit d'une certaine manière ; telle eft la re.-préfentation qu'on fe fait, d'un cheval, quoiqu'ilne foit pas préfent. L'efpece eft coraprife fousle genre, comme l'idée d'bomme eft comprife fousl'idée d'animal. Plus général eft ce qui, étantgenre, n'a. point.de genre au-deflus de lui,.çomrme.


Ïr4 Z E N O N .me l'idée d'exiftant. Plus fpicial eft ce qui,,étant efpece, n'a point d'efpece au-deffous de lui,comme Socrate.La divifion i pour objet le genre distinguédans les efpeces qui lui appartiennent, commecette phrafe, Parmi les animaux les uns font roifonnables,lés autres privés de raifon. La contredivifionfe fait <strong>du</strong> genre dans les efpeces à rebours,comme par voye de négation; par exempledans cette période, Des cbofes qui exiflent,les unes font bonnes, les autres ne le font point. Lafous-divifion eft la divifion de là divifion, commedans cet exemple, Des cbofes qui exiflent, les ânesfont bonnes, les autres point, & parmi celles quine font pas bonnes, les unes font mauvaifes, lesautres indifférentes. Partager, c'eff ranger lesgenres fuivant leurs lieux, comme dit Crinis;tel eft ce qui fuit, Parmi les biens, les uns regarrdent famé, lis autres le corps.L'équivoque eft une manière dé parler conçueentermes, qui, pris tels qu'ils font exprimés &dans leur fens propre, fignifient plufieurs chofesdans le même pays ; de forte qu'on peut s'en fer*vir pour dire des chofes différentes. C'eft ainfi'que les mots, qui en Grec fignifient, La joueufe'de flûte eft tombée, peuvent fignifier aulïï dans lamême Langue, La maifon eft tombée trois fois.La Dialectique eft, comme dit Pofidonius, lafcience de difcerner le vrai, le faux, & ce qui eftneu»


Z" E N O' N. njneutre. Elle a pour objet, félon Chryfippe,îES fignes & les chofes flgnifiées. Ce que nousvenons de dire regarde leurs idées fur la théoriede la voix.Sous la partie de la Dialectique, qui comprendtes matières & les chofes flgnifiées parla voix,,tes Stoïciens rangent ce qui regarde les- expreffions,les énonciations parfaites, les propofîtions,.lés fyllogismes, les difcours imparfaits, les attributs& les chofes- dites direftement, oui renvèr*-fées. L'expreflîon,'. qui naîc d'une repréfenta".tion de la raifon, : eft dêMeux efpeces, que lesStoïciens nomment expreifiûns parfaites & impar-^faites. Ces dernières n'ont point de fèns complet,,comme, H écrit; les autres au. contraire enont un, comme, Socrate écrit. Ainfi les expreffions.imparfaites font celles qui n'énoncent que les at*tributs", & les parfaites fervent â. énbncdr leè,propofîtions, les fyllogismes, les- interrogations& les queftions. L'attribut eit ce qu'on déclarede quelqu'un, ou une chofe compofée qui fe ditd'un ou de plufieurs, comme te définit Apollodore;ou bien c'eft une expreflion imparfaite,oonftruite avec un cas droit pour former une propofîtion.Il y a des attributs accompagnés denom& de verbe, comme, Naviger parmi des rihàtrs (i) ; d'autres exprimés d'une manière droite»;d >{y) On croit qu'il manque ici quelque chofe. Maitgif. 1


iitf Z E N O Nidtonemaniererenverfée,& d'une manièreneutre.Le»premiers font conftruits avec un des (i) cas obliquespour former un attribut, comme., 2] entend, II voit,II difpute. Les renverfés fe conftruifent avec uneparticule paffive, comme, Je fuis enten<strong>du</strong>, Je fuisvu. Les'neutres n'appartiennentTii à l'une, ni £l'autre de ces clafles, comme, Etrefage, St promener.Les attributs réciproques font.ceux, qui,quoiqu' exprimés d'une manière renverfée (2), nefont pas renverfés, parce qu'ils emportent uneaction; telle eft l'expreffion de fe faire rafer,dans laquelle celui, qui eft rafé.,, défigne auflïl'aftion 'qu'il fait luirHiême. Au-refte , lescas obliques font. le. génitif,. Le datif, &l'accufatif..On entend pat propofîtioii (3) l'expreffiond'une chofe vraye ou fauflç, ou d'une chofe quiforme un. fens complet, & qui fe peut dire enelle-m$me, comme l'enfcigne Chryfîppe dans fesDéfinitions de Dialettique. „ La Proportion, dit-il,„ eft l'expreffion de toute chofe qui fe peut afiuv„ mer, ou nier en elle-même, comme, Il faitf* jour,auDionfe promené'". On l'appelle propofition,,l) Il appelle ici droits les. verbes a&ifs. ^Aldtbrtndin.Î2) Cette construction paraît donner à connoîtte quele tejme de l'original, que nous avons tra<strong>du</strong>it rmvtrfi, 8cqui.eft affez difficile à rendre, eft pris pat Diogene pouxlignifier le paflîf.(a) 11 T a en Grec ^txiômt ; mais le fens fait voit queCiceron a foit bien tra<strong>du</strong>it ce mot pat Ennuitstim ,. ouiBnfcfititn...


Z E N O N . » îrrition, relativement à l'opinion de celui qui l'énonce; car celui qui dit qu'il fait jour, paroit croirequ'il fait jour en effet. Si donc il fait effec.tivement jour, la propofition devient vraye,- aulieuqu'elle cft fauflfe s'il-ne fait pas jour. Il y ade la différence entre propofition , interrogation,queftion, ordre, adjuration, imprécation,fuppofition, appellation , & reflemblance depropofition. La propofition eft toute chofe qu'onénonce en parlant, foit vraye, ou faufle. L'interrogation.eft une énonciation complette, auflibienque la propofition; mais qui requiert uneréponfe, comme cette phrafe, EJl-il jour? Cettedemanden'eft ni vraye, ni faufle ; c'eft propofition,lorsqu'on dit II fait jour; c'eft interrogation,quand on demande, fait-il jour ? La queftion eftquelque chofe à quoi on ne peut répondre ouïou non, comme à l'interrogation ; mais à laquelleil faut répondre, comme on diroit, Il demeuredans cet endroit. L'ordre eft quelque chofe quel'on dit en commandant, comme, Vas-t-en aux rivesilnacbus. L'appellation eft quelque chofequ'on dit, en nommant quelqu'un, comme, Aganemnon, fils d'Atrée, glorieux Monarque detueurs peuples. La reflemblance d'une propofitioneft un difcourg, qui, renfermant laconclufion d'une propofition, décheoit <strong>du</strong> genredes propofitions par quelque particule abondante,oupaiHve, comme dans ces vers:


,*8 Z E N O N.N'ejl-ce pas ici le beau fèjour de ces vierges?Ce Bouvier rejfemble aux enfans de Priam.Il y a encore une chofe qui diffère de la propofition,en ce qu'elle s'exprime d'une manièredouteufe, comme fi on demandait fi -vivre &ref-Jentir de la douleur ne Jont pas des cbofes jointuenfemble? Gar les interrogations, les queftions& autres chofes femblables ne font ni vrayes, nifaufies; au-lieu que les propofitions font, ou l'une, ou l'autre. Il y a des propofitions fimples•&. non fimples, comme difent Chryfippe, Archedeme,Athénodore , Antipater & Crints. Lesfimples confiftent dans une ou plus d'une propofltionoù il n'y a aucun doute, comme, Il fait jour.Celles, qui ne font pas fimples, confiftent dansune ou plus d'une propofition douteufe ,* dansune propofition douteufe, comme, S'il fait joursdans plus d'une, comme, S'il fait jour, il faitclair. Dans la claffe des propofitions fimples ilfaut ranger les énonciations, les négations, lesçhofes qui emportent privation, les attributs, le*attributs entant qu'ils appartiennent à un fujetparticulier, & ce qui eft indéfini. Dans la claffedes propofitions non-fimples oa doit placer cellesqui font conjointes, adjointes, compliquées,féparées , caufales, celles qui expriment la principalepartie d'une chofe, & celles qui en exprimentla moindre. On a un exemple d'une propositionénonciative dans ces paroles; II ne faitpoint


Z EN O N. 119foùu jour. De l'erpece de. ces fortes de propofitionsfont celles qu'on appelle furénonciatives ,qui contiennent la négation de la négation, commequand on dit, II ne fait pas non jour, on po»fe qu'il fait jour. Les propofitions négatives fontcompofées d'une particule négative & d'un attribut, comme, Perfonne ne fe promené. Les privativesfe forment d'une particule privative & d'une .expreffion ayant force de proposition, comme,•Cet homme eft inhumain. Les propofitions attributivesfont compofées d'un cas droit de déclinaifon& d'un attribut, comme , Dion fe prônent.Les propofitions attributives particulièresfe conftruifent d'un cas droit démonftratif & d'unattribut, comme, Cet homme fe promené ; les indéfiniesfe font par une, ou plufieurs particulesindéfinies, comme , Quelqu'un fe promené. IlJe remue. Quant aux propofitions non - fimples ,celles qu'on nomme çpnjointes, font, félon Chryfippedans fa Diale&ique & Diogene dans fon ArtDialeiïicien, formées par la particule conjonctiveyî , cette particule voulant qu'une premièrechofe pofée, il s'enfuive une féconde, comme.,S'il fait jour, il fait clair. Les propofitions adjointesfont, dit Crinis dans fon Art de la DialeSique,des propofitions unies par la conjonctionpuifque , lesquelles commencent & Unifient pardeux expreflîons qui forment autant de propofitions, comme, Puifqu'il fait jour, il fait clair*Cet-


noZ E N O


Z E N O N ,<strong>du</strong> dernier terme , qui feroit, II ne fait point?clair, eft en contradiction avec le premier II faitjtur. Pareillement une propofition conjointe eftfaufle -, lorfque l'oppofé <strong>du</strong> dernier terme n'eft ,point contraire au premier, comme , S'il fait jour,Dion fe promené ; car la propofition Dion ne.fepromené point, n'eft pas contraire à celle qu'il faitjour. Une propofition adjointe eft vraye, lorf-1 que commençant par Texpreifion d'une vérité, ellefinit^en exprimant une choie qui en ré fuite ,comme, Puifqu'il fait jour, le foleil eft au-de]Jutde la terre ; au contraire une propofition adjointeeft faufle, lorfqu'elle commence par une fausfeté,ou qu'elle ne finit pas par une vrajre conféquence,comme fi l'on difoit, pendant qu'il feroitjour, Puifqu'il fait nuit, Dion fe promené.Une propofition caufale eft vraye, lorfquecommençant par une chofe vraye, elle finit parune conféquence, quoique le terme, par lequelelle commence, ne foit pas une conféquence decelui par lequel elle finit ; par exemple, danscette propofition, ^Parce qu'il fait jour, il faitclair. Ce qu'on dit qu'il fait clair, eft une fuitede ce qu'on dit qu'il fait jour; mais qu'il faffejour n'eft pas une fuite de ce qu'il fait clair.Une propofition probable tend à emporter un aoquiefcement, comme, Si quelque chofe en a misune autre au monde, elle en eft la mère ; cela n'eftcependant pas vrai, puifqu'une poule n'cft pas laTome H. F me.m


l ft i Z E N O N .mère de l'œuf. Les proportions fe distinguentauffi en poffibles & impoffibles, aufli-bien qu'ennéceffaires & non-néceflkires. Les poffibles fontcelles qu'on peut recevoir comme vrayes, parcequ'il n'y a rien hors d'elles qui empêche qu'ellesne foient vrayes , comme , Diodes eft vivant.Les impoffibles font celles qui ne peuvent êtrereçues pour vrayes, comme, La terre vole. Lespropositions néceffaires font celles qui font tellementvrayes , qu'on ne peut les recevoir pourfauffes, ou qu'on peut bien en elles-mêmes recevoirpour fauffes ; mais qui par les chofes, quifont hors d'elles, ne peuvent être fauffes, comme,La vertu eft utile. Les non-néceflaires fontcelles qui font vrayes , mais peuvent aufli êtrefauffes, les chofes, qui font hors d'elles, ne s'yoppofant point, comme, Dion fe promené. Unepropofition vraifemblable eft celle que plufieursapparences peuvent rendre vraye, comme, Nousvivrons demain. Il y a encore entre les propofitionsd'autres différences & changemens qui lesrendent fauffes ou oppofées, & dont nous parleronsplus au long.Le raisonnement , comme dit Crinis, eftcompofé d'un, ou de plus d'un lemme, de l'affomtioh& de la conclusion; par exemple, danscet argument, S'il fait jour, il fait clair: or il'fait jour ; donc il fait clair. Le lemme eft cettepropofition, S'il fait jour, il fait clair; l'affomtion,M


Z E N O N .tion, celle-ci, Il fait jour ; la conclufion cette«utre, Donc il fait clair. Le mode eft commeuse figure <strong>du</strong> raifonnement; tel eft celui-ci, SiUpremier a lieu, le fécond a lieu, auffi : cr Je premiera lieu ; donc le fécond a lieu auffi. Le moderaifonné (i) eft un compofé des deux, corn.ne, Si Platon vit, Platon refpire :. or le premier4vrai; donc le,fécond Vefi auffi. Ce derniergenre a été intro<strong>du</strong>it pour fervir dans les raifonnemensprolixes, afin de n'être point obligé d'exprimerune trop longue aflomtion, non plus quela conclufion , & de pouvoir les indiquer parcette manière de parler abrégée, Le premier eftvrai, donc le fécond l'ejl auffi. Les rajfonnemensfont, ou concluant, ou non cpncluans. Dans ceuxqui ne concluent point, I'oppofé de la conc)ttfioneft contraire a la liaifon des préinisfes,comme, S'il fait jour, il fait clair: or ilfait jour , donc Dion fe promené. Les raifonné •mens concluons font de deux fortes : les uns fontappelles <strong>du</strong> même nom que leur genre, c'eft-àdireconcluant; les autres, fylhgiftiques. Cesderniers font ceux qui, ou ne dé<strong>mont</strong>rent point,oucon<strong>du</strong>ifent i des chofes qui ne fe prouventpas au moyen, d'une ou de quelques pofitions ,comme feraient celles-ci , Si Dion fe promené,njDû(t) Le mot Grec, que je tra<strong>du</strong>is Midi, eft Trifn 8cMode raifonné Ltzairapt.F 2


114 " Z E N O N .Dion Je remue donc. Ceux, qui portent fpécialementle nom de concluons, font ceux qui concluent,fans le faire fyllogiftiquement, comme,II eft faux qu'il fajje en mime tenu jour fâ'nuitîor il fait jour; il ne fait donc pas nuit. Lçs raifonnemensnon-fyllogiftiques font ceux, qui, approchantdes Syllogifines pour la crédibilité., neconcluent pourtant pas, comme, Si Dion eft uncheval, Dion eft un animal : or Dion n'eft pointun cheval ; ainfi Dion n'eft pas non plus un a-nimal.Les raifonnemens font auflî vrais, ou faux.Les vrais font ceux, dont les conclufions fe tirentde chofes vrayes , comme celui-ci, Si la Vertu eftutile, le vice eft nuifible. Les faux font ceux quiont quelque chofe de faux dans les prémuTes, ouqui ne concluent point, comme, S'il fait jour,il fait clair: or il fait jour; donc Dion eft en vie,Il y a encore des raifonnemens poflibles & in»,poffibles, néceflairA &non-nécefîàires,& d'autresqui ne fe dé<strong>mont</strong>rent point, parce qu'ils n'ontpas befoin de démonflration. On les dé<strong>du</strong>it diverfement;mais Chryflppe en compte cinq clasfes,qui fervent à former toutes fortes de raifonnemens,& s'employent dans les raifonnemenscon<strong>du</strong>ans, dans les fyllogiftiques & dans ceuxqui reçoivent «des modes. Dans la premièreclaffe des raifonnemens qui ne fe dé<strong>mont</strong>rentpoint, font ceux que l'on coœpofe d'une propofl-


Z E N O N .usfition conjointe & d'un antécédent, par lequella propofiiton conjointe commence , & dont ledernier terme forme la conctufion , comme, Sile premier eft vrai; le fécond l'eji auffi: or le premierefl vrai ; donc le fécond l'eji auffi. La fecondeclafle renferme les raifonnemens, qui, parle moyen de la propofition ponjointe & de l'oppofé<strong>du</strong> dernier terme, ont l'oppofé de l'antécédentpour concluilon; comme, SU fait jour,il fait clair: or il fait nuit; Une fait donc pasjour. Car dans ce raifonnement l'aflbmtion eftprife de l'oppofé <strong>du</strong> dernier terme; & la conclulion, de l'oppofé de l'antécédent. La troiflemeclafle de ces raifonnemens contient ceux danslefquels, par le moyen d'une énonciation compliquée, on infère d'une des chofes qu'elle exprimele contraire <strong>du</strong> relie, comme, Platon ri eftpoint mort &f Platon vit : mais Platon eft mort ;donc Platon ne vit point. A la quatrième clafleappartiennent les raifonnemens dans lefquels,parle moyen de propofitions féparées „ on infère del'une de. ces.propoiltions féparées. une conclufioncontraire au relie, comme, Ou.c''eft le premier,ou c'eftle fécond : mais c'eft le premier; ce ri eftdonc pas le fécond. Dans la cinquième clafle desraifonnemens qui ne fe dé<strong>mont</strong>rent point, fontceux qui fe conftruifent de propofitions féparées,& dans lefquels de l'oppofé de l'une des chofesqui y font, dites, on infère le relie, comme,Fa,Oui


tas Z E N O N .Ou il fait jour, ou il fait nuit: mais il ne faitpoint nuit ; il fait donc jour.Suivant les Stoïciens, une vérité fuit de l'autre,comme de cette vérité qu'iV fait jour fuitcelle qu'ii fait clair; & tout de même une faûsfetéfuit de l'autre, comme s'il eft feux qa'ilfoitnuit, il eft auflî faux qn'iTfaffe des ténèbres. Onpeut inférer auflî une vérité d'une faufTeté, commede celle-ci que ta terre vole, on infère cettemérité , que la terre exifte. Mais d'une vérité: on ne peut point inférer une fàufleté, comme dece que la terre exifte, il ne s'enfuit point qu'ettevole. Il y a auflî des raifonnemens embarrafles,qu'on nomme diverfement , couverts , cachés yles forites , ceux dit» Cornus, & les imperformels,ou qui ne défignent perfonne. Voici unexemple <strong>du</strong> raifbnnement caché , N'efi - il pas.vrai que deux font un petit nombre ? Que trois fontun petit nombre, fi? que ces nombres tnfemble fontun petit nombre : n'eft-il pas vrai auffi que quatrefont un petit nombre fc? ainfi de fuite jufqu'à dix? 'er deux font un petit nombre; donc dix en fontun pareil. Les raifonnemens, qui ne défignentperfonne, font compofés d'un terme fini & d'unterme~indéfini, & ont aflbmtion & coricluïton,,comme, Si quelqu'un eft ici, il n'eft point à Rhodes..Telles font les idées des Stoïciens fur la Logique, & c'eft ce qui les fait infifter fur l'opiniongué le Sage doit toujours être bon Dialecticien.Ils


Z E N O N .Us prétendent que toutes chofes fe. discernent parla théorie <strong>du</strong> rationnement, entant qu'elles appartiennenti la Phyfique* & de nouveau encoreentant qu'elles appartiennent à la Morale. Carils ajoutent que pour ce qui regarde la Logique,elle n'a rien à dire fur la légitimité des noms concernantla manière dont les Loix ont ftatué parrapport aux actions, mais qu'y ayant un doubleufage dans la vertu de la Dialectique, l'un fertà confiderer ce qu'eft une chofe, & l'autre commenton la nomme ; & c'eft-Ià l'emploi qu'ilsdonnent à la Logique.Les Stoïciens dfrifent la partie morale de laPhllofophle en ce qui regarde les penchans, lesbiens & les maux, les pallions, la vertu, la fiaqu'on doit fe propoftr, les chofes quiméritenCnotre première eftime, les actions , les devoirs,& ce qu'il faut confeiller & difiuader. C'eftainfi que la Morale eft divifée par Chryfippe, Ar«chedeme, Zenon de Tarfe , Apollodore, Diogene,Àntipater & Pofidonius ; car Zenon Cittienk Cléanthe, comme plus anciens, ont traité cesmatières plus Amplement, s'étant d'ailleurs plusappliqués à divlfer la Logique & la Phyfique.Les Stoïciens difent que le premier penchantd'un être animal eft qu'il cherche fa confervation,la nature fe l'attachant dès fa nalffance,fuivant ce que dit Chryfippe dans fon premier litredes Fins; que le premier attachement de toutm


ï8 Z E N O N.animal a pour objet fa conflitution & l'union dtefesparties, puifqu'il n'eft pas vraifemblable queFanimal s'aliène de lui-même, ou qu'il ait ététait, ni pour ne point s'aliéner de lui-même, nipour ne pas s'être attaché ; de forte qu'il ne refteautre chofe à dire, finon que la nature l'a difpofépour être attaché à lui-même, & c'eft par-là qu'ils'éloigne des chofes qui peuvent lui' nuire, &cherche celles qui lui font convenables.Ils traitent de faufle l'opinion de quelques-unsque la volupté eft le premier penchant qui foitdonné aux animaux ; car ils difent que ce n'eftqu'une addition, fi tant eft même qu'il faille appellervolupté ce fentiment qui naît après que lanature, ayant fait fa recherche, a trouvé ce qui,convient à la conflitution. C'eft de cette manièreque les animaux refféntent de la joye,. & queles plantes végètent. Car, difenÊ-ils, la naturene met point de différence entre les animaux &tes plantes, quoiqu'elle gouverne celles-ci fans leiècours des penchans & <strong>du</strong> fentiment,. puifqu'ily a en nous des chofes qui fë font à la manièredes plantes, & que les penchans, qu'ont les animaux,& qui leur fervent à chercher les chofesqui leur, conviennent,, étant en eux comme unfurabonant, ce à quoi portent les penchans eftdirigé par ce à quoi porte la nature ; enfin quela raifon ayant été donnée aux animaux raifonaables.par,une furintendance plus parfaite, vivi*fe_-


2 W N O' N. nsrfElon la raifon peut être fort bien une vie- feloak nature (i), parce que la raifon devient-coramel'artifan qui forme le penchant)Ceft pour cela que Zénpn a dit le premierdans fon livre de la Nature de VHvmme, que la'-fin, qu'on doit fe propofer, confifte à vivre félonla nature; ce qui eft la même chofe que vivre,car c'eft à cela que la nature nous con<strong>du</strong>it.Gléantbe dit la même chofe dans fon livre-de la-Volupté-, auffi-bien que Pofidonius,& Hecaton'dans fon livre des Fins. - C'eft auflî une même •chofe de vivre félon la vertu, ou de vivre félon 1l'erpérience des chofes qui arrivent par la nature,,comme, dit? Cbryfîppe dans fon livre des Fi»*,.parce que notre nature eft une partie de la naturede l'Univers. Cela fait que la fin, qu'on doitfe propofer, eft de vivre en fuivant la nature;,o'eft-à-dire félon la vertu que nous prefcrit notre -propre nature, & félon celle que nous prefcrit'-la- nature de l'Univers, ne faifant rien de cequ'a coutume de défendre la Loi commune,. qui '•eft la droite raifon répan<strong>du</strong>e par-tout, & la mêmequi eft en Jupiter, qui con<strong>du</strong>it par-elle-le-'gouvernement <strong>du</strong> Monde. Ils ajoutent qu'en ce- -la même- confifte la vertu & le bonheur d'unihomme heureux, de régler toutes fes adtions demanière-qu'elles pro<strong>du</strong>ifent l'harmonie <strong>du</strong>- génie^(t) Jrfufo «ne conc&ion de Mtn*i>.- .F S,


3w- X E N O N :aie t quf réfide en chacun avec la volonté' de celui qui gouverne l'Univers. En effet Diogenedit expreffément que la fin,qu'on doit Te propofer,,confifte à bien raifonner dans le choix des chofesquifont félon la nature. Archedeme la faitconfîfter à vivre en rempliffànt tous les devoirs.Chryfippe par la nature entend une nature à laquelleil faut conformer fa vie; c'eft-â-dire la naturecommune, & celle de l'homme en particulier.Mais Cléanthe n'établit, comme devant être fuivie, que la nature commune, & n'admet pointà avoir le même ufage celle qui n'éft que particalière.Il dit que la vertu eft une difpoû*tion>conforme à cette nature , & qu'elle doit êtrechoifie pour l'amour d'elle-même, & non par.crainte, par efperance.ou par quelque autre motifqui foit hors d'elle ; que c'eft en elle que confiftela félicité, parce que l'ame eft faite pourjouir d'une vie toujours uniforme, & que ce qui:corrompt un animal raifonnable, ce Jbnt quelquefoisles vraifëmblances des chofes extérieures,.& quelquefois les principes de ceux avec qui l'onconverfé, la nature ne donnant jamais lieu à:cette dépravation.Le mot devenu fê prend différemment Quelquefoisil fignifle en général la perfection d'unechofè, comme celle d'une ftatue ; quelquefois il:ft prend pour une chofe qui n'eft pas un fujet deipéculàtion,, comme la fanté; d'autre fois .pourune


' Z E N O N. 131'une chofe qui eft un fujet de fpéculation, commela prudence. Gar Hecaton dit, dans fon premierlivre des Vertus, que parmi celles qui font unfujet de fcience, il y en a qui font aufli fpécula*are»; favoir celles qui font compofées des obfervarionsqu'on a faites, comme la prudence & la:j'uftice , & que celles, qui ne font point fpéculàtives-,font celles, qui, confédérées dans leurpro<strong>du</strong>ction,, font compofées de celles qui fontipéculatives, comme la fanté & la force. Carde la prudence, qui eft une vertu de fpéculation,.refaite ordinairement la fanté , comme de lafouftnre des principales pierres d'un bâtiment refaitefa confidence. On appelle ces vertus non.fpécuktives, parce qu'elles ne font pas fondéesfar des principes, qu'elles font comme des additions,& que les méchans peuvent les avoir ;-telles font, par exemple, la fanté & la force,fofidonius, dans fon premier livre de k Moral*,.allègue, comme une preuve que la vertu èft quelquechofe de réellement exiftaflt, les progrès:qtfy ont faits Socrate, Diogene & Antifthene,& comme une preuve de J'esifterice réelle <strong>du</strong> vice,cela même qu'il eft ôppbfé à la vertu. Chry*%>e dans fon premier livre des Fins, Cléan-»Jthe, Pofidonius dans fes Exhortations, & Hecaton 1«fifijnt auffi que. la vertu peut s'acquérir par."rinftruction, & en donnent'pour; preuve qu'il y,î des gens, qui 4e -méchans deviennent bons.F 6Fi-


xir z E N" o N:Panetius diftingue deux fortes de vertus, l'tt»ne fpéculative & l'autre pratique. D'autres en'diftinguenfc trois fortes, & les appellent VertusLogique , Pbyftque & Moralt. Pofidonius en«ompte quatre fortes y. Cléanthe & Chryfippe unplus grand nombre , auflî • bien qu'Antipater.Apollophane n'en compte qu'une, à laquelle , ildonne le nom de Prudence. Il y a des vertusprimitives, & d'autres qui leur font fubordon>nées. Les primitives font, la prudence ; la force,la juftice & la tempérance, qui renferment, commeleurs efpeces, la grandeur d'ame, la continence,lapatiencej le génie, le bon choix»La prudence a pour objet la connoifiance desbiens & des maux, & des chofes qui font neu..très; la juftice celle des chofes qu'il faut choifir& éviter, & des chofes qui font, neutres par rap».gort à celles-là. La grandeur d'ame. eft une fi»,tuation d'efprit, élevée au-deffus des accidenscommunsaux bons & aux méchans.La continence eft une difpofition confiantepour, les chofes qui font félon la droite raifon•;.ou une liabitude à ne point fe laifier.vaincre partes voluptés. L* patience eft une feience, oitune habitude par rapport aux chofes dans lesquelles,il faut perfifter, ou ne point perfifter,«iffi-bien que par .rapport à • celles-de cette claflequi font' neutres. ' Le génie, eft une habitudeà; comprendre promptemeat ce qu'exige le davoir.


z E ir a N:i 3 rvoir. Le bon choix eft la fcience de voir quebles chofes on doit faire & de quelle manière ondoit les exécuter pour agir utilement;On diftingue pareillement les vices en primitifs& furbordonnés. Ceux-Iâ font l'imprudence,la crainte , I'injuftice.,. l'intempérance.Les furordonnés font l'incontinence, la ftupidité,le mauvais choix; & en' général les vices coniiftentdans l'ignorance des chofes,. dont la connoiiTanceeft la matière des vertus.Par le bien les Stoïciens entendent en généralce qui eft utile, fous cette diftinttion particulièreen ce qui eft effectivement utile, & ce qui n'eftpas contraire i l'utilité. De là vient qu'ils con*fiderent la vertu., & le bien qui en eft une parti*cipatson,de trois diverfes manières; comme bienpar la caufe d'où il procède, par exemple^ unsaftion conforme à la vertu; & comme bien pat 'celui qui le fait, par exemple, un homme quis'applique avec foin à la vertu (i). Ils défiaiflentautrement le bien d'une manière pluspropre, en l'appellant la perfeSitn de la naturtmifonnable, ou de la nature entant que raiforma»hle. Quant à la vertu, ils s'en font cette idéevIls regardent comme des participations de la veï»tu, tant, les actions qui y font conformes,.que(i) On croit que la. troifieme diftinâion manque;.C&ï-à-àiK, itnmt bit»par U ntnrt de ftShn. Menagç..


J3 4 Z E NO N.que ceftsc qui s'y appliquent; & envifegent commedèsacceflbires de la vertu,la joye,Ie contentement& les fentimens feinblables. Pareillement ils appellentvices l'imprudence, la crainte, l'injufti-«e & autres pareilles participations <strong>du</strong> vice, tantles aftions vicieufes, que les vicieux eux-mêmes*;,ils nomment encore acceffoWes <strong>du</strong> vice la trifteflè,le chagrin & autres fentimens de cette forte.Ils diftinguent auffiles biens en biens de l'amemême, en biens qui font hors d'elle, & en ceuxqui ne font, ni de l'âme, ni hors d'elle. Lesbiens de l'ame même font les vertus & les actionsquileur font conformes ; ceux hors d'elle, fontd'avoir une patrie honnête, un bon ami, & lebonheur que procurent ces avantages ; ceux,,qui ne font ni de l'ame même, ni hors d'elle,.font la culture de foi-même, & de faire fon proprebônheiuv II en eft de même des maux. Les?maux de l'ame elle-même font les vices & les ac^dons vicieufes ; ceux hors d'elle font d'avoir unemauvaife patrie & un mauvais ami, avec les malheursattachés à ces desavantages. Les maux,,qui ne font ni de l'ame elle-même, ni hors d'elle,font de fe oùire à foiwmême & de fe rendremalheureux.:On"diftingue encore les biens en «fficièns, eabiens qui arrivent comme fins (i), & ceux quifont(i) C'éft-k-dixe comme fint4c U, con<strong>du</strong>ite qu'on tieat.


Z E N O N .tjjfcnt l'un & l'autre. Avoir un ami & Jouïr desmntages qu'il procure, c'eft un bien efficient;,l'afluranee, un bon jugement', la liberté d'efprit,le contentement, là joye, la tranquillité,& tout ce qui entre dans la pratique de la vertuce font les biens qui arrivent comme fins, Ily a auffi des biens qui font efficiens & instout à là fois : ils font efficiens, entant qu'ils ef.feftuent le bonheur; ils font fin9, entant qu'ilsentrent dans la composition <strong>du</strong> bonheur commeparties. Il en eft de même des maux. Les unsont la qualité de fins, les autres font efficiens,quelques-uns font l'un & l'autre. Un ennemi,& les torts qu'A nous fait, font des mau* cffiilàens;là Stupidité; l'abattement, la fervitùded'efprit, & tout ce^tti a. rapport à Une vie vi-


3«- Z E N O N.mêlés une heureufe poftérité & une bonne vieilileffe ; mais la fcience eft un bien fimple. Le»vertus font un bien toujours préfentj mais il yen a qu'on n'a pas toujours, comme la oye,ou la promenade.Les Stoïciens caracïérifent ainfî le bien. Ilsl'appeHent. avantageux.convenable, profitable, utile»commode , honnête,, fecourable, defirable &jufte. Il eft avantageux, en ce que les chofesqu'il procure, nous font favorables ; convenable,parce qu'il eft compofé de ce qu'il faut ; profitable, puifqu'il paye les foins qu'on prend pourl'acquérir, de manière que l'utilité qu'on en reture, furpafle ce qu'on donne pour l'avoir; utile,par les fervices que procure fon ufage ; commode,.par la louable utilité qui en refaite ; honnête, parcequ'il eft modéré dans fon utilité; fecourable.,parce qu'il eft tel. qu'il doit être pour qu'on enretire de l'aide; jdefirable, parce qu'il mérited'être choifi pour fa nature; jufte, parce qu'il's'accorde avec l'équité,. & qu'il engage à vivred'une manière fociable..L'honnête, fuivant ces Philofoph.es,. eft lebien parfait ; c'eft-à-dire celui qui a tous les nombres,requis (t) par la nature, ou. qui.eftpar-fai-(t) L'es Stoïciens mettoient des nombres dans la vertu.Tmt drviir if ctmptfé dt urttitu nmbrti. Marc Antenin,VI. « 2«. Ddcitr a uadtiit, d'un tnltin nsmtrt rf«


Z E N O N .HTfcitement mefuré. Ils dilrioguent quatre efpecesdans l'honnêteté; la juftice, la force, la bienféance,la fcience, & difent qne ce fent-Ià lesparties qui entrent dans toutes les actions parfaitementhonnêtes. Ils fupppfent aufli dans ce quicil honteux quatre efpeces, analogues à celles del'honnêteté; l'injuftice, la crainte, la groffiéreté,la folie. Ils difent que l'honnête fe prend dansun fens ample, entant qu'il comprend les chofeslouables & ceux qui pofledent quelque bien quieft digne d'éloge; que l'honnête fe prend, auflipour défigner la bonne difpofition aux actions.particulières qu'on, doit faire; qu'il fe prend encoreautrement pour marquer ce qui eft bien ré-,gjé, comme quand nous difons que lefagefeul*Jl bon ££ honnête. Ils difent de plus qu'il n'y aque ce qui' eft honnête qui foit bon, camme lerapportent, Hecaton dans fon troiileme livre desBiens, & Chryfippe dans fon ouvrage fur VHonnitt.Ils ajoutent que ce bien honnête eft la,ver tu, de mê.-me que ce qui en eft une participation, C'eft-direprécifément que tout ce qui eft bien eft honnête,& que le bien eft équivalent à. l'honnête,puifqu'iflui eft égal; car dès qu'une chofe efthonnête lorfqu'elle eft bonne,, il s'enfuit aufliqu'elle eft bonne, fi elle eft honnête..Ils font dans l'opinion que tous les biens fontégaux, que tout bien mérite d'être recherché,& qu'iLn'eft fujet,ni à augmentation, ni à dimihu-


138 Z E N O N .nution. Ils difent que les choies <strong>du</strong> monde fe "partagent en celles qui font des biens, en celle»qui font des maux, & en celles qui ne font ail'un, ni l'autre. Ils appellent bitnt les vertus,comme la prudence, la juftice,


Z K N" O tf. tjodes richefles; ainfi ni l'un, ni l'autre ne doiventpaffer pour être un bien. Cependant Pofîdonitules met au nombre des biens. Ib ne regardentpas même la .volupté coma* an bien (uivant Hecatondans fon dix-neuvième livre des Viens, &Chryfippe dans fon livre de la Volupté; ce qu'Asfondent fur ce qu'il y a des voluptés honteufes,& que rien de ce qui eft honteux n'eft un bien.Ils font confîfter l'utilité i régler fes mouvemens& fes démarches félon la vertu ; & ce qui eft nuilîble,à régler fes mouvemens & fes démarchesfélon le vice.Ils croyent que les chofes indifférentes fonttelles de deux manières. D'abord elles font indifférentesentant qu'elles ne font rien au bonheur,,ni i la mifere v telles que les richefles, hfanté, la force de corps, la réputation & autreschofes femblables. Là raifon en eft, qu'on peut


14© Z E N O N.De là vient qu'on en préfère quelques-unes, quoï^que par les mêmes raifons on devroit auflî préférerles autres-, : ou les négliger toutes.Les Stoïciens diftinguent encore les chofes indifférentesen celles qu'on approuve (i) & cellesqu'on rejette. Celles qu'on .approuve, renfermentquelque chofe d'eftimable ; celles qu'on rejette, n'ont rien dont on puiffe faire cas. Parêftimàble ils entendent d'abord-ce qui contribueen quelque chofe à-une vie bien réglée; en quelfens tout bien eff eftimable. On entend auffipar-là un certain pouvoir, ou ufage mitoyen parlequel certaine» chofes peuvent contribuer à-unevie conforme à la nature; tel eft l'ufageque peuvent'avoir pour cela les richeflês & la fanté. Onappelle encore eftime le prix auquel une chofe eftappréciée par un homme qu.i s'entend à en eftimerla.valeur; comme par exemple, lorfqu'onéchange une mefure d'orge contre une mefure &demi (2) de froment.Les chofes indifférentes & approuvables fontdonc celles qui renferment quelque fujet d'efti.me; tels.font, par rapport aux biens de l'ame,le génie, les Arts, les progrès & autres femblablés,-,tels, par rapport aux biens <strong>du</strong> corps, lavie:,_ fi) Hou» prêterons la expreiEons *fpn*vrr 8e rtjttttrijnftifiees pat lit définition, de Diogene, à d'autres çtu*-Httérales, mais qui ne forment pas de fens en François-. te) J«4i|i&.«iic coiteftion A*Kjfkwi»t.


ZENON.Ht•vie, la fanté, la force, la bonne difpofition ,Mage de toutes les parties <strong>du</strong> corps, la beauté jtels encore, par rapport aux biens extérieurs, laricheffe, la réputation, la naiflànce & autres pareils.Les chofes indifférentes à rejetter font,par rapport aux biens de l'ame, la ftupidité,l'ignorance des Arts & autres femblables ; parrapport aux biens <strong>du</strong> corps, la mort, la maladie,les infirmités, une mauvaife conftitution, le de*faut de quelque membre, la difformité & autrespareils ; par rapport aux biens- extérieurs , lapauvreté, l'obfcurité, la baffeffe de condition,& autres femblables. Les chofes indifférentesneutres font celles qui n'ont rien qui doive lesfaire approuver, ou rejetter. Parmi celles dé*ces chofes qui font approuvables, il y en a quile font par elles-mêmes, qui le font par d'autreschofes, & qui le font en même tems par ellesmêmes& par d'autres. Celles approuvables parelles-mêmes, font le génie, les progrès & autre»femblables ; celles approuvables par d'autres chofe»,font les richeflei, la pobleffe & autres pareilles; celles approuvables par elles-mêmes & pard'autres, font H force, des fens bien difpofés *l'ufage de tous les membres <strong>du</strong> corps. Ces demie,res font approuvables par elles-mêmes , parcequ'elles font fuivant l'ordre de la nature : elles fontauffi approuvables par d'autres chofes , parcequ'elles ne procurent pas peu d'utilité. Il en eftde


Ht Z E N 0 N.de même dans un fens contraire des chofes qu'on _rejette.Les Stoïciens appellent devoir une chofe qui«mporte qu'on puifle rendre raifon pourquoi elleeft faite, comme par exemple, que c'eft une chofequi fuit de la nature de la vie : en quel fensl'idée de devoir s'étend jufqu'aux plantes & auxanimaux ; car on peut remarquer des obligationsdans la condition des unes & des autres. Ce futZenon qui fe fervit le premier <strong>du</strong> mot Grec qui .fignifîe devoir, & qui veut dire originairement,Venir de certaines cbefes. Le, devoir même eftl'opération des inftitutions de la nature; car dan*les chofes qui font l'effet des penchans ,, il y ensuqui font des devoirs, it y en a qui font contrairesaux devoirs, il y en a qui ne font ni devoirs, ni contraires au devoir. Il feut regardercomme des-devoirs toutes les chofes que }a raifonconfeille de faire, par exemple, d'honorer(es parens, fes frères, fa patrie, & de converferamicalement avec fes amis. Il faut envifagercomme contraire au devoir tout ce que ne dictepas la raifon, par exemple, de ne pas avoir foinde Ton père & de fa mère, de méprifer fes proches,de ne pas s'accorder avec fes amis, de nepoint eftimer fa patrie, & autres pareils fcntimens.Enfin les chofes, qui ne font ni devoirs,ni contraires au devoir, font celles que la. raifon,ni ne confeille, ni ne difluade de faire,> coin-


Z E N O N .Uj«eame de ramaffer une paille, de tenir une plume, une broffe & autres chofec femblables. Outre cela, if y a des devoirs qui ne font pointaccompagnés de circonftances qui y obligent, &d'autres que de pareilles circonftances accompagnent.Les premiers font, par exemple, d'avoirfoin de fa fonte , de fes fens & autres femblables;les féconds, de fe priver quelquefois d'unmembre <strong>du</strong> corps, & de renoncer à fes biens. Ilen eft de même d'une manière analogue des chofescontraires au devoir. Il y a auffi des devoirsqui toujours obligent, & d'autres qui n'obligentpas toujours. Les premiers font de vivre félonia vertu; les autres font, par exemple, de fairedes questions , de répondre, & autres femblablés. La même diftinftion a lieu par rapport auxchofes contraires au devoir. Il y a même unCertain devoir dans les chofes moyennes ; tel eftcelui de l'obéiuance des enfans envers leurs précepteurs.Les Stoïciens divifent l'ame en huit parties;car ils regardent, comme autant de parties del'ame, les cinq fens, l'organe de la voix & celuide là penfée, qui eft l'intelligence elle-même,auxquelles ils joignent la faculté générative. Ilsajoutent que l'erreur pro<strong>du</strong>it une corruption, del'erprit, d'où naiflent plufieurs paflions, ou caufesde troubles dans l'ame. La paffion même,fulvant Zenon, eft une émotion déraifonnable &con-


144 Z E N O N.contraire à .la nature de l'une, ou un penchuft'i devient exceffif. n y * quatre genres de«allions fupérieures , félon Hecaton dans TonTeSeme livre des Payons, & félon Zenon dansfon ouvrage fous le même titre Ils les nommentla triftefle,la crainte, la convomfe la volupté.• Au rapport de Chryflppe dans fon lrvredes Pas.Rons les Stoïciens regardent les paffions commeétant' des jugemens de l'efprit ; car l'amour del'araent eft une opinion que l'argent eft une chofehonnête, & il en eft de même de l'yvrognerie,de la débauche & des autres. Ils difent que ktriftefle eft une contradion déraifonnable dé 1 etprit & lui donnent pour efpeces la pitié, le mécontentemement,l'envie, la jaloufie, l'affltëtionrangoifle, l'inquiétude, la douleur, & la confternation.La pitié eft une triftefle femblable àcelle qu'on a pour quelqu'un qui fouffre, fansl'avoir mérité; le mécontentement, une trifteflequ'on reflent <strong>du</strong> bonheur d'autrui; l'envie, unetriftefle que l'on conçoit de ce que les autres ont desbiens qu'on voudroitavoir;la jaloufie, une tristeffequia po^r objet des biens qu'on a en mêmetems que les autres; l'affliftion, une triftefle quieft à charge ;Tangoifle, une triftefle preflante, *qui préfente une idée de péril; l'inquiétude, unetriftefle entretenue , ou augmentée par les réflexionsde l'efprit j la douleur, une triftefle, mêléede tourment ; la confternation, une triftefledé-


Z E N O N .i 4S« déraifonnable qui ronge le cœur, & empêche qu'onne prenne garde aux chofes qui font préfentes.La crainte a pour objet un mal qu'on prévoit.On range fous elle la frayeur, l'appréhenfion <strong>du</strong>travail, la confufîon, la terreur , l'épouvante,l'anxiété. La frayeur eft une crainte tremblante ;l'appréhenfion <strong>du</strong> travail, la crainte d'une chofequi donnera de la peine ; la terreur, un effet del'impreffion qu'une chofe extraordinaire fait furl'imagination; l'épouvante, une crainte, accompagnéed'extinction de voix ; l'anxiété, l'appréhenfionque pro<strong>du</strong>it un fujet inconnu ; la convoitife,un defir déraifonnable , auquel on rapporte lebefoin, la haine,la difcorde, la colère, l'amour,Tanimofité , la fureur. Le befoin eft un defirrepouffé & mis comme hors de la pofleflion de lachofe fouhaitée, vers laquelle il tend & eftattiré ; la haine, un defir de nuire à quelqu'unqui croît. & s'augmente ; la difcorde, le defird'avoir raifon* dans une opinion; la colère, ledefir de punir quelqu'un d'un tort qu'on croit enavoir reçu; l'amour, un defir auquel un bon efpritn'eft point difpofé,car c'eft l'envie de fe concilierl'affection d'un fujet qui nous frappe parune beauté apparente. L'animofité eft une cole.re invétérée, qui atiend l'occafion de paroître,ainfi qu'elle eft repréfentée dans ces vers.Quoiqu'il digère fa bile pour ce jour même, ilttnfervefa colère jufqu'à ce qu'elle Joit (tfjbuvie. LaTome H. G fu-


I46 Z E N O N .-fureur eft une colère qui emporte. Quant à 1»volupté, c'eft une ardeur pour une chofe qui paroitfouhaitable. Elle comprend la délégation,le charme, le plaifîr qu'on prend au mal, la diafolution.La délectation efl le plaifîr qui flattel'oreille; le plaifîr malicieux, celui qu'on prendaux maux d'autrui; le charme, une forte de renverfementde l'ame, ou une inclination au relâchement;la diûolution, le relâchement delà vertu.De même que le corps eft fujet à de grandesmaladies, comme la goûte & les douleurs quiviennent aux jointures; de même l'ame eft foumifeà de pareils maux, qui font l'ambition, lavolupté & les vices femblables. Les maladies fontdes dérangemens, accompagnés d'afFoibliâement ;& cette opinion fubite, qu'on prend d'une chofequ'on fouhaite, eft un dérangement de l'ame.Comme le corps eft aufll fujet â des accidens ,tels que les catharres & les diarrhées; ainft il ya dans l'ame certains fènttmens qui peuvent l'en»traîner, tels que le penchant i l'envie, la <strong>du</strong>-. reté, les difputes & autres femblables.On compte trois bonnes affections de l'ame,la joye, Ta circonfpettion, la volonté. La joyeeft contraire i la volupté, comme étant une ardeurraitonnu oie; la circonfpection, contraire à lacrainte, comme confiftant dans un éloignementraisonnable. Le Sage ne craint jamais : mais ileft ciiconfpect. La volonté eft contraire à lacon-


Z E N O N . , 47«mvoitife, en ce que c'eft un defîr raifonnable.Et comme il y a des fentimens qu'on range fousles palfions primitives, il y en a auffi qu'on placefous les affections de cette efpece. Ainfi à lavolonté on fubordonne la bienveillance, l'hufieurpacifique , la civilité, l'amitié ; à la circonf|>ecl:ion,la modeftie & la pureté; à la joye,le contentement, la gayeté, la bonne humeur.Les Stoïciens prétendent que le Sage eft fanspafliôns, parce qu'il eft exempt de fautes. Ils diftinguentcette apathie d'une autre mauvaife quiréflèmble i celle-ci, & qui eft celle des gens <strong>du</strong>rs,& que rien ne touche. Ils difent encore que leSage eft 6ns orgueil, parce qu'il n'eftime pasplus la gloire que le deshonneur; mais qu'il y aun autre mauvais mépris fle l'orgueil, qui conflfteà ne pas fe foucier comment on agit. Ilsattribuent l'auftérité aux Sages, parce qu'ils necherchent point à paraître voluptueux dans leurcommerce , & qu'ils n'approuvent pas ce quipart des autres & porte ce caradtere. Ils ajoutentqu'il y a une autre auftérité, qu'on peutcomparer au vin rude dont on fert pour les médecines,mais qu'on ne préferite point à boire.Ils difent encore que les Sages font éloignés detout déguifement, qu'ils prennent garde à ne fepas <strong>mont</strong>rer meilleurs qu'ils jie font par un extérieurcompofé, fous lequel ' on cache fes défauts& on n'étale que fes bonnes qualités. Ils n'u-G zfettX


i 4 8 Z E N 0 N.fent point de feintes, ils la banniffent même dela voix & de la phyfionomie.Ils ne fe furchargent point d'affaires, & fontattentifs à ne rien faire qui folt contraire à leurdevoir. Ils peuvent boire <strong>du</strong> vin, mais ils nes'eny vrent pas ; ils ne fe livrent pas non plus àla fureur. Cependant il peut arriver qu'ils ayentde monftrueufes imaginations, excitées par un excèsde bile, ou dans un tr an (port de délire, nonpar une confequence <strong>du</strong> fyftême qu'ils fuivent,mais par un défaut de nature. Us ne s'affligentpoint, parce que la triftefle eft une contractiondéraifonnable de Pâme, comme die Apollodoredans fa Morale. Ce font des efprits céleftes, quiont comme un génie qui réfide au-dedans d'euxmêmes, en cela bien differens des méchans,lefquels font privés de cette préfence de la Divinité.De là vient qu'un homme peut être ditAthée de deux manières, ou parce qu'il a des inclinationsqui le mettent en oppofition avec Dieu,ou parce qu'il compte la Divinité pour rien <strong>du</strong>tout ; ce qui cependant n'eft pas commun a tousles méchans. Selon les Stoïciens, les Sages fontpieux, étant pleinement initruits de tout ce quia rapport à la religion. Ils qualifient la piétéla ConnoiJJTance <strong>du</strong> culte, divin , & garantiflent lapureté de cœur à ceux qui offrent des facrifices.Les Sages haïffènt le crime , qui blefle la majeftédes Dieux ; ils en font les favoris pourleur


Z E N O N . 149leur fainteté & leur juftice. Eux feuls peuvent fevanter d'en être les vrais miniftres par Pattentionqu'ils apportent dans l'examen de ce qui regardeles facrifices, les dédicaces de Temples, les purifications, & autres cérémonies relatives au fervicedivin. Les Stoïciens établifiènt comme undevoir , dont ils font gloire aux Sages, d'honorer,immédiatement, après les Dieux, père &mere,frères & fœurs, auxquels l'amitié pour leurs enfanseft naturelle, au-lieu qu'elle ne l'eft pas dans lesméchans. Selon Chryfippe dans le quatrième livrede fes Quejtions morales , Perfée & Zenon ,ils mettent les péchés au même degré, fondésfur ce qu'une vérité, n'étant pas plus grandequ'une autre vérité, un menfonge plus grandqu'un autre menfonge, une tromperie par conféquentn'eft pas plus petite qu'une autre fourberie,ni un péché moindre qu'un autre : & de mêmeque celui, qui n'eft éloigné que d'un ftade deCanopé, n'eft pas plus dans Canope que celuiqui en eft à cent ftades de diftance ; tout de mêmeauffi celui qui pèche plus, & celui qui pèche •moins, font tout auffi peu l'un que l'autre dansle chemin <strong>du</strong> devoir. Néanmoins Heraclide deTarfe , difciple d'Antipater fon compatriote, &Athénodore croyênt que les péchés ne "font pointégaux. Rien n'empêche que le Sage ne fe mêle<strong>du</strong> Gouvernement, à moins que quelque raifonn'y mette obftacle, dit Chryfippe dans le premierG , 3li-'


l 5 o Z E N O N.livre de fes Fies, parce qu'il ne peut que fervirà bannir les vices & à avancer la vertu. Zénqn,dans fa République, permet au Sage de fe marier &d'avoir des enfans. Il ne juge pas par opinion,c'eft-à-dire qu'il ne donne fon acquiefcement àaucune fauffeté; il fuit la vie des Philofophe»Cyniques, parce qu'elle eft un chemin abrégépour parvenir à la vertu, remarque Apollodorèdans fa Morale. Il lui eft permis de mangerde la chair humaine, fi les circonftances l'y obligent.Il eft le feul qui jouifle <strong>du</strong> privilège d'uneparfaite liberté, au-lieu que les mécbans croupis»fent dans l'efclavage, puifque l'une eft d'agir parfoi-même , & que l'autre-confifte dans la privationde ce pouvoir. II y a aufli tel efclavage qui gitdans la fqumiffion, & tel autre qui eft te fruit del'acquifition, & dont la fujettion eft une fuite. Acet efclavage eft oppofé le droit de feigneur, quieft aufli mauvais.Non feulement les Sages font libres, ils fontmême Rois, puifque la royauté eft un empire indépendant, & qu'on ne fauroit contefter aux Sages, dit Chryfippe dans un ouvrage où il entreprendde prouver que Zenon a pris dans un fenspropre les termes dont il s'eft fervi. En effetce Philofdphe avance que celui, qui gouverne,doit connoître le bien & le mal ; difcernementqui n'eft pas donné aux médians. Les Sagesfont aufli les feuls propres aux emplois de Magiftra-


Z E N O N . 151ftrature, de Barreau & d'éloquence; autant deportes que les médians ne fauroient dignementremplir. Ils font irréprébenfibles ; parce qu'ilsoe tombent point en faute; ils foritMnnocens,puifqu'ils ne portent préjudice à perfonae , ni àeux-mêmes, mais auflî ils ne fe piquent point d'êtrepitoyables, ne pardonnent point i ceux qui fontmal, & ne fe relâchent pas fur les punitions établiespar les Loix. Céder i la clémence, fe laùTerémouvoir par la cômparBon, font des fentimensdont ne peuvent être fufceptibles ceux qui ont âinfliger des peines, & à qui l'équité ne permet pasde les regarder comme trop rigoureufes. Le Sagene s'étonne pas non plus des phénomènes & desprodiges de la nature, qui fe manifeftent ïrfop inément,des lieux d'où exhalent des odeurs empeftées,<strong>du</strong> flux & reflux de la mer, des fourcesd'eau minérale & des feux fouterrains. Né pourh fociété , fait pour agir , pour s'appliquer al'exercice, pour en<strong>du</strong>rcir le corps â la fatigue, ilfie lui convient pas de vivre folkairement, éloigné<strong>du</strong> commerce des hommes. Un de fes vœux,difent Pofidonius , dans fon premier livre desDevoirs, & Hecaton dans fon treizième livre dtfesParadoxes, eft de demander aux Dieux ks biensqui lui font néceflaires. Les Stoïciens eftimentque la vraye amitié ne peut avoir lieu qu'entredes Sages, parce qu'ils s'aiment par conformitéde fentimens. Us veulent^ que l'amitié, foit uneG *com-


I 5 2Z • E N O -N.communauté des chofes néceflairesà la vie, & quenous difpofions de nos amis comme nous difpoferionsde nous-mêmes; auffi comptent-ils la pluralitéde ces fortes de liaifons parmi les biens quel'on doit defirer, & que l'on chercheroit en vaindans la fréquentation des méchans. Ils confeillentde n'avoir aucune difpute avec des infenfés,toujours prêts à entrer en fureur, & fi éloignés dela prudence , qu'ils ne font & n'entreprennentrien que par des boutades qui tiennent de la folie.Le Sage au contraire fait toutes chofes avecpoids & mefure, femblable au Muficien Ifménias,qui jouoit parfaitement bien tous les airs deflûte. Tout eft au Sage en vertu de la pleine puif-"fancelui accordée par la Loi. Quant aux méchans& aux infenfés, ils ont bien droit fur certaineschofes ; mais on doit les comparer à ceux quipofledent des biens injuftement. Au refte, nousdiftinguons le droit de poflTeffion qui appartientau public, d'avec le pouvoir d'ufage (i).Les Stoïciens penfent que les vertus fonttellement unies les unes avec les autres, que celui, qui en a une, les a toutes, parce qu'ellesnaififent en général <strong>du</strong> même fond de réflexions,comme ledifent Chryfippe dans fon livre des Vertus,(i) C'cft à-dire que toutes chofes appartiennent auxSages, entant qu'ils font propres à faire un bon ufage Jetout. C'tft une manière de parler, comme quelques autrestraits de ce portrait <strong>du</strong> Sage.


Z E N O N .isstus, Apollodore dans fa Pbyfique ancienne, &Hecaton dans fon troifieme livre des Vertus. Carun homme vertueux joint la fpécutation à la piatique,& celle-ci renferme les chofes qui demandentun bon choix, de la patience, une fageéiftribution & de la perféverance. Or, comme leSage fait certaines chofes par efprit de choix,d'iutres avec patience, celles-ci avec équité,celles-là avec perféverance, il eft en même temsprudent, courageux, jufte & tempérant. Chaquevertu fe rapporte à fon chef particulier. Parexemple, les chofes, qui exigent de la patience,font le fujet <strong>du</strong> courage ; le choix de cellesqui doivent être laiflees & de celles qui font neutres, eft le fujet de la prudence. Il en eft ainfides autres, qui ont toutes un fujet d'exerciceparticulier. De la prudence viennent la maturité& le bon fens ; de la tempérance procèdent l'ordre& la décence ; de la juftice naiflent l'équité& la candeur; <strong>du</strong> courage, proviennent la confiance,la réfolution.Les Stoïciens ne croyent pas qu'il y ait de milieuentre le vice & la vertu, en cela contrairesà l'opinion des Péripatéticiens, qui établiflent queles progrès font un miHeu de cette nature. Ils fefondent fur ce que comme il faut qu'un morceaude bois foit droit ou courbé, il faut de mêmequ'on foit jufte, & qu'il ne peut y avoir de' fuperlatifà l'un ou à'l'autre égard. Ce raifonnementG 5eft


IS4 Z E N O N .eft le même qu'ils font fur les autres vertus-Chryfippe dit que la vertu peut fe perdre j. Cléanthefoutient le contraire. Le premier allèguepour caufes, qui peuvent faire perdre la vertu -,l'yvrognerie & la mélancholie ; le fécond s'appuyefur la folidité des idées qui forment la vertu.Ils difent qu'on doit l'embraffer, puifque nousavons honte de ce que nous faifons de mauvais ;ce qui dé<strong>mont</strong>re que nous favons que l'honnêtetéfeule eft le vrai bien. La vertu fuffit auffi pourrendre heureux, difent avec Zenon Chryfippedans fon premier livre des Vertus, & Hecaton' dansfon deuxième livre des Biens. Car fi la grandeurd'ame, qui eft une partie de la vertu, fuffit pourque nous furpaflîons tous les autres, la vertu ellemêmeeft auffi fuffifante pour rendre heureux,d'autant plus qu'elle nous porte à méprifer leschofes que l'on répute pour maux. NéanmoinsPanetius & Pofidonius prétendent que ce n'eftpoint aflez de la vertu, qu'il faut encore, de la fanté,de la force <strong>du</strong> corps & de l'abondance néceflaire.Une autre opinion des Stoïciens eftque la vertu requiert qu'on en faffe toujoursufage, comme dit Cléanthe , parce qu'elle nepeut fe perdre, & que lorfqu'il ne manque rienà la perfeaion de l'ame, le Sage en jouît â toutesfortes d'égards.'Ils croyent que la juftice eft ce qu'elle eft,, &pon telle par institution. Ils parlent fur le mêmeton


Z E N O N .ton de la Loi & de ia droite raifon, ainff que ierapporte Chryfippe dan fon livre de VHonnite,Ils penfent aufll que la diyerfité dès opinions nedoit pas engager à renoncer a la Phitofophie,puifque par une pareille raifon il faudroit aufli quittertoute la vie, dit Pofidonius dans fes Exhortations.Chryfippe trouve encore l'étude des Humanitésfort utile. Aucun droit, félon les Stoïciens, nelie les hommes envers les autres animaux, parcequ'il n'y a entre eux aucune reffemblance, ditencore Chryfippe dans fon premier livre de laJuftice, de même que Pofidonius dans fon premierlivre <strong>du</strong> Devoir. Le Sage peut prendre del'amitié" pour de jeunes gens qui paroiflent avoirde bonnes difpofitions pour la vertu. C'eft ceque rapportent Zenon dans fa République,Chryfippe dans fon premier livre des Fies, &Apollodore dans fa Morale. Us détinuTent cetattachement,'Un goût de bienveillance qui natt desagrément de ceux qu'il a pour objet, fi? qui ne vapoint jufqu'à des fentimens plus forts; mais demeurerenfermé dans les bornes de l'amitié (i). On en aon exemple dans Thrafon, qui, quoiqu'il eût famaitrefle en fa puiûance, s'abftint d'en abufer,parce qu'elle le haïflbit (3r). Ils appellent donc cetteiss(0 H faut prendre prendre garde à oette définition.parcequ'elle jaftifie les anciens Vhilofophes <strong>du</strong> reproche qu'ona fa'c à quelques-uns d'avoir de mauvais attachement.(z) Cajaulwt croit cet endroit défectueux.G 6


155 1 B* N O N.te inclination un Amow d'amitié, 'qu'ils ne taxentpoint de vicieufe, ajoutant que les agrémens dela première jeuneffe font une fleur de la vertuiSelon Bion, des trois fortes de vies, fpéculative,pratique & raifonnable, la dernièredoit être préférée aux autres, parce que l'animalratfonnable eft naturellement fait pour s'appliquerà la contemplation & à la pratique.Les Stoïciens préfument que le Sage peut raifonnablements'ôter la vie, foit pour le fervicede fa patrie, foit pour celui de fes amis, oulorsqu'il foufFre de trop grandes douleurs, qu'ilperd quelque membre, ou qu'il contracte des maladiesincurables. Ils croyent encore que lesSages doivent avoir communauté de femmes,& qu'il leur tft permis de fe fervir de celles qu'onrencontre. Telle eft l'opinion de Zenon dans fa République, de Chryfippe dans fon ouvrage fur cettematière, de Diogene le Cynique & de Platon.Ils la fondent fur ce que cela nousengage à aimer tous les enfans, comme fi. nous en étions les pères, & que c'eft le moyende bannir la jaloufîe que caufe l'a<strong>du</strong>ltère. Ilspenfent que le meilleur Gouvernement eft celuiqui eîl mêlé de la DémCcratle, de la Monarchie& de l'Ariftocratie. Voilà quels font les fentimensdes Stoïciens fur la Morale. Ils avancentencore fur ce fujet d'autres chofes, qu'ilsprouvent par des argumens particuliers ; mais c'eneft


Z E N O N . i 57eft afiez de ce que nous avons dit fommairementfur les articles généraux.• Quant à la Phyfique, ils en divifent le fyftêmeen plufieurs parties, c'eft-à-dire en ce qui regardeles corps, les principes, les éleinens, lesDieux, les prodiges, le lieu. & le vuide. C'eftlàce qu'ils appellent la divifion par efpeces. Cellequi eft par genres, renferme trois parties ; l'une<strong>du</strong> monde, l'autre des élemens, la dernière descaufes. L'explication de ce qui regarde le mondefe divife en deux parties. La première eft uneconfidération <strong>du</strong> monde, où l'on fait entrer lesqueftions des Mathématiciens far les étoiles fixes& errantes, comme fi le foleil & la lune font desaftres auffi grands qu'ils paroiflent, fur le mou*vement circulaire & autres femblables. L'autremanière de confldérer le monde appartient auxPhyficiens. On y recherche quelle eft fon eflence,& fi le foleil & les aftres font compofés de matière& de forme, fi le monde eft engendré ounon, s'il eft animé ou fans ame, s'il eft con<strong>du</strong>itpar une Providence, & autres qucftions de cettenature. La partie de la Phyfique, qui traite descaufes, eft auffi double. La première comprendles recherches des Médecins & les queftions qu'ilstraitent fur la partie principale de l'ame ; fur leschofes qui s'y paflènt ; fur les germes & autres fujetsfemblables. La féconde comprend auffi desmatières que les Mathématiciens s'attribuent, com»G 7me


i 5 8 Z E N O N .me la manière dont fé fait la vifîon; quelle éftl»caufe <strong>du</strong> phénomène que forme un objet vu dansun miroir; comment fe forment les nuées, lestonnerres , les cercles qui paroiffent autour <strong>du</strong>foleil & de la lune, les comètes, & autres questionsde cette nature.Ils établiffent deux principes de l'Univers,dont ils appellent l'un Agent,& l'autre Patient.Le principe patient eft la matière, qui eft unefubftance fans qualités. Le principe, qu'ils nommentagent, eft la raifon qui agit fur la matière ;favoir Dieu,qui, étant étemel, crée toutes les chofesqu'elle contient. Ceux*, qui établiffent cedogme, font Zenon Cittien dans fon livre de laSubftance, Cléanthe dans fon livre des Atêmet,Chryiîppe dans le premier livre de hPiyfique versla fin, Archedeine dans fon livre des Elemens, &Pofidonius dans fon deuxième livre <strong>du</strong> SyftimePbyfique. Ils mettent une différence entre lesprincipes & les élemens. Les premiers ne fontni engendrés, ni corruptibles ; les féconds fe corromprontpar un embrafement. Les-principesfont auffi incorporels & fans forme, au-Heu queles élemens en ont une. Le corps, dit Apollodoredans fa Phyfique, eft ce qui a trois dfmentions, lalongueur, la largeur & la profondeur; & c'eft cequ'on appelle un corps folide. La fuperficie eftcompofée des extrémités <strong>du</strong> corps, & elle n'a quede la longueur & de la largeur, fans profondeur.C'crt


Z E N O N .istCeft ainfi que l'explique Pofidonius dans fon trolfiemelivre des Météores, confiderés, tant félonla manière de les entendre que félon leur fubfiftence(i). La ligne eft l'extrémité de la fuperficie,ou une longueur (ans largeur ; ou bien cequi n'a que de la longueur. Le point eft l'extrémitéde la ligne, & forme la plus petite marquequ'il y ait. Les Stoïciens difent que l'entende-»ment, la deftinée & Jupiter ne font qu'un mêmeDieu, qui reçoit plufîeurs autres dénominations;que c'eft lui qui, par le moyen des principes quifont en lui, change toute la fubftance d'air eneau; & que comme les germes font contenusdans la matière, il en eft de même de Dieu, confiderécomme raifon féminale <strong>du</strong> monde; quecette raifon demeure dans la fubftance aqueufe,& reçoit le fecours de la matière pour les cbofesqqi font formées enfaite ; enfin qu'après cela*,Dieu a créé premièrement quatre élemens, lefeu, l'eau, l'air & la terre. Il eft parlé de cesélemens dans le premier livre de Zenon fur YUnivert,àan&le premier livre de la Pbyfique de Chryfippe& dans un ouvrage d'Archederae fur lesElemens.Ils définiflent l'élément ce qui" entre le premierdans la compofîtion d'une chofe, & le dernierdans(i) II- paraît y avoir ici quelque Iquivoqoc, ou obfcsrité,Se il n'y a point de note.


150 Z E N O N .dans fa réfolutîon. Les quatre élemens conftituentenfemble une fubftance fans qualités, qui eft lamatière. Le feu eft chaud, l'eau humide, l'airfroid, la terre feche, & il y a auffi quelquechofe de cette qualité dans l'air. Le feu occupele lieu le plus élevé, & ils lui donnent le nomà'itber. C'eftlà que fut formé premièrement l'orbedes étoiles fixes, puis celui des étoiles errantes, & placent enfuite l'air après l'eau. Enfin laterre occupe le lieu le plus bas,qui eft en mêmetems le" centre <strong>du</strong> monde.Ils prennent le mot de monde en trois fens ;premièrement pour Dieu même, qui s'appropriela fubftance univerfelle, qui eft incorruptible,non engendré , l'auteur de ce grand & bel ou •vrage, qui enfin, au bout de certaines révolutionsde tems, engloutit en lui-même toute la fubftance, & l'engendre de nouveau hors de lui-même.Ils donnent auffi le nom de monde à l'arrangementdes corps céleftes, & appellent encore ainfl laréunion des deux idées précédentes. Le monde,eft la difpofition de la fubftance univerfelle enqualités particulières, ou, comme dit Pofldoniusdans fes Elemens fur la Science des Cbofes céleftes,l'aflemblage <strong>du</strong> ciel & de la terre, & des naturesqu'ils contiennent; ou bien PafTemblage des Dieux,des hommes, & des chofes qui font crééespour leur ufage. Le ciel eft la dernière circonférencedans laquelle réfide tout ce qui partici»


Z E N O N .icicipe à la Divinité. Le monde eft gouverné avecintelligence & con<strong>du</strong>it par une Providence, commes'expliquent Chryfippe dans fes livres desEie*mens des Cbtfes célefies, & Pofidonius dans fontreizième livre des Dieux. On fuppofe dans cefentiinent que l'entendement eft répan<strong>du</strong> dans toutesles parties <strong>du</strong> monde, comme il l'eft danstoute notre ame, moins cependant dans les unes& plus dans les autres. Il y en a de certainesoù il n'a qu'un ufage de faculté, comme dans lesos & les nerfs; il y en a encore dans lesquellesil agit comme entendement, par exemple, dansla partie principale de l'ame. C'eft ainfi que lemonde univerfel eft. un animal doué d'ame & deraifon, dont la partie principale eft l'éther, commele dit Antipater Tyrien dans fon huitième Ii rvre <strong>du</strong> Monde. Chryfippe, dans fon premier li.vre de la Providence, & Pofidonius dans fon livredes Dieux, prennent le ciel pour la partieprincipale <strong>du</strong> monde : Cléanthe admet le foleil ;mais Chryfippe, d'un avis encore plus différent,prétend que c'eft la partie la plus pure de l'éther,qu'on appelle._auffi le Pumier des Dieux , quipénétre, pour ainfi dire , comme un fens,dans les chofes qui font dans l'air , dans les "animaux & dans les plantes ; mais qui n'agit dansla terre que comme une faculté.11 n'y a qu'un monde, terminé, & de formefphérique; forme la plus convenable pour le mou.ve-


i6t Z E N O N .vement, comme dit Pofidonius dans fbn quinzièmelivre <strong>du</strong> Syftêmi Pbtfque, avecAntipater dansfes livres <strong>du</strong> Mbnde. Le monde eft environné. extérieurement d'un vuide infini, & incorporel. Ilsappellent incorporel ce qui, pouvant être occupé' pat des corps, ne l'eft point. Quant i l'intérieur<strong>du</strong> inonde, il ne renferme point de vuide, maistout y eft nécefiairement uni enfemble par le rap.port & l'harmonie que les chofes céleftes ont avecles terreftres. Il eft parlé <strong>du</strong> vuide dans le premierlivre de Chryfippe fur cet article, & dans (Onpremier livre des Syftêmts Pbyfiques, • auffi-biettque dans la Pbyfique d'Apolloçbane, dans Apollodore,& dans Pofidonius au deuxième livre defon traité de Pbyfique. Ils difent que les chofesIncorporelles font femblables, & que le temseft incorporel, étant un intervalle <strong>du</strong> mouvement<strong>du</strong> monde. Ils ajoutent que le paffé & le futurn'ont point de bernes, mais que le prêfent eftborné. Ils croyent auffi que le monde eft cor*ruptible, puifqu'il a été pro<strong>du</strong>it; ce qui fe prouvepar ce'qu'il eft compofé d'objets qui fe comprennentpar les ifens, outre que S les parties <strong>du</strong>monde font corruptibles, le tout l'eft auffi. Orles parties <strong>du</strong> monde font corruptibles ,puifqu'ellesfe changent l'une dans l'autre ; ainfi le mondeeft corruptible auffi. D'ailleurs fi on peut prouve*qu'il y a des chofes qui changent de manièrequ'elles foient dans un état plus mauvaisqu'el-


Z E N O N .I6j0) La matière. Voyez ci-deflïu.qu'elles n'étoient,elle» font corruptibles. Or celaa lieu par rapport au monde, car il eft fujet àdes excès de féchereflè & d'humidité. Voicicomment ils expliquent la formation <strong>du</strong> monde.Après que la-fubftance (i) eût été convertie defeu en eau par le moyen de l'air, la partie la plusgioflîere, s'étant arrêtée & fixée,forma la terre; lamoins grofliere fe changea en air; & la plus fubtilepro<strong>du</strong>iflt le feu; de forte que de leur mélangeprovinrent enfuite les plantes, les animaux &les autres genres. Ce qui regardé cette pro<strong>du</strong>ction<strong>du</strong> monde & fa corruption, eft traitépar Zenon dans ton livre de l'Univers, par Chryfippedans ton premier Hwe de la Pbyjique, parPoOdontus dans fon premier livre <strong>du</strong> Monde, parCléanthe, & par Antipater dans fon dixième livrefur le même fujet. Au refte Panetius foutientque le monde eft incorruptible. Sut ce que lemonde eft un animal doué de vie, de raifon &d'intelligence, on peut voir Chryfippe dans fonpremier livre de la Providence, Apollodore dansfa Pbyfique & Pofidonlus. Le monde eft un animalau fens de fubftance, doué d'une ame fenfible; car ce qui eft un animal eft meilleur quece qui ne l'eft point : or il n'y a rien de plus excellentque le monde ; donc le monde eft un animal.Qu'il eft doué d'une ame, c'eft ce qui parok


i


Z E N O N .I6 Sleil la furpafle en grandeur, & que c'eft pourcette raifon qu'on l'apperçoit par-tout. La lunea quelque chofe de plus terreftre, comme étantplus près de la terre. Au relie les corps ignésont une nourriture, auffi-bien que les autres astres.-Le foleil fe nourrit dans l'Océan, étant u-ne flammeintellectuelle. La lune s'entretient del'eau des rivières, parce que, félon PoOdoniusdans fon fixieme livre <strong>du</strong> Syftême Pby/ique, elleeft mêlée d'air & voifine de la terre , d'où lesautres corps tirent leur nourriture. Ces Philofophescroyent que les aftres font de figurefphérique, & que la terre eft immobile. Ils nepenfent pas que la lune tire fa lumière d'elle-même,ils tiennent au contraire qu'elle la reçoit-dnfoleil. Celui-ci s'éclipfe, lorfque l'autre lui eftoppofée <strong>du</strong> côté qu'il regarde la terre|, dit Zenondans fon livre de l'Univers. En effet le foleildifparoit à nos yeux pendant fa conjonction avecla lune, & reparoît lorfque la conjonction eft finie.On ne fauroit mieux remarquer ce phénomèneque dans un baflîn où on a mis de l'eau.l& lune s'éclipfe, lorfqu'elle tombe dans l'ombréde la terre. De là vient que les éclipfes de lunen'arrivent que quand elle eft pleine, quoiqu'ellefoit tous les mois vis-à-vis <strong>du</strong> foleil ; car commeelle fe meut obliquement vers lui , fa latitudevarie félon qu'elle fe trouve au Nord, ou au Mi*ii. Mais lorfque fa latitude fe rencontre aveccel«


f66 Z E N O N .celle <strong>du</strong> foleil & avec celle des corps qui fontentre-deux &. qu'avec cela elle eft oppofée aufoleil, alors s'enfuit l'éciipfe. Pofidonius ditque le mouvement de fa latitude fe rencontreavec celle des corps intermédiaires dans l'Eereviflè,le Scorpion, le Bélier & le Taureau.Dieu, félon les Stoïciens, eft un animal immortel, raifonnable, parfait ,ou intellectuel dans fa félicité, inacceâible au mal, lequel prend foin <strong>du</strong>monde & des chofes y contenues. Il n'a pointde forme humaine, il eft l'architecte de l'Univers,& le père de toutes chofes. On donne auffi vulgairementla qualité d'architefte <strong>du</strong> monde à cettepartie de la Divinité qui eft répan<strong>du</strong>e en toute»chofes , & qui reçoit diverfes dénominations, euégard à fes différens effets. On l'appelle y«/d.per, parce que, félon la lignification de ce terme,ç'eft d'elle que viennent toutes choses, &tm'elle eft le principe de la vie, ou qu'elle eftunie à tout ce qui vit; Minerai, parce que faprincipale aftion eft dans l'éther ; Junon, entantqu'elle domine dans l'air; Fulcain, entnnt qu'ellepréfide au feu artificiel { Ntptmt, entant qu'elletient l'empire des eaux ; Cerès, entant qu'ellegouverne la terre. Il en eft de même des autre*dénominations fous lefquelles on la diftingue relativement& quelque propriété. Le monde entier& le ciel font la fubftance de Dieu, direntZenon , Cbryiippe dans fon livre onzième decDitux,


ZENON. U]fytux, & Pofldonius dans fon premier livre, In.titulé de même. Antipater, dans fon feptiemelivre v <strong>du</strong> Monds, compare la fubftance divine icelle de l'air, & Bogthe, dans fon livre de laNature, veut qu'elle reffemble i la fubftancedes étoiles fixés.Quant à la nature, tantôt ils donnent ce non»à la force qui unit les parties <strong>du</strong> monde, tantôtà celle qui fait germer toutes chofes fur la" terre,La nature eft une vertu, qui, par un mouvementqu'elle a en elle-même, agit dans Iesfemencesjachevant & unifiant dans des efpaces de temsmarqués ce qu'elle pro<strong>du</strong>it, & formant des cho. 'fes pareilles à celles dont elle a été féparée (i).Aurefte elle réunit dans cette aftion l'utilité avecle plaiûr, comny: cela parott parla formation dol'homme. Toutes chofes font foumifes i unedeftinée, difent Chryfippe dans fes livres fur cefujet, Pofidonius dans fon deuxième livre fur l«même matière, & Zenon , auflj-bien que Bog.the, dans fon onzième livre de la Defttnie. Cettedeftinée eft l'enchaînement des eau fes, ou lawifon par laquelle le monde eft dirige-Les «Stoïciens prétendent que la divination aun fondement réel, & qu'elle eft même une prévl»flon. Ils la ré<strong>du</strong>ifçnt en Art par rapport 4 celui)»Jicnenees . C'eft-i-dl«, 4ani lefyuolU» f< etoii, tll« dont agit.clic a iti Kfvtt »T«


l68 Z E N O N .tains évenemens, comme difent Zenon, Cbrjrfippedans fon deuxième livre de la Divination,Athénodore, & Pofidonius dans fon douzième livre<strong>du</strong> Syftême Pbyftque, ainfi que dans fon cinquièmelivre de la Divination. Panetius eft d'unfentiment contraire ; il refufe à la divination ceque lui prêtent les autres.Ils difent que la fubftance de tous Jes êtreseft la matière première. Ceft lé fentiment deChryfippe dans fon premier livre de Pbyfique,& celui de Zenon. La matière €ft ce , donttoutes chofes, quelles qu'elles foient, font pro<strong>du</strong>ites.On l'appelle fubftance & matière en deuxfens , entant qu'elle eft fubftance & matière donttoutes chofes font faites, & entant qu'elle eftûibftance& matière de chofes particulières. Commematière universelle , elle n'eft fujette, ni àaugmentation, ni à diminution ; comme matièrede chofes particulières , elle eft fufceptible de• ces deux accidens< La fubftance eft corporelle& bornée, difent Antipater dans fon deuxièmelivre de la Subftance, & Apollodore dans fa Pbyfique.Elle eft aufli paffible, félon le même Auteur;car fi elle n'étoit pas muable, les chofes,qui fe font, ne pourroient en être faites.. De làvient aufli qu'elle eft divifiWe à l'infini. Chryfippetrouve cependant que cette divifion n'eft pointinfinie, parce que le fujet, qui reçoit la divifion,n'eft point Infini ; mais il convient que ladivifion ne finit point.Les


Z E N O N . 16,Les mélanges fe font par l'union de toutes lesparties, & non par une fiinple addition de l'unei l'autre, ou de manière que celles-ci environnentcelles-là, comme dit Chryfippe dans fon troifiemelivre de Pbyfique. Par exemple, un peu devin, jette dans la mer, réfifte d'abord en s'étendant;mais s'y perd enfuite.Ils croyent auflî qu'il y a certains Démons,qui ont quelque fympathie avec les hommes, dontils obfervent les attions, de même que des Héros,qui font les âmes des gens de bien.Quant aux effets qui arrivent dans l'air, ilsdifent que l'hyver eft l'air refroidi par le grandéloignement <strong>du</strong> foleil ; le printems , l'air tempérépar le retour de cet aftre; l'été, l'air é-chauffé par fon cours vers le Nord; & l'automnel'effet de fon départ vers les lieux d'où viennentles vents (i). La caufe de ceux-ci eft lefoleil, qui convertit les nuées en vapeurs.L'arc-en-ciel eft compofé de rayons, refléchis patl'humidité des nuées, ou, comme dit Jofidoniusdans fon traité des Cbofes cilefles, c'eft l'apparen


ï7o Z E N O N . ,de la inêirie manière qu'un objet vu dans un miroir.Les comètes, tant celles qui font chevelues, que les autres qui reflemblent à des torches,font des feux pro<strong>du</strong>its par un air épais, qui s'élèvejufqu'à la fphere de l'éthcr. L'étoile volanteeft un feu raflèmblé, qui s'enflamme daml'air, & qui, étant emporté fort rapidement ,paroît à l'imagination avoir une certaine longueur.La pluye fe forme des nuées, qui fe convertifftnten eau lorfque l'humidité, élevée de la terre,ou de la mer par la force <strong>du</strong> foleil, ne trouvepas à être employée à d'autre effet. La pluye,condenfée par le ftoid, fe réfoud en gelée blanche.La grêle eft une nuée compacte, rompuepar le vent ; la neige, une nuée compafle qui fechange en une matière humide, dit Pofidonimdans fon huitième livre <strong>du</strong> Syftim Pbyfique, L'éclaireft une inflammation des nuées, qui s'entre-choquent-&fe déchirent par la violence <strong>du</strong> vent, ditZenon dans fon livre de l'Univers. Le tonner*rc eft un bruit, caufé par les nuées qui fe heurtent& fe fracaflent. La foudre eft une forte & (ubite in.flammatlon, qui tombe avec impétuofité fut laterre par le choc, bu la rupture des nuées, & félond'autres, uri amas d'air enflammé & rudement pouïSfur la terre. L'ouragan eft une forte de foudre,qtïl s'élance avec une force extrême, ou un asfemblïgede vapeurs embrafées, & détachées d'unenuée qui fe biife. Le tourbillon eft une nuéeen-


Z E N 0 N. 171environnée de feu & accompagnée d'un vent quifort des cavités de la terre, ou jointe à un venccomprimé dans les fouterrains, comme l'expliquePofidonius dans fon huitième livre. Il y en ade différente efpece. Les uns caufent les tréin-Nemens de terre, les autres les gouffres, ceuxcides inflammations, ceux-là des bouillonne»mets.Voici comme ils conçoivent l'arrangement <strong>du</strong>monde. Ils mettent la terre au milieu, & la fontfcrvir de centre ; enfuite ils donnent à l'eau, quieft de forme fphérique, le même centre qu'a laterre ; de forte que celle-ci fe trouve être placéedans l'eau; après ce dernier élément, vient l'aitqui l'environne comme une fphere. Ils pofencdans le ciel cinq cercles," dont le premier eft lecercle arâique qu'on voit toujours ; le fécond,le tropique d'été; le troifieme, le cercle équinoâtal;le quatrième, le tropique d'hyver; lecinquième, le cercle antarctique , qu'on n'apperçoitpas. On appelle ces cercles Parallèles,parce qu'ils ne fe touchent point l'un autre, &Qu'ils font décrits autour <strong>du</strong> même Pôle. Lezodiaque eft un cercle oblique, qui, pour ainGdire, traverfe les cercles parallèles. La terre eftauffi partagée en cinq zones : en zone feptentrionaJcau-delà <strong>du</strong>cerde arâique, inhabitablepar ù. froi<strong>du</strong>re ; en zone tempérée ; en zone«onide, alnii nommée à caufe de A chaleur,H 2qui


m Z E N O N .qui la rend inhabitable ; en zone tempérée ,comme celle qui lui eft oppofée, & en zéne aaftrale,auffi inhabitable pour fa froi<strong>du</strong>re que lefont les deux autres.Les Stoïciens fe figurent'que la nature eft unfeu plein d'art, lequel renferme dans fon mouvementune vertu générative; c'eft-à-dire un efpritqui a les qualités <strong>du</strong> feu & celles de l'art.Ils croient l'ame douée de fentiment, & l'appellentun Efprit formé avec nous ; auffi en font - ils uncorps, qui fubfifte bien après la mort, mais quicependant eft corruptible. Au refte ils tiennentque l'ame de l'Univers, dont les âmes des animauxfont des parties, n'eft point fujette i corruption.Zenon Cittien , Antipater dans fes livres deVAmt &Pofidonius nomment l'ame un Efprit ioui4e chaleur, qui nous donne la refpiration & lemouvement. Cléanthe eft d'avis que toutes lesâmes fe confervent j'ufqu'à la conflagration <strong>du</strong>monde ; mais Chryfippe reftreint cette <strong>du</strong>rée auxâmes des Sages. Ils comptent huit parties del'ame; les cinqfens, les principes de génération,la faculté déparier, & celle de raifonner. Lavue eft une figure conoïde, formée par la lumièreentre l'œil & l'objet vu, dit Chryfippe dansfon deuxième livre de Pbyfique. Selon l'opiniond'ApoIlodore, la partie de l'air, qui forme lapointe <strong>du</strong> cône, eu tournée vers l'œil, & la bafe


Z E N O N. 175fe vers l'objet, comme fi on écartoit l'air avecun bâton pour rendre l'objet vifible. L'ouïe fefait par le moyen de l'air qui fe trouve entre celuiqui parle & celui qui écoute, lequel, frappé orbiculairement,enfuite agité en ondes, s'infinue dansl'oreille de la même manière qu'une pierre, jettéedans l'eau, l'agite & y caufe une on<strong>du</strong>lation,Le fommeil conflfte dans un relâchement des.fens, occafionné par la partie principale de. l'a*me. Ils donnent pour caufe des pallions lescbangemens de l'efprit.La femence, difent les Stoïciens, eft une chofepropre à en pro<strong>du</strong>ire une pareille à celle dontelle a été féparée. Par rapport aux hommes,elle fe mêle avec les parties de l'ame, en fuivantla proportion de ceux qui s'uniiTent. Chryfippe,dans fon deuxième livre de Fbyfique, appelleles femences un Efprit joint à la fubftance ; cequi parolt par les femences qu'on jette à terre,& qui, lorfqu'elleS font flétries, n'ont plus lavertu de rien pro<strong>du</strong>ire, parce que la force eneft per<strong>du</strong>e. Sphœrus affùre que les femences proviennentdes corps entiers ; de forte que la vertugénerative appartient à toutes les parties <strong>du</strong><strong>du</strong> corps. H ajoute que les germes des animauxfemelles n'ont point de fécondité, étant foibles,en petite quantité & de nature aqueufe.La partie principale de l'ame eft ce qu'elleEL 3;Kn«-


T74 Z E N O N .renferme de plus excellent. C'eft-Ià que fe formentles images que l'ame conçoit, que naiflent lespenchans, les defirs, & tout ce qu'on exprimepar la parole. On place cette partie de l'amedans le cœur.Ceci, je crois, peut fuffire pour ce qui regardeles fentimens des Stoïciens fur la Phyfique,autant qu'ils concernent l'ordre de cet ouvrage.Voyons encore quelques différences d'opinions,qui fiibfiftent entre ces Philofophes.ARIS-


A R I S T O N. i 7îA R I S T O N.ARifton le Chauve, natif de Chio & furnomméSirène, faifoit confifter la fin, qu'ondoit fe propofer, à être indifférent fur ce où iln'y a ni vice, ni vertu. Il n'exceptoic aucunede ces chofes, ne penchoit pas plus pour les unesque pour le» autres, & les regardoit toutes<strong>du</strong> même œil. Le Sage, ajoutoit-il, doit reffetnbleràunbonAtteur,quifoit qu'il joue le rôle de Tberfitt(i), ou celui d'Agamemnon, s'en acquitte d'une maniereégalement convenable. Il vouloit qu'on ne s'appliquât,ni à la Phyfique, ni à la Logique, fous prétexteque l'une de ces Tciences étoit au-deflus denous, & que l'autre ne nous intérefloit point. LaMorale lui paroiflbit être le feul genre d'étudequi fût propre à J'homme. Il coroparoit les raifonnemensde la Dialectique aux toiles d'araignées,qui, quoiqu'elles femblent renfermer beaucoupd'art, ne font d'aucun ufage. Il n'étoitni de l'avis de Zenon, qui croyoit qu'il y.a plufieursfortes de vertus, ni de celui des PhilofophesMégariens, qui difoient que la vertu eft unechofe unique, mais à laquelle on donne plufieursnoms.(i) Homme laid Se fioffiei.H 4


I7« A R I 5 T 0 N.noms. Il la définiflbit la Manière dont il fe fautttn<strong>du</strong>ire par rapport à une cbofe. Il enfeignoitcette Philofophie d'ans le Cynofarge (i),& devintainfi Chef de Secte. Miltiade & Diphilus furentappelles Arifioniens <strong>du</strong> nom de leur Maître. Auréfte il avoit beaucoup de talent i perfuader r &étoit extrêmement populaire dans fes leçons. Delà cette expreflîon de Timon.Quelqu'un, forti de la famille de cet Arijlon,qui étoit fi affable.Diodes de Magnéfie raconte qu'Arifton, s'étantattaché à Polemon, changea de fentiment i l'occafiond'une grande maladie où tomba Zenon. Ilînfiftoit beaucoup fur le dogme Stoïcien, que leSage ne doit point juger par fîmple opinion. Perfée,qui contredifoit ce dogme , fe fervit dedeux frères jumeaux, dont l'un vint lui confierun dépôt, que l'autre vint lui redemander, & letenant ainfi en fufpens, il lui fit fentir fon erreur.Il critiquoit fort & haïflbit Àrcefilas; de fortequ'un jour ayant vu un monftrueux taureau quiavoit une matrice, il s'écria : Hélas ! voilà pourArcefilas un argument contre l'évidence (2). UnPhilofbphe Académicien lui foutint qu'il n'y avoitïien de certain. Quoi! dit-il» ne voyez vous pasce-(1) Nom d'un Temple d'Hercule \ Athènes. Ptufdmdt,Yoyage de l'Attique, ch. it.(2) 11 fut le premier qui foutint le pour 8c le-«ontic.


A R I * T O K. • rncelui qui ejl ajps à côté de vous? „ Non, répon-„ dit l'autre". Sur quoi Arifton reprit, Qui vousa ainfi aveuglé ? qui vous a ttè l'ufage desyeux (i)?On lui attribue tes ouvrages fuivans: Deuxlivres d'Exhortations. Des Dialogues fur laPbilofopbie de Zenon. Sept autres Dialoguesd'école. Sept Traités fur la Sageffe. Des TraitésJur l'amour. Des Commentaires fur la vaine Gloire.Qtiinze livres de Commentaires. Trois livresde Cbofes mémorables. Onze livres de Gbries. DesTraités contre les Orateurs, des Traités contre, lesRépliques d'Alexinus. Tfvis Traites centre lesDialeSiciens. Quatre, livres de Lettres


17» A R I S t 0 N.leur qu'il ne t'en faut, tu tombes , fans le vouloir,dans les glaçons de la mort.Il y a eu un autre Arifton , natif d'ioulis,Phitofophe Péripatéticien; un troifieme, Muficiend'Athènes; un quatrième, Poëte Tragique; uncinquième <strong>du</strong> bourg d'Alaee, qui écrivit des Syftèmesde Rhétorique, & un fixieme, né à Alexandrie,& Philofophe de la Sefte Péripatéticienne.HE-


H £ R I L L E. i 79Ttî E R I L L E.HErille de Carthage falfoit confifter dans la fciencela fin que l'on doit fe propofci ; c'eft-àdire,à vivre de telle forte qu'on rapporte toutesfes actions au deflein de vivre avec fcience, decrainte qu'on ne s'abrutiffe dans l'ignorance. Ildéfiniffoit la fcience une Capacité d'imagination àrecevoir les cbofes qui font lefujet de la raifort.Quelquefois il doutoit qu'il y eût de fin proprementdite, parce qu'elle change félon les circonftances& les actions ; ce qu'il éclairciûoit parla comparaifon d'une certaine quantité de métal,qui peut aufll bien fervir à faire une ftatued'Alexandrequ'une de Socrate. 11 difoit qu'il y a de ladifférence entré la fin & ce qui n'eft que fin fubordonnée; que tous ceux, qui n'ont point lafageffe en partage, tendent à la dernière, & quel'autre n'eft recherchée que par les feuls Sages.Il croyoit encore que les chofes, qui tiennent lemilieu entre le vice & la vertu, font indifférentes.Quant à fes ouvrages, il eft vrai qu'ils fontfort courts, mais pleins de feu & de force contreZenon, qu'il prend à tâche de contredire. Onraconte qu'étant enfant, il étoit fi chéri desuns & des autres, que Zenon, pour les écarter,H 6fit


J8O' H E R 1 L L E,fit couper les cheveux à Herille ; ce qui réunîtau gré <strong>du</strong> Philofophe. Ses œuvres font, intitulées .•:De l'Exercice. Des Pajfions. De l'Opinion. Le Légijlateur.L'Accoucheur {i). Antipberon le\Précepttur.Le Faifeur de préparations. Le Direottw. Mercure ,. Medie. Dialogues fur < de*Queftions morales^(i) Dialogues, qui poitoient ce nom. Nous arons confcrvéle mot dans la Vie de Platon, en mettant DiaU&uetDEr


D E N Y 9.lUT( E N Y S.D'Enys , fùmommé le Transfuge, établiflbitla volupté pour fin. Le. goût pour- oe fyftêmelui vint d'un accident aux yeux, mais flviolent, que n'en pouvant fouffrir l'excès, ilfc dépouilla <strong>du</strong> préjugé que la douleur cft indifférente.Il étoit fils de Théophante, & natif dela ville d'Héraclée; Diodes dit qu'il fut premièrementdifciple d'Héraclide fon concitoyen,enfuite d'Alexinus> puis de Menedeme„& en dernierlieu de Zenon.Il eut d'abord beaucoup d'amour pour les Lettres,& s'appliqua à toutes fortes d'ouvrages dePoëfie, jufque-lâ qu'étant devenu partifân d'Aratus,.il tacha de l'imiter. Il renonça enfuite i Zenon &fe tourna <strong>du</strong> côté des Philofophes Cyrénaïques, dont il prit tellement les féntimens,.qu'il endroit publiquement dans les lieux de débauche,&fevautroit, fous les yeux d'un chacun,dans le féin des voluptés. Etant octogénaire, ilmourut, à force de fe paffer de nourriture. Onlui attribue les ouvrages fuivans : Deux livres deïApathie. Deux de VExercxce. Quatre de la Fclupté. Les autres ont pour-titres: De la RicbeJJe.Des Agrément. De la Douleur. De l'Ufage desH: T Ho**-


i8t D E N Y S.Hommes. Du Bonheur. Des Anciens Rois. ËerCbofes qu'on loue. Des Moeurs étrangères.Tels font ceux qui ont fait clafie à part, ens'éloignant des opinions des Stoïciens. Zenon euepour fuccefleur Cléanthe.de qui nous avons main»tenant à parler.CLE-


C L E A N T H E . 183CLEANTHE.CLéanthe, fils de Phanius, naquit dans hville d'Afle , témoin Antifthene dans fe»SucceJJItms. Sa première profeffiori fut celle d'Athlète.Il vint à Athènes, n'ayant, dit-on, quequatre drachmes pour tout bien. II fit connoiflànceavec Zenon, fe donna tout entier à la Philofophie,&perfévera toujours dans le même deflein.On a confervé le fouvenir <strong>du</strong> courage avec lequelil fupportoit hi peine, jufque-là que contraint parla mifere de fervir pour domeftique, il pompoitla nuit de l'eau dans les jardins, Se s'occupoitle jour i l'étude ; ce qui lui attira le fomoaide Puifeur d'eau. On raconte auflî qu'appelle enJuftice pour rendre raifon de ce qu'il faifoit pourvivre & fe porter fi bienr il comparut avec le témoignage<strong>du</strong> jardinier dont il arrofoit le jardin,& que l'aiant pro<strong>du</strong>it avec le certificat d'une marchandechez laquelle il blutoit la farine, il futrenvoyé abfous. A cette circonftance on ajouteque les Juges de l'Aréopage, épris d'admiration,décrétèrent qull lui feroit donné dix Mines ; maïsque Zenon l'empêcha de les accepter. On dit aufGqu'Antigone lui en donna trois mille, & qu'onjour qu'il condnifoit de jeunes gens à quelquefpeftacle, une bouffée de vent ayant levé fon habit,il parut fans vefte; tellement que touchésde


*84. C L E A N T H E.-ie fon état, les Athéniens, au rapport de Demetrius.deMàgné0e dans fes-Synonimes, lut firentpréfent d'une vefte de couleur de faffran. L'hiftoireporte qu'Antigone fon difciple lui demandapourquoi il pompoit. de l'eau, & s'il ne faifoit riensde glus, & qu'à cette queftion Cléanthe répondît :.EJl-ce que je ne bêche f^ n'arrofe point la terre ? nfais-je pas tout au monde par amour pour la Pbikfopbie? Zenon lui-même l'exerçoit à ces travaux,.& vouloit qu'il lui apportât chaque fois un obolede fon falaire. En ayant raflemblé une affez.grande quantité,il les <strong>mont</strong>ra à fes. amis, & leurdit.: Cldantbe. pourrait, s'il le vouloit, entretenir unautre Clêantbe, tandis que ceux, qui ont. dtquoi Jenourrir, cherchent à tirer d'autres les cbofes nèceflaitesà la vie, quoiqu'ils ne s'appliquent quefoiblementà la Pbilofopbie. De là. vient qu'on lui donnale nom de fécond Hercule. Il avoit beaucoupd'inclination pour la fcience, & peu de capacitéd'efprit, à laquelle il fuppléoit par le travail &l'afli<strong>du</strong>ité* De là ce que dit Timon.Quel eji ce bélier qui. Je gliffe par-tout dans lafoule, cet bibeté Vieillard, ce bourgeois d'Affe, ce,grand parleur, qui reffemble-à un mortier ?-, 11 en<strong>du</strong>roit patiemment les rifées de fes compagnons.Quelqu'un l'ayant appelle âne, il convintqu'il étoit celui de Zenon, dont il pouvoitfeul porter le paquet. On lui faifoit honte de. fa. timidité. Ctj} un heureux défaut,dit-il ; j'en com~. mets moins des fautes. II.


C L E A N T H E . rtfrIl préferoit fa pauvreté i l'opulence. Les riches,difoit-il, jouent à la boule; mais moi, j'âtâà la terre fa <strong>du</strong>reté 6? fajlérilité à force de travail.H lui arrivoit quelquefois, en bêchant, de parleren lui-même. Arifton, le prit un jour fur lefait & lui demanda, „ Qui grondez-vous?" 11fe mit à rire & répondit : Je murmure contre unVieillard, qui, quoique chauve, manque de honfenr.Quelqu'un trouvoit mauvais qu'Arcéfilas négligeâtles devoirs de la vie. Taifez-vous, dit Cléanthe,6f ne méprifez pas ce Pbilofopbe. Quoiqu'ilanéantiffe par fes difcours les devoirs de la vie,U les établit par fes aSions. „ Je n'aime pas les„ flatteurs,,interrompit Arcéfilas". Auffi n'ejl-cepas, reprit Cléanthe, vous flatter que de dire que vosallions & vos difcours fe contredifent. Quelqu'unle pria de lui apprendre quel précepte il devoit leplus fouvent inculquer à fon fils. Celui, dit-il,qu'exprime ce vers d'Ele&re, Silence, vas doucement.Un Lacédémonien lui vantoit le travailcomme un bien. Mon cher fils, lui répondit-ilavec tranfport, je vois que tues-né d'un fang généreux.Hecaton, dans fort traité des Vfages', rapportequ'un jeune garçon d'aûez bonne mine luttint ce raifonnement; Si celui, qui fe donne uncoup au ventre, eft dit fe frapper cette partie <strong>du</strong>corps, ne fera»t-il pas dit fe donner un coup à lahanche s'il fe frappe i cet endroit? Jeune hommelui dit Cléanthe, gardes cela pour toi; mais facièsque:


iM C L E A N T H E .fut les termes analogues ne défignent pas teujturs desebofes, ni des aiïiens anal»gués. Quelque autregarçon difcouroit en fa préfence. Il* lui demandas'il avok <strong>du</strong> fentiment, „ Ouï, dit l'autre";Et tonment donc Je fait-il , répliqua Cléanthe,que je ne fente pas que tu en ayest Un jourSofithée le Poète déclama contre lui fur le Théâtreen ces termes, Ceux que la folie de CUantbtmené comme des bœufs ; mais quoiqu'il fût préfent,il ne perdit point contenance. Les fpe&ateur»applaudirent i fon feng froid, & chaflerent le déclamateur.Celui-ci, s'étant enfuite repenti del'avoir injurié, Cléantbe l'excufe, & dit qu'il nelui conviendroit pas de conferver <strong>du</strong> reflentimentpour une petite injure, tandis que Bacchus &Hercule ne s'irritent pas des infultes que leurfont les Poètes.U coinparoit les Péripatéticiens aux inftrumenade Muflque , qui rendent des fons agréables ;mais ne s'entendent pas eux-mêmes.' Qn racontequ'ayant un 'jour avancé l'opinion de Zenon, quifoutient que l'on peut juger des mœurs par laphyflonomie, quelques jeunes gens d'humeur bouf»fonne lui amenèrent un campagnard libertin, quiavoit les marques d'un homme en<strong>du</strong>rci aux travauxde la campagne, & prièrent Cléanthe de leurapprendre quel étoit fon caractère. 11 héritaquelque tems,& ordonna au perfonnage de femirer. Cet honnie, en tournant le dos, cornmen-


C L E A N T H E. 187mença à éternuer; fur quoi Cléanthe dit : Jefuis au fait de Ces meturs; il eft dévoué à la millejfe.Un homme s'entretenoit en lui-même.Tu parles, lui dit-il, à quelqu'un qui n'eft pas mmvais.Un autre lui reprochant de ce qu'à un âgefi avancé il ne finiflbit pas Tes jours. J'en aibien la penfée, répondit-il, mais lorjque je confidtreque je me porte bien à tous égards, que jepuis lire, que je fuis, en état d'écrire, je changeiavis. On rapporte que ftute d'avoir dequoiacheter <strong>du</strong> papier, il couchoit par écrit fur descrânes & des os de bœuf» tout ce qu'il entendoltdire à Zenon. Cet* manière de vivre lui acquittant d'eftime, que quoique Zenon eût quantitéd'autres difciples de mérite, il fut celui qu'ilchoifît pour lui fuccéder.Il a laifK d'excellens ouvrages, dont voici lecatalogue. Du Tems. Deux livres fur la Pby~fiohgie deZinon.Qv.utre livres d'Explications d'Heraclite.Du fintiment. De l'Art. Contre Démérite.Contre Arifiarque. Contre Herille. Deux livresdes Penchons. De l'Antiquité. Un Traité des Dieux.Des Céans. Des Mets. Du Polte. Trois livresdes Devoirs. Des ions Confeils. Des Agrémens. Unouvrage d'Exhortation. Des Vertus. Du bon Naturel.Sur Gorgippe. De l'Envie. De l'Amour. Dela Liberté. De l'Art d'aimer. De l'Honneur. Dela Gloire. Le Politique. Des Confeils. Des Loix.Des Jugemens. De l'E<strong>du</strong>cation. Trois livres <strong>du</strong>Dif.


i»8 Ç L E A N T H E.Difeours. De la Fin. De l'Honnête. Des ASions.De la Science. De la Royauté. De VAmitié. DesRepas. Un ouvrage fur ce que la vertu des hommes6? dès femmes eft la mime. > Un autre, fur ceque le Sage dtit s'appliquer à enfeigner. Un autrede Difeours, intitulés Cbries. Deux livres deVUfage. De la Volupté. Des Cbofes propres. DesCbofes ambiguës. De la Dialectique. Des Modes<strong>du</strong> Difeours. Des Prédicamens. Voili fes œuvres.II mourut de cette manière. Ayant la genciveenflée & pourrie, les - Médecins lui prescrivirentune abftinenee de toute nourriture pendant deuxjours; ce qui lui procura ùh. figrand foulagement,que les Médecins, étant revenus au bout de cetems-là, lui permirent de vivre comme à fonordinaire.. 11 refufa de fuivre, leur avis, fous prétextequ'il avoit déjà fourni toute fe carrière ; deforte qu'il mourut volontairement d'inanition aumême âge que Zenon, difent quelques-uns, & a-près avoir pris dix-neuf ans les leçons de ce Philofophe: Voici des vers de notre façon â fon fujet. J'admire la con<strong>du</strong>ite deCléantbei mais je loue encore plus la Mort, qui, voyant ce Vieillard accablé,d'années, trancha, le fil de fes jours, & voulut quecelui, qui avoit tant puifé d'eau dans cette vie, jeeepefât dans l'autre^SPHOE-


S P H 0 E R U s- 18»SPHOERUS.SPhœrus <strong>du</strong> Bofphore fut, comme nous l'avonsdit, dlfciple de Cléanthe, après avoir étécelui de Zenon. Ayant fait des progrès dans l'étude,il fe tendit à Alexandrie auprès de Ptolo»mée Philopator. Un jour que la converfktiontomba fur la queftion 6 le Sage doit juger deschofes par (impie opinion, Sphœrus décida négativement.Le Roi, pour le convaincre de fonerreur, ordonna qu'on lui préfentât des grenadesde cire moulée. Sphœrus les prit pour <strong>du</strong>fruit naturel ; fur quoi le Roi s'écria qu'il s'étoittrompé dans fon jugement. Sphœrus répondit furle champ & fort à propos qu'il n'avoit pas jugédécifivement, mais probablement que ce fuflentdes grenades, & qu'il y a de. la différence entre uneidée qu'on admet pofitivement, & une autre qu'onreçoit comme probable. Mnéfîftrate le reprenoitde ce qu'il n'attribuoit point i Ptolomée ,1a qualitéde Roi ; Aufli ne l'eft-il pas , dit-il, entantqu'il règne; nais entant qu'il eft Ptolomie, aimanthfageJiïe.On a de lui les ouvrages fliivans : Deux livresiu Monde. Des Elemens de la Semence. De la Fortune.Des plus petites Çbofes. Contre les Atomes &Us Simulacres. Des Sens. Des cina Differtatiansd'Heraclite, Dt l» Morale, Des Devoirs. Des


iça S P H O E R U S.Pencbans. Deux livres des Paffions. Des Differtations.De la Royauté. De la République de Lacédémone.Trois livres fur Lycurgue & Socrate. De laLoi. De la Divination. Des Dialogues d'amour.Des Pbilofopbes Erétriens. Des Similitudes. DesDéfinitions. De VHàbitude. Trois livres des Gbofesfujettes à contradiction. Du Difcours. De l'Opulence.De la Gloire. De la Mort. Deux livres fur leSyjléme de la DialeQique. Des Prédictmens. DisAmbiguïtés. Des Lettres.CHRÏ*-


C H R Y S I P P E . 191CHRYSIPPE.CHryfippe, fils d'Apollonius, naquit à Soles,ou à Tarfe, félon Alexandre dans fes Stw- -tijfims. Il s'exerça au combat de la lance, avantqu'Une devint difciple de Zenon, bu de Cléanthe,qu'il quitta lorfqu'il vivoit encore, afltkrentDiodes & plufîeurs autres. Il ne fut pas un desmédiocres Philofophes. Il avoit beaucoup degénie, l'efprit fi délié & fi fubtil en tout genre,qu'en plufieurs chofes il s'écartoit de l'avis, nonfeulement de Zérion, mais de Cléanthe même, iqui il difoit fouvent qu'il n'avoit befoin que d'êtreInftruit de fes principes, & que pour les preuves, il fauroït bien les trouver lui-même. Cependantil ne laifibit pas que de fe dépiter lorfqu'ildifputoit contre lui, jufqu'à dire fréquemmentqu'il étoit heureux à tons égards, exceptéen ce qui regardoit Cléanthe, Il étoit fi bon -Dialecticien, & fi eftimé de tout le monde pour fafeience, que bien des gens difoient que fi lesDieux faifoient ufage de la Dialeélique , ils nepouvoient fe fervir que de celle de Chryflppe.Au refte , quoiqu'il fût extrêmement fécond enfubtilités , il ne parut pas aufiî habile fur la dictionque fur les chofes. Perfonne ne l'égaloltpour la confiance & ï'afli<strong>du</strong>ité au travail, témoinfe* ouvrages, qui font au nombre de fept censcinq


oi C H - R Y S 1 - P F E .cinq volumes. Mais la raifon de cette multitude depro<strong>du</strong>ctions, eft qu'il traitoit plufieurs fois le mêmefujet, qu'il mettoit par écrit tout ce qui lui venoicdans lapenfée, qu'il retouchoit Couvent ce qu'il a-vojt Sni, & qu'il farciflbit fes compofitions d'un Infinitéde preuves. 11 avoit tellement pris cette habitude,qu'il tranfcrivit prefque toute entière laMedée d'Euripide dans quelques opufcules, jufquelàque quelqu'un, qui avoit cet ouvrage entre lesmains ,'& à qui un autre demandoit ce qu'il contejioit,repondit que c'était ItMédée de Cbrjfippe.De là vient aufli qu'Apollodore l'Athénien, dansfaCollettion des Dogmes Pbihfopbiques, voulant prouverque quoiqu'Epicure ait enfanté fes ouvrages,uns puifer dans les fources des autres, fes livresfont beaucoup plus nombreux que ceux de Chryfippe,dit que fi on ôtoit des écrits de celui-cice qui appartient a autrui, il ne refteroit que lepapier vuide. Tels font les termes dans lesquelss'exprime Apolîodore à cette occafian. Diodesrapporte qu'une vieille femme, qui étoit auprès deChryfippe, difoit .iqu'ordinairement il écrivoit cinqcens verfets par jour. Hécaton affûre qu'il ne s'avifade s'appliquer à la Philofophie que parce que fesbiens avoient été confifqués au profit <strong>du</strong> Roi. Il»voit la eomplexion délicate & la taille fort courte,comme il paroît par fa ftatue dans la placeCéramique, & qui eft prefque cachée par unenutre ftatue équeftre , placée près de là ; ce quidon-


C H R Y S' I P P E. igjdonna occafion i Caméade de L'appeller Cbrypjippe,au-Iieu de Chryfippe (i). On lui reprochoit qu'iln'alloit pas aux leçons d'Arifton, qui avofc un grandnombre dedifciples. Si favois pris garde au grandnombre, répondk-il, je ne me ferois pas adonné àla Pbihfopbie. Un Dialecticien obfédoit Cléanthe& lui propofoit des fophismes. Cefjez, lui ditChryfippe, de détourner ceJ"âge Vieillard de cbo*Jts plus importantes , & gardez vos raifonnenerispour nous, qui femmes plus jeunes. Un jourqu'il étoit feu! avec quelqu'un â parler tranquillementfur quelque fujet, d'autres s'approchèrent& fe mêlèrent de la convention. Chryfippe ,s'appercevant que celui, qui lui parloit, com.mençoit i s'échauffer dans la difpute, lui dit:Abl (a) frère, je vois que ton vifage fe trouble.Quittes promptemtnt cette fureur , è? donnes-toile tenu de penfer 'raifonntblement. Il étoit forttranquille lorfqu'il étoit à boire, excepté qu'ilremuoit les jambes ; de forte que fa fervante difoicqu'il n'y âvoit que les jambes de Chryfippequi fuflent yvres. Il avoit une fi haute opinionde lui-même, que quelqu'un lui avant demandéà qui il confieroit fon fils, il répondit, A moi.Car fi je favais que quelqu'un me furpaffdt en fcien.te,j'trois dis ce moment étudier fous lui la PbUofo.pbie.(i) Chryfjtffi veut dire cache" par un cheval? 8c Chrjfift»fignifie un cheval d'or.(2) Vers d'Euripide dans Orefte. Minait,Tome ILI


594 C H R Y S 1 T P E.pbie. Aufli lui appliqua-t-on ces paroles, Celui-làfeula des (i) lumières; les autres ne font que s'agitercomme des ombres. On difolt auffî de lui que s'iln'y avoit point de Chryfippe, il n'y auroit plusd'école au Portique. Enfin Sotion, dans le huitièmelivre de fes Succédions, remarque que Iorfqu'Arcéfîlas& Lacydes vinrent à l'Académie , il fejoignit à eux dans l'étude de la Philofophie, &que ce fut ce qui lui donna lieu d'écrire contre lacoutume & celle qu'il avoit fuivie dans fes ouvrages, en fe fervant des argumens des Académiciensfur les grandeurs & les quantités (2).Hermippe dit que Chryfippe, étant occupédans le Collège Odéen, fut appelle par fes difciplespour, affifter au facrifice, & qu'ayant bû <strong>du</strong>vin doux pur, il lui prit un vertige,dont les fuiteslui cauferent la mort cinq jours après. Il mourutâgé de foixante r &-treize ans dans la CXLIILOlympiade , félon Apollodore dans fes Chroniques.Nous lui avons compofé cette Epigramme.Alléché par le vin, Chryfippe en boit jufqu'à ceque' la tite lui tourne. Il nefoucie plus ni <strong>du</strong> Portique.-,ni de fa patrie, ni de fa vie ; il abandonne toutpour courir au féjour des morts.Il y en a qui prétendent qu'il mourut à forced'avoir trop ri, voici à propos de quoi. Ayantvu(1) Veti d'Homère fur Tiiefias.(») C'eft-a-dire qu'il combattit fes principe» & l'evi-«cocc des feu, Kjfbmut,


C H R Y S I P P E.IOîvu un âne manger fes figues, il dit à la vieillefemme qui demeuroit avec lui, qu'il falloit donnerà l'animal <strong>du</strong> vin pur à boire , & que là-deû"usil éclata fi fort de rire, qu'il en rendit l'efprit.Il paroît que le mépris faifoit partie de fon caractère,puifque d'un fi grand nombre d'ouvragesécrits de fa main, il n'en dédia pas un feul à aucunPrince. Il ne fe plaifoit qu'avec fa Vieille,dit Demetrius dans fes Synonimes. Ptoloméeayant écrit à Cléanthe devenir lui-même le voir,ou <strong>du</strong> moins de lui envoyer quelque autre, Sphosruss'y en fut; mais Chryfippe refufa d'y aller.Demetrius ajoute qu'après avoir mandé auprèsde lui les fils de fa fœur, Ariftocréon & Philocrate,il les inftruifit, & qu'enfuite s'étant attiré,des difciples, il fut le premier qui s'enhardit àenfeigner en plein air dans le Lycée.Il y a eu un autre Chryfippe de Gnide ,Médecin de profeffion, & de qui Erafiftrateavoue avolf appris beaucoup de chofes. Un fécondChryfippe fut le fils de celui-ci, Médecinde Ptolomée, &qui par une calomnie fut fouetté& mis à mort. Un troifieme fut difciple d'Erafiftrate,& le quatrième écrivit fur les occupation»de la Campagne.Le Philofophe, dont nous parlons, avoit cou-"tume de fe fervir de ces fortes de raifonnemens.Celui, qui communique les m~yftere& à des gensqui ne .ont pas initiés, eft un impie ; ox celui,laqui


io6C H R Y S I P P E.^qui préfide aux myfteres, les communique â de»perfonnes non-initiées; donc celui, qui préfideaux myfteres, eft un impie. Ce qui n'eft pas dansla ville, n'eft point dans la maifon : or 11 n'y apoint de puits dans la ville ; donc, il n'y en a pasdans la maifon. S'il y a quelque part une tête, vousne l'avez point : or il y a quelque part une têteque vous n'avez point; donc vous n'avez point detête, SI quelqu'un eft à Megare, il n'eft point à Athènes: or l'homme eft à Megare ; donc il n'y apoint d'homme à Athènes; & au contraire s'ileft à Athènes, il n'eft point à Megare. Si vousdites quelque chofe, cela vous pafle par la bouche: or vous parlez d'un chariot ; ainfi un chariotvous pafle par la bouche. Ce que vous n'avezpas jette vous l'avez : or vous n'avez pas jettédes cornes, donc vous avez des cornes. D'autresattribuent cet argument à Eubulide.Certains Auteurs condamnent Chryflppe commeayant mis au jour plufieurs ouvrages Honteux &obfcenes. Ils citent celui fur les Anciens Pby/itiens, où il fe trouve une pièce d'environ luecens verfets, contenant une fiftion fur Jupiter& Junon, mais qui renferme des chofes qui nepeuvent fortir que d'une bouche impudique. Ilsajoutent que malgré l'obfcénité de cette hiftoire,il la prôna comme une Hiftoire Phyfique, quoiqu'elleconvienne bien moins'aux Dieux qu'à deslieu* de débauche. Aufli ceux , qui ont parlé«les


G H R Y S I P P E .19Tdes Tablettes, n'en-ont point fait ufage, pas mêmePolemon, ni Hypficrate, niAntîgone; maisc'eft une fi&ion de Chryfippe. Dans fon livre deh République il ne fe déclare pas contre les mariagesentre père & fille, entre mère & fils; il neles approuve pas moins ouvertement dès le commencementde fon traité fur les Cbofes qui ne fontpoint préférables par elles-mêmes. Dans fon troifiemelivre <strong>du</strong> Droit, ouvrage d'environ milleverfëts, il veut qu'on mange les corps morts. Onallègue encore contre lui ce qu'il avance dans ledeuxième livre de fon ouvrage fur les Biens &l'Abondance, où il examine comment & pourquoile Sage doit chercherfon profit : que fi c'eft pour lavie môme, il eft indifférent de quelle manière ilvive; que fi c'eft pour la volupté, il n'importe pasqu'il en jouifiè ou non ; que fi c'eft pour la vertu,elle lui fuffit feule pour le rendre heureux. Iltraite <strong>du</strong> dernier ridicule les gains que l'on fait,foit en recevant des préfens de la main des Princes,parce qu'ils obligent à ramper devant eux,foit en obtenant des bienfaits de fes amis, parcequ'ils changent l'amitié en commerce d'intérêt,toit en recueillant <strong>du</strong> fruit de la fagefle,' parcequ'elle, devient mercenaire. Tels font les pointscontre lefquels on fe recrie.Mais- comme les. ouvrages de Chryfippe fontfort célèbres, j'ai cru en devoir placer ici le catalogue,en les rangeant fuivant leurs différentes•la.dàs -


198 C H R Y S I P P E.daffes. Propofitiens fur la Logique : que les matièresde Logique font <strong>du</strong> nombre des recherches d'unPhilofopbe. Six Traités fur les Définitions de laDialeiïique à Métrodore. Un Traité des Noms fuivantla DialeQique à Zenon. Un Traité fur l'Artde la Diale&ique à Arijlagoras. Quatre de Propofitiensconjointes qui font vraifemblables, à Diofcoride.De la Logique concernant les ebofes. Premièrecolleftion : Un Traité des Proportions. Un decelles qui ne font point Jimples. Deux de ce qut efitompofé, à Atbénade. Trois des Négations & Aristagoras.Un des Cbofes qui peuvent être Prédicamens,à Athénodore. Deux de celles qui fe difentprivativement. Un à Tbearus. Trois des meilleuresProportions à Dion. Quatre de la Différence destems indéfinis. Deux des Cbofes qui fe difent relativementà certains tems. Deux des Propojitions parfaites.Seconde colleftion: Un Traité des Cio»fes vrayes , exprimées diJJonSlivement , à Gorgippide.Quatre des Cbofes vrayes , expriméesconjonSivement, au même. Un de la DiflinStionau même. Un touchant ce qui eft par conféquenee.Un des Cbofes ternaires, aufji à Gorgippide.Qxiatre des Cbofes poffibles à Cliton. Un fur lesSignifications des Mots par Pbilon. Un fur cequ'il faut regarder comme faux. Troifieme collée- -tion : Deux Traités des Préceptes. Deux d'Interrogations.Quatre de Réponfes. Un Abrégé d'Interrogations.Un autre de Réponfes. Deux livres de De-man-


C H R Y S I P P E . 199mandes , &f deux de Solutions. Quatrième collection: Dix Traités de Prédicamens à Métrodore.Un des Cas de déclinai/on droits £f obliques à PMlarque.Un des Conjonctions à Apollonide. Quatrtdes Prédicamens à Pafylus. Cinquième colleftion :Un Traité des cinq Cas de déclinai/on. Un des Casdéfinis énoncésjuivant lefujet. Und'appeltatifs. Deuxde fubinfinuationàStefagorar. Des Règles de Logiquepar rapport aux mots £p au difcours. Première collection: Six Traités d'ExpreJJions au fingulier & auplurier. Cinq d'ExpreJJions à Sofigene {j* Alexandre.Quatre d'Anomalies d'ExpreJJions à Dion. Troisde Syllogifmes Sorites, conjidérés par rapport auxmots. Un de Solécismes^ Un de Difcours filécifansà Denys. Un de la DiSion à Denys. Seconde col*leftion : Cinq Traités d'Elemens <strong>du</strong> Difcours, &de Cbofes qui font lefujet <strong>du</strong> Difcours. Quatre dela ConflruSion <strong>du</strong> Difcours. Trois de la Conftruction& des Elemens <strong>du</strong> Difcours à Philippe. Undes Elemens <strong>du</strong> Difcours à Nicias. Un des Cbofesqu'on dit relativement à d'autres. Tioifieme collection: Deux Traités contre ceux qui ne font pointufage de la Divijion. Quatre d'Ambiguïtés à Apol-•la. Un des Figures équivoques. Deux des Figureséquivoques conjointes. Deux fur ce que Pantboede aécrit des Equivoques. Cinq Traités d'Intro<strong>du</strong>&ionaux Ambiguïtés. Un Abrégé d'Equivoques àEpicrate. Deux de Cbofes réunies , fcrvant d'Intro<strong>du</strong>Sionà la matière des Equivoques. CoUI 4ter-


aoo G H R V S . I P P E .kEtions fur les Difçours £? Figures de Logique.Première collettion: Cinq Traités fur l'Art desDifçours Êf des Modes à Diofcoride. Trois des Difçours.Deux de la Conftitution des Figures à Stéfagoras.XJn d'jijfemblage de Propojittons figurées.Un Traité de Difçours conjoints & réciproques. Unà Agatbon r ou des Problêmes confequens. Un deConclu/ions à Ariflagor.as. Un fur ce qu'un mimeDifçours peut être diverfement tourné'par le moyendes Figures. Deux fur les Difficultés qu'on oppofe à-. ce qu'un f»2me Difçours puiffe être exprimé par Syllogifme& fans Syllogifme. Trois fur ce qu'on ob-}eSe touchant les Solutions des Syllogifmes. Un àTimocrate fur oe que Pbilon a écrit des Figures.Deux de Logique compose à Timocrate £5* PbilomatbeslUn des. Difçours & des Figures. Deuxième. eolleftion : Un Traité à Zenon fut les Difçours concluons.Un au mime fur les Syllogifmes qu'on nommepremiers ,. & qui ne font pas démonftratifs. UnJur l'Analyfe de Syllogifmes. Deux des Difçours.trtmpeurs à Pafylus. Un de Confidérations fur lesSyllogifmes » c'efk a-dire Syllogifmes intro<strong>du</strong>Bifs àZenon. Cinq des Syllogifmes, dont les Figures fontfauffes. Un d'Analyfes de Difçours Syllogijiiqucsdans les cbofes où manque la démonjir.ation ; JavoirQuefiions figurées,, à Zenon & Pbilomatbes; maisce dernier ouvrage pafie pour fuppofé. Troifiemecolleâion: UnTraitédes Difçours incident à Athtiwwfe,.ouvrage fuppofé. Trois.de Difçours incident


C H R Y SI F F Ei 1ervert Je nfilieuj ouvrages fuppofés de même. UnTraité contre les DiJjonSifs d'Amenius. Quatrièmecollection : Trois Traités, de Que fiions politiques àMeléagre. Un Traité de Difcours hypothétiques furUs Loix, au même. Deux Traités de Difcours hypothétiquespour fervir i'Intro<strong>du</strong>Bim. Deux autresde Difcours, contenant des Confidirations hypothétiques.Deux Traités de Réfolutions d'bypothéti'ques d'Hedyllus. Trois Traités de Réfolutions À'hypothétiquesd'Alexandre; ouvrage fupppfé». DeuxTraités a"Exportions à-Laodamas. Cinquième collection: Un Traité d'Intro<strong>du</strong>ction à u qui eji faux, •à Arijiocrion. Un de Difcours faux pour- Intro<strong>du</strong>ction,au même. Six Traités <strong>du</strong> Faux, au-même.-Sixième collection-: Un Traité contre ceux quicroyent qu'il n'y a pas de différence entre le FraiÊ? le Faux. Deux contre, ceux qui développent'les Difcours faux en les coupant, à. Ariftrocréon..Un Traité où l'on dé<strong>mont</strong>re qu'il ne faut point partagerles .infinis. Trois pour réfuter les difficultés éonrtrel'opinion qu'il ne faut point divifer les infinis,, à-Pafylus. Un Traité des Solutions fuivantles Anciens,à- Diofçoride. Trois, de la Solution de ce qui eji'faux, à Anfiocréon. Un Traité de la Solution deshypothétiques d'.Hedylle , à Ariftocréon & Apolla..•Septième-collection : Un Traité.contre- ceux qui diferaqu'un Difcours faux fuppofe des affomptionsfauffes. Deux de la Négation à Arijiocrion,-Un contenant, des Difcours négatifs P our s'exefI S.«'*


S02 C H 11 Y S I P P E.cer. Deux des Difcours fur les Opinions, & desArgumens arrêtons à Onetor. Deux des Argumentcachés à Athénade. Huitième collection: HuitTraités de VArgument, intitulé Perfonne, à Méneirats.Deux des Difcours, compofés de Cbofes définiesS* de Cbofes infinies, à Pafylus. Un de l'Argument, intitulé Perfonne , à Epicrate. Neuvièmecolle&ion : Deux Traités des Sophisme* à Héraclidtfcf Pollis. Cinq des Difcours ambigus de Dialectiqueà Diofcoride. Un contre l'Art d'Arcéfilas à Spbœrus.Dixième eolle&ionr Six Traités contre l'Ufage àMetrodore. Sept fur l'Ufage à Gorgippide. Articlesde la Logique, différens des quatre chefs générauxdont on a parlé, & qui contiennent diverfesQjiejïions de Logique qui ne font pas ré<strong>du</strong>ites eacorps. Trente-neuf Traités de Queftions particu-Iarifées. En tout les ouvrages de Chryfippe fuife Logique fe <strong>mont</strong>ent à trois cens onze vo«lûmes.Ses ouvrages de Morale, qui roulent fur lamanière de rectifier les notions morales, contiennentce qui fuit.: Première collection.- Un Traitéde la Defctiption <strong>du</strong> Difcours à Tbéofpore. Un Traitéde Quejlions morales. Trois d'Ajjomptions vraifem-Mables pour des opinions, à Pbiiomatbes. Deux deDéfinitions félon des gens civilifés , à Metrodore.Deux de Définitions félon des gens rufiiques, à Me»tttodore. Sept de Définitions félon leurs genres,aa-mêjTU» Deux des; Définitions fuivant d'autresM-


C H R Y S I P P E.aosJyftimes; au même. Deuxième collettion .' TroisTraités des Cbofes femblables à Arifioclée. Sept desDéfinitions à Métrodore. Troifieme colle&ion:Sept Traités des Difficultés qu'on fait mal à proposcontreles Définitions, à Laodamas. Deux de Cbofesvroifemblables fur les Définitions, à Diofcoride.Deux des Genres &? des Efpeces à Gorgippide. Undes Dijiin&ions. Deux des Cbofes"contraires, à Denys.Cbofes vroifemblables fur les Dijtin&ions, les Genre s£f les Efpeces. Un Traité des Cbofes contraires. •Quatrième colle&ion : Sept Traités de l'Etymologieà Diodes; quatre autres Traités au même. Cinquièmecolleâion : Deux Traités des' Proverbes aZenodote'. Un des Poèmes à Pbilomatbes. Deuxde la Manière dont il faut écouter les Poèmes.Un contre les Critiques à Diodore. De la Moraie,confédérée par rapport aux notions tommwnés,aux fyfîêmes & aux vertus qui en réfultent.Cb'leftion première : Un Traité contre les Peintures,à TimonaUe. Un fur la Manière dont nousparlons £f penfqtis. Deux des Notions à Laodamas,Deux de l'Opinion à PytbonaSe. Un Traité pourprouver que le Sage ne doit point juger par opinion-Quatre de la Comprébenfion, de la Science ê£ del'Ignorance.Deux <strong>du</strong> Difcours. De l'Ufage- <strong>du</strong>.Difcours à Leptenos Deuxième cottettion : Deux .Traités pour prouver que les Anciens ont jugé de î»Diale&ique par Démonliration, à Zenon. Quatre dela DialeStique à Ariflocréon. Trois det Cbofes qa^omI 6*p-


M* C H R Y S I P P E.' *PP°f e aux Dialecticiens. Quatre de la Rhétorique àDiojcoride, Troifieme collection : Trois Traités del'Habitude à Cléon. Quatre de l'Art R <strong>du</strong> Défautd'Art à Ariflocréon. Quatre de la Différence desVertus à Diodore. Un pour faire voir que les Vertusfont des qualités. Deux des Vertus à Pollis.. De la.Morale par rapport aux Biens R aux Maux. Premièrecollection* Dix Traités de l'Honnête R dela Volupté à Arijlocrim. Quatre pour, prouver que laVolupté n'eft point la fin qu'il faut fe propofer. Quatrepour prouver que la Volupté n'eji pas un bien..Des cbofes qu'on, dit (i).(i) Le refte de ce Catalogne manque. Voyez dans iù-»


LIVREVIILPYTHAGORLÎPrès avoir parlé de la PhilofophieIonique qui <strong>du</strong>t fon commencementà Thaïes, & de» hommes célèbresqu'elle a pro<strong>du</strong>it», venons i la Secte.Italique, dont Pythagore fut le fondateur.• Hermippele die fils de Mnéfarque, Graveur de cachets; Ariftoxene le fait naître Tyrrhénien, dansl'une de»Ifles dont les Athéniens fe mirent enpoûeûlon lorsqu'ils en eurent chaffé les Tyrrhéniens; quelques-uns lui donnent Marmacus pourpère, pour ayeul Hippafus,- fils d'Eutyphron-,& pour bifayeul Cléonyme, fugitif de Phliunte.Ils ajoutent que Marmacus demeurait 1Samos ;, que pour cette raifon Pythagore futI 7fur»


to6 P Y T H A G O R E .furnommé Samien ; qu'étant venu de là à Lesbos ,Zoïle fon oncle paternel le recommanda à Phérecyde,-qu'il y fabriqua trois coupes d'argent, &qu'il en fit préfent à chacun des trois Prêtres'd'Egypte. Il eut des frères, dont l'aîné fe nommoitEunome, & le puiné Tyrrbenus. Son domestiques'appelloit Zamolxis, auquel, dit Hérodote,facrifient les Getes , dans la fuppofition qu'ileft Saturne.Pythagôre fut donc difcîple de Phérecyde deSyros, après la mort <strong>du</strong>quel il fe rendit à Samos& y étudia fous Hermodamante, déjà avancé enâge , & neveu de Créophile. Jeune & plein. d'envie de s'inftruire, Pythagôre quitta fa patrie,& fe fit initier à tous les myfteres, tant de la religiondes Grecs, que de» religions étrangères.Il paffa enfin en Egypte,muni de lettres de recommandationque Polycrate lui donna pourAmafis. Antiphon, dans l'ouvrage où il parlede ceux qui fe font diftingués par la vertu, rapportequ'il apprit la langue Egyptienne, & fréquentabeaucoup les Chaldéens. Etant en Crèteavec Epimenide, il defcendit dans la caverne<strong>du</strong> <strong>mont</strong> Ida , & après être entré dans lesfanftùaires des Temples d'Egypte, où il s'inftruîfitdes chofes les plus feerettes de la religion, il revint à Samos, qu'il trouva oppriméepar Polycrate. Il en foitit pour aller fe fixer à, Cr6-


P Y T H A G O R E. ae>7Crotone en Italie, où il donna des Loix auxItaliotes (i). 11 fe chargea <strong>du</strong> maniment des affairespubliques, qu'il adminiftra conjointementavec fes difciples, qui étoient au nombre detrois cens ou à peu près ; mais avec tant de fagefle,qu'on pouvoit avec juftice regarder leurgouvernement comme une véritable Ariftocratie.Héraclide <strong>du</strong> Pont rapporte que Pythagore di«foit ordinairement qu'autrefois il fut iEthalide,& qu'on le crut fils de Mercure ; que Mercurelui niant promis de lui accorder la grâce qu'ilfouhaiteroit hormis celle d'être immortel, il luidemanda le don de conferver la mémoire de toutce qui lui arriveroit pendant fa vie & après famort; qu'effeélivement il fe rappefloit toutes leschofes qui s'étoient paffées pendant fon féjourfur la terre, & qu'il fe réfervoit ce don defouvenir pour l'autre monde j que quelque temsaprès l'oftroi de cette faveur, il anima le corpsd'Euphorbe, lequel publia qu'un jour il devintJEthalide ; qu'il obtint de Mercure que fon amevoltigeroit perpétuellement de côté & d'autre;qu'elle s'infinueroit dans tels arbres ou animauxqu'il lui plairoit; qu'elle avoit éprouvé tous lestourmens qu'on en<strong>du</strong>re aux Enfers, & les fupplicesdes autres âmes détenues dans ce lieu. Ace(r) Habita» des pays qu'on appclloit la Cntndt Crta.


io8 P' Y T H A G" 0 R E;ce détail Pythagore ajoutoit qu'Euphorbe étant'mort, fon ame pafla dans Hèrmotime, qui, pourperfuader la chofe, vint à Brançhide.,. où étantentré dans le Temple d'Apollon , il <strong>mont</strong>ra lebouclier y attaché par Ménelàs ; que ce fut à fonretour de Troye qu'il confacra à ce Dieu le bouclier,déjà tout pourri, & dont le tems n'avoifépargné que la face d'yyoire ; qu'après le décèsd'Hermotime, il reyêtit le perfonnage de Pyrrhus,pêcheur de Delps; que lui Pythagowavoit préfent à l'efprit tout ce qui s'étoit faitdans ces différentes métamorphofes j c'eft-à-direqu'en premier lieu il avoit été ^thalide,, en fécondlieu Euphorbe, en troifieme lieu Hermofiime,en quatrième lieu Pythagore, & qu'enfin ilavoit la mémoire récente de tout ce. qu'on vientde dire..Il y en a qui prétendent que Pythagore rrYrien écrit; mais ils fe trompent groflïérement,.n'eût-on d'autre gafand qu'Héraclide le.Phyficien.Il déclare ouvertement que Pythagore, fils, deMnéfarque , s'eft plus que perfonne exercé àl'hiftoire, & qu'ayant fait un choix des écrits, dece genre, il a donné des marques dé fcience,. deprofonde érudition, & fourni des modèles del'art d'écrire. Héraclide s'exprimoit en cestermes , parce que dans l'exorde dé fonTraité de Pbtfque Pythagore fe fert de ces ex.preffions : Par l'air que je refpire, par l'eau que jebois,


P Y T H A G O R E .ao$»hois, je ne feuffrirdi pas qu'on méprife cette fcienee.On attribue trois ouvrages à ce Philofophe, un>de l'injlitution, un de la Politique, & un de laPby/ique; mais ce qu'on lui donne, appartient àLyfis de Tarente, Philofophe Pythagoricien,,qui, s'étant réfugié à Thebes, fut précepteurd'Epaminondas. Heraclide , fils de Sérapion,dit dans l'Abrégé de Sotion que Pythagore compofepremièrement un Poème far-l'Uniaers-; enfuiteun Difcours des Myjleres , qui commence parces mots : Jeunes gens, refpeQez en Jilence ces cbo-{es faintes:, en troifieme lieu un Traité fur l'Ame,en quatrième lieu un fur la Pieté; en cinquièmelieu un autre qui a pour titre, Helatbal», pèretEpicbarme de Coi en fixieme lieu un ouvrage,intitulé Crotmt., & d'autres. Quant auDifcoutimy/lique, on le donne a Hippafus, qui. le compofàexprès pour décrier Pythagore. 11 y a encoreplufieurs ouvrages d'Afton de Crotone, quiont couru fous le nom <strong>du</strong> même Philofophe.Ariftoxene aflïïre que Pythagore eft redevable dela plupart de.fes dogmes de Morale à Thémiftaclée,Prêtrefle de Delphes. Ion de Chio, dansfesTriagmes (1).,. dit qu'ayant fait un Poème,il l'attribua à Orphée. On veut aufll qu'il foitL'auteur d'un ouvrage > intitulé Qmfiderationt, &qui;(1.) Ourage, «infi nomme' de ce que le iâ|ct,.iiu lequelil roule, eft de proura que tontes choies font OMBTgoCétt de trois. Mvufi.


aïo P Y T H A G 0 R E.qui commence par ces mots : N'offenfes perfonne.Soficrate, dans fes Succeffions, dit que Pythagore,interrogé par Léonte, Tyran de Phliafie,qui il étoit, lui répondit : Je fuis Pbihfopbe, &qu'il ajouta que la vie reiTembloit aux folemn ités desJeux publics où s'aflembloient diverfes fortes deperfonnes, les uns pour difputer le prix, les autrespour y commercer, d'autres pour être fpecftateurs& pour réformer leurs mœurs, en quoi ilsfont les plus louables ; qu'il en eft de même dela vie; que ceux-ci naiflent pour être efclavesde la gloire,ceux-là des richeffes qu'ils convoitent,& d'autres, qui, n'ayant d'ardeur que pour lavérité, embraflent la Philofophie. Ainfî parleSoficrate; mais dans les trois opufcules dont nousavons fait mention, ce propos eft attribué à Pythagore,comme l'ayant dit en général. Il desapprouvoitles prières que l'on adreflbit auxDieux pour foi-même en particulier, à caufe del'ignorance où l'on eft de ce qui eft utile. Ilappelle l'yvrefTe un Mal caufé à Fefprit. Il blâmoittout excès, & difoit qu'il ne faut ni excéderdans le travail, ni pafler les bornes dans les alimens.Quant àjl'amour, il eh permettojt l'ufageen hyver, le défendoit abfolument en été, &confentoit qu'on s'y livrât, mais fort peu, en automne& au printems. Néanmoins il s'expliquoîtfur le tout qu'il n'y avoit aucune faiTon dans laquellecette paffion se fût nuifible à la fan té,juf-


P Y T H A G O R E . zûjufque-là qu'aiant été requis de dire fon fentlmentfur le tems qu'il croyoit le plus propre àfatisfaire cette paffion, il répondit,Celui où vousformerez le deffein de vous énerver.Il partageoit de cette manière les différenstems de la vie. Il donnoit vingt ans à l'enfance, vingt à Padolefcence, vingt à la jeunefle, &autant à la vieillefle, ces différens âges correspondantaux faifons, l'enfance au printems, l'adolescenceà l'été, la jeunefle à l'automne, lavieillefle à l'hyver. Par l'adolescence Pythagoreentendoit l'âge de puberté, & l'âge viril par tajeuneffe. Selon Timée, il fut le premier quiavança que les amis doivent avoir toutes chofescommunes, & qui dépeignit l'amitié une Egalitéde biens £? de fentimens. Conformément au principe<strong>du</strong> Philofophé, fes difciples fe dépouilloientde la propriété de leurs biens, mettoient leursfacultés en mafle, & s'en faifoient une fortune àlaquelle chacun avoit part avec autant de droitl'un que l'autre. Il falloit qu'ils obfervaffent unfilence de cinq ans, pendant lesquels ils ne dévoientêtre qu'attentifs à écouter. Aucun n'étaitadmis à voir Pythagore qu'après cette épreuve finie.. Alors ils étoient con<strong>du</strong>its à fa maifon, &avoient la permiflion de fréquenter fon école.Hermtppe, dans fon deuxième livré fur Pythagore, aflûre qu'ils ne fe fervôient point de planchesde


»w P ¥ T H A G O R E.de cyprès pour la eonftruclion de leurs fépulchres,par fcrupule de ce que le fceptre de Jupiterétoit fait de ce bois.Pythagore pafle pour avoir été fort beau de faperfonne; tellement que fes difciples croyoïentqu'il étoit Apollon, venu des régions Hyperborées.On raconte qu'un jour étant deshabillé,on lui vit une cuiffe d'or. Il s'eft même trouvédes gens qui n'ont point héfité de foutenirque le fleuve NefTus l'appella par fon nom pendantqu'il le traverfoit. On lit dans Timée, livredixième de fes Hijloins, qu'il ^lifoit. que lesfilles, qui habitent avec des- hommes fans changerd'état, doivent être cenfées Déefles,. Vierges,Nymphes, & enfuite nommées Matrones.Anticlide,, dans fon deuxième livre d'Alexandre,veut qu'il ait porté à fa perfê&ion la Géométrie,des premiers élemens de laqûelleMœris avoit étél'inventeur; qu'il s'appliqua fur-tout à l'Arithmétiquequi fait partie de cette fcience,. & qu'iltrouva la règle d'une corde (i). Il ne négligeapas non plus l'étude de la Médecine. Apollodorele Calculateur, rapporte qu'il immola uneHécatomhe lorsqu'il eut découvert que le côtédel'hypotenufe. <strong>du</strong> triangle rectangle, eft égalaux.(i) Mimtg4 femble expliquer cela de quelque inveotioa- de Mufique. 11 y a aaffi un inftiumeat 4 nue .corde,qu'EriMiu dit avoir été invente' parle* Atabe* j,nctu-£trc cela poitert-il fiii ce qui fiiiu *•


P Y T H A G Ô R E . «rçaux deux autres; fur quoi furent compofésces vers: Pytbagore trouva cette fameufe lignepour laquelle il offrit aux Dieux un grand facrificeen actions de grâces.On prétend auffi qu'il fut le premier qui formades Athlètes , en le,ur faifant manger de la viande,& qu'il commença par Eurymene, dit Phavorindans le troifieme livre de fes Commentaires.Cet Auteur ajoute, dans le huitième livre de fonHiftoke âiverfe, que jufqu'alors ces gens ne s'étoientnourris que de figues feches, de fromagesmous & de froment. Mais d'autres foutiennentque ce fut Pythagore le Baigneur quiprefcrivit cette nourriture -aux Athlètes, & noncelui-ci, lequel, tant s'en faut qu'il leur eût ordonnéde fe repaître de viande , défendoit aucontraire de tuer les animaux , comme ayanten commun avec les hommes un droit par-rapporta l'atne, dont ils font, doués auffi bien que nous.Rien n'eft plus fabuleux que ce conte.,* mais cequ'il y a de vrai, c'eft qu'il recommandôit l'abftinencede toute viande, afin que les homme*s'accoutumaflent à une manière de vivre pluscommode , qu'ils fe contentaflent d'alimensfans apprêt, qu'Us s'accommodaffent de mêtiqui n'euffent pas befoin de peffer par le feu,& qu'ils apprirent à étancher leur foif enne buvant que de l'eau claire. 11 iniîftolté'auuot plus ftp la néeeflUé de fcftenter lecorpi


«4 r Y T H A G 0< R E.corps de cette manière , qu'die conttibuoit àlui donner de la fant'é & à aiguifer l'efpiit.Auflï ne pratiquoit - il fes aftes de piété qu'àDelos devant l'autel à'Apollon le Père, placé derrièrel'Autel des Cornes, parce qu'on n'y offroitque <strong>du</strong> froment, de l'orge , des gâteaux fansfeu, & qu'on n'y immoloit aucune viftime , ditAriftote dans fa République de Delos. Il a encorelei nom d'avoir été le premier qui avança quel'ame change alternativement de cercle de nécesfité,& revêt différemment d'autres corps d'ànimaux.Selon Ariftoxene le Muficien, il fut encorecelui qui avant tout autre intro<strong>du</strong>ifit parmi lesGrecs l'ufage des poids & des mefures. Parmenideeft un autre garand qu'il dit le premier quel'étoile <strong>du</strong> matin & celle <strong>du</strong> foir font le mêmeaftre. Pythagore étoit en 11 grande admiration,que fes difciples appelloient fes difcours autantde voix divines, & lui-même a écrit quelquepart dans fes ceuvres qu'il y avoit deux cens feptans qu'il étoit venu de l'autre monde parmi leshommes. Ses difciples lui demeuroient conftamnientattachés, & fa doctrine lui attiroit de touscôtés une foule d'auditeurs, de Lucques, d'Ancone& de la Pouille, fans même en excepter Rome.Ses dogmes furent inconnus jufqu'autems de Philolaus,le feulqul publia ces trois fameux ouvrafesque Platon ordonna qu'on lui achetât pour leprix


P Y T H A G O R E. at Sprix de cent mines. On ne lui comptait pasloins de fix cens difciples, qui venoient de nuitprendre fes leçons ;"& fi quelques-uns avoient méritéd'être admis aie voir, ils en écri voient àleurs amis comme s'ils avoient à leur faire part <strong>du</strong>plus grand bonheur qui eût pu leur arriver. Aurapport de Phavorin dans fes Hijioires diverjes,les habitans de Metapont appelloient fa maifonte Temple de Cérès, & la petite rue, où elle é-toit fituée, un Endroit conjacré AUX Mufes, Aurelie les autres Pythagoriciens difoient qu'il nefallpit point divulguer toutes chofes à tout Jemonde, comme s'exprime Ariftoxene dans le dixièmelivre de fes Loix d'Inftitution, où il remarqueque Xenophile Pythagoricien étant interrogé commenton devoit s'y prendre pour bien élever unenfant, il répondit qu'il falloit qu'il fût né danaune ville bien gouvernée. Pythagore forma enItalie plufieurs grande hommes célèbres par leurvertu, entre autres les Légillateurs Zaleucus Se,Charondas. Il étoit fur-tout zélé partifan de l'amitié, & s'il apprenoit que quelqu'un participoUa fes fymboles , auflltôt il recherchait fa compagnie& s'en farfoit un ami.Voici quels étoient ces fymboles ; Ne remuezpoint le feu avec l'épée. Ne pajfez point par-deffusla balance. Ne,vous ajféyez pas fur le boijfeau. Nemangez point votre cteur. Qtez les fardeaux de conart,mais n'aidez pas à les impofer. Ayez toujoursvit


«S P Y T H A G OR E.vos couvertures pliées. Ne portez pas l'image de Qieacnàbaffie dans votre anneau, Enfouijfez lestraces de la marmite dans les cendres. Ne nettoyezpas votre fiége avec de l'huile. Gardez-vous de lâcherde l'eau, le vif âge tourné vers le foleil. Nemarchez point hors <strong>du</strong> grand chemin. Ne tendez paslégèrement la main droite. Ne vous logez pointfous un toit où nichent des hirondelles. Une faut pasnourrir des oifeaux à angles crochus. Nurinez nifur les rognures de vos ongles, ni fur vos cheveuxcoupés, g* prenez garde que vous n'arrêtiez le piedfur les unes & les autres. Détournez-vous d'unglaive pointu. Ne revenez pas fur les frontières devotre pays, après en être fort». Voici l'explicationde ces expreffions figurées. Ne remuez pas lefeu avec l'dpée lignifie que nous ne devons pasexciter -la colère & l'indignation de gens pluspuiffans que nous. Ne paffez point par-dejfus labalance, veut dire qu'il ne faut pas transgreûerl'équité & la juftice. Ne nous ajjeyez pas fur leboijfeau ; c'eft à-dire qu'on doit prendre égalementfoin <strong>du</strong> préfent & de l'avenir, parce que lehaUTeau (i) eft la ^nefure d'une portion de nourriturepour un jour. Ne mangez point votrecttur fignifle qu'il ne faut pas fe laiffer abattre parle chagrin & l'ennui. Ne retournez point fur vospas, après vous ttre mis en vtyage, eft un avertis»(T) Il f • ta GitCt t* &nnh.


P Y T H A G O R E . si 7tiffement qu'on ne doit point regretter la vielorfqu'on eft près de mourir, ni être touchédes plalfirs de ce monde. Ainfi s'expliquentces fymboles , & ceux qui les fuivent ; maisauxquels nous ne nous arrêterons pas plus longtems.Pythagore défendoit fiir-tout>de manger<strong>du</strong> rouget Sç de la feche ; défenfe dans laquelleil coinprenoit le cœur des animaux & les fèves,Ariftote y ajoute la matrice des animaux& le poi&on nommé Mulet. Pour lui, commele préfument quelques-uns, il ne vivoitque de miel, ou de rayons de miel avec <strong>du</strong>pain, & ne goutoit d'aucun vin pendant lejour. La plupart <strong>du</strong> tems il mangeoit avec fonpain des légumes crûs ou bouillis, & rarementdes chofes qui venoient de la mer. Il portoitBrie robe blanche, qu'il avoit toujours foin detenir fort propre, & fe fervoit de couvertures delaine de même couleur, l'ufage de la toile n'ayantpoint encore été intro<strong>du</strong>it dans ces endroits-là. Jamaison ne le furprit en gourmandife, ni en débauched'amour, ou en yvreffe. Uï'abftenoitderireaux dépensd'autrui, &favoitfibien réprimer la co.1ère, qu'elle n'eut jamais allez de force fur fa raifonpour le ré<strong>du</strong>ire à frapper perfonne.efclaveounon.Il comparait l'inftruttion à la manière dont lescicognes nourlflent leurs petits. Il ne fe fervoitque de cette partie de la divination qui c'onfiftedans les préfaces & les augures , n'emploiant jamaiscelle qui fe fait par le feu, hormis l'en-Tomt IL K cens.


Ut P Y T H A G O R E.cens, que l'on brûle dans les facrifices fans victimes.Sacdntuaw, dit-on , étoït de n'ôffriï'que des Coqs A des' chevreaux de lait, deceux qu'on appelle tendres; mais aucun agneau.Ariftbxerie rapporte qu'il penrtettoit de mangertoutes fortes dlanimaux , excepté le bœuf quifert au labourage, le bélier & la brebis.Le mâme Auteur, ainfi que nous l'avons déjàrapporté , dit que 'Pythagorë tenott Tes dogmesde Themiftoslée, Pr&«éfle de Delphes. Jérômeraconte «.«'il deficendit aux .Enfers.; qu'il y vitl'âme d'Héfiode attachée à une colomne d'airain& grinçant les 'dents ; qu'il y apperçut encorecelle d'Homère pen<strong>du</strong>e à unarbre, *&jenvironnéede ferpens», en punition -de» "chofes qu'il avoit at»tribuées 8ux Dieux ; qu'il y fut auffi témoin desfiippiïces infligés à ceux qui ne s'acquittent pasenvers leurs femmes des devoirs de'maris; & quepar tous des récits Pythagorë fe rendit fort refpeftableparmi les Crotoniates. Ariftippe deCyrene obfeive dans fon traité de Pbyftologieque lé nom de Pytbagore t donné à ce Philofophe,fait allufion à ce qu'il paflbit pour dite lavérité, ni plus ni m'oins qu'Apollon e fit fes adpratioos quede-


. P Y T H A G O R E . njdevant des Autels qui ne fuflcnt pas teints-<strong>du</strong> fangdes animaux. 11 interdifort les jureinens par lesDieux; juremens d'autant plus inutiles, que chacunpouvoit mériter par fa con<strong>du</strong>ite d'en être cru(ur fa parole. Il vouloit qu'on honorât les vieillards,parce que lesebofes, qui ont l'avantagede la priorité de tems, exigent plus d'eftime queles autres, comme dans la nature le lever <strong>du</strong> ft>leil eft plus eftimable que le coucher, dans lecours de la vie fon commencement plus que fitfis , dans l'exiftence la génération plus que lacorruption. Il recotnmandoit de révérer les Dieuxavant les Démons (i), les Héros plus que les mortels,& Tes parens plus que les autres hommes,fl difoft qu'il faut converïer avec ceux-et de triaHiere que d'amis ils ne deviennent pas ennemis;maïs 4out au contraire que d'ennemis on s'en rasfedes amis. Il n'approuvoit pas qu'on poûedatrien en particulier, exhortoitdhacun à contribuerà ^exécution des Loix, * às'toppofer à llnjûftice.41 «trouvait mauvais que l'on gâtât ou détruifhles arbres dans le tems de Ai maturité de leursfruits, & que Ton maltraitât les animaux qui nenulfent point aux hommes. U inculquôlt la pudeur& la piété, & vouloit qu'on tint un milieuentre 1a joye ex«effive& la trifteUfe; qd'on évittttiettop «'erigraiflfer 'le corps; que tantôt'on• ' ' ' . ' itt-(t) Autrement 1 f, itt toemtoien*.Kl


tto P Y T H A G O R E.interrompit les voyages, & que tantôt on les reprit; qu'on cultivât fa mémoire ; qu'on ne dh& ne fit rien dans la colère ; qu'on refpe&ât toutesfortes de divinations; qu'on s'exerçât i jouerde la lyre ; & qu'on aimât à chanter les louangesdes Dieux & des grands hommes.Pythagore excluoit les fèves des alimens, parcequ'étant fpiritueufes, elles tiennent de la naturede ce qui eft animé. D'autres prétendentque fi on en mange, elles rendent' le ventre plusléger,& les représentations, qui s'offrent à î'efpritpendant le fommeil, moins groffieres &plus tranquilles.Alexandre, dans tes SucctJJiens des PbUofopbet,dit avoir lu dans les Commentaires des Pythagoriciens;que l'Unité eft le principe de toutes chofes; que de là eft venue la Dualité qui eft infinie,& qui eft fujette à l'Unité comme à fa caufc', que de l'Unité & de la Dualité infinie proviennentles nombres, des nombres les points,.& des ppino les lignes;, que des lignes procèdentles figuresplanes,des figuresplanes les folides,des folides les corps, qui ont quatre élcmens, le.feu, l'eau, la terre & l'air; que de l'agitation& des. çhangemcns de ces quatre élemens dan*toute», les parties de l'Univers réfulte le monde,qui eft animé, intellectuel & fphérique, ayantpour centre la terre, qui eft de même figure &habitée tout autour; qu'il y a des Antipodes ;qu'eux


P Y T H A G O R R «iqu'eux & nous.marchons pieds contre pieds; que lalumière & les ténebres,le froid & le chaud, le fec &l'humide font en égale quantité dans le monde ;que quand la portion de chaleur prédomine, elleamené l'été, & que lorsque la portion de froi<strong>du</strong>rel'emporte fur celle de la chaleur , elle caufêfhyver ; que G ces portions de froid & de chaudfe trouvent dans un même degré de proportion,elles pro<strong>du</strong>ifent les meilleures faifons de l'année ;que le primeras, où tout verdit, eftfajn, & quel'automne, où tout defleehe, eft contraire à lafanté ; que même par rapport au jour, l'auroreranime par-tout la vigueur, au-lieu que le foiirépand fur toutes chofes une langueur qui lerend plus mal-Clin; que l'air, qui environne laterre, eft immobile, propre à caufer des maladies, & à tuer tout ce qu'il renferme dans foi»volume ; qu'au contraire celui, qui eft aa-deflus,agité par un mouvement continuel, n'ayantrien que de très pur & de bienfaifant,.ne contientque des êtres tout à- la fois immortels &divins ; que le foleil,. la lune & les autres aftres.font autant de Dieux par l'excès de chaleurqu'ils communiquent, & qui eft la caufe.de la.vie - t que la lune emprunte fa lumière <strong>du</strong> foleil ique les hommes ont de l'affinité avec les Pieux»en ce qu'ils participent à la chaleur; que pourcette raifon la Divinité prend foin de nous ; qu'ily a. une deftinée pour tout l'Univers, en gé- 'K %né-


m K . - T Y T B A Q O R . l t .néral, pour chacune de fies parties en particulier,& qu'elle eft le principe <strong>du</strong> gouvernement <strong>du</strong> monde;quelesrayons <strong>du</strong> foleil pénètrent l'éther froii& l'éther épais. Or ils appellent l'air Pêther froid,& donnent le nom d'éther épais à la. mer & àl'humide. Ils ajoutent que ces rayons dit foleilpercent dans les endroits les plus profonds-» &que par ce moyen ils vivifient toutes chofes;qt»tout ce qui participe à la chaleur eft doué devie; que pal conféquent les plantes .font animées,mais qu'elles n'ont pas toutes une ame; que l'ameeft une partie détachée de l'éther froid &chaud, puisqu'elle partfeipe à l'éther froid;qu'elle diffère de la vie en ce qu'elle eft immortelle, cr dont elle eft détachée, étant de mêmerBature ; que les animaux s'engendrent les uns desautres paf le moyen de la femence, mais quecelte, qui riait de la terre, n'a point de confidence,-que la femence eft une diftittation dt*cerveau, laquelle contient une vapeur chaude;,que lorsqu'elle eft portée dans la matrice, les.matières groffiere9 & le fang, qui viennent d»cerveau, forment les chairs, les nerfs, les os,,le poil & tout le corps, mais que la vapeur, quiaccompagne ces matières, conftitue l'ame &lés feni; que te premier aflfemblage des partie*<strong>du</strong> corps fâ- riait dans l'efpace de quarantejours, & qu'après que, fuivant des régies depropottion, l'enfant a acquis fon parfait accroif--fe-.


ï T H A G O R E. **3•, filment en fept ou neuf, ou au plus tard en dixmois, il vient au monde; qu'il a en lui-même le»principes de vie, qu'il reçoit joints enfcmble, &dont chacun fe développe dans un tens marqué,félon des règles harmoniques; que lei fens-fonten général une vapeur extrêmement chaude, & lavue en particulier , ce qui fait qu'elle pénétredans l'air & dans l'eau ; que la chaleur éprouvantune réfiftaaoe de la part <strong>du</strong> froid, fila vapeurde l'air était froide, eHe fe perdroit dans un airde même qualité. Il y a des endroits où Pythagoreappelle les yeux les portes <strong>du</strong>foleiï, & e*dit autant fur l'ouïe & fltr'les autres fens.lldivife l'ame humaine en trois parties, quffont l'efprit, la raifon & k paiDon. Ce Philofopheenfeigne que l'efprit & la paflion appartiennentauffi aux autres animaux; que k raifonne fe trowve que dans l'homme; quels principe.de l'an» s'étend depuis* le c«ur juftptf au cflsveau,&


124 P Y T H A G - O R E .•l'ame ; mais que lorfqu'elle vient à fe fortifier &qu'elle fe renferme en elle-même, alors les paroles& les allions deviennent fes tiens (i) ; quel'ame, jettée en terre, erre dans l'air avec l'apparenced'un corps ; que Mercure eft celui qui préfidefur ces êtres, & que de là lui viennent lesnoms de Con<strong>du</strong>&eur, de Portier, & de Terreftre,parce qu'il tire les âmes des corps, de la terre& de la mer, qu'il con<strong>du</strong>it au Gel les âmespures , & ne permet pas que les âmes imputesapprochent, ni de celles qui font pures , nife joignent les unes aux autres ; que les Furiesles attachent avec des liens qu'elles ne peuventrompre ; que l'air entier eft rempli d'ames,* qu'onks appelle Démons & Héros ; qu'ils envoyentaux hommes les fonges, leur annoncent la fanté& la'maladie, de même qu'aux quadrupèdes &aux autres bêtes; que c'eft à eux que fs rapportentles purifications, les expiations, les divinationsde toute efpece, les préfages, & les autreschofes de ce genre. •Pythagore difoit qu'en ce qui regarde l'homme,lien n'eft plus confidérable que la difpofition del'ame au bien, ou au mal, & que ceux, à quiune bonne ame écheoit en partage, font heureux;qu'elle n'eft jamais en, repos, ni toujours dans lemême mouvement j que le jufte a l'autorité deju.(i) U n'y a. point de note fiu ce pstflage;


P Y T B A (!• O M5, «Sjurer, & que c'eft par équité que l'on donne tJupiter l'épithete de Jureur ; que la vertu, la.ûnté & en général toute forte de bien, uns enexcepter Dieu, même , font une harmonie, aitmoïen de laquelle toutes chofes fe foutiennent;.que l'amitié eft auffi. une égalité harmonique iqu'il faut honorer les Dieux & les Héros, maisson également; qu'à l'égard des Dieux,. on doiten tout tems célébrer leurs louanges avec chafteté& en habit blanc,, au - lieu que pour lesHéros, il fuffit qty'on leur porte honneur après;que le foleil a achevé la moitié de. la courfe delàjournée; que la pureté de corps s'acquiert parles expiations, les ablutions & les afperfions,en évitant d'affilier aux funérailles,. en fe fevrantdes plaifirs de l'amour, en fe préfervant de toute;fouillure, en s'abftenant de manger delà chaird'animaux fujets à. la mort & fufceptibles de cor-«îption, en prenant garde de ne point fe nourrirde mulets & de furmulets % d'œufs ,. d'animauxovipares, de fèves, & d'autres alimens prohibés;par les Prêtres qui préfident aux myfteres qu'ontcélehre dans les Temples.. Ariftote r dans fomKvre des. Fèves, dit que Pythagore en défendbitl'ufcge, foit parce qu'elles ont. là figure d'unechofehonteufe, foit parce qu'étant le fèuf des;légumes qui n'a point de nœuds, elles fontl'emblème de la auauté & reffemblent à laK smort?


at& F Y T H A & & IL E.àort (i) , ou parce qu'elles deflechent, ou qu'ellesont quelque affinité avec toutes les pro<strong>du</strong>isions'de la nature, ou parce qu'enfin on s'eafervoit dans le gouvernement Oligarchique pouftfrer.au fort les fujets qu'on âvoit à élire.. Il nevouloit point qu'on ramaflat ce qui tomboit de latable pendant le repas, afin qu'on s'accoutumât àmanger modérément, ou bien en vue de quelquecérémonie myftérieufe. En effet Ariftophane ,dans fon traité des Demi-Dieux, dit que ce quitombe de la table appartient aux Héros. Voici:fis ternies ; Ni mangez point ce qui eft tombé de latable-. Pythagore comprenort dans fes défenfescelle de manger d'un coq blanc,par la raifonqueuet animal eft fous la protection de Jupiter , queli couleur blanche eft le fymbole des bonnes chofès,que le coq eft confacré à la lune, & qu'il indiqueles heures (a). Il en difoit autant de certainspoiffons, lefquels, confacrés aux Dreux, i!ne convenoit pas plus de lervir aux hommes, qu'il :étoit à" propos de préfencer les mômes mets auxperfonnes libres & aux efclaves. Il ajoutolt quece qui eft blanc tient de la nature <strong>du</strong> bon, & tenoir <strong>du</strong> mauvais ; qu'il ne faut pas rompre lepain ,. parce qu'anciennement les amis s'aflembloient.(t) Allufion a ce qu'on touchoit les genoux de ceuxi*tit on imptoioit la mife"ricoide, 8c 1 ce que la mort eft :dite inexorable. ^Aldthrtndh.(i) Je fuis fut ce paffage une fa van te note de t<strong>du</strong>itjf.


T Y T H" A G a R E.. n?rHoient pour le manger enfemblè, comme cela fepratique encore chez les étrangers , infinuant.par-là qu'on ne doit pas diflbudfe l'union de l'a- 'mitié. D'autres interprètent ce précepte comme:relatif au jugement des Enfers, d'autres-commeayant rapport au courage qu'il faut conferver pouxrIa guerre , d'autres encore comme une marqueque le pain cft le commencement de toutes chofes.Enfin le Philofophe prétendoit; que la: formefphérique eft la plus belle des corps folities, &que la figure, circulaire l'empotft: en beauté furrlés figures planes; que là vieilleffe, & tout' ce qui:éprouve quelque diminution,,reflbrtit à une loticommune; qu'il en eft de même de la jeunefle &de tout ce qui prend quelque accroiffemenxj que lai -famé eft la perfererance.de l'dpece dans le mêmeétat, au-lieu que la maladie en eft l'altération..Il recommandoit de préfenter <strong>du</strong> fel dans lès repas,. afiai qs'on penfàt à la juftke, parce que lefel préfënre de corruption , & que par refferwfcence<strong>du</strong> fbleil il eft formé des parties les plusparesde l'eau de la mer.. Voilà ce qu'Alexandre dft avoir lu dans les-.;Commentaires des PhHofopbes Pythagoriciens>,&ca quoi Ariftoce eft d'accord avec Lui.Timon, qui cenfure Pythagore dans fes poéûe»SoufFonnes , tfa pas épargné ût gravité & faHiodeftie.Pytbagort, dit-il, ayant rtnmtci à la Magie, •K 6ïefi-


2a* P Y T H A O O R E .s'eft mis à enfeigner des opinions pour Jurprendrelis bonnes par fes conv erfations graves S* myjiirieujes.Xénophane relevé ce qa'affûroit Pythagorequ'il avoit exifté auparavant fous une autre forme rlorfque dans une Elégie il commence par ces paroles:Je vais parler d'autres cbofes , je vais vousindiquer le chemin. Voici comme en parle Xénophane:!On rapporte qu'en paffant, il vit un jeune ebitnqu'on battoit avec beaucoup de cruauté. Il en eut compajfton,& dit: Arrêtez, ne frappez plus. Ceftl'ame-.infortunée d'un de mes amis; je le reconnois àfavoix^Cratinus lui lance auû? des traits dans (h .pièceintitulée, La Pythagoricienne. Il l'apoftrophe ences termes dans celle qui a pour titre,. Les Ta*-rentins.Ils ont coutume, lorfque quelqu'un fans étude vientparmi eux , d'effayer la force de fon génie , «tconfondant fes idées par des çbjeSions, des conclufionst des propofitions compoféés de membres qui ferejfemblent, des erreurs fcf des difeours am*poules ; tellement qu'ils le jettent dans un Ji étrangeembarras, qu'il n'en peut finir.Mnéfimaque, dans fa pièce d'Alcméon t s'exprimeain.fi- " . i.Nous facrifions à Apollon j. comme façrifient les:Tytbagoriciens, fans rien manger d'animé..Aiiflophon de ibn côté, plaifante fur le comptedm


P Y T H A G O R E. « r<strong>du</strong> Fhilofoph* dans fa pièce ,. intitulée Le Pythagoricien..Pytbagore racontât qu'étant defcen<strong>du</strong> aux Enfers r ,il vit la- manière de vivre des .morts & les obferv*.tous ; mais qu'il remarqua une: grande différenceentre les Pythagoriciens £? les autres t les premiersayant feuls l'honneur de manger avec Plut on en confidérationde leur piété-, A^ Il faut, félon ce quevous.dites, que Ce Dieu ne foit pas-délicat, puiP.qu'il fe plait dans la compagnie de gens fi fales.Il dit auflî dans la même pièce: Ils mangentdes légumes & boivent de Keau; mais jt défie queperfonne puiffe fupporter la vermine qui les couvre^,leur manteau fale & leur craffe.Pythagore eut une fin tragique* Il é(oifr cherMyJon avec fes amis ordinaires ..quand quelqu'un*de ceux, qu'il avoit refufé d'admettre dan* cettecompagnie, mit le feu à la maifon. Il y en *qui accufent les Grotoniates d f avqir commis cetttaction par la crainte qu'ils avoient de fe voir impoferle- joug de la Tyrannie. Ceux-là racontentque s'étane fauve de l'incendie, & étant res-,té feul, il fe trouva près d'un champ planté defèves, à l'entrée <strong>du</strong>quel.il s'arrêta» en difant.*'Il vaut, mieux fi laiQer prendre que fouler auxpieds ces légumes, & j'aime mieux périr que par. -,1er. Ils ajoutent qu'enfuite il fut égorgé par ceux,qui le pourfuivoient ; que plufieurs de fes amis,au. nombre, d'environ quarante, périrent dans cette


*& P r T H A G O R E.occafion ; ' qu'il y en eut fort peu qui Te fauv**-rent, entre autres Archytas de Târente & Lyfis,.,dont nous» avons* paWé ci-defTus. Dicéarque ditque Pythagore mourut à Métapont dans le Templedes Wufts où il s'étoit réfugié, & 06 la faim.k confùma au bout de quarante jours. Héracli.de, dans fon abrégé des Vin de Satyrus , pré*tend que Pythagore , ayant enterré PhérecydedansTUIe de Delos, revint en Italie, fe trouva alungrand feftln d'amitié, que donnok Mylon de©rotone, & qu'il s'en fut de là à Métapont, où,ennuyé de vivre, it finit fes jours en s'abftenantde nourriture. D'un autre côté Hermippe rapporteque dans une guerre entre les-Agrtgentfiw& les Syracufoins, Pythagore courut avec lès a-mis a» fecotirs desi premiers; que les Agrigerrtin*-furent battus, &que Pythagore lui-même fut tuépar tes vainqueurs pendant qu'il faifoit le tourd'un champ planté de fèves. Il raconte encore -que les autres, au nombre de près de trente-cinq,furent brûlés à-Tarente, parce, qu'ils s'oppefoiencà- ceux qui avoient le gouvernement en main.Une autre particularité dont Hermippe fait mention, eft que le Philofophe, étant venu en Italie, fefît une petite demeure fous terre; qu*tt recom*manda à fa raered'écrire fur des tablettes tout ceqai fe paflêroit; qu'elle eut foi» d'en marque*l«sépoques, & dé lés lui envoyer torique repareftfoit;que Ht mère exécuta: la commiffion ; qu'aubout


p y T n A do é fii * 3t .bout de quelque tems, Pythagore reparut avecun air défait & décharné ; que s'étant préTeritè"au peuple , il dit qu'il venoit des Enfer»,' quepour prtuve de vérité, il lut publiquement toutce qui étoit arrivé pendant fon abfence; que le»,afliftans, émus de fes difcours, s'abandonnèrentaux cris & aux larmes; que regardant Pytbagorecomme un homme divin, ils lui amenèrent leursfemmes pour être inftruitcs de fes préceptes, &que ces femmes furent celles qu'on appella Pythagoriciennes.Tel eft le récit d'Hermippe.Pythagore avoit époufé une nonrmée Tbtmo,.fille de Brontin de Crotone. D'autres difent qu'elleétoit femme de Brontin, & qu'elle fut difciple<strong>du</strong> Philofophe. Il eut auflî une fille, nomméeDamo, félon Lyfis dans fon épttre à Hipparque,.où il parle ainfl de Pytbagore : Plufieurs perfonnesvous accufent de rendre publiques les lumièresde la Pbilofopbie, contre les ordres de Pytbagore,qui, en confiant Jet commentaire! à Damo fa fille ylui défendît de les laijfer fortir de cbez elle. Eneffet quoiqu'elle pût en avoir beaucoup d'argent ,.elle ne voulut jamais les vendre, (f aima'mieux,toute femme qu'elle étoit, préférer à la ricbejfela pauv/reté es" les exhortations de fon père. Pythagoreeut encore un fils , nommé Telauge,. quilui fuccéda, & qui, félon le fentiment de quelques-uns, fut le Maître dTLmpedode. On citeces paroles que celui-ci adreflk à Telauge : lllujlrefil*


«j» P Y T H A G Q R E .fis de Tbeano 6? de Pytbagore. Ce Telauge n'a.rien écrit ; mais on. attribue quelques ouvrages àùL mère. Ceft elle, qui, étant interrogée quand*une femme devott être cenfée pure <strong>du</strong> commercedes hommes,répondkqu'e#e Vitoittoujours avec finmûri, i§jamais avec d'autres. Elle extiortoit auflïles mariées, qu'on con<strong>du</strong>ifoit à leurs maris, de nequitter leur modeftie qu'avec leurs habits, & dela reprendre toujours en fe r'habillant. Quelqu'unlui ayant demandé de quelle modeftie elle parloit*elle répondit». De celle fui efi. la principale distinctionde mon fixe..Héraclide, fils de Serapibn, dit que Pythagoremourut âgé de quatre-vingts ans, félon le partagequ'il avoit lui-même fait des différens âgesdela vie ; mais fuivant l'opinion la plus générale,il parvint à l'âge, de quatre-vingt-dix ans. Cesvers., que j'ai compofés à fon fujet, contiennentdes allufions à fes fentimens.Tu n'es pas lefeul, 6. Pytbagore! qui t'abjlienrde manger des ebofes animées ; nous faifins la mime,ebofe. Car qui de nous fe nourrit de pareils aitmens?Lorsqu'on mange <strong>du</strong> rôti, <strong>du</strong> bouilli, ou <strong>du</strong>filé, ne mange-t-on pas des ebofis qui riant plus mvie, nifentimenttEn voici d'autres fëmblablesrPytbagore itoit.fi grand Pbihfipb'e, qu'il nevoulait point goûter de viande, feus prétexte quec'eût été. un crime. D'tu vient donc en rigaloit-il


? Y T H A G O R E. *«fis amisl Etrange manie! de regarder comme permisaux autres et qui l'on mit mauvais pourfoi-mime.En voici encore d'autre».Veut-ori connéttre Vefprit' de Pytbagore, que Tontnvifage la face empreinte far le (1) bouclier d'Euphorbe.Il prétend que c'eft-là ce qu'il étoit lorsqu'ilvivait autrefois, & qu'il n'était point alors etqu'il efi à préfent. Traçons ici fis propres paroles:Lorsque j'exijiois alors, fi n'éteis point ce que fifais aujourd'hui.' .,Ceux-ci font alrafîôn à fa mord,Hélas! pourquoi Pytbagore honore t-il les fivetau point de mourir avec fis difiiples pour l'amourd'elles. Il fi trouve près d'un champ planté de etlégume ; il aime mieui négliger la confervation defa vie par ftrupule de les fouler .aux pieds «ILprenant la fuitej qu'iebapper à la .main meurtrièredes Âgrigtntins en fi rendant coupable d'uncrime. :JIl fleuriflbic vers la LX. Olympiade. L'école,dont il fut le fondateur, <strong>du</strong>ra près de dix-neuf générations,puifque tes derniers Pythagoriciens,que connut Ariftoscené, furent Xénophile Chai,cidien de Thrace , Ffaanton > de , Bhliafie,• i. ;•. < • Eche-,(l) Il y a , Ttgtrin. le milim dn imclier d?&$fhntt+On dit que le milieu des bouclieii étoit relevé 1 en boffe.Le fens d'ailleurs donne a connoitie qu'on voyait fil»celui-ci les tiaits d'Euphoibe,


43* P Y T H A G O R E.Echecrates., Diodes , & Polymnefte, auffiWiliafiensi. Ces PhUofophesétoient difçiple»de Philolaus & d'Euryte, tous deux- nttift. deTarente.1k yr eut qaatte PythagQïes qui vécurent dansle mène tsms, & non; loi* l«s uns des, autres»L'un étoit de Crotone, homme. d'un carabe*te fort tytannique ; l'autre de Pbliafifi, Maîtred'exercice» & Baigneur (i),. à ce qtfoa dit ; latroifitme, ni iZacynthe, auquel ont attribuedes myfteres de Philofophie qu'il eafeignoit,& l'ufage de cette expreflSan ' pnowbjalfl,. LeMatlra Va. Ht. Quelques-uns ajoutent à cero-là«a Pytbagore.de Reggio, Statuaire de profeJEo»,& qui paflè pour avoir lé premier réuSx dans le*proportions; un autre deSamos^auffiStatuaire;*& troifieme, Rhéteur, mais peu eftimé;, uaquatrième, Médecin, qui donna quelque traité;for la: Hernie &. tut Homère.. Enfin Denys pari*d'un Tythagore, Ecrivain en langue Dorique.Eratoffhene, en cela d'accbid avec Phavorindans fon Hijhirt Divtrfi, dit que dans laXLVIILOlympiade celui-ci combattit te premier, feloales règles- de l'art, dans les combats <strong>du</strong> aefle?qtfayant été chaffifr & infulté par les jeune»gens à caufe qu'il portoit. une longue chevelureCi) Je pcea» (tmot poui l'rfqoivaknt «te Croc, où ilf. » proprement, qui tigntit Ut W*W*WA .


PrTBiffQRK «35H & me robe- de pourpre, il futff fenfïble à cetaffront, qu'il alla fe mefurer avec des hom.mes & les vainquit. Théœtete lui adreffe cetteEpigramme :Pajjfant, faciès que et Pytbagers de Samos àlongue chevelure fe rendit fameux dans lestmtats <strong>du</strong> Cèfte. Oui, te dit il , je fuisPjtbagore, & Ji tu t'informes à quelque habitantiEîèe quels furent mis exploits, tu en apprendrasiiscbofes incroyables. 'Phavorin affîtoe que ce Pythagore fe fejw>ftde définitions' tirée» de» Mathémsiiquea, queSocrate et fts feftateurs eri firent on plus fréquentufage, lequel Ariftote $ les Stoïcien» furvireataprès eux (i); On le répute encore pour lepremier qui donna air ciel te nom de Mondt, &qui crut que fe tettle eft orbicutaîite } ce quenéanmoins Théophrafte attribue à Parmenîde,4Zenon à Héfibdé. Oit prétend 1 de plus qu^reut*BB adverfaire dan* la perfonne de Cydon, commeSocrate eut le fien dan* celle d'Antidbcnî (2).Enfin on a vu courir l"Epigraunne fùivante a L'oocafion de cet Athlète :Ce Pythagore de Samos, ce fils de Crateus, toutà h fois enfant £? Athlète, vint, <strong>du</strong> berceau g-Olym.'(l) Fmgmllti'iit que Phavorin s'eft trempé', en confondantPythagore l'Aihleieavec le PhUofophC. Diogeae.ne dtftmgue pas eiàitewent ces faj«tf.il) Voyez 1» note de Mtruii.


126 P Y T H A G O R. E.Olympie fe dijlingucr dans les cmbats <strong>du</strong> Cejte.i Revenons a Pythagore le Philofophe , dontToici une lettre.Pythagore à 4naximeite.„ Vous, qui êtes le plus eftimable des ho»:„ mes, fi vous ne furpaflîez Pythagore en no-„ blefle & en gloire, vous euffiez certainement„ quitté Milet pour nous joindre. Vous en„ êtes détourné par l'éclat que vous tene2 de„ vos ancêtres, & j'avoue que j'aurois le mê-„ me éloigneme&t, fi j'étois A&aximene ? Je„ conçois d'ailleurs que fi vous quittiez vos vil-„ les, vous les priveriez de leur plus beau luftre,„ & les expoferiez à l'invafion des Medes (i).,, Il n'eft pas toujours a propos de contempler„ les aftres, il convient auflî que l'on dirige Tes„ penfées & fes foins au bien de fa patrie.„ Moi-même, je ne m'occupe pas tant de„ mes raifonnemens, que je ne m'intérefle„ quelquefois aux guerres qui divlfent le»„ Italiotes".Après avoir fini ce qui regarde Pythagore,. ilnous refte à parler de fes plus célèbres feftateurs,& de ceux que l'on met communément dans cenom-* C'}, Vo y« daiu le livre fécond nne lettie d'Anaximene:* r^toagoie.


T Y T H A G 0 * E. 437•ombre ; à quoi nous ajouterons la fuite des plusfavans hommes jufqu'i Epicure, comme nousnous le fommes propofé dans le plan de cet Ouvrage.Nous avons déjà fait mention de Theanus& de Telauge, i préfent nous entrerons enmatière par Empedocle, qui, félon quelques-uns,fut difciple de Pythagore.•I ', )iEM


l 5 8 E M P E D O C L E .EMPEDOC LE.EMpedocle d'Agrigente ïut -ffls &e Metsn j ftpettt-rîte "d'Etupedoéîe. -C'èft le featàmeiïtd'Hippobote & celui déTjhnëe.-qui, dans le^uirhzleme livre de fes Hiftoires,' dépeint Empedocle,ayeul <strong>du</strong> Poëte, comme un homme fort diftingué.IJermippe approche de leur opinion, & Héradide,dans fon traité des Maladies, la confirme,en affûrant que$| (jîarni^ereTi'Empedocle de£cendoit de famiH|;*éWLé» &•*pf.fl entretenoit deschevaux pour fonjtây^TZwtMhene, dans feiFïSloires Olympia/tes ^ta0:1 .Doutes ces particula*rites que le père de-Meton remporta le prix dansla LXXI. Olympiade, en quoi 11 s'appuye <strong>du</strong>témoignage d'Ariftote. Apollodore h Grammairien,dans fes Chroniques, eft de l'avis de ceux quifont Empedocle fils de Meton. Glaucus rapportequ'il fe rendit chez les Thuriens lorsque cetteColonie ne venoit que d'être fondée. Cemême Auteur remarque plus bas que ceux,qui racontent qu'il s'enfuit de fa patrie , &'que «'étant réfugié chez les Syracuftins,H porta avec eux le» armes contre le peupled'Athènes, ne prennent pas garde aux époques :„ car, dit-11, ou II devolt être mort en ce tenu-„ U, ou fort avancé en âge; ce qui n'eft nulle-„ ment


E M ? S D 0 C L S. «357, ment vtaifemblablc, puisqu'Ariftote obferfleV, ; qu'Heraclite ufi-mêmé qu'il naquitàjAgrigente en 5irile. Voici ee qu'il i dit de tkl*atrie dans:re8orde dettes vers ûrrlespurlflca*«ions* i • • ' . - .Cforr ^wiJ, qui k&lttz fo farmuje Cité jfituUfuit tofletot^va^item : .viiftfi-mfifà*kto.C'en) çft afle* rurfon orjgbw. Timée r*cox*«e dans fon neuvième Une qulti fut hippie 4a


*4» E M P £ D 0 C L E.Pythagorej mais qu'ayant été furprîs, commePlaton, dans un larcin de papiers, il ne fut.plu» admis aœrconverfàtions de « Philofophe.-C'eft de lui qu'Empedocle parle dans cesvers.. Entre ceux-là itoit un homme qui cmnoijfoitles cht\fes les plusJubtimcs, fif qui pojpsdek plusfut'perfome les ritbejjït dej'ame. . )D'autres 1 prétendent qu'en s'énoncant ainfi.,Empedocle avoitégaiid à Parmenide, Néantherapporte que les Pythagoriciens avoient coutume4e corivèrfer enfemble jûfqtfau tems de Philobas& d'Empedocle; mais que depuis que celuicieut divulgué leurs fetltimens par fis vers, enfit une loi qu'aucun Polte :ne feroit.admia dansleurs entretiens. On raconte la même ichofe dePlaton, qui pour un pareil cas 1 fut exclu <strong>du</strong> commercedes Pythagoriciens. Cependant Empedoclene défigne pas lequel de ces Philofophesfut Celui dont il étudia les préceptes-, & on nepeut guires ajouter foi i une préten<strong>du</strong>e épltredéjTelaugè, où' il eft dit; qu'iU'attacbaià HipptfeA à Brontlnt Selon Théophafte,' >ilfut l'éstutede Parmenide, lequel il fe propofa pour modèledans fes poéfles. En effet il parle dans fes versde la doctrine de la nature , mais Hermippefcutieht -que ce fut Xénophaoe , > & non Par»«enide, qu'Empedocle voulut égaler; qu'ayantété -long.tems,' en liaifoû avec le premier', il en•i"-imi*


.ï M'P ED'O CL t *4timita le génie poétique, & qu'enfuite il fréquentales Pythagoriciens. Alcidamas, dansta, Pbtfique, rapporte que Zenon & Empédocleprirent dans le même tems les inftructionsde Parmenide, mais qu'après s'êtreféparés, Zenon continua fes études de Philofopbieen particulier, & qu'Empedocle fe mitfous la difcipline d'Anaxagore & de Pythagore,ayant imité l'un dans fes recherches fur la nature,& l'autre dans la gravité de fes mœurs &de fon extérieur.Ariflote, dans fôn ouvrage intitulé Le Sopbîflc,attribue i Empedocle l'invention de la Rhétorique, & donne celle de la Dialectique à Zenon.Dans fon livre des Poètes il dit qu'Empedodçreûembloitbeaucoup à,Homere, qu'il avoit l'élocationforte, & qu'il étoit riche en métaphores& en d'autres figures poétiques. Il compofa entreautres un pofiine fur la defcente de Xerxèsen Grèce & un Hymne à Apollon; pièces quefa fœur ou fa fille, allure Jérôme, mit au feu,l'Hymne fans y penfcr , mais les Perfiques àdeûein, fous prétexte que c'étoit un ouvrage im- -parfait. Le même Auteur veut qu'Empedocleait auflî écrit des tragédies & des ouvrages depolitique; mais Héraclide, fils deSérapion, prétendque les tragédies, qu'on lui fuppofe, fontd'un autre. Jérôme attefte qu'il lui en eft tom-. bé quarante-trois entre les mains,.& KeantheTome II. L cer-


242 E M P E D O C L E.certifie avoir lu des tragédies faites par Emped«-cle dans le tems de fa jeunefle.Satyrus, dans fes Vies, le qualifie Médecin& excellent Orateur. La preuve qu'il en allègue, eft qu'il eut pour difciple Gorgiis de Léonte.fameux en ce genre de fcience, & qui alahTédes règles fur l'Art de bien dire. Apollodore,dans fes Chroniques, remarque que Gorgias vécutjufqu'à l'âge de cent neuf ans , & Satyrus ra-. conte qu'il difoit avoir connu Erapedocle, exerçantla Magie. Lui-môme en convient dans fespoéfies lorfqu'entre autres chofes il dit :Fous connoîtrez les remèdes qu'il y a pour lesmaux 6? pour foulàger la vieillejfe;^ vous ferez lefeul à qui je dormirai ces lumières. Fous réprimerezla fureur des vents infatigables qui s'élèventfur la terre, &? dont l'haleine deffiche les champlabourés; ou bien, fi vous voulez, vous pourretexciter les ouragans, vous ferez naître la fecheresfedans les tems pluvieux, vous ferez tomber dansles faifons les plus arides ces torrens d'eau qui déracinent le s arbres & gâtent les tnoijfons, vouspourrez même évoquer les morts.ïimée , dans le .dix-huitieme livre de fesHiftoircs, dit auffi qu'Empedocle fe fit admirer àplufieurs égards ; qu'un jour fur-tout tes ventspériqdiqucs, qu'on nomme Etéfiens, s'étant élevésavec tant de violence qu'ils gâtoient tous lesfruits,, il ordonna qu'on écorchât des ânes ; que• - de


E M P E D O C L E; 243ié leur peau 'ton fît dés outres , qu'enfuite OHles pla#t au haut des collines & fur les Commetsdes<strong>mont</strong>agnes pour rompre le vent, lequel ceflaen effet; ce qui le fit furnommer Maître des vents.Heiaclide, dans fon livre des Maladies, asfûrequ'Empedocle diéta à Paufanias ce qu'il a.écrit touchant une femme que l'on réputoit pourmorte- Selon Ariftippe & Sàtyrus , il avoitpour .Paufanias une amitié fi particulière, qu'illui dédia fon ouvrage fur la Nature , en employant*es termes: Ecoutes-moi, Paufanias,'filsivfage Anchite. Il lui fit encore l*Epigrammefiiivante :Gela efl la patrie <strong>du</strong> célèbre difciple d'Efculape,it Paufanias, furnommé fils d'Anciite, de celuiqui a faimi <strong>du</strong> pouvoir de Proferpine plufieurs malades, attaqués de langueurs mortelles.Héraclide définit cet empêchement de la refplrationun état, dans lequel le corps peut feconferver trente jours fans refpiration & fan*battement


«44 E M F E D O C L E .mortel, lorfque je viens., honoré convenablement detout le monde, me rendre auprès de vous. :Quand^grné de couronnes ou de guirlandes, j'approche deces florijfantes villes, les hommes & les femmesviennent en foule me rendre leurs hommages.^ Jtfuis accompagné de ce grand nombre de gens qu'at*tire la recherche <strong>du</strong> gain, de ceux qui s'appliquentà la Divination, -de ceux enfin qui fouhaitent d'acquérirla fcienoe de connoitr.e les maladies 6? deprocurer la fantè.Empedocle appellent Agrigente une vflle confidérable,parce que, dit Potamilla, elle contenoithuit cens (i) .mille habitans. De là ce motd'JEmpedocle fui la mollette de cette ville : LesAgrigentins jouïjfent des plaijirs avec autant d'orieurque s'ils dévoient mourir demain,& bâtifftntdes maifons comme s'ils avaient toujours à vivre*Cléomene, chantre de vers héroïques, recita iOlympie ceux qu'Empedocle fit pour l'ufage des«xpiatipns , comme le rapporte Phavorin dansfes Commetaaires. Ariftote dit qu'Empedocleavoit de généreux fentimens, & qu'il étoit fiéloigné de tout efprit de domination,* qu'au rap.fort de Xanthus qui vante fes qualités, la Royautéà Empedocle qu'il eft un Dieu ; mais outre que le Grecne dit pas abfolumcnt cela, je ne penfe pas que jamaisf eifonne fe foit {crieufemtnt dit immortel. MOULU expliquecela des progrès d'Empedocle dans la fageOe.< i) Mmd!t corrige d'aptes Pochâtt Se Diodoie ; deuxtm milli.


£ lrf F E D O C L E S45té lui ayant été offerte, il la refufa par prédfleftionpour une condition médiocre. Timéeajoute i ce trait le récit d'une occafion où il fitvoir qu'il avoit le cœur populaire. Il fut in-.vité à un repas par un des principaux de laville, & comme on fe mit à boire avant que defervir fur table, Empedocle, témoin <strong>du</strong> illencedes autres conviés, s'impatienta & ordonna qu'onapportât dequoi manger. Le maître <strong>du</strong> logiss'excufa fur ce qu'il attendoit on Officier <strong>du</strong> Confeil.Il arriva enfin, & ayant été établi Roi dela ftte par tes foins de celui qui donnoit le régal,il fit entrevoir aflez clairement des difpofltionsà la tyrannie, en voulant que les conviésbûflent, ou- qu'on leur répandit le virr fur la tête.Empedocle Ce tut; mais le lendemain ilconvoqua le Confeil, fit condamner à mort cetOfficier & celui qui avoit fait les fraix <strong>du</strong> repas.Tel fut 1* commencement de la part qu-'il pritaux affaires publiques. Une autre fois le MédecinAcron prioit le Confeil de lui afllgner une-place où il pût élever un monument à fon père,comme ayant furpaffé tous les Médecins en fa-•oir. Empedode empêcha qu'on ne lui octroyâtfk demande, tant par des raifons prifes de l'égalité,que par le difcoûrs qu'il lui tint : Quelleinfcription voulez-vous, lui demanda-t-il, qu'onMette fur le monument? fera-ce cette Epitapbe:Le grand Médecin Acron d'Agrigente,fils d'unL. x * t"


*4


E M P E D O C L K «47Empedecle, bérijfé de ternes <strong>du</strong> Barreau,6f «1cecifupérieur aux autres, créa des Magijirats qui^voient befpin qu'on leur donnât des féconds.Il y a différentes opinions fur le fujet de famort. Hëraclide, qui détaille l'hiftoire de lafemme cenfée n'être plus en vie, dit qu'Empe.docle, l'ayant ranimée & mérité beaucoup degloire par ce prodige, fit un facrifice dans lechamp de Pyfianafte, auquel il invita fes amis,<strong>du</strong> nombre, defquels fut Faufanias; qu'après lerepas-,, quelques - uns fe retirèrent pour fe repo»fer, quelques autres fe mirent fous les arbresd'un champ voifin , d'autres s'en allèrent ofcHs voulurent;qu'Empedocle fe tint dans la placequ'il avoit occupée pendant le repas; que le lendemainchacun s'étant levé, il n'y eut qu'Empedoclequi ne- parut, point; qu'on le chercha &queftk>nna les Domeftiques pour favoir ce qu'ilétoit devenu; qu'un d'entre euK déclara qu'à minuitil avoit enten<strong>du</strong> une voix forte, qui appeltoitEmpedode par fon non?; que là-deiTus H s'étoitlevé', mais qu'il n'avoit apperçu rien d'autrequ'une lumière célefte & la lueur de flambeaux ;que ce difeours caufa une furprife extrême; quePauûnias defeendtt de la chambre /& envoya desgens à la découverte d'Empedocle ; qu'enfin iteeûa de fe donner des peines inutiles, en dtfant'qu'Empedocle avoit reçu un bonheur digne de ladévotion, qu'il »voit. fait pàroltre» & qu'il fal>L. 4. loit


.148 E M P E D O C L E .toit lui immoler des vi&imes comme à un hommeélevé au rang des Dieux. Hermippe contreditHéraclide en ce que le facrifice fut offert à Poecafion d'une femme d'Agrigente nommée Panthéty qu'Empedode avoit guérie, quoiqu'abandonnéedes Médecins : à quoi, il ajoute que lesombre de ceux, qu'il avoit invités, fe <strong>mont</strong>oiti près de quatre-vingt perfonnes. Hippoboteraconte qu'à fon réveil Empedocle prit le chemin<strong>du</strong> <strong>mont</strong> Etbna , qu'il fe précipita dans lescuvertures de cette <strong>mont</strong>agne , & difparut ainfidans le deflein de confirmer par-là le bruit de fonapothéofe ; mais que la chofe fe découvrit par un fandale,travaillé avec de l'airain,que le volcan rejetta envomiffant des flammes, & que l'on reconnut être undes fiens,tels qu'il avoit coutume d'en porter, kéanmoinsce fait fut toujours démenti par Paufanias.Diodore d'Ephefe , en parlant d'Anaximan»dre, dit qu'Empedode le prenoit pour modèle,qu'il l'imitoit dans fes expreffions ampoulées &affectoit la gravité de fon habillement. On ajouteà cela que les habitans de Selinunte, étant•affligés de la pefte, caufée par l'infection d'uneritiere voiflne qui exhaloit de fi mauvaifes o-deurs, qu'elles pro<strong>du</strong>ifoient des maladies & faifoientavorter les femmes, Empedocle imagimde con<strong>du</strong>ire à (es propres dépens deux autres rivieresdans celle-là pour en adoucir les eaux parce mélange; (jji'effeaivement il fil ceflèr le fléau;qu'en-


S M F E D 0 G L E. 249-«fu r em*uite' il fe préfenta aux Selinuntiens pendantqu'ils affiftoient à un feftin auprès de ce fleuve;:qu'à fon afpeft ils fe levèrent & lui rendirentles honneurs divins,- que ce fut pour les confirmerdans l'opinion qu'il étoit un Dieu , qu'il'prit la rëfolution de fé jetter dans le feu. Maiscerécit eft contefté par Timée, qui dit formellementqu'il fe retira dans le Peloponnefé, d'ouii* ne revint jamais ;• de fbrte qu'on ne fait dequelle manière il finit fes jours. Dans far quattiemelivre il prend h tâche de décréditer le récitd'Heraclide , en difant que Pyfianaéïe étojtde Syracufe, qu'il n'avoit point de champ' à"' A-grigente, & qu'au refte ce bruit s'étant répan<strong>du</strong>*touchant"Empedocle, Paufanias.qui étoit riche,érigea i fe mémoire un monument, foit ftatueouchapelle; „ Et comment pourfuit-il, Empe-„ docle lé feroit-il jette dans les ouvertures <strong>du</strong>i„ <strong>mont</strong> Ethna, lui qui n'en fit jamais mention,*„. quoiqu'une demeurât pas loin delà, ll'mout>rut donc dans le Peloponnefé, & on ne doit pas-„. être furpris flon ne rencontre pas fon fépulchre,,„ pùilqu'onignore la fépulture de plufleurs autres";Timée conclut, en reprochant à- Heraclide là'..coutume d'avancer des paradoxes j jufqu'à-parlerd'un'homme, tombé de la lune en- terre;.Hippobete dit? qu'Empedocfe eut d'abord à' A*-grigenôe une''ftatue' couverte,, drefféè' à" 1 ibmhonneur; mai*'qu'enfuit» elle fut placée décou»-L 5. • -y*»-


25? E W P, E P O G L E.verte vis-à-vis- le Sénat des Romains , -qui;tatranfporterenf dans cet endroit.. Il «ft auflfc arppréfentédans quelques tableaux - , qui çxiftent encore..Néanthe dé Çyzique, qui ,a écrit ft* léisPythagoriciens , rapporte qu'après.larnprfc .deMeton , la Tyrannie commença à s'établir, ' &qu'Empedoele pcrfiiada aux Agrigentlns' 'de .calmerleurs féditions & de conferver l'égalité .dansleur gouvernement. Comme il'pquedoit de grosbiens, il dota plufieurs fillesqui n'en; «voient pas *& Phavorin, dans le premier livre de Tes Corn*mentairts r . dit qu'il étoit dans une fi grande o*pulence, qu'il portoit la pourpre, un ornementd'or autour de la tête , des fandales .d'airain,& une couronne Delphienne. Il avoit la che-ivelure longue,, l'air impofant, fe fajfoit fuivrepar des Domeftiques, & ne changç.oit jamais demanière & d'arrangement. Ç'eftainfi qu'it paroiflbiten public, & l'on remarquoit dans fon maintienune forte d'apparence royale qui le rendoit refpeftable.Enfin un jour qu'il fe tranfportoit en,chariot à Mefline pour y aflifter à une fête .folemnelle,il tomba & fe cafiâ la cuiffe ; accidentdont il mourut à l'âge de foixantç&dix-fept ans/11 a fon tombeau à Megare:, [Ariftote eft d'un.autre avis touchant fon âge; .11 ne lui. donne'que faisante ans de vie ; d'autres cent & neuf. U.fleurifloit vers la LXXXIV, Olympiade. Deme*frius de Trœzene, dans fon livre contre les Sopbis*tes,


E M F E D O C E K iyrni, nous apprend, en fe fervant des expreflîbnsd'Homère , qu'ayant pris un licou , il fe pendità un corntuiller fort bout, afin que ftmame defcerndit de là aux Enfers. Mais dans la lettre de Telauge,dont nous avons parlé, il eft dit qu'iltomba dans la mer par un effet de vieilleflè, &qu'il s'y noya: Telles font les opinions qu'ona fur fa mort. Voici des vers fatyriques qui fetrouvent fur fon fujet dans notre Recueil de versde toutes fortes de mefures*'• Emp'edocle, tu as purifié ton corps parle moyendes flammes dévorantes qui s'élancent continuellement:à travers des ouvertures de l'Etna. Je 'ne dirai pasque tu t'y es plongé de propos délibéré. Qu'on ignorâtton fort, c'était-là ton deffeiti; mais qu'il t'en:,•coûtât la vie, n'itoit pas ta volonté.En voici encore d'antres : ;Empedocle, dit-on, mourut d'une chute de cba*riot, qui lui caffa la cuijfe droite. S'il fut ajfex •mal ^avifé pour s'être jette dans les ouvertures dw<strong>mont</strong> Etna, comment ft peut-il que'Jes os repofentdans fon fépukbre à Megare ?Au refte Empedocle croyoit qulL.y a quatre'élemenSj le feu, l'eau, la terre &, l'air, accom-"pagnes d'un accord qui les unit ,&* d'une antipathiequi les- fépare. 11 les nomme,- le promptJupiter, Jûnon qui donne la vie,- Platon, £#'Nèftis qui remplit de larmes les yeux' des humains.Jupiter eft le feu, Junon la terre, Pluton l'air,: ... h 6 fc


»5» E M P E D O C L E.$ Neftis l'eau» Jl ajoute que ces élemens, fa-Jets à de continuels changemens, ne periflèntkmais, & que cet ordre de l'Univers eft éternel.Il conclut enfin que tantôt urfl corrcfpondanceunit ces parties, & que tantôt une contrariété lesfeit agir féparément. Il eftimoit que le foleileft un amas de feu, & un aftre plus grand quela luncj que celle-ci reffemble à un difque pour lafigure ' y que le ciel eft femblable à <strong>du</strong> criftal, &que l'ame revêt toutes fortes de formes de plantes,& d'animaux. Il affûroit qu'il fe. foiivenoitd'avoir été autrefois jeune garçon & jeune fille,plante, poiflbn & oifeau.On a en cinq cens vers ce qu'il a compofé fur& Nature & fur les Expiations , & en fîx cens.c« qu'il a écrit, de la Médecine. Nous avons pairM plus haut de fes tragédies.IP1-


K P I C H A R ME.i&EPIGHARME.EPÎcharme , natif de Co & fils d'ElbthaIe rétudia fous Pythagore. 11 n'avoit que troismois lorsqu'on le porta à Megare de Sicile, & delà à Syracufe, comme il le dit lui-même dans fétœuvres. Voici l'infcription. qui fe trouve aubas de fa ftatue :autant le Joleil furpaffe en éclat les autres aftrest & autant la force des vagua de la mer l'emportefur la rapidité" des fleuves ; autant Epicbarme,couronné par Syracufe fa patrie^, excelle en fageffejjar-deffus les autres hommes.Il a laiffé des Commentaires,. qui contiennentdes fentences,& dans lesquels il traite de laNatu.-xe & de la Médecine. A la plupart de ces Commentairesfont joints t des vers ,acroftiches, quiprouvent in<strong>du</strong>bitablement qu'il en eft l'Auteur.Il mourut âgé de quatre-vingt-dix ans.*L. 7; AMfe


*S* .;•£ R C H Y T AS.A R £ H Y T AS.ARchytas de Tarente, iflîr de Mnefagore,.ou d'Heftiée félon Ariftoxene, embraflà» lafefte de Pythagore. Ge fut lui qui, par unelettre qu'A écrivit et Denys, fauva la vie à Platon, dont le Tyran avoit réfolii la mort. Il rëu'fliflbit «n fà perfonne tant de vertus, qu'admirédes uns & de» autres pour fon mérite, on luiDonna jufqul feptfois la Régence, malgré la Loiqui défendoit qu'on l'exerçât plus d'un an.Platon lui écrivit deux fois en réponfe à unelettre! qu'il en avoit reçue, êc quiétoit conçue«I ces terme*,.'; /ircbytas à Platàn, fanté.„ Je vous félicite dé votre rétabliflement,„ fuivant ce que vous m'en dites, & comme je„ l'ai appris de Damifcas. Quant aux écrits„ dont 1 vous m'avez parlé, j'en ai eu foin, &„ me fuis ren<strong>du</strong> en Lucanie auprès des parens„ d'Ocellus. Les Commentaires fur la Loi, la„ Royauté, la Pieté & la Génération de toutes» chofes font entre mes mains; Je vous en ai» même fait tenir une partie; mais jufqu'ici on n'a••' ^ • - . . : • „ en-


•A ;R [C H Y T 'A ï. » 55r^. encore pu recouvrer lés autres. S'ils fe tetrbu-„ vent, foiez perfuadé-que je rie nianqueraipas,i de vous les envoyer". .'•'.,- Tel étoit le coritemi de la.lettre d'Archytaav,tel celui de la léponfe fuivame de Platon. .Platon à Arebytar, fagéfii* ':-.-., „ Je ne faurois affez- vous exprimer la fatisv•,i faction avec < laquelle J'ai 'reçu les. écrits que„ vous m'avez envoyés. Je fais.de l'Autourun cas„ infini, je l'admire en ce qu'il fe <strong>mont</strong>re digne„ de fes ancêtres <strong>du</strong> vieux teins, & fi eftima»„ blcs pour leurs bonnes qualités. On les dit„ originaires de Myra & <strong>du</strong> nombre de ces Troj*„ : ens que Laotriedon i«menai avec Jùi; tous„ gens pleins de vertus r fejon le témnigna^ei, qu'en rend l'Jiiftoire. >l«s eommehtairesi.„ dont vous me parlez & que vous fouhàitet, '„ ne font pas encore ea affea-bon état? n'im*„ porte, je vous les envoyé tels qu'ils fe trou>-,, vent. Nous penfons.,de môme l'un & l'autre* ûir le


»5tf A K C ff Y T Aj Sitylene, & Muficien dé profeûlon; le troifiemeaécrit de l'Agriculture ,• le quatrième a compofédes Epigrammes. Quelques Auteurs en comptent,un Cinquième!, qu'ils difent avoir, été Architecte*& dont on à un ouvragé fui-la Mévebanique, qui commence par ces mots : J'ai àp*prit ceci de Teucer de Càrtbàge. On rapporteauflî <strong>du</strong> Muficien Arehytas que quelqu'un lui diftntqu'on ne Técoutoit pas lorsqu'il difeouroit,.Il répondit que fon infiniment de Mufique partaitpour lui. . Ariftoxéne raconte d?Archytas le.Pythagoricien que. pendant qu'il'fut Général, ilne perdit jamais de combat - r mais qu'ayant étédémis de cet emploi par envie,, l'armée fuccomba& tomba au pouvoir des ennemis...Celui-ci eft le. premiet qui ait.traité des Méchaniqueapar des principes qui leur font; propres,,& qui ait communiqué un mouvement organique aune figure faite géométriquement, en cherchant^par le, moyen de la feftion d'un demi cylin»dre,. deux lignés proportionnelles pour trouverla'<strong>du</strong>plication <strong>du</strong> cube. Platon,, dans ù République,attelle qu'on lui eft auffi redevable de la.découverte de la <strong>du</strong>plication <strong>du</strong> cube, par la Géo~metrie. . '. 'AXC>


A L C M E O N.as?A L Ç M E O N.ALcmeon dé Crotone, autre Dlfriplé Je Pythagore,a principalement traité de la Médecine,quoiqu'il ait aufll parlé de la nature,comme quand il dit que hr plupart des chofesTjumaines font doubles (i). Phavorin, dans fon.HiJioireDiverfe, ptéfûme qu'il fut le premier qnienfanta un fyftême de Phyfîque, & qui crutque la lune conferve éternellement la mêmenature. 11 étoit fils de Pirithus, fuivant fon propreaveu dans l'exorde d'un ouvrage, en cettermes: Alcmim Crotoniate, fils de Pirithus, àBrontin, Leente £f Batbyllus touchant 4es Etrerinoifibles. Les Dieux ont une parfaite connoijjanc*de ce qui regarde les cbofes mortelles ; mais leshommes n'en peuvent juger que- par eonjeSure, &le refte. Il difoît aoffi que l'ame eft immortelle,& qu'elle fe meut continuellement, commele foleil.(i) Cela de'fîgne les eontiaùe», comme H**4& «*»r»ium. fy «mer, art. Ménage.BIP-


fjg H I P F A s u s;H I P P A S U S.Hippafus/ de Metapont étoit Pythagoricien.Il croyoit que le monde eft rujet à des viciffitudesdont le teîns eft déterminé, que l'Universeft fini, & qu'il fe meut continuellement.Demetrius, dans fon Traité des auteurs demimt mm, veut qu'il n'aitJairTé aucun ouvrage.'11 y a eu deux Hippafus,' celui-ci, & un autrequi a traité en cinq livres de la République deia«édemone, fa patrie.«J^*%feWW**BHJ>


P H I L O L A U S.as*P H I L O L A U S.PHflolausde Crotone fut tm autre Phiîofopnedela fe6te de Pythagore. 'Ses ouvrage*,•fur la Philofophie Pythagoricienne font ceux quePlaton pria Dion de lui acheter. Ce Philofophemourut, foupçonné d'aérer à la Tyrannie. Voiciune de mes Bpigrrfmmës^'L.fpn «ccafion.Lesfoupfàns eurent toujours. Je i^wtf8(fes fuites.Ne jiffieb-vous aucun mal,on tous tierutrayour cou*pable, fi' vous paroijjez en faire-. " Ainfi périt au*trefois Pbilolaus 'par un fbupfOtr fa'itvaùloit imp»~fer un rude joug à Ciotone,fa patrie-. •Il étoit dans J'ppinfon que touts-fô fait par lemoyen de la néceffité & de l'harmonie. Il errfeignale premier que la terre fe meut circulairement;doctrine que d'autres attribuent à IcetasdfeSyracufe. Il compofa un livre, que Platon,,dit Hermippe d'après quelque Ecrivain, lorsqu'ilvint trouver Denys en Sicile, acheta des parens-.de Philolaus pour la fômme de quarante mines.d'Alexandrie, & qu'il tira de ce livre les matériauxdqnt il fe fervit pour bâtir fôn Timie.D'autres prétendent que Platon reçut ce livrede Denys, qu'il engagea à accorder la grâce à unjeune homme,, Difciple de Philolaus,.-lequel il-Xi-H«LWitt


S60 P H I L O L A U S.avoit condamné à mort. Demetrius, dans 1erAuteurs de mime nom, affùre qu'il rut le premierquj publia les dogmes des Pythagoriciens fur laNature, & qui commencent par cette opinion :que la Nature, le Monde & tout ce qu'il contient,renferment une bamanU <strong>du</strong> cbofes finies avec là(lofes infinies»EJ£


ï U D O.X E. a«rE U D O X E.'EUdoxe, fils d'JEfchine, naquit à Gnide, 4devint tout à la fuis AifVologue, Géomètre,Médecin 4c Légifhtêur. Il apprit d'Archytasla Géométrie , &'étudia la Médecine fousPhiliftion de Sicile, dit Callimaque dans fes Toiles.Sotlon, dans fés SucceJJlms, nous informequ'il eut Platon pour Maître. Dans fa vingttroifîemeannée Eudoxe, pauvre & nécefliteux,mais auffi empreflë de s'inftruire que touché dela réputation des difciples dtf Socrate, s'en-futà Athènes avec le Médecin Tbeomedon, quilenourriflbit, & qui, feIon*qttel$ueyuns, âvoitpour lui une tendteffe toute particulière. Etant ar£Tivé au Pyrée, Il ,alloit régulièrement tousles jours, $ Athènes, d'où, après avoir enten<strong>du</strong>les Orateurs, il revenoit au logis. Son féjourdans ce lieu <strong>du</strong>ra deux mois, au bout desquelsil s'en retourna chez lui. Ses amis ayant contribuéà lui amafler quelque argent, il partit pourl'Egypte , accompagné <strong>du</strong> Médecin Chryfippe,& muni d'une lettré de recommandation qu'Agéfilaslui donna pour Néftanabe, qui parla en fafaveur aux Prêtres d'Egypte. Il s'arrêta dans cepays pendant un an & quatre mois, fe faifantrafer la barbe & les fourcils. Si on en croitquelques-uns, il s'y occupa à compofcr un ou-vra-


agaK U D O X ET•vrage de Mathématique, qu'il intitula OBaftre.Il fe iendit eiifuite 4 Cyzique & dans la Ptopontide,où il exerça la' Philofophie. Enfin, aprèsavoir vu Maufole, il reprit la toute d'Athènes; #y parut avec un grand: nombre de difciples, dansle deffein» à ce squ'on cjolt., dp mprjifierPlatoft^ui n'a voit, pas d'abord v»ulu ,1e, recevoir. Il yen a qui difent qu'étant : avep plusieurs avtres àun repas que doiweit. celui-ci, il intrp<strong>du</strong>ifit l'Ulagede fe placer à table CB demi-cercle. Nicomaque,fils d'Ariûote , lui attribue d'avoir djtque la volupté eft un bien.-Eudoxe fut extraordinairement eftimé dans fapatrie* témoin [e , décret La Grèce a'«ut pas moins de refpect pourlui) tant à caufç.desLoix qu'il donna à fôs concitoyens, comme le rapporte Hermippe dans fonquatrième livre des Stft Sages, que par rapportà fes excellens ouvrages fur l'Aftrologie.la Géométrie& d'autres Sciences.. CePhilofophe eut trois; filles, nommées Adtii,Ppiltis & Delpbis. Eratofthene, dans feslivres .adreflës à Batoo (i), dit qu'il écrivit auffides Dialogues Cyniques. D'autres a'u contraireprétendent qu'ils furent l'ouvrage d'Auteurs Egyptiens,qui les compoferent en leur langue,& qu'Eudoxeles tra<strong>du</strong>ifit en Grec. 11 prit de Chryfip>peii) tOUuuçs ua<strong>du</strong>lfem Htutf», : v«ycz Mm»i:


E U D O X E .jfcjfe èe Gnide, fils-d'Erinée, les notions des cho»fies qui regardent les Dieux , le Monde & lesMétéores. Quanti la Médecine, il fut dresféàcettefciencepar Pbiliftion de Sicile. Au resteil a laide de fart beaux Commentaires.Outre fes trois filles, Eudoxe eut un fils, appelleJrijlagore, qui éleva Chryfippe, fils d'iEthlins.Ce Chryfippe eft Auteur d'un Traité deMédecine fur les maladies des yeux, auquel iltravailla par occafîon, en faifant des recherches•Phyfiques.Il y a eu trois Eudoxes ; celui-ci ; un autre,Rhodien de naiflànce & Hiftorien ; un troifieme deSicile, fils d'Agathocle, Poète Comique, troisfois vainqueur dans les fâtes de Bacchus qui fecélebroient en ville, & cinq fois dans celles déla campagne, félon Apollodore dans Tes Cbronî-\ques. Nous trouvons encore un Médecin de mêmenom , natif de Gnide, à de qui notre Eudoxe, dans fon livre de la Circonférence de laTerre , dit qu'il avoit pour maxime d'avertirqu'il falloit tenir fon corps & fes fens dans unmouvement continuel par toutes fortes d'exercices.Le même rapporte que cet Eudoxe de Gnideétoit. en vogue vers 4a CUL Olympiade, &qu'il découvrit les règles des lignes courbes. IImourut dans la cinquante-troifieme année de fonâge. Pendant qu'il étoit en Egypte auprès d'IconuphisHéliopoUtain, il arriva que le bœufApis


M4 B U D 0 X E.Apis lui lécha l'habit,; d'où les Prêtres conclu?rent •qu'il feroit fort célèbre, mais qu'il ne vivioit,pas longtems. Ce redt de Phavorin, dansfes Commentaires , nous a donné matière à cesvers fur ton fujet.On dit qu'Eudoxe, étant à Mempiis, s'informade fin fort, en s'ndreffant au bœuf célèbre. deces lieux. L'animal ne répondit rien. Eb! qu'aunitpu dire un bœuf? Apis manque de voix, la naturene lui en pas donné l'ufage ; mais fi tenantdécote, il lécba l'babit d'Eudoxe. Qu'annonçaitilpar-là? qu'Eudoxe ne vivroit pas longtems. Eneffet il mourut bientôt, n'ayant vécu que cinquante-troisans.La grande réputation, qu'il avoit dans le monde,fit que par le changement de la fécondelettre de ton nom, on l'appella d'un autre', quifignifioit Homme célèbre.Mais après avoir fait mention des PhilofophesPythagoriciens les plus diftingués, venons-en àdivers autres qui fe font ren<strong>du</strong>s iiluitres, & commençonspar Heraclite. 'Ftn de la 1. Partie <strong>du</strong>TOME SECOND. .


L E S V I E SBES PLUS ILLUSTREESPHILOSOPHESDE L'ANTIQUITE:E 0> ME IL VA K T. F E- ffl


LESV I E SDES PLUS ILLUSTRESPHILOSOPHESDE L'ANTIQUITÉ,Avec leurs Dogmes, leurs Syftêmes, leur Morale,& leurs Sentences les plus remarquables;TRADUITES DU GREC DE DIOGENE LAÈRCE:. Auxquelles on a ajouté la Vie de l'AUTEUR, cellesd*£PICTETE, de CONFUCIUS, & leur Morale,& un Abrégé hiftorique de la Vie desFemmes Philofophes de l'Antiquité :\ *-s ^* ^S i> j sCHEZ 7. H. SCHNEIDER,M. D. CC î.vm>


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LIVREIXoing.• II avoit pour maxime qu'il faut èuuffcr les in-Tome IL Part. 2. M 3 ja-


£70 H E R A C L »I T E.furet avec plus de Jnn qu'un incendie , & qu'unpeuple doit combattre peur fes Itix comme pnr Jesmmrattlet. * Il reprit aigrement les Ephéfiens furce qu'ils avoient ctraflë fon ami Hermodore.Ils font dignes, difoit-il, qu'on les mette à mortdès l'âge d$ puberté, & qu'a* laiffe leur, ville àdes enfant, eux qui eut été affez lâches pour enebafier Hermodore leur bienfaiteur, en Je fervanfde ces exprejfions : Que perfonne ne mérite notre «tonmiffanet, & fi quelqu'un mus rend jufque-iàredevables envers lui, qu'il aille vivre ailleurs &avec d'autres. , - .On- dit mène qàe requit par fes concitoyensde leur donner des Loir, Heraclite rejetta leurdemande avec mépris , parce qu'une mauvaifepolice avoit déjà corrompu h ville. S'en étantallé <strong>du</strong> côté <strong>du</strong> Temple de Diane, 3 s'y mit £' jouet avec des enftns. De quoi vêtu éunnez-vout,gens per<strong>du</strong>s de mmrs f dit-il i cens qoi l'examinolent.Ne vaut-il pas mies» t'mmfer in cettefaçon que partager avec vota l'tdminijhttitn étsaffaires publiques? A la fin il devint fl mitantbrope,qu'il Ce retira dans les <strong>mont</strong>agnes, où il pasfoitla vie, ne le nourriflant que d'herbes & deracines. Il en contrafta une hydropifie , qui' l'obligea de revenir en ville, où il demandaénygmatiquement aux Médecins s'ils powrroimtbien changer la pluye en Jêcbereffe ? Ils ne lecomprirent point ; de forte qu'il entra dans un


H E R A C L I T E . 471 "table & s'y enfonça dans <strong>du</strong> fumier de Tache,efperant que la chaleur évapareroît par les poresks eaux dont il étoit furcbargé. Il éprouva l'inutilitéde ce remède, & mourut igé de foùcanteans. Telle eft notre Epigramme à fon fujet.Je me fris foatett étmné qu'Heraclite fefoit attiréune <strong>du</strong>re mort par une vie fi <strong>du</strong>re. Une fit*méfie bydnfifie kundaJe» cerf s, glaça J'esmembres,teignit la lanière 4 e fi* yeux ff les cmorit dsténèbres,Hermippe rapporte qu'il confula les Médecin»pour lavoir s'il n'y avait pas moyen de pomperItaau des ïnteftins ; qu'Us répon<strong>du</strong>es* qu'Os n'enccnnoiffoient aucua; 91e lâ-deffus il alla fe mettreau foleil; qu'il ordonna i des eofons de 11twwrirde ftnmiei; qoe-oe remède, dontils'étoitawifé, Texfiénua àun tel point, qu'il w» mon»mt deux joins après; 6c qu'on l'enterra dans lafJace publique. Néanthe de Cyaique dit sicontraire qae n'ayant pu fe tfrer de deâbuiie fumier, A refla dans cet état & fttt mangédes chiens.Il fe £t admirer de* tenfance. I.prtiqu'il étoêtjeme ,fl a«n»oît qull ne ûwoit rien, & quand 9.«ot atteint l'âge tirU,fl ft tantoit de (avoir tout.Il n'eut point de Maitre, aufli difoit-il qu'H ne4evo1t ft Phttofophîe & tonte Ta Science qu'à fespropres foins. Néanmoins Sotton affûre avoir trouvédes Auteurs qui «teftent qu'il fat difclple de -M 4Xér


•m "H E R A C L I:\T.E.Xénophane. Il cite même Arifton, lequerdatnfon livre fur Heraclite veut que ce Philofophe^ayant été guéri de fon bydropifie, mourut d'uneautre maladie., en quoi Htppoboteeft de mêmefentiment. .A la vérité l'ouvrage, qui poite fon nom, a engénéral la Nature pour objet; suffi il roule furtrois fortes de matières , fur lîUnivers, fur laPolitique, & la Théologie..^Jetoh. quelques-uns*il dépofa cet ouvrage dans le Temple de Diane&! l'écrivit exprès d'une manière obfcure, " tantafin qu'il ne fût .enten<strong>du</strong> que par ceux qui enpourroient profiter , qu'afin qu'il ne lui arrivâtpas d'être expofé au mépris <strong>du</strong> vulgaire. De làcette critique de. Timon:Entre oeux-là efi Heraclite, ce criard mal bâti^«et injurieux difcoureur fc? ci difeur (Ténygmet. .Théophrafte attribue a fon humeur mélancho*iique les chofes qu'il a écrites imparfaitement &celles qu'il a traitées différemment de ce qu'elle»font.. Antifthene , dans tes Succeflions-, allèguepour preuve de fa grandeur d'ame, qu'il céda A•fon frère la préfidence des affaires dePrêtrife. Aujefte fon livre lui acquittant d'honneur, qu'ileut des feftateurs-qui portèrent le nom d'Héra-4litiens.Voici en général quelles furent fes opinions, IIcroyoit que toutes chofes font composes <strong>du</strong> feu ':tt fe r^ fol vent dans cet élément; que tout fefait-


."H E R A C' L I T E. m\-fait par un deftin, & que tout s'arrange & s'unitpar les changemens des contraires; quetoutes les parties <strong>du</strong> monde font pleinesd'efprits & de Démons. Il a parlé auflides divers changemens qui fe remarquent dan»les mouvemens de la nature. 11 croyoitde plus que la grandeur <strong>du</strong> foleil eft telle qu'elleparoît; que la nature de l'ame eft une chofefi profonde, qu'on n'en peut rien définir, quelqueroute qu'on fuive pour parvenir à la connoître.II dHbit que l'opinion de foi-même eft unemaladie facrée, & la vue une chofe trompeufë.-Quelquefois il s'énonce d'une manière claire &intelligible ; de forte que les efprits les plus lentspeuvent l'entendre, & que ce qu'il dit pénétrejufque dans le fond de l'ame. Il eft incomparablepour la brièveté & pour laforce avec laquelle Ils'exSplique; mais expofons fes fentimens plus en détail.' Suivant ce Philofophe.le feu eft un élément,& c'eft de fes divers changemens que naiflerrttoutes chofes, félon qu'il eft plus raréfié, ouplus denfe. Il s'en tient-là, & n'explique rienouvertement. Il croit que tout fe fait par l'op».pofition qu'une chofe a avec l'autre, & comparele cours de la nature i celui d'un fleuve. IIfuppdfel'Universfini,& n'admet qu'un feu! mon.'de, qui, comme il «ft pro<strong>du</strong>it par le feu, fediflbut aufli par cet élément au bout de certainspériodes;& cela en v«rtu d'une deftinée. -UM 5ap


a?4 H ï R A C L I T E. 1appelle l'aâkro des contraires, qui pro<strong>du</strong>it hgénération, une guerre & une dîfcorde ; il nommecelle, qui pro<strong>du</strong>it l'embrafement <strong>du</strong> monde,une paix & une union. 11 qualifie anffi cette viciffitudeun mouvement de haut en bas & debas en haut, fuivant lequel le monde fe fait.Le feu condenfé fe change en humidité, qui,ayant acquis fa confidence, devient eau. L'eauépaiflie fe change en terre, & c'eft-li le mouvementde haut ea bas. Réciproquement la terreliquéfiée fc change en eau, de laquelle naît enfuitetout le refte par l'évaporation qui s'élèvede la mer, & voilà le mouvement de bas enhaut. Il eft d'avis qu'il s'élève des évaporatioosde la terre & delà mer, les unes claires & pures,les autres ténebreufes; que les premièresfervent de nourriture au feu, & les fécondes il'eau.Il n'explique pas de quelle nature eft le cielqui nous environne. Il y fuppofe des efpècesde baflins, dont la partie concave eft tournée denotre côté, & les évaporations pures, qui s'yraffemblent, forment des flammesque nous prenonspour des affres. Les flammes, qui formentle foleil, font extrêmement pures & vives,-celles des autres aftres, plus éloignés de laterre, ont moins de pureté & de chaleur. Lalune, comme .plus voifine de la terre, ne paflepas pat des efpaces purs, au-Iieu que le foleileft


H E R A C L I T E .t 7Sèft placé dans un fies pur, «kir, & éloigné4e nous a une dtfbmce proportionnée'; ce


tjé .fl^B S. A C L ? T E.conte que ce fut un certain Crates qui le premier,fit coonoitre ce livre en Grèce, & qui en avoitcette liée, qu'il faudroit être nageur de Delospour ne pas y fuffoquer. Ce livre d'E[éraclitceft différemment intitulé, Le s Mufez par les uns,De h nature pu les autres. Dipdote le déGgnefous ce titre: Le moyen de bien con<strong>du</strong>it*fa Fie;d'autres le diftinguent fous celui-ci: Lafciencsdes Mœurs, renfermant une règle, de etn<strong>du</strong>ittftniverfelle.; Heraclite, interrogé pourquoi il ne répondoitpas à ce qu'on lui demandoit, répliqua : C'eji afinque vous parliez. Il,fut recherché de Darius, &.ce Prince avoit tant d'envie de jouïr de fo com-.pagnie, qu'il lui écrivit cette lettre.JLe Roi Darius, fils d'Hyfiafpe, au fage Heraclited'Ephefe, falut.•• „ Vous avez compofé un «livre fur la Nature,„ mais en termes fi obfçurs & ficouverts, qu.'il^ a besoin d'explication. u En quelques endroits„* fi on prend vos eXprefEons à la lettre, il fem-^,rblt que L'on, ait une théorie de l'Univers, desj, ehofes qui s'y font, Sf. qui cependant dépendent„ d'un mouvement de la puiflance divine. On eft•,„; arrêté-à la^lejauredç, la plôpar^despaiRges*'» de .forte que ceux-mémes, qui ont manié le„ plus de volumes, ignorent ce que vous ave;j ...» P li '-


H l H , H .1 ;t U *7fj, précisément voulu dire. Aine le Roi Darius,,» fils d'Hyftaspe, fouhaite de vous entendre ^„ de s'inftruire ; par votre bouche do la doctrine,•, des Grecs. Venez donc au-plûtôt,- & que ^Ç„ vous voye, dans mon Palais. C'efi: affez la cou-„ tume en Grèce d'être peu attentif au. méiit|,-, des grands hommes, &de ne pas faire beau-„ coup de cas des fruits de leurs veilles;, quoi»„ qu'il* foiént dignes qu'on y> prête use férieufe„ attention, & que l'on s'einpreflè .à en profiter.,, Il n'en fera pas de même chez moi. Je vous„ recevrai avec toutes les marques d'honneuy„ poflibles, j'aurai journellement avec vous des.„• entretiens d'eftime &. de politefle, en un mot„ vous ferez témoin <strong>du</strong> bonufage que je ferai„ de vos préceptes ",••'.*.Heraclite d'Epbefe au Roi Durius, fils d'Hyfttspt,; : , ' falut. -„ Tous les hommes, quels qu'ils foient, s'é-:„ cartent de la vérité & de la juftice. Ils n'ont„, d'attachement que pour l'avarke, ils ne ref-„ pirent que la vaine gloire par un entêtement-*» HPl ^ le «omble de. la folie. Pour moi,, qui„ ne connois point la malice, qui évite tout fuv,jet d'ennui, qui ne m'atqrc l'eiwie-de perfon-.,, ne; moi, dis-je, qui méjwife Souverainementy.: • , „ I*


47* H E R A C L I T E .„ 1a vanité ^uf règne dans lés Court, jamais' H„ ne m'armera de mettre le piedfûr lés terres de„ Perfe. Content de fett dé cbofe, jfr joui„ agréablement de mon fort 8c vis a mon gré".Telles furent les dïfpoÔtions de ce .Philofophea l'égard <strong>du</strong> Roi Darius:'Demetrius, dans fôn Kvre des Auteurs ie w/.ne nom, rapporte qu'il eut do mépris pour l«cAthéniens, malgré la grande opinion qu'Us«voient de fon mérite, & que quoiqu'il ne fitpas fort erHmé des Ephéfiens, fl préfera de demeurerchez eux. Demetrins de Phalere a auffipu-lé de mi dans fa Défenfe de Socrote.Son Livre a eu plufieurs Commentateurs; AatrlrheneîHeraclite & Créanthe, natifs <strong>du</strong> Pont; •Sphaerus le Stoïcien; Paufanfes, furnomtné l'Hfraclitifte ; Nicomede ; Denys ; & Diodoêe entreles Grammairiens. Celui-ci prétend que cet ouvragene roule pas fur la Nature, mais fur laPolitique, ce qui s'y trouve fur la première deCes «ratières, n'y étant propofé que fous l'idéed'exemple. Jérôme nous inffruît qu'on nommé&ytWntw, Poëte en vers ïambes, a voit entrepris-de verfiBer cet ouvrage. -'!On lit dïverfes Epigrammes àïbôtafion d'Heraclite,entre autres celle-ci:Jt fuis Heraclite? à quel propos, gens fanslettres, voulez-vous me bomwttrt de plus pris? Untravail, auffi important que It mien, n'ejl pas faitpour


H E R A. C L I T E. «79four vous ; il ne 's'adrejfe qu'aux Savons. Vnfeul me Jtfffk autant que trois millt. Que dis-je ?Une infinité de leBeurs me vaut à peine un feul quim'entend. J'en avertis, j'en inftruis les Mânes& Us Ombres.En voici d'autres fembhbles.LeQeur, ni paraîtra pas Héraclitt avec trtpd* vtoeffe. Les routes, qu'il tract + font difficiles, àtrouver. Vous avez btjoin d'un guide qui twcon<strong>du</strong>ije à travers des ténèbres qu'il répond fur fesEcrits, 6f à moins qu'un fameux Devin ne vmts déchiffrele fens de fes expreJJions, vous n'y verrezjamais clair.Il y a eu cinq Heraclites» Le premier eft celui-ci;le fécond, Poète Lyrique, qui a faitl'éloge des douze Dieux; le troifietne natif d'Ha-Jicarnafle & Poète Elégiaqne, au fujet <strong>du</strong>quelCallimaque compofa ces vers.Heraclite, la nouvelle de ta mort m'a arrachéles larmes <strong>du</strong> yeux, en me fouvenant combien dejours nous avons pajfés enjemble à méltr le Jérieuxavec le badin. Hélas! où es-tu maintenant, cherHâte d'Halicarnaffe? Tu n'exifies plus qu'en pouf-Jiere ; mais les fruits de ta verve fubfiftent encore,& ne font point fournis au pouvoir de la mort.Le quatrième Heraclite de nom, né àLesbos,a. écrit l'Hiftoire de Macédoine ; le cinquièmen'a pro<strong>du</strong>it que des (bttifes, auxquelles il s'eftamufé,au-lieude iïùvre iàprofcfiion de joueur deçithre.XE-


**> K E w -o P-H :A'N:-EX E NOPHANE.XEnophane, fils de Dexhis, ou d'Orthomeneau rapport d'Ap611oddre,nâquit à Colophon.Timon parle de lui avec éloge.Xenopbane moins vain, £P le fléau d'Homèrepar fis critiques. Chafle de fa patrie, -il fe réfugiaa Zancle én / Sicile,& de là à


X E N O P H A N E . ' *t-ment. I| croyoic que les niiées font formées devapeurs que le foleil élevé & foutient dans l^air».que la fubftance divine eft fpaérique & ne;resfeœblepoint-à l'homnve,- .qu'elle voit & entendtout, mais ne refpire points qu'elle réunit'touten elle-même, l'entendement,la fagefle & l'éternité.II eft le premier, qui ait dit q^ie tout être• créé eft corruptible. 11 définiflbit l'ame un Efprit.,& mettoit les biens au-dcflbus de l'entendement.Il étoit dans l'opinion qifon ne doit approcherdes Tyrans, ou en aucune façon, ou* ayec beaucoupde douceur. Empedocle lui ayant dit qu'il.étoit difficile de rencontrer un homme ùge,Fousavez rai/m, répondit-il; car pour en trouver un.,Wfaut être fage foi-mime. Sotion prétend qu'avantlui perfonne n'avança que toutes chofes fontincompréhenfibles ; mais il fe trompe. Xénophanea écrit deux mille vers'fur la fondation de-Colophon & fur une colonie Italienne, envoyée4 Elée. Il étoit en réputation vers la LX.-Olympiade.Demetrius de Phalere, dans fon Uvre de laiVieilleJJe, & Panœtius le Stoïcien, dans fon ouvragede laTranquillité, racontent qu'il enterrafes fils de fes propres mains, comme Anaxagore.Il parott, fuivant ce que dit Phavoria, livre.premier de fes Commentaires, que les PhilofophcsPythagoriciens Parmenifcus & Oreftade:pr»«.


«Sft ' I E H O P H A N E .pratiquerait k même chofe à l'égard de lent»•enfant.Il y a «a va autre Xéaophane de Lesbos,PoStc en ver» laasbet. - Voilà ceux qu'on appellePbilêfttbtt Httts.PAR-


T A 1 M E N I D K. »8jPARMENIDUPArmenide.fas de PyrHJros * natif d"Elée, futdHciple de Xénophane, quoique Théophmte,dans fon Abrégé, le falb difciple cfÀaaxUmandre. Cependant, bien qu'il ait euXénopha.ne pour Mafcre , eu-lieu de l'avoir futri, il felia avecAminïas, enfuite avec Dfochete, lequel,dit Sotion, étoit Pythagoricien & paovre; mai*fort honnête homme. Auffi fat-ce pour ces nd-Ibns que Parmenide s'attacha plus a hn qu'à toutautre , jufque-ll qu'il lui éleva une Chapelleaprès fa mort. Parmenide, également noble etriche", <strong>du</strong>t aux foins d'Aminias , & non aux inflruftionsde Xénophane, le bonheur devoir acquisla tranquillité d*efprit.On tient de lui ce fyftème que la terre.eflronde, & fîtuée au centre <strong>du</strong> monde. Il croyoitqu'il y a deux élemcns, le feu & la terre, dontle premier a la qualité d'ouvrier, & le fécondlui ferœfe^uiadere; que l'homme a été première»ment fo'j'mé par le foleil, tjui eft hil-même cdmpoféde froid & de chaud; qualités dont raflèm»blage conftîtaé l'eflence de tous les êtres. Selonce Phflofophe, l'âme & l'efpTit ne font qu'unemême chofe , comme le rapporte Théophraftedans fes livres de Pbjfique, on 11 détaille le» fenti-


C84 P A R H E N I D B .timens de prefque tous les Philofophes. Enflail diftingue une double Fhilofophie, l'une fondéefut la vérité, l'autre fur l'opinion. De là cequ'il dit: H faut que vous connoiffiez toutes cbofes;la fanple vérité qui parle toujoursfincérement, •&les opinions des bommts-, fur ksquellts 41 n'y apoint de fond à faire.Il a expliqué en vers fes idées phitofophiquesà la manière d'Héfiode, de Xénophase & d'Empcdocle.Il étabhfToit la raifon dans le jugement,&ne trouvoit pas que les fens puflènt fuffirepourjuger fainement des «hofes.Que les apparences divtrfes, difoit-il, ne t'tn*traînent jamais.à juger, /«^ examen, fur le fauxrapport des yeux, des oreilles, -ou d£ la langue.Mais difcernts toutes cbofes par la raifon. *. C'eû ce qui donna à Timon occafion de dire,en parlant de Parmenide, que fon grand fens luifit rejetttr les erreurs qui s'infinuent dans l'imagination.• Platon compofa â la louange de ce Philofopheun Dialogue qu'il intitula Parmenide , ou DesIdées. II fleuriffoii vers la LXIX. Olympiade,$ paraît avoir obfervé le premier que l'étoile <strong>du</strong>matinée celle <strong>du</strong> foir font le même aftre, écritPhavorin dans le .cinquième livre de fes Commentaires.D'autres attribuent .cette obfervation àPythagore. Callimaque contefte au PhilofopheJe Po6me qu'on lui attribue.\i ' L'hfr-


t' AR M E Jï I B E. »8 SL'hiftoire porte qu'il donna des Loix à fescor*.tîtoyens. Speufippe en fait foi dans fan premierlivre des Pbiloftfbes , & Phavorin, dan*ton Hiftoire Diverfe, le réputé pour le preipierqui s'eft fervi <strong>du</strong> fyllogisme, appelle Achille. „Il y a eu un autre Parmenidc , Auteur, d'untraité de l'Art oratoire.M E.


iU ' « E L U SE. •"Èfiffe,cfé &inôS ; & Itts dltnàgfine, fut ai.'dîteûr^de Parmenidte. It eût afuit desentretiens fur la Philofophfe avec Tféttâké,~ quile recommanda aux Ephéfiens dont il étoit inconnu,de même qu'Hippocrate recommanda Démocriteaux Abdéritains. Ce fut un homme ornéde vertus civiles, par conféquent fort chéri &eftimé de fes concitoyens. Devenu Amiral , ilfe con<strong>du</strong>ifît dans cet emploi de manière à faireparaître encore plus la vertu qui lui étoit naturelle.: . .Il fuppa&wC FUnive» iaûaï T immuable, immobile,unique'»fembbbte à lui-même, & donttous les efpaces font remplis. Il n'admettoitpoint de mouvement réel, n'y en ayant d'autrequ'un apparent & imaginaire. Par rapport auxDieux, il étoit d'avis qu'il n'eh faut rien définir,parce qu'on ne les connoit point affez pour expliquerleur effence.Apollodore dit qu'il floriflbit vers la LXXXIV.Olympiade.-c i.: 2E-


Z £ N ON.aftZ E N ON.ZEûOOBfcjHtt i Elée. JtpoUoddre, dsmfeaCtanfet*», ledit i£Bi


atô Zl N O f.Heraclide, dans l'Abrégé de Satyrus, raconterque ZénonV réfofii)d'attérîter Ç]a vie^i TyranNéarque, appelle par d'autresDiomedm, fut prit-& mis en. lieu de fureté;qu'interrogé fur fes complices& fur les armes qu'if avbit aflembléès àl9para, il répondit, «près pour <strong>mont</strong>rer qu'il étoteabandonné & fans appui, que tous les-ainis <strong>du</strong>Tyran étoient fes complices ; qu'enfùite ayant'. nommé quelques-uns, il déclara qu'il avoit deschofesà dire A l'oreille de Néarque, laquelle if'faifit avec les dents &ne lâcha que par les coupsdont il fut percé ; de forte qu'ib eut le mêmefort qu'Ariftogiton, - l'homicide


Z E N O N . 28$Zenon fut jette & mis en pièces dans un mbrtier.Cette opinion eft celle que nous avons fuivie dansces vers fur le fort <strong>du</strong> Philofophe.affligé de la déplorable opprej/ion d'Elée ta patrie?tu veus, courageux Zenon, en être le libérateur.Mais le Tyran, qui échappe à ta main, te faijisde lajienne, & t'écrafes, par un cruel genre defupplice, dans un mortier à coups de pilon.Zenon étoit encore illuitre i d'autres égards.Semblable à Heraclite, il avoit l'ame fi élevée,qu'il mcprifoit les Grands. Il en donna des preuvesen ce qu'il préfera i la magnificence des A-théniens Elée fa patrie, chetive ville, autrefoisappellée Hyelé & colonie des Phocéens ; mais recommandablepour la probité de (es habitans.Auffi alloit-il peu à Athènes, fe tenant chez lui-la plupart <strong>du</strong> terns.11 eft le premier qui dans la difpute ait faitufage de l'argument, connu fous le nom d'Achille, quoi qu'en puiûe dire Phavorin , qui citeavant lui Parmenide & plufieurs autres.11 penfoit qu'il y a plufieurs mondes, & pointde vuide ; que Peûence de toutes chofes eft compoféedes changemens réciproques <strong>du</strong> chaud, <strong>du</strong>froid, <strong>du</strong> fec & de l'humide; que les hommesfont engendrés de la terre, & que l'ame eft unmélange des élemens dont nous avons parlé,* maisen telle proportion, qu'elle ne tient pas plus del'un que de l'autre.VTome II.NOo


%s»Z E N O N .On raconte que piqué au vif à l'occafion dequelques injures que l'on vomiûoit- eontrç lui,quelqu'un l'ayant repris de fa colère, il répondit :Si je ne fuis pas Jtnfible aux inventives, le ferai-jeaux louanges?En parlant de Zenon Cittien, nous avons faitmention de huit petfonnes de même nom. Celui-cifleuriflbit vers la LXXIX. Olympiade.LE XJi


L E U C I P P E. 491L E U C I P ULEucippe étoit d'Elée, ou d'Abdere félonquelques-uns, ou de Milet félon d'autres.Ce difciple de Zenon croyoît que le mondeeft infini ,• que fes parties fe changent l'une dansl'autre j que l'Univers eft vuide & rempli decorps; que les mondes fe forment par les corpsqui tombent dans le vuide & s'accrochent l'un àl'autre ; que le mouvement, qui réfulte de l'accroisfementde ces corps, pro<strong>du</strong>it les aftres ; que lefoleil parcourt le plus grand cercle autour de lalune; que la terre eft portée comme dans un chariot,qu'elle tourne autour <strong>du</strong> centre, & que fafigure eft pareille à celle d'un tambour. Ce Philofopheeft le premier qui ait établi les atomespour principes. Tels font fes fentimens en général,les voici plus en détail.II croyoit, comme on vient de dire, que l'Universeft infini; que par rapport à quelques-unesde fes parties il eft vuide, & plein par rapportà quelques autres. Il admettoiC des élemens, quifervent i pro<strong>du</strong>ire des mondes i l'infini, & danslefquels ils fe diflblvent. Les mondes, fuivantce Philofophe, fe font de cette manière : ungrand nombre de corpufcules, détachés de l'infini& dlfférens en toutes fortes de figures, volti-N agent


% 9 i L E U C I P P E.•gent dans le vuide immenfe, jufqu'â ce qu'ils feraflemblent & forment un tourbillon , qui femeut en rond de toutes les manières poflîbles ,mais de telle forte que les parties, qui font fem-;blables, fe féparent pour s'unir les unes aux autres.Celles , qui font agitées par un mouvementéquivalent, ne pouvant être également tranf.portées circulairement à caufe de leur trop grandnombre ,il arrive de laque les moindres paffent néceuairementdans le vuide extérieur, pendant queles autres retient, de que jointes enfemble, ellesforment un premier aflemblage de corpufculesqui eft fphérique. De cet amas conjoint fe faitune efpece de membrane, qui contient en ellemêmetoutes fortes de corps, lefquels étant agitésen tourbillon à caufe de la réfiftance quirient <strong>du</strong> centre, il fe fait encore une petite membrane, fuivant le cours <strong>du</strong> tourbillon, par lemoyen des corpufcules qui s'aflemblent continuellement.Ainfi fe forme la terre , lorfque lescorps , qui avoient été pouffes dans le milieu,demeurent unis les uns aux autres. Réciproquementl'air , comme une membrane, augmentefélon l'accroiflement des corps qui viennent dedehors, & étant agité en tourbillon, il s'approprietout ce qu'il touche. Quelques-uns de cescorpufcules, defféchés & entraînés par le tourbillonqui agite le tout, forment par leur entrelacementun aflemblage, lequel, d'abord humide4


L E U C I P P P..I0j& bourbeux, s'enflamme ehfuite & fe transformeen autant d'aftres difFérens. Le cercle <strong>du</strong> foleileft le plus éloigné, celui de la lune le plusvoifin de la terre, ceux des autres aftres tiennentle milieu entre ceux-là. Les aftres s'enflammentpar la rapidité de leur mouvement. Le foleil tirefon feu des aftres, la lune n'en reçoit que trèspeu. Tous les deux s'éclipfent, parce que Uterre eft entraînée par fon mouvement vers le Midi,"ce qui fait que les pays feptentrionaux fontpleins de neige, de brouillards & de glace. Lefoleil s'éclipfe rarement; mais la lune efteonti'nuellement fujette à ce phénomène, à caufe del'inégalité de leurs orbes. Au refte, de mêmeque la génération <strong>du</strong> monde, de même auffl fesaccroiûemens, fes diminutions & fes dUTolutionidépendent d'une certaine néceffité, dont le Phiktfophcne rend point raifon.N 3DE-


tj>4 D E M O C R I T E.DEMOCRITE.DEmocrite, fils d'Hégéfiflrate, tm d'Athènescrite félon les uns, ou même de Damafippefélon d'autres, naquit à Abdere, fi non iMilet, fuivant une troifieme opinion.II fut difciple de quelques Mages & de PhflofophesChaldéens, que le Roi Xerxès, rapporteHérodote , laifla pour précepteurs à fon pèrelorfqu'il le reçut cbe« lui. Ce fut .d'eux qu'il appritla Théologie & TAllroIogie dès fon bas âge.JEnfuite il s'attacha à Leucippe, & fréquenta, difentquelques-uns,Anaxagore,quoiqu'il eût quajanteans moins que lui. PhaYorm, dans fonHiftoire Diverfe, raconte que Démoerite accufoitcelui-ci de s'être approprié ce qu'il avoit écrittouchant le foleil & la lune, d'avoir traité fesopinions de furannées, & foutenu qu'elles n'étoientpas de lui, jufque-là même qu'il avoit défiguréfon fyftême fur la formation <strong>du</strong> monde &jfur l'entendement, par dépit de. ce qu'Anaxagoreavoit refufé de l'admettre dans fon commerce.Cela étant, comment a-t-il pu être fon difciple?Demetrius, dans fon livre des auteurs de mêmemom, & Antifthene dansfcs Succeffîons difent qu'ilfut trouver en Egypte les Prêtres de ce Pays,qu'il apprit d'eux la Géométrie, qu'il fe renditen


DEM. O. C R I T E . sften Perfe auprès des Philofophes Chaldéens, &pénétra jufqu'à la Mer Rouge. II y en a qui as •furent qu'il pafla dans les Indes, qu'il converfaavec des Gymnofophiftes, & fit un voyage enEthiopie.11 étoit le troifieme fils de fon père, dont lebien ayant été partagé, il prit, difent la plupartdes Auteurs, la moindre portion qui confiftoit' en argent, dont il avoit befoin pour voyager ;ce qui donna lieu a fes frères de foupçonner qu'ilavoit deflein de les frauder. Demetrius ajouteque fa portion fe <strong>mont</strong>oit a près de cent talens,& qu'il dépenfa toute la fomme.11 avoit tant de paffion pour l'étude, qu'il fechoifit dans le jardin de la maifon un cabinet,où il fe renferma. Un jour fon père ayant attachéà l'endroit un bœuf qu'il vouloit immoler,il y fut long-teins avant que Démocrite s'en apprrçût, tant il étoit concentré en lui-même ;encore ne fut-il qu'il s'agiffoit d'un facriiîce quelorfque fon père le lui apprit & lui ordonna deprendre garde au bœuf.Demetrius raconte qu'il vint i Athènes ; qu'àcaufe <strong>du</strong> mépris qu'il avoit pour la gloire, il nechercha point à s'y faire connoltre ; & que quoiqu'ileût occafion de voir Socnte, il ne fut pasconnu de ce Philofophe; auffi dit-il : Je fuis vernià Athènes , fcf en fuis forti inconnu.. N 4 Thra-


* atte*-


D E M O C R I T E . 497tefte qu'il eut quelque Pythagoricien pour Maître,& ApoIIodore de Cyzique prétend qu'il futlié d'amitié avec Philolau». Au rapport d'Antifthene,l il s'exerçoit l'efprit de différentes manières,tantôt dans la retraite, tantôt parmi lesfépulchres.Demetrius raconte qu'après avoir fini fes voyages& dépenfé tout fon bien, il vécut pauvrement; de forte que fon frère Damafte, pourfoulager fon indigence, fut obligé de le nourrir.L'événement ayant répon<strong>du</strong> a quelquesunesde fes prédiftions , plufieurs le crurentinfpiré, & le jugèrent déjà digne qu'on lui renditles honneurs divins» Il y avoit une Loi,qui interdifoit la fépulture dans fa patrie à quiconqueavoit dépenfé fon patrimoine. Démocrite,dit Antifthene, informé delachofe, & nevoulant point donner prife à fes envieux & à fe«calomniateurs,leur lut fon ouvrage, intitulé DMGrand Monde; ouvrage qui furpaûe tous fes autresécrits. Il ajoute que cela lui valut cinq censtalens, qu'on lut dreûa des ftatues d'airain, &que lorfqu'it mourut, il fut enterré aux dépens<strong>du</strong> public, après avoir vécu cent ans & au-delà.Demetrius au contraire veut que fes, parens lurentfon ouvrage <strong>du</strong> Monde, & qu'il ne fut eftiméqu'à cent talens. Hippobote en fak le mêmerécit.Arirfoxene, dans fes Gmmentairts Ilijtoriquts,N srap-


*$S D E M O C R I T E .rapporte que Platon voulut brûler tout ce qu'ilavoit pu recueillir des œuvres de Déinocrite ;mais qu'Amyclas & CUnias, Philofopbes Pythagoriciens,l'en détournèrent, en lui rrpréfentantqu'il n'y gagneroit rien » parce que ces ouvragesétoient déjà trop répan<strong>du</strong>s. Cela eft fi vrai, quequoique Platon faffe mention de prefque tous lesanciens Sages, il garde abfolument le fîlenee furDéinocrite, même i l'égard de certains paffagesfusceptibles de critique , fâchant apparemmentqu'avec les. mauvaifes difpofitions qu'on lui connoifToità fon égard, il pafleroit autrement pours'être déchaîné contre le meilleur des Philofophes,à qui Timon n'a pu refufer ces louanges :Tel qu'était Dimocrite, plein de prudence & agréa*lie dans fes difcwrs.Démocrite, dans fon traité intitulé le PetitMonde, dit qu'il était joune homme lorfqu'Anaïagoreavançoit déjà en âge, lequel avoit alors quaranteans de plus que tuL II nous apprend qu'ilcompofa ce traité fe.pt cens trente ans après laruine de Troye. Il éteit donc né, comme le'remarque Apollodore dans fes Cbrtniques, vers laLXXX. Olympiade, ou félon le calcul de Thrafyllusdans fon ouvrage Des chejès qu'il faut /avoiravant de lire Démotrite, la troifieme année de laLXXVII. Olympiade, par conféquent un an plu»âgé que Socrate, par conféquent encore contemporaind'Archelaus difciple d'Aaaxagore, & d'Oeno-


D E M O C ' R I T E . so»Iiopide de qui il a parlé. Il fait auflî mention_ de l'opinion de Parménide & de Zenon, Philofo.phes célèbres de fon tems, au fujet de l'Unité,ainfi que de Protagoras d'Abdere, que l'on convientavoir été contemporain de Socrate.Apollodore, dans le feptieme livre de feaFrtmenades, raconte qu'Hippocrate étant allévoir Déroocrite, celui ci envoya quérir <strong>du</strong> lait,& qu'après l'avoir regardé, il dit que c'étoit <strong>du</strong>lait d'une chèvre noire, qui avoit porté pour lapremière fois ; ce qui donna de lui une grandeidée à Hippôcrate, qui s'étoit fait accompagnerpar une jeune fille. Démocrite la remarqua. Bonjour, ma fille, lui dit-il ; mais l'ayant revue lelendemain, il la falua par ces mots: Bonjour,femme. Effectivement elle l'étoit devenue dès lanuit dernière.Voici de quelle manière il mourut félon Hermippe.Il étoit épuifé de vieillefle, & paroiflbitapprocher de fa fin ; ce qui affligeoit fort fa fœur.Elle craignoit que s'il venoit à mourir bientôt,elle ne pourroit pas affluer a la prochaine fêtede Cérès. Démocrite l'encouragea , fe fit apportertous les jours des pains chauds qu'il approchoitde fes narines, & fe conferva par cemoyen la vie auffi longtems que <strong>du</strong>ra la fête.Les trois jours de folemnité étant expir.es r ilrendit l'efprit avec beaucoup de tranquillitédans la quatre-vingt-dix-neuvième année de fooN 6*•


300 D E M O C R I T E .âge, dit Hïpparque» Ces vers font les nôtres ifon occafion.Quel eft le Sage, dont le /avoir approcha jamaisde celui de Dimocritt , à fui rien ne fut caché ?La mort s'avance , il l'arrête , il la retarde â»trois jours, en rejpirant la vapeur de pains chauds.Paflbns de la vie de ce grand homme à fetfentimens. 11 admettoit pour principes de l'Universles atomes & le vuide, rejettant toutle refte comme fondé fur des conjectures.II croyoit qu'il y a des mondes i l'infini ,qu'ils ont un commencement, & qu'ils font fujetsà corruption; que rien ne fe fait de rien,ni ne s'anéantit ; que les atomes font infinis parrapport à la grandeur & au nombre; qu'ils femeuvent en tourbillon, & que de là proviennenttoutes les concrétions, le feu, l'eau, l'air & laterre ; que ces matières font des aflemblages d'atomes;que leur folidité les rend impénétrables,& fait qu'ils ne peuvent être détruits; que lefoleil & la lune font formés par les mouvement& les circuits grofOs de ces maflej agitées en tourbillon;que l'ame, qu'il dit être la même chofeque l'efprit,eftun compoféde même nature; quel'intuïtion fe fait par des objets qui tombentfous fon aftion ; que tout «'opère abfolument parla rai fon <strong>du</strong> mouvement de tourbillon qui eft leprincipe de la génération, & qu'il appelle Nicef-Jité ; que la fin de nos actions eft la tranquillitéd'ef-


D E M O C K I T E . 301d'efprit, non celle qu'on pent confondrearec la volupté, comme quelques und l'ontmal compris ; mais celle qui met l'amedans un état de parfait repos ; de manièreque conftamment fatisfaite, elle n'eft troublée,ni par la crainte, ni par la fuperftition, ou patquelque autre palCon que ce foit. Cet état ille nomme la vraye fituation de l'ame, & le dif.tingue Tous d'autres différens noms. 11 difoic encoreque les chofes faites font des fujcts d'opinion,mais que leurs principes, c'eft-à-dire lesatomes & le vuide, font tels par la nature (1).Voilà fa do&iine.Thrafyllus a dreflë le catalogue de fès ouvrages, qu'il partage en quatre clafles fuivant l'ordredans lequel on range ceux de Platon.Ses ouvrages moraux font intitulés ; Pytbagtre.Le CaraUere <strong>du</strong> Sage. Des Enfers. La TripleGénération, ou La Génération pro<strong>du</strong>ifant fretsCbofes qui comprennent toutes les Cbofes humaines»De l'Humanité, ou De la Vertu. La Corne d'Abondance.De la Tranquillité d'efprit. Des CommentairesMoraux. Celui, qui porte le titre,Du bon Etat de l'Ame, ne fe trouve point. Voilàfes ouvrages de Morale. Ses Livres de Phyfiquefont intitulés : La Grande Defcription <strong>du</strong> Monde;ouvrage que Théophrafte dit être de Leucip«"(») Voyez Umtgi.N 7


30t D E M O C R I T E.(i) Voyez Mino^t.eippe. La Petite Defcription <strong>du</strong> Monde. De X»Cofmograpbie. Des Planètes. Un fur la Nature.Deux fur la Nature de l'Homme, ou De la Chair.De l'Efprit. Des Sens. Quelques-uns ajoutentici des traités intitulés : De l'Ame, Des CbofesLiquides. Des Couleurs, Des différentes RidesDes Changemens des Rides (i). Des Préfervatifs,ou Des Remèdes contre ces accidenc. Dela Vifion, ou De la Providence. Trois Ttaitésdes Maladies pejiilentielles. Un livre des cbofesambiguës. Tels font fes ouvrages fur la Nature.Suivent ceux qu'on ne range pas parmi les autres :Des Caufes Céleftes. Des Caufes de l'Air. Des CaufesTerrejires, Des Caufes <strong>du</strong> Feu & de celles quiy font. Des Caufes de la Voix. Des Caufes desSemences, des Plantes £f des Fruits. Des Caufesdes Animaux, Des Caufes mêlées. De l'Aiman.Ses ouvrages de Mathématiques ,font intitulés:De la Différence de l'Opinion,'ou De VAttouchement<strong>du</strong> Cercle £p de la Spbere. De la Géométrie.Un Ouvrage Géométrique. Des Nombres. Deuxlivres des Lignes innombrables & des Solides. DesExplications. La grande Année, ou AJironomie.Injlrument pour • remarquer le Lever ou le Coucherdes AJires. Examen de l'Horloge. Defcription <strong>du</strong>Ciel. Defcription de la Terre. Defcription <strong>du</strong>Pôle. Defcription des Rayons. Ce font-là fe»ouvrages de Mathématique. Ses livres de Mufîque


D E M O C R I T E. 3o 3que ont pour titres : Des Rythmes £? de l'Harmonie.De la Poéjie. De la Beauté des Vers.Des Lettres qui fonnent bien , £? de celles qui fontientmal. D'Homère, ou de la Jujlejfe des VersS des DialeQes. Du Chant. Des Mots. Des Noms.Voici ce qu'il a écrit fur les Arts : Des Pronojiics.De la Diette, ou La Science de la Médecine. DesCaufes par rapport aux Cbofes qui font defaifm,&à celles qui ne le font point. De l'agricultureou Traité Géométrique. De la Peinture. De laTaHique, & de la Science des Armes. Quelquesunsajoutent à fes Commentaires les ouvrages fuivans: DM Ecrits Sacrés qui font à Merog. Del'HiJloire. Difcours Chaldaïque & Difcows Phrygien.De la Fièvre. De la Toux. Des Caufesd'injlitution. Le Livre de l'Anneau, ou des Problèmes.Les autres ouvrages, qu'on lui attribue, oufont pris de fes livres , ou ne font pas delui. Voilà ce que comprennent fes œuvres.-11 y a eu fix Démpcrites. Le premier eft celui-ci.Le fécond, fon contemporain, étoit unMuficien de Chio ; le troifieme un Statuaire, de^ui Antigone a parlé; le quatrième a traité <strong>du</strong>Temple d'Ephefe & de la ville de Samothrace ;le cinquième, célèbre Poëte, a compofé de bellesEpigrammes ; le fixieine étoit un fameuxOrateur de Pergame.P R O-


304 P R O T A G O R E .PROTAGORE.PRotagore étoit fils d'Artempn, ou de Mœan>dre, difent Apollodore, & Dion dans fonHijioire de Perfe. II naquît à Abdere félon Héraclide<strong>du</strong> Pont, qui dans fon traité des Loir,avance 'qu'il donna des ftatuts aux Thuriens ;mais Eupolis, dans fa pièce intitulée, Les Flatteurs,veut qu'il prit naiflânce àTejum: Prof**garas'de Tejum\ dît-il, ejl là-dedans. Lui & Prodicusde Cée gagnoîent leur vie à lire leurs ou •vrages. De là vient que Platon dans fbn Prot*gt~ras, affûre que Prodicus avoit la voix forte.Protagore fut dîfciple de Démocrïte. Pbavo--rin, dans fon Hijioire Diverfe, remarque qu'onlui donna le fumom de Sage. H eft le premierqui ait foutenu qu'en toutes chofes on pouvoitdifputer le pour & le contre; méthode dont Ufit utage. Il commence quelque pari un discours,où il dit que l'bomme ejl ta manière £f la mesurede toutes cbofes, de celles qui font comme telles e»elles-mêmes, &p de celles- qui ne font point, commedifférentes de ce qu'elles font. 11 difoit quetout eft vrai, & Platon , dans fon Tbèœteté,obferve qu'il penfoit que famé & les fèns nefont qu'une même chofe» Dans un autre endroitil raifonue en ces termes : Je n'ai rien à dire desDieux.


P R O T A G 0 R . E . * 30$Dieux. Quant à la queftion s'il y en a ou s'il n'yen a point, plujieurs raifons empêchent qu'on nepuijjfe le Javoir, entre autres l'obfcurité de la queftion,£? la courte <strong>du</strong>rée de la vie. Cette propofi.tion lui attira la disgrâce des Athéniens, qui le_ chatTerent de leur ville, condamnèrent fes œuvresà être brûlées en plein Marché, & ceux,qui en avoient des copies, aies pro<strong>du</strong>ire en Jufticefur la fommation leur en faite par le Crieur public.Il eft le premier qui,ait exigé cent mines defalaire, qui tit traité des parties <strong>du</strong> tems & despropriétés des faifons, qui ail intro<strong>du</strong>it la dispu.te & inventé l'art des Sophismes. Il eft encoreauteur de ce genre léger de difpute qui a encorelieu aujourd'hui, & qui confifte à laiffer le fens,& à difputer <strong>du</strong> mot. De là les épithetes d'embrouillé,d'habile disputeur que lui donne Timon.Il eft auflî le premier qui ait touché à la manièrede raifonner de Socrate & au principe d'Antifthene,qui a préten<strong>du</strong>, dit Platon dans fon Euthy^deme, prouver qu'on ne peut difputer contre cequi eft établi. Artemidore le Dialecticien, dansfon traité contre Cbryfippe, veut même qu'il aitété le premier qui enfeigna à former desargumens fur les chofes mifes en queftion.Ariftote à fon tour lui attribue , dans foutraité de l'E<strong>du</strong>cation, l'inventiori de l'enginqui fert à porter les fardeaux, étant lui-mêmeporte-faix félon Epicurc dans quelque endroitde


306 P R O T A G O R E .de fes ouvrages, & n'ayant fait la connoifîancede Démocrite, fous lequel il s'eft .ren<strong>du</strong> fi célèbre,qu'à l'occafion d'un fagot dont ce Philofophelui vit lier & arranger les bâtons. Protagoredivifa, avant tout autre, le difcours en prière,demande, réponfe & ordre. D'autres augmententfa divifion jufqu'a fept parties, la narration,la demande, la réponfe, l'ordre, la déclaration, la prière, l'appellation, qu'il nommoit lesfondemens <strong>du</strong> • difcours. Au refte Alcidamas nele divife qu'en affirmation, négation, interrogation& appellation.Le premier de fes ouvrages qu'il lut, fut letraité des Dieux, dont nous venons de parler.La lefture s'en fit par Archagoras fon difciple,&fils de Théodote, à Athènes chez Euripide, ondans la maifon de Megaclide félon quelques-uns,ou dans le Lycée félon d'autres. Pythodore,fils de Polyzele, un des quatre cens, le déferaà la Juftice; mais Ariftote reconnoit Euathle pouraceufateur de Protagore.Ceux de fes ouvrages, qui exiftent encore,font intitulés : De l'Art de Difputer. De la Lutte,des Sciences. De la République. De l'Ambition.Des Vertus. De l'Etat des Cbofes cmfidérées danskursprincipes. Des Enfers. Dis Cbofes dent abufent lebtmmes. Des Préceptes. Jugement fur le Gain.Deux litres d'Objections. On a de Platon unDialogue, qu'il compofa contre ce Philofophe.Phi-


P R O T A G O R E . 307Philochoredit qu'il périt â bord d'un vahTeau,qui fit naufrage en allant en Sicile. Il fe fonde furce qu'Euripide le donne à entendre dans fa pièce,intitulée Ixion. Quelques-uns rapportent quependant un voyage il mourut en chemin à l'âgede quatre-vingt-dix ans , ou de foixante-&-dixfélon Apoflodore. Au refte il en parla quaranteà exercer tz Philofophie ,. & fleurifioit vers hLXXIV. Olympiade. Nous lui avons fait cetteEpigramme :Tu vieillijjtis déjà, Protagore, lorfqae la morttefurprit, dit on, à moitié chemin dans, ton retourà Athènes. La ville de Cécrops a pu te chafjer, tuas pu toi-même quitter ce lieu chéri de Minerve ;mais non te fouftraire au cruel empire de Platon.On raconte qu'un jour il demanda à Euathlefondifciple le falaire de fes leçons, & que celuicilui ayant répon<strong>du</strong> qu'il n'avort point encorevaincu, il répliqua ; J'ai vaincu, .moi. Il efi jufttque j'en reçoive le prix. Quand tu vaincras à tontour, fais-toi payer de mime.Il y a eu deux autres Protagores ; l'un Aftrck>gue,dont Euphorion a fait i'oraîfon funèbre;l'autre, Philofophe Stoïcien.DIO-


308 DIOGENE APOLLONIATE.DIOGENE APOLLONIATE.DIogene, fils d'Apollothemide , naquit iApollonie. Il fut grand Phyficien & fortcélèbre pour fon éloquence. Antiftnene le ditdifciple d'Anaximenç. Il étoit contemporaind'Anaxagore , & Demetrius de Fhalere, dansY apologie de Socrate, raconte qu'il faillit périr ià Athènes par l'envie que lui portoient les habitans.Voici fes opinions. Il regardoit l'air commel'élément général. Il croyoit qu'il y^a^ies mondesfans nombre & un vuide infini ; que l'airpro<strong>du</strong>it les mondes, en fe condenfant & fe raréfiant;que rien ne fe fait de rien, &que le rieane fautoit fe corrompre ; que la terre eft oblongueen rondeur, & fituée au milieu <strong>du</strong> monde;qu'elle a reçu fa confiilence de la chaleur, & dttfroid la folidité de fa circonférence. Il entre eamatière dans fon ouvrage par ces mots : Quieonj«eveut établir unfyftime, doit, à mon omis, poferun principe certain, & l'expliquer d'une manièrefmple & férieufe.


A t f À X A R Q U E .30gANAXARQUE.ANaxarque , natif d'Abdere, fut difciple deDiomene de Smyrne, ou félon d'autres,de Métrodore de Chio, qui difbit qu'il ne favokpas mime qu'il ne favoit rien. Au refte on veutque Métrodore étudia fous Neflus de Chio, pendantque d'un autre côté on prétend qu'il fréquental'école de Démocrite.Anaxarque eut quelque habitude avec Alexandre,& fleuriflbit vers la CX. Olympiade. Il fefit un ennemi dans la perfonne de Nicocréon ,Tyran de Cypre. Un jour qu'il foupoit à la tabled'Alexandre, ce Prince lui demanda commentil trouvoit le repas : Sire, répondit-il, tout y tft régléavec magnificence. Il n'y manque qu'une cbofe; c'ejila tête d'un de vos Satrapes qu'il faudrait y fervir. Ilprononça ces paroles en jettant les yeux fur Nicocréon, qui en fut irrité & s'en fouvint. En effetlorfqu'après la mort <strong>du</strong> Roi, Anaxarque abordamalgré lui en Cypre par la route qu'avoit prife levaifieau à bord <strong>du</strong>quel il étoit, Nicocréon le fitfaifir, & ayant ordonné qu'on le mît dans unmortier, il y fut pilé à coups de marteaux de fer.Il fupporta ce fupplice fans s'en embarrafjTer,& lâcha ces mots remarquables: Broyés, tant quetu voudras, le foc qui etntitnt Anaxarque; te ne


3i© A N A X A R Q U E .fera jamais lui que tu broyeras. Le Tyran, dit-on ïcommanda qu'on lui coupât la langue ; mais il fela coupa lui-même avec les dents & la lui crachaau vifage. Voici de notre poéfie i fon occasion.Ecrafez, Bourreaux, écrafez ; redoubles vos efforts.Vous ne mettrez en pièces que le foc quirenferme Anaxirque. Pour lui, il eli déjà en r«-traite auprès de Jupiter. Bientôt il en injiruin UsPuijfances infernales, qui s'écrieront à haute voix:Vas, barbare Exécuteur.On appelloit ce Philofophe Fortuné, tant acaufe de fa fermeté d'ame, que par rapport à fatempérance. Ces repréhenfions étoient d'un grandpoids, jufque-là qu'il fit revenir Alexandre dela préfomption qu'il avoit de fe croire un Dieu.Ce Prince faignoit d'un coup qu'il s'étoit donné.Il lui <strong>mont</strong>ra <strong>du</strong> doigt la bleffure & lui dit: Cefangejl <strong>du</strong> fang humain, & non celui qui anime les Dieux.Néanmoins Plutarque aflïïre qu'Alexandre luimêmetint ce propos à fes çourtifans. Dans unautre tems Anaxarque but avant le Roi, & lui<strong>mont</strong>ra la coupe, en difant: Bientôt m des Dieu»fera frappé 4'm$ main mrtelk.pra-


P Y R R H O N. 311P Y R R H O N.PYrrhon, Elien de naiflance , eut Pliftarquepour"père, au rapport de Diodes. Apollo-Uore, dans fes Cbrmiquet, dit qu'il fut d'abordpeintre. Il devint difciple de Dryfon , fils deStilpon, félon le témoignage qu'en rend AJexandredans fes Succejfunu. Il s'attacha enfuite àAnaxarque, qu'il fuivit par-tout ; de forte qu'ileut occafion de connoitre les Gymnofophiftes dansles Indes & de converfer avec les Mages. C'eftde là qu'il parott avoir tiré une Philofophle bardie.,ayant intro<strong>du</strong>it l'Incertitude , comme le remarqueAfcanius d'Abdere. Il foutenoit que rienn'eft honnête ou honteux, jufte ou in jufte} qu'ilen eft de même de tout le refte ; que rien n'efttel qu'il paroît ; que les hommes n'agiflent, commeUs font, qut par inftitution & par coutume}& qu'une chofe n'eft dans le fond pas plus celle-cique celle-là. Sa manière de vivre s'accordoit avecfes difeours ; car il ne fe détournoit pour rien,ne penfoit à éviter quoi que ce fût, & s'expofoit à,tout ce qui fe rencontroit dans fon chemin. Chariots, précipice» , chiens & autres chofes ferablables,tout lui étoit égal, & n'accordoft rienaux fens. Ses «mis le fafvolent, & avoient foin dole garder, dit Antlgono de Carjrfte; nais Mno.


3» P Y R R H O N.fydeme veut que [quoiqu'il établit le fyftême del'Incertitude dans fes discours , il ne laiflbit pasque d'agir avec précaution. Il vécut près de quatre-vingt-dixans.Antigonede Caryfte.dans fon livre fur cePhilofophe,en rapporte les particularités fuivantes.„ Il mena d'abord, dit-il, une vie obfcure, n'a-„ yant dans fa pauvreté d'autre reflburce que„ ce qu'il gagnoit à peindre. On conferve en-„ core dané le lieu des Exercices à Elis quelques-„ uns de fes tableaux aflez bien travaillés, &„ qui repréfentent des torches. Il avoit coutu-„ me de fe promener, aimoit la folitude, & fe„ <strong>mont</strong>roit rarement aux perfonnes de fa maifon.„ En cela il ferégloit fur ce qu'il avoit oui dire à„ un Indien, qui reprochoit à Anaxarque qu'on„ le voioit toujours affi<strong>du</strong> à la Cour & difpofé à„ captiver les bonnes grâces <strong>du</strong> Prince, au-lieu„ de fonger à réformer les mœurs. Il ne chan-„ geoit jamais de mine & de contenance , &„ s'il arrivoit qu'on le quittât pendant qu'il„ parloit encore , il ne laiflbit pas que d'a-„ chever fon discours ; ce qui parôiflbit ex-„ traordinaire , eu égard à la vivacité qu'on„ lui avoit connue dans fa jeunefle". Antigoneajoute qu'il voyageoit fouvent fans enrien dire àperfonne, & qu'il lioit converfationavec tous ceux qu'il vouloit. Un jour qu'Anaxarqueétoit tombé dans une foffe, Fyrrhon panxou-


P Y R R H O N . 3i 3outre & ne l'aida point à le tirer de là. Il enfut blâmé; mais loué d'Anaxarque lui-même dece qu'il portoit l'indifférence jufqu'à ne s'émouvoird'aucun accident. On le furprit dans un momentqu'il parloit en lui-même, & comme on lui endemanda la raifon, Je médite, repliqua-t-H,fur les moyens de devenir homme de bien. Dans ladifpute perfonne ne trouvoit à reprendre fur fesréponfes, toujours exactement conformes auxqueftions pre-pofées; auflî fe concilia-t-il par-là• l'amitié de Naufiphane lors même qu'il étoit encorebien Jeune. Celui-ci difoit que dans lesfentimens, qu'on adoptoit, il falloft être foapropre guide, mais que dans les difpofitions ondevoit fuivre celles de Pyrrhon; qu'Epicure admiroïtfouvent le genre de vie de ce Philofophe;& qu'il le queftionnoit continuellement fur fonfujet.Pyrrhon remplit dans fa patrie les fonctions degrand Prêtre. On rendit même è fa confidérationun décret public, par lequel les Philofophesfurent déclarés exemts de tout tribut, Grandnombre de gens imitèrent fon indifférence & lemépris qu'il faifoit de toutes chofes. De-Ià lefujet de ces beaux vers de Timon dans fon Python& dans fes Poéfiés Satyriques.Pyrrbon, fui peine à comprendre comment il tefut jamais pojjible de t'élever au-dejfus des fqftueu-TomelL O fes,


31+ * P Y R R H O N.[es, vaines £? frivoles opinions des Sopbijles. Ouï,je ne conçois pas que tu ayes pu, en faffrancbiffantde l'ifclavage des fauffetés & des erreurs,te formerun Jyflême d'indifférence fi parfaite, que tu ne t'esfoucié, ni de favoir fous quel climat efi la Grèce ,-ni en quoi confifie, ni d'où provient chaque cboft.11 dit de plus dans fes Images :Jpprens-moi, Pyrrbon, donnes-moi à connoitrequelle efi cette vie aiféc, cette vie tranquille donttu jouis avec joye, cette vie enfin qui te fait feuigoûter fur la terre une félicité femblable à celle d'unDieu entre les hommes.Diodes rapporte que les Athéniens accordèrentle droit de bourgeoifie de leur ville à Pyrrhonpour avoir tué Cotys, Tyran de Thrace(i). Ce Philofophe, obferve Eratoftbenc dansfon livre de l'Opulence & de h Pauvreté, tintménage avec fa fœur, qui faifoit le métier de fagefemme.Il avoit pour elle tant de complaifahce,qu'il portoit au Marché des poules & des cochonsde lait à vendre félon les occafions. Indifférentà tous égards, il balayoit la maifon, avoit coutumede laver une truye & d'en nettoyer l'euble.Ayant un jour grondé fa fœur.Philifla, ilrépondit à quelqu'un, qui lui re<strong>mont</strong>roft qu'ilou-(t) r C'tCt Tython , difciple de Tlaton , qui fît cmeaftion. • Mmtge croit que ce paflage n'eu point deXaérce j mais que comme d'autres endioits il s'eft gliflcde la marge dans le texte.


P Y R R H O N.3i S«ubHoit fon fyftême, que ce n'était pas d'une petitefemme que dépendait la preuve de fon indifférence.Une autre fois qu'il fe vit attaqué par unchien, il h repoufla; fur quoi ayant été repris defa vivacité, il dit: Il eft difficile à l'homme defe dépouiller toutàfait de l'bumanité. Il faut ytravailler de toutes fes forces, d'abord en réglantfes avions ; & fi on ne peut réuffir par cette voye,on doit employer la raifon contre tout ce qui révoltanos fens.On raconte que lui étant venu un ulcère, ilfouffrit les emplâtres corrofifs, les incifîons &les remèdes cauftiques, fans froncer le fourciJ.Timon trace fon cara&ere dans ce qu'il écrit àPython. Philon d'Athènes, fon ami, dit auffî qu'ilparloit fouvent de Démocritè, & qu'il admiroitHomère, dontilcitoit fréquemment ce vers :Les hommes reffemblent aux feuilles des arbres.Il approuvoit la cemparaifon que ce Poète faitdes hommes avec les mouches & les oifeaux, &repetoit fouvent ces autres vers :Ami, tu meurs, mais pourquoi répandre deslarmes inutiles ? Patrocle, cet homme bien au-deffusde toi, a ceffé de vivre & ri eft plus.• En un mot il goûtoit tout ce que ce Poctea avancé fur l'incertitude des chofes humaines,fur la vanité des hommes & fur leurpuérilité.Ot?•


Si« P Y R R H O N .Pofidonius rapporte que Pyrrhon, témoin dela confternation de» perfonnes qui étaient aveclui dans un vaifleau expofé à une violente tempête, leur <strong>mont</strong>ra tranquillement un cochonqui mangeoit à bord <strong>du</strong> Vaiffeau, & leur ditque la tranquillité de cet animal devoit être celle<strong>du</strong> Sage au milieu des dangers.Nuinenius eft le feul qui avance que ce Philo-.fophe admettoit des dogmes dans fa Philofophie.Entre autres célèbres difciples de Pyrrhon,on nomme Euryloque, qui avoit le défaut d'êtrefi vif, qu'un jour il pourfuivit fon cuifinier jufqu'àla place publique avec la broche & les viandesqui y tenoient. Une autre fois étant embarraffédans une difpute à Elis, il jetta fonhabit & traverfa le fleuve Alphée. Il étoit, ainfique Timon, grand ennemi des Sophiftes, PourPhilon, il fe donnoit plus au raisonnement ; auffiTimon dit de lui,Qu'il évite les htmmes £? les affaires, qu'ilparle avec lui même ,& ne s'embarrajfe point de lagloire des difputes.Outre ceux-là, Pyrrhon eut pour difciplesHécatée d'Abdere, Timon de Phliafie, auteurdes Poéfies Satyriques, <strong>du</strong>quel nous parlerons ciaprès, & Naufiphane de Tejum, que la plupartprétendent avoir été le Mattre d'Epicure.Tous ces Philofophes s'appelloient Pyrrbonient<strong>du</strong> nom de Pyrrqon, dont ils avoient étéle*


P Y R R H O N . 317les difciples. Eu égard au principe qu'ils fuivoient,on les nommoit autrement Héfitans, Incertains, Doutans& Recbercbeurs. Le titre de Recbercbeurs portoitfur ce qu'ils cherchotent toujours la vérité; celuid'In«rt«ins,parce qu'ils ne la trouvoient jamais; celuide Doutans, parce qu'après leurs recherches, ilsperféveroient dans leurs doutes; celui de Héfitans,parce qu'ils balançoient i fe ranger parmi les Dogmatiftes.J'ai dit qu'on les appelloit Pyrrbonienf<strong>du</strong> nom de Pyrrhon,' mais Theodofius, dans fesChapitres Sceptiques,t:ouve que le nom de Pyrrbo*nient ne convient point à ces Philofophes Incertains,parce qu'entre deux fentimens contrairesl'aine ne penche pas plus d'un côté que d'un autre.On ne peut pas même fe faire une idéede la difpofition de Pyrrhon pour la préférer àd'autres, jufqu'à s'appeller de fon nom, vu quePyrrhon n'eft pas le premier inventeur <strong>du</strong> principede l'Incertitude, & qu'il n'enfeigne aucundogme. Ainfi il faut plutôt appcller ces Philofophesfemblables a Pyrrhon pour les mœurs. Ily en a qui regardent Homère comme le premierauteur de ce fyftême, parce qu'il parle plus diverfementdes mêmes chofes que d'autres Ecrivains,& ne s'attache à porter un jugement déterminéfur rien. Les fept Sages même ont dit des chofesqui s'accordent avec ce principe, comme cesmaximes, Rien de trop, Qui répond s'expoje àperdre, parce que celui, qui s'engage pour unO 3 a u -


3i8 F Y R R H O N.autre, en reçoit toujours quelque dommage. Arehiloque& Euripide pârouTent auffi partifans del'Incertitude ; l'un dans ces vers,Glaucus, fils de Leptine, facbez que les idéesdes hommes font telles que Jupiter les leur envoyétous les jours;L'autre dans ceux-ci:O Jupiter! quelle fagejfe peut-on attribuer auxèew.es, puifque nous dépendons de tti, é? quemus ne faifons que ce que tu veus que nous faffums ?Bien plus, fuivant ceux dont nous parlons,Xenophane, Zenon d'Elée, & Démocrite ontété eux-mêmes Philofophes fceptiques. Xenophanedit que Perfonne ne fait, l§ ne faura jamaisrien clairement. Zenon anéantit le mouvement,par la raifon que ce qui fe meut,ne fe wieirtni dans rendrait où il efi, ni dans un lieu différentde celui où il efi. Démocrite détruit la réalitédes qualités,en difant que c'efkpar opinionqu'une cbofe paffe pour froide & l'autre pour ebattde,tj? que les feules cauf es réelles font les atimesfe? le vuide. 11 ajoute que nous ne connoiffimsrien des cauf es, parce que la vérité efi profondémentcacbée. Platon laiffe aux Dieux &? aux enfansdes Dieux la connoiffance de la vérité, 6? recherchefeulement ce qui efi vraifemblable. Quifait, dit Euripide, fi ce que les hommes appellentvivre ri efi pas mourir, & fi ce qu'ils appellentmourir ri efi pas une vie ? Empedocle veut tp'41ï


P Y R R H O N. 319y ait des chofes que les hommes n'ont pas vues, qu'ilsn'ont point enten<strong>du</strong>es £f qu'ils ne peuvent eomprtndre.Il avoit dit auparavant qu'on n'ejl perfuadéque des cbofes auxquelles chacun en particulier vientà faire réflexion. Heraclite prétend que nous nedevons pas rifquer des conjectures fur des chofes audeffusde nous. Hippocrate s'exprime avec ambiguïté& humainement parlant. Long-tems auparavantHomère avoit foutenu que les hommes ne fontque parler y débitent des fables ; qu« chacun trouvedans uu fujet une abondante matière de parler ;que ce que l'un a dit d'abord, il l'entendra enfuitedire à un autre. Par-là il entendoit le créditqu'ont parmi les hommes les difcours pour &contre.Les Philofophes fceptiques renverfent doncles opinions de toutes les Seftes de Philofophie,fans fonder eux-mêmes aucun dogme, fe contentantd'alléguer les fentimens des autres & de n'enrien définir, pas même cela qu'ils ne décidentrien. Ceft pourquoi en avertiffant qu'ils ne dé'finiffoient rien, ils enveloppoient là-dedans cettepropoCtion même qu'ils ne définiffoient rien; carfans cela, ils auraient décidé quelque chofe. Ilsdifoient donc qu'ils ne faifoient qu'alléguer lesfentimens des autres pour en <strong>mont</strong>rer le peu defolidité, comme fi, en indiquant cela, ils enconftatoient la preuve. Ainfi ces mots, Nousne défmiffons rien, marquent une indécifîon, com-O 4me


320 P Y R R II 0 N.me Pexprcffion de Pas plus que dont ils fe fervoient,de même que ce qu'ils difoient qu'il n'ya pas de r ai/on à laquelle on ne puijfe en oppoferune autre.Il faut remarquer fur I'expreflîon de Pas plusque qu'elle s'applique quelquefois dans un feuspofitif à cprtaines chofes comme fi elles étoientfemblables ; par exemple, Un pirate n'eft pasplus méchant qu'un menteur. Mais les Philofophesfceptiques ne prenoient pas ce mot dans un fenspofitif; ils le prenoient dans un fens deftructif,comme quand on dit: // n'y a pas plus eu deScylk que de Chimère. Ce mot plus que fe prendauflî quelquefois par comparaifon, cc-mme quandon dit que le miel ejl plus doux que le raijîn; &quelquefois tout enfemble affirmativement & négativement, eomme dans ce raifonnement : Lavertu ejl plus utile que nuifille. Car on affirmequ'elle eft utile, & on nie qu'elle foit nuifible.Mais les Sceptiques ôtent toute force à cette expreflîonPas plus que-, en difant que tout commeon ne peut pas plus dire qu'il y a une Providencequ'on ne peut dire qu'il n'y en a point ; demême auflî cette expreflîon Pas plus que n'eft pasplus qu'elle n'eft pas. Elle fignifîe donc la mêmechofe que ne rien définir & être indécis, commele dit Tynon dans fon Pytbon.Pareillement ce qu'ils difent qu'ïï n'y a pointde raifon à laquelle on nej>uijfe en oppofer une contrai'


P Y R R H 0 m. 3*rtrairt, emporte la même indécifion , parce quefi les raifons de chofes contraires font équivalentes,il en doit rèfulter l'ignorance de la vérité;& cette propofition même eft, félon eux, combattuepar une raifon contraire, qui à fon tour,après avoir détruit celles qui lui font oppofées, fedétruit elle-même, à peu. près comme les remèdespurgatifs parlent eux-mêmes avec les maticres qu'ils chafient. Quant à ce que difent lesDogmatises que cette manière de raifonner riejlpas détruire la raifon, mais plutôt la confirmer, lesSceptiques répondent qu'ils ne fe fervent des raifonsque pour un fimple ufage, parce qu'en effetil n'eft pas poflible qu'une raifon foit détruite parce qui n'eft point une raifon , tout comme, ajoutent-ils, lorfque nous difôns qu'il n'y a point delieu, nous fommes obligés de prononcer le motde lieu ; nous l'exprimons, non dans un fensaffirmatif, mais d'une manière Amplement déclarative.La même chofe a lieu, lorfqu'en difantque rien ne fe fait par néceffité, nous fourniesobligés de prononcer le mot de néceffité. Ainfîexpliquoient ces Philofophes leurs fentimens ; carils prétendoient que tout ce que nous voyonsn'eft pas tel dans fa nature, mais une apparence.Ils difoient qu'ils recherchoient, non ce qui fepeut comprendre, car la compréhenfion emporte'évidence, mais feulement ce que les fens nou*découvrent des objets; de forte que la raifon rOsfe-


31» P Y R R H O N.Mon Pyrrhon, n'eft qu'un fimple fouvenir desapparences, ou des chofes qu'on conçoit tellementquellement : fouvenir par lequel on compareles chofes les unes aux autres, dont on fait anaffemblage inutile & qui ne fert qu'à troubler i'efprit,comme s'exprime jEnefideme dans fon Tableau<strong>du</strong> Pyrrbunisme. Quant à la manière contrairedont ils envifagent les objets, après avoir<strong>mont</strong>ré par quels moyens on fe perfuade une chofe,ils employent les mêmes moyens pour endétruire la croyance. Les chofes, qu'on fe perfuade, font, ou des chofes qui félon le rapportdes fens font toujours telles , ou qui n'arriventjamais, ou rarement; des chofes ordinaires, oudifférenciées par les Loix; enfin des choies agréables, ou furprenantes : & ils faifoient voir pardes raifons, contraires à celles qui fondent lacroyance â ces divers égards, qu'il y avoit égalitédans les perfuaûons oppofées.Les Pyrrhoniens rangent fous dix claûes, fuivautla différence des objets, leurs raifons d'incertitudefur les apparences qui tombent fous lavue, ou fous l'entendement. Premièrement ilsallèguent la différence qui fe remarque entre lesanimaux par rapport au plaifîr & à la douleur, &i ce qui eft utile ou nuifible. De lé ils concluentque les mêmes objets ne pro<strong>du</strong>ifent pasles mêmes idées; différence qui doit entraînerl'incertitude. Car, difentils, il y a des animauxqui


P Y R R H O N-. ^3qui s'engendrent Tans union de fexes, commeceux qui vivent dans le feu, le phœnix d'Arabie& les tignes ; d'autres par l'union des fexes, commeles hommes & plufieurs autres. Pareillementleur conftitution n'eft pas la marne ; ce qui faitauffi qu*il y a de la différence dans les fens dontils font doués. Le faucon a la vûe.perçante, lechien l'odorat fin. Or il faut néceflkirementqu'y ayant diverfité dans la manière dont ilsvoyent les objets, il y en ait auffi dans les idéesqu'ils s'en forment. Les chèvres broutent desbranches d'arbriffeaux, les hommes les trouventameres; la caille mange de la ciguë, c'eft un poifonpour les hommes ; le porc fe nourrit defiente ; ce qui répugne au cheval.En fécond lieu ils allèguent la différence quife remarque entre les hommes félon les tempéramens,Dwnç^phon , Maitre-d'hôtel d'Alexandre,avoit chaud à l'ombre, & froid au foleil.Ariftote dit qu'Andron d'Argos traverfoit les fablesde Lybie , fans boire. L'un s'applique àla Médecine, l'autre à l'Agriculture, celui-là auNégoce, & ce qui eft nuîfible aux uns fe trouveêtre utile aux autres ; nouveau fujet d'incertitude.En troifieme lieu ils fe fondent fur la différencedes organes des fens. Une pomme paroîtpaleà la vue, douce au goût, agréable à l'odorat.Le même objet, vu dans un miroir, change fe-0 6 Ion


314 F Y R R H O N.Ion que le miroir eft difpofé. D'où il s'enfuitqu'une chofe n'eft pas plus telle qu'elle parolt,qu'elle n'eft telle autre.En quatrième lieu ils citent les différencesqui ont li«u dans la difpofition, & en généralles changemens auxquels on eft fujet par rapportà la fanté, à la maladie, au fommeil, au réveil,à la joye, à la triftefie, à la jeunefle, à la vieillent, au courage, à la crainte, au befoin, â laléplétion', à la haine, à l'amitié, au chaud, aufroid. Tout cela influe fur l'ouverture où le resserrementdes pores des fens} de forte qu'il fautque les chofes paroiflent autrement, félon qu'oneft différemment difpofé. Et pourquoi décidet-onque les gens, qui ont l'efprit troublé, fontdans un dérangement de nature ? Qui peut direqu'ils font daDS ce cas, plutôt que nous n'y famines?-Nevoyons-nous pas nous-m^jnes le foleilcomme s'il étoit arrêté? Tithorée le Stoïcien fepromenoit en dormant, & un doineftique de Peliclèsdormoit au haut d'un toit.Leur cinquième raifon eft prife de l'é<strong>du</strong>cation, des loix , dts opinions fabuleufes , desconventions nationales & des opinions dogmatiques,autant de fources d'où découlent les idéesde l'honnête & de ce qui eft honteux, <strong>du</strong> vrai& <strong>du</strong> faux, des biens & des maux, des Dieux,de l'origine & de la corruption, des chofes quiparoiflent dans le monde. De là vient que ce queles


P Y R R H O N.3ijles uns eftiment jufte, les autres le trouvent in*jufte, & que ce qui parolt un bien à ceuX-ci,eft un mal pour ceux-là. Les Perfes croyoient lemariage d'un père avec fa fille permis; les Grecsen ont horreur. Les Maflagetes pratiquent lacommunauté des femmes, comme dit Eudoxedans je premier livre de fon ouvrage intitulé, LeTour de la Terre ; les Grecs n'ont point cettecoutume. Les babitans de Cilicie aiment le larcin,• les Grecs le blâment. Pareillement à l'égarddes Dieux, les uns croyent une Providence;les autres n'y ajoutent aucune foi. Les Egyptiensembaument leurs morts ; les Romains lesbrûlent; les Paeoniens les jettent dans les étangs-:nouveau fujet de fulpendre fon jugement fur lavérité.En fixîeme jieu ils fe fondent fur le mélangedes chofes les,unes avec les autres; ce qui eftcaufe que nous n'en voyons jamais aucune Amplement& en elle-même, mais félon l'union qu'ellea avec l'air, la lumière, avec des chofes liquidesou folides, avec le froid, le chaud, le mouvement',les évaporations & autres qualités femblables.. Ainfi le pourpre paroit de couleur diffé •lente au foleil, à la lune & à la chandelle. Notrepropre teint paroit être autre le midi que lefoir. Une pierre, que deux hommes tranfportentdifficilement par l'air, fe tranfporte plus aifémentpar l'eau » foit que l'eau diminue feO 7pe-


3î6 P Y R R H O N.pefanteur, ou que l'air l'augmente.En feptieme lieu ils s'appuyent fur la différentefituation de certaines chofes, & fur leur relationavec les lieux où elles fe trouvent. Cela faitque celles, qu'on croit grandes, paroiflent petites;que celles, qui font quarrées, femblent êtreTondes ; que celles, qui ont la fupetficïe plane,paroiflent relevées; que celles, qui font droites,paroiflent courbes, & que celles, qui font blanches,fe préfentent fous une autre couleur. Ainfi le foleiinous paroît peu de chofe à caufe de fon éloignement.Les <strong>mont</strong>agnes nous paroiflent de loin commedes colomnes d'air & aifées i <strong>mont</strong>er, su-lieuque vues de près, nous en trouvons la pente roidé& efcarpée. Le foleii nous parok autre en felevant, qu'il n'eft à midi. Le même corps nousparolt différent dans un bois que dans une plaine.H en eft ainfi d'une figure félon qu'elle eft différemmentpofée, & <strong>du</strong> cou d'un pigeon félon qu'Aeft diverfement tourné. Comme donc on nepeut examiner aucune chofe en faifant abftraftion<strong>du</strong> lieu qu'elle occupe, il s'enfuit qu'on en ignoresuffi la nature.Leur huitième raifon eft tirée des diverfeiquantités, foit <strong>du</strong> froid ou <strong>du</strong> chaud, de la vitefleou de la lenteur, de la pâleur ou d'autrescouleurs. Le vin, pris modérément, fortifie ; bûavec excès, il trouble le cerveau. On doit en direautant de la nourriture & d'autrei chofes femblables.Leur


P 7 R R H O N. $rrLeur neuvième raifon confifte en ce qu'unechofe paroit extraordinaire & rare, fuivant qu'uneautre eft plus ou moins ordinaire. Les tremblemensde terre ne furprennent point dans leslieux où l'on a coutume d'en fentir, & nousn'admirons point le foleil , parce que nous levoyons tous les jours. Au refte Phavorin comptecette neuvième raifon pour la huitième. Sextus& JEnefideme en font la dixième; de forteque Sextus fuppute pour dixième raifon celle quePhavorin nomme la neuvième.Leur dixième raifon eft prife des relations queles chofes ont les unes avec les autres, comme dece qui eft léger avec ce qui eft pefant, de cequi eft fort avec ce qui eft fdible, de ce qui eftgrand avec ce qui eft petit, de es qui eft hautavec ce qui eft bas. Ainfi le côté droit n'eft pastel par fa nature , mais par fa relation avec lecôté gauche; de forte que fi*on ôte celui-ci, iln'y aura plus de côté droit. De môme les qualitésde pere,& de frère font des chofes relatives.On dit qu'il fait jour relativement au foleil, & en général tout a un rapport fi dîreftavec l'entendement , qu'on ne fauroit connoltreles chofes relatives en elles-mêmes. Voilà les dixclafles dans lefquelles ces Phîtofophss rangentles raifons de leur incertitude.Agrippa y en ajoute encore cinq autres; ladifférence des fentimens, le progrès qu'il faut faire


3SgP Y R R H O îf.te à l'infini de l'une à l'autre, les relations muvtuelles, les fuppofitions arbitraires, le rapport dela preuve avec la cbofe prouvée. La différence,qu'il y a dans les fentimens, fait voir que toutesles queftions que l'on traite ordinairement, ouqui font propofées parlesPhilofopb.es, font toujourspleines de difputes & de confufion. Laraifon,prife <strong>du</strong> progrès qu'il faut faire d'une chofeà l'autre, dé<strong>mont</strong>re qu'on ne peut rien affirmer,puifque la preuve de celle-ci dépend de celle-là,& ainfi à l'infini. Quant aux relations mutuebles,on ne fauroit rien confidérer féparément ; aucontraire il faut examiner une chofe conjointe^ment avec une autre, ce qui répand de Pigno»rance fur ce que l'on recherche. La raifon ,prife des fuppofitions arbitraires , porte contreceux qui eroyent qu'il faut admettre certains premiersprincipes comme in<strong>du</strong>bitables en eux-mêmes, & au-delà defquels on ne doit point aller;fentiment d'autant plus abfurde, qu'il eft égalementpermis de fuppofer des principes contraires.Enfin la raifon, prife <strong>du</strong> rapport de la preuveavec la chofe prouvée, porte contre ceux qui,voulant établir une hypotbefe , fe fervent d'uneraifon qui a befoin d'être confirmée par la chofemême qu'on veut prouver, comme fi pour dé<strong>mont</strong>rerqu'il y a des pores parce qu'il fe faitdes évaporations, on prenoit celles-ci pourpreuve des autres.Ces


P Y R R H O N. 329Ces Philofophes nioient tpute démonftration,tout jugement , tout caradtere , toute caufe ,mouvement, feience, génération , & croyoientque rien n'eft par fa nature bon ou mauvais.Toute démonftration, difoient-ils, eft formée,ou de chofes dé<strong>mont</strong>rées, ou d'autres qui ne lefont point. Si c'eft de chofes qui fe dé<strong>mont</strong>rent,elles-mêmes devront être dé<strong>mont</strong>rées, & ainfijufqu'à l'infini. Si au contraire c'eft de chofesqui ne fe dé<strong>mont</strong>rent point, & que toutes, ouquelques-unes, ou une feule, foient autres qu'onne les conçoit, tout le raifonnement cefle d'êtredé<strong>mont</strong>ré. Ils ajoutent que s'il femble qu'il y aitdes chofes qui n'ont pas befoin de démonftration ,il eft furprenant qu'on ne voye pas qu'il faut dé<strong>mont</strong>rercela même que ce font de premiers principes.Car on ne fauroit prouver qu'il y a quatreélemens par la ra'tfon qu'il y a quatre élemens. Outrecela, fion ne peut ajouter foi aux parties d'une propofition,néceflairement on doit fe refufer à la démonftrationgénérale. II faut donc un caraéterede vérité, afin que nous fâchions que c'eft unedémonftration, & nous avons également befoind'une démonftration pour connoitre le cara&erede vérité. Or,comme ces deux chofes dépendentl'une de l'autre, elles font un fujet qui nous obligede fufpendre notre jugement. Et commentparviendra-t-on à la certitude fur des chofes quine font pas évidentes, fi on ignore commentcl-


330 P Y R R H O N.elles doivent fe dé<strong>mont</strong>rer ? On recherche, nospas ce qu'elles paroiflent être, maïs ce qu'ellesfont en effet. Ils traitoient les Dogmatiftesd'infenfés; car, difoient-ils, des principes, qu'onfuppofe prouvés, ne font point un fujet de recherche, mais des .chofes pofées telles ,• & enraifonnant de cette manière, ou pourroit établirl'exiftence de chofes impoffibles. Ils difoientencore que ceux, qui croyoient qu'il ne faut pasjuger de la vérité par les circonftances des chofes, ni fonder fes règles fur la nature, fe faifoienteux-mêmes des règles fur tout, fans prendregarde que ce qui paroit, eft tel par les cir«confiances qui l'environnent, & par la manièredont il eft difpofé ; de forte, concluoient-ili, qu'Afaut dire, ou que tout eft vrai, ou que tout eftfaux. Car fi l'on avance qu'il y a feulement certaineschofes vrayes, comment les difeernera-t-on?Les fens ne peuvent être caractère de véritépour ce qui regarde les chofes fenfibles, puifqu'ilsles envifagent tontes d'une manière égale.Il en eft de même de l'entendement par la mêmeraifon, & outre les fens & l'entendement, il n'ya aucune voye par laquelle on puiffe difçerner lavérité. Celui donc, continuent-ils, qui établitquelque chofe, ou fenfible , ou intelligible,doit premièrement fixer les opinions qu'on en a ;car les uns en ôtent une partie, les autres uneautre. Il eft donc néceflàire de juger, ou parles


P Y R R H O N. 331les fens, ou par l'entendement. Mais tous les deuxfont un fujet de difpute ; ainfi on ne peut difcernerla vérité entre les opinions,tant à l'égard des choiesfenfibles que par rapport aux chofes intelligibles.Or fi, vu cette contrariété qui eft dans les efprits,on eft obligé de rendre raifon à tous, ondétruit la règle par laquelle toutes chofes paroiffentpouvoir être difcernées, & il faudra regardertout comme égal.Ils pouffent plus loin leur difpute paT ce rat.fonnement. Une chofe vous paroit probable.Si vous dites qu'elle vous pàrolt probable, vousn'avez rien à oppofer à celui qui ne la trouvepas telle ; car comme vous êtes croyable en di«fant que vous voyez une chofe de cette manière,votre adveifairc eft auffi croyable que vous endifant qu'il ne la voit pas de mime. Que fi lachofe, dont il s'agit, n'eft point probable, onn'en croira pas non plus celui qui aflurera qu'il'la voit clairement ce difrin&ement. On ne doitpas prendre pour véritable ce dont on eft perfuadé,les hommes n'étant pas tous, ni toujourségalementperfuadés des mêmes chofes. La per«fuafion vient fouvent d'une caufè extérieure, &«il quelquefois pro<strong>du</strong>ite, ou par l'autorité decelui qui parle, ou par la manière infinuarite dontil s'exprime, ou par la confidération de ce quieft agréable.Les PyrrhoHièns détruifoient encore tout cas.raç-


33i P Y R R H O N.ractere de vérité, en raifonnant de cette manière.Ou ce caractère de vérité eft une chofe examinée,ou non. Si c'eft une chofe qu'on n'a pas examinée,elle ne mérite aucune créance,& ne peut contribuerà difcemer le vrai & le faux. Si c'eft une chofedont a fait l'examen, elle eft <strong>du</strong> nombre deschofes qui doivent être confidérées par parties ;de forte qu'elle fera à la fois juge & matière deJugement. Ce qui fert i juger de ce cara&erede vérité devra être jugé par un autre cara&erede même nature, celui-ci encore par un autre, & ainfî i l'infini.Ajoutez à cela,difent-ils, qu'on n'eft pas mêmed'accord fur ce caractère de vérité, les-unsdifant que c'eft l'effet <strong>du</strong> jugement de l'homme,les autres l'attribuant aux fens, d'autres à la raifon,d'autres encore à une idée évidente. L'hommene s'accorde, ni avec lui-même, ni avec lesautres, témoin la différence des Loix & desmœurs, Les fens font trompeurs, la raifon n'agitpas en tous d'une manière uniforme, les idéesévidentes doivent être jugées par l'entendement,& l'entendement lui-même eft fujet à divers chan»gemens de fentimens. De là ils inferoient qu'iln'y a point de caraftere de vérité avec certitude,&que par conféquent on ne peut connoître la vérité.Ces Philefophes nioient auffi qu'il y eûtdes lignes par lesquels on pût connoître les choies, parce que s'il y a quelque ligne pareil,il


P Y R R H O N. 333il doit être,ou fenfible, ou intelligible. Or, difent-ils,il n'eft pas fenfible, parce que la qualitéfenfible eft une chofe générale, & le figne unechofe particulière. La qualité fenfible regarded'ailleurs la différence d'une chofe, au-lieu quele figne a rapport à fes relations. Ce n'eft pasnon plus une chofe intelligible; car ce devroitêtre, ou un figne apparent d'une chofe apparente,ou un fîgne obfcur d'une chofe obfcure, ouun figne obfcur d'une chofe.apparente,ou un figneapparent d'une chofe obfcure. Or rien detout cela n'a lieu; par conféquent point dé Agnes.Il n'y en a pas d'apparent d'une chofe ap.parente, puifque pareille chofe n'a pas befoin defigne. Il n'y en a point d'obfcur d'une chofeobfcure j car une chofe, qui eft découverte parquelque autre, doit être apparente. Il n'y en..a point d'obfcur d'une chofe apparente, parcequ'une chofe eft apparente dès là même qu'elleeft connoiflable. Enfin il n'y a point de fig.ne apparent d'une chofe obfcure, parce que lefigne, regardant les relations des choies, eftcompris dans la chofe même dont il eft figne 5ce qui ne peut autrement avoir lieu. De cesrajfonnemens ils tiroient cette conféquence,qu'on ne peut parvenir a connottre'rien des chofrsqui ne font pas évidentes, puifqu'on dit que c'eftpar leurs lignes qu'on doit les connoître.Pareillement Us n'admettent point de caufe àla


334. P Y R R H O N.la faveur de ce raisonnement. La caufe eft quelquechofe de relatif. Elle a rapport à ce dontelle eft caufe : or les. relations font des objetsde l'efprit qui n'ont point d'exiftenceréelle; donc les caufes ne font que dcsfldées del'efprit. Car fi elles font effectivement caufes,elles doivent être jointes à ce dont on dit qu'ellesfont caufes ; autrement elles n'auront pointcette qualité. Et de ^ême qu'un père n'eftpoint tel , à moins que celui , dont on ditqu'il eft père, n'exiïlc ; de même auffi une caufen'eft point caufe fans la réalité de ce dont on ditqu'elle eft caufe. Cette réalité n'a point lieu,n'y ayant ni génération, ni corruption, ni autre chofefemblable. De plus s'il y a des caufes, ou ce feraune chofe corporelle qui fera caufe d'une chofe corporelle,ou ce fera une chofe incorporelle qui feracaufe d'une chofe incorporelle ; mais rien de celan'a lieu, il n'y a donc point point de caufe.Une chofe corporelle ne peut être caufe d'unechofe corporelle, puisqu'elles ont toutes deuxla même nature; & fi l'on dit que l'une des deuxeft caufe entant que corporelle, l'autre étant pareillementcorporelle, fera auffi caufe en mêmetems ; de forte qu'on aura deux caufes -fans patient.Par la même raifon une chofe~ incorporellene peut être caufe d'une chofe incorporelle, non plus qu'une chofe incorporellene peut l'être d'une chofe corporelle, parce quece


P Y R R H O N. 335ce qui eft incorporel ne pro<strong>du</strong>it pas ce qui eftcorporel. De môme une chofe corporelle nefera point caufe d'une chofe incorporelle, parceque dans la formation l'agent & le patient doi.vent être de même';matière, & que ce qui eft incorporelne peut être le fujet patient d'une caufecorporelle, ni de quelque autre caufe matérielle& efficiente. De là ils dé<strong>du</strong>ifent que ce qu'ondit des principes des chofes ne fe foutient pas,parce qu'il faut néceflairement qu'il y ait quelqueehofe qui agiffe par lui-même, & qui opère lerefte.Ces Philofophes nient auflî le mouvement parla raifon que ce qui eft mû, ou fe meut dansl'endroit même où il eft, ou dans celui où iln'eft pas. Or il ne fe meut ni dans l'un,ni dans l'autre ,* donc il n'y a point de mouvement.Ils aboliffent toute feience en difant, ou qu'onenfeigne ce qui eft entant qu'il eft, ou ce quin'eft pas entant qu'il n'eft pas. Le premier n'eftpoint néceflaire, puifque chacun voit la naturedes chofes qui exiftent; le fécond inutile, vuque les chofes, qui n'exiftent point, n'acquièrentrien de nouveau que l'on puiffe enfeigner & apprendre.Il n'y a point de génération, difent-ils ; carce qui eft déjà ne fe fait point, non plus que cequi n'eft pas, puisqu'il n'a point d'exiftence aftuelle.Ils


336 P Y R R H O N.Ils nient encore que le bien & le mal foienttels par nature, parce que s'il y a quelque chofenaturellement bonne ou mauvaife, elle doitêtre l'un ou l'autre pour tout le monde, commela neige que chacun trouve froide. Or il n'y aaucun bien, ni aucun mal qui^aroifle tel à,tousles hommes, donc il n'y en a point qui foit telpar nature. Car enfin ou l'on doit regarder cequ'on appelle bien comme bfen en général,ou il ne faut pas le confidérer comme bienréel Le premier ne fe peut, parce quela même chofe efl envifagée comme unbien par l'un , & comme un mal par l'autre.Epicure tient que la volupté eft un bien, Antifthenel'appelle un mal. La même chofe feradonc un bien & un mal tout i la fois. Que fion ne regarde pas ce qu'un homme appelle biencomme étant univerfellement tel, il faudra diftinguçrles différentes opinions ; ce qui n'eft paspoffible à caufe de la force égale des ralfonscontraires, d'où ils concluolent que nous ignoronss'il y a quelque bien qui foit tel par nature.Au refte on peut connoitre tout le fyftème deleurs raifons par les recueils qu'ils en ont lahTés.Pyrrhon n'a rien écrit, mais on a des ouvragesde fes difciples, de Timon, d'^nefideme, deNumenius, de Naufîphane & d'autres.Le» "Philofophes dogmatiftes oppofent auxPyr-


P Y R R H O N. 337Pyrrhoniens que contre leurs principes ils reçoiventdes vérités & établirent des dogmes. Ilsreçoivent des vérités par cela même qu'ils difputent,qu'ils avancent qu'on ne peut rien définir,& que toute raifon eft combattue par des raiibnscontraires. Au moins il eft vrai qu'en ceci ils-'définiflent & établiflent un principe. Voici coqu'ils répondent à ces objections. „ Nous con-„ venons que nous participons aux fentimens de„ l'humanité. Nous croyons qu'il fait jour, quer, nous vivons, & que nous recevons bien d'autre*„ chofes pareilles qui ont lieu dans la vie; mais„ nous fufpendons notre jugement fur les cho-„ fes que les Dogmatiftes affirment être évidentes„ par la raifon, & nous les regardons comme incer-„ taines. En un mot nous n'admettons que les„ fentimens. Nous convenons que nous voy-,, ons, nous favons que nous penfons; mais„ nous ignorons de quelle manière nous apper-„ cevons les objets, ou comment nous viennent„ nos penfées. Nous difons, par manière de„ parler, que telle chofe eft blanche; mais non„ par voye d'affirmation pour afTàrer qu'elle efta telle en effet. Quant aux expreffions que„ nous ne définijjons rien, & autres termes fera-„ blables dont nous faifons ufage, nous ne les„ employons pas comme des principes. Ces„ expreffions font différentes en cela des princi-„ pes qu'établiffent les Dogrnattftçs quand ils di-Ttme IL P „ fent,


33g P Y R R H O N.„ feht, par exemple, que le monde eft fphéri-„ que. L'affertion eft incertaine, au-lieu que„ nos expreffions font des aveux qui emportent„ une certitude. Ainfi quand nous difons que„ nous ne iéjmijjons rien, nous ne décidons pas„ même ce que nous exprimons". Les Dogmatiftesleur reprochent encore qu'ils détruifentl'eflence de la vie, dès qu'ils en ôtent tout ceen quoi elle confifte. Les Pyrrhoniens leur donnentle démenti, ils difent qu'ils n'ôtent pointla vue, qu'ils ignorent feulement comment ellefe tait. : „ Nous fuppofons avec vous ce quipa-„ roit, ajoutent-ils ; nous doutons feulement qu'il„ foit tel qu'il eft vu. Nous fentons que le feu„ brûle; mais s'il agit ainfi par une faculté qui„ lui eft naturelle, c'eft ce que nous ne déter-„ minons point. Nous voyons qu'un homme„ fe remue & fe promené ; mais nous ignorons„ comment s'effeftue ce mouvement. Nos rai-„ fonnemens ne tombent donc Amplement que„ fur l'incertitude qui eft jointe aux apparences„ des chofes. Quand nous difons qu'une fta-„ tue a des dehors relevés, nous exprimons ce qui„ çaroît; lorsqu'au contraire nous aflûrons qu'elle„ n'en a point, nous ne parlons plus de rapparen-„ ce, nous parlons d'autre chofe." De là vient cequ'obferve Timon dans trois de fes ouvrages;dans fes écrits à Python, que Pyrrbon n'a pointéitruit l'autorité de h coutume} dans fes Imagesqu'fi


P Y R R H O N.33fqu'il prenoit l'objet tel qu'il paroiffoit à la vue ; &dans fon traité des Sens,qu'il ri affirmait pas qu'unetbofe étoit douce, mais qu'elle fembloit l'être../Enefideme, dans fon premier livre des Difcoursde Pyrrbon, dit aufli que ce Philofophe ne décidoitrien dogmatiquement à caufe de l'équivalencedes raifons contraires, mais qu'il s'en tenoitaux apparences; ce qu'iEnefldeme répète dansfon traité contre la Pbilofopbie & dans celui de laRecbercbe. Zeuxis, ami d'iEnefideme, dans fonlivre des Deux fortes de Raiforts, Antiochus deLaodicée,& Apellas dans fon traité A'Agrippa nepofent aufli d'autre fyftême que celui des feulesapparences. Ainfl donc les Pyrrhoniens admettentpour cara&ere de vérité ce que les objetspréfentent à la vue, félon ce qu'en dit JEnefideme.Epicure a été <strong>du</strong> même fentiment, & Déinocritedéclare qu'il ne connoît rien aux apparences,qu'elles ne font point toutes réelles, &qu'il y en a même qui n'exiftent pas.Les Dogmatiftes font là-deflus une difficultéaux Pyrrhoniens, prife de ce que les mêmesapparences n'excitent pas les mêmes idées. Parexemple, une tour peut paraître ronde, & quarrée.Si donc unPyrrhonien ne décide fur aucunede ces apparences, il demeure fans agir; &s'il fe détermine pour l'une ou l'autre,il ne dea-P 2HP


3*o P Y R R H O N..ne pas aux apparences une force égale. Ils répondentque qunnd les apparences excitent des idéesdifférentes, ils difent cela même qu'il y a di-•erfes apparences, & que c'eft pour cela qu'ilsfont profeflîon de n'admettre que ce qui parolt.Quant à la fin qu'il faut fe propofer, lesPyrrhoniens veulent que ce foit la tranquillitéd'efprit, qui fuit la fufpenfion <strong>du</strong> jugement 4peu près comme l'ombre accompagne un corps,s'expriment Timon & TEnefideme. Ils avancentque les chofes, qui dépendent de nous, ne fontpns un fujet de choix ou d'averfiôn, excepté cellesqui excédent notre pouvoir, & auxquellesnous fommes fournis par une néceffité que nousne pouvons - éviter, comme d'avoir faim & foif,ou de fentif 4c la douleur j chofes contre lesquellesla raifon ne peut rien. Sur ce que les Dogmatisesleur demandent comment un Sceptiquepeut vivre, fans fe difpenfer, par exemple,d'obéir fi on lui ordonnoit de tuer fon père, ilsrépondent qu'ils ne favent-pas comment un Dog-Hîatifte pourrait vivre en s'abftenant des queftions,qui ne regardent point la vie & la con<strong>du</strong>ite ordinaire.Ils concluent enfin qu'ils choiûffent &évitent certaines chofes en fuivant la coutume,& qu'ils reçovient l'ufage des Loix. Il y en a quiprétendent que les Pyrrhoniens etabliflbient pourfin l'exemption de paflîons ; d'autres, la douceur.TI-


T I M O N .3 4IT I M O N .APoIlonide de Nicée, dont nous avons faitl'éloge dans nos Oeuvres Poétiques, affûte,livre premier de fes Poéftes Satyriques dédiéesà Tibère Céfar, que Timon étoit fils de Timarque& originaire de Phliafie ; qu'ayant per<strong>du</strong> fonpère dans fa jeunefle, il s'appliqua à la danfe ;qu'enfuite il changea de fentiment, & s'en alla àMegare auprès de Stilpon ; qu'après avoir pafTé bien<strong>du</strong> tems avec lui, il retourna dans fa patrie Sts'y maria; que de là il fe rendit conjointementavec fa femme à Elis chez Pyrrhon *• qu'il s'arrêtadans cet endroit jufqu'â ce qu'il eût des enfansj& qu'il inftruifit dans la Médecine l'aînéfes fils, nommé Xanthus, lequel hérita de fonpère fa manière de vivre & fes préceptes. Timon,allure Sotion, livre onzième, fe rendit il*Iuftre par fon éloquence; mais comme il rnanquoit<strong>du</strong> néceffaire, il fe retira dans l'Hellefpont& dans la Propontide. Il y enfeigna iChalcedoine la Philofophie & l'Art Oratoire ave<strong>du</strong>n fuccès qui lui mérita beaucoup de louange.Devenu plus riche, il partit de là pour Athènes,où il vécut jufqu'à fa mort, excepté qu'il demeurapeu de tems à Thebes. Il fut connu & eftimé<strong>du</strong> RoiAntigone,ainfi que dePtolomée Philadel-P 3phe,


34* T I M O N .phe, comme il l'avoue lui-même dans fes Versïambes.Antigone dit que Timon aimoit à boire, & nes'occupoit pas beaucoup de la Pbilofophie. 11compofa desPoëines, différentes fortes de Vers,des Tragédies, des Satyres, trente Comédies,foixante Tragédies, outre des PoéMes^ libres &bouffonnes. On a auffi de lui un livre de Poéfielogadique, où font contenus plus de vingtmille vers; livre dont il eft fait mention dansAntigone deCaryfte, auteur de la Fie deTmon.Ses Poéfies burlesques renferment trois livres,dans lesquels, en qualité de Pyrrhonien, il fatyrifetous les Philofopb.es Dogmatiftes, en le*parodiant à l'imitation des anciens Poètes. Lèpre*mier de ces livres eft un narré lîtnple & clairementécrit ; le fécond & le troifieme font uneefpece de Dialogue, où les queftions fe propofentpar Xénopbane de Colopbop, & auxquellesil femble répondre lui-même. Dans le fécondlivre il parle des Anciens, dans le troifieme desModernes; ce qui a donné à quelques-uns occafionde l'appeller Epilogueur. Le premier livrecontient les mêmes matières que les deux au»très, hormis qu'il n'y intro<strong>du</strong>it qu'un perfonnagequi parle. Il commence par ces mots :Venez, Sopbijles, venez Uus ici; vous g ente vaine, é? qui vous rendez fi importune.Il mourut, âgé de près de quatre-vingt-dixans,


T I M O N . 343ans, félon la remarque d'Antigone, & de Sotiondans fon livre onzième. J'ai oui dire qu'il étoitborgne, & qu'il fe traitoit lui-même de Cyciope..11 y a eu un autre Timon, qui étoit mifanthrope.Timon le Pbilofopbe aimoit beaucoup les jardins& la folitude , comme le rapporte Antigone.On raconte que Jérôme le Péripatéticien difoitde lui que comme parmi les Scythes on lançoit desiléches dans la pourfuite & dans la retraite; demême entre les Philofophes il y en avoit qui gagnoientdes difciples à force de les pourfuivre,4'autres tz les fuyant, ôc que Timon étoit de cecaractère.Il avoit l'efprit fubtile & piquant, aimoit aécrire, & excelloit fur-tout à inventer des contespropres à compofer des fables pour les Poètes& des pièces pour le Théâtre. Il communiquoitfes tragédies à Alexandre & à Homère le Jeune.Il ne s'embarraûoit pas d'être troublé par fes domeftiques,ou par des chiens, n'ayant rien plusà cœur que la tranquillité d'efprit. On ditqu'Aratus lui demanda comment on pourroit fairepour avoir un Homère correct, & qu'il réponditqu'»7 falloit tâcher d'en trouver les plus anciensexemplaires, £f non d'autres plus récens, revus ' &corrigés. Il laiflbit trainer fes pro<strong>du</strong>ctions, quiétoient fouvent à demi-rongées par négligence.On conte là-deflus que l'Orateur Zopyrus, JifantP 4un


344 T I M O N .un de fes ouvrages dont Timon loi <strong>mont</strong>foftdes endroits, lorsqu'ils vinrent à la moitié <strong>du</strong>livre, il s'en trouva une partie déchirée ; ceque Timon avoit ignoré jufqu'alors, tant il étoitindifférent à cet égard. 11 étoit d'une fi heu--reuie complexion, qu'il n'avoit aucun tems marquépour prendre fes repas.On raconte que voyant ATcéfilas marcher,accompagné de flatteurs à droite & à- gauche, ifIni dit: Que viens tu faire parmi nous, qui forâmeslibres &? exempts defervitude? Il avoit coutumede dire de ceux qui prétendoient que lesfens s'accordent avec l'entendement dans ie rap*port qu'ils font des objets : Attagas c5* Numeniusfont d'accord. Ordinairement il prenoit un ton railfleur. Il dit un jour à quelqu'un qui fe faifoit de toutun fujet d'admiration : Pourquoi ne vous étonnez~vous .pas de ce qu'étant trois enfemble, nous n'avons quequatre yeux P En effet lui & Dioscoride fon difcij>leétoit chacun privé d'un œil, au-lieu que celui,à qui il parloit, en avoit deux. Rrcéfilaslui demanda pour quelle raifon il étoit venifde Thebes. Afin, lui repliqua-t-il,d'avoir «ccaficnde me moquer de vous, qui vous êtes élevé àun fi haut degré. Néanmoins il a donné, dansfon livre intitulé, Repas d'Arcéfilas, des louangejà ce même Philofophe qu'il avoit dénigré dansfes Poéjies burlesques.Meriodote écrit que Timon n'eut point defuc-


T I M O N .34Sfucceffeur. Sa Sefte finit avec fa vie, jufqu'àce qu'elle fut renouvellée par Ptolomée de Cyrene.Au refte Hippobote & Sotion difent qu'ileut pour difciples Diofcoride de Cypre, Nicoloquede Rhodes, Euphranor de Séleucie, &Praylus de la Troade, qui fut, au rapport dePhylarque l'Hiflorien, fi confiant & fi patient,que malgré toute fon innocence, il fe laifla condamnerà mort comme traître, fans avoir mêmeprononcé un feul mot de fupplication. Euphranorforma Eubule d'Alexandrie, qui enfeignaPtolomée ,• lequel drefla Sarpedon & Héraclide.Gt dernier fut Maître d\fënefideme de Gnofle,auteur des huit livres fur les Raifons que lesPyrrhoniens alleguoient en faveur de leur fy.ftême. iEnefideme inftruifit Zeuxippe, nomméPolites, &'celui-ci Zeuxis, furnommé Goniope.Zeuxis eut fous fa difcipline Antiochus de Laodicée,defcen<strong>du</strong> de Lycus, dont Ménodote deNicomedie, Médecin Empyrique, & Théodas deLaodicée prirent les leçons. Ménodote à fontour devint Maître d'Hérodote, fils d'Arieus natifde Tarfe, qui le fut enfuite de Sextus Empipiricus,<strong>du</strong>quelon a les dix volumes <strong>du</strong>Pyrrhonisme& autres beaux ouvrages. Enfin Sextus Saturnineut pour difciple un nommé Cythenas,auffi Empyrique.F S L*


% Ç H Q ^ > K ' Q O > N N ^ V W M V M V - . > > . V > > . • n w ' w W W W W ' i W w . w!LIVRE X.* ^ S ^ B ! ^ * ^ * * * * * - * * - * * * * ^ * * * * * ' * *E P I C U R E.fPicure fut fils de Néodes & de Cfiereftrate.La ville d'Athènes fut fapatrie, & le bourg de Gargette lelieu de fa naiffance. Les Philaïdes,ainfi que dit Métrodore dans le livre qu'il a faitde laNtbieJfe, furent fes ancêtres.Il y a des Auteurs, entre lesquels eft Héraelide,félon qu'il en écrit dans l'Jbrégé deSotion,qui rapportent que les Athéniens ayant envoyéune colonie à Samos.'il y fut élevé, & qu'ayantatteint l'âge de dix ans, il vint à Athènes dans letems que Xénocrate enfeignoit la Philofophiedans l'Académie, & Ariftote dans la Chalcide ;mais qu'après la mort d'Alexandre le Grand,cet-


. ' E P I C U R E. 347cette capitale de la Grèce étant fous la tyranniede Perdiccas, il revint â Colophon chez fon père,où , ayant demeuré quelque tems & aflembléquelques écoliers, il retourna une féconde fois àAthènes pendant le gouvernement d'Anaxicrate,& qu'il profefla la Philofophie parmi la foule &fans être diftingué, jufqu'à ce qu'enfin il fe fieChef de cette Sc&e, qui fut appellée de fonnom.Il écrit lui-même qu'il avoit quatorze ans lors»• qu'il commença à s'attacher à l'étude de la Philofophie.Apollodore, un de fes Seflateurs, asfûre,dans le premier livre de la Fie d'Epicure, qu'ils'appliqua à cette connoiflance univerfelle deschofes par le mépris que lui donna l'ignorance desGrammairiens, qui ne lui purent Jamais donneraucun éclairciflement fur tout ce qu'Héfîode avoitdit <strong>du</strong> Cahos.Hermîppus écrit qu'il fut Maître d'école, &qu'étant enfuite tombé fur les livres de Démocrite,il fe donna tout entier à la Philofophie ; c'eftce qui a fait dire de lui à Timon, Fient enfin deSamos le dernier des Phyficiens, un Mattre d'école,un effronté, & le plus miférable des hommes.On apprend de Philodetne Epicurien, dans ledixième livre de fon abrégé des Pbilofoples, qu'ileuttrois frères, Néocles, Chscredême & Arifto -bule, à qui il infpira lé defîr de s'appliquer,comme lui, à la découverte des fecrets de laP €• na-


34SE P I C U R Enature. Myronîanus, dans fes Chapitres Hifioriques,remarque que Mus, quoique fon efclave,fut auflî un des compagnons de fon étude.Diotime le Stoïcien, qui haïiïbit mal à proposEpicure, l'a voulu faire pafler malicieufementpour-un voluptueux, ayant inféré cinquante lettres, toutes remplies de lafciveté, fous le nomde ce Philofophe, à qui il imputa encore ces certainsbillets qu'on a toujours cru itre de Chryfippe.11 n'a pas été traité plus favorablement dePoflîdonius le Stoïcien, de Nicolaus,& deSotiondans fon douzième livre des Reprébetifions, parlantde la XXIV. lettre.Denys d'Haïicarnaffe a été auflî de fes envieux.Ils difent que fa mère & lui alloient purgerles maifons par la force de certaines paroles;qu'il accompagnoit fon père , qui <strong>mont</strong>roit àvil prix à lire aux enfans ; qu'un de fes frèresfaifoit faire l'amour pour fubfifter, & que lui.même demeuroit avec une courtifane qui fénommoit Léontie; qu'il s'étoit approprié tout ceque Démocrite avoit écrit des atomes, auflïbienque les livres d'Ariftippe fur la Volupté.Timocrate, & Hérodote, dans fon livre delàJeuneffe d'Epkure , lui reprochent qu'il n'étoitpas bon citoyen ; qu'il avoit eu une complaifanceindigne & lâche pour Mythras, Lieutenant de.Lyfimachus, l'appellant dans fes lettres Apollon y& le traitant de Roi ; qu'il avoit de même faitles.


Ë P I C U R È. S49>les éloges d'Idomenée, d'Hérodote & de Timocrate,parce qu'ils avoient mis en lumière quelques-unsde fes ouvrages qui étofent encore inconnus,& qu'il avoit eu pour eux une amitié pleined'une flatterie exceffive; qu'il fe fervoit ordinairementdans fes Epltres de certains termes,comme à Léontie : 07 Roi Apollon, ma petiteLéontie, mon Ckur, avec quel excès de plaifir nenous fommes-nous pas recréés à la leiïure de votrebillet? lorfqu'H écrit àThemifla', femme de Léonce: Je vous aime, lui' dit-il, à tel point, que fivous ne me venez trouver, je fuis capable, avantqu'il fait trois jours, d'aller avec une ardeur incroyableoù vos ordres, Tbèmifta,. m'appelleront; & àPythocles, jeune homme admirablement beau :Je feche , lui' mandè-t-il, d'impatience, dans /'attentede j ouïr de votre aimable prèjence,, & je làfoubaite comme celle de quelque Divinité.Il ajoute encore à Themiftà, fl l'on en croitces Ecrivains, qu'il ne s'imagine pas faire riend'indigne lorfqu'il fe fert de tout ce qu'il y a deplus infinuant pour la perfuader. Ceft ce queremarque Théodote dans fon quatrième livre con~tré Epicure, qu'il eut un commerce avec plufieurs.autres courtifanes, mais qu'il fut particulièrementattaché à celui qu'il conferva pour Léontie, que.Métrodore, ainfi que lui, aima éperdûment.On prétend que dans fon livre de la Fin il ya de lui ces paroles : Je ne trouve plus rien quiP 7f«»>


3so E P I C U R E.puiffe me perfuader que cela foit un bien quilannit les plaijirs qui flattent le goût, qui défendceux que l'union de deux amans fait fentir , quine veut pas que l'ouïe foit charmée de l'harmonie,6f qui interdit les délicieufes émotions que les imagesfont naître par les yeux. Us veulent auffi fairecroire qu'il écrivit à Pythocles : Fuyez précipitamment, heureux jeune homme , toutes fortes dedifcipline.Epiétqte lui reproche que fa manière de parlerétoit efféminée & fans pudeur, & l'accable enmême tems d'injures. Timocrate, frère de Métrodore& difciple d'Epicure, s'étant féparé defon école, a laiffé dans fes livres, intitulés dela Joye, qu'il vomiffoit deux fois par jour à caufequ'il mangeoit trop ,• que lui-même avoit échappéavec beaucoup de peine a fa Philofophie nocturne, & au risque d'être feul avec un tel ami;qu'Eplcure ignoroit plufîeurs chofes fur la Philofophie,& encore plus fur la con<strong>du</strong>ite de la vie;que fon corps avoit été fi cruellement affligé parles maladies, qu'il avoit paffé plufîeurs annéesfans pouvoir fortir <strong>du</strong> lit, ni fans pouvoir fe leverde la chaile fur laquelle on le portoit ; quela dépenfe de fa table fe <strong>mont</strong>oit par jour à lavaleur d'une mine, monnoye Attique, comme ille marque dans la lettre qu'il écrit à Léontie, &dans celle qu'il adrefle aux Philofophes de Mitylene,& que Métrodore & lui avoient toujoursfré-


E F I C U R E.SSIfréquenté des femmes de la dernière débauche ;mais fur- tout Marmarie, Hedia, Erofie & Nicidia.Ses envieux veulent que dans les trente-feptlivres, qu'il a compofés de la Nature, il y répètefouvent la même chofe; qu'il y cenfure le»ouvrages des autres Philofophes, & particulièrementceux de Naufiphanes, difantde lui mot pourmot : Jamais Sopbifte n'a parlé avec tant d'orgueil& de vanité, £? jamais perfonne n'a mandié avectant de iajjeffe le Suffrage <strong>du</strong> peuple. Et dans fe*Epttres contre Naufiphanes il parloit ainfî : CescboSes lui avoient tellement fait perdre l'efprit, qu'ilm'aecabloit d'injures, &fe vantait d'avoir été monMaître. Il l'appelloit Poumon, comme pour <strong>mont</strong>rerqu'il n'avoit aucun fentiment. Il foutenoitd'ailleurs qu'il étoit ignorant, impoftcur & efféminé.U vouloit que les Seftateurs de Platon fuflentnommés les Flatteurs de Denys, & qu'on lui donnâtl'épithete de Doré , comme à un homme pleindefafie; qu'Ariftote s'étoit abymé dans le luxe;qu'après la diflîpation de fon bien, il avoit étécontraint de fe faire foldat pour fubfifter, & qu'i,avoit été ré<strong>du</strong>it jufqu'à diftribuer des remedegpour de l'argent.Il donnoit à Protagore le nom de Porteur demannequins, celui de Seribe & de Maître d'écolede village à Démocrite. Il traitoit Heraclited>


3,5* ï î r e c x iA'yvrogne. Au-lieu de nommer Démocrite pat. fon nom , il l'appelloit Lenuerite, qui veut direcbaflieux. Il difoit qu'Antidore étoit un enjôleur,que les Cyrenaïques étoient ennemis de laGrèce ; que les Dialecticiens crevoient d'envie, &qu'enfin Pyrrhon étoit un ignorant, & un hommemal élevé.Ceux, qui lui font ces reproches, n'ont agifans doute que par un excès de folie. Ce grandhomme a de fameux témoins de fon équité & defâ reconnoiflànce. L'excellence de fon bon naturellui a toujours fait rendre juftice à tout leinonde. Sa patrie célébra cette vérité par lesftatues qu'elle drefla pour éternifer fa mémoire.Elle fut confacrée par fes amis, dont le nombrefiit fi grand, qu'à peine les villes pouvoient-ellesles contenir, aufli bien que par fe« difciples,qui s'attachèrent à lui par le charme de fa doftri*ne, laquelle avoit, pour aînfi dire , la douceurdes Syrenes. Il n'y eut que le feul Métrodorede Stratonice, qui, prefque accablé par l'excèsde fes bontés, fuivit le parti de Carnéades.La perpétuité de (on école triompha de fesenvieux, & parmi la décadence de tant d'autresSe&es, la fienne fe conferva toujours par unefoule continuelle de difciples qui fe fuccédoientles uns aux autres.Sa vertu fut marquée en d'illuftres caractères,par la reconnoiflànce & la piété qu'il eut enversfes


E P I C 0 R E. 3J3fes parens, & par la douceur avec laquelle il trai.ta fes efclaves, témoin fon teftament, où il donnala liberté a ceux qui avoient cultivé la Philo,fophie avec lui, & particulièrement au fameuxMus, dont nous avons déjà parlé.Cette même vertu fut enfin généralement connuepar la bonté de fon naturel, qui lui fit don»ner univerfellement à tout le monde des marquesd'honnêteté & de bienveillance ? Sa piété enversles Dieux & fon amour pour fa patrie ne fe dé*mentirent jamais jufqu'à la fin de fes jours. CePhilofophe eut une modeftie fi extraordinaire,qu'il ne voulut jamais fe mêler d'aucune chargede la République.II eft certain néanmoins que parmi Tes trouble»qui affligèrent la Grèce, il y paflâ toute fa vie,excepté deux ou trois voyages qu'il fit fur lesconfins de l'Ionie pour vifiter fes amis, qui s'asfembloientde tous côtés pour venir vivre aveclui dans ce jardin qu'il avoit achetté pour prixde quatre-vingts mines. C'eft ce que rapporteApollodore.Ce fut-fà que Diodes raconte, dans fon livrede l'incurjion, qu'ils gardoient une fobriété admirable,& fe contentoient d'une nourriture trèsmédiocre.„ Un demi-feptier de vin leur fufH-„ foit, dit-il, & leur breuvage ordinaire n'étoit„ que de l'eau".Il ajoute qu'Epicure n'apptouvoit pas la com*mu»


3S4 E P I C U R E.munauté de biens entre fes Seâateurs, contre lefentiment de Pythagore, qui vouloit que touteschofes fuflent communes entre amii, parce que,difoit notre Philofophe , c'étoit-li plutôt le caractèrede la défiance que de l'amitié.Il écrit lui-même dans fes Epîtres qu'il étoitcontent d'avoir de l'eau & <strong>du</strong> pain bis. Envoyezmoi,dit ce Philofophe i un de fes amis, un peude fromage Cythridien , afin que je faffe un repasplus excellent lorfque l'envie m'en prendra. Voilàquel étoit celui qui avoit la réputation d'établir lefouverain bien dans la volupté. Athénée faitfon éloge dans l'Epigramme fuivante.Mortels, pourquoi coures - vous après tout ce quifait lefujet de v«s peines ? Fous êtes injattablespour l'acquifition des ricbeffes, vous les recherchezparmi les querelles £? les combats, quoique néanmoinsla nature les ait bornies, £f qu'elle foit con,tente de peu pour fa confervation ; mais vos defirsn'ont point de bornes. Cenfultez fur cette matièrele fâge fils de Néocles; il n'eut d'autre Maître queles Mufes, ou le trépied d'Apollon.Cette vérité fera beaucoup mieux éclairciedans la fuite par fes dogmes 8c par fes propresparoles. 11 s'attachoit particulièrement, fi l'onen croit Diodes, à l'opinion d'Anaxagore entreles Anciens, quoiqu'en quelques endroits il s'é»loignât de fes fentimens. Il fuivoit aufli Archelaus,qui avoit été le Maître de Socrate.U


E P I C U R E.3SSJl dit qu'il exerçoit fes écoliers à apprendrepar cœur ce qu'il avoit •écrit. Apollodore a remarqué,dam fei Chroniques , qu'il écouta LyfiphanesSe. Praxiphanes ,• mail Epicure parle toutau contraire dan* fes Epttres a Eurydicus ; car ilaffûre qu'il n'eut d'autre Maître dans la Philofophieque fa propre fpéculation, & que ni lui, niHermachus ne difent point qu'il y ait jamais eude Philofophe appelle Leuçippe , qu'Apollodorenéanmoins , Seftateur d'Epicure, affirtn» avoirenfeigné Ddmocrite. Au refte Demetrius deMagnéfie fait foi qu'il fut auditeur de Xénocrate.Sa di&ion eft proportionnée a la matière qu'iltraite ; auffi Ariftophane le Grammairien le reprendde ce qu'elle n'étoit point tuez éfcgante ; mais famanière d'écrire a été fi pure & fi claire, quedans le livre , qu'il a compofé de la Rhétorique,il a foutenu qu'il ne falloit exiger de cet Art queles règles de fe faire entendre facilement.Au-lieu de mettre pour infeription à toutes fesEpîtres ces paroles: Soyez enfanté; Réjouiffezvous;Que la Fortuné vous rie ; PaJJez agréablementle tems, il recommandoit toujours de vivre honnêtement.Il y en i, qui dans la Fie d'Epiture, foutïennentqu'il a pris le livre, intitulé Canon ou Règle,dans le traité <strong>du</strong> Trépied, qu'on attribuoit àNaufiphanes, lequel, félon ces mêmes Auteurs,fut fon Maître, suffi-bien que Pàmphile h Platonicien,


3S6 E P I C tf K E.tien, qui enfeignoit dans l'Ifle dé Samos. Ilsajoutent qu'il commença d'étudier en Philofophieà l'âge de douze ans, & qu'à trente-deux il Tenfeignapubliquement.Apollodore dit qu'il naquit la trotfieme annéede la CIX. Olympiade, le feptieme jour <strong>du</strong> moisde Gainéléon, fous le gouvernement de Sofigene,& fept ans depuis la mort de Platon.II dreflà fon école dans IMitylene à trente-deuxuns, & en pafla enfuite cinq à Lampfaque. Etantretourné à Athènes, il y mourut à l'âge de foixante-&douzéans, la féconde année de la CXXVII.Olympiade fous I'Archontat de Pytharatus , &laifla la con<strong>du</strong>ite de fon école à Hermachus de^Mitylene, fils d'Agemarque.Le même Hermachus rapporte dans fes Epi,,très qu'après avoir été tourmenté par de cruellesdouleurs pendant quatorze jours, une rétentiond'urine, caufëe par la gravelïe, lui donna lala mort. „ C'eft dans ce tems, ajoute-t-il, que„ s'étant fait mettre dans une cuve d'airain ,„ pleine d'eau chaude, pour donner quelque„ intervalle à fon mal, & qu'ayant faû un peu„ de vin, il exhorta fes anrfs â fe fouvenir de„ fes préceptes, & finit fâ vie dans cet entre-„ tien". Voici des vers que nous avons faitsfur lui.Réjouijfez-vous, dit Epicure, en -mourant à fes*mis ; gardez mes préceptes. Puis étant entré dans


Z r I C O ft & . 357une cuvt pleine d'eau chaude, il prit <strong>du</strong> vin, &partit auffltôt après pour aller boire des eaux froi»des dePIuton.Telle fut la vie & la mort de ce Philofophe ;voici fon teftament.„ Ma dernière volonté eft que tous mes biens„ appartiennent à Amynomaquç, fils de Philo-„ çrate, à Batithe & à Timocrate, fils de Pe-„ metrius, ainfî qu'il paraît par la donation que„ je lui ai faite, dont l'afte eft inféré dans les„ Régitres qui fe gardent dans le Temple de lai, Mère des Dieux ; à condition néanmoins que„ le jardin fera donné avec toutes fes commodi-,> tés à Jlennaçhus Mitylénien , fils. d'Agemar-» que, à ceux qui enseigneront avec lui , &„ même à ceux qu'il nommera pour tenir cette„ école , afin qu'ils y puiflentplus agréablement„ continuer l'exercice, & que les noms de ceux,„ qui feront appelles Philofophes de notre Sec-.„ te, foient confacrés à l'éternité.„ Je recommande à Amynomaque , & à Ti-„ mocrate de s'appliquer, autant qu'il leur fera„ poffible , à la réparation & à la confervation.,, de l'école qui eft dans le jardin. Je les char-„ ge d'obliger leurs héritiers d'avoir autant de„ foin, qu'eux mêmes en auront eu, pour 1*„ confervation <strong>du</strong> jardin & de tout ce qui en dé-, f pend, & d'en laifler pareillement la jouïflance„ à


3S8 . E P I C U R E.„ à tous les autres Philofophes, fuccefleurs de„ notre opinion.„ Amynomaque & Timocrate laifferont àHer-„ machus 'pendant fa vie, & â ceux qui s'atta-„ cheront avec lui à l'étude de la Philofophie,,, la maifon que j'ai au bourg de Melite.„ On prendra fur le revenu des biens que„ j'ai donnés à Amynomaque & à Timocrate ,„ félon qu'on en conviendra avec Hermachus, ce„ qui fera néceflaire pour célébrer dans les dix» premiers jours <strong>du</strong> mois de Gaméléon celai» de notre naiflance , & ceux de mon père, deM ma mère & de mes frères ; & le vingtième de„ la lune de chaque moi* on traitera tous ceux„ qui nous ont fuivis dans la connoiffance de la„ Philofophie , afin qu'ils fe fouviennent de„ moi & de Métrodore, & qu'ils faflent auffi la„ même chofe au mois de PoiOdéon en mémoire,, de nos frères, ainfl qu'ils nous l'ont vu ob-„ ferver. Il faudra qu'ils s'acquittent de ce de-„ voir dans le mois de Metagitnion en faveur„ de Polyene.„ Amynomaque & Timocrate prendront foin„ de l'é<strong>du</strong>cation d'Epicure, fils de Métrodore ,„ & <strong>du</strong> fils de Polyene, tandis qu'ils demeurent„ enfemble chez Hermachus & qu'ils prennent„ fes leçons.„ Je veux que la fille de Métrodore foit auHi» fous leur con<strong>du</strong>ite, & que lorfqu'clle fera en


E P I C U R E. 359„âge d'être mariée, elle époufe celui d'entre les„ Philofophes qu'Hermachus lui aura choifi. Je„ lui recommande d'être modefte, & d'obéir en«„ tiérement à Hermachus.„ Amynomaque & Timocrate , après avoir„ pris l'avis d'Hermachus , prendront <strong>du</strong> revenu„ de mes biens ce qu'il faudra pour leur nourri-„ ture & pour leur entretien. Il jouira , coin-„ me eux, de la part & portion que je lui donne„ dans ma fucceffion, parce qu'il a vieilli avec„ nous dans la recherche des découvertes que„ nous avons faites fnr la nature , & que nous„ l'avons laiffé pour notre fucceffeur a l'école„ que nous avons établie; ainil il ne fera rien„ fait fans fon confeil. La fille, lors de fon„ mariage, fera dotée félon les biens que je„ laifle. Atnymomaque & Timocrate en délibe-„ reront avec Hermachus.„ On aura foin de Nicanor, ainfi que nous„ avons fait. Il eft jufte que tous ceux, qui„ ont été les compagnons de nos études, qui y„ ont contribué de tout ce qu'ils ont pu, & qui„ fe font feit un honneur de vieillir avec nous„ dans la fpéculation des fciences, ne manquent„ point, autant que nous pourrons, des cho-„ fes qui leur font néceflàires pour le fuccès de„ leurs découvertes. Je veux qu'Hermachus ait„ tous mes livres.„ S'il arrive qu'Hermachus meure avant que„ les


350 E P I C U R E.„ les enfans de Métrodore foient en âge, j'or-„ donne qu'Amynomaque & Timocrate fe chart,gent de leur con<strong>du</strong>ite, afin que tout fe pafle„ avec honneur, & qu'ils proportionnent la dé-„ penfe, qu'il faudra faire pour eux, à la valeurft de mes biens.„ Au refte je fouhaite qu'autant qu'il ferapos-„ fible, toutes ces difpofitions foient exécutées de„ point en point, conformément à ma volonté.t, Entre mes efclaves* j'affranchis Mus, Nicias,«, & Lycon; je donne aufli la liberté àPhédrion".Voici une lettre qu'il écrivit i Idomenée, é.tant près de mourir.„ Je vous écrivois au plus heureux jour det, ma vie, puifque c'étoit le dernier. Je fouffroisi, tant de douleurs dans la velfie & dans les ini,teftins, que rien n'en pouvoit égaler la vio-„ lence; néanmoins le fouvenir de mes raifonne-„ mens fur la Philofophie & de mes découvertes„ fur la nature charmoit tellement mon elprit,„ que ce m'étoit une grande confolation contre„ les maux <strong>du</strong> corps. Je vous* recommande„ donc, au nom de cette amitié que vous avezi, toujours eue pour moi, & de ce noble pen«„ chant que dès votre jeuneffe vous avez eu„ pour la Philofophie, de foutenir les enfans de„ Métrodore". Ce fut ainfi qu'il fit fon tes*.tament.iIl eut plufieurs 4ifriples , tous fort fàges & \ce-


E P I C U R E .jtficélèbres, «ntre autres Métrodore , Athénée ,Timocrate & Sandes de Lampfaque ; mais dontle premier fut Métrodore, qui-ne l'eut "pas plutôtconnu, qu'il ne s'en fépara jamais , hormisun féjour de fix mois qu'il fit chez lui, & d'oùil revint trouver le Philofophe.Ce Métrodore fut un parfait honnête homme,félon ce qu'en écrit Epicure dans fon livre desCbofes importantes. Il lui rend le même témoigna*ge dans le troifieme livre qu'il intitule Timocrate.Il donna en mariage à fœurBatithe à Idomenée,& prit pour maitrefle une courtifanne d'Athènes,appellée Léontie. Toujours ferme contre toutce qui peut troubler l'ame, il fut intrépide contreles atteintes de la mort. C'eft ce que rapportede lui Epicure dans fon premier livre, intituléMétrodore. Il mourut en la cinquantièmeannée de fon âge, fept ans avant Epicure, quiparle fouvent dans fon teftament <strong>du</strong> foin qu'ilveut qu'on ait des enfans de ce Philofophe,commeétant déjà mort.Métrodore eut un frère, appelle Timocrate imais d'un efprit brouillon, & dont on a dit quelquechofe ci-devant. Voici le catalogue deslivres qu'il compofa : Trois contre les Médecins.Un des Sens à Timocrate. De la Magnanimité.De la Maladie a"Epicure. Contre les DialeHicient.Neuf livres contre les Sopbifles. Du Chemin qu'ilfaut tenir pour arriver à la Sageffe. De la Ficis-Tme II. ' Q fi-


3


E ï I C tJ H E. 3


$64 E P I C U R E.quantité que BOUS venons de dire ; mais ceux,-qui par l'excellence des matières l'emportent furles autres, font les trente-fept qu'il a compofjé»fur la Nature ; ce qu'il nous a laiflë des Atomes,<strong>du</strong> Vuidt, de l'Amour; va Abrégé contre lesPby-Jiciens; des Doutes contre ceux deMegare; des Opinionscertaines desSeSes; des Plantes; de la Fin;de la Manière qu'il faut juger; Cberedome, m desDieux; Hegejmax, ou de la Sainteté; quatre livresdes Fies; des ASkions juftes; fon Néeclc dédiéà Tbemifta; fon Banquet; Euryloque à Mitrodore;de la Vue; de l'Angle,ou de l'Extrémitéie l'Atome; de l'Impalpabilité <strong>du</strong> Vuide ; <strong>du</strong> Defiin;4es Opinions fur les PaJJions à lïmocrate ; des Préjuges;de VExhortation ; des Simulacbres;de la Fatuitéd'imaginer; fon Ariftobule ; de laMufique;de la Juftice i§ des autres Vertus ; des Dms &ie la Grâce; Polynude; trois livres, intitulésTimocrote; cinq qu'il appelle Métrodore, & deuxqu'il nomme Antidore; Sentimens fur les Maladiesà Mitras; CalHjhlas; de la Royauté; Anaximene;its Epttres.Je vais tâcher de donner un abrégé de ces ouvrages& de ce qu'il y enfeigne, en rapportauttrois lettres de ce Philofophe dans lesquelles ila compris fommairement toute fa Philofophie.Je marquerai quelles ont été fes principales opi.riions, & s'il y a d'autres chofes eflentielles dansce qu'il a écrit, j'en ferai mention, afin quavous


E P I C U R E. 565vous putifiez vous former à tous égards une idéede ce Philofophe.fi tant eft que je puiflè en juge».Sa première lettre s'adreflë à Hérodote & routefur la Phyfique; la féconde à Pytbocles, &dans Jaquelle il parle des Corps céleftesjla troifieme,adreflee à Menœcée, concerne la Morale,Nous commencerons par la première, après avoirtouché quelque chofe de 1» manière dont ce Phi*lofophe partage la Philofophie.Il la divife en trois parties, dont la premièredonne des règles pour bien juger, la fécondetraite de la Phyfique , & 1* troifieme dete Morale, Celle, qui donne des règles, fer*d'intro<strong>du</strong>&ion à la Philofophie & eft contenuedans un ouvrage, intitule Canm. La partiePhyfique renferme la Théorie de la Nature, &eft rédigée en uente-fept livres ce Eptcres fur le*Cbojes naturelles. La Morale roule fur le Choixie la Volonté par rapport aux Biens gp aux Maux,& eft traitée dans fon livre de l» Con<strong>du</strong>ite de laVie, dans fes Epttret & dans fon livre des Fins.On joint ordinairement la partie, qui contientles règles, avec la partie Phyfique; combinaifonqu'on appelle CoroStere de vérité , Principes &premiers EAemens de la Pbikfopbie. -La partiePhyfique eft intitulée, De la Génération, De toiCorruption, & De la Nature. La partie Moraleeft connue fous ces noms, Des Cbofes qu'ilfaut cbtifif & éviter, Des Vies & Dt la Ftn.Q3Au


366 E P I C U R E.Au refte les Epicuriens rejettent la Diale&iquècomme fuperflue, & en donnent pour raifon quece que les Phyficiens difcnt fur les noms de*s chofesfuffit.Epicure dit donc, dans fon livre intitulé, Canon, que les Moyens de connoitre la vérité, fontlesfens, les notions antécédentes S" les poffions (i).Les feftateurs de ce Philofophe y ajoutent les idéesqui fe préfentent à l'efprit ; & voici ce qu'Epicurelui-même dit dans fon Abrégé à Hérodote,& dans fes opinions principales. Les fens, ditil, ne renferment point de raifon, ils ne eonferventaucun fouvenir des chofes; car ils ne femeuvent point eux-mêmes & ne peuvent, ni rienajouter au mouvement qu'ils reçoivent, ni enrien diminuer. Us ne font aufli fournis â aucune«Ureftion ; car une fenfation homogène ne peuten rectifier une autre de même efpece, parcequ'elles ont une force égale ; non plus qu'unefenfation hétérogène n'en peut reftîfier une femblable,parce que les objets, dont elles jugent,ïie font pas les mêmes. Pareillement différentesfenfations ne peuvent fe reftvfier l'une l'autre,vu que dans ce que nous difons, nous avons é-gard à toutes. . On ne peut pas même dire quela raifon con<strong>du</strong>ife les fens, puisqu'elle dépendd'eux.ft) Le mot 4e p'fitni fe prend ici poux fmtimau itItou.


E P I C U R E. %6td'eux. Ainfî la réalité des fenfations établit lacertitude des fens. En efFet, il eft aulfi certainque nous voyons & que nous entendons, qu'ileft certain que nous Tentons de la douleur ; deforte qu'il faut juger des chofes, que nous n'ap*percevons point, par les lignes que nous en donnentcelles que nous découvrons. On doit encoreconvenir que toutes nos idées viennent desfens, & fe forment par incidence, par analogie,reffemblance & compofition, à l'aide <strong>du</strong>raifonneinent, qui y contribue en quelque forte.Les idées même des gens qui ont l'efprit troublé,& celles, qui nous naiffent dans les fonges, fontréelles, puisqu'elles fe trouvent accompagnées demouvement, & que ce qui n'exifte pas, n'en,peut pro<strong>du</strong>ire aucun.Par ce que les Epicuriens appellent notions antécédentes, ils entendent une efpece de compréhenfion,foit opinion vraye, fbit penfée, ou afteinné & univerfel de l'entendement, c'eft-à-direle fouvenir d'une chofe qui s'eft fouvent repréfentéea nous extérieurement, comme dans cettepropofition: L'homme eft difpofé de cette manière.En même tems que le mot d'homme fe prononce,l'idée de la figure de l'homme fe repréfcnte àl'efprit en vertu des notions antécédentes, danslesquelles les fens nous fervent de guide. Ainfil'évidence d'une chofe eft liée avec le nom qu'elleporte originairement. En effet nous ne fau-Q 4rions


S63 ï f I C D i ï.rions rechercher une chofe, fans nous avoir forméauparavant l'idée- de l'objet gui fait le fujetde notre recherche. Par exemple, pour juger fi«ne chofe, qu'on voit de loin, eft un chevalou un bœuf, il faut avoir premièrement l'idée deces deux animaux ; & nous ne pourrions nommeraucune chofe, fans en avoir auparavant acquisl'idée par les notions antécédentes , d'où s'enfuitque ces notions font évidentes.Il faut encore remarquer que toute opinion,que l'on conçoit, dépend d'une chofe antécédentedéjà connue comme évidente, & à laquellenous la rapportons, comme dans cette queftion :D'où favont-nous que c'efi-là un homme ou notitLes Epicuriens donnent auflî à ces opinions lenom de croyance, qu'ils difiingoent elï vraye &en faufle. La vrâye eft celle que quelque témoignage,ou appuyé, ou ne combat; la fauflen'a aucun témoignage en fa faveur.ou n'en a d'autreque contre elle. C'eft ee qui leur a fait intro<strong>du</strong>irefur ce fujet l'expreiTion d x attendte, comme, par exemple, d'attendre qu'on foit proched'une tour pour juger de près de ce qu'elle eft.Il reconnoiffent deux paflïons, auxquelles tousles animaux font fujets; le plaifir & la douleur.Ils difent que l'une de ces paflïons nous eft naturelle,l'autre étrangère, & qu'elles nous ferventà nous déterminer dans ce que nous avons à choîfir& à éviter par rapport aux biens & aux maux:Ils


*' P ' I C U K £ $4)îîs diffînguent auflt les queftions en Celles quiregardent les chofes mêmes, & en d'autre»qui concernent leurs noms. Voilà ce qu'ilfalloit dire fur la manière dont ces Philofophcspartagent la Philofophie & fur ce qu'ils envifegentcomme cara&ere de vérité.Revenons à préfent i la lettre dont nous•vous fait mention.Epicurt à Héruhte. Joye.Comme 3 y a des gens, favant Hérodote,quifle peuvent abfolument fe réfoudre à examinertoutes les queftions que nous avons traitées fur làNature, ni- à donner leur attention aux grandsouvrages que nous avons publiés fur ce fûjet,j'ai ré<strong>du</strong>it toute la matière en un Abrégé, afiaque, pour autant qu'il m'a paru fuffire à aiderleur mémoire, il leur ferve de moyen à fe rappellerfacilement mes opinions en général, Stque par ce fepours ils retiennent en tout terrisce qu'iï y a de plus effentiel, felon le degré auquelils auront porté l'étude de la Nature. Ceuxmême, qui ont tait quelques progrès dans lacontemplation de l'Univers, doivent avoir préfenteà l'efprit toute cecte matière, qui confîft'e dans fe»premiers élemens, puisque nous avons plus foo>ventbefoin d'idées générales que d'idées partrcu>lieres.Non» nous attacherons donc à- cette matie*


570 Ï5 P I C U R Eire & à ces élemens, afin que traitant les queftionfprincipales , on fe rappelle les particulières, &qu'on s'en fafTe de juftes idées nar le moyend'idées générales dont on aura confervé lefouvenir. D'ailleurs l'euentiel dans ce genred'étude eft de pouvoir fe fervir prornptement defes idées lorsqu'il faut fe rappeller les élemensfimples & les termes, parce qu'il eft impollîbleque l'on traite abondamment les chofes généra»les, fi on ne fait pas ré<strong>du</strong>ire le tout en peu demots & comprendre en raccourci cequ'on a aupa>lavant foigneufement examiné par parties. Ainficette méthode fera utile à tous ceux qui fe ferontappliqués â l'étude de la Nature ; & comme cetteétude contribue à divers égards à la tranquillté deJa vie , il eft néceflaire que je faffe un pareilAbrégé, dans lequel je traite de tous le»dogmes par leurs premiers élemens.Pour cela , il faut premièrement, Hérodote,acquérir la connoiffance des chofes qui dépendentde la fignification des mots, afin de pou


E P I C U R E. 3?r<strong>mont</strong>rer à aucun égard. Par ce moyen nous pourronsl'appliquer, ou à la queftion que nous agitons,ouau^outeque nous avons, ou à l'opinionque nous concevons, La même méthodeeft néceflàire par rapport aux jugemens qui (e fontpar les fens, & par les idées qui viennent , tantde l'efprit que de tel autre caractère de vérité quece foit. Enfin il faut agir de la même manièretouchant les pallions de l'ame, afin que l'on puisfediftinguer les chofes fur lesquelles il faut fuspendrefon jugement, & celles qui De font pa9évidentes. Cela étant diftin&ement " compris ,voyons ce qui regarde les chofes qui ne fontpas connues.Premièrement il faut croire que rien ne fe faitde rien ; car fi cela étoit, tout fe feroit de tout,& rien ne manqueroit de femence. De plus, files chofes, qui difparoiflent, fe ré<strong>du</strong>ifoient à"rien, il y a long-tems que toutes chofes feroientdétruites, puifqu'elles n'auroient pu fe réfoudredans celles que l'on fupppfe n'avoir pas eu d'exiftence.Or l'Univers fut toujours tel qu'il eft,& fera toujours dans le même état, n'y ayantrien en quoi il puiffe fe changer. En effet outrel'Univers, il n'exifte rien en quoi il puiffefe convertir & fubir un changement. Epicurefoutient auffi cette opinion dès le commencement"de fon grand Abrégé, & voici ce qu'il ditQ 6dans


37*- JTP I C U R E.dan» Te premier livre de fon ouvrage fur la Nature 1 .L'Univers eft corporel. Qu'il y ait des corps ,c'eft ce qui tombe fous les fens, fclon lefquel*nous formons des conjectures, en raifonnant furles chofes qui nous font cachées, comme on Fadit plus haut. S'il n'y avoit point de vuide, nîde lieu, ce qu'autrement nous défigtons par lenom de Nature impalpable, les corps n'auroienepoint d'endroit où ils pourroient être, ni où ils*pourroient fe mouvoir , quoiqu'il foît évidentqu'ils fe meuvent. Mais hors de là, il n'y arien qu'on-puifle concevoir,ni par penfée,ni partoye de compréhension , ni par analogie tirée dechofes qu'on a comprifes ; rien, non de ce quiconcerne les qualités ou les accidens des chofes,mais de ce qui concerne la nature des chofes engénéral. Epicure propofe à peu près les même»principes dans le premier livre de fon ouvragefur la Nature, & dans le quatorzième &le quinzième, ainfi que dans fon grand Abrégé. Quantaux corps, les uns font des aflemblages, les autresdes corps dont ces aflemblages font formés.Ceux-ci font indivisibles & immuables , à moinsque toutes chofes ne s'anéantifferit en ce qui n'eflpoint; mais ces corps fubfifteront conftammentdans les diflblutions des aflemblages, existeront parleur nature, & ne peuvent être diflbus,n'y ayantrien en quoi & de quelle manière ils puiflent fe. - . té-


t t ï C tf « É. 37$réfeudre. Auffi il faut de toute néceffité que les priir •cipes des corps foient naturellement indivifiblesvL'Univers


874 E P I C U R E .a point de divifîbilité à l'infini ; ce qu'il dit relativementau changement de qualités que fubiflentles atomes, afin qu'on ne les fuppole pas infinis,uniquement par rapport à leur grandeur.Les atomes font dans un mouvement conti»nuel, & Epicure dit plus bas qu'ils fe meuventavec la même vitefle, parce que le vuide lais»fe fans cefle le môme paflage au plus léger,comme au plus pefant. Les uns s'éloignent desautres à une grande diftance, les autres tournentenfemble lorfqu'ils font inclinés à s'entrelafler.ouqu'ils font arrêtés par ceux qui les entrelafient.Cela fe fait par le moyen <strong>du</strong> vuide, qui fépareles atomes les uns des autres, ne pouvant luimêmerien foutenir. Leur folidité eft caufe qu'ilss'élancent par leur collifion, jufqu'à ce que leurentrelafferaent les remette de cette collifion. Lesatomes n'ont point de principe, parce qu'avec levuide ils font la caufe de toutes choies. Epicuredit auffi plus bas qu'ils n'ont point de qualité,excepté la figure, la grandeur & la pefanteur,& dans le douzième livre defes Elemens, que leurcouleur change félon leur pofition. Ils n'ont pasnon plus toutes fortes de grandeurs , puifqu'iln'y en a point dont la grandeur foit vifible.L'atome, ainfi conçu, donne une idée fuffifantede la Nature.11 y a des mondes à l'infini, foit qu'ils reflemblentà celui-ci, ou non; car les atomes étantia-


X P I C - O R I 3?jinfinis", comme on l'a <strong>mont</strong>ré, font tranfportéjdans le plus grand eloignement, & comme ils nefont pas épuifés par le monde qu'ils fervent iformer, n'étant tous employés ni à un feul, nià plufîeurs mondes bornés, foit qu'ils foient fem.blables, foit qu'ils ne le foient pas, rien n'empêchequ'il ne puifle y avoir à l'infini des mondesconçus de cette manière.Il y a encore des formes, qui par la figurereffemblent aux corps folides ,• & furpaflent debeaucoup par leur ténuité les chofes fenfibles.Car rien n'empêche qu'il ne fe forme dans l'airde ces fortes de féparations, ou qu'il y ait despropriétés formées par le moyen de cavités & deténuités, ou qu'il fe fafle des émanations departies qui confervent la môme pofition & le mêmeordre qu'elles avoient dans les folides. Ce»formes font ce que nous appelions des images,dont le mouvement, qui fe fait dans le vuide,ne rencontrant rien qui l'arrête, a une tellevélocité qu'il parcourt le plus grand efpace imaginableen moins de tems qu'il foit poffible, parcequ'il ne reçoit ni plus ni moins de vitefle, oude lenteur par la répulfion & la non-répulfion (i).Il ne faut pourtant pas croire qu'un corps , quicft porté en bas dans un tems mefuiable, parvient(0 Kjfhnlm remarque que les idées de cette lettre foatfoit cooiufc»,


§7


E P I C U R E.J77ces maniérés-, il y en a encore d'autres' dont fisforment ces fortes de natures. Rien de tout celané contredit les fens* fi on confidére la manièredont les images pro<strong>du</strong>ifent leur effets, & commentelles nous donnent un fentiment des objets extérieurs.D faut fuppofer aufli que c'cff par lemoyen de quelque chofe cTextérieuf que nousvoyons les formes & que nous en avons une idéediftirtfte; car un objet, qui eft hor& de nous, nepeut nous imprimer l'idée de fa. nature, de facouleur & de - fa figure autrement que par l'airqui eft entre lui & nous, & par les rayons, oôefpeces d'écôulemens qui parviennent de nous,jufqu'à l'objet. Nous voyons donc paT le moyendes formés, qui fé détachent de? objete mêmesYde leur couleur", de leur reflembïance, & qui pé


378 E P I C U R E.Il y a erreur dans ce que nous concevons, s'iln'eft confirmé par un témoignage , ou s'il eftcontredit par quelque autre; c'tft-à-dire, fl ceque nous concevons n'eft pas confirmé par lemouvement qui s'excite en nous-mêmes conjointementavec l'idée qui nous vient, & qui eft fufpen<strong>du</strong>dans les cas où il y a erreur. Car la reffemblancedes chofes que nous voyons dans leursimages, ou en fonge, ou par les penfées quitombent dans l'efprit,ou par le moyen de quelqueautre caractère de vérité, ne feroit pas conformeaux chofes qu'on appelle exiftantes & véritables,s'il n'y en avoit pas d'autres auxquelles nous rapportonscelles-là, & fur lesquelles nous jettons lesyeux. Pareillement il n'y auroit point d'erreurdans ce que nous concevons, C nous ne recevionsen nous mêmes un autre mouvement, quieft bien conjoint avec ce que nous concevons ;mais qui eft fufpen<strong>du</strong>. C'eft de ce mélange d'uneidée étrangère avec ce que nous concevons,& d'une idée fufpen<strong>du</strong>e que provient l'erreurdans ce que nous concevons, & qui fait qu'ildoit, ou être confirmé, ou n'être pas contredit.-Au contraire , nos conceptions font vrayes,lorfqu'elles font confirmées, ou qu'elles ne fontpas contredites. Il importe de bien retenir ceprincipe, afin qu'on ne détruife pas les caractèresde vérité entant qu'ils concernent les aétions, onque l'erreur, «yant un égal degré d'évidence,u'oc-


E P I C U R E. 379n'occafionne une confufion générale.L'ouïe fe fait pareillement par le moyen d'unfouffle qui vient d'un objet parlant, ou refonnant,ou qui caufe quelque bruit.ou en un mot de toutce qui peut exciter le fens de l'ouïe. Cet écoulementfe répand dans des parties fimilaires, quiconfervent un certain rapport des unes avec lesautres, & étendent leur faculté, comme uneunité, jufqu'à ce qui reçoit le fon, d'où naît laplupart <strong>du</strong> teins une fenfation de la ebofe, quia envoyé le fon, telle qu'elle eft; ou fi cela n'apas lieu, on connoît feulement qu'il y a quelquechofe au dehors. Car fans une certaine fympatljietranfportée de l'objet qui refonne, il ne feferoit point de femblable fenfation. On ne doitdonc pas s'imaginer que l'air reçoit une certainefigure par la voix, ou par les chofes femblablesqui frappent l'ouïe ; car il faudroit beaucoupd'effort pour que cela arrivât. C'eft la pereuflion,que nous éprouvons à l'ouïe, d'une voix, laquellefe fait par le moyen d'un écoulement de corpufcules,accompagné d'un fouffle léger, & propreà nous donner la fenfation de l'ouïe.Il en eft de l'odorat comme de cet autre fens,puifque nous n'éprouverions aucune fenfation,s'il n'y avoit des corpufcules, qui, fe détachantdes objets qui nous les communiquent, remuentles fens par la proportion qu'ils ont avec eux;ca que les uns font d'une manière confufe *coa-


#b E f I C 0 R E.contraire, les autres avec ordre & d'une façonplus naturelle.Outre cela, il faut croire que les atomes necontribuent aux: qualités des chofes, que nous voyons,que la figure, la pefanteur, la grandeur& ce qui fait néceffairement partie de la figure,parce que toute qualité eft fujette au changement;au-lieu que les atomes font immuables. En effetil faut que dans toutes les diflolutiods des affemblagesde matière il relie quelque chofe defolide qui ne puiffe fe difibudre, & qui pro<strong>du</strong>ireles changemens, non pas en anéantiflïfltquelque chofe, ou en faifant quelque chofede rien ; mais par des tranfpofîtions dans la ptapart,& par des addition* & des retrancbtfmensdans quelques autres. Il eft donc néceiîaire que les parties des- corps, qui ne fontpoint fujettes à tranfpofition, foient incorruptibles, aufG-bien que celtes dont la nature n'eftpoint fujette à changement, mais qui ont uneHiafle & une figure qui leur font propres. Il fautdonc que tout cela foit permanent, puifque, patexemple, dans les choies, que nous changeonsnous-mêmes de propos délibéré, on voit qu'ellesconfervent une certaine forme ; mais que lesqualités , qui ne réfîdent point dans le fujetmême que l'on change, n'7 fobfiftent pas, *qu'au contraire elfe* font fépaiées de la totalitéau corpr. Le» parties', q# fe maintienDrttdans


E P I C U R E.3Hdans le iujet, ainfî changé, -fuffifent pour for*mer les différences des compofitions, & il doijttefter quelque chofe, afin que tout ne fe corrompepas jufqu'à s'anéantir.11 ne faut pas croire que les atAmes renfermenttoutes fortes de grandeurs, car cela feroitcontredit par les chofes qui tombent fous lesCens ; mais ils renferment des changemens degrandeur, ce qui rend auflî mieux raifon de cequi fe pafle par rapport aux fentimens & aux fenfations.Il n'eft pas néceflaire encore, pour ludifférence des qualités, que les atomes ayenttoutes fortes de grandeurs. Si cela étoit, il yauroit auflî des atomes que nous devrions apper«ce voir; ce qu'on ne voit pas qui ait lieu, & onne comprend pas non plus comment on pourraitvoir un atome. Il ne faut pas auflî penfer quedans un corps terminé il y ait une infinitéd'atomes & de toute grandeur.- Ainfî non feulementon doit rejetter cette divifibilité à l'infiniqui s'étend jufqu'aux plus petites parties des corps;ce qui va à tout exténuer, & en comprenanttous les affemblages de matière, à ré<strong>du</strong>ire à rienles chofes qui exiftent. Il ne faut pas non plusfuppofer dans les corps terminés de tranfpofîtiona l'infini, & qui s'étende jufqu'aux plus petitesparties, d'autant plus qu'on ne peut guères comprendrecomment un corps, qu'on fuppoferoitrenfermer des atomes à l'infini ou de toute gran-'deur,


38s E P I C U R Ë.deur, peut être enfuite fuppofé avoir une dimenfionterminée. De plus, foit qu'on fuppofe (i)cettains atomes infinis dans leur quantité, foitqu'on mette cette infinité dans leurs quantitésdiverfes, cela devra toujours pro<strong>du</strong>ire unegrandeur infinie. Cependant elle a une extrémitédans un corps terminé, & fi on ne peut la confîdérerà part, on ne peut de même imaginerce qui fuit ; de forte qu'en allant toujours àrebours, il faudra pafler par la penfée jufqu'àl'infini.Quant à ce qu'il y a de moindre dans l'atome,il faut confidérer qu'il n'eft ni entièrementfemblable aux parties qui reçoivent des changemens,ni entièrement différent d'elles, ayantenfemble une certaine convenance, exceptéqu'il n'a point de parties diftantes ; mais comme,à oaufe de cette convenance, nous croyons enféparer quelque chofe, tantôt à un égard, tantôtà l'autre, il agit fur nous comme s'il ne difFéroitpoint <strong>du</strong> tout <strong>du</strong> fujet. Et de même quequand nous confidérons les objets de fuite, encommençant par le premier, nous n'en mcfuronspas la grandeur en le confidérant enlut(i) Voyez une note de Mtntgi. Nous devons avertitque Cuftnd^i 8c d'autres Savans font diverfes correctionsfut cette lettre ; mais nous ne les adoptons pas toutes,pour ne pas nous faire juges d'un fujet obfcur, d'autaau;plus que les coiic&ion* ne s'accordent pa«.


E P I C U R E. ' 3 8 3lui-même, ou par l'addition d'une partie à l'autre,mais par ce que chaque chofe eft en particulier,nous fervant d'une plus grande mefurepour les grandes & d'une plus petite pour lesmoindres, il faut penfer que.la même analogiea lieu par rapport à ce qu'il y a de moindredans l'atome. Il diffère par fa petitefle de ce quitombe fous les fens; mais il eft fournis â la mêmeanalogie; & quand nous difons que l'atomea une grandeur fuivant cette analogie, nous neparlons que de celle qui eft petite, & nous excluonscelle qui s'étend en longueur. II faut concevoirauflî les extrémités des longueurs commeétant petites & fans mélange, par où elles peuventégalement fervir de mefure pour ce qui eftgrand & petit, félon la manière dont l'efprit con-Méte les chofes invifibles, la convenance, qu'ellesont avec les chofes qui ne font pas fujettesau changement, les rendant propres à les formerjufque-là. Il ne peut fe faire de mouvement desatomes tout d'un côté, et lorsqu'on parle <strong>du</strong> haut& <strong>du</strong> bas par rapport à l'infini, il ne faut pasproprement l'appeller haut & bas, puifque cequi eft au-deflus de notre tête, fi on le fuppofealler jufqu'à l'infini, ne peut plus être apperçu,& que ce qui eft fuppofé au-deflbus fe trouveêtre en même tems fupérieur & inférieur parrapport au même fujet; & cela à l'infini. Orc'eft dequoi il eft impoffible de fe former d'idée;il


|«4 E P I C U 8. £.U vaut donc mieux fuppofer Tin mouvement il'infini qui aille vers le bas, quand même ce qui,par rapport à nous, eft fupéïieur toucheroit uneinfinité" de fois les pieds de ceux qui font au-deffusde nous, & que ce qui, par rapport à nous,*ft inférieur toucheroit la tête de ceux qui fontau-deflbus de nous ; car cela n'empêche pas quele mouvement entier des atomes ne fok conçuen des feus ogpofés l'un à l'autre à l'infini.Les atomes ont tous une égale vitefle dans levuide, où ils ne rencontrent aucun obftacle. Leslégers ne vont pas plus lentement que ceux quiçnt plus de poids, ni les petits moins vite queles grands, parce que n'y ayant rien qui en arrêtele cours, leur viteflê eft également proportionnée,foit que leur direction les porte vers lehaut , ou qu'elle devienne oblique par collifion,ou qu'elle tende vers le bas en conféquencede leur propre poids. Car autant qu'un atomeretient l'autre, autant celui-ci employé demouvement contre lui avec une aftion plus prompteque la penfée, jufqu'à ce qu'il n'y ait plusrien qui lui réfifte, foit au dehors, foit dansfon propre poids. D'ailleurs un atome n'a pasplus de vélocité que l'autre dans les compofitions,parce qu'ils ont encore une vitefle égale,relativement aux aflembiages qu'ils forment, &dans le moindre teins continué. Que s'ils nefont pas portés dans un même lieu, & qu'il»folent


E P I C U R E.38sfoient fouvent repouffés, ils feront tranfporcésparades tems mefurables, jufqu'à ce que la continuitéde leur tranfport tombe fous les fens. Carl'opinion où l'on eft touchant ce qui «ft invifible,que les efpaces de tems, qu'on peut me»furer, emportent un tranfport continu, n'eftpasvéritable dans le fujet dont il s'agit, puisque toutce que l'on confidére , ou que l'efprit peutconcevoir, n'eft point exactement vrai. Aprèstout ceci, il eft à propos d'examiner ce qui concernel'ame (i), relativement aux fens & auxpallions. Par-là on achèvera de s'affûrer quel'ame eft un corps, compofé de parties fort menues, & difperfées dans tout l'aflemblage de matièrequi forme le corps. Elle reflemble à unmélange d'air & de chaleur, tempéré-de manièrequ'à quelques égards elle tient plus de la naturede l'air, & qu'à d'autres elle participe plus delànature de la chaleur. En particulier elle eft fujetteà beaucoup de changemens, à caufe de lapetiteffe de ces parties dont elle eft compofée,& qui rendent auffi d'autant plus étroite l'unionqu'elle a avec le corps. Les ufagès de l'ame pa-roif-(i) U femble .que de ce début 8t de ce qui fuit onpourroit conclure qu'Epicuie n'a pas eu deflein de faitedans cette lettre un Syftême fuivi de fè* idées, & qu'ellene contient que des principes détachés, entre lefquels ilne faut peut-être pas chercher une auflî grande liaifongrammaticale que l'ont fait les Interprêtes que nous fuirqns.Les plaintes, qu'ils font fur la confution qui règnedans ce Syftême, doivent nous fervir de jufliScationfut l'obfcmite de ce morceau,


38


Ë P I C U R E. 387qu'elle avoit, aufli-bien que le mouvement & lefentiment. Car il n'eft pas concevable qu'elleconfier ve le fentiment, n'étant plus dans la mêmefituation qui" lui donnoit les mouvemens qu'ellea à préfent, parce que les chofes, dont elleeft environnée & revêtue, ne font pas femblablésà celles par le moyen desquelles elle a maintenantfes mouvemens.Epicure enfeigne encore la même doctrinedans d'autres endroits, & ajoute que l'ame eftcompofée d'atomes ronds & légers, fort différensde ceux <strong>du</strong> feu ; que la partie irraifonnablede l'ame eft difperfée dans tout le corps ; & quela partie raifonnable réfide dans la poitrine, cequi eft d'autant plus évident, que c'eft-là où lacrainte & la joye fe font fentir.Le fommeil eft l'effet de la laffitude qu'éprouventles parties de l'ame qui fontf dispevfées dansle corps, ou de celles qui y font retenues, ouy errent & tombent avec celles parmi lesquelleselles font répan<strong>du</strong>es. La vertu générative provientde toutes les parties <strong>du</strong> corps, & il fautprendre garde à ce que dit Epicure, qu'elle n'eftpoint incorporelle. Car il prend feulement lemot à'incirporel comme un terme en ufage, &non comme voulant dire qu'il y ait quelque cho*fe d'incorporel confidéré en lui-même, vu querien n'eft par lui-même incorporel, hormis levuide, lequel auffi ne peut ni agir, ni'recevoirR. 2 d'ac-


388 E P I C U R E.d'a&ion ; il ne fait que laiflèr un libre cours auîcorps qui s'y meuvent. De là il fuit que ceux,qui difent que l'ame eft incorporelle, s'écartent<strong>du</strong> bon fens, ' puifque fi cela étoit, elle ne pourroltni avoir d'aclion, ni recevoir de fentiment.Or nous voyons clairement que l'un & l'autre deces «ccidens ont lieu par rapport à l'ame. Si onapplique tous ces raifonnemens à la nature del'ame, aux pallions & aux fenfations, en fe fouvenantde ce qui a été dit dans le commencement,on connoltra affez les idées qui font coinprifesfous cette defcription , pour pouvoir fecon<strong>du</strong>ire fûrement dans l'examen de chaque partiede ce fujet.On ne doit pas croire que les figures,les couleursles grandeurs, la pefanteur & les autresqualités, qu'on donne à tous les corps viûbles& connus par les fens, ayent une exiftencepar eux-mêmes, puisque cela ne fe peut concevoir.On ne doit point les confidérer commeun Tout, en quel fens ils n'exiftent pas, ni commedes chofes incorporelles réfidantes dans lecorps, ni comme des parties <strong>du</strong> corps. 11 nefaut les envifager que comme des chofes, envertu desquelles le corps a une eflënce confiante, & non pas comme fi elles y étoientnéceflairement comprifes. On ne doit pas lesregarder fur le même 'pied que s'il en réfultoitun plus grand affemblage d'atomes, ouqu'ej


E P I C U R E.38Pqu'elles fuffent les principes de la grandeur <strong>du</strong>Tout, ou de la petiteffe d'une partie. Elles nefont, comme je dis, que contribuer à ce que lecorps ait par leur moyen une eûence confiante.II faut remarquer qu'il arrive en tout cela desadditions & des interruptions; mais en fup.pofant que l'affemblage fuive enfemble & nefoit pasdivifé, parce que c'eft en conféquencede la réunion de ce qui compofe le corps,qu'il reçoit fa dénomination (i). Il arrive fouventaux corps d'être accompagnés de quelquechofe qui n'eft pas confiant, qui n'a point lieuentant qu'il ne tombe pas fous la vue, & quin'eft point incorporel. En prenant donc cemot fuivant le fens qui y efl le plus généralementattaché, nous donnons à entendre que les acci»dens n'ont point la nature <strong>du</strong> Tout que nous ap*pelions Corps, en réunifiant tout ce qui entredans fon effence, non plus que celle de» qualitésqui l'accompagnent toujours,& fans lesquelleson ne peut avoir aucune idée <strong>du</strong> corps. Onne doit les confîdérer que comme des chofes quiaccompagnent l'affemblage <strong>du</strong> corps par une efpecef i ) Fcmgenllis a faute ici une douzaine de périodes, Sey a lubftitue' un difeours de fa façon. Biiliau en a omitune partie, en abrégeant Se paraphrafant le refte. Le»Interprètes Latins ne difent tien lut le fens de ce morceau, qui eft d'une obfcurité fans pareille. Ainfi on nedoit pas fe plaindre -de celle de notre reifion ; heuteufenaentce font des idées aflez inutiles.R 3-


3ÇO E P I C U R E.«e d'addition. Quelquefois même on envifageles qualités féparément, d'autant que les accidensne les fuivent pas toujours. On ne fauroit mêmenier que ce qui eft ainfi, n'eft ni de la nature<strong>du</strong> Tout à qui il furvient quelque chofe &que nous nommons Corps, ni de la nature deschofes qui l'accompagnent conftamment, ni qu'ilne doive point être regardé comme fubûïrantpar lui-même. Car il ne fart penfer cela ni desaccidens, ni des attributs conftans; au contraire,ainfi qu'il paroit, tous les corps font desaccidens qui n'ont point de fuite néceflaire, nid'ordre naturel, & qui doivent être confîdéréstels que les fens fe le» repréfentent. 11 faut aveisattention â ce principe, parce que nous ne devonspas rechercher la nature <strong>du</strong> tems de la manièredont nous recherchons les autres chofe»qui font dans quelque fujet, en tes rapportantaux notions antécédentes que nous en avons ennous-mêmes. On en doit parler félon l'effet mêmequi nous le fait sppellcr court ou long, fanschercherlà-deffus d'autres manières de nous exprimer,comme fi elles étoient meilleures. Hfout fe fervir de celles qui font en ufage, & nepoint dire d'autres chofes fur ce fujet, commefi elles étoient fignifiées par le langage ordinaire,ainfi que font quelques-uns. Il n'y a feulementqu'à prendre garde que dans ces expreflîons nousjoignions cnfemble l'idée propre <strong>du</strong> tems, &que


E P I C U R E. ,391que nous le mefurions. En effet ce n'eft pas icitin fujet où il s'agiffe de démonstration; il ne demandeque de l'attention. Par les jours, lesnuits, & leurs parties nous joignons le tems en*femble. Et comme les paffions, la tranquillité,le mouvement & le repos que nous éprouvons,nous font joindre quelque chofe d'accidentel avecees fentimens, de même auffi lorsque nous penfonsde nouveau à ces parties de la <strong>du</strong>rée, nousleur donnons le nom de tems; Epicùre enfeignela même chofe dans fon fécond livre de laNature & dans fon grand abrégé.Il ajoute à ce que nous avons dit ci-devant,qu'il faut croire que les mondes ont été pro<strong>du</strong>itsde tout tems, fuivant toutes les fortes de corn»pofitions, femblables à celles que nous voyons,& différentes les unes des autres par des changemensqui leur font propre», foit grands, oumoindres, & que pareillement toutes chofes fediffolvent, les unes promptement, les autresplus lentement, les unes & les autres par diverfescaufes de différente manière. Il paroit de làqu'Epicure faifoit conlîitèr la'corruptibilicé de»inondes dans le changement de leurs parties.En d'autres endroits il dit que la terre eft por*tée par l'air comme dans un char. Il ajoutequ'on ne doit pas croire que les mondes ayentnéceuaitement la même configuration. Aucontraire, dans fon douzième livre dt la NatureR 4il


39* E P T C U R E.il affirme qu'ils font différens, les uns étant fphériques,les autres ovales & d'autres autrementfigurés, quoiqu'il ne faille pas fuppofer qu'il yen ait de toutes fortes de formes. Epicure necroit pas que Fin tin i foie la caufe des diverfesefpeces d'animaux,parce qu'on ne fauroit diredans cette fuppofif' m pourquoi telles femencesd'animaux, de plantes & d'autres chofes fe trouventclans tel autre, puiftju'ils reçoivent tous lamême nourriture. Il avance les-mêmes principesfur ce qui concerne la terre. Ilcrsitauffique les hommes fe font beaucoup inflruits pules circonstances des chofes qui les environnent& par la néceffité,& que le raifonnement, s'étantjoint enfuite à cette inftruttion, a examiné leschofes plus foigneufement, faifant des découvertesplus promptes fur certaines ehofes, &plus tardives fur d'autres ; de forte qu'il y en aqu'il faut placer dans des tems fort éloignés del'infini, & d'autres dans des tems moins éloignés.De là vient, dit-il, que les noms ne furentpas, d'abord impofés aux chofes i deffeincomme ils le font ; mais que les hommes,. ayant,dans chaque pays leurs propres idées, les- exprimèrentpar un fon articulé, convenablement ices fentimens & à ces idées; que cette articulationfe trouva même difFérente félon les lieux;qu'enfuUe on convint dans chaque pays d'hnpo~fer certains, noms aux chofes, afin de les faite


fc P I C U R S. 393fe connottre aux autres d'une manière moins,équivoque, & de les exprimer d'une façonplus abrégée ; que ces expreffions fervirent à<strong>mont</strong>rer des chofes, qu'on ne voyoit point, àceux qui favoient les y appliquer, & dont lesunes doivent leur origine à la nécellîté, & lesautres i ce qu'on a dû employer dans le discoursles mots qui étoient le plus en ufage.Quant aux corps céleftes , à leurs mouvemens,leurs changemens, les éclipfes, le lever& le coucher <strong>du</strong> foleil, & autres phénomènescompris dans cette elafle, on ne doit point s'imaginerqu'ils fe faffent par le ininiftère de quelqueEtre qui les ordonne, les arrange, & qui réuniten lui-même ,1a béatitude & l'immortalité. Carles occupations,. les foucis, les colères & la joye-ne fympathifent point avec la félicité ; tout celane peut venir que d'infirmité, de crainte & <strong>du</strong>befoin des chofes néceffaires. On ne doit pascroire non plus que ce foient des Natures defeu, qui, jouïffant de la félicité, fe foient accordéesà recevoir volontairement ces mouvemens.11 faut obferver tout cet arrangement de manfer»que ces fortes d'idées ne renferment rîen qui paroiflecontraire à la beauté de l'arrangement,cette contrariété ne pouvant que pro<strong>du</strong>ire beaucoupde trouble dans nos efprits. Ainfi il fautpenfer que ces mouvemens s'exécutent fuivantdes Loix établies dès l'origine <strong>du</strong> monde, & queR Sf e


3P4 E P I C U R E.ce font des mouvemens périodiques qui fe fontnéceiTairement. L'étude de la Nature doit êtrejegardée comme deftinée à nous développer lescaufes des principaux phénomènes, & à nousfaire envifager les chofes céleftes fous une facequi contribue à notre bonheur, nous portant àconfidérer, pour en acquérir une meilleure connoiffance, l'affinité qu'elles ont avec d'autreschofes, & nous faifant obferver que la manièrediverfe dont fe font ces mouvemens, ou dontils peuvent fe faire, pourroit encore renfermerd'autres différences; mais qu'il nous fuflït de fa>voir que la caufe de ces mouvemens ne doitpoint être cherchée dans une Nature bienheureufe& incorruptible, qui ne fauroit renfermeraucun fujet de trouble. Il ne s'agit que de penfer pour concevoir que cela eft ainQ. 11 fautdire de plus que la connoiffance des caufes dalever & <strong>du</strong> coucher <strong>du</strong> foleil, des folftices,deséclipfes & d'autres phénomènes femblables àceux-là , ne pro<strong>du</strong>it point une feience heureufe,puifque ceux, qui les connoifTent, ne laiflentpas d'être également craintifs, quoique les unsignorent de quelle nature font ces phénomènes,& que les autres n'en favent point les véritablescaufes, _outre que quand même ils les connoltroient,ils n'en auroient pas moins de crainte, la fimple connoiûance à cet égard nefuffifant pas pour bannir la terreux par rapport al'ar.


£ t I C U R S. 35Jl'arrangement de ces chofes principale». De Iivient que nous trouvons plusieurs caufes des folstices,<strong>du</strong> coucher & <strong>du</strong> lever <strong>du</strong> foleil, deséclipfes, & d'autres mouvemens pareils, toutcomme nous en trouvons plufieurs dans les chofesparticulières, quoique nous ne fuppofions pasque nous ne les avons point examinées avec l'attentionqu'elles demandent entant qu'elles concernentnotre tranquillité & notre bonheur.Ainfi, toutes les fois que nous remarquons quelquechofe de pareil parmi nous, il faut considérerqu'il en eft de même des chofes céleftes & detout ce que nous ignorons, & méprifer ceux quiprétendent favoir qu'elles ne peuvent fe faireque d'une feule manière, qui ne parlent pointdes divers accidens qui nous paroifTent y arriver,à caufe de l'éloigneraent où nous en fommes, &qui ne favent pas même dire dans quel afpett lesphénomènes céleftes ne doivent pas nous effrayer.En effet, fi nous croyons que ces phénomènes,fe faifant d'une certaine manière , ne doiventpas nous troubler, ils ne devront pas non plus .nous caufer de l'inquiétude dans la fuppofitionqu'ils peuvent fe faire de pfufieurs autres manières;Après cela, il faut abfolument attribuer laprincipale caufe des agitations de l'efprit deshommes à ce qu'ils croyent qu'il y a des chofesheureufes & incorruptibles, & qu'en même terasils ont des volontés contraires à cette «avance,Il


W6 E P I C U R E.qu'ils fuppofent des caufes oppofêes à ces biens &agiflent directement contre ces principes, fur-touten ce qu'ils croyent des peines éternelles fur la fôfdes fables, foit qu'ils s'au"ùre"nt qu'ils ont quelquechofe à craindre dans la mort, comme fil'ame continuoit à exifter après là deftruction dûcorps, foit que n'admettant point ces idées, ilss'imaginent qu'ils fouffrïront quelque autre chofèpar une perfuafion déraifonnable de l'âme, quifait que ceux, qui ne définiffent point ce fujetde crainte, font auffi troublés que d'autres quile croyent vainement. L'exemption de troubleconfifte à fe préferver de ces opinions, & kconferver l'idée des chofes principales & univerfellementreconnues. Auffi il faut en tout avoirégard à ce qui eft actuellement & aux fens, àtous en commun pour des chofes communes, àchacun en particulier pour des chofes particulières, & en général à l'ufage de quelque caraclereàe vérité que ce foit. Si on prend garde àlout cela, on s'appercevra d'où viennent le trouble& la crainte qu'on reflent, & on s'en délivrera,foit qu'il s'agùTe des chofes céleftes, oades autres fujets qui épouvantent les hommes,& dont on faura rendre raifon. Voilà, Hérodote, ce que nous avons ré<strong>du</strong>it en abrégé furla nature de l'Univers. Si ces confidérationsfont efficaces & qu'on ait foin de les retenir, jecrois que quand même on ne s'appliqueroit pas itou-


E P. I C O R É. 59/toutes Tes parties de cette étude, on ne faifleràpas de iurpafler le refte des hommes en forcéd'efprit ; car tel parviendra lui-même à plufleurtvérités particulières en fuivant cette route généraleque nous traçons , & s'il fe les imprimedans l'efprit, elîes l'aideront toujours dans l'occafion.Ces confidérâtions fontaUffi telles, queceux, qui ont déjà fait des progrès dans l'étudeparticulière de la Nattue, pourront en porterplus loin la connoiffance générale, & que ceux,,qui ne font pas eonfommés dans cette fcience,ou qui s'y font adonnés fans l'aide d'un Maître,ne laifferont pas,- ta repaCant ce cours de véritésprincipales, travailler efficacement à la tranquillitéde leur efprit.Telle eft la lettre d'Epicure fur la Phyfique?voiei l'autre, qui roule fur les phénomènes ce*Jeftes,Epicure à Pytbcdfs.fôye.Cléon m'a apporté votre lettre, dans laquellevous continuez à me témoigner une amitié quirépond à celle que j'ai pour vous. Vous y raifonnezauflî fort bien des idées qui contribuentà rendre la vie heureufe, & vous me demandezfur les phénomènes céleftes un fyftême abrégéque vous puiffiez retenir facilement, parce qn&«e que j'ai écrit là-deflus dans d'autres ouvragesR. 7 cû


, 9 8 E P I C V R Jï.eft difficile à retenir, quand même, dites-vous,eu les porteroit toujours fur foi. Je confens ivotre demande avec plaifir, & fonde fur vousde grandes efperances. Ayant donc achevé mesautres ouvrages, j'ai compofé le traité que vousfbuhaitez, & qui pourra être utile à beaucoupd'autres, principalement à ceux qui font novicesdans l'étude de la Nature, & à ceux qui fontembarraflës dans les foins que leur donnent d'autresoccupations. Recevez-le, apprenez-le &étudiez-le conjointement avec les chofes quej'ai écrites en abrégé à Hérodote.Premièrement il faut fa voir que la fin, qu'or»doit fe propofer dans l'étude des phénomènescéleftes, confidérés dans leur connexion, ouféparéinent, eft de cônferver notre efprit exemptde trouble, & d'avoir de fermes perfuafions; cequi eft àufli la fin qu'on doit fe propofer dansles autres études. Il ne faut pas vouloir forcerFimpoffible, ni appliquer à tout les mêmes principes, foit dans les chofes que nous avons traitéesen parlant de la con<strong>du</strong>ite de là vie, foitdans celles qui concernent l'explication de laNature, comme, par exemple, ces principesque l'Univers eft compofé de corps & d'une natureimpalpable, que les élemens font dés atomes& autres pareilles, qui font les feules qu'onpuifle lier avec les chofes qui tombent fous lesfeus, u n'en eft- pas de même des phénomen«r


S. F I c cr K fi. ss*.BPS céleftes, qui naiffent de plufieurs caufés quis'accordent également avec le jugement des fens.Car il ne s'agit point de faire de nouvelles propofitions,ni de pofer des règles pour l'étude dela Nature ; il faut l'étudier en fuivar.it les phénomènes,& ce n'eft pas de dottrines particulières-•& de vaine gloire que nous avons befoin danslavie, mais de ce qui peut nous la faire pafferfans trouble. Tout s'opère conftamment dansles phénomènes céleftes de plufieurs manières,,dont on peut également accorder l'explicationavecce qui nous en paroît par le jugement desfens, pourvu qu'on renonce, comme on le doit,-à des principes qui ne font fondes que fur desvraifemblances. Et fi quelqu'un, en rejectantune chofe, en exclut une autre qui s'accordeégalement avec les phénomènes, il eft évidentqu'il 's'écarte de la vraye étude de la Nature &qu'il donne dans les fables. Il faut recevoirauffi, pour lignes des chofes céleftes, quelques--unes de celles que" nous voyons & dont nouspouvons examiner la nature; ce que nous nepouvonsfaire par rapport aux chofes céleftes,.que nous voyons, ne_peuvent pas fe faire deplufieurs manières différentes. Il faut prendregardeà chaque phénomène, & divifer les idéesqu'ilréunit, les chofes, que nous voyons, nepouvant fervir de preuve qu'ils ne s'opèrent partieplufieurs manières différentes;P.Jr


4otf É P I" G Û ft. E,On comprend dans la notion <strong>du</strong> monde toutce qu'embrafle le contour <strong>du</strong> ciel, favoir les aftres,la terre & toutes les chofes vifibles..C'eft une partie détachée de l'infini, & terminéepar une extrémité, dont l'effence eft ou rareou denfe, & qui, venant à fe diflbudre, entraînerala diûolution de tout ce qu'elle contient,foit que cette matière, qui limite le monde,foit en mouvement, ou en repos, & que fa figu- •te foit ronde, triangulaire ou telle autre. Carcette configuration peut être fort différente, n'yayant rien dans les chofes vifibles qui forme dedifficulté à ce qu'il y ait un monde borné d'unemanière qui ne nous foit pas compréhenfible.Et on peut concevoir par la penfée que le nombrede ces mondes eft infini, & qu'il s'en peutfaire un tel que je dis, foit dans le monde même,foit dans l'efpace qui eft entre les mondes,par où il faut entendre un lieu parfaitement vuide,& non, comme le veulent quelques Auteurs,un grand efpace, fort pur, où il n'y apoint de vuide. Ils prétendent qu'il y a desfemences qui fe féparent d'un ou de plufleuismondes , ou des efpaces qui font entre-deux,lesquelles s'augmentent peu à peu, fe forment,changent de place félon que cela fe rencontre,& reçoivent une nourriture convenable qui lesperfeftionne & leur donne une confiftence, pro«portionnée à la force des fondemens qui les re-çoi-


E P I C U R Er 4otçoivent. Mais ce n'eft point aflez qu'il fe fafleun aflemblage, & que cçt amas foit accompagnéd'un mouvement de tourbillon dans le vuide oùl'on peufe qu'un tel monde fe forme néceflairement,ni qu'il prenne des accroiflemens jufqu'àce qu'il vienne à rencontrer un autre monde,comme dit un de ces Fhilofopbes qui paflentpour Phyficiens j car cela répugne aux phénomènes.Le foleil, la lune & les autres aftres, n'ayantpoint été faits pour exifter féparément (i), ontété enfutte compris dans l'aflemblage <strong>du</strong> mondeentier. Pareillement la terre r la mer & toutesles efpeces d'animaux après avoir d'abord reçu,leur forme, fe font augmentés par des accroùTemensà l'aide des mouvemens circulaires d'autres,chefes compofées de parties fort menues, foitd'air, foit de feu-, ou de tous les deux enfemble; <strong>du</strong> moins les' fens nous le perfuadentain-fi.Quant à la grandeur <strong>du</strong> foleil & à celle detous les aftres en général, elle eft telle qu'ellenous parott, enfeigne Epicure dans ion livre onzièmefur la Nature, où il dit que fi l'éloignem«ntôte quelque chofe à la grandeur <strong>du</strong>foleil , il doit encore perdre beaucoup plus,de fa couleur. Nulle diftance ne lui convenoitmieuxit) Voyez Mtnify


402 E P I C U R E.mieux que celle où il eu, & relativement àfa grandeur naturelle, foit qu'on le conçoiveplus grand , ou un peu plus petit qu'il nefemble être, ou tel qu'il nous parolt. D'ailleurson peut appliquer à cela que la grandeur apparentedes feux, que nous voyons dans l'éloignement,ne diffère pas beaucoup de leur grandeurréelle. On fe tirera aifément des difficultés qu'ilpeut y avoir fur ce fujet, fi on a'admet que cequi eft évident pnr les fens, comme je l'ai <strong>mont</strong>rédans mes ouvrages fur la Nature.Le lever & le coucher <strong>du</strong> foleil, de la lune& des autres aftres peuvent venir de ce qu'ilss'allument & s'éteignent félon 1* pofition oir il»font. Ces phénomènes peuvent aufiî avoir d'au?,très caufes, conformément à ce qui a été dit cfdefTus,& il n'y a rien dan» les apparences quiempêche cette fuppofition d'avoir lieu. Peutêtrene font-Hs qu'apparaître fur la terre, &qu'enfuite ifs font couverts de manière qu'on nepeut plus les appercevoir. Cette raifon n'eftpas non plus contredite par les apparences.Les mouvemens des aftres peuvent venir, oade ce que le ciel, en tournant, les entraine aveclui, ou bien on peut fuppofer que le ciel étanten repos, les aftres tournent par une néceflkéà laquelle ils ont été fournis dès la naiûance dirmonde, & qui les fait partir de l'Orient. Il fepeut aiiffi que la chaleur <strong>du</strong> feu,, qui leur fertttenom-


É F I C U R E. 40$nourriture, les attire toujours en avant, commedans une efpece de pâturage. On peut croireque le foleil & la lune changent de route pafl'obliquité que le ciel contrafte néceflairement encertains tems, ou par la réfiftance de l'air , owpar l'eiFet d'une matière qui les accompagne tou^jours,- & dont une partie s'enflamme, & l'autrepoint ; ou même on peut fuppofer que ce mouvementa été donné dès le commencement à cesaftres, afin qu'ils pûffenf fe mouvoir circulairement.Toutes tes fuppofitions, & celles qui yfont conformes, peuvent également avoir lieu,& dans ce que nous voyons clairement il n'y asien qui y foit contraire. IPfaut feulement avoirégard à ce qui ell poflîble, pour pouvoir l'appliqueraux chofes qu'on apperçoit d'une manièrequi y foit conforme, & ne point craindre le$>bas fyftêmes des Aftrologues.Le déclin & le renouvellement de la lune peu--Vent arriver pa.r le changement de fa iïtuation r®u par des formes que prend l'air, ou par quelquechofequi la couvre, ou de toute autre manièreque nous pourrons nous imaginer, en comparantavec ce phénomène les chofes qui fe font à notrevue, & qui ont quelque rapport avec lui, â'moins que quelqu'un ne foit là-défais fi contentcfun feul principe, qu'il rejette tous les autres,fans faire attention à ce que l'homme peut parvenirà connoitre & à ce qui furpafle fa connoiffeto»


404 E P I C U R E.fance, non plus qu'à la raifon qui lui fait rechercherdes chofes qu'il ne fauroit approfondir.Il fe peut aufli que la lune tire fa lumière d'ellemême, il fe peut encore qu'elle l'emprunte <strong>du</strong>foleil, tout comme parmi nous il y a des chofesqui (i) ont leurs propriétés d'elles mêmes, &d'autres qui ne les ont que par communication.Rien n'empêche qu'on ne fuppofe cela dans lesphénomènes céleftes, fi on fe fouvient qu'ils peuventfe faire de plufieurs manières différentes, fion refléchit aux hypothefes ce aux diverfes eaufesqu'appuyé ce principe, & fi on a foin d'éviterles fauifes conféquences & les faux fyftêmesqui peuyent con<strong>du</strong>ire i expliquer ces phénomènesd'une feule manière.L'apparence de vifâge r qu'on voit dans laïune, peut venir, ou des changemens qui arriventdans fes parties,, ou de quelque chofe quiles couvre, & en général cela peut provenir detoutes les manières dont fe font des^phénomenesfemblablesqui ont lieu parmi nous. Il n'eft pasbefoin d'ajouter qu'il faut fuivre la même méthodedans ce qui regarde tous les phénomènes céleftes; car fi on établit, par rapport à quelquesuns, des principes qui combattent ceux que nousvoyons, être vrais, jamais on ne jouira d'une con-noif-(i) D'autres tra<strong>du</strong>ifent: Des chofes qui tirent leur lumièred'elles-mêmes, & des chofes qui n'en ont qu'âne emprunte*.


E P I C U R E . 405moiffance propre à tranquillifer Pefprit.Quant aux éclipfes de foleil & de lune, onpeut croire que des aftres s'éteignent d'une manièrepareille à ce qui fe voit parmi nous, onparce qu'il fe rencontre quelque chofe quiles couvre , foit la terre, foit le ciel,ou quelque autre corps pareil. Il faut ainficomparer entre elles les manières dont une chofepeut naturellement fe faire, & avoir égard "àce qu'il n'eft pas impoffible qu'il fe fafle des compofitionsde certains corps. Epicure, dans fondouzième livre fur la Nature, dit que Je foleils'^clipfe par l'ombre que lui fait la lune, & lalune par celle que lui fait la terre; état dont cesaftres fe retirent enfuite. Tel eft auflî le fentimentde Diogene l'Epicurien dans le premier livrede fes Opinions Cboifies. Il faut ajouter à celaque ces phénomènes arrivent dans des temsmarqués & réguliers, tout comme certaines cho»fes qui fe font communément parmi nous, & nepoint admettre en ceci le concours d'une Naturedivine, qu'il faut fuppofer exempte de cetteoccupation, & jouïflant de toute forte de bonheur.Si on ne s'en tient à ces règles, toutela fcience des chôfes céleftes dégénérera en vainedifpute, comme il eft arrivé à qus'.ques-uns,qui, n'ayant pas faifî le principe de la polfibilité,fonp tombés dans la vaine opinion que cesphénomènes ne peuvent fe faire que par unefeu-


40tf E P I C U R E.feule voye, & ont rejette toutes les autres maoieresdont ils peuvent s'exécuter, adoptant desidées qu'ils ne peuvent concevoir clairement, &ne faifant pas attention aux chofes que l'on voit,afin de s'en fervir comme de lignes pour connoitreles autres (i).La différente longueur des jours & des nuitsdoit s'attribuer à ce que le foieil paffe pluspromptement ou plus lentement fur la terre, ouà ce qu'il y a des lieux plus ou moins éloignés<strong>du</strong> foieil, ou des endroits plus bornés que d'autres, tout comme nous voyons parmi nous deschofes qui s'exécutent avec plus de viteffé, &d'autres avec plus de lenteur ,* raifonnementqu'on peut appliquer par conformité à ce qui fefait dans les phénomènes céleftes. Ceux, dontl'opinion eft que cela ne peut fe faire que d'unefeule manière, contredirent les phénomènes &perdent de vue les chofes que les hommes peuventconnoitre.Les pronoftics, qu'annoncent les aftres, naiffent,ou des accidens des faifons, comme ceuxque nous voyons arriver aux animaux, ou d'autrescaufes, comme peuvent être les changemensde(i) Nous devons avertit ceux qui trouveront unegrande différence entre cette tra<strong>du</strong>ction 8c celle de Britt


£ P I C U ïl E. 407de l'air. Ni l'une, ni l'autre de ces fuppofitionsn'eft contraire aux phénomènes ; mais à quellecaufe précife il faut s'arrêter, c'eft ce que nousne favons point.•Les nuées peuvent fe former, ou par des affemblagesd'air, preffés les uns contre les autres,ou par les fecoufles des vents, ou par des atomes 'qui s'accrochent & font propres à pro<strong>du</strong>ire cetrffet, «u par des amas d'exhalaifons qui partentde la terre & de la mer, ou enfin de plufieursautres manières femhlables que la raifon nousdi&e. Ces nuées, foit par la preflion qu'ellesfouffrent, foit par les changemens qu'elles4prouvent,peuvenjt fe tourner en eau, ou en vents,félon qu'il y a pour cela des matières amenéesde lieux convenables, agitées dans l'air, & entretenuespar des affemblages propres à pro<strong>du</strong>irede femblables effets.Les tonnerres peuvent être occafionnés, ou pardes vents renfermés dans les cavités des nuées,comme il en eft de nos vafes pleins d'eau bouillante, ou par le bruit <strong>du</strong> feu fpiritueux qu'ellescontiennent, ou par les ruptures & les Réparationsqui leur arrivent, ou par leur choc & l'éclatavec lequel elles fe rompent, après avoiracquis une çonfiftçnçe cryftaline, Et en généralles phénomènes, que nous pouvons obferver,nous con<strong>du</strong>ifent à penfer que celui-là peuts'opérer de plufieurs manières différentes.Les


408 E F I C U R E.Les éclairs fe font auffi diverfement par lechoc, ou par la collifion des nuées, qui pro<strong>du</strong>itcette difpofition laquelle engendre le feu, ou• par l'ouverture des nuées faite par des corps fpiritueuxqui forment l'éclair, ou parce que lesnuages pouffent au dehors le feu qu'ils contiennent,foit par leur preffion réciproque, foît parcelle des vents, ou par la lumière qui fort desaffres, & qui enfuite, renvoyée par le mouvementdes nuées & des vents, tombe au travers desnues, ou par la lumière exténuée qui s'élancedes nuées, ou parce que c'eft le feu qui les affemble& caufe les tonnerres. Il peut de mêmepro<strong>du</strong>ire,les éclairs par fon mouvement, ou parl'inflammation des vents, faite fuivant leur direction


E P 1 C U R E . 409nous voyons de loin, & qui rendent un fon.La foudre peut réfulter d'un grand affemblagede vents, de leurs chocs, de leur inflammation& de Leur violente chute fur la terre, principa- „lement fur les <strong>mont</strong>agnes, ou les foudres fe remarquentle plus, ou par les ruptures qui fe fontfucceifivement dans des lieux épais & remplis denuées, &.qui fe trouvent enveloppées par cefeu qui sléchappe. C'eft ainfi que Je tonnerrepeut encore fe former par un grand amas de feu,môle d'un vent violent qui rompt les nuées dontLa réciproque empêche qu'il ne continue fon cours.Les foudres .peuvent aufiï fe faire de plufieursautres manières, pourvu qu'on ne s'attache pointaux fables. On les évitera, il on examine leschoies que Fon voit, pour en tirer des conclufionspar rapport à celles qu'on ne voit pas (1).Les tourbillons de feu peuvent être probablementpro<strong>du</strong>its, ou- par des nuées qu'un grandvent chafle diverfement fur la terre , ou parplufieurs vents joints à une nuée qu'un autrevent extérieur pouffe de côté, ou par un mouvementcirculaire <strong>du</strong> vent qui fé trouve preffé parl'air qui eft au deflus de lui, & qui l'empêche detrouver l'iflue qu'il lui faut. Ce tourbillon,tombant fur la terré, y occafionne un mouvement(1) Cette manière de psulei fignifie toujours dam ceIwie fi dis chofis, qui /« ftnt fur la tirn, ,n tirt <strong>du</strong> tmfiamncispar raffirt ait» jhîntmtnis cilijlii.Tome II,S


41* Ç P I C U R E.ment en rond, l'effet étant pareil au mouvement<strong>du</strong> vent qui en eft la caufe, & lorsqu'il fc jettefur la mer jl y pro<strong>du</strong>it des tournemens.Les tremblemens de Terre peuvent être eaufés,ou par un vent, renfermé dans la terre,qui eh agite (i) continuellement les moindresparties par ou il la difpofe- à un ébranlement, àquoi fe joint l'air extérieur qui s'infinue dans laTerre; ou bien ils viennent de l'air que lesvents comprimés pouffent dans les cavités de laterre, comme dans des efpeces de cavernes. Suivantle cours que prend ce mouvement, lestremblemens de terre peuvent auffi arriver par la«hûte de certaines parties de la terre, qui, quelqaefeisrenvoyées -, rencontrent des endroitstrop cbndenfés. Ces monvemens peuvent auffife faire de plufîèurs autres manières.Les vents fe forment dans des tems régulierspar un aflemWage infenfible de matières quiviennent à fe réunir d'ailleurs, comme quand ilfe fait un grand amas d'eau, Au refte les vent»font foibles lorsqu'ils tombent en petit nombredans plafieurs cavités où ils fe diftribuent.La grêle ! fe fait lorsque les- parties, qui lacompofent, viennent à fe fixer fortement, quelquefoisde teus coté? par lés vents qui les environnent& les partagent, quelquefois moins fortementà caufe de queîques parties d'eauqui(0 Voyez Kjiiaiii).^


E P I C U R E.4i rqui les féparent & les éloignent en même teinsl'une de l'autre. Elle peut fe former aufli parun brifement qui la rompt en diverfes parties,qui viennent à fe fixer-par leur aflemblage. Larondeur de fa circonférence vient de ce que feiextrémités fe fondent de toutes parts pendantqu'elle fe fixe , & de ce que fes parties fontégalement preffées par l'eau, ou par l'air qui lesenvironne.On peut fuppofer que la neige fe forme par lemoyen d'une eau fubtile qui découle des nuéespar des Couvertures qui lui font proportionnées,jointe à une preffion des nuées qui font difpo*fées à pro<strong>du</strong>ire cette eau & au vent qui la difperfe.Enfuite coulant de cette manière, pliefe fixe par le grand froid qu'elle rencontre aubas des nues ; ou bien cette congélation fe faitdans des nuées qui font également peu condenfées,& qui par leur collifïon froiflent ces partiesles unes contre les autres aufli bien qu'aveccelles d'eau qui s'y trouvent jointes, & qui, enles éloignant, pro<strong>du</strong>ifent la grêle; effet qui arriveprincipalement dans l'air. Cet aflemblage departies, qui fojrment la neige peut aufli provenir<strong>du</strong> froiflement de quelques nuées qui ont acquisun certain degré de congélation, quoique 'd'ailleursla neige puifle fe faire de plus d'une autremanière.Le xofée vient d'un concours de parties dfeS al'ait


pt £ P I C U R E,l'air, propres à pro<strong>du</strong>ire cette humidité ;ou bien ces parties viennent de lieux humides& arrofés d'eaux,'qui font effectivement lesendroits les plus abondans en rofée. Enfuieces parties, après avoir acquis un parfait degréd'humidité, retombent vers le bas, comme ilarrive en plufieurs autres chofes femblables quife paffent à notre portée.La gelée blanche eft un effet de la rofée qui.s'eft fixée par un air froid, dont elle s'eft trouvéeenvironnée.La glace fe forme par le moyen de particulesrondes qui fortent de l'eau, & qui font chaiTéespar des particules angulaires, dont les unes font.obtufes, les autres aiguës; ou bien par des particulesqui viennent de dehors, augmentent levolume de l'eau, & donnent en même tems uneautre forme aux parties rondes.L'Arc-en ciel naît des rayons <strong>du</strong> foleil,qui refléchiflent fur un air humide ; ou bien ille fait par une propriété particulière de la lumière,& de l'air qui pro<strong>du</strong>it les couleurs qu'on apperçoitdans .ce phénomene.foitqu'elle les pro<strong>du</strong>ifetoutes,fbit qu'elle n'en prp<strong>du</strong>ife qu'une.qui.tn réflechiflantfur les parties voifines de l'air, leur faitprendre les couleurs particulières que nous appercejponsdans ce phénomène. La circonférence, qu'al'Arc-en-ciel, vient decequ'ileftvûàunediftanceégale de tous côtés, ou de ce que les atomesdans


E P I C U R E.4T3dans l'air, font obligés de prendre cette for


4H E f I C U K E.oppofent, & de ce que quelques-uns de ces aftresprennent un détour. Non feulement cecivient de ce que cette partie <strong>du</strong> monde eft en repostandis que les autres tournent autour d'elle,félon l'idée de quelques Pbilofopbes ; mais auiBde ce que le mouvement de l'air, qui l'environ.ne, empêche ces corps de pafler autour d'ellecomme les autres aftres. Ajoutez à cela que lescomètes ne trouveraient pas dans la fuite de matièrequi leur convienne; ce qui les fait lefterdans les lieux ou on les apperçoit. On peutescore attribuer à cela d'autres caufes, fl on faitbien raifonner fur ce qui s'accorde avec les chofesqui tombent fous nos fens.Il y a des étoiles errantes, entant que c'eft-Iil'ordre de leur mouvement, & il y en a de fixes^II fe peut qu'outre celles qui fe meuvent circulairement,il y en ait qui dès le commencementont été deftinées à faire leur révolution égale*ment, tandis que d'autres font la leur d'une manièreinégale. Il fé peut auffi que l'air s'étendeplus également dans certains lieux par où paffentles aftres, ce qui leur donne un mouvement plusfuivi & une lumière plus régulière, & que dansd'autres lieux il y ait des inégalités à cet égardqui pro<strong>du</strong>ifent celles qu'on voit dans certains autres.Vouloir expliquer tout cela par une feulecaufe, pendant que les phénomènes con<strong>du</strong>isent àen fuppofer plufieurs, eft une penfée déraifonwble


E P I C U R E.41sble & mal enten<strong>du</strong>e de la part de ceux qui s'appliquentà une vaine Aftrologie, & rendent inutilementraifon de plufieurs chofes, tandis qu'ilscontinuent à embarrafler la Divinité de cetteadminiftration.On voit des aftres qui ne vont pas û vite qued'autres, foit parce qu'ils parcourent plus lentementle même cercle, ou parce que dans lemême tourbillon, qui les entraine, ils ont unmouvement contraire, ou parce qu'en faifant lamême révolution , les uns parcourent plus delieux que les autres. Décider fur tout cela eftune chofe qui ne convient qu'à ceux qui cherchentà fe fare admirer par le peuple.Pour ce qui regarde les étoiles qu'on dit tomber<strong>du</strong> ciel, cela peut fe faire, ou par des partiesqui fe détachent de ces aftres, ou par leurchoc, ou bien par la chute de certaines matieresd'où il fort des exhalaifons, comme nousl'avons dit fur les éclairs, cela peut auffi venird'un aflemblage des atomes qui engendrent lefeu, ou d'un mouvement qui fe fait dans l'endroitoù fe forme d'abord leur concours, ou desvents qui s'aûemblent & forment des vapeurs,lesquelles s'enflamment dans les lieux où elles fontrefferrées ; ou bien ce font des matières qui fefranchisent un paûage à travers de ce qui lesenvironne & continuent à fe mouvoir dans leslieux où elles fe portent. Enfin cela fe peut en-S 4co-


416 E P I C U R E.core exécuter de plus de manières qu'on ntfpeut dire.Les pronoftïcs qu'on tire de certains animauxfont fondés fur les accidens des faifons ; car iln'y a point de liaifon néceffaire entre des animaux& l'hyver, pour qu'ils puiffent le pro<strong>du</strong>ire,& on ne doit pas fe mettre dans l'efprit que ledépart des animaux d'un certain lîeu foitréglé par une Divinité, qui s'applique enfuiteà remplir ces pronoftics ; en effet iln'y a point d'animal, pour peu qu'il méritequ'on en fafTe cas, qui voulut s'afTujettir ice fot deflin : à plus forte raifon ne faut-il pasavoir cette idée de la Nature Divine, qui jouîtd'une félicité parfaite.Je vous exhorte donc Pythocles, à vous imprimerces idées, afin de vous préferver des opinionsfabuleufes, & de vous mettre en état debien juger de toutes lès vérités qui font <strong>du</strong>genre de celles que je vous ai expliquées. Etudiezbien fur tout ce qui regarde les principes del'Univers, l'infini & les autres vérités liées aveccelles-là, en particulier ce qui regarde les caractèresde vérité, les paffions de l'âme, & la'raifonpourquoi nous devons nous appliquer à cesconnoiffances. Si vous faififlez bien ces idéesprincipales, vous vous appliquerez avec fuccèsà la recherche des vérités particulières. Quant-à ceux qui ne font que peu-ou point <strong>du</strong> toutton-


E P I e U R E. 417contins de ces principes. » ils ne les ont pas bienconfidérés, non plus qu'ils ont eu de juftes idéesde la raifon pourquoi nous devons nous appliquerà ces connoiflânces.Tels font les fentimens d'Epicure fur ce quiregarde les chofes céleftes. Paflbns à ce qu'ilenfeigne fur la con<strong>du</strong>ite de la vie , & fur lechoix de la volonté par rapport aux biens & auxmaux-. Commençons d'abord par dire quelleopinion lui & fes difciples ont <strong>du</strong> Sage.Le Sage peut être qutragé par la haine, parl'envie, ou par le mépris dts hommes; mais iicroit qu'il dépend de lui de fe mettre au-deflusde tout préjudice par la force de fa raifon. Lafagefle eft un bien fi folide , qu'elle ôte à celui,qui l'a en partage, toute difpofition à changerd'état, & l'empêche de fortir de fon caraâere,quand même il en auroit la volonté. A la véritéle- Sage eft fujet aux paillons ; mais leur impétuofiténe peut rien contre fa fagefle. Il n'eft pointde toutes les complexions, ni de toutes lçs fortesde tempérainens. Qu'il fe fente affligé par lesmaladies, mis à la torture par les douleurs, iln'en eft pas moins heureux. Egalement officieuxenvers fes amis, lui feul fait les obliger véritablement,foit qu'ils foiçnt préfens fous fesyeux, ou qu'il les perde de vûe dans l'abfence.Jamais on ne l'entendra pouffer des cris,fe lamenter & fe défesperer dans le fort de laS sdou-


^T8 E P I C U RE.douleur. Il évitera d'avoir commerce avec toutefemme, dont l'ufage eft prohibé par les Loix,félon ce qu'en dit Diogene dans], fon Abrégé <strong>du</strong>Préceptes Moraux d'Epicure.II ne fera point affez cruel pour accabler fe*efdaves de grands tourmens ; loin de-là-, il aurapitié de leur condition, & pardonnera volontiersà quiconque mérite de l'in<strong>du</strong>lgence en considérationde fa probité. Il fera infenfible aux aiguillonsde l'amour, requel, dit Diogene Liv. XILn'eft point envoyé <strong>du</strong> ciel fur la terre. Les plai»fîrs de cette paffion ne furent jamais utiles; aucontraire on eft trop heureux lorsqu'ils n'entrainentpoint après eux des fuites qu'on auroit fujetde déplorer. Le Sage ne s'embarraffera nullementde fa fépulture & ne s'appliquera point àl'Art de bien dire. Il pourra, au fentimentd'Epicure dans fes Doutes &' dans, fes livres dela Nature, fe marier & procréer des enfans parconfolation de fe voir renaître dans fa poftérité.Néanmoins il arrive dans la vie des circonstancesqui peuvent difpenfer le Sage d'un pareil engagement,& lui en infpïrer le dégoût. Epicuredans fon Banquet, lui défend de conferver 1»rancune dans l'excès <strong>du</strong> vin, & dans fon premierlivre de la Con<strong>du</strong>ite de la Vie, il lui donneTexclufion en ce qui regarde le maniment desaffaires de la République. Il n'afpirera" pointà la Tyrannie , il n'imitera pas les Cyniques


E P I C U R E. - '419-que» dans leur façon de vivre, ni ne s'abailTerajufqu'à mandier fes befoins , dit encore Epicuredans fon deuxième livre de la Con<strong>du</strong>itedelà vie. Quoiqu'il perde layûe, ajoute-t-il danscet Ouvrage, il continuera de vivre fans regret. Il.convient pourtant avec Diogene dans le Livre V,Des fes Opinions cboijies que le Sage peut s'attriftèren certaines occafîons. Il peut aufli arriver qu'il foitappelle en jugement. Il laiflera i la poftérité despro<strong>du</strong>ctions de fon génie; mais il s'abftiendra decompofer des panégyriques. Il amaffera <strong>du</strong>bien fans attachement, pourvoira à l'avenir fansavarice, & fe préparera à repouiïer courageufementles aûauts de la fortune. Il ne contracteraaucune liaifon d'amitié avec l'avare, & aura foinde maintenir fa réputation, de crainte de tomberdans le mépris. Son plus grand plaifir confineradans les fpectaclcs publics. Tous les vicesfont inégaux. La Santé, félon quelques uns,eft une chofe précieufe, d'autres prétendentqu'elle doit être indifférente. La Nature nedonne point une magnanimité achevée , elle nes'acquiert que par la force <strong>du</strong> raisonnement.L'amitié doit être contractée par l'utilité qu'onen efpere, de la même manière que l'on cultivela terre, pour recueillir l'effet de fa fertilité; cette belle habitude fe foïitient par les plaifirsréciproques <strong>du</strong> commerce qu'on a lié. Il ya deux fortes de félicités , l'une eft fuprême,S 6&


4w E P I C U R E.& n'appartient qu'à Dieu, elle eft toujourtégale fans augmenution, ni diminution ; l'autrelui eft inférieure, ainfi que celle des hommes ,le plus & le moins s'y trouvent toujours. LeSage pourra avoir des Statues dans les placespubliques ; mais il ne recherchera poinr cesfortes d'honneurs. 11 n'y a que le Cage qui puisfeparler avec juffefle de la Mufique & de laPoëfie. Il ne lira point de fictions poétiques,& n'en fera point. Il n'eft point jaloux de lafagefle d'un autre. Le gain eft permis au Sagedans le befoin pourvu qu'il l'acquiert par laScience. Le Sage obéira à fon Prince quandl'occafion s'en pTéfentera. Il fe rejouira avec celuiqui fera rentré dans le chemin de la vertu.Il pourra tenir une Ecole, pourvu que le vulgairen'y foit point reçu. Il pourra lire quefquesuns de fes écrits devant le peuple ; que cene foit pourtant pas de fon propre mouvement.Il fera fixe en fes opinions, & ne mettra pointtout en doute. Il fera auffi tranquille dans Jefommeil, que lorfqu'il fera éveille; Si l'occafionfe préfente, le Sage mourra pour fon ami.Voilà les fentimens qu'ils ont <strong>du</strong> Sage, Maintenantpaflbns à la Lettre qu'il écrivit à Menecée.EPI-/


E F I e U R E. 4»rE P I c O R E;•à Menecée. Salut.La jeunefle n'eft point un obftacle à l'étude êelà Philofophie; On ne doit point différer d'acquérir fes connoiffances, de même qu'on ne doitpoint avoir' de honte dé confacrer fes dernièresannées au travail de la fpécttlation. L'Hommen'a point de tems limité, & ne doit jamais manquerde force pour guérir fon efprit de tous lèsmaux qui l'affligent.Ainfi celui, qui excufe fa négligence fur cequ'il n'a pas encore affez de vigueur pour. cettelaborieufe application , ou parce qu'il a laifTééchapper les momens précieux qui pouvoient lecon<strong>du</strong>ire à cette découverte, ne parle pas mieux


4*V Ë F \ C U & •£.prefcrit à fes jours, il perfevere dans l'habitudede la vertu qu'il s'eft acquife ; & l'autre afin qu'étantchargé d'années, il connoifle que fon efprita toute la fermeté de la jeunefle pour le mettreau-deflus de tous les évenemens de la fortune,& pour lui faire regarder avec intrépidité tout cequi peut l'allarmer dans la fpéculation de l'avenir,dont il eft fi proche.Méditez donc , mon cher Menecée , & nenégligez rien de tout ce qui peut vous mener àla félicité; heureux celui qui s'eft fixédans cettefltuation tranquille , il n'a plus de fouhaits ifaire, puifqu'il eft fatisfait de ce qu'il poffede,& s'il n'a pu encore s'élever i ce degré d'excellenceil doit faire tous fes efforts pour y atteindre.Suivez donc les préceptes que je vous ai donnésfi fou vent, mettez les en pratique, qu'ilsfoient les fujets continuels de vos reflexions, parceque je fuis convaincu que vous y trouverezpour la règle de vos moeurs une morale très-régulière.La bafe fur laquelle vous devez apuyer toutesvos maximes, c'eft la penfée de l'immortalité,& de l'état bienheureux des Dieux: ce fendmenteft conforme à l'opinion qui s'en eft ré•pan<strong>du</strong>e parmi les hommes ; mais auflî prenezgarde qu'en définiflant la Divinité, vous lui donniezaucun attribut qui profane la grandeur de fonef-


E P I C U K E.eflence, en diminuant ion éternité, ou fa félicitéfuprême ,• donnez i votre efprit fur cet Etredivin tel eflbr qu'il vous plaira, pourvu que fonimmortalité & fa béatitude n'en reçoivent aucuneatteinte.Il y a dés Dieux, c'eft une connohTance confacréeà la pofterité; mais leur exiftenee eft toutà fait différente de celle qu'ils trouvent dans l'imaginationdes hommes. Celui là donc n'eftpoint un impie téméraire qui bannit cette foulede Divinités, à qui le fimple peuple rend des*hommages ; c'eft plutôt cet autre qui veut donnerà ces Etres divins les fentimens ridicules <strong>du</strong>vulgaire.Tout ce que la plupart de ces foibles efpritsavancent, fur la connohTance qu'ils en ont, n'eftpoint par aucune notion intérieure qui puifTe fervirde preuve invincible, c'eft feulement par defimple» préjugés. Quelle apparence que les Dieux,,félon l'opinion commune , s'embaraflent de punirles coupables, & de recompenfer les bons ,qui pratiquant fans cefle toutes les vertus quifont le propre d'un excellent naturel, veulent:que ces Divinités leur reflemblent, & eftimentque tout ce qui n'eft point conforme à leurs habitudesmortelle* j eft fort éloigné de la Naturedivine.Faites-vous une habitude de penfer que la mortn'eft rien à notre égard, puisque la douleur outeftp


4ii E P I C U R Ele plaifir dépend <strong>du</strong> fentiment, & qu'elle n'eftrien que la privation de ce même fentiment.C'eft une belle découverte que celle qui peutconvaincre Pefprit, que la mort ne nous concerneen aucune manière ; c'eft un heureux moyende pafler avec tranquillité cette vie mortelle,fans nous fatiguer de l'incertitude des tems, quila doivent fuivre; & fans nous repaître de l'espérancede l'immortalité*En effet, ce n'eft point un malheur de vivre,à celui qui eft une fois perfuadé que le momentde fa diflblution n'eft accompagné d'aucun mal,& c'eft être ridicule de marquer la crainte quel'on a de la mort,'non pas que fa vue, dansl'inftant qu'elle nous frappe, donne aucune inquiétude; mais parce que dans l'attente de Tescoups l'efprit fe laifle accabler parles trilles vapeurs<strong>du</strong> chagrin ? Eft-il poflîble que la prefenced'une chofe étant incapable d'exciter aucuntrouble en nous , nous puiflions nous affligeravec tant d'excès par la feule penfée de fon approche?La Mort encore un coup, qui paroit le plusredoutable de tou* les maux, n'eft qu'une chimère,parce qu'elle n'eft rien tant que la Viefubfifte & lorsqu'elle arrive, la vie n'eft plus:ainfi elle n'a point d'empire ni fur les vivans nifur les mort? ; les uns ne fentent pas encorefa fureur, & les autres qui n'exiftent pàus,font à l'abri de fes atteintes.Le»


E V I -C TJ R E. v 4:3Les âmes vulgaires évitent quelquefois la mort»parce qu'elles l'envifagent comme le plus grandde tous les maux; elles tremblent auffi-très fouventpar le chagrin qu'elles ont de perdre tousles plaifirs qu'elle leur arrache, & de l'éternelleInaclion où elle les jette ; c'eft fans raifon quela penfée de ne plus vivre leur donne de l'horreur, puiique la perte de la vie ôte le discernementque l'on pourrait avoir que la ceflationd'être, enfermât en foi quelque chofe de mau*vais ; & de même qu'on ne chotfit pas l'alimentpar fa quantité, mais par fa déKcateffe, ainfi lenombre des"années ne fait pas la félicité de ne*tre vie; c'eft la manière dont' on la•'pafle quicontribue k' fon agrément..Qu'il eft ridicule"d'exhorter un Jeune hommeà bien vivre, & de faire comprendre à celui quela vieillefle approche <strong>du</strong> tombeau;qu'il doit mou.rir avec fermeté ; ce n'eft pas que ces deux cho-,.fes ne foient infiniment eftimables d'elles-mêmes;mais c'eft que les fpéculations qui nousfont trouver des charmes daus une vie réglée,nous mènent avec intrépidité jufqu'à l'heure dela mort,C'eft une folie beaucoup plus grande d'appel-1er le non-être un bien, ou de dire que dèsl'inftant qu'on a vu la lumière, il faut s'-arracherà la vie. Si celui qui s'exprime de cette forteeft véritablement perfuadé de ce qu'il dit, d'oùvient'


4ï6 t F I C Û ÏL Ë.yient que dans le même moment il ne quittepas la vie ? S'il a réfléchi férieufement fur lesmalheurs dont elle eft remplie, il eft le maîtred'en fortir poui n'être plus expofé à fes disgrâces;& fi c'eft par manière deparler,& comme parraillerie, c'eft faire le perfonnage d'un infenfé..La plaifanterie fur cette matière eft ridicule.Il faut fe remplir l'cfprit de la penfée de l'avenir,avec cette circonftance, qu'il ne nousconcerne point tout à fait, & qu'il n'eft pas entièrementhors d'état de nous concerner, afiirque nous ne foyons point inquiétés de la certitudeou de l'incertitude de fon arrivée.Confiderez auffi que des chofes différente*Ibnt l'objet de nos fouhaits & de nos defirs; les•unes font naturelles, & les autres font fuperfluës;il y en a de naturelles abfolument néceffaires,& d'autres dont on peut fe pafler, quoiqu'infpiréespar la nature.Les néceuaires font de deux fortes, les unesfont notre bonheur.par l'indolence <strong>du</strong> corps,& quelques autres foûtiennent la vie, comme lebreuvage & l'aliment. Si vous fpéculez ces chofesfans vous éloigner de la vérité, l'efprit & lecorps y trouveront ce qu'il feut chercher, & cequ'il faut éviter ; l'un y aura le calme & la bonace,& l'autre upe fanté parfaite, qui font le«entre d'une vie bienheureufe.JS'efl>il DM vrai que le but de toutes nos actions,


E P I C U R Ë. 427tfons, c'eft de fuir la douleur & l'inquiétude, &•que lorsque nous fournies arrivés à ce terme l'efpriteft tellement délivré de tout ce qui le pouvoittenir dans l'agitation, que l'homme croitÊtre au dernier période de fa félicité, qu'il n'ya plus rien qui puifle fatisfaire fon efprit., & contribuerà fa fanté.La fuite <strong>du</strong> plaiiïr fait naitre la douleur, & ladouleur fait naître le plaiflr ; c'eft pourquoinous appelions ce même plaiflr la fource & la find'une vie bienbeur«ufe , parce qu'il eft le premierbien que là nature nous infpire dès le momentde notre narflànce, que c'eft par lui quenous évitons des chofes, que nous en choiûTfonsd'autres, & qu'enfin tous nos mouvement& terminent en lui; c'eft donc à fon fecouts queBOUS fômmes redevables- de favoir difcernerfoutes fortes de biens.La frugalité eft un bien que l'on ne peut tropeftimer; ce n'eft pas qu'il faille la garder toujoursrégulièrement, mais fon habitude eft excellente, afin que n'ayant plus les chofes dans lamême abondance, nous nous parlions de peu,fans que cette médiocrité nous paroifle étrange ;suffi faut il graver fortement dans fon efprit, quec'eft jouir d'une magnificence pleine d'agrément,que de fe fatisfaire fans aucune profufion.La Nature, pour fa fubfiftance, n'exige quedes chofes très faciles i trouver; celles qui font1»


4rt E P I C U R E.rares & extraordinaires lui font inutiles,' & népeuvent fervir qu'à la vanité , ou à l'excès.Une nouriture commune donne autant de plaillrqu'un feftin fomptueux, & c'eft un ragoût admirableque l'eau & le pain lorsque l'on en trouvedans le tems de fa faim & de fa foif.Il faut donc s'habituer à manger fobrement,à Amplement, fans rechercher toutes ces viandesdélicatement préparées ; la fan té trouve danscette frugalité fa confervation,&l'homme parcemoyen devient plus robufte, & beaucoup pluspropre à toutes les àtfions dé la vie. Celaeft caufe que s'il fe trouve par intervalles iun meilleur repas , il y mange avec plus deplaifir: mait le principal, c'eft que par ce fecoursnous ne craignons point les viciffitudes dela fortune, parce qu'étant accoutumés à nouspaffer de peu, quelque abondance qu'elle nousôte, elle ne fait que nous remettre dans un étatqu'elle ne nous peut ravir, par la louable habitudeque nous avons prife.Ainfi "lorfque nous aflurons que la volupté,eft la fin d'une vie bienheureufe , il ne fautpas s'imaginer que nous entendions parler de cesfortes de plaifirs qui fe trouvent dans la jouifian-«e de l'amour, ou dans le luxe & l'excès desbonnes tables, comme quelques Ignoràns l'ontvoulu infinuer, auffi bien que les ennemis de no-«** fe&e,qui nous en ont impofé fur cette matière,


•E P I C U R E. 449p»r l'interprétation maligne qu'ils ont donné inotre opinion.Cette volupté qui eft le centre de notre bonheur,n'eft autre chofe que d'avoir l'efprit fansaucune agitation, & que Je corps foit exempt dedouleur; l'Ivrognerie, l'excès des viandes, lecommerce criminel des femmes, la déliçatefledes boiûbns & tout ce qui alTaifonne les bonnesfables, n'ont rien qui con<strong>du</strong>ife à une agréablevie, il n'^ a yuc la frugalité & la tranquillité dpl'efprit qui puifle faire cet effet heureux; c'eft cecalme qui nous facilite l'éclairciflement des chqfesqui doivent fixer notre choix, ou decelles que nous devons fuir;& c'eft par lui qu'onfe défait des opinions qui troublent la difpofitionde ce mobile de notre vie.Le principe de toutes ces chofes ne fe trouveque dans la prudence qui par conféquent eft unbien très excellent; auffi mérite t'elle fur la Phi-Jôfophie l'honneur de la préférence, parce qu'elleeft fa règle dans la con<strong>du</strong>ite de fes recherches;qu'elle fait voir l'utilité qu'il y ra de fortir de cetteignorance, qui fait toutes nos allarmes; ,&que d'ailleurs elle eft la fource de toutes les vertus,qui nous enfeignent que la vie eft fans agré'jnens, fi la prudence, l'honêteté & la juftice nedirige tous fes mouvemens, & que fuivant toujoursla route que ces chofes nous tracent, nosjours s'écoulent avec cette fatisfatfion, dont lebon-


430 E P I C U K. E,bonheur eft inféparable; car fes vertus font lepropre d'une vie pleine de félicité & d'agrément,qui ne peut jamais être fans leur excellente prttique.Cela fuppofé, quel eft l'homme -que vous pouxiezpréférer à celui qui penfe des Dieux tout cequi eft conforme à la grandeur de leur être, quivoit infenfiblement' avec intrépidité l'approche dela mort, qui raifonne avec tant de jufteflê fur lafin où nous devons tendre naturellemfct, & furl'exiftence <strong>du</strong> Souverain bien, dont il croit ItpofTeffion facile, & capable de nous remplir entièrement; qui s'eft imprimé dans l'efprit, quetout ce qu'on trouve dans les maux doit finirbientôt û la douleur eft violente ; ou que fi ellelanguit par le tems, on s'en fait une habitudequi là rend fupportable; & qui enfin fe peutconvaincre lui-même, que la néceffité <strong>du</strong> deftinainfi que l'ont cru quelques Philofophes, n'apoint un empire abfolu fur nous, ou que toutau moins elle n'eft point tout â fait la mattreflêdes chofes qui relèvent en partie <strong>du</strong> capricede la Fortune, & qui en partie font dépendante!de notre volonté, parce que cette même néceffitéeft cruelle, & fans remède, & que l'inconftancede la fortune peut nous laiffer toujoursquelque rayons d'efperance. •D'ailleurs, la liberté que nous avons d'agircomme il nous plalt n'admet aucune tyranniequi


E P I C U R E.4 3rqui la violente, auffi fommes-nous coupablesdes chofes criminelles ; de même que ce n'eflqu'à nous qu'appartiennent les louanges que méritela prudence de notre con<strong>du</strong>ite.H eft donc beaucoup plus avantageux ' de férendre à l'opinion fabuleufe que le peuple a desDieux, que d'agir félon quelques Phyficiens, parla niceffité <strong>du</strong> Deftin ; cette penCée ne laiffépas d'imprimer <strong>du</strong> refpeét & l'on efpere toujours<strong>du</strong> fuccès à fes prières; mais lorfque l'on s'imagineune certaine néceflîté dans l'action , c'cftvouloir fe jetter dans le defefpoir.Gardez-vous donc bien d'imiter le vulgaire,qui met la Fortune au nombre des Dieux ; la bifareriede fa con<strong>du</strong>ite l'éloigné entièrement <strong>du</strong>caractère de la divinité, qui ne peut rien fairequ'avec ordre & jufteffe. Ne croyez pas nonplus que cette' volage contribue en aucune manièreaux évenemens ; le fimple peuple s'eftbien laiffé fé<strong>du</strong>ire en faveur de fa puiflance; ilne croit pas néanmoins qu'elle donne directementaux hommes ni les biens, ni les maux, qui fontle malheur, ou la félicité de leur vie; .maisqu'ellefait naître feulement les occafions de tout cequi peut pro<strong>du</strong>ire les effets.Arrachez donc autant qu'il vous fera pofliblecette penfée de votre efprit, & foïez perfuadéqu'il vaut mieux être malheureux fans avoir manquéde prudence, que d'être au comble de fesfou-


^1 Î P I C UR Lfouhaits par une con<strong>du</strong>ite déréglée, à qui néanmoinsla fortune a donné <strong>du</strong> fuccè|; il eft beaucoupplus glorieux d'être redevable à cette mêmeprudence de la grandeur & <strong>du</strong> bonheur de fesactions puifquc c'eft une marque qu'elles fontl'effet de fes reflexions & de fes confeils.Ne ceflez donc jamais de méditer fur ces chofes,foyez jour & nuit dans la fpéculation detout ce qui les regarde, foit que vous foyez feul,DU avec quelqu'un qui ait <strong>du</strong> rappuri avec votis,c'eft le moyen d'avoir un fommeil tranquille,d'exercer dans le calme toutes vos facultés & devivre comme uû Dteu parmi les mortels. Celuilà eft plus qu'un homme, qui jouit pendant livie des mêmes biens qui font le bonheur de ladivinité.Je ne dis point ici qu'Epicure àans beaucoupde lieux de fes écrits & particulièrement dansfon grand Epitôme , rejette entièrement l'artde deviner, il affure que c'eft une pure chimère,6; que fi cet art étoit véritable, l'hommen'auroit point la faculté d'agir librement. VoilàCe qu'il avance , quoiqu'il y ait encore dans lecorps de Tes ouvrages beaucoup d'autres chofesoù il parle de la con<strong>du</strong>ite qu'il faut tenir pour 1»règle & le bonheur de la vie.Il eft fort différent des Cyrenaïqties fur la naturede la volupté, parce que ces Philofopheîne veulent pas qu'elle conflue dans cette indolen-


E fr ï C Û R. É. 4jjIence tranquille, mais qu'elles prennent fa naisfancefélon que les fens font affeétét. .Epicurc au contraire, veut que l'efprit & lecorps participent au plaifîr qu'elle infpire. Il *explique fon opinion dans le livre <strong>du</strong> Cboix, oude la Fuite des cbofei ; dans celui de la Fie, "des Mœurs; dans YEpHre qu'il écrit aux Philofophesde Mitrlene. Diogenes dans fes Opinionscboijies, & Metrodore dans fon Timocrate, s'ac-'cordent fur ce fentiment.La volupté , difentils, que nous recevons'eft de deux manières, il y en a une dans le repos, & l'autre eft dans le mouvement : & même -Epicure dans ce qu'il a écrit des chofes qu'il fautchoifir, marque précifement que les plaifirs qui -fe trouvent dans le premier état, font le calme& l'indolence de l'efprit, & que la joïe & I»gaieté font <strong>du</strong> cara&ere de ceux qui fe trouventdans l'action.Il ne s'accorde pas non plus avec les Cyrenaîques,qui foutiennent que les douleurs <strong>du</strong> corpsfont beaucoup plus fenfibles que celles de Pe- :Qwrit; la raifon qu'ils en donnent, eft qu'on punitles criminels par les tourmens <strong>du</strong> corps, par-*ce qu'il n'y a rien de plus rigoureux; mais Epi*cure, au contraire , prouve que les maux del'efprit font plus cruels ; le corps ne fouffre quedans le tems qu'il eft affligé, mais l'efprit n'en<strong>du</strong>repas feulement dans le moment de l'atteinte^


'434 E P I C U R E.il eft encore per fécule" par le fou venir <strong>du</strong> paflS,& par la crainte de l'avenir; auflî ce Philofophepréfère les plaifîrs de la partie intelligente à toutesles voluptés <strong>du</strong> corps.Il prouve que la volupté eft la fin /de tout,parée que les bêtes ne voyent pas plutôt lalumière, que fans aucun raifonnement , &par le fcul initiai de la nature , elles cherchentle plaifir & fuyent la douleur ; c'eftune chofe tellement propre aux hommes dès lemoment de leur naiflance, d'éviter le mal,qu'Hercules même fentant les ardeurs de lachemife qui le brûloit, ne put refufer des larmesà (à douleur,- & fit retentir de fes plaintesles cimes élevées des <strong>mont</strong>agnes d'Eubée.U croit que- les- vertus n'ont rien qui les faûcfouhaiter , par raport à elles-mêmes , & quec-'eft par le plaifir qui. revient de leur acquifition;ainfi la médecine n'eft utile que par lafaute quelle procure : c'eft ce que dit Diogenesdans fon fécond livre des Epi&etes. Epicureajoute auffi qu'il n'y a que la vertu qui foit inféparable<strong>du</strong>,plaifir, que toutes le»autres chosesqui y font attachées,, ne font que des accidentqui s'évanouiûent.Mettons la dernière main, à cet ouvrage T, &à la vie de ce Philofophe, jpignons y les opinionsqu'il tenait certaines, & que la fin de notrettavaU. bit le commencement de la béatitude.MÀXI-


E P I C U R E.jftM A X I M E SD'EPICURfcCE qui eft bienheureux & immortel nes'ea*-- barafle de rien , il ne fatigue point le»autres, la colère eft indigne de & grandeur, &les bienfaits ne font point <strong>du</strong> caraétere de fa aajefté,parce que toutes ces chofes ne font que lepropre de la foiblefle,II.La Mort n'eft rien i notre eg»d ; ce qui eftune fois diûolu n'a ppint de featiment, & cetteprivation de fentiment fait que nous ne femmesprussien.IILTout ce %ae le plaifir a de plus ch»ma« ,tfjeft autre chofe que 1» privatk» de la douleur,pat tout ou il ie trouve U n'y a jaunis de mal nide triftefle.• • jySi le corps eft attaqué d'une douleur violente,le mal ceffé bientôt; fi au contraire elle devientlanguifTante par le tems de fa <strong>du</strong>rée, il en reçoitfans doute quelque plaifir ; auffi la plupart des"-• • T s ma-


416 E P I C U R Eimaladiesqui font longues, ont des intervallesqui nous flattent plus que les maux que nous en<strong>du</strong>rons,ne nous inquiètent.V.H eft impoffible de vivre agréablement fans laprudence, fans l'honêteté & fans la juftice. Lavie de celui qui pratique l'excellence de ces vertusfe paûe toujours dans le plaifir , de forteque l'homme , qui eft allez malheureux pour,n'être ni prudent, ni honnête, ni jufte, eft privéde tout ce qui pou voit faire la félicité de fesjours.VI.Entant que le Commandement & la Royauté,mettent à l'abri des mauvais deûeins des hommes, c'eft un bien félon la Nature, de que/quemanière qu'on y parvienne.•-•-. VII.Plufieurs fe font imaginés que la Royauté &.le Commandement pouvoient leur affurer de*amis 5 s'ils ont trouvé par cette route le calme& la fureté de leur vie, ils font fans doute parvenusA ce véritable, bien, que la nature nousen feigne, mais fi au contraire ils ont toujoursété dans l'agitation & dans la peine, ils ont étédéchus de ce même bien, qui lui eft G conforme,& qu'ils s'imaginoient trouver dan» la fitprême autorité.• : * '•> yiu


É~ F I C U R E. fcjr• ' " • VIII.Toute forte de volupté n'eft point un mal enfoi, celle-là feulement eft un mal qui eft fuiviéde douleurs beaucoup plus violentes que fes plai»firs n'ont d'agrément.•IX.Si elle pouvoit fe raffembler toute en elle, &qu'elle renfermât dans fa <strong>du</strong>rée la perfection desdélices, elle feroit toujours fans inquiétude , &il n'y auroit pour lors point de différence entreles voluptés.X.Si tout ce qui flatte les hommes dans la lasciretéde leurs plaifirs, arrachoit en même ternide leur efprit la terreur qu'ils conçoivent deschoies qui font au deflus d'eux, la crainte desDieux, & les allarmes que donne la penfée dela mort, & qu'Us y trouvaflent le fecret de favoirdélirer ce qui leur eft néceflaire pour bienvivre ; j'aurois tort de les reprendre , puifqu'ilsferoient au comble de tous les plaifirs, & que*rien ne troubleroit en aucune manière la tranquillitéde leur fituation.XL> Si tout ce que nous regardons dans les Cieuxcomme des miracles ne nous épouvantoit point,fi nous pouvions afiez réfléchir pour ne pointcraindre la mort, parce qu'elle ne nous concernepoint, fi enfin nos connoiflances alloient jufqu'à-, T 3 fa-


*38 E P I C U R E.favoir quelle eft la véritable fin des maux & desftea», l'étude & la fpécvdatto» de la Pbyfiquenois foraient inutiles.Ceft une chofe impoflîble que ootui qai trembleà la vue des prodiges de la Nature, à qui/aljarme de tous les évenemens de la vie, puisfeêae jamais exempt de peur, il faut qu'il pénètrela vafte éten<strong>du</strong>e des ehofe* & qn'il gvérifiêifto ejprit des tmpreflions ridicules des fables,on ne peut fans les découvertes de la Pbyfique,goûter de véritables plaifirs.XMLQue fert-il de ne point craindre les hommes,ii l'on doute de la manière dont tout fe rsk dansles «ievx, fur la te«s & dans J'iamenfité de etSiand Tout.XJV. •Le» hommes ne pouvant DWB procaret «prinedertainè tranquillité, c'en eft une conSdéraote**p*c celle qui naît de la forée d'efbrit & dn xc*aoneemeni aui foucis.XV.Les biens qui font tels par la nature, font eapetit nombre & atfes^à acquérir, sais 4na vainstlefirs font iofatiables.XVI.Le 8»ge «e peut jamais **oir qu'une fortunetrès méjUgcse ; mais s'il D'eô pas fsnfidérabfepat


E P I C V R S. 439par les biens qui dépendent d'elle , l'élévationde fon elprk, & l'excellence de fes «onfeilsle mettent ao-deflus des autres.; ce font eux quifont les mobiles des plus fameux événementde la vie.XVILLe Jufte eft celui de tons les bonnes qui viefans trouble & (ans defosdre ; l'injufte au contraireeft toujours dans l'agitation.XVIII,La volupté <strong>du</strong> corps , qui n'eft rien aut*eChofeque la fuite de cette douleur, qui «riveparce qu'il manque quelque chofe à la nature,ne peut jamais eue augmentée; «lie eftfeulement diverfiCée félon les circonftances différentes.XIX.Cette volupté que l'efprit fe piopofe pour lafin de fa félicité, dépend entièrement de h manièredont on fe défait de ces fortes d'opinionschimériques, & de tout ce qui peut avoir quelqueaffinité avec elles parce qu'elles font le troublede l'«fprft.XX. *S'il étoit poffible.qùé Pfaomme pût toujoursvivre, le plai& qu'il auroit «e feroit pas plusgrand que celui -qu'il goûte dans l'efpace limitéde fa vie, s'il pouvoit afiez-élever & raifetn pouren bien confidérer les bornes.T 4XXL


,**> 2 F I C U R E.- , XXI,Si le plaifir <strong>du</strong> corps devoit être (ans. borne»,. le teins qu'on en jouit le feroit auffi.XXII.Celui qui confidere la fin <strong>du</strong> corps & les-bornesde & <strong>du</strong>rée & qui fe délivre des craintes del'avenir, rend par ce moyen la vie parfaitementJiéureufe ; de forte que l'homme fatisfait de femanière de vivre, n'a point befoia pour fa félicité,de l'infinité des tems, il n'eft pas même-privé de plaifir, quoiqu'il s'apperçoive que facondition mortelle le con<strong>du</strong>it infenfiblement au-tombeau, puifqu'il y trouve ce qui-termine heureufementfa courfe.XXIII.Celui qui a découvert de quelle manière lanature a tout borné pour vivre, a connu, fansdoute, le moyen de bannir la: douleur qui fefait fentir au corps quand H lui manque quelquechofe, & fait l'heureux fecret.de bien Eegler lecours de fa vie; de forte qu'il n'a que fairede chercher fa félicité dans toutes les chofes dontl'acquifition eft pleine d'incertitudes & de dangers.XXIV.Il faut avoir un principe d'évidence au quelon rapporte fes jugemens, fans quoi il s'y mêlefatoujours de la confufion.XXV.


XXV.Si vous rejetiez tous les fens vous n'aurez au*cun moyen de discerner la vérité d'avec le menfonge..-••XXVI.Si vous en rejettez quelqu'un, & que vous nediftinguiez pas entre ce que vous croyez avec•quelque doute, & ce qui eft effectivement félonles fens, les mouvemens de l'ame, .& les idées,.vous n'aurez aucun ca'raftere de vérité, & nepourez vous fier aux autres fens.,XXVII.: Si vous admettez comme certain ce qui eftdouteux & que vous ne r*ejettiez pas ce qui eft•faux, vous ferez dans une perpétuelle incertitude»XXVIII,Si vous ne rapportez pas tout à la fin de I*Nature vos actions contrediront vos-' raifonnemens.XXIX.Entre toutes les chofes que la fagefle nousdonne pour vivre heureufement, il n'y en a pointde fi confidérable que celle d'un véritable ami,C'eft un des biens qui nous procure le plus detranquillité dans la médiocrité.XXX.Celui qui eft fortement perfuadé qu'il n'y ,ttien dans la vie de plus folide que l'amitié, *


444 I P 1 Î U R 1fçu l'art d'affermir fon efprit contre la crainteque donne la <strong>du</strong>rée, ou l'éternité de la douleur.XXXI.]! 7 a deux fortes de voluptés, celles qae hNature infpire, & celles qui font fuperfluës; ily en a d'autres qui pour èttenaturelles, ne fontnéanmoins d'aucune utilité; & il y en a qui nefont point conformes «u penehant naturel quenous avons, A quête nature n'exige en aucunemanière; elles fetfefont feulement k» chimèresque l'opinion fe forme.xxxn.Lorsque nous n'obtenons point les voluptésnaturelles qui n'ôtent pas la douleur on doit peu.fer -qu'elles ne fe-nt pas nécetëiires * carrigerl'envie qu'on en peut avoir en confidérant 1* pef ;ne qu'elles coûtent à acquérir.XXXI ILSi H-deffus on le livre à des defirs viotens,'cela ne vient pas de la nature de ces plaifirs,mais de la vaine opinion qu'on s'en, fait.XXXIV.Le droit n'eft -autre chofe que cette «tinté 1qu'on a reconnue d'un ' contentement tmîverfel,pour la -caufe de la Juftice que les hommes ontgardée entre eux ; «'eft par elle que -fer» «ffenfer,& fans être oflfenfés, ils ont vécu à l'abride riufalte.XXXV.


E I I C U 1 E , 441XXXV.On n'eft ni jufte envers les hommes, ni in*jufte envers les animaux, qui par leur férocitén'ont pu vivre avec l'homme fana l'attaquer, &fans en être attaqués à leur tour. Il en eft demême de ces Nations avec qui on n'a pu contxaéherd'alliance pour empêcher les offenfesréciproques.XXXVI-La juftice n'cft rien en foi,la focleté des nommesen a Eut naitre l'utilité dans les pays oùtes peuples font convenus •ie -certaines conditions,pour vivre fans ofFenfer, & fans être offeniës.XXXVII.L'injuftice n'eft point un mal en foi, elle eftfeulement un mal en cela, qu'elle nous tientdans une crainte continuelle, par le remordsdont la confidence eft inquiétée, & qu'elle nousfait aprehender que nos aimes ne viennent à lacotmorflance de cent qui ont droit de lespunir.XXXVIII.31 eft hnpafflbk que ceki qui a violé, â finfçudes hommes, les conventions qui ont été faites,pour empêcher qu'on ne Me <strong>du</strong> mal, ouqu'on n'en reçoive, puiffe s'affiner que fon crimefera toujoiws «acné ; car quoi qu'il n'ait pointété découvert «n mille occafions, il peut toujoursdouter que cela puifle <strong>du</strong>rer jufqu'à la mort.. ". . XXXIX:


*44 E P I C U R E.XXXIX..- Tous les hommes ont le même droit général-parce que par tout il eft fondé fur l'utilité, maiil y a des pays où la même cbofe particulière ne-paûe pas pour jufte.XL., Tout ce que l'expérience <strong>mont</strong>re d'utile ait' République pour l'ufage réciproque des chofes dela vie, doit être cenfé jufté pourvu que chacun.y trouve fon avantage; de forte que fi quelqu'unfait une loi, qui par la fuite n'apporteaucune utilité, elle n'eft point jufte de fa n»cure,XLI.Si la loi qui a été établie eft quelque fois fan*utilité, pourvu que dans d'autres occafîons ellefoit avantageufe à la République, elle ne laiffer*pas d'être eftimée jufte, & particulièrement parceux qui conflderent les chofes en général, &qui ne fe pldifent point à ne rien confondre parun vain difcours.XLir.. Lorsque les circonftances demeurant les mêmes, une chofe qu'on a crue jufte ne répondpoint à l'idée qu'on s'en étoit faite, elle n'étoitpoint jufte; mais fi par quelque changement deçirconftance elle ceffe d'être utile il faut direqu'elle n'eft plus jufte quoiqu'elle l'ait été tantquleUe fut utile,i—...^ * XLIIL


I P I C D R E. 44;XLIILCelui qui par le confeil de la prudence a entreprisde chercher de l'apui dans les chofes quinous font étrangères, s'eft borné à celles quifont poJEbles, mais il ne s'eft point arrêté à larecherche des impoffibles, il a même négligébeaucoup de celles qu'on peut avoir, & a rejetaté toutes les autres dont'la jouiflàncen'étoit pointnéceflaire.iXL1V.Ceux qui ont été aflez heureux pour vivre aveedes honrmes de même tempérament, & de mêmeopinion, ont trouvé de la fureté dans leur fecieté;cette difpofîtion réciproque d'humeurs,& des efprits a été le gage folide de leur union,elle a fait la félicité de leur vie, ils ont eu lecuns pour les autres une étroite amitié, & n'ontpoint regardé leur réparation comme un fort déplorable.tOr'


«tf P O S I D 0 N I U S.P O S I D O N I U S.Pofidonius étoit né à Apamée en Syrie, il dotteuroicà Rhode, où il fit commerce & enseignala Phllofophie , il avoit eu pour maître Pa-*• netius, homme fort verfif dans les Lettres, commele rapporte Strabon livre XIV.Pofidonius fit une voyage a Rome, ce fut U©u Ciceron prit fes Leçons» Cétoit va hommeuniverfel , il profeffoit la Philofophie, il favokles Mathématiques, la Mufique, la Géographie,la Rhétorique, & poûedoic l'Hiftoire.Ciceron avoit beaucoup d'eftime & d'amitiépour Ton maître, entre autre» rapports qu'il aitde lui, il nous a confervé un trak, qui prouvequ'il étoit Stoïcien , & dontll dit dans fitPenfées que Pompée le lui avoit fouvent raconté;qu'à fon retour de Syrie paflant par Rhode, oùétoit Pofidonius, il eut le deffein d'aller entendreun Philofophe de.cette réputation, étantvenu à la porte de la maifon on lui défendit,contre la coutume ordinaire, de frapper, le portierjeune homme lui apprit, que Pofidoniusétoit incommodé de la Goutte ; mais cela neput empêcher Pompée de rendre vifite au Philofophe.Après avoir été intro<strong>du</strong>it, il lui fittout«s fortes de civilités & lui témoigna quellepei :


P 0 S I D 0 N I U S. 447peine il reflentoit de ne pouvoir l'entendre.Vous le pouvez, reprit Pofidonius : êf »' ne ferapas dit qu'une douleur corporelle foit taufe qu'unoujji grand bomme ait inutilement pris la peine deJe rendre chez moi.Enfuite ce Philofophe dans fon-lk r commençaà difcourir avec gravité*& éloquence,;fwf,fce*principe, Qu'il n'y aJ&t$ftm que ce qui ejl Limnef \te: & qu'à diverfes *prîfes/^Banale motiient o^, ï'la douleur s'élançoitvr^oplus de force: JQli^fleur, s'ecrioit-il; tu àfb«4fcfairtïq*élqà\r)vtpirtuneque tu fois , je n'avoueraijtimteiî que tu foisun mal.Ciceron nous apprend encore dansfes EntretiensJur la nature des Dieux livre IL, que Pofidoniusétoit l'inventeur d'une Sphère artificielle , qui<strong>mont</strong>rait tous les mouvemens nocturnes & diurnesque le Soleil, la Lune & les cinq autres Planètesfont au Ciel.Il nous inftruit auflî de ce que fon maître«voitécrit, favoir, cinq livres Des Prédirions.cinq livres De la nature des Dieu.FIN DU TOME SECOND.

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