13.07.2015 Views

N° 23 - 1999 - aspruj

N° 23 - 1999 - aspruj

N° 23 - 1999 - aspruj

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

SOMMAIRE• Soucis du président:Le crépissage et le traitement des façadespar Pierre Froidevaux ........................................ 5• Delémont, ville paysannepar Jean-Louis Rais.......................................... 9• Pleigne : Histoire d'une école de villagepar Hubert Ackermann .................................... 19• Le développement du patrimoine rural durant le XIX e siècleet l'influence possible de l'immigration dans la régionde Tavannes et de Tramelan (1818-1881)par Christine Schaeren....................................... 31• Le patrimoine rural de Fahypar Marcel Berthold ........................................ 49• Emigrés, quel avenir?Le cas de Pierre Barthe, de Bressaucourtpar Marie-Angèle Lovis......................................... 57• Saint-Germain, Moutier-Grandval et ses possessionspar Gabriel Gigon, Anne Montavon et Philippe Simon.......... 67• Etude généalogique : Au moulin de Courfaivrepar Jean Christe .............................................. 77• Un monument en renouveau:La chapelle de Develier-Dessuspar Michel Hauser .......................................... 83Couverture: Arbre généalogique de la famille von Flachslanden (1732), possessionnée à Courfaivre. Voir l'article de Jean Christe, p. 77.Photo Bernard Migy, Delémontl. Archives de l'ancien évêché de Bâle. Porrentruy. B <strong>23</strong>7/38 von Flachslanden 1.L'Hôtâ est publié par l'Association pour la sauvegarde du patrimoine rural jurassien (ASPRUJ). La revue est remise sans supplément àchaque membre qui s'acquitte de la cotisation.Comité de réductionRédacteur en chef: Yves Gigon, Beaupré, 2900 Porrentruy.Membres: Marie-Angèle Lovis, licenciée en histoire, 2900 Porrentruy.Maurice Gigon, typographe, 2902 Fontenais.Philippe Simon, licencié en histoire, 2802 Develier et 1004 Lausanne.Romain Meyer, licencié es lettres, 2915 Bure.La responsabilité des articles incombe aux auteurs. Prix du numéro: Fr. 25.-.


Message du présidentLE CRÉPISSAGE ET LE TRAITEMENT DES FAÇADES...Parce qu'elles sont exposées auregard de chacun, les maisons constituentle décor principal de la scènepublique où évoluent librement les personnesqui les habitent. Tout commel'environnement naturel, l'espace aménagépar homme influence l'aptitude àformer le goût; la volume trie desconstructions, et plus particulièrementl'aspect des façades, y prennent une partimportante. Pour ces raisons, il convientd'entretenir le patrimoine construit etd'utiliser chaque occasion pour corrigerles défauts reconnus.Dans cette logique, l'ASPRUJ, enaccord avec l'Office du patrimoine historique,a organise le 3 octobre 1998 uncolloque qui a réuni à Lajoux une cinquantainede techniciens et d'entrepreneurs;ils ont entendu des conférenciersparler de l'aptitude des matériaux à utiliserdans la construction des façades etdes mécanismes physiques que conditionnentles échanges thermiques entrel'intérieur et l'extérieur de ces murs.Les murs des façades, qui ont pourprincipale fonction de mettre l'intérieurde la maison à l'abri des intempéries, nejouent par leur rôle sans subir l'assaut deforces considérables, dont le vent et lapluie ne sont pas les plus destructeurs.Lorsqu'aux variations journalières del'humidité de l'air qui circule entre lesfaces intérieure et extérieure du murs'ajoutent des différences de température,il se forme quelque part dans le mur lepoint de rosée. Le point de rosée estl'endroit où l'air dépose son excédentd'humidité ; il peut être derrière la tapisserie,au milieu du mur ou derrière lecrépissage; la quantité d'eau de roséepeut être réduite ou abondante, stagnerou s'écouler dans la maçonnerie du mur.Ce n'est pas le lieu de prolonger cetteréflexion; les mécanismes d'échanged'eau et de diffusion de vapeurs à traversles murs sont bien connus des physiciens.Les propriétaires en connaissentles effets: ils ne sont pas toujours bienconseillés pour les éviter ou remédier audéfaut lorsqu'il existe.La principale qualité d'une façade estd'être construite avec des matériauxperméables qui assurent une aérationpermanente et naturelle du mur, unséchage rapide et une humidité montanterestreinte. Il faut veiller lors d'un crépissageà ne pas amoindrir ou supprimerce bénéfice. Pour se mettre à l'abri detout échec, il faut exclure l'emploi duciment pour les crépissages intérieurs etextérieurs. Il sera toujours préférabled'appliquer des crépis à la chaux grassequi sont en parfait accord avec la structuredes murs en pierre.Pour la composition du mortier decrépissage, on peut s'en tenir de deux etdemi à trois parties (en volume) de sablepour une partie de chaux grasse ; pourles rempochages. la proportion peutpasser à trois et demi volumes de sablepour un volume de chaux. Le mortierdoit être gâché avec très peu d'eau etlongtemps; il doit avoir une consistancecrémeuse et rester parfaitement enforme sur la taloche ; la seule façon del'appliquer au mur consiste à l'étaler parcompression avec la truelle. On crépitde la Saint-Jean à la foire de Chaindonet toujours après avoir mouillé abondammentle support maçonné ; à répéterplusieurs jours à l'avance.Le crépissage au mortier de chauxgrasse doit être mince ; son épaisseurdoit être limitée aux dernières aspéritésde la pierre ; croyant bien faire, le maçonmoderne met souvent une couche oudeux de trop. Il est courant de croire quec'est embellir sa maison et lui restituerun état ancien que de dégager leschaînes d'angles; c'est un non-sens deles mettre à nu ! I1 en va de même pourcelui qui croit devoir dégarnir les talonsdes pierres d'encadrement des portes etfenêtres pour exhiber une plus grandesurface de pierre. On aperçoit toujoursune différence de niveau entre la partietraitée à la boucharde de la pierre quidoit rester visible et la partie brochéeque le crépissage doit recouvrir.Après avoir terminé le crépissage onpeut, pour en égaliser la surface et pourboucher les pores qui seraient restésouverts, badigeonner au lait de chauxtoute la façade; ce traitement peut êtrerenouvelé l'année suivante.L'isolation thermique des façades estdevenue une toquade que les marchandsde matériaux exploitent sans discernement.En isolant un mur ancien surune face, parfois même sur deux, pour seprotéger du froid, on empêche, à contrario,le soleil de le chauffer. Les murs de60 à 70 cm d'épaisseur construits (…)5


DELÉMONT, VILLE PAYSANNEII y a bien de la différenceentre Delémont et PorrentruyEn séance tenue le 15 septembre1695, le châtelain de Delémont communiquaitau Conseil l'ordre qu'il avaitreçu du prince-évêque de Porrentruy:toutes les rues et tous les coins de la villede Delémont doivent être débarrassésdes bouements qui s'y trouvent; lesbouements, on dirait aujourd'hui lesfumiers, doivent être conduits hors lesmurs 1 .Les autorités delémontaines reçurentmal l'ordre de Son Altesse de Porrentruy.Elles lui adressèrent sans tarder unelettre particulièrement bien tournée pourlui faire comprendre que son initiativeétait peu raisonnable. Ne résistons pasau plaisir de copier quelques passages decette missive, en modernisant un peu sonorthographe et son style, et en yadjoignant quelques commentaires.«Il y a bien de la différence entre laville d'ici et celle de Porrentruy. »— Porrentruy était une capitale,dominée par la résidence princière etépiscopale. Et Delémont...«Ici, à la réserve des ecclésiastiques,chacun mène le labourage. Et pourdécemment cultiver les champs quisont en grand nombre au finage deDelémont, chacun tâche d'entretenir unbon nombre de bétail. Le nombredes courtils et des oeuches d'ici surpasseaussi de beaucoup celui dePorrentruy, lesquels, bien boués,contribuent beaucoup à l'entretiende la pauvre bourgeoisie. Et sansbouement ils ne rapporteraient guère.Les personnes de métier ici, sans lelabourage, ne pourraient non plussubsister et entretenir leurs familles,vu qu'ici n'est pas un lieu de pratique,ni de passage, ni d'aucunecommodité pour gagner quelquesdeniers, comme à Porrentruy, poursa sustentation. »— Que ce soit dans les espaceslabourés, appelés finages, que cesoit dans les prés, qué ce soitdans les jardins clôturés, appeléscourtils ou œuches, sans fumier,point de récoltes. Sans récoltesde fourrage pour survivre enhiver, point de pâturages en été.Sans pâturages, point de bœufsni de chevaux pour les labours.Sans pâturages, point de bétail.Sans bétail, point de fumier. Lefumier avait une réelle valeurdans le cycle agricole, le fumierétait une richesse. Les Delémontainsde toutes conditions, paraîtil,avaient des prés, des bêtes etdu fumier, et même les ecclésiastiques,contrairement à ce quedisait la lettre. Les Delémontainsavaient besoin, pour vivre,décemment, de pratiquer la cultureet l'élevage.«A Porrentruy il y a fort peu degranges, alors qu'à Delémont il y apassé 75 granges et étables qui ontdes estuaux.»— Imaginons, dans la vieille ville, àl'intérieur des remparts, 75 grangeset étables, et devant toutes cesgranges et étables, des estuaux,autrement, dit des places àfumier.«Les granges et étables qui ont desestuaux ont droit égal, l'un n'a pasplus de droit que l'autre, et l'un estaussi bien bourgeois et sujet deVotre Altesse que l'autre, combienpeut-être de différente qualité.»— Les Delémontains n'auraient-ilspas ici inventé l'égalité, un siècle,avant les Révolutionnaires deParis ?«Cela est notoire que dehors et àl'entour de la ville ce qu'est commainene suffirait pas pour fournir 75estuaux, sans intéresser les cheminset courtils des particuliers. ADelémont les fins sont situées devantdiverses portes et bien éloignéesl'une de l'autre. Un bourgeois à quion aurait déterminé son estuauxdevant la Porte des Moulins, près dela chapelle Sainte-Croix, comment et àquels frais conduirait-il son bouementau pied de notre Montagne etdu côté de Courtételle ? Le nombredes charretiers de la ville est fortpetit. En faire venir des villages ? Onne trouverait point de paysan quivoulût prendre la peine de (…)


PleigneHISTOIRE D'UNE ÉCOLE DE VILLAGEL'école autrefoisJusqu'au début du XVII e siècle, seulsles villes et l’un ou l'autre lieu importantavaient leur école. Il faut attendre leConcile de Trente (1545-1563) pourremédier aux maux dont l'église souffraitvers la fin du Moyen Age et donner unenouvelle impulsion à la cause del'instruction populaire. Le synode diocésainréuni à Delémont en 1581, parl'ordre et sous la présidence du princeévêqueChristophe Blarer de Wartensee,eut pour mission de promulguer lesdécrets du Concile et de les faire passerdans la vie et les mœurs du clergé et desfidèles. La fondation d'un Collège desJésuites à Porrenlruy, en 1591, joua lerôle de stimulant pour la créationd'écoles paroissiales dans nos régions.Sans en faire une obligation, le prince -évêque recommanda aux communautésde villages de mettre sur pied une école.L'institution n'étant pas, et pour longtempsencore, une affaire de l'Etat, lagrosse difficulté pour fonder unemodeste école était le manque demoyens pour rétribuer le maître. Dureste, les premières écoles furent régionales,c'est-à-dire qu'un maître s'occupaitdes enfants de plusieurs villages. Onimagine aisément l’état rudimentaircdes premières écoles de ce genre, à uneépoque où l'on comprenait mal l'importancede la chose et où la fréquentationétait facultative.Les difficultésde l'école régionale...La première mention d'un maîtred'école concernant Pleigne remonte àl’année 1658. Si jamais, auparavant, uneombre d'école exista, la terrible guerrede Trente Ans, qui désorganisa complètementla vie publique dans nos régions,ne laissa rien subsister de l’institution.Deux lettres du curé de Roggenbourg,dom Gérard Warno, cisterciend'Hauterive, la première du 22 mai 1656et la seconde du 31 juillet 1658 nousapportent les plaintes du maître d'écolede Movelier, sur la mauvaise fréquentationdes enfants de Bourrignon et autresvillages. Faute d'un nombre suffisantd'élèves, ce maître, «diligent en tout»,ne peut subvenir à son entretien. Il fautdonc que le châtelain (de Delémont) usede son autorité pour commander auxpères d'envoyer leurs enfants ou queceux qui ne veulent pas les envoyeraident à l'entretien «du maître». Car, àce moment, le salaire d'un maître consistaitpeut-être en une petite contributiondes paroisses, mais surtout en une aidedes parents.«... Ayant souventes fois visité l'école,j'ai remarqué qu'il (le maître) a fait sonpossible... pour leur apprendre à prier, lecatéchisme, et lire et écrire. Mais, à monavis, il a trop voulu embrasser pour êtrele maître d'école de quatre villages, assezéloignés l'un de l'autre; c'est fâcheux etles (enfants) envoyer si loin, surtout enhiver, outre qu 'ils sont mal habillés (...),ne devrait instruire les garçons que d'unou deux villages, plutôt que tantôt deuxjours ça et tantôt deux jours là ».Mise sur pieddes écoles localeset premiers « régents »En fait, par la suite, chaque villageessaie de mettre sur pied une «école degarçons ». Les filles, en général, n'iront àl'école que plus tard.Le premier maître signalé à Pleigneest Jeantat Jean, de Bassecourt. Arrivévers 1695, il se marie à Pleigne en 1697 ;il y aura famille et mourra en 1735.Vers 1740, le «régent» est CharlesBaume de Saignelégier, qui épouse icien 1742, Jeanne Montavon; mais cemaître meurt en 1745 déjà.En 1765, nous trouvons en fonctionJean-Baptiste Jolidon, des Enfers, quiépouse, cette même année, Anne Bouletde Pleigne. Les détails manquent sur cesmaîtres et leur école, mais en 1776,Jolidon est encore en charge.De 1785 à 1832 la classe est confiée àJean-Baptiste Berdat, personnalité marquantede l'époque qui assuma notammentla charge de maire durant denombreuses années.En 1832, «...les préposés (Conseilcommunal) ont convenu avec le SieurConrad Borne, instituteur du lieu, qu 'il lechargerait de tenir l'école tous les jours(…)19


LE DÉVELOPPEMENT DU PATRIMOINE RURALDURANT LE XIX E SIÈCLE ET L'INFLUENCE POSSIBLEDE L'IMMIGRATION DANS LA RÉGION DE TAVANNESET DE TRAMELAN (1818-1881)IntroductionEn se baladant dans la région de Tramelanet Tavannes, nous avons remarquédifférentes expressions dupatrimoine rural bâti. Comment donc sefait-il que l’on trouve dans une région sipeu étendue autant de types de fermesdont certains sont manifestement étrangersà la région ? Telle est une des questionstraitées dans notre travail demémoire de licence en histoire contemporaineeffectué à l'Université de Fribourg.En général, tant pour la région deTramelan que Tavannes, le patrimoinerural a subi de profondes modificationsdurant le XIX e siècle. Si le cadre institutionnelet politique, ainsi que le développementéconomique, ont assurémentjoué pour beaucoup dans ces dernièrestransformations, il est en outre indéniablequ'elles sont en partie tributaires,directement ou indirectement, des mouvementsdémographiques survenus àcette époque.Virgile Rossel, juriste tramelot, historienet homme de lettres réputé, a été unobservateur attentif des transformationsque subissait son Jura natal. I1 nous lesdécrit dans un roman publié en 1925sous le nom de Sorbeval 1 , nom imaginaired'un village du sud du Jura, maisque le lecteur situe très vite dans larégion de Tramelan - Tavannes - Courtelary.Fils de paysan, il rappelle que lemonde moderne du XIX e siècle a transforméla physionomie de son vieux pays.L'essor industriel, en particulier del'horlogerie, est un facteur déterminant.Les jeunes paysans, à la fois attirés par lanouvelle industrie et poussés par lescrises fréquentes, quittent leur terrepour le travail d'usine ou une émigrationdéfinitive. Les places vacantes ontpresque aussitôt été reprises par desnouveaux arrivés, souvent venus desrégions suisses alémaniques du cantonde Berne.Le thème du «développement dupatrimoine construit» paraît difficilementsaisissable. Le sujet a pu être étudiégrâce aux dossiers de l'assuranceimmobilière. Nous nous sommes particulièrementconcentrés sur le fait que lestoitures en bardeaux font peu à peuplace à des toitures en tuiles. Ce genrede données n'a d'ailleurs jamais encoreété exploité pour la région choisie.Les sources statistiques :un décalage frappant entreTavannes et TramelanLes différentes sources, essentiellementauprès des registres fonciers,registres de l'assurance incendie, recen-sements populaires et livres deparoisses, ont fourni les informations debase. Celles-ci ont permis de mettre enévidence un décalage dans le tempsentre Tavannes et Tramelan en ce quiconcerne le développement de la populationet le nombre des bourgeois ainsique des changements intervenus auprèsdes bâtiments.Les périodes où interviennent beaucoupde changements montrent undécalage plus prononcé. Il s'avère que lapériode la plus propice aux transformationset migrations se situe entre 1861-1870 pour Tavannes, mais entre 1871-1880 pour Tramelan. Cet écarts'interprète facilement : la ligne de cheminde fer arrive vers 1874 à Tavannes etseulement vers 1884 à Tramelan. Avecle projet d'ouverture de la ligne de cheminde fer Bâle - Delémont - Moutier -Sonceboz - Bienne, Tavannes devient,jusqu'à l'ouverture du tunnel entreMoutier et Granges, un centre ferroviaired'une certaine importance économiqueet stratégique. Il n'est donc pas étonnantde voir arriver des nouveauxcommerçants et habitants.Régions architecturalesPour la chaîne jurassienne septentrionale,nous distinguons plusieurs régionsarchitecturales : (…)31


LE PATRIMOINE RURAL DE FAHYOn dit volontiers que la Haute-Ajoieest une terre de tradition, en pensant enparticulier aux festivités de la Saint-Martin, dont les origines paysannesparaissent de nos jours quelque peuoubliées. Il est vrai que cette région, loin decentres urbains, à l'écart de grandes voiesde communication, longtemps acculéeà une frontière, présente les conditionsgéographiques propres à former unvéritable conservatoire de la sociétépaysanne aujourd'hui en voie dedisparition. A cet égard, la Haute-Ajoierevêt un intérêt particulier pour l'étude dupatrimoine rural. Cet intérêt se vérifiedans les nombreux domaines que lasociété paysanne traditionnelle a marquéde son empreinte : les paysages et lessites bâtis, les façons de construire et dedécorer les maisons, les manières d'yhabiter, les coutumes et les mentalités. Apropos des sites bâtis, il suffira de rappelerque l'Inventaire des sitesconstruits à protéger en Suisse (connusous le nom d'ISOS) recense en Haute-Ajoie trois sites d'importance nationale(Chevcnez, Fahy et Rocourt). Lesautres villages, à l'exception du cas particulierde Roche d'Or, sont cotés d'importancerégionale. La région présentedonc une belle homogénéité dans cedomaine. En ce qui concerne l'architecturerurale, la Haute-Ajoie se distinguepar ses maisons hautes, bien différentesdes fermes des Franches-Montagnes oudes fermes blocs d'aspect plus commun.Des artisans, notamment des tailleurs depierre, ont également contribué aurenom de la région par leur savoir-faire.Afin de passer en revue quelques-unesdes facettes du patrimoine rural de cetterégion, on s'est intéressé de manière unpeu plus précise au village de Fahy 1 .Le site de FahyLe village de Fahy s'est développéselon un plan en triangle, dont l'anglenord-est est marqué par l'église qui,légèrement en retrait, ferme la perspectivede la rue principale du côté occidental.En se référant aux plans et cartesdu XIX e siècle, on constate que ce noyauancien du village n'a pratiquement passubi de transformation en ce qui concernel'implantation des bâtiments 2 . Lesvergers qui occupent le centre du triangleont été maintenus en bonne partie,préservant ainsi une des spécificitésdu site bâti. Par rapport au plan cadastrallevé en 1850, la seule différenced'importance est l'implantation de bâtimentsle long de la route cantonale quimène à la douane. La plupart de cesconstructions figurent d'ailleurs déjà surle relevé effectué en 1912. Plus récemment,à l'extérieur du noyau ancien duvillage, on note l'apparition de quelquesvillas, hangars agricoles ou entrepôtsindustriels. Si, ainsi que le signale l'ISOS,certaines de ces interventionsconstituent des altérations du site, cedernier reste bien perceptible dans sastructure d'origine, marquée par quelquespoints forts qui peuvent consti-tuer autant de jalons pour une visite guidéedu village.L'approvisionnementen eauPour les générations habituées auconfort du réseau d'eau courante, lesproblèmes lies à l'approvisionnement eneau sont complètement oubliés. Etpourtant ils ont joué un rôle déterminantdans la colonisation du territoire, dans ledéveloppement des sites bâtis et dans laformation des mentalités paysannes. LaHaute-Ajoie est une région pauvre eneau de source et où il n'y a pas de rivière,du moins en surface. Le captage etl'alimentation en eau se présentent doncsous des aspects particuliers 3 . Le plancadastral de Fahy de 1850 est trèsrévélateur à cet égard.A cette époque, la place de l'égliseavait un aspect bien différent de celuique nous lui connaissons aujourd'hui,puisqu'elle était bordée et en partieoccupée par un grand réservoir d'eau àciel ouvert, appelé «Le Buret», mesurantenviron 35 m de long sur 12 m delarge. Quelques cartes postales du débutdu XX e siècle permettent de se faire uneidée de l'aspect de cette réserve d'eau 4 .Un autre réservoir de même type setrouvait au bas du village et s'appelait«Le Creux». I1 était encore plus grandque « Le Buret » et couvrait une surface,vaguement ovale, de plus de 500 m 2 . Cesdeux réservoirs servaient (…)49


ÉMIGRÉS, QUEL AVENIR?LE CAS DE PIERRE BARTHE, DE BRESSAUCOURT1878: c'est le début de la crise économique,la «Grande Dépression», commeon l'appelle, dont les effets se ferontsentir dans toute l'Europe jusque dansles années 1890. Pour l’Ajoie, c'est unepériode difficile 1 . Le correspondant duDémocrate du 22 février 1878 relève que« l'émigration prend depuis quelqueProspectus de l'Agence généraled'émigration, représentée à Belfort par sonagent J.B. Devantoy. (Archives de labourgeoisie de Porrentruy)temps de grandes proportions dans le districtde Porrentruy. On nous signale denombreux départs projetés ou accomplisde Courgenay, de Chevenez, de Fontenais,etc. ». Quelques semaines plus tard,Le Pays du 19 avril 1878 précise que«samedi, nous avons une trentained'émigrants qui partent pour la Plata.Dix-sept de Bressaucourt se joignent àeux. Ils se rendent d'abord à Belfort, et delà l'agence à laquelle ils se sont adressésles expédie pour le grand voyage. Bonnechance à tous ces compatriotes ». Et lecorrespondant d'ajouter: «Qu'ils trouventlà-bas un air plus libre que celuiqu'on respire sous le ciel bernois. »Pierre Barthe, 46 ans, fait partie de ceconvoi. Accompagné de sa femme Justine,40 ans, de ses enfants, Ernestine 15ans, Henri 14 ans, Pierre 12 ans, Louis 11ans, Joseph 8 ans et Clara 6 ans, ilquitte Bressaucourt le 19 avril etdébarque à Buenos-Aires le 21 mai.Dans la lettre qui suit, il relate, dans ledétail, son voyage et ses premièresimpressions sur le sol argentin.Bunos Airs, le 22 juin 1878Chère mère et parrentJe vous écrit ces quelques lignes pourvous donner de nos nouvelles depuisnotres départ de Belfort on ne peut rienvous dire le voyage, s’est fait de nuit.Arrivé à Paris a 10 heurs on nous attandaisa la gar quand nous sommes decendude chemin de fer on a appelé lesdevantois (du nom de Monsieur Devan-toy, agent d'émigration à Belfort, aveclequel ils ont conclu leur contrat de voyage,n.d.l.r.), c'est ainsi qu'on nous appelais. Iln'y avais que les Bressaucourt les autrescétait des Balois. On nous a tous conduità l'autel des voyageurs. On nous a servi unbon dîner. J'ai remarquer quon avaisgrande préférance pour les familles.Apprès l'on nous a dit que nous étionslibre jusquà 6 heurs pour souper et noustenir pret pour partir pour Le Havre.Celui qui na pas vu Paris na jamaisrien vu. J'ai beaucoup voyagé le peut detemps que nous y avons passer. Vousdépeindre ce que j'ai vu m'est impossible.J'ouvrais des yeux comme des point.Nous sommes parti pour Le Havre a9 heurs du soir. Je ne peut rien vous direnous avons voyagé la nuit. Voila déjàdeux nuit de voyage. Le matin nousavons vu des champs de ris (il sont tousdan l'au). Nous sommes passé par unendrois qui était tout inondé. Nouscroiyons que c'était déjà la mer. Ce n'estpas un bau pays de Paris au Havre: c'estpresque tous marais. Nous avons aretté 2heurs à Rouant au point du jours. Ilparais que c'est un belle ville surtout lagar qu'est un chef d’oeuvre.Arrivé au Havre a 8 heurs, mêmeréception qu'a Paris. On nous a conduit al'autel d'Alsace. On nous a fait déposernos bagages dans une chambre. On nousfait mettre a table pour déjeuner du caféavec du pain. Apprès on nous a conduitdans nos chambres. Nous nous sommesarangé le mieux que nous avons pu etnous somme allé par la ville pour faire (…)57


SAINT GERMAIN, MOUTIER-GRANDVAL ETSES POSSESSIONS (640-999)Un survolDepuis la chute de l'Empire romaind'Occident (Odoacre dépose RomulusAugustule en 476) jusqu'à l'an Mil environs'étend une période que les historiensappellent le haut Moyen Âge:période peu connue que la carence dessources a condamné à la pénombre, onse l'imagine volontiers tourmentée, sauvage,peuplée de barbares qui se brûlaientles politesses dynastiques à coupsde haches bien placés. Ottoniens etCapétiens succédant aux Carolingiensqui eux-mêmes reprirent le flambeaudes Mérovingiens, toutes dynasties allègrementtaxées, telle de fainéantise,telle autre de mœurs sanguinaires,images de roitelets oisifs sur lesquellesplane presque par miracle, la figureimpériale d'un Charlcmagne, ou, dansune moindre mesure, d'un Clovis.Voire : s'il est vrai que ladite périodene baigna pas continuellement dans lejasmin et les propos de tables amènes,elle ne peut toutefois pas être reléguéesans espoir de rémission dans les enfersd'un néant de culture. Qu'on en juge:vers 530, saint Benoît de Nursie fonde lemonastère du Mont Cassin, premierfoyer d'expansion du monachismebénédictin; vers 610, Mahomet débutesa prédication à la Mecque ; durant sonrègne (800-814), Charlemagne fait rénoverle système scolaire (grâce notamment àAlcuin), et réorganiser l'Église (avecl'aide de saint Benoît d'Aniane) ; en 842,les serments de Strasbourg (quiscellent le partage de l'empire carolingienentre les fils de Louis le Pieux)voient la première expression écrited'une langue romane, clairement dissociéedu latin, et qui donnera naissance ànotre français; vers 900, le culte deSaint-Jacques-de-Compostelle prend sonessor, etc., etc. Et que d'esprits, tout demême: Boèce, saint Augustin, Grégoirede Tours, Isidore de Séville, Bède leVénérable: si le haut Moyen Age savaitcertainement manier le fer, le calamelui était tout aussi cher...En cette année du millénaire de ladonation de l'Abbaye de Moutier-Grandval à l'évêque de Bâle parRodolphe III de Bourgogne, il nous asemblé judicieux de présenter un petitaperçu de ces quelques siècles d'histoire,tels qu'ils ont pu se dérouler, au vu desquelques textes d'époque qui nousparlent de l'abbaye, ainsi que dequelques fragments archéologiques etpatrimoniaux.Comment ce qui allait devenir le Jurahistorique s'inscrit-il dans cette histoirepluriséculaire ? Les sources, même auniveau de l'Occident pris dans son entier,étant rares et fragmentaires, il est aiséd'imaginer que la reconstruction dudevenir d'un menu bout de pays ne peutque se révéler hasardeuse. D'ailleurs,avouons de suite notre ignorance (quasi)complète : cet article, qui centrera sonpropos sur l'Abbaye de Moutier-Grandval, ne se voudra qu'un rappel,qu'une mise en commun des donnéesactuellement à disposition, récollectionqui ne débouchera sur la mise au jourque de quelques fragments épars depetite et de grande histoire, instantanésqui permettront peut-être de replacer leJura dans l'histoire de l'Europe occidentaleentre le VII e et le X e siècle.SourcesDeux types de sources viennent à larescousse de l'historien dans son travail:les sources écrites (actes officiels,écrits littéraires) et les sources archéologiques(vestiges divers). Pour l'étudedes sources écrites, un détour par lemonumental ouvrage de JosephTrouillat, Monuments de l'histoire del'ancien Évêché de Bâle 1 , s'avère nécessaire;à sa lecture, et pour la périodequi nous concerne, on apprendra qu'unepetite quinzaine de documents traite,de façon plus ou moins étroite, denotre région.Les plus marquants sont :— la Vie de Saint Germain 2 , composéepar le moine Bobolène entre la fin duVII e et la première moitié du VIII esiècle. Il s'agit d'un récit hagiographiquede la vie du premier abbéde Mouticr-Grandval, assassiné,autour des années 670 vers Delémont,à la Communance 3 , avec soncamarade Randoald par les hommesdu duc d'Alsace, alors suzerain duterritoire ;— un acte de 769, six documents du IX esiècle (de 814.849,866,871.878,(…)67


Etude généalogiqueAU MOULIN DE COURFAIVREC'est sous ce titre évocateur 1 queMarcelin Babey a présenté le Journalmanuscrit de Jean Nicolas Barbier,meunier à Courfaivre pendant la Révolutionfrançaise 1794-1796 en le faisantprécéder d'une analyse historique (rappeldes principaux événements de l'époque)et de commentaires fort utiles pour labonne compréhension du texte. Maisvoyons d'abord ce qui s'est passé auxépoques précédentes.En 1389, Imier de Ramstein, évêquede Bâle, donne en fief à Henri Voged'Undervelier le moulin de Courfaivre.C'est par cet acte qu'est, la premièrefois, mentionnée la présenced'un moulin à Courfaivre 2 . Le 19octobre 1593, Pierre Louechat deCourfaivre, considérant les cordialsservices et bienfaits à lui administréspar Jehan son fils donne, lègue toutdroit et action, part, partage, etportion qu'il peult et doibt avoir dans lemoulin et ribe de Courfaivre 3 .Dans le Registre paroissial de Courfaivre,nous avons aussi relevé, le19 juin 1689, le décès de LéonardTabourat d'Ederswiler, meunier àCourfaivre, mais nous n'avons pastrouvé dans les archives de documentcomme quoi il aurait été investi dufief.Mais c'est dans un document ultérieurdatant de 1772 que l'histoire du moulinde Courfaivre se révèle comme exempletypique du moulin féodal 4 . Il s'agit dudossier intitulé: procès en appel contrele meunier de Courfaivre du 8 mars1772 5 qui explique les raisons pour lesquellesle fief du moulin passa des Louechataux Tendon et des Tendon auxBarbier.Selon le document intitulé «Teneurde la feuille d'appel à M. Moser(notaire impérial, du 20 mars 1772»...le moulin, foulon, avec jardin et vergersitués entre Courfaivre et Altdorff (=Bassecourt) sont possédés par lafamille noble de Flaxland à titre de fief,lequel, par un usage immémorial etconfirmé par sentence passée à forcede chose jugée et rendue au Conseilaulique en 1665, le 1 er juin, a toujoursété donné en arrière fief ousubinféodation sous les clausesexpresses, que le dit fief ne pourraitêtre démembré ni aliéné de manièrequelconque, ni en tout ni en partie,sous peine de caducité ou commise...Or il est arrivé que les Louechat, quiont possédé le fief avant la sentence de1665 ont bâti sur le fond fief une maison,grange et dépendance, et l'ontvoulu déclarer allodial (= possédés enpropre) de quoi la famille de Flaxlandayant eu connaissance, les a faittraduire par devant le juge seigneurialtant pour réintégrer le fief, que pourencourir la commise 6 ; faute d'avoirfait les réparations nécessaires et stipuléesdans la lettre féodale dans letemps prescrit, où le fiéteur Louechatse déporta de sa prétention pour ledroit d'allodialité de ladite maison eten demanda pardon au seigneurdirecte.C'est ainsi que le moulin fut repris parla famille Tendon, dont le premier meuniersemble avoir été Pierre, fils de Jean,décédé en 1685, ayant épousé CatherineFriche.Dans le document de 1772, Pierre estmentionné comme grand-père du possesseuractuel. Mais bien que ce coupleait eu au moins sept enfants, dont troisgarçons ayant atteint l'âge adulte, nousn'avons trouvé aucun document mentionnantque l'un d'eux ait été meunier.Par contre dans une autre branche dela famille Tendon nous avons trouvédeux frères ayant exercé cette professionà la suite de Pierre, soit Nicolas etFrançois, fils d'Henri Tendon dit leVieux, maire de Courfaivre, décédé le5 mai 1694, qui avait épousé le 27 février1656 Aloyse, veuve d'Henri Lanzard, ditClaira 7 .Nicolas, fils d'Henri 8 , est sans doute ledeuxième meunier de la famille Tendon, ils'est marié deux fois, le 30 mai 1684avec Aloyse Mérillat et le 21 février 1698avec Marie Catherine Heray desRouges-Terres ; il est l'ancêtre d'unelignée qui s'est maintenue jusqu'à nosjours, il est décédé le 31 novembre 173l 9 .François, aussi meunier, épouse le 26février 1699 Marguerite Schaffter qui luidonne sept enfants dont cinq semarièrent 10 . Joseph, l'aîné, succédera àson père, décédé le 29 avril 1731.Ce dernier, né le 28 novembre 1700,meunier, jurati pagi (=maire), avaitépousé en 1721 Catherine Rolie, née le 9octobre 1698, fille de Pierre et de (…)77


Un monument en renouveauLA CHAPELLE DE DEVELIER-DESSUSDepuis 1993, la chapelle de Develicr-Dessus est en réfection, à l'initiative desautorités de la Commune ecclésiastiquecatholique-romaine de Develicr, qui enest propriétaire, et de l'équipe pastoraledes paroisses de Courfaivre, Courtételleet Develier. Les travaux consistent àréparer l'intérieur du sanctuaire, laissésans usage religieux durant plus d'unevingtaine d'années, et à le remettre progressivementen valeur, avec le concoursdes paroissiens eux-mêmes, aux fins d'yaménager un lieu de recueillement àdestination plus particulière des jeuneset des familles et d'en faire un pôle derencontre œcuménique.Ce projet, en bonne voie de réalisation,implique divers aménagementsnouveaux. Il est mené à bien, cependant,en concertation étroite et régulière avecl'Office du patrimoine historique, attenduque la substance architecturale et lesqualités artistiques de cette chapelle enfont l’une des plus remarquables que leXIX e siècle ait laissées dans le canton.4 avril 1837, «moyennant la couvrir detuiles et la faire assurer contre les incendies»1 . Le terrain nécessaire à l'établissementde l'immeuble fut légué par lafamille Nouvion, de Delémont 2 . Les travauxde construction paraissent s'êtredéroulés du mois de juillet 1837 au 11décembre 1838, moment où le sanctuairea été bénit par l'abbé Friat, curé doyende Delémont 3 . Au-dessus de la ported'entrée figure du reste l'inscription«Anno 1837 aedificatum ».La construction fut donc une œuvreprivée et communautaire, à laquellecontribuèrent plusieurs donateurs, quifournirent aussi une bonne part dumobilier. Ainsi s'explique assurément lefait que les fonds d'archives publics necontiennent pratiquement pas de documentsse rapportant aux origines dusanctuaire.La chapelle fut dédiée à l'ImmaculéeConception et à sainte Philomène.Celle-ci 4 fit aussitôt l'objet d'une (…)Repères historiquesLa construction de la chapelle deDevelier-Dessus est due à l'initiatived'habitants de ce hameau: FrançoisGreppin, Joseph Greppin, JacquesGreppin, François Greppin dit « Forge »et Antoine Nusbaumer. Le préfet deDelémont leur a délivré le permis deconstruire cette chapelle en date duLa chapelle vue depuis le sud-ouest.83

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!