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Droit administratif et droit de l'énergie - Barreau du Québec

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DROIT ADMINISTRATIF ET DROIT DE L’ÉNERGIE : LIGNES ÀHAUTE TENSION, NIVEAU DES BARRAGES, FACTURE ÉNERGÉ-TIQUE ET CHANGEMENTS CLIMATIQUESM e André Turmel TABLE DES MATIÈRESINTRODUCTION................................................................................................. 3I. – LA DÉCISION HERTEL-DES-CANTONS : LE DROITADMINISTRATIF CLASSIQUE REVISITÉ............................................... 4A. Le contexte .............................................................................................. 4B. Action <strong>du</strong> gouvernement .......................................................................... 4II. – LE NIVEAU DES RÉSERVOIRS D’HYDRO-QUÉBEC ET LEPOUVOIR DE SURVEILLANCE DE LA RÉGIE DE L’ÉNERGIE............. 6A. Le contexte .............................................................................................. 6B. Action <strong>du</strong> gouvernement .......................................................................... 7III. – QUINZE MILLIARDS DE DOLLARS D’ÉLÉMENTS D’ACTIFS ETUNE DIRECTIVE CASSÉE PAR LES TRIBUNAUX :L’ANTICIPATION DU LÉGISLATEUR ..................................................... 8A. Le contexte .............................................................................................. 8B. Action <strong>du</strong> gouvernement ........................................................................ 11IV. – FACTURE ÉNERGÉTIQUE ET INTERFINANCEMENT : LEDERNIER GESTE DU LÉGISLATEUR QUI SUSCITEQUELQUES INTERROGATIONS.......................................................... 11A. Contexte ................................................................................................ 11B. Questions .............................................................................................. 12Avocat, <strong>droit</strong> <strong>de</strong> l’énergie. Membre <strong>du</strong> Groupe <strong>de</strong> pratique Environnement, énergie <strong>et</strong> ressourcesnaturelles, Fasken Martineau DuMoulin s.r.l.Le présent texte est à jour au 1 er février 2001.


<strong>Droit</strong> <strong>administratif</strong> <strong>et</strong> <strong>droit</strong> <strong>de</strong> l’énergie : lignes à haute tension, niveau <strong>de</strong>s… 2V. – LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES : ÉCHANGE DE CRÉDITS DERÉDUCTION D’ÉMISSIONS ET LÉGISLATION À CONCEVOIR.......... 12A. Contexte ................................................................................................ 12B. Quelques pistes ..................................................................................... 13CONCLUSION .................................................................................................. 13


<strong>Droit</strong> <strong>administratif</strong> <strong>et</strong> <strong>droit</strong> <strong>de</strong> l’énergie : lignes à haute tension, niveau <strong>de</strong>s… 4I. – LA DÉCISION HERTEL-DES-CANTONS : LE DROIT ADMINIS-TRATIF CLASSIQUE REVISITÉA. Le contexteEn janvier 1998, le Sud <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> a connu une tempête <strong>de</strong> verglashistorique qui a causé <strong>de</strong>s bris touchant quelque 900 pylônes <strong>et</strong> entraîné <strong>de</strong>sdommages à plus d’une centaine <strong>de</strong> lignes <strong>de</strong> transport d’électricité.Les conséquences économiques <strong>et</strong> les dommages causés par la tempêteont eu un eff<strong>et</strong> tel sur les citoyens <strong>du</strong> Sud <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> <strong>et</strong> les milliers d’entreprisestouchés, que le gouvernement, dans les semaines <strong>et</strong> les mois qui ont suivi, a pris<strong>de</strong>s mesures extraordinaires <strong>et</strong> a adopté nombre <strong>de</strong> décr<strong>et</strong>s qui ont mené à cequi est désormais connu d’appeler la saga Hertel-<strong>de</strong>s-Cantons. Ces décr<strong>et</strong>s oudécisions visaient à faire en sorte d’autoriser ou d’accélérer les travaux portantsur les lignes <strong>de</strong> transport d’électricité. Pour un historique compl<strong>et</strong> <strong>de</strong> l’ensemble<strong>de</strong>s faits <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’ensemble <strong>de</strong>s décr<strong>et</strong>s adoptés <strong>et</strong> les circonstances, nousréférons le lecteur à l’article <strong>de</strong> M e Robert L. Rivest <strong>et</strong> M e Marie-Andrée Thomassur la question 6 .Le 23 février 1999, l’honorable Jeannine M. Rousseau, <strong>de</strong> la Coursupérieure, en réponse à la requête <strong>de</strong> citoyens d’annuler les décisions <strong>du</strong>gouvernement <strong>et</strong> d’ordonner la cessation <strong>de</strong>s travaux <strong>du</strong> proj<strong>et</strong> Hertel-<strong>de</strong>s-Cantons, leur donne raison <strong>et</strong> déclare illégaux, inapplicables <strong>et</strong> inopérants, huitdécr<strong>et</strong>s adoptés par le gouvernement <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> perm<strong>et</strong>tant l’érection <strong>de</strong> la ligne<strong>de</strong> transport Hertel-<strong>de</strong>s-Cantons 7 . En plus <strong>de</strong> prononcer une injonction enjoignantHydro-<strong>Québec</strong> à cesser les travaux sur la ligne Hertel-<strong>de</strong>s-Cantons, l<strong>et</strong>ribunal juge que nombre d’exigences relatives à l’application <strong>de</strong> la Loi sur laprotection <strong>du</strong> territoire <strong>et</strong> <strong>de</strong>s activités agricoles 8 , la Loi sur Hydro-<strong>Québec</strong> 9 , laLoi sur la qualité <strong>de</strong> l’environnement 10 <strong>et</strong> la Loi sur l’aménagement <strong>et</strong>l’urbanisme 11 n’ont pas été respectées ou, le cas échéant, étaient illégales,nulles <strong>et</strong> sans eff<strong>et</strong> 12 .C<strong>et</strong>te décision a amené le gouvernement <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> à ne pas aller enappel 13 .B. Action <strong>du</strong> gouvernementEn juin 1999, le gouvernement fait adopter par l’Assemblée nationale laLoi concernant la construction par Hydro-<strong>Québec</strong> d’infrastructures <strong>et</strong> d’équipe-678910111213Robert L. RIVEST <strong>et</strong> M.A. THOMAS « Du déluge <strong>de</strong> décr<strong>et</strong>s à la Loi spéciale : le proj<strong>et</strong> Hertel-<strong>de</strong>s-Cantons », Développements récents en <strong>droit</strong> <strong>de</strong> l’Environnement, Les Éditions Yvons Blais,Cowansville, 1999, p. 99-139.Coalition <strong>de</strong>s citoyens <strong>et</strong> citoyennes <strong>du</strong> Val St-François c. Procureur général <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>, [1999]R.J.Q. 511 (C.S.)L.R.Q., c.P-41.1.L.R.Q., c.H-5.L.R.Q., c.Q-2.L.R.Q., c. A-19.1.Voir p. 126 <strong>et</strong> 127 <strong>du</strong> jugement, supra note 7.Le 11 mars 1999, le gouvernement annonce par une déclaration ministérielle qu’il ne portera pas lejugement en appel.


<strong>Droit</strong> <strong>administratif</strong> <strong>et</strong> <strong>droit</strong> <strong>de</strong> l’énergie : lignes à haute tension, niveau <strong>de</strong>s… 5ments suite à la tempête <strong>de</strong> verglas survenue <strong>du</strong> 5 au 9 janvier 1998 14 . Voulantréparer les pots cassés, le gouvernement souhaite par c<strong>et</strong>te loi s’assurer <strong>de</strong> lalégalité <strong>de</strong> la construction par Hydro-<strong>Québec</strong> <strong>de</strong>s infrastructures <strong>et</strong> équipementsaffectés par la tempête <strong>de</strong> verglas, portant non seulement sur la ligne Hertel-<strong>de</strong>s-Cantons, mais aussi sur ceux dans diverses régions comme la Mauricie, laMontérégie, la région <strong>de</strong> Montréal, l’Outaouais <strong>et</strong> <strong>Québec</strong> 15 .De plus, le gouvernement s’assure <strong>du</strong> même souffle que toutes lesconstructions d’infrastructures 16 i<strong>de</strong>ntifiées dans la loi sont rétroactivementexemptées <strong>de</strong>s autorisations prévues à la Loi sur Hydro-<strong>Québec</strong> 17 , à la Loi surl’expropriation, 18 <strong>de</strong> même qu’en vertu <strong>de</strong> la Loi sur l’aménagement <strong>et</strong>l’urbanisme 19 , la Loi sur la protection <strong>du</strong> territoire <strong>et</strong> <strong>de</strong>s activités agricoles 20 <strong>et</strong>enfin, la Loi sur la qualité <strong>de</strong> l’environnement 21 . Le gouvernement déci<strong>de</strong>également par le biais <strong>de</strong> sa loi <strong>de</strong> surseoir aux pouvoirs <strong>de</strong> la Loi sur la Régie<strong>de</strong> l’énergie 22 en matière d’autorisation <strong>et</strong> <strong>de</strong> remplacer celle-ci par uneautorisation donnée par le gouvernement 23 . Le gouvernement fait <strong>de</strong> même pourl’établissement <strong>de</strong> la base <strong>de</strong> tarification aux fins <strong>de</strong>s pouvoirs <strong>de</strong> la Loi sur laRégie <strong>de</strong> l’énergie, pourtant le cœur <strong>de</strong> sa mission, considérant pru<strong>de</strong>mmentacquis <strong>et</strong> utiles pour l’exploitation <strong>du</strong> réseau <strong>de</strong> transport d’électricité leséléments <strong>de</strong> ces constructions 24 . C<strong>et</strong>te loi est entrée en vigueur le 19 juin1999 25 .Ce qu’on peut r<strong>et</strong>enir <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te saga météorologique, juridique <strong>et</strong>législative, c’est que l’État québécois n’hésite pas à recourir à tout son arsenaltechnique <strong>et</strong> juridique pour parvenir à ses fins. Invoquant le caractère d’urgencerelatif prévalant effectivement à l’hiver <strong>et</strong> au printemps 1998, le gouvernement aalors passé outre à tout son corpus législatif prévoyant toute une gammed’autorisations.Près <strong>de</strong> trois ans après les événements <strong>de</strong> janvier 1998, <strong>et</strong> près <strong>de</strong> <strong>de</strong>uxans après le jugement Rousseau, le gouvernement continue malgré tout à agirdans la même foulée en faisant adopter d’autres décr<strong>et</strong>s reliés à la crise <strong>du</strong>verglas qui perm<strong>et</strong>tent la construction d’équipements <strong>de</strong> transport d’électricité 26 .14151617181920212223242526L.Q. 1999, c. 27.Ibid, voir article 1.Voir article 2.Supra, note 9.L.R.Q., c. E-24.Supra, note 11.Supra, note 8.Supra, note 10.L.R.Q., c. R-6.01.Voir article 73 <strong>de</strong> la Loi sur la Régie <strong>de</strong> l’énergie avant la modification par la Loi 116, Loi modifiant laLoi sur la Régie <strong>de</strong> l’énergie <strong>et</strong> d’autres dispositions législatives, L.Q. 2000, c. 22.Voir article 49 <strong>de</strong> la Loi sur la Régie <strong>de</strong> l’énergie.Voir article 10 <strong>de</strong> la Loi concernant la construction par Hydro-<strong>Québec</strong> d’infrastructures <strong>et</strong>d’équipements suite à la tempête <strong>de</strong> verglas survenue <strong>du</strong> 5 au 9 janvier 1998.Voir notamment le décr<strong>et</strong> D-1450-2000 concernant l’autorisation à Hydro-<strong>Québec</strong> <strong>de</strong> construire leposte <strong>de</strong> l’Outaouais à 315-230 kV, d’une capacité <strong>de</strong> 1 250 MW, ainsi que les infrastructures <strong>et</strong>équipements connexes <strong>et</strong> d’acquérir par voie d’expropriation les immeubles <strong>et</strong> <strong>droit</strong>s réels requis àc<strong>et</strong>te fin (publié le 3 janvier 2001).


<strong>Droit</strong> <strong>administratif</strong> <strong>et</strong> <strong>droit</strong> <strong>de</strong> l’énergie : lignes à haute tension, niveau <strong>de</strong>s… 6C<strong>et</strong>te situation mène parfois à <strong>de</strong>s situations inusitées. Le 26 janvier2001, le ministre <strong>de</strong> l’Environnement rendait public un avis dans lequel le Bureaud’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) m<strong>et</strong>tait sérieusement endoute la pertinence d’une ligne <strong>de</strong> transport d’électricité <strong>et</strong> s’interrogeait sur :[l]a nécessité <strong>et</strong> sur la puissance proposée pour sécuriser l’alimentationen électricité <strong>du</strong> centre-ville <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’ouest <strong>de</strong> Montréal ainsi que d’unepartie <strong>de</strong> la Rive-Sud. Par ailleurs, la commission considère que la ligneSaint-Césaire-Hertel n’est pas indispensable pour améliorer la sécuritéd’alimentation en électricité <strong>de</strong> la Montérégie. 27 (nos soulignés).D’aucuns auraient pu prétendre, tout en laissant au BAPE l’aspect purementenvironnemental, que la Régie <strong>de</strong> l’énergie aurait, peut-être, été davantageapte à porter un tel jugement, compte tenu notamment <strong>de</strong>s articles 31, 49 <strong>et</strong> 73<strong>de</strong> sa loi constitutive. D’ailleurs, quelle différence doit-on faire entre la « sécuritéd’alimentation » mentionnée par le BAPE <strong>et</strong> la notion <strong>de</strong> « surveillance <strong>de</strong>sapprovisionnements » prévue à l’article 31 <strong>de</strong> la Loi sur la Régie <strong>de</strong> l’énergie ?La substitution par l’État <strong>de</strong>s pouvoirs décisionnels attribués aux organismescompétents ne cessera-t-elle seulement lorsque tous les travaux auront ététerminés ? N’aurait-il pas été plus approprié <strong>et</strong> plus opportun <strong>de</strong> modifier la Loisur la Régie <strong>de</strong> l’énergie, à l’été 2000, pour revenir à une situation plus normale<strong>et</strong> redonner aux autorités constituées pour prendre <strong>de</strong> telles décisions les pleinspouvoirs qui leur revenaient ?II. –LE NIVEAU DES RÉSERVOIRS D’HYDRO-QUÉBEC ET LEPOUVOIR DE SURVEILLANCE DE LA RÉGIE DE L’ÉNERGIEA. Le contexteLe 4 novembre 1998, le Regroupement national <strong>de</strong>s conseils régionaux<strong>de</strong> l’environnement <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> (ci-après « RNCREQ »), ainsi que cinq autresgroupes déposent une requête <strong>de</strong>vant la Régie <strong>de</strong> l’énergie, soutenant avoir <strong>de</strong>smotifs sérieux <strong>de</strong> croire que la sécurité <strong>de</strong>s approvisionnements <strong>de</strong>s consommateursquébécois était alors susceptible d’être mise en péril par la manière dontHydro-<strong>Québec</strong> gérait les niveaux d’eau dans ses réservoirs 28 . Les requérants<strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt à la Régie d’exercer son pouvoir <strong>de</strong> surveillance prévu selon l’article31, alinéa 1, 2 e paragraphe. C<strong>et</strong> article prévoit que :31. La Régie a compétence exclusive pour :[…]2. surveiller les opérations d’Hydro-<strong>Québec</strong> ou <strong>de</strong>s distributeurs <strong>de</strong> gaznaturel afin <strong>de</strong> s’assurer que les consommateurs aient <strong>de</strong>s approvisionnementssuffisants <strong>et</strong> paient selon un juste tarif ; 29272829Rapport d’enquête <strong>et</strong> d’audience publique : ligne à 735Kv Saint-Césaire-Hertel <strong>et</strong> le poste <strong>de</strong> laMontérégie. Bureau d’audiences publiques sur l’environnement, 14 décembre 2000. 111 pages. Voirles pages 41 à 57 <strong>et</strong> plus particulièrement la page 87 d’où est tirée c<strong>et</strong>te citation.Dossier R-3416-98, Requête sur la surveillance <strong>de</strong>s opérations d’Hydro-<strong>Québec</strong> afin d’assurer unapprovisionnement d’énergie suffisant aux consommateurs québécois.Article 31(2), tel qu’il était avant sa modification à l’été 2000 par le proj<strong>et</strong> <strong>de</strong> Loi 116.


<strong>Droit</strong> <strong>administratif</strong> <strong>et</strong> <strong>droit</strong> <strong>de</strong> l’énergie : lignes à haute tension, niveau <strong>de</strong>s… 7Hydro-<strong>Québec</strong> présente une requête en irrecevabilité soutenant que laRégie ne peut étudier <strong>de</strong>s questions relatives à la pro<strong>du</strong>ction d’électricité alorsqu’elle est en attente <strong>du</strong> décr<strong>et</strong> gouvernemental statuant sur les modalitésd’établissement <strong>et</strong> d’implantation <strong>de</strong>s tarifs <strong>de</strong> fourniture.La Régie <strong>de</strong> l’énergie conclut alors qu’elle ne pouvait recevoir la requête<strong>de</strong>s requérants :Dans ces circonstances, la Régie ne peut exercer ses pouvoirs sur lasécurité <strong>de</strong>s approvisionnements à l’égard <strong>de</strong> la pro<strong>du</strong>ction <strong>et</strong> <strong>de</strong>s exportationsd’électricité <strong>et</strong> ce, tant que le gouvernement n’aura pas donnésuite à l’avis ren<strong>du</strong> le 11 août 1998. La Loi sur la Régie <strong>de</strong> l’énergie a étéremise en cause par la proposition d’Hydro-<strong>Québec</strong>. Selon les choix <strong>du</strong>gouvernement, les pouvoirs <strong>de</strong> la Régie seront plus ou moins larges <strong>et</strong> ilest prématuré d’entreprendre immédiatement une audience publique sur<strong>de</strong>s questions <strong>de</strong> sécurité <strong>de</strong>s approvisionnements, comme lesrequérants le sollicitent.De plus, indépendamment <strong>de</strong>s options étudiées dans l’avis, le gouvernement<strong>du</strong> <strong>Québec</strong> peut choisir d’autres avenues, <strong>de</strong> telle sorte qu’il estimpossible <strong>de</strong> prévoir la nature <strong>et</strong> l’éten<strong>du</strong>e <strong>de</strong>s pouvoirs <strong>de</strong> la Régie surles suj<strong>et</strong>s que les requérants veulent étudier présentement en audiencepublique.Par déférence nécessaire à l’égard <strong>du</strong> gouvernement <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>, laRégie doit attendre. L’absence d’orientations gouvernementales à l’égard<strong>de</strong> la pro<strong>du</strong>ction <strong>et</strong> <strong>de</strong>s exportations d’électricité constitue unempêchement à procé<strong>de</strong>r dans le présent dossier. 30 (nos soulignés)Le RNCREQ se pourvoie en mandamus <strong>et</strong> en révision judiciaire <strong>de</strong> c<strong>et</strong>tedécision. La Cour supérieure déci<strong>de</strong> que :Le motif r<strong>et</strong>enu résulte <strong>de</strong> la volonté exprimée <strong>de</strong> déférence envers legouvernement, mais constitue à la fois un refus d’exercer la compétenceque la loi lui reconnaît. Le motif <strong>de</strong> déférence peut être louable en soi,mais le refus d’exercer sa compétence est une erreur <strong>de</strong> <strong>droit</strong> <strong>de</strong> taillepour ne pas dire <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> importance.En l’espèce, à la date <strong>de</strong> l’audition, le gouvernement n’avait pas encoredonné suite au rapport (avis) <strong>de</strong> la Régie à ce <strong>de</strong>rnier : à quel moment lefera-t-il ? personne n’en sait rien, la loi n’ayant pas été modifiée à la date<strong>de</strong> la décision prononcée, la Régie se <strong>de</strong>vait <strong>de</strong> l’appliquer ; sa décisionou compétence n’étant nullement restreinte ni abrogée à ce moment. 31À la suite <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te décision, Hydro-<strong>Québec</strong>, mise en cause dans ladécision <strong>du</strong> juge Barbeau, déci<strong>de</strong> d’en appeler <strong>de</strong>vant la Cour d’Appel. L’appelétait toujours pendant au 1 er février 2001.B. Action <strong>du</strong> gouvernementL’adoption par l’Assemblée nationale <strong>de</strong> la Loi 116 32 , le 16 juin 2000, a eupour eff<strong>et</strong> <strong>de</strong> clore ce chapitre <strong>et</strong>, <strong>de</strong> manière indirecte, <strong>de</strong> répondre au jugement303132Décision D-99-20, ren<strong>du</strong>e le 16 février 1999, page 6.RNCREQ c. Régie <strong>de</strong> l’énergie <strong>et</strong> al., l’honorable Alphonse Barbeau J.C.S., jugement ren<strong>du</strong> le 22novembre 1999, dossier 500-05-048991-994, p. 16.Supra, note 23.


<strong>Droit</strong> <strong>administratif</strong> <strong>et</strong> <strong>droit</strong> <strong>de</strong> l’énergie : lignes à haute tension, niveau <strong>de</strong>s… 8Barbeau. En eff<strong>et</strong>, comme tous s’y attendaient suite à l’avis <strong>de</strong> la Régie surl’article 167 <strong>de</strong> la Loi sur la Régie <strong>de</strong> l’énergie relativement à la pro<strong>du</strong>ctiond’électricité ren<strong>du</strong> en août 1998 33 , le gouvernement décida <strong>de</strong> faire adopter parl’Assemblée nationale <strong>de</strong>s modifications importantes à la loi visant à enlever lapro<strong>du</strong>ction d’électricité <strong>de</strong> la juridiction <strong>de</strong> la Régie.Malgré l’absence <strong>de</strong> compétence <strong>de</strong> la Régie <strong>de</strong> l’énergie sur la pro<strong>du</strong>ctiond’électricité, c<strong>et</strong>te modification aura-t-elle pour eff<strong>et</strong> que la surveillance surles réservoirs associés à c<strong>et</strong>te même pro<strong>du</strong>ction ne tombe plus sous lacompétence <strong>de</strong> la Régie <strong>de</strong> l’énergie ? Le maintien <strong>de</strong> l’appel logé par Hydro-<strong>Québec</strong> <strong>de</strong> même que la rédaction <strong>du</strong> nouvel article 31, alinéa 2, 2 e paragraphe<strong>de</strong> la loi ne ferment pas la porte, selon nous, à une requête similaire dans lefutur. Le nouvel article 31, alinéa 2, paragraphe 2 prévoit en eff<strong>et</strong> que :31. La Régie a compétence exclusive pour :[…]2. surveiller les opérations <strong>de</strong>s titulaires d’un <strong>droit</strong> exclusif <strong>de</strong> distributiond’électricité ou <strong>de</strong> gaz naturel afin <strong>de</strong> s’assurer que les consommateursaient <strong>de</strong>s approvisionnements suffisants ;2.1 surveiller les opérations <strong>du</strong> transporteur d’électricité, <strong>du</strong> distributeurd’électricité ainsi que celles <strong>de</strong>s distributeurs <strong>de</strong> gaz naturel afin <strong>de</strong>s’assurer que les consommateurs paient selon un juste tarif ;Quel sens <strong>de</strong>vons-nous donner aux mots « <strong>de</strong>s approvisionnementssuffisants » ?Le terme « approvisionnements » dépasse-t-il la sphère <strong>de</strong> la distributiond’électricité ?III. – QUINZE MILLIARDS DE DOLLARS D’ÉLÉMENTS D’ACTIFSET UNE DIRECTIVE CASSÉE PAR LES TRIBUNAUX :L’ANTICIPATION DU LÉGISLATEURA. Le contexteÀ la suite <strong>de</strong> la création <strong>de</strong> la Régie <strong>de</strong> l’énergie en 1997, un <strong>de</strong>spremiers dossiers que le tribunal a étudié avait trait à la requête d’Hydro-<strong>Québec</strong>visant à faire modifier ses tarifs <strong>de</strong> transport <strong>et</strong> conditions <strong>de</strong> service pour l<strong>et</strong>ransit sur son réseau <strong>de</strong> transport. Déposée le 1 er mai 1998, <strong>de</strong>vant la Régie <strong>de</strong>l’énergie, c<strong>et</strong>te requête est suspen<strong>du</strong>e par c<strong>et</strong>te <strong>de</strong>rnière afin que soient étudiésles principes mêmes <strong>de</strong>vant gui<strong>de</strong>r la Régie dans l’établissement <strong>de</strong>s tarifs d<strong>et</strong>ransport d’électricité 34 .Un <strong>de</strong>s principes qui <strong>de</strong>vaient être traités par la Régie <strong>de</strong> l’énergie dansle dossier R-3405-98, portait sur la reconnaissance <strong>de</strong>s éléments d’actifs <strong>de</strong>3334Dossier 98-01. Avis concernant les modalité d’établissement <strong>et</strong> d’implantation <strong>de</strong>s tarifs <strong>de</strong> fournitured’électricité. Avis ren<strong>du</strong> le 11 août 1998.Dossier R-3401-98, concernant une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> relative à la modification <strong>et</strong> à la fixation <strong>de</strong>s tarifs d<strong>et</strong>ransport. La Régie déci<strong>de</strong> le 12 juin 1998 <strong>de</strong> tenir une audience publique sur l’établissement <strong>de</strong>sprincipes généraux en matière réglementaire relativement aux tarifs <strong>de</strong> transport, soit le dossierR-3405-98.


<strong>Droit</strong> <strong>administratif</strong> <strong>et</strong> <strong>droit</strong> <strong>de</strong> l’énergie : lignes à haute tension, niveau <strong>de</strong>s… 9transport en exploitation <strong>et</strong> en cours <strong>de</strong> construction ainsi que <strong>de</strong>s contrats encours affectant le service <strong>du</strong> transport d’électricité. Déposée le 17 juin 1998,c<strong>et</strong>te requête d’Hydro-<strong>Québec</strong> cherchait donc à faire inclure automatiquement,sans autre examen, ces actifs dans la base <strong>de</strong> tarification, limitant ainsi l’exerciceque doit faire la Régie par le biais <strong>de</strong> l’article 49 <strong>de</strong> la loi. La Régie <strong>de</strong>vaitdéterminer si elle était d’accord avec la vision <strong>de</strong> la société d’État, plutôt qued’accepter sans discussion, la question <strong>de</strong> la reconnaissance <strong>de</strong>s actifs. LaRégie déci<strong>de</strong> alors qu’un débat en bonne <strong>et</strong> <strong>du</strong>e forme <strong>de</strong>vait avoir lieu sur laquestion 35 . Une date d’audience est fixée pour le mois <strong>de</strong> mai 2000.Toutefois, en cours <strong>de</strong> route <strong>et</strong> au cœur <strong>du</strong> processus, le gouvernementfait adopter une directive <strong>du</strong> ministre <strong>de</strong>s Ressources naturelles. C<strong>et</strong>te directiveest adoptée en vertu <strong>de</strong> l’article 110 <strong>de</strong> la Loi sur la Régie <strong>de</strong> l’énergie, quiprévoit que le ministre peut donner à la Régie <strong>de</strong>s directives sur « l’orientation <strong>et</strong>les objectifs généraux à poursuivre ». C<strong>et</strong>te directive <strong>de</strong>vait régler la question<strong>de</strong>s éléments d’actifs puisque celle-ci obligeait la Régie <strong>de</strong> l’énergie à tenir pouracquis que tous les éléments d’actifs <strong>de</strong>s lignes <strong>de</strong> transport construites jusqu’àla date <strong>du</strong> décr<strong>et</strong>, soit le 27 janvier 2000, <strong>de</strong>vaient être reconnus commepru<strong>de</strong>mment acquis <strong>et</strong> utiles. La directive 99-01 mentionne que :Conformément aux articles 110 <strong>et</strong> 111 <strong>de</strong> la Loi sur la Régie <strong>de</strong> l’énergie(L.R.Q., c. R-6.01), le ministre <strong>de</strong>s Ressources naturelles donne à laRégie <strong>de</strong> l’énergie, la directive suivante :1. La Régie <strong>de</strong> l’énergie doit poursuivre comme orientation <strong>et</strong> objectifsgénéraux la continuité <strong>et</strong> la pérennité :1. <strong>de</strong> l’uniformité territoriale <strong>de</strong> la tarification <strong>du</strong> transportd’électricité sur l’ensemble <strong>du</strong> réseau <strong>de</strong> transport d’Hydro-<strong>Québec</strong> ;2. <strong>de</strong> la reconnaissance <strong>de</strong>s activités d’Hydro-<strong>Québec</strong> antérieuresau nouveau régime applicable. À c<strong>et</strong>te fin :a) elle doit, lorsqu’elle fixe ou modifie un tarif <strong>de</strong> transportd’électricité, reconnaître comme pru<strong>de</strong>mment acquis <strong>et</strong> utilespour l’établissement <strong>de</strong> la base <strong>de</strong> tarification :i. tous les actifs <strong>de</strong> transport d’électricité en exploitationinscrits aux registres comptables d’Hydro-<strong>Québec</strong> à ladate <strong>de</strong> l’entrée en vigueur <strong>du</strong> règlement requis en vertu<strong>du</strong> paragraphe 1 <strong>du</strong> premier alinéa <strong>de</strong> l’article 73 <strong>et</strong> prisen vertu <strong>du</strong> paragraphe 6 <strong>de</strong> l’article 114 <strong>de</strong> la Loi sur laRégie <strong>de</strong> l’énergie ;ii. tous les actifs <strong>de</strong> transport dont la construction a étéautorisée par le gouvernement en vertu <strong>du</strong> septièmealinéa <strong>de</strong> l’article 29 <strong>de</strong> la Loi sur Hydro-<strong>Québec</strong> (L.R.Q.,c. H-5) avant la date <strong>de</strong> l’entrée en vigueur <strong>du</strong> règlementrequis en vertu <strong>du</strong> paragraphe 6 <strong>de</strong> l’article 114 <strong>de</strong> la Loisur la Régie <strong>de</strong> l’énergie ou a été exemptée <strong>de</strong> c<strong>et</strong>teautorisation avant c<strong>et</strong>te date en vertu <strong>du</strong> septième alinéa<strong>de</strong> l’article 29 précité, lesquels sont inscrits aux registrescomptables d’Hydro-<strong>Québec</strong> comme étant <strong>de</strong>venus enexploitation après c<strong>et</strong>te date ;35Décision D-98-56, ren<strong>du</strong>e le 24 septembre 1998.


<strong>Droit</strong> <strong>administratif</strong> <strong>et</strong> <strong>droit</strong> <strong>de</strong> l’énergie : lignes à haute tension, niveau <strong>de</strong>s… 10b) elle doit, lorsqu’elle fixe ou modifie un tarif <strong>de</strong> transportd’électricité, reconnaître comme nécessaires pour assumer lecoût <strong>de</strong> la prestation <strong>de</strong> service les dépenses découlant <strong>de</strong>scontrats relatifs aux activités <strong>de</strong> transport conclus avant le 27janvier 1999.2. La présente directive entre en vigueur le 27 janvier 1999 36 .La directive oblige donc la Régie à reconnaître une part importante <strong>de</strong>sactifs d’Hydro-<strong>Québec</strong> (reliés au transport d’électricité) comme ayant été pru<strong>de</strong>mmentacquis <strong>et</strong> utiles, ce qui rend automatique l’inclusion <strong>de</strong> ces actifs dansla base <strong>de</strong> tarification <strong>et</strong> suspend la mission <strong>de</strong> la Régie qui consiste précisémentà évaluer ces actifs pour fins d’inclusion ou non dans la base <strong>de</strong> tarification.L’inclusion d’éléments d’actifs dans une base <strong>de</strong> tarification a un eff<strong>et</strong> crucial, àla hausse ou à la baisse, sur les tarifs d’électricité. Les articles 25 <strong>et</strong> 49 <strong>de</strong> la Loisur la Régie <strong>de</strong> l’énergie prévoient qu’une telle évaluation se fait par le biaisd’une audience publique.Divers intervenants m<strong>et</strong>tent en doute la légalité <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te directive <strong>et</strong><strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt à la Régie <strong>et</strong> à la Cour supérieure <strong>de</strong> statuer sur la question.La Régie déci<strong>de</strong>, le 9 mars 1999, qu’il ne lui appartient pas <strong>de</strong> trancher lalégalité <strong>de</strong> la directive numéro 1 <strong>et</strong> <strong>du</strong> décr<strong>et</strong> qui y est associé. La Régie déci<strong>de</strong><strong>de</strong> poursuivre ses travaux, mais elle réserve toutefois les <strong>droit</strong>s <strong>de</strong>s intervenantsdans l’éventualité où la Cour supérieure invali<strong>de</strong>rait la directive 37 .Action Réseau Consommateur dépose une requête pour jugement déclaratoire<strong>de</strong>mandant <strong>de</strong> déclarer nuls <strong>et</strong> illégaux la directive <strong>et</strong> le décr<strong>et</strong> au motifqu’ils sont ultra vires <strong>du</strong> pouvoir délégué par la Loi sur la Régie <strong>de</strong> l’énergie augouvernement (par le pouvoir <strong>de</strong> donner <strong>de</strong>s directives).Le 6 juin 2000, la Cour supérieure par la voie <strong>de</strong> l’honorable Pierr<strong>et</strong>teRayle constate que :En l’espèce, le tribunal estime que « la marge d’exercice <strong>de</strong> la discrétionministérielle » est restreinte : lorsque le législateur confère à la Régieune compétence exclusive qu’elle doit exercer, comme il le fait par sesart. 31 <strong>et</strong> 49.1, c<strong>et</strong>te sphère <strong>de</strong> compétence échappe aux contrôles quele ministre voudrait imposer par l’émission d’une directive. La « marged’exercice <strong>de</strong> la discrétion ministérielle » est aussi restreinte par ladisposition constitutive : l’art. 110 n’autorise que les seules directives quiportent sur « l’orientation <strong>et</strong> les objectifs généraux à poursuivre. »La directive annule les eff<strong>et</strong>s d’une décision <strong>de</strong> la Régie pourtant nonappelable; elle paralyse ou usurpe la compétence exclusive <strong>de</strong> celle-ci àl’égard <strong>de</strong> certains actifs biens précis d’un distributeur nommémenti<strong>de</strong>ntifié. On est loin d’une directive « sur l’orientation <strong>de</strong>s objectifsgénéraux à poursuivre ». 38Le tribunal conclut :[…] que le gouvernement s’est ingéré sans <strong>droit</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong> manière abusive,dans un processus <strong>administratif</strong> que la Régie, respectueuse <strong>de</strong> l’esprit363738Directive 99-01 adoptée par le décr<strong>et</strong> 53-99 le 27 janvier 2000.Décision D-99-34 <strong>de</strong> la Régie <strong>de</strong> l’énergie, <strong>du</strong> 9 mars 1999.Supra note 29, pages 31 <strong>et</strong> 32 <strong>du</strong> jugement.


<strong>Droit</strong> <strong>administratif</strong> <strong>et</strong> <strong>droit</strong> <strong>de</strong> l’énergie : lignes à haute tension, niveau <strong>de</strong>s… 11<strong>de</strong> <strong>et</strong> la finalité <strong>de</strong> sa loi constituante, voulait transparent <strong>et</strong> public. Legouvernement n’est pas au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> la loi <strong>et</strong> lorsqu’il usurpe lespouvoirs <strong>de</strong> l’Assemblée nationale, il incombe à la Cour supérieured’intervenir. Les eff<strong>et</strong>s <strong>de</strong> la directive, ainsi que le moment où elle a étéémise, sont déraisonnables <strong>et</strong> incompatibles avec la l<strong>et</strong>tre, l’esprit <strong>et</strong> lafinalité <strong>de</strong> la LRE.Le ministre <strong>de</strong>s Ressources naturelles <strong>et</strong> le gouvernement <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>ont excédé leurs pouvoirs en vertu <strong>de</strong> la LRE en usurpant le pouvoirdiscrétionnaire qui est <strong>du</strong> ressort exclusif <strong>de</strong> la Régie. 39B. Action <strong>du</strong> gouvernementLe 11 mai 2000, le gouvernement dépose le proj<strong>et</strong> <strong>de</strong> Loi 116 àl’Assemblée nationale. Déjà, le législateur prévoyait lors <strong>de</strong> la présentation <strong>du</strong>proj<strong>et</strong> <strong>de</strong> loi, par le biais <strong>de</strong> l’article 55, l’ajout <strong>de</strong> l’article 164.1. C<strong>et</strong> article 164.1reprend presque mot pour mot le sens <strong>et</strong> la portée <strong>de</strong> la directive adoptée par ladirective 99-01, entérinée par le gouvernement. Le jugement <strong>de</strong> la Coursupérieure qui casse la directive est ren<strong>du</strong> le 6 juin 2000. C’est donc troissemaines avant le jugement que le gouvernement, dans son proj<strong>et</strong> <strong>de</strong> loi,anticipant peut-être la suite <strong>de</strong>s événements, incorporait la directive attaquée. Legouvernement fait adopter la Loi 116 le 16 juin 2000.Agissant ainsi, le législateur a simplement incorporé mutatis mutandistout les sens <strong>et</strong> toute la portée <strong>de</strong> la directive dans le corps <strong>de</strong> la loi, légalisantainsi la directive. Il est ici intéressant <strong>de</strong> constater la rapidité <strong>du</strong> législateur àrégler la question. La poursuite <strong>de</strong> l’audience R-3401-98 relative à la modification<strong>de</strong>s tarifs <strong>de</strong> transport <strong>et</strong> le dépôt par Hydro-<strong>Québec</strong> <strong>de</strong> sa preuve prévue, alorspour le mois d’août 2000, ne sont probablement pas étrangers à l’ajout <strong>de</strong>l’article 164.1 à la loi.IV. – FACTURE ÉNERGÉTIQUE ET INTERFINANCEMENT : LEDERNIER GESTE DU LÉGISLATEUR QUI SUSCITEQUELQUES INTERROGATIONSA. ContexteÀ l’occasion <strong>de</strong> l’adoption <strong>du</strong> proj<strong>et</strong> <strong>de</strong> Loi 116, le gouvernement a faitadopter un article qui est passé inaperçu, mais qui est lourd <strong>de</strong> conséquencespour nombre <strong>de</strong> consommateurs québécois en énergie.Le nouvel article 52.1 prévoit notamment ceci :52.1 La Régie ne peut modifier le tarif d’une catégorie <strong>de</strong> consommateursafin d’atténuer l’interfinancement entre les tarifs applicables à<strong>de</strong>s catégories <strong>de</strong> consommateurs.C<strong>et</strong> ajout à la Loi sur la Régie <strong>de</strong> l’énergie prend assise sur le « pactesocial » faisant en sorte que les citoyens <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> <strong>de</strong>vraient payer l’énergie lemoins cher possible 40 .3940Supra note 29, pages 35 <strong>et</strong> 36 <strong>du</strong> jugement.Proj<strong>et</strong> <strong>de</strong> Loi 116 : les modifications à la Loi sur la Régie <strong>de</strong> l’énergie <strong>et</strong> d’autres dispositionslégislatives : Maintien <strong>du</strong> pacte social, protection <strong>de</strong> l’interfinancement <strong>de</strong>s tarifs d’électricité par un


<strong>Droit</strong> <strong>administratif</strong> <strong>et</strong> <strong>droit</strong> <strong>de</strong> l’énergie : lignes à haute tension, niveau <strong>de</strong>s… 12C<strong>et</strong>te modification constitue la consécration <strong>et</strong> la continuation <strong>du</strong> fait queles consommateurs d’affaires commerciales <strong>et</strong> les PME en général, c’est-à-dir<strong>et</strong>ous les consommateurs d’électricité, à l’exclusion <strong>de</strong>s consommateurs rési<strong>de</strong>ntiels<strong>et</strong> <strong>de</strong>s très gran<strong>de</strong>s entreprises énergivores, <strong>de</strong>vront continuer à interfinancer,c’est-à-dire à subventionner par leurs tarifs plus élevés, les classestarifaires autres, notamment, les classes tarifaires rési<strong>de</strong>ntielles.B. QuestionsL’arrivée <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te disposition dans le portrait <strong>de</strong> la régulation <strong>de</strong> l’énergieau <strong>Québec</strong> suscite <strong>de</strong>s interrogations. Comment concilier ce nouvel article 52.1avec les articles 31, 48 <strong>et</strong> 49 qui prévoient que la Régie a une compétenceexclusive pour établir les tarifs <strong>et</strong> notamment, procé<strong>de</strong>r à une allocation <strong>de</strong>scoûts par classe tarifaire qui soit juste <strong>et</strong> raisonnable ? L’ajout <strong>de</strong> l’article 52.1est-il réconciliable avec l’esprit <strong>et</strong> la logique même <strong>de</strong> la Loi sur la Régie <strong>de</strong>l’énergie ?La Régie <strong>de</strong> l’énergie, qui a été créée sur le modèle canadien <strong>et</strong>américain dans un souci <strong>de</strong> transparence quant aux coûts, pourra-t-elle continuerà exercer adéquatement ses pouvoirs en la matière ?V. – LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES : ÉCHANGE DECRÉDITS DE RÉDUCTION D’ÉMISSIONS ET LÉGISLATION ÀCONCEVOIR4142A. ContexteLe <strong>droit</strong> <strong>de</strong> l’énergie n’est pas que régulation économique. Au cours <strong>de</strong>s<strong>de</strong>rnières années, la question <strong>de</strong>s changements climatiques <strong>et</strong> la ré<strong>du</strong>ction <strong>de</strong>sgaz à eff<strong>et</strong> <strong>de</strong> serre (GES) a fait couler beaucoup d’encre.Malgré l’adoption <strong>de</strong> la Conférence cadre <strong>de</strong>s Nations Unies sur leschangements climatiques (CCNUCC), lors <strong>du</strong> Somm<strong>et</strong> <strong>de</strong> la Terre à Rio en 1992<strong>et</strong> <strong>du</strong> Protocole <strong>de</strong> Kyoto 41 en 1997, bien peu <strong>de</strong> pays à ce jour ont ratifié c<strong>et</strong>raité international sur les changements climatiques 42 . En conséquence, ni leCanada ni le <strong>Québec</strong> n’ont mis en œuvre le traité en <strong>droit</strong> interne. L’échec <strong>de</strong> la6 e Conférence <strong>de</strong>s parties, tenue à La Haye en novembre 2000 <strong>et</strong> suspen<strong>du</strong>ejusqu’à celle <strong>de</strong> Bonn au mois <strong>de</strong> mai 2001, a quand même su r<strong>et</strong>enir l’attention.Toutefois, la ré<strong>du</strong>ction <strong>de</strong>s gaz à eff<strong>et</strong> <strong>de</strong> serre vit en ce moment uneréalité pragmatique. Anticipant sur les accords internationaux <strong>et</strong> les lois nationacontratpatrimonial, ouverture à la concurrence pour les nouveaux besoins d’électricité, nouveauxpouvoirs à la Régie <strong>de</strong> l’énergie <strong>et</strong> respect <strong>de</strong> la politique énergétique. Communiqué <strong>de</strong> Presse <strong>du</strong>ministre <strong>de</strong>s Ressources naturelles, le 11 mai 2000.Convention cadre <strong>de</strong>s Nations Unies sur le changement climatique, 9 mai 1992 (Doc. <strong>de</strong>s N.U. A/AC.273/18 (Partie II)/Add.1 <strong>et</strong> Corr.1 (1992), réimprimée dans 31 I.L.M. 849 (1992), à la CNUED en 1992.C<strong>et</strong>te convention est entrée en vigueur sur le plan général le 21 mars 1994. Le Protocole <strong>de</strong> Kyoto àla Convention : Cadre sur les changements climatiques, <strong>du</strong> 11 décembre 1997, U.N. Doc.FCCC/CP/1997/L.7/Add.1 réimprimée en 37 I.L.M. 22 (1998), ouvert pour les signatures le 16 mars1998. Le Protocole <strong>de</strong> Kyoto a été conclu le 10 décembre 1997. Le Canada a signé ce protocole le 29avril 1998 mais ne l’a pas encore ratifié, tout comme les États-Unis.En janvier 2001, 31 États avaient ratifié le Protocole <strong>de</strong> Kyoto.


<strong>Droit</strong> <strong>administratif</strong> <strong>et</strong> <strong>droit</strong> <strong>de</strong> l’énergie : lignes à haute tension, niveau <strong>de</strong>s… 13les ou provinciales, nombre d’entreprises canadiennes <strong>et</strong> américaines ontcommencé à effectuer <strong>de</strong>s échanges <strong>de</strong> crédits <strong>de</strong> ré<strong>du</strong>ction d’émissions <strong>de</strong> gazà eff<strong>et</strong> <strong>de</strong> serre entre elles.Dans leurs plans d’action respectifs, le Canada <strong>et</strong> le <strong>Québec</strong> 43 prennentune série d’engagements pour ré<strong>du</strong>ire l’émission <strong>de</strong> gaz à eff<strong>et</strong> <strong>de</strong> serre danstous les créneaux <strong>de</strong> l’in<strong>du</strong>strie, <strong>de</strong>s transports <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’énergie <strong>et</strong> impliquant unesérie <strong>de</strong> mesures volontaires, en attendant la ratification <strong>du</strong> Protocole <strong>de</strong> Kyoto.Malgré le fait que bien <strong>de</strong>s discussions sont pendantes sur nombre <strong>de</strong>suj<strong>et</strong>s, certaines juridictions ont commencé à préparer <strong>de</strong>s législations en cesens.B. Quelques pistesLa mise sur pied <strong>de</strong> proj<strong>et</strong>s pilote portant sur <strong>de</strong>s transactions concrètesau Canada (GERT), en Ontario (PERT) <strong>et</strong> très bientôt au <strong>Québec</strong> illustre bien lefait que, malgré bien <strong>de</strong>s incertitu<strong>de</strong>s au niveau international, les États ontdécidé, certains plus rapi<strong>de</strong>ment que d’autres, d’agir.Certains États pensent légiférer sur la question afin <strong>de</strong> préparer leursentreprises <strong>et</strong> citoyens à un encadrement <strong>administratif</strong> ou législatif <strong>de</strong> l’échange<strong>de</strong> ré<strong>du</strong>ction <strong>de</strong> gaz à eff<strong>et</strong> <strong>de</strong> serre. Le gouvernement <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> s’apprête àdéposer <strong>de</strong>s modifications à la Loi sur la qualité <strong>de</strong> l’environnement dans laquelleil souhaite encadrer au moyen <strong>de</strong> permis les échanges <strong>et</strong> transactions portantsur la ré<strong>du</strong>ction d’émissions <strong>de</strong> gaz à eff<strong>et</strong> <strong>de</strong> serre.Le législateur confiera-t-il un rôle précis à un <strong>de</strong> ses organismes <strong>administratif</strong>s? La Régie <strong>de</strong> l’énergie ou le Bureau d’audiences publiques sur l’environnementseront-ils mis à profit ? Une nouvelle agence sera-t-elle créée ?Il <strong>de</strong>meure toutefois certain que la lutte aux changements climatiques parl’action contre les GES, à cheval sur le <strong>droit</strong> <strong>de</strong> l’énergie <strong>et</strong> le <strong>droit</strong> <strong>de</strong>l’environnement, donnera au <strong>droit</strong> <strong>administratif</strong> <strong>de</strong> nouvelles avenues à explorer.CONCLUSIONDans le présent texte, nous avons cherché à démontrer que le <strong>droit</strong> <strong>de</strong>l’énergie, dans ses aspects <strong>du</strong> <strong>droit</strong> <strong>administratif</strong>, est un <strong>droit</strong> fortement teinté parl’intervention a posteriori, soit <strong>du</strong> gouvernement ou soit <strong>du</strong> législateur, selon lecas. Il s’agit donc d’un <strong>droit</strong> fortement en évolution où le législateur <strong>et</strong> legouvernement jouent un rôle éminemment actif.Toutefois, ce positionnement proactif, s’il peut comporter <strong>de</strong>s avantagespour certaines classes tarifaires <strong>de</strong> consommateurs ou pour l’actionnaire, pose<strong>de</strong>s contraintes sérieuses à d’autres classes tarifaires <strong>de</strong> consommateurs. Lajurispru<strong>de</strong>nce, qui se développe peu à peu dans ce domaine, est souventtributaire <strong>de</strong>s changements <strong>de</strong> cap gouvernementaux ou législatifs.43Plan d’action <strong>du</strong> Canada déposé le 6 octobre 2000. Plan d’action <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> déposé le 13 octobre2000. Disponible sur les portails Intern<strong>et</strong> <strong>de</strong>s ministères concernés.


<strong>Droit</strong> <strong>administratif</strong> <strong>et</strong> <strong>droit</strong> <strong>de</strong> l’énergie : lignes à haute tension, niveau <strong>de</strong>s… 14En eff<strong>et</strong>, la déréglementation balisée que vit actuellement le <strong>Québec</strong>,toujours dans l’ombre <strong>de</strong>s grands courants nord-américains <strong>de</strong> déréglementation,force le législateur à se maintenir en équilibre entre une tendance à surréglementerou surlégiférer <strong>et</strong> les exigences <strong>du</strong> marché qui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ntdavantage <strong>de</strong> transparence <strong>et</strong> qui veulent faire appel à la mise en concurrence<strong>de</strong>s acteurs <strong>de</strong> la vie économique.Si le passé est garant <strong>de</strong> l’avenir, les prochains mois <strong>et</strong> les prochainesannées <strong>de</strong>vraient perm<strong>et</strong>tre au <strong>droit</strong> <strong>de</strong> l’énergie d’insuffler au <strong>droit</strong> <strong>administratif</strong>quelques décisions ou jugements d’intérêt, si ce n’est un ou <strong>de</strong>ux revirementsmajeurs sur le plan législatif…

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