Les Colloques de Menton Samedi 1 - Ville de Menton

Science et Conscience Samedi 8 octobre 2011Michèle RIVASIDéputée européenne Europe Ecologie,Présidente du Centre de Recherche et d’Information Indépendantes sur les RayonnementsElectro Magnétiques (CRIIREM)Je reviens d’une rencontre sur le thème « De l’énergie du désespoir à l’énergie de l’espoir » sur leproblème de l’atome et des gaz de schistes pour savoir quel type de modèles construire. Ce sujet estlié au thème d’aujourd’hui « Faut-il avoir peur du nucléaire » ?Mon parcours m’a permis de prendre conscience que le nucléaire constituait un véritable danger etqu’il ne s’agissait pas du tout d’une énergie d’avenir. J’étais élève de l’Ecole Normale Supérieure,spécialiste en biologie, et je vivais dans la Drôme, quand l’accident de Tchernobyl est survenu. J’aivu passer le nuage radioactif, qui s’était soi-disant arrêté aux frontières de la France. Or tous lespays limitrophes ont pris des mesures suite au passage de ce nuage. De ce fait, nous avons décidéd’effectuer des prélèvements, et tous les radioéléments se trouvaient dans les aliments. Je n’étaispas opposée au nucléaire. Je faisais confiance aux autorités de l’Etat jusqu’à ce qu’elles dénient lepassage du nuage.J’ai eu l’idée de créer avec d’autres personnes un laboratoire indépendant de mesure deradioactivité, la CRIIRAD, qui est financée par 5 000 adhérents et qui réalise des contrats pour lemonde entier. Les premières expertises ont été réalisées après Tchernobyl. Le professeur Pellerinaffirmait qu’il n’y avait pas de radioactivité dans le thym. Il a fallu faire venir un huissier et obligerl’Etat à publier nos résultats pour prouver le contraire. En Corse, les taux de radioactivité admis ontété dépassés, ce qui a entraîné 25 ans plus tard une explosion des cancers de la thyroïde. Nousavons porté plainte avec la CRIIRAD. Une juge a mené une enquête et a fait des perquisitions auCEA, à EDF et dans les ministères, et a trouvé des documents confidentiels concernant le taux deradioactivité dans le lait. En Corse, ce taux était particulièrement élevé. Or, en raison de ladésinformation publique, les Corses ont continué à le consommer. Le professeur Pellerin a été misen examen. L’avocat et le procureur ont demandé un non-lieu. L’instruction a finalement étéclôturée sans poursuites. Une société qui ne permet pas la justice et le débat ne correspond pas àmon idée de la démocratie. Or, dans le domaine du nucléaire, les choses n’ont pas beaucoup changédepuis 25 ans.De 1986 à 2011, la CRIIRAD n’avait pas accès à l’information. Elle a réalisé des études près dessites nucléaires. L’Institut de sûreté nucléaire, qui réalisait des études sur les sédiments en amont, etnon en aval, affirmait qu’il n’y avait aucun rejet sur le site de Marcoule. Nos études démontraient lecontraire. La concurrence scientifique de la CRIIRAD a poussé les organismes de l’Etat à être plusperformants.L’accident de Tchernobyl a été expliqué par l’absence d’enceintes de confinement autour de lacentrale. J’ai constaté à Ivankov, ville située à 30 kilomètres de Tchernobyl, l’ampleur du génocidehumain. Les hôpitaux étaient dans un état moribond, ne pouvant faire face à l’explosion descancers. 80 % des enfants souffraient d’un système immunitaire déficient. Faute de moyens, leshabitants de la zone continuaient à cultiver sur le terrain contaminé. Nous avons donc décidé demettre en place avec Youri Bandajevsky un Centre écologique de santé pour informer lespopulations et les aider à faire face à la situation d’un point de vue sanitaire et social.5